Quand l’école de Jules Ferry est-elle morte ?
When did the primary school founded by Jules Ferry end?
p. 357-370
Résumé
To ask this question is a way of defining the school itself. This paper presents evidence of three kinds suggesting that the primary school founded by Jules Ferry ended only during the 1960’s and which permits us to particularise some of its characteristics. First, it was the only school available to children from the popular classes ; since the educational reforms of 1959 and 1963 children pass from the elementary school to another school – a form of comprehensive school – and not to factories and offices. Second, the organisational structure of the primary school was entirely reframed between 1962 and 1970 ; whereas boys and girls were segregated they are now together but there is a more rigid distinction than before in terms of age, only those from 6 to 11 being accepted in primary schools to-day and all leaving at 12. Third, from a pedagogical point of view the French primary school was little changed between 1880 and 1960, neither programmes nor methods were reoriented. But during the 1960’s some major reforms supervened : the suppression of exercises outside the school, at home ; the tiers-temps (third of time), a new schedule of school time ; new programmes for French and mathematics ; new approaches to history and the natural sciences (’disciplines d’éveil)
These reforms profoundly altered the pattern of the Jules Ferry primary school so that it is possible to speak of its end. But the institutional structure, the inspectorate, remained untouched.
Texte intégral
1 Les anniversaires invitent à réfléchir sur l’œuvre du temps. Le centenaire des lois Ferry n’échappe pas à la règle, occasion privilégiée de s’interroger sur leur destin : qu’en reste-t-il aujourd’hui ? Et si, comme ces brèves remarques tentent de l’établir, des ruptures majeures nous séparent de cette époque, les analyser avec précision devrait permettre peut-être d’éclairer d’un jour nouveau ce qu’était l’école primaire républicaine, aujourd’hui disparue. L’oraison funèbre serait ici manière de définition.
I – La seule école du peuple
2Pour les républicains positivistes comme Jules Ferry, l’école primaire gratuite, obligatoire et laïque était d’abord l’école du peuple. Au singulier, mais dans un double sens : pour eux, en effet, il n’y avait d’école autre ni à côté, ni par la suite.
1 – L’école laïque
3Les républicains avaient une claire conscience des profondes divisions de la nation. L’une des fonctions du patriotisme de l’école primaire était d’ailleurs de concourir à l’unification des esprits. Mais il n’était pas question pour eux de laisser la « surintendance des écoles »1 aux adversaires des principes de 1789. De ce point de vue, la laïcité n’était pas une neutralité, mais une façon de prendre parti entre deux conceptions de l’État et de l’existence privée. C’était un choix de société.
4Assurément, Jules Ferry ne défendait pas le monopole ; il laissait subsister des écoles privées. Mais cette concession nécessaire aux réalités du moment ne le conduit pas à refuser par exemple la laïcisation du personnel des écoles publiques (loi organique du 30 octobre 1886), contraire pourtant au principe républicain de l’égal accès de tous les citoyens aux emplois publics. Comme la plupart de ses contemporains, catholiques compris, il pensait que les écoles privées s’éteindraient progressivement, dès lors qu’elles ne recevraient pas de subventions.
5Sur ce point, l’évolution est bien connue. Les ruptures décisives avec la laïcité datent moins de Vichy, qui justifie les subventions aux écoles privées par les circonstances exceptionnelles et les inscrit au budget du ministère de l’intérieur (loi du 2 novembre 1941), que de 1951 (loi Barangé, 28 septembre), et surtout de 1959 (loi Debré, 31 décembre). Sans doute le catholicisme ne menace-t-il plus l’unité de la nation ; un consensus réel entoure les principes républicains, et notre société est traversée bien davantage par des conflits d’intérêt, des antagonismes de classe, que par des débats idéologiques. Il n’empéche : avec le pluralisme qu’institue la loi Debré, et des écoles privées qui remplissent une fonction de service public, bénéficient de fonds publics, mais conservent leur caractère propre, on est aux antipodes du juridisme laïque des fondateurs de l’école républicaine.
2 – École primaire ou premier degré ?
6Seule école, parce que destinée à forger l’unité idéologique de la nation, l’école primaire de Jules Ferry n’était pourtant pas l’école de tous. Une autre école existait, qui demeure payante quand celle-là devient gratuite, et qui accueille les enfants des classes supérieures de la société : l’enseignement secondaire. Jules Ferry hérite de cette situation, mais il ne la modifie pas. Il laisse subsister les petites classes des lycées ; il les consolide même, en créant un certificat d’aptitude spécial pour recruter leurs maîtres (décret du 8 janvier 1881). Certes, il repousse en sixième les débuts du latin (plan d’études du 2 août 1880), mais cette réforme n’ouvre guère l’enseignement secondaire aux enfants du peuple : à dix ou onze ans, ils songent d’autant moins à quitter l’école primaire pour le lycée qu’ils n’ont pu encore passer leur certificat d’études primaires, ouvert au plus tôt aux élèves de douze ans (arrêté du 16 juin 1880).
7L’enseignement primaire ne constitue donc pas un premier niveau d’enseignement, par lequel tous les enfants passeraient. C’est un enseignement autonome, qui débouche sur la vie active, et Jules Ferry se préoccupe d’ailleurs d’aménager ce débouché en développant les écoles primaires supérieures et les écoles manuelles d’apprentissage (arrêté du 15 janvier 1881, loi du 11 décembre 1880 et décret du 31 juillet 1881). D’où l’extrême ambition des programmes de l’école primaire : il s’agit d’armer les enfants du peuple pour la vie entière. Ce qu’ils n’auraient pas appris à l’école primaire, ils ne l’apprendraient jamais.
8Cette conception a longtemps survécu. Elle est violemment critiquée au lendemain de la Première Guerre mondiale par les Compagnons de l’Université nouvelle, qui lancent le thème de l’école unique. Mais, si diverses mesures2 entreprennent d’intégrer les petites classes des lycées aux écoles primaires, non sans résistance, rien n’est fait pour les supprimer. Quand l’enseignement secondaire tout entier devient gratuit3, elles subsistent, payantes, c’est-à-dire plus que jamais réservées à une élite, et elles fournissent aux classes de sixième près de la moitié de leur effectif.
9Jean Zay lui-même n’a pas sur ce point de doctrine assurée. Sans doute conçoit-il l’articulation de tout l’enseignement en trois « degrés » successifs : c’est le sens du rattachement des petites classes des lycées à la direction de l’enseignement du premier degré, et de celle des écoles primaires supérieures au second degré (décret du 1er juin 1937). Sans doute aménage-t-il un strict parallélisme entre le premier cycle des lycées et les écoles primaires supérieures (arrêtés du 11 avril 1938). Mais il s’agit de passerelles, destinées au petit nombre. Pour la masse des enfants du peuple, l’école primaire reste la seule école, et c’est ce qui justifie l’allongement d’une année de la scolarité obligatoire (loi du 9 août 1936). Les instructions du 20 septembre 1938 qui définissent la classe de fin d’études primaires, résultat de cette prolongation, sont d’ailleurs explicites :
Cette classe ne saurait à aucun degré être considérée comme un refuge pour les enfants incapables de faire autre chose. Elle recevra beaucoup d’excellents éléments qui, pour des raisons variées, ne chercheront pas leur place dans le second degré ni même dans l’enseignement complémentaire. La classe finale de la scolarité est faite pour le grand nombre, et dans ce grand nombre, il se trouve une quantité de sujets d’une très bonne qualité intellectuelle.
10La rupture décisive intervient avec la Ve République. La réforme Berthoin (décret du 6 janvier 1959) organise, à la fin de l’école primaire ou au début des études secondaires (sixième-cinquième), un cycle d’observation de deux ans. Si cette réforme avait réussi, on se serait orienté vers une architecture scolaire à deux niveaux : un niveau primaire, avec une école de sept ans, de six ans d’âge à quatorze environ, et un niveau secondaire, allant de la quatrième à la fin du second cycle. C’est d’ailleurs dans ce schéma que s’inscrit très exactement l’enseignement agricole, restructuré par la loi du 2 avril 1960. Mais le cycle d’observation restait partie intégrante des établissements où il était implanté : écoles primaires, collèges d’enseignement général (CEG), lycées, si bien que l’orientation ne s’effectuait guère. De plus, elle aurait dû intervenir à un âge trop précoce – quatorze ans – pour paraître juste. D’où la réforme Fouchet (décret du 3 août 1963), qui met en place un cycle d’observation et d’orientation de quatre années, et l’implante dans des établissements distincts, CEG ou collèges d’enseignement secondaire (CES). Progressivement et difficilement, les premiers cycles se détachent des lycées pour devenir autonomes. L’emporte alors une architecture à trois niveaux : écoles, collèges, lycées. La réforme Haby (loi du 11 juillet 1975) la consacre.
11Cette évolution entraîne le repli progressif des écoles primaires sur la tranche d’âge des six à onze ans. Les classes de fin d’études sont progressivement, mais rapidement supprimées : entre 1963 et 1968, elles perdent la moitié de leur effectif, pour disparaître pratiquement cinq ans plus tard (voir tableau 1). Simultanément, l’entrée en sixième vide systématiquement les écoles primaires de leurs grands élèves. Elles comptaient près d’un million de garçons et filles de douze ans et plus au moment de la réforme Fouchet ; dix ans plus tard, ils sont moins de 100000, des redoublants du CM2 pour la plupart. L’école primaire a cessé d’être une école dont on sort pour entrer au travail : pour tous les enfants, elle débouche désormais sur une autre école, le collège.
Tableau 1 – Classes de fin d’études et élèves de plus de onze ans (1958-1976)

(a) Écoles primaires publiques seules.
Source : Tableaux de l’éducation nationale, Paris 1969 et 1979.
II – Les écoles et les maitres
1 – Le réseau scolaire
12Cette transformation s’accompagne d’un profond remodelage du réseau d’écoles. Au XIXe siècle, le réseau d’écoles primaires présentait deux caractères, d’ailleurs liés : la ségrégation des sexes et la confusion des âges. La règle était de distinguer les filles des garçons, et de les accueillir dans des écoles distinctes. Elle ne connaissait d’exception que dans les plus petits villages, où, faute d’effectifs suffisants, il fallait bien se résigner à ce que l’école soit mixte. C’était alors une école à classe unique, généralement tenue par une institutrice. Simultanément, la distinction des âges restait floue. La loi Guizot avait prévu trois cours successifs, mais elle n’avait guère été appliquée sur ce point. Gréard impose dans la Seine en 1868 l’organisation de trois cours distincts : élémentaire, moyen et supérieur, et Jules Simon conseille ce système à tous les inspecteurs d’académie, mais c’est Jules Ferry qui le codifie et l’érige en règle générale (arrêté du 27 juillet 1882). Encore cela ne faisait-il que trois subdivisions, pour sept ou huit années d’études. On était encore loin de l’idée qu’il fût souhaitable de changer de classe chaque année.
Tableau 2 – Le réseau d’écoles primaires publiques (1881-1980)

(a) Classes élémentaires seules, enseignement spécial exclu.
Sources : Annuaires statistiques de l’INSEE et publications du ministère de l’Éducation nationale. La statistique des écoles mixtes et des écoles de filles ou de garçons n’est pas publiée à partir de 1972-73.
13L’évolution se produit au cours des trente dernières années, sous l’influence d’une urbanisation rapide qui oblige à fermer des écoles de campagne, aux effectifs devenus squelettiques, cependant qu’on construit de nouveaux groupes scolaires dans les banlieues bouleversées par les grands ensembles. Du coup, la mixité s’impose. A la rentrée de 1962, puis à celle de 1963 – la coïncidence avec la réforme Fouchet vaut d’être notée – on transforme des écoles de filles ou de garçons en écoles mixtes à plusieurs classes. En deux ans, la moitié des écoles de filles ou de garçons disparaissent, tandis que plus de 15000 écoles à plusieurs classes deviennent mixtes (voir tableau 2). L’évolution ainsi massivement engagée se poursuit progressivement. Elle s’achève à l’initiative des recteurs, qui reçoivent le pouvoir de décision en ce domaine par une circulaire du 17 juin 1969 dont le texte vaut d’être cité :
Si, en matière de mixité, l’arbitrage de l’administration centrale avait longtemps semblé nécessaire, il apparaît aujourd’hui, du fait de l’évolution des conceptions sociales, que dans la plupart des cas, les familles ne s’alarment plus de voir admettre garçons et filles sur les mêmes bancs d’écoles. Sauf rares exceptions, la gémination ne semble guère rencontrer non plus d’opposition dans les assemblées élues et le personnel enseignant (...). La délégation de pouvoirs qui vous est donnée devrait en conséquence vous mettre en mesure d’accélérer l’extension de la gémination partout où elle présente des avantages certains sur le plan pédagogique.
14L’avantage pédagogique, qu’évoque ce texte, c’est une plus grande subdivision des écoles primaires selon les âges. La classe unique d’autrefois, ou l’école à deux ou trois cours, cèdent la place le plus souvent possible à des écoles où chaque année scolaire s’effectue dans une classe différente. L’urbanisation du territoire ne permet pas encore d’appliquer partout ce principe, mais il s’agit bien, désormais, d’un principe, comme en témoigne la circulaire du 15 juin 1965 sur les normes de construction applicables aux écoles primaires :
En zone urbaine, l’école primaire de base ne saurait être inférieure à cinq classes normales, correspondant chacune à une tranche d’âge.
15Qu’il entre progressivement dans les faits, le tableau 2 en témoigne, où l’on voit diminuer d’un bon tiers le nombre d’écoles, tandis que celui des classes reste stable. Les écoles de 1958 comptaient en moyenne 2,2 classes chacune ; celles de 1975 en comptent 3,4. L’école primaire actuelle se structure de façon très différente de celle de Ferry : il y a un siècle, on mélangeait les âges mais séparait les sexes ; aujourd’hui, on mélange les sexes, mais on distingue soigneusement les âges. Cette substitution donne au problème des redoublements toute son acuité : rien d’étonnant si l’on commence alors, mais alors seulement, à l’étudier4.
2 – Le personnel
16Cette évolution n’affecte pas l’organisation administrative de l’enseignement primaire. Pour l’essentiel, il reste sous l’autorité des mêmes inspecteurs, et qu’on les nomme « départementaux » au lieu de « primaires » (décret du 4 juillet 1972) ne signifie nullement qu’ils obtiennent pleine compétence dans leur circons cription : le technique et le second degré restent en dehors de leurs attributions, et ils partagent le premier cycle avec les inspecteurs pédagogiques régionaux. L’unification du système scolaire n’a pas encore produit ce qui semblerait sa suite logique : l’unification de l’administration.
17Sur d’autres points, en revanche, des changements sont intervenus, notamment en ce qui concerne la formation des instituteurs. Pour Jules Ferry, l’appareil d’encadrement et de formation des instituteurs revêtait une importance primor diale, et il l’avait soigneusement revu. La loi du 9 août 1879 renouvelle l’obli gation faite aux départements d’entretenir une école normale de garçons, et il y ajoute celle d’ouvrir une école normale de filles. Le décret et l’arrêté du 5 juin 1880 renforcent le concours de recrutement des inspecteurs primaires et directeurs d’écoles normales, tandis qu’un autre décret, du même jour, codifie de façon plus exigeante que par le passé le concours de recrutement des profes seurs d’écoles normales. Les conditions de recrutement et de scolarité des écoles normales, comme leur administration et leur plan d’études font enfin l’objet de plusieurs mesures en 1881 (décret du 29 juillet, arrêté du 3 août, circulaire du 12 août). Bref, les écoles normales prennent alors leur forme achevée : il semblait indispensable de former les futurs instituteurs dans des lieux spécifiques, par l’intermédiaire de professeurs spéciaux.
18Au vrai, les conditions de moment ne laissaient guère d’autre choix. L’enseignement supérieur littéraire et scientifique naissait à peine. Quant à l’enseignement secondaire, ses objectifs ne correspondaient nullement aux besoins des futurs instituteurs. Pour leur donner une formation appropriée, il fallait la créer de toutes pièces, et le brevet simple, qui la sanctionne, constitue à l’époque un diplôme rare et prestigieux.
19Plusieurs fois remaniées, les écoles normales donnaient satisfaction. L’ébranlement vint de l’extérieur, et d’abord de l’élévation des niveaux de formation des professions voisines. Jugé trop mince, le brevet élémentaire fut remplacé par le brevet supérieur en 1932 (loi du 30 décembre). C’était encore insuffisant : Jean Zay songeait au baccalauréat. Vichy l’impose, pour supprimer les écoles normales, ces « séminaires laïques » dont il combattait l’idéologie. Après leur baccalauréat, les instituteurs suivraient une année de formation professionnelle dans des instituts remplaçant les écoles normales.
20La Libération rétablit les écoles normales, mais l’exigence du baccalauréat était irréversible. La scolarité des normaliens s’articule donc en deux phases : après le concours de recrutement (fin de troisième), trois années de préparation au baccalauréat, suivies d’une année de formation professionnelle. L’essentiel de la scolarité était donc consacré à des études secondaires : fort logiquement, on la confia à des professeurs du secondaire comme les autres ; seule l’année de formation professionnelle était spécifique. Du coup, quand la croissance démographique crée des besoins de recrutement supplémentaires, on ouvre un second concours, destiné aux bacheliers.
21Cependant, les instituteurs étaient de plus en plus attirés par les cours complémentaires, que la réforme Berthoin transforme en CEG. Les élèves étaient plus âgés, l’enseignement plus ambitieux, et mieux considéré. Or la formation des instituteurs était bien légère pour leur permettre d’enseigner de la sixième à la troisième, fût-ce dans des sections « moderne court ». Comme le temps pressait, on choisit non d’améliorer la formation de tous les instituteurs, mais de ceux-là seuls qui enseigneraient en CEG : c’est la création du CAPCEG et de centres pour le préparer (décrets du 21 octobre 1960). Le corps des instituteurs risquait donc d’éclater, ce qui se produit en 1969, avec la création des professeurs de CEG, corps académique nouveau (décret du 30 mai 1969). Les professeurs d’enseignement général de collège (PEGC) sont formés en trois ans. La formation des instituteurs est alors portée à deux ans (circulaire du 6 juin 1969) ; les classes secondaires des écoles normales ferment progressivement, les normaliens allant suivre les cours d’un lycée. En 1979 enfin, l’arrêté du 25 juin porte à trois années la formation des instituteurs : une année probatoire est suivie de la préparation d’un diplôme d’études universitaires générales (DEUG) spécifique.
22On le voit, les modifications décisives sont tardives : elles interviennent à partir de 1960. Mais elles laissent intacte la définition de l’instituteur, qui reste un maître polyvalent, seul pour assurer la totalité des enseignements dans une classe donnée. A tout prendre, les classes et les élèves ont plus changé que les maîtres. Qu’en est-il de l’enseignement ?
III – Les pratiques pédagogiques
1 – La continuité officielle
23A première vue, les programmes, horaires et méthodes de l’enseignement primaire n’ont guère évolué depuis Jules Ferry et Ferdinand Buisson. Certes, l’œuvre de ceux-ci fut considérable ; mais les instructions du 18 janvier 1887 qui l’achèvent ont longtemps constitué une véritable charte de l’enseignement primaire. Paul Lapie les remanie en 1923, et ses instructions du 23 février substituent aux programmes concentriques de 1887 des programmes progressifs, où chaque cours ne se contente pas de reprendre le programme du précédent, mais lui ajoute des développements supplémentaires. Puis tout se passe comme si ces textes fondateurs étaient définitifs. La doctrine qu’ils définissent reste pleinement valable, et Jacqueline Chobaux a souligné cette continuité5 : les instructions du 20 septembre 1938 ne concernent que le cours supérieur et la classe de fin d’études, celles du 7 décembre 1945 portent sur quatre matières ; toutes proclament à l’envi l’excellence des textes de 1887 et 1923, et minimisent les modifications qu’elles leur apportent.
24La stabilité massive de la pédagogie primaire surprend. Elle s’inspire en effet d’une psychologie que les travaux de Piaget, Piéron, Wallon et quelques autres ont totalement renouvelée. Et pourtant, l’évolution des conceptions psychologiques n’a pas eu de prise sur la façon de concevoir l’enseignement élémentaire.
25C’est qu’il se définit comme un ensemble parfaitement cohérent de pratiques, au service d’une ambition extrême. L’objectif, on l’a vu, est celui de l’école du peuple : armer les enfants du peuple pour leur vie entière, en leur apprenant tout ce qu’il n’est pas permis d’ignorer... C’est beaucoup ; plus, sans doute, que n’en peuvent assimiler les élèves, vu leur âge, et le temps qu’ils passent à l’école. Seule d’ailleurs une moitié de chaque génération accédait au certificat d’études à l’époque où l’enseignement primaire passe pour avoir le mieux fonctionné, dans les années 19306.
26Pour tenter malgré tout d’atteindre l’objectif qui leur était assigné, les instituteurs et les inspecteurs primaires ont mis au point un ensemble cohérent de pratiques, qui se renforcent et se complètent les unes les autres et finissent par constituer un tout impossible à réformer par bribes. Ces dispositifs pédagogiques ingénieux et interdépendants présentent en outre le caractère d’être matériellement contrôlables, en sorte que l’inspection peut veiller à leur respect. Les éléments majeurs en sont l’emploi du temps, affiché dans la classe, avec ses séquences de vingt minutes ou d’une demie-heure ; les progressions, qui rangent les connaissances à enseigner suivant une suite logique, ou du moins ordonnée ; les divers cahiers, qui, à leur tour, permettent de suivre l’agencement des devoirs et des leçons. « Les cahiers sont bien tenus », notera l’inspecteur7, accordant par là même un satisfecit global au maître pour l’ensemble de son activité.
27Un tel ensemble de pratiques n’empêche pas les contenus enseignés d’évoluer. On peut substituer tel élément du programme à tel autre, pourvu qu’il se prête aux exercices et devoirs habituels, dans les séquences chronologiques coutumières. De ce point de vue, même des réformes aussi considérables que l’introduction des mathématiques modernes (arrêté et instruction du 2 janvier 1970) sont finalement assez vite assimilées sans même que les instituteurs reçoivent de formation destinée à leur en faciliter la maîtrise. Au début, ils se contentent de quelques exercices nouveaux, puis ils s’enhardissent, et la réforme entre dans les mœurs. Les mathématiciens peuvent hésiter à reconnaître dans ce qui s’enseigne dans les classes ce qu’ils voulaient y introduire : l’équilibre global de la pédagogie primaire n’en est pas affecté.
28Il en va tout autrement avec un second type de réformes, qui remettent précisément en question l’économie globale de la pédagogie primaire. En ce qui concerne par exemple le projet de rénovation de l’enseignement du français, issu des travaux de la commission Rouchette, il ne s’agissait pas seulement de substituer un contenu grammatical à un autre. Le projet bouleversait des pratiques comme la dictée ou l’analyse grammaticale ; il proposait des exercices radicalement différents, dont aucun cahier ne pouvait conserver la trace, puisqu’il accordait la priorité à l’expression orale. C’était une remise en question beaucoup plus dangereuse qu’un changement de contenu, et qui touchait à la figure même du maître : d’où un débat tumultueux, des passions déchaînées, et, pour finir, un compromis boiteux8.
29Or ce sont les modifications de ce type qui peuvent entraîner la disparition des pratiques pédagogiques codifiées à l’époque de Jules Ferry. Et il faut attendre les années soixante pour que s’esquisse semblable menace.
2 – L’esquisse d’une transformation des pratiques pédagogiques
30Les tentatives, pourtant, n’avaient pas manqué, dans les années qui précèdent la Seconde Guerre mondiale notamment. Mais elles étaient restées marginales, soit qu’elles fussent l’œuvre d’instituteurs marginaux, et parfois écartés de l’école publique, comme Célestin Freinet, soit qu’elles aient concerné des zones marginales de l’école élémentaire, comme la classe-promenade, pour les élèves de fin d’études.
31Autour de 1960 apparaissent deux facteurs nouveaux, qui rendent possible, sinon souhaitable, une transformation plus centrale de l’enseignement primaire. Le premier est une conséquence des réformes Berthoin et Fouchet. La prolongation de la scolarité jusqu’à seize ans (ordonnance du 6 janvier 1959), la généralisation du collège et sa séparation d’avec l’école primaire modifient en effet radicalement la mission de celle-ci. Elle n’a plus la charge exclusive de préparer ses élèves à la vie ; elle se contente de les conduire jusqu’à la sixième. Dès lors, l’ambition des fondateurs peut être réduite, et la mission de l’école primaire devient moins accablante : ce qu’elle n’apprend pas à ses élèves, ils peuvent l’apprendre plus tard, au collège.
32Le second facteur est extérieur à l’école : c’est la transformation des mœurs. L’éducation familiale se fait plus libérale, plus permissive. Cela ne va pas sans hésitations, contradictions, raidissements soudains ; mais, dans l’ensemble, prévaut un nouveau style de relations entre parents et enfants, qui fait paraître bien austère la discipline de l’école. Les rangs deviennent moins stricts, puis disparaissent ; les bras se décroisent ; les tabliers se font plus gais ou restent aux porte-manteaux. La pédagogie primaire est critiquée : trop rigide, elle laisse peu de place à la spontanéité de l’enfant, à son désir d’activité, de mouvement. Significatif de ce courant, que cautionnent de leur autorité des médecins et des psychologues, le mouvement Défense de la jeunesse scolaire, qui se fonde en 1963. Jamais encore on n’avait reproché à l’école primaire d’attaquer les enfants. Qu’est-ce que cette école, contre laquelle il faut les défendre ?
33Premier épisode de cette contestation qui menace l’équilibre ingénieux de la pédagogie primaire : la suppression des devoirs à la maison. Elle est édictée, et de façon impérative, par une circulaire du 23 novembre 1956, suivie d’une instruction du 29 décembre. Mais, faute d’un allègement simultané des programmes, elle reste lettre morte : comment les instituteurs auraient-ils pu enseigner à leurs élèves, sans devoirs, les mêmes programmes, alors qu’avec des devoirs, plus de la moitié d’entre eux devaient redoubler au moins une classe ? Au demeurant, les familles appréciaient des exercices qui occupaient les enfants à la maison et qui rassuraient par leur caractère familier. En dépit des protestations de Défense de la jeunesse scolaire, les devoirs à la maison résistèrent donc aux textes qui décrétaient leur suppression.
34L’idée d’une réforme était pourtant dans l’air. Par comparaison avec les maternelles, qui connaissent alors un développement spectaculaire, les classes primaires semblent moroses et peu éducatives. L’on imagine donc, pour secouer le carcan scolaire, le tiers-temps pédagogique, dont l’expérimentation débute en 1964. Il s’agit de diviser approximativement le temps d’école en trois parties : l’une pour les matières de base, français et calcul, l’autre pour des « disciplines d’éveil », et la troisième pour l’éducation physique. L’enjeu n’était donc pas seulement d’accorder enfin une attention sérieuse au développement du corps, mais d’aborder d’une façon radicalement nouvelle des disciplines comme les sciences ou l’histoire-géographie. Au lieu d’inculquer aux élèves des connaissances qu’on leur demanderait ensuite de réciter, on-Voulait éveiller leur esprit, piquer leur curiosité, susciter leur activité. De cette démarche moins contrainte, on attendait un épanouissement personnel et une formation à l’observation et à la réflexion, au lieu d’une culture de la mémoire.
35Les événements de 1968 font aboutir ces projets novateurs. Le tiers-temps est étendu à toutes les classes. L’arrêté du 7 août 1969 donne à l’enseignement primaire de nouveaux horaires : 27 heures par semaine, au lieu de 30, divisées en trois groupes au sein desquels les anciennes subdivisions (lecture, écriture, grammaire, etc.) disparaissent. Dix heures de français, cinq de mathématiques, six pour l’éducation physique, et six pour les disciplines d’éveil. C’était bien le tiers-temps. L’instruction du 6 janvier 1969 précise l’esprit nouveau qui régit désormais l’enseignement : les compositions et les classements sont déconseillés, et l’on recommande une notation en cinq ou six lettres, plus globale, qui rend difficile le calcul des moyennes.
36Cette réforme fut bientôt contestée. Pour une part, la critique était technique, et d’ailleurs prématurée : il aurait fallu plusieurs années d’efforts persévérants pour remplacer l’ancienne pédagogie primaire, qui avait demandé quelques décennies de mise au point. Faire par exemple des disciplines d’éveil une réussite conforme aux intentions exigeait du temps. On ne le prit guère en raison des enjeux politiques au sens large qu’impliquait ce projet. Globalement, le courant réformateur qui aboutit aux mesures de 1969 visait à ouvrir un plus large champ à l’initiative des élèves ; il voulait libérer, affranchir, émanciper les élèves, et ce, dans l’immédiat, pas seulement dans un avenir plus ou moins heureux, auquel l’école aurait contribué. Or les événements de mai avaient justement provoqué dans toute une partie de la nation une peur confuse, dont la traduction était une volonté de remise en ordre, de remise au pas : il fallait faire rentrer dans le rang tous ces jeunes turbulents. La valorisation de l’orthographe, de la dictée, de la mémorisation de dates d’histoire n’est pas seulement le contre-coup de l’insuccès, d’ailleurs trop tôt décrété, des méthodes nouvelles ; c’est aussi une manière de procéder à l’apprentissage de l’obéissance et de la soumission. A partir de 1975, ce courant l’emporte, et il conduit à de nouveaux programmes, en repli sur ceux de 1969.
*
37Au terme de cette étude, le parallélisme des chronologies apparaît clairement : 1963, le début d’une école qui se replie sur sa tranche d’âge, le début de la gémination systématique ; 1965, la règle des écoles à cinq classes : en quelques années, le réseau scolaire abandonne sa structure du XIXe siècle pour la structure actuelle. 1969 voit l’éclatement du corps des instituteurs en deux, avec la création des PEGC, mais c’est aussi la formation en école normale portée à deux ans, bientôt la fermeture des classes de préparation au baccalauréat, et, sur le plan pédagogique, les réformes les plus audacieuses. En quelques années, l’école de Jules Ferry s’efface.
38On ne voit pas pourtant s’annoncer avec précision un nouveau type d’école : celle du XIXe est morte, mais celle du XXIe siècle se cherche encore. La raison en est, semble-t-il, une hésitation entre deux modèles de fonctionnement.
39Le modèle ancien de l’école de Jules Ferry était familial, paternel. L’instituteur gouvernait sa classe comme le père sa famille, et d’ailleurs c’est le père de famille que Jules Ferry cite comme référence aux instituteurs, dans la célèbre lettre du 17 novembre 1883, qui constitue son testament de ministre de l’Instruction publique. Autorité débonnaire, procédant par familiarité parfois un peu brusque, souvent affectueuse ; acceptation des difficultés de fonctionnement liées au nombre, aux différences d’âges et de niveau, aux absences ; recours à l’entraide entre élèves, les grands aidant les petits : plus d’un trait dans cette école renvoie à la famille, et propose de l’instituteur une image paternelle.
40Ce modèle paternel est aujourd’hui récusé, à la fois parce qu’il n’a plus cours au sein même des familles, et parce que son paternalisme convient mal aux instituteurs et institutrices actuels. Les enfants ne l’attendent pas, et les maîtres n’en veulent plus : rien d’étonnant qu’il disparaisse. Mais on hésite encore, pour le remplacer, entre deux modèles.
41Le premier est le modèle qu’on peut appeler professionnel. Il fait de l’instituteur un expert, insiste sur sa compétence, à la fois au niveau des savoirs et des techniques pédagogiques. Ce modèle limite l’investissement affectif dans la classe, pour insister sur la technicité de l’acte pédagogique. Il se répand dans l’enseignement primaire à l’exemple du secondaire, qui l’imite lui-même du supérieur. A certains égards, il inspire la division rigoureuse des classes, année après année, comme l’allongement de la formation des instituteurs. Il n’a pourtant pas encore triomphé, car il bute sur l’obstacle majeur de la polyvalence des maîtres.
42Un second modèle se répand, sous l’influence notamment des mouvements pédagogiques : celui de l’animateur. Développé dans les activités extra-scolaires ou les colonies de vacances par des groupes tels que les Centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active (CEMEA), il laisse une large place à l’initiative de l’élève et donne au maître une fonction de conseil, d’aide, de guide, dans une certaine chaleur affective, mais dépouillée du paternalisme du modèle ancien. C’est le modèle auquel se réfère implicitement le courant réformateur des années soixante. Mais il ne prend forme véritable que là où les connaissances à acquérir passent un peu au second plan, dans l’enseignement spécial par exemple. Dans les classes normales, il vient buter sur des programmes encore lourds, et sur les réticences des familles.
43Entre le modèle professionnel et le modèle de l’animateur, l’enseignement primaire actuel hésite et balance, et il n’est pas sûr qu’il choisisse. Là résident, en tout cas, les incertitudes du moment présent.
Notes de bas de page
1 « Il nous importe en effet grandement, et il importe à la sécurité de l’avenir, que la surintendance des écoles et la déclaration des doctrines qui s’y enseignent n’appartiennent pas aux prélats qui ont déclaré que la Révolution française est un déicide, qui ont proclamé, comme l’éminent prélat que j’ai l’honneur d’avoir devant moi l’a fait à Nantes devant le tombeau de La Moricière, que les principes de 89 sont la négation du péché originel (Hilarité bruyante et prolongée à gauche et au centre) ». Jules Ferry, Débat du 13 décembre 1880, Chambre des députés, Journal officiel, p. 12 793.
2 Le décret du 12 septembre 1925 confie les petites classes des lycées à des instituteurs, au fur et à mesure des vacances ; l’arrêté du 11 février 1926 leur donne pour programme ceux des écoles primaires ; la circulaire du 5 décembre 1932 confie aux inspecteurs primaires l’inspection de ces classes. Elle fut d’ailleurs annulée par le Conseil d’État. Il faut attendre l’ordonnance du 3 mars 1945, pour voir décrétée la suppression de ces petites classes. Mesure purement théorique, puisqu’elles s’éteignent seulement au milieu des années soixante. La statistique les perd de vue à partir de 1963-64.
3 La loi de finances du 16 avril 1930 rend gratuites les classes de 6e à la rentrée suivante. La gratuité est ensuite étendue à la 5e, puis à la 4e, puis à toutes les classes secondaires (loi de finances du 11 avril 1933), mais non aux classes préparatoires aux grandes écoles, ni aux classes primaires.
4 A ma connaissance, la première année pour laquelle on dispose de statistiques donnant l’âge des enfants pour chaque classe primaire (CP, CE1, etc.) est 1956-57. La première étude sur les redoublements est faite par le service statistique du ministère, et publiée dans le n° 9 d’Études et Documents (1968). Le premier article dans une revue scientifique est de Daniel Blot, « Les Redoublements dans l’enseignement primaire en France de 1960 à 1966 », Population, 1969, n° 4, pp. 685-709. On notera également que l’attention nouvelle portée à l’adéquation de l’âge des élèves et de la classe fait apparaître un plus grand nombre d’enfants « anormaux » que par le passé : d’où la restructuration de l’enseignement spécial (1963), et son rapide développement.
5 J. Chobaux, « Un système de normes pédagogiques. Les instructions officielles dans l’enseignement élémentaire français ». Revue française de sociologie, numéro spécial 1967, pp. 34-56.
6 345500 certificats d’études délivrés en 1936, pour 700000 adolescents de 13 ans. INSEE, Annuaire statistique rétrospectif, Paris 1966, p. 136.
7 J. Voluzan, L’École primaire jugée, Paris 1974, analyse le contenu de rapports d’inspecteurs primaires de la Seine, entre 1950 et 1970.
8 V. Isambert-Jamati, La Réforme de l’enseignement du français à l’école élémentaire, Paris 1977 (rapport dactylographié d’une ATP du CNRS) fait le point sur cette question. Voir le texte non expurgé par le ministère : « Plan de rénovation du français à l’école élémentaire », L’Enseignement public, février 1971.
Auteur
Université de Paris-I (France)
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