La participation de la société civile au financement de l’éducation : le cas du Mozambique
p. 73-82
Texte intégral
1Au Mozambique, l’obligation faite aux parents d’envoyer leurs enfants à l’école se double d’une série d’autres obligations dont le caractère est plutôt du ressort de la contrainte que de la participation. Certes, dans l’enthousiasme de l’accès à l’indépendance, le droit à l’éducation et à la formation pour tous réclamait un effort exceptionnel et un consensus de toutes les couches sociales qui appelaient à une convergence des efforts et des contributions. Qu’en est-il aujourd’hui ? Après avoir présenté schématiquement comment on peut appréhender le financement de l’enseignement dans un pays donné et fournir quelques exemples pris en France, on examinera la situation concrète du Mozambique ces dernières années, en particulier dans le cadre des mesures d’ajustement structurel adoptées et du P.R.E.1, Programme de Redressement Economique.
2Tout responsable national de l’enseignement a besoin de connaître la charge financière supportée par les différents agents économiques de son pays pour être en mesure d’une part de mesurer la plus ou moins grande importance de l’effort consenti, d’autre part d’apprécier la pertinence de l’utilisation des ressources mobilisées, par ailleurs d’intervenir selon les objectifs de sa politique éducative sur le processus de fonctionnement existant.
3Dans les faits, il n’est pas simple pour les administrateurs et gestionnaires de disposer du montant réel des dépenses selon les sources de financement ; les statistiques financières sont très déficientes dans la plupart des pays en développement bien que bon nombre d’entre eux s’efforcent depuis plusieurs années de mettre en œuvre un dispositif approprié. Pour cela il faut disposer d’un cadre conceptuel rigoureux mais aussi, et l’un conditionne l’autre, d’une connaissance approfondie des pratiques réelles à tous les échelons du processus, c’est-à-dire du plus petit établissement jusqu’au niveau central en passant par les responsables locaux et régionaux. Ce n’est qu’à cette dernière condition que l’on peut établir un système d’information correspondant aux spécificités de chaque pays.
4Les dépenses des familles pour la scolarité de leurs enfants ont toujours été extrêmement difficiles à connaître ou à évaluer. Dans le système français, les agents économiques qui financent l’éducation sont l’Etat sous la forme de différents ministères dont le principal est celui de l’Education nationale, les collectivités locales, les entreprises et les ménages. Depuis quelques années, un compte économique de l’éducation, compte satellite cohérent avec le cadre central de la comptabilité nationale réunit l’ensemble des flux financiers concernant le domaine. Sa mise en œuvre a exigé une définition de toutes les activités caractéristiques de l’enseignement (y compris celles qui sont annexes comme les cantines et les internats, la médecine scolaire et l’administration) ainsi que la prise en compte d’un certain nombre de biens et de services liés à la fréquentation scolaire, comme les livres et fournitures ou le transport. Chacun des paramètres est strictement déterminé et correspond au système national. Les sources d’information proviennent des documents comptables et budgétaires et d’enquêtes diverses réactualisées régulièrement.
5Il est ainsi possible de fournir des réponses aux trois questions-clés : qui finance l’éducation ? qui la produit ? et à quel coût ? avec un degré de désagrégation satisfaisant selon différents critères : en France métropolitaine seulement ou en tenant compte des départements et territoires d’Outre Mer et des activités éducatives à l’étranger, pour les activités ressortissant du seul ministère de l’Education nationale ou en incluant les ministères de l’Agriculture, de la Défense, de la Santé, ..., par degré d’enseignement, etc.
6Il a paru intéressant de souligner dans le cadre de cette communication la part que supportent les ménages français dans le financement de l’éducation. En effet l’enseignement public est gratuit et obligatoire et la fréquentation de l’école ne donne pas lieu à un versement de droits aux niveaux primaire et secondaire. Cependant pour une dépense d’éducation qui s’élevait à 7,1 % du Produit intérieur brut en 1983 et 1984, les ménages en assuraient environ 10 % ; en 1988, la collectivité nationale dépensait pour les activités d’éducation en Métropole 6,28 % du Produit intérieur brut, les ménages contribuaient toujours à 10 % de leur financement. Ce pourcentage tient compte des bourses d’études dont ont bénéficié certaines familles pour leurs enfants et représente les frais d’achat de livres et de fournitures scolaires, d’habillement et de loisirs liés à la fréquentation scolaire, la participation aux dépenses de cantine et d’internat, les droits d’inscription éventuels en tout état de cause pour l’enseignement supérieur.
7Il convient aussi de noter que les entreprises participent également à la dépense d’éducation en France, par le versement de subventions venant en exonération de la taxe d’apprentissage et par les actions de formation continue qu’elles organisent ou financent dans une proportion qui s’élève selon les années indiquées pour les ménages à 4,6, 4,7 et jusqu’à 5,9 % du P. I.B. en 1988.
8 Ces informations ne sont fournies ici que parce qu’elles peuvent constituer quelques points de repère pour comprendre ce qui se passe au Mozambique aujourd’hui.
I. L’enseignement au Mozambique
9Lors de l’accès à l’Indépendance en 1975 le Mozambique a conservé pour son système d’enseignement le paiement par les familles de droits de scolarité et d’inscription pour que leurs enfants puissent fréquenter un établissement, pratique qui existait en période coloniale. Du point de vue législatif, le texte qui définit la politique éducative du pays2 prévoit cependant un enseignement primaire obligatoire et gratuit dans le cadre des cinq sous-systèmes mis en place :
- un sous-système d’enseignement général comportant sept années de primaire, en deux cycles de cinq ans et deux ans respectivement qui sont désignés par les abréviations EP1 et EP2, et cinq années de secondaire en deux cycles de trois et deux ans désignés par les sigles ESG (ensino secundario geiral) et EPU (ensino pre-universitario) ;
- un sous-système d’éducation des adultes ouvert à toute la population de plus de quinze ans ;
- un sous-système d’enseignement technique et professionnel qui doit assurer la liaison avec le monde du travail, d’une durée variable selon les filières, allant de une à quatre et cinq années ;
- un sous-système de formation des professeurs de tous niveaux ;
- un sous-système d’enseignement supérieur.
II. Les familles et l’enseignement
10Le système des statistiques financières du pays pour les activités éducatives est totalement déficient et ne permet pas de répondre aux questions posées plus haut. Les dépenses privées des familles pour tout ce qui concerne l’habillement, le transport, le loisir des élèves ne sont pas connues.
11En revanche, un certain nombre de textes réglementent les obligations des parents pour les services éducatifs dont bénéficient leurs enfants scolarisés, toutes de nature financière.
12On distinguera deux types d’obligations :
- celles qui visent à faire supporter aux familles une partie des charges de l’Etat et qui sont régies par un texte du 22 janvier 1986 nonobstant la gratuité de l’enseignement primaire réaffirmée par la loi du 23 mars 1983. Elles concernent pour tous les sous-systèmes, à l’exception du supérieur, une taxe annuelle dite d’action sociale, variant selon chaque cycle et croissante avec le niveau, un droit de fréquentation à partir du secondaire se différenciant par cours et visant aussi les adultes, un droit d’examen dans certains cas qui seront explicités plus loin, des droits pour l’internat et la demi-pension, à partir du second cycle du primaire, à verser mensuellement, dans l’enseignement général, des adultes et dans l’enseignement technicoprofessionnel.
- celles qui concernent l’acquisition obligatoire d’un matériel scolaire lui aussi réglementé par cours et par degré d’enseignement et qui couvre les manuels scolaires, les cahiers, les crayons, les stylos, les gommes, la craie, etc., bref l’équipement indispensable préparé par un organisme central, la DINAME3’ chargé de commercialiser sa production.
13Par ailleurs, on n’aura garde d’oublier que les familles et/ou les collectivités villageoises que l’on n’a guère pu identifier dans nos séjours, participent souvent à la construction des écoles, surtout primaires, jusqu’à en assumer la charge complète. La carence déjà soulignée des données financières concernant les activités éducatives lourdement aggravée par la situation de guerre dans de nombreuses régions et parfois tout près de la capitale Maputo ne permet pas de chiffrer cette contribution des familles aux dépenses de capital, mais les responsables provinciaux rencontrés confirment son importance. L’enseignement supérieur qui a sa réglementation spécifique ne sera pas évoqué ici, ni la formation des professeurs qui bénéficie d’exemption de droits et de mesures incitatives diverses afin de pallier la pénurie criante de cadres qualifiés.
III. Les caractéristiques des obligations des parents
14– Les différentes taxes citées plus haut sont réglementées par une multitude de textes souvent réajustés et il nous a été donné de constater des variations assez importantes entre le barème indiqué au niveau central et celui qui nous a été communiqué au niveau des provinces ou des délégations municipales. Les parents non informés, les plus nombreux, ne sont pas à même de réfuter les montants exigés.
15. Les taxes d’action sociale sont versées en espèces aux établissements, constituant un Fonds d’Action sociale scolaire qui doit subvenir aux besoins des élèves « les plus démunis » (pour l’acquisition du matériel scolaire, éventuellement des vêtements...). A partir de quels critères ? Les informations manquent, les textes précisant les conditions d’exemption ne sont pas disponibles.
16Les montants annuels en meticais4 étaient ainsi fixés par une décision ministérielle de 1987 encore en vigueur en 1989, pour tous sous-systèmes :
17Cette disposition est la plus connue des parents. Au niveau des établissements, il devrait être possible de connaître le nombre de taxes perçues, le nombre de dispenses octroyées et le nombre d’aides individuelles.
18. les droits de fréquentation ne s’appliquent qu’au niveau du second degré ; le texte auquel il est fait référence plus haut en fixe ainsi les montants annuels :
19On remarquera que dans l’enseignement technique et professionnel, les exigences doublent au minimum lorsqu’il s’agit d’un élève qui travaille ce qui, en fait, recoupe la situation de jeune ou d’adulte menant de front études et travail. Dans la pratique, ces droits varient par cours ce qui n’apparaît pas dans le texte réglementaire.
20Les sommes requises ne sont pas versées en espèces mais sous la forme de timbres fiscaux ; ces redevances sont donc un transfert des familles vers le ministère des Finances.
21. Les droits d’internat (et de demi-pension) sont également fixés par décision réglementaire ; ils sont perçus mensuellement et là encore sous forme de timbres fiscaux. La demi-pension n’est pas prévue par le texte et ce sont nos enquêtes qui ont décelé des cantines dont le financement n’a pu être élucidé que dans un établissement indiquant qu’il louait son installation à un gargotier privé, ce qui lui permettait d’assurer des repas.
22Les montants de ces droits mensuels apparaissent comme dans le tableau en page précédente .
23. enfin les droits d’examen sont demandés aux adultes d’une part, aux élèves/travailleurs du second cycle commercial et industriel d’autre part, d’un montant par discipline de 200 MT par adulte pour le général secondaire 1er cycle, de 500 MT pour les seconds cycles quels qu’ils soient. Ils sont toujours versés sous forme de timbres fiscaux.
24– L’accès à la scolarité est soumis à l’obligation d’acquérir le matériel scolaire requis pour chacun des cours du processus éducatif : manuels, cahiers, crayons et stylos, gommes, etc. Ce matériel fabriqué, ou importé dans des conditions qui seront présentées plus avant, est distribué par un organisme central, la DINAME, aux grossistes et détaillants auprès desquels les parents doivent s’approvisionner.
25Un livre est vendu en moyenne 250 MT et n’est pas réutilisable l’année suivante, un cahier 50 MT. Les analyses de la DINAME fournissent les points de comparaison suivants ; il faut :5
150 MT pour ache ter | 1 | kg de mil |
200 MT " " | 1 | bougie |
354 MT " " | 1 | litre d’essence |
350 MT " " | 1 | pile électrique |
400 MT” | 1 | bière |
430 MT " " | 1 | paquet de cigarettes |
500 MT " " | 1 | kg d’oranges |
750 MT " " | 1 | pain de savon |
IV. Le S.N. E, la crise et les pratiques administratives
26Le S.N.E. avait élaboré des principes et des objectifs généreux et ambitieux en une période d’euphorie politique et de relative croissance économique. La guerre a été déstabilisatrice et l’est encore, mais bien d’autres raisons, dont l’exposé n’entre pas dans le cadre de cet article, ont conduit aujourd’hui à une situation éducative alarmante.
27D’inspiration socialiste, les réformes avaient à se mettre en œuvre en conciliant les pratiques héritées de la colonisation portugaise à de nombreuses innovations dont les plus originales sont l’immense travail de refonte des manuels et des programmes entrepris par l’INDE (Institut national de Développement de l’Education) et la mise en place sous les auspices et la tutelle du ministère de l’Education d’une entreprise visant à promouvoir l’approvisionnement et la commercialisation du matériel scolaire et didactique sur tout le territoire mozambicain. La DINAME a été créée formellement le 23 septembre 1987. Recevant en matières premières, en équipements et en expertises, une aide considérable des organismes de Coopération de la Suède, de la Norvège, de la Finlande et de la Hollande, coordonnant la reconstruction et la restauration d’usines nationales (fabrique de cahiers, de craie, de cartons d’emballage, entreprises graphiques, etc.), en vue de la production d’articles scolaires, elle a pour tâche essentiellement d’irriguer le réseau de commercialisation existant, à partir de la capitale et de deux filiales au Nord et au Centre afin d’assurer la vente du matériel par des grossistes et des détaillants soigneusement sélectionnés, les quantités expédiées étant fixées par les provinces et les délégations municipales au vu des effectifs d’écoles et d’élèves. Entreprise utopique au moment où culmine la crise et où s’installe le P.R.E.
28En effet, alléger l’appareil d’Etat d’une part, impliquer les familles dans la participation au financement des activités éducatives d’autre part, dynamiser le système productif et le réseau commercial par ailleurs, sont autant d’objectifs louables. Mais ignorer le coût réel de fabrication des objets didactiques et la viabilité du marché intérieur, méconnaître la difficulté de faire coïncider l’offre et la demande et donc provoquer des stocks croissants de produits dans les entrepôts, sous-estimer les risques de corruption des commerçants et des administratifs, pour ne citer que quelques-uns des obstacles à la réussite de cette entreprise, c’est faire preuve à tout le moins de légèreté.
29Les conséquences de la mise en œuvre du P.R.E. ont provoqué une augmentation sérieuse et rapide du coût de la vie et un appauvrissement considérable de la population dont 60 % serait en-dessous du seuil de pauvreté ; un tiers en est constitué par des personnes déplacées ou réfugiées. Dans la capitale Maputo une enquête menée en 1988 par un Département du ministère du Commerce estime à 30 % les familles vulnérables nécessitant une aide alimentaire.
30Sur le plan scolaire, l’enseignement primaire de 7 ans en deux cycles reste au niveau des intentions : près de la moitié des écoles n’ont pu compléter la 5ème année, le second cycle constitue moins de 10 % du premier. Le taux brut de scolarisation de EP16 est de l’ordre de 59 %. La part du second degré dans l’ensemble des 12 années d’études prévu par la Loi est dérisoire, de l’ordre de 2 à 2,5 %.
31Nous avons indiqué plus haut les règles fixant les obligations financières des parents. Leur application entraîne une paperasserie administrative presque toujours manuscrite quelque peu ahurissante et une double déviation. Tout d’abord la lenteur de la circulation de l’information conduit, entre autres causes, à utiliser des tarifs variables selon les provinces et les établissements, qu’il s’agisse des quota d’action sociale, des droits d’internat ou des droits de fréquentation. En second lieu, la finalité des mesures est occultée au profit de la justification de leur application ; par exemple dans telle délégation les factures indiquent à qui on a acheté et non ce que l’on a acheté ! Aussi est-il actuellement impossible de connaître pour chaque établissement le nombre de taxes et de droits perçus – et de pouvoir le comparer avec l’effectif d’élèves –, le nombre de dispenses octroyées, le nombre de cas où l’élève est pris en charge par l’école à partir du F.A.S.7 ou d’autres sources.
V. Les contraintes financières des familles
32Les deux schémas ci-après montrent comment identifier à partir de deux exemples d’écoles, l’une du 1er cycle primaire, l’autre du 1er cycle de l’enseignement secondaire et comportant un internat, les entrées et les sorties financières sous le contrôle de l’établissement, lui-même sous la tutelle des différentes instances administratives de l’Education et des Finances ; il s’agit bien sûr de dépenses courantes car on n’a pas ici illustré les dépenses de capital.
33Les familles dépensent le moins pour l’enseignement primaire 1er cycle, le plus répandu, mais il n’a pas été possible de savoir le montant des dépenses de matériel pédagogique, les informations à la fois sur le prix des articles et surtout sur leur nombre selon le cours suivi faisant défaut ; il faudrait dans une année scolaire de 4 à 10 manuels et cahiers. Des responsables provinciaux et locaux nous ont signalé l’importance du nombre d’enfants dont les parents ne peuvent acquérir le matériel scolaire.
34Une enquête faite par un groupe de travail de la Direction de la Planification du ministère avec des fonds concédés par l’UNICEF8 a tenté d’évaluer le montant des dépenses des familles et son poids dans le revenu des ménages ainsi que l’impact du P.R.E. entre 1986 et 1988.
35En valeur courante, les taxes d’action sociale ont été multipliées par 4 ou 4,3 selon le degré de l’enseignement, le droit de fréquentation par 1,5 ou 2, les droits pour l’internat par 3, 4 et 3,28 selon le type d’enseignement, ceci en 3 ans.
36Plus intéressante est la relation établie entre ce que représentent ces dépenses et
- le salaire moyen annuel d’un travailleur
- le salaire minimum d’un travailleur agricole et d’un travailleur non agricole9, toujours annuel.
37Le choix s’est porté sur une famille qui envoie trois enfants à l’école10. Selon les classes fréquentées et sans frais d’internat, les pourcentages de salaire sont les suivants pour 198811.
niveau d’étude % des dépenses selon le statut | Hypothèse 1 3 (EPI) 1er, 2e, 4e | Hypothèse 2 2 (EP1) +1 (EP2) 2e, 4e, 6e | Hypothèse 3 1 (EP1) + (EP2) + 1 (ESG) 4e, 6e, 9e | Hypothèse 4 1 (EP1) +1 (ESG) + 1 (EPU) 6e, 8e, 10e |
dépenses sans internat (MT) | 8 219,0 | 10 555,5 | 18 745,0 | 32 880,0 |
travailleur agricole | 15,2 | 19,5 | 34,7 | 60,9 |
travailleur non agricole | 9,1 | 11,7 | 20,8 | 36,5 |
salaire moyen | 2,7 | 3,5 | 6,3 | 11,0 |
38Il apparaît clairement que les frais d’école primaire pour les trois enfants d’un travailleur agricole dépassent un mois de son salaire ; sans mécanisme d’appui, il pourra difficilement assurer leur scolarité complète. Même un ménage disposant du salaire moyen aura du mal à se situer dans les hypothèses 3 et 4 pour des études qui impliquent qu’il vive en ville ; dans le cas contraire, les frais d’internat sont dissuasifs.
39L’étude que nous utilisons fournit des indications intéressantes sur l’enseignement technique professionnel : sans internat il est inaccessible aux enfants des travailleurs agricoles même au 1er cycle, à plus forte raison au second. Pour un travailleur non agricole, il est accessible au 1er niveau, difficilement au second et en tout état de cause pas dans des internats. Où donc recrutera-t-on la main-d’œuvre qualifiée tant recherchée ?
40Nous sommes loin du compte économique présenté au début de cet article. Les études globales existent au ministère mais n’ont guère de lien avec la réalité ; en 1986, nous a-t-il été indiqué, le Mozambique dépensait pour l’éducation 3,1 % de son P. I.B. Les dépenses des familles pour vêtir les enfants envoyés à l’école ou leur acheter d’autres livres que ceux qu’exige la réglementation sont actuellement impossibles à identifier.
*
* *
41En conclusion, la société civile est lourdement sollicitée pour le financement. L’enchevêtrement existant de réglementations diverses pénalise les plus défavorisés et se trouve en flagrante contradiction avec les principes affichés. En juillet 1989, le Vème Congrès du Parti a autorisé l’ouverture d’écoles privées communautaires, et appelé les secteurs économiques et sociaux à participer aux activités éducatives. Ces initiatives contribueront-elles à établir plus d’équité dans les possibilités de bénéficier du droit à l’éducation ?
42Ne faudra-t-il pas revoir les mécanismes actuels, les adapter aux conditions de vie de tant de groupes à la limite de la survie, prévoir plus de dispenses, de réduction de droits, d’attribution de bourses, de distribution gratuite de matériel scolaire ?
43Les enjeux politiques sont complexes dans cette région du monde et plus que de doctrines, le pays a besoin de pragmatisme et de concertation dans l’utilisation d’une exceptionnelle convergence d’aides vers le secteur éducatif. Le rôle de l’Etat ne semble pas devoir diminuer dans ce domaine ; tout au contraire il a besoin de s’affirmer dans la recherche d’efficacité et de lucidité.
Notes de bas de page
1 Programa de Reabilitação economica.
2 Loi du S.N.E. (Sistema nacional de Educação). En 1991, il est question de modifier cette loi.
3 Distribuidora nacional de material escolar.
4 Le metical est la monnaie nationale, on le désignera par M.T.
5 En septembre 1988.
6 1er cycle du 1er degré.
7 Fonds d’Action sociale.
8 Relatorio do grupo de trabalho sobre Impacto do P.R.E. na Educação.
9 Non compris les revenus tirés de la vente de produits du terrain familial.
10 La femme mozambicaine met au monde en moyenne 6,45 enfants mais le taux de mortalité avant un an est de 150 %.
11 Les salaires annuels respectifs sont estimés à 54 072 MT, 90 319 MT et 304 307 MT.
Auteur
CECOD-IEDES, Université de Paris I.
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