Introduction. Le football, un creuset des nations ?
p. 25-41
Texte intégral
1Plus que tout autre sport, le football a progressivement fabriqué des mythes et des légendes qui ont été contés et ont apporté leur part de rêve dans tous les pays du monde, dans toutes les classes sociales et toutes générations confondues. Il est ainsi le sport le plus commenté non seulement par les journalistes mais également, au quotidien, par les personnes « ordinaires ». De ce fait, comme le disait Pierre Bourdieu dans un texte écrit à l’occasion du Mondial de football de 1998 : « Il est toujours difficile de parler scientifiquement de sport parce que, en un sens, trop facile : il n’est personne qui n’ait sa petite idée sur le sujet et qui ne se sente en mesure de tenir des propos qui se veulent intelligents » (Bourdieu, 1998). Plus qu’aucun autre objet social, le football est habillé d’un voile-écran de discours préconstruits ou d’histoires mythiques qui sont autant d’obstacles au travail scientifique. Il est donc absolument indispensable de replacer cet objet dans un cadre socio-historique pour en saisir toute la complexité. Comment ne pas commencer par cette belle citation d’un grand historien anglais :
Ce qui donna au sport une efficacité unique comme moyen d’inculquer un sentiment national, du moins pour les hommes, c’est la facilité avec laquelle les individus les moins politisés et les moins insérés dans la sphère publique peuvent s’identifier à la nation symbolisée par des jeunes qui excellent dans un domaine où presque tous les hommes veulent réussir ou l’ont voulu à une époque de leur vie. La communauté imaginée de millions de gens semble plus réelle quand elle se trouve réduite à onze joueurs dont on connaît les noms (Hobsbawm, 1992, p. 143).
2Une fois de plus, Eric Hobsbawm avait vu juste, ce que confirmera l’organisation de l’Euro en France au mois de juin 2016, avec ses centaines de milliers de spectateurs affluant de toute l’Europe pour assister à la compétition et ses centaines de millions de téléspectateurs parfois rassemblés dans la rue devant des écrans géants pour assister aux exploits de leur équipe nationale favorite. Avec l’extrême médiatisation des compétitions internationales, le football occupe depuis longtemps une place de choix dans les phénomènes d’expression des fiertés nationales, au point que les liens étroits tissés entre football et nation paraissent aller de soi. Pourtant, la définition de l’identité nationale, pas plus que l’incarnation de cette dernière dans une sélection des onze meilleurs joueurs d’un pays, ne procède aucunement d’une évidence naturelle. Désignant à la fois un sentiment d’appartenance et la conscience de faire partie d’un ensemble national, celle-ci est une construction qui s’inscrit dans le temps.
Le football et l’invention de traditions nationales
3Le premier exemple de création d’une identité nationale se situe en Angleterre au xviiie siècle, lorsque la vie politique se stabilise et que la société britannique entre de plain-pied dans l’ère de la modernité libérale (Thiesse, 1999). Au nombre des actes fondateurs de la nation anglaise, on trouve aussi bien le God Save The King, adopté comme hymne par la monarchie vers 1750, que le cricket, dont les règles furent fixées au même moment. C’est un siècle plus tard qu’apparut puis triompha le football, produit de la société industrielle et de l’essor des nations britanniques. Ce sport n’était pas alors la seule pratique corporelle contribuant à la construction d’une identité nationale. Au xixe siècle, les sociétés de gymnastique allemandes, tchèques, italiennes ou françaises mettaient les corps au service de la patrie. Cependant, exempts de toute confrontation transnationale, ces mouvements avaient avant tout une fonction de cohésion interne. L’expansion du football sur une échelle planétaire dans la première moitié du xxe siècle, puis le développement parallèle de compétitions internationales modifièrent les enjeux, les logiques d’acculturation n’opérant plus seulement au sein des sociétés, mais également entre elles. L’investissement et la coloration particulière, par les États-nations en voie de constitution, d’un jeu diffusé mondialement comme le football, nécessitent d’éclaircir les processus historiques qui y président, sur le plan des représentations et des pratiques, et de saisir les ressorts du prestige qui en résulte.
4L’exemple britannique illustre comment identités sportive, sociale et nationale en vinrent à se confondre. Dès les années 1860 s’amorça en Grande-Bretagne la descente du football vers les masses. Longtemps réservé à une élite, il constituait un modèle de référence pour des classes moyennes en quête de légitimité. Puis, à la fin du xixe siècle, il devint pour beaucoup une pratique et pour le plus grand nombre un spectacle. Il joua dès lors un rôle décisif dans la construction de l’identité ouvrière en nourrissant un imaginaire collectif qui lui était propre. Dans l’entre-deux-guerres se paracheva « l’invention d’une tradition » (Hobsbawm, Ranger, 1983) : les palmarès des clubs sont là pour témoigner de leurs exploits qu’on se remémore et qu’enrichissent les joutes hebdomadaires. La solidité des représentations sociales attachées au football tient en grande partie à la force de leur enracinement dans la mémoire. Le football devint aussi un sport populaire au sens où cette catégorie fut politiquement construite, entre autres, grâce à lui. À la fin des années 1940 et au début des années 1950, on parlait ainsi des matchs des championnats britanniques du samedi après-midi comme du Labour at pray (le « Labour en prière »). L’expression faisait référence au parti travailliste dirigé par Clement Attlee, celui du raz de marée des élections générales de juillet 1945, qui représentait les intérêts d’une classe ouvrière homogène et intégrée socialement, et qui l’ancrait définitivement dans la nation du Welfare State.
5Les fondateurs et premiers dirigeants des clubs de football en Europe et en Amérique du Sud étaient des courtiers, des agents d’assurance, des techniciens, des étudiants anglais mais aussi suisses et danois, autant de promoteurs et d’agents de la seconde révolution industrielle qui, au cours de leurs pérégrinations professionnelles, apportaient leur culture sportive britannique. Ils étaient en effet les vecteurs d’une culture anglo-saxonne plus que d’une identité britannique. Ainsi, au début du xxe siècle dans le club des Grasshoppers de Zurich, les joueurs parlaient anglais entre eux alors qu’aucun Britannique n’apparaissait dans l’effectif. Ce phénomène laissa le champ libre aux processus d’appropriation par les sociétés réceptrices. Par exemple, en Argentine, le football, pratique distinctive des élites bourgeoises anglophiles après son introduction dans les années 1860, était investi de préoccupations nationalistes. Le projet de bâtir une nation forte en forgeant une histoire patriotique et en s’appuyant sur une « race » régénérée trouva sa traduction dans un style de jeu viril (la grinta), propre aux autochtones « créoles » de Buenos Aires et que l’on voulait supérieur au modèle anglais. Le football et son imaginaire apportèrent ainsi une contribution essentielle à la genèse de l’identité argentine, comme le montre Lucie Hémeury dans ce volume, un mécanisme semblable ayant également joué au Brésil, analysé ici par Afrâno Garcia et José Sérgio Leite Lopes. L’Uruguay, présenté par Lorenzo Jalabert D’Amado, reproduisit un même dispositif d’appropriation nationale et populaire mais par le biais des premières compétitions internationales. Pour ce petit pays objet des convoitises de ses deux voisins, les victoires aux Jeux olympiques de 1924 et 1928 sonnèrent comme une reconnaissance de son existence dans le concert des nations. L’engouement des Uruguayens pour leur équipe nationale culmina à l’occasion des victoires contre l’Argentine et le Brésil lors des finales de la Coupe du monde, pour la première en 1930, justement organisée par l’Uruguay, et celle de 1950. Ils avaient trouvé le symbole de la modernisation réussie d’une nation qui se présentait comme la plus démocratique et la plus évoluée d’Amérique du Sud (Archambault, 2014).
6La passion collective des Italiens pour le football, présentée ici par Fabien Archambault, met en lumière les modes d’appropriation et d’inscription dans les rapports sociaux de la culture sportive. Son élaboration par les élites est une condition nécessaire mais non suffisante. Les acteurs sociaux qui contribuèrent au développement du football en Italie étaient tous liés au monde de l’industrie et du commerce et faisaient figure, dans un pays à l’aube de son processus d’industrialisation, de prophètes d’un nouveau style de vie. Le jeu évoquait les idées du progrès, de la modernité et de la démocratie et devenait la pierre de touche pour faire la part entre passéistes et innovateurs, conservateurs et modernistes. Il fut récupéré par le régime fasciste auquel les victoires aux Jeux olympiques de 1936 et aux Coupes du monde de 1934 et 1938 fournirent des arguments de propagande tant intérieure que sur la scène internationale. Dans l’après-guerre, les élites politiques considérèrent les formes de sociabilité associative qui lui étaient liées comme un moyen privilégié de promouvoir leurs projets. Ces stratégies d’encadrement politique et d’enracinement social de l’Église, de la Démocratie chrétienne et du Parti communiste italien étaient à la fois conflictuelles et convergentes : elles renforçaient la centralité du football car toutes participaient à la création d’une « tradition » déclinée selon des modalités spécifiques du nord au sud de la péninsule, des masses aux élites, par les catholiques et les communistes. Le spectacle footballistique, qui connaissait un développement considérable, représenta lui aussi un facteur d’unification nationale en créant les conditions d’un discours social commun. Vecteur d’une culture de masse, le football sut concilier son succès avec les cultures locales, assurant une continuité avec les traditions campanilistiques. Le tifo pour les équipes des « petites patries » renforça les identités locales traditionnelles, mais elle finit aussi par stimuler les communications entre les « cent capitales de l’Italie » par l’entremise de championnats et de compétitions dont le cadre était précisément national.
7Les sentiments d’appartenance liés au football sont donc multiples mais, fait très important, ils coexistent, enchâssés, plus qu’ils ne se contredisent. En 1949, la tentative de rattachement au championnat de France de seconde division du FC Sarrebruck montre comment les identités régionales et nationales sont parfois redondantes et complémentaires. En 1947, la Sarre fut en effet confiée au gouvernement militaire français et l’objectif défini par Georges Bidault était de l’insérer progressivement au tissu national français. À ce titre, l’assimilation du football sarrois pouvait contribuer à la réussite de la « politique française en Sarre ». Néanmoins, le 19 juillet 1949, trois jours après que le ministre-président de Rhénanie-Palatinat eut affirmé le caractère allemand de la région voisine, la Fédération française de football refusa l’intégration du FC Sarrebruck (« Les Sarrois ne sont pas des Français »). Dès 1951, le club rejoignit le championnat d’Allemagne, dont il disputa la finale l’année suivante contre le VFB Stuttgart. Les dizaines de milliers de Sarrois qui se pressèrent dans le stade de Ludwigshafen anticipaient en réalité l’intégration politique de la Sarre à la RFA en 1957 (Lanfranchi, 1990).
Standards sportifs et résistances culturelles
8L’entrelacs du football, de l’identité nationale et de la modernité n’est pas pour autant universel. Beaucoup de sociétés ont utilisé d’autres sports pour cimenter le sentiment national. En Irlande, par exemple, la Gaelic Athletic Federation, dominée par l’Église catholique, codifia et institutionnalisa le football gaélique qui devint très populaire dans les comtés ruraux de l’île à la fin du xixe siècle. Les ouvriers de Dublin et de Cork se laissant alors tenter par le football, elle menaça d’exclusion quiconque pratiquerait un sport anglais. La fonction identitaire assignée au football gaélique présentait certes un risque d’isolement sportif, mais ce fut un risque assumé. La logique de contrôle des pratiques sportives s’inscrivait en effet dans la lignée des actions menées par la Irish Land League contre le fermier Charles Boycott entre 1879 et 1881 (O’Toole, 1994). À la fin du xixe siècle, le football n’avait pas non plus réussi à pénétrer l’espace sportif des États-Unis en raison du succès de pratiques éminemment américaines, malgré les origines anglaises, le base-ball et le football américain. Dans un contexte d’opposition culturelle (l’image que les États-Unis avaient d’eux-mêmes était celle d’un pays non européen voire antieuropéen), les sports d’outre-Atlantique naquirent en se distinguant de leurs ancêtres anglais, devenant des marqueurs de l’identité de la jeune Nation (Archambault, Artiaga, 2003). Ainsi, le base-ball, censé avoir été inventé par Abner Doubleday en 1839, « fut systématiquement défini comme un anticricket : plus rapide, plus vivant, plus difficile, exigeant plus d’intelligence et d’initiative individuelle » (Markovits, 1990). Si le soccer, nom qui marque l’étrangeté du jeu, connut un début d’expansion durant l’entre-deux-guerres, c’était le fait de la dernière grande vague d’immigration (italienne notamment), non encore assimilée.
9Dans le reste de l’Empire, le sport fut un vecteur efficace de transmission des standards britanniques. Il constitua une ressource pour asseoir la domination sur les élites autochtones en Inde, en Afrique ou dans les Antilles anglaises. À Calcutta par exemple, l’introduction du football avant la Première Guerre mondiale était considérée par les Anglais comme le meilleur rempart contre les diverses formes de contestation sociale et politique (Dimeo, 2002). Néanmoins le sport représenta pour les Indiens « colonisés » le moyen d’affirmer une indépendance à l’égard de la puissance extérieure par la recherche de l’affrontement dans le domaine le plus intime de l’ingérant. Ainsi, en 1911, la victoire de l’équipe indienne du Mohun Bagan contre l’East Yorkshire Regiment en finale du tournoi bengali fut saluée par une partie de la bourgeoisie indigène comme la preuve du bien-fondé des revendications d’autonomie formulées par le parti du Congrès en 1906 (Mason, 2013). Les auteurs anglo-saxons donnent toujours un reflet particulier aux confrontations entre natives et représentants de la puissance coloniale. Cela indique que l’enjeu culturel était de taille à décupler les forces des uns et des autres mais sanctionne aussi l’hégémonie culturelle britannique sur ses anciens dominions1. Le cas français est différent : pour les officiers de la Coloniale, le sport ne constitua que marginalement une pratique civilisatrice nécessaire à l’affirmation d’une identité sociale. En Algérie par exemple, avant la Seconde Guerre mondiale, le football ne remplissait pas de fonction explicite d’intégration et la confrontation était même refusée. Ainsi, en 1928 et 1936, des circulaires du gouverneur général de l’Algérie interdirent les matchs entre Européens et Algériens (Fates, 1994). Elles furent abrogées en 1947, les autorités politiques s’efforçant alors de fonder la pleine légitimité d’une Algérie française en butte à la contestation en donnant des exemples d’intégration fraternelle. Le FLN ne s’y trompa pas et ordonna en avril 1958 à dix joueurs professionnels du championnat de France originaires d’Algérie de rejoindre Tunis pour former une équipe « nationale » avant la lettre. Ils devinrent des héros du mouvement de libération et mettaient en lumière le caractère symbolique du sport dans la constitution des identités nationales. Comme le note Pierre Lanfranchi, l’immense popularité dont jouissait Rachid Mekloufi en Algérie « relève davantage de l’imaginaire que de la participation des foules algériennes rassemblées dans les stades pour vibrer au spectacle de ses exploits » (Lanfranchi, 1994). Ailleurs, dans l’Afrique noire post-coloniale, l’union de la nation s’incarna également dans les équipes nationales, que ce fût dans le Ghana de Kwame Nkrumah avec le Black Star ou dans la Guinée de Sékou Touré avec le Syli. « Plus qu’en toute autre occasion, la fierté nationale s’est souvent exprimée en Afrique lors de rencontres sportives », analyse Hélène d’Almeida Topor (D’Almeida Topor, 1996, p. 63).
Fierté et prestige nationaux
10Ces sentiments de fierté sportive qui fortifient la cohésion d’un pays ont besoin pour s’exprimer d’un théâtre international, car l’identité se définit par opposition à l’autre. Les diverses compétitions mondiales apparues au cours du xxe siècle fournissent la scène sur laquelle se rehausse ou s’affaiblit le prestige des nations. On situe généralement l’entrée dans l’ère des rivalités sportives en 1920, lorsque les gouvernements français, belge et britannique exigèrent de leurs comités olympiques respectifs qu’ils interdisent aux athlètes des anciennes puissances centrales (l’Allemagne, l’Autriche et la Hongrie) de participer aux Jeux olympiques d’Anvers. Dès lors, les sportifs devinrent les représentants d’une nation plus que des concurrents individuels. À ce titre, ils contribuent à la fabrication et à l’évolution des images de leur pays. L’ambassadeur d’Italie en France, Pietro Quaroni, se souvint ainsi de la sentence assénée par le client d’une boucherie de la rue de Varenne en 1948 : « L’Italie se relève d’une manière extraordinaire, voyez comme elle a gagné le Tour de France », après la victoire de Gino Bartali dans l’épreuve cycliste reine (Quaroni, 1965, p. 253).
11Les images sportives positives permettent de forger des mythes, eux-mêmes utiles pour bâtir des identités. Ainsi certains historiens d’outre-Rhin se plaisent-ils à dater la fondation de la RFA non pas en 1949 mais en 1954 : la victoire de l’équipe ouest-allemande dans la Coupe du monde de football organisée à Berne en Suisse – le Wunder von Bern (miracle de Berne) – aurait légitimé la nouvelle République en suscitant l’adhésion populaire qui lui manquait. Jusqu’alors, le football était loin de constituer le sport national en Allemagne. Dans les années 1930, la Fédération allemande de football (Deutscher Fußball Bund) n’arrivait pas à rivaliser avec la vénérable Association des gymnastes (Deutscher Turnerschaft) dont les effectifs étaient dix fois plus nombreux et dépassaient les deux millions d’adhérents. Le football n’était pratiqué que par un groupe social hétérogène, celui des employés, et était à la fois rejeté par la bourgeoisie, attachée à l’amateurisme, et par les ouvriers, qui lui préféraient les activités gymniques. Confidentiel, le mouvement footballistique était imprégné des valeurs du groupe : alors que les syndicats d’employés cherchaient à institutionnaliser et à différencier leur profession selon l’ordre hiérarchique des guildes – Lehrlinge (apprentis), Gesellen (compagnons) et Meister (maîtres) –, l’usage était, et est toujours, d’appeler les champions Meister. La littérature professionnelle et syndicale de l’époque donne d’ailleurs beaucoup d’informations sur les Weltmeisterschaften (championnats du monde) de 1930 et 1934. Le football ne fut véritablement découvert qu’en 1954 quand la victoire de la Nationalmannschaft devint la seule expression autorisée de l’orgueil patriotique et redora le blason quelque peu terni du pays – « Nous sommes redevenus ce que nous étions », disait-on alors.
12À l’inverse, illustrant le poids de l’image de soi à l’étranger et des stéréotypes négatifs, le général de Gaulle, après le soufflet des Jeux olympiques de Rome (la France n’y avait obtenu aucune médaille d’or), lança une politique de « sportivisation » de l’Hexagone, qui passa par une transformation en profondeur des contenus de l’éducation physique et la volonté affichée de faire émerger une élite athlétique2 (Martin, 1999). En France, dans le domaine du football, cela déboucha en 1973 sur la création des centres de formation des clubs professionnels, rendus obligatoires par un jeune auditeur de la Cour des comptes, le gaulliste Philippe Séguin, devenu directeur adjoint de l’éducation physique et des sports au ministère de la Qualité de vie en 1974.
13Ces flux d’images alimentent des systèmes de représentation d’une grande stabilité. Chaque pays cherche à établir un corpus historique dans lequel puisse puiser la communauté nationale. Les actes fondateurs sont datables, les héros, que les hérauts transfigurent en mythes, sont célébrés, les événements sont narrés. Les systèmes symboliques ainsi élaborés sont plus ou moins achevés, plus ou moins solides, comme en témoigne l’exemple belge analysé ici par David Jamar et Guy Lebeer. Après de belles performances dans les années 1980, ce n’est que depuis 2010 que les Diables Rouges furent de nouveau l’objet de l’affection populaire. Le système le plus singulier demeure sans conteste celui britannique : dans leur contribution, Richard Holt et Dilwyn Porter nous rappellent ainsi que longtemps les inventeurs du jeu privilégièrent un fonctionnement autarcique et ne manifestèrent que de l’indifférence pour leur équipe nationale, lui préférant leurs compétitions domestiques. Le bel agencement prit fin en novembre 1953, lorsque la Hongrie écrasa l’Angleterre à Wembley 6-3, événement fondamental dans la prise de conscience d’un déclin plus général. Les approches monographiques réunies ici montrent en outre que le pouvoir politique essaya le plus souvent de s’approprier les succès, considérés comme un étalon de sa légitimité, que ce soit dans l’Espagne franquiste (Juan Antonio Simón), le Portugal salazariste (Victor Pereira), la Hongrie socialiste (György Majtényi), le Chili du général Pinochet (Olivier Compagnon et Alexandros Kottis) ou en URSS (Manuel Veth).
14Si ces systèmes de représentation s’ancrent dans le passé sous forme de mémoire, ils se réfèrent aussi au futur sous forme d’espoir. Le sport national est souvent celui qui permet ou dont on espère qu’il permettra de tenir un rang d’excellence sur la scène sportive mondiale. Et les changements de paradigme ne sont pas rares. Ainsi en Grèce, à la fin des années 1970, le football, aux résultats médiocres, dut céder le pas au basket-ball, en voie d’affirmation sur la scène européenne3 (Flitouris, 2015). Les systèmes de représentation ne sont donc pas éternels. Mais là n’est pas l’important : les circulations d’images et de stéréotypes sportifs ont surtout pour fonction de conforter ou de créer sa propre identité au sein d’un paysage symbolique international. Les défauts de l’étranger sont souvent des faire-valoir des qualités que l’on s’arroge, car comme le notait Robert Frank : « L’image de l’autre est souvent un prétexte qui renvoie à l’image ou à la contre-image de soi. Voilà pourquoi tout ne peut pas être négatif chez l’autre puisque l’on y met du sien » (Frank, 1994).
15Par conséquent, la vitalité du football au sein du mouvement sportif tient sans doute aux ancrages identitaires qu’il cultive, à sa capacité à transformer des péripéties en souvenirs communs et des sportifs en symboles nationaux. Inscrit dans l’histoire intime des pays autant que dans le quotidien de ceux qui y vivent, le football joue ainsi le rôle de liant, entre conationaux, mais aussi entre les hommes et leur nation.
Quel avenir aujourd’hui pour les compétitions internationales de football ?
16Nous avons jusqu’ici montré comment le football a occupé une place de choix dans le processus d’élaboration des identités nationales tout au long du xxe siècle, en dépit des modalités très différentes de construction de l’État-nation. Les victoires dans les grandes compétitions ont souvent fourni des arguments de propagande aux pouvoirs en place tant dans le domaine intérieur que sur la scène internationale. On a vu aussi que cette mise en scène des États à travers des matchs de football de plus en plus médiatisés a sans nul doute contribué à développer massivement la perception de la nation comme cadre naturel de la société. Qu’en est-il aujourd’hui ? C’est une question légitime tant les évolutions récentes du football contemporain semblent imposer un nouveau cours à sa longue histoire.
17Tout indique en effet que le football professionnel s’est profondément transformé lors des vingt dernières années. Il est devenu un sport ultra-médiatisé, mondialisé, vers lequel convergent des flux financiers importants et qui attire de plus en plus les milliardaires de la planète, en quête d’un surcroît de reconnaissance et de placements juteux. Même si le développement du football a, dès l’origine, été lié à des considérations mercantiles, il épouse désormais les pires travers de l’ultralibéralisme, voire en constitue l’une des pointes avancées. Le tableau est à ce titre impressionnant et, si l’on peut dire, accablant : émergence d’un marché mondial dominé par les grands clubs européens qui se conduisent comme des oligopoles (ces clubs ayant été achetés dans la dernière décennie par des magnats de l’industrie ou de la finance, à la fortune parfois acquise dans des conditions douteuses), achat/vente des joueurs comme des marchandises, montant astronomique des transferts des match winners (les attaquants) au prix d’un endettement colossal des clubs phares de la Ligue des champions, pillage permanent des meilleurs joueurs des clubs des pays du Sud (au sens très large du terme) par les richissimes clubs du Nord et parallèlement destruction du niveau et de l’intérêt des championnats nationaux qui existaient dans des pays (comme le Brésil ou l’Argentine, devenus orphelins de grands matchs et de grands exploits, la Ligue 1 française fragilisée par la faiblesse économique de ses clubs prenant désormais ce chemin…), envolée des prix des places et pacification des stades au détriment de leur assise populaire et des supporters les plus fervents. Sans oublier les effets les plus sombres du règne de l’argent dans le football contemporain : essor des paris sportifs au niveau mondial, trucage des matchs et corruption croissante non seulement des joueurs mais aussi des institutions (et en premier lieu de la FIFA), incitation forte au dopage des joueurs (les soupçons font plus que planer sur les équipes effectuant un pressing intense et continu pendant tout le match), etc.4.
18Le football professionnel est aujourd’hui symbolisé par sa plus grande compétition, la Ligue des champions (Champions League) qui, si elle se joue uniquement entre les meilleurs clubs européens, n’en attire pas moins les regards, par télévisions privées interposées, des amateurs de football du monde entier. Les plus grands clubs du Vieux Continent consacrent tous leurs moyens et centrent presque tous leurs objectifs sportifs sur cette seule compétition si bien qu’ils enrôlent, via des transferts aux montants toujours plus faramineux, les meilleurs joueurs (top players) de la planète, qui sont tous les internationaux les plus cotés de leurs pays. Dans ce contexte, les matchs internationaux – que ce soit les rencontres de qualifications pour la Coupe du monde, l’Euro ou la Coupe d’Afrique des nations ou que ce soit les matchs de ces différentes coupes – sont objectivement autant de contraintes pour ces grands clubs : d’une part, c’est source de fatigue supplémentaire pour des joueurs de plus en plus sollicités dans leurs championnats respectifs5 et, d’autre part, c’est un facteur permanent de blessure, donc d’indisponibilité, de joueurs majeurs dans leurs clubs. Lors de la Coupe du monde ou de l’Euro de football, qui ont presque toujours lieu en juin-juillet, les athlètes arrivent éprouvés physiquement après une longue saison. Il arrive de plus en plus que certains d’entre eux puissent être incités par leur employeur principal (leur club qui les rémunère très fortement), via leur entraîneur, à s’économiser et surtout à ne pas se blesser. Lors du Mondial de 2010 en Afrique du Sud, le journal L’Équipe avait réussi à exhumer un SMS de l’entraîneur mythique de Manchester United, sir Alex Ferguson, adressé à son joueur coréen (Park) avant un match de la Corée du Sud : « Bon match ! Surtout ne te blesse pas ! »
19Bref, le coût pour ces groupes privés (que sont de plus en plus ces grands clubs de football) de la participation de leurs internationaux aux rencontres internationales est de plus en plus élevé. Et ce « prêt » des joueurs aux fédérations nationales pose d’ailleurs en droit de redoutables problèmes et fait l’objet d’une jurisprudence tout à fait passionnante, comme l’expose ici le juriste du sport, Gérald Simon. Dans un tel contexte économique du football européen, dominé par les grands clubs privés (« capitalistes »), il n’est donc pas infondé de s’interroger sur la pertinence des compétitions internationales dont le calendrier vient toujours empiéter sur les championnats nationaux et où des joueurs majeurs peuvent se blesser gravement, au détriment des clubs qui les ont embauchés à prix d’or.
20Une autre difficulté des rencontres entre nations tient désormais à l’internationalisation croissante des carrières de footballeurs et à la domination économique du championnat anglais qui attire les meilleurs joueurs étrangers (du monde entier). Ces processus compliquent considérablement le travail de fabrication d’une identité pour les équipes nationales des grands pays de football. C’est d’ailleurs ce que remarquait Arsène Wenger, entraîneur de l’équipe très cosmopolite d’Arsenal (Londres), lorsqu’il avait été invité par L’Équipe Magazine à tirer le bilan du Mondial 2010 :
[Je vois] le mal que les sélections ont à vivre ensemble. J’ai des joueurs [à Arsenal] un peu dans toutes les équipes nationales et les échos que j’ai me disent : « Il y a un nouveau problème, c’est comment passer quarante jours ensemble ! Nous, on partait trois jours en train, en bus. On n’avait pas le casque sur les oreilles ou le portable à la main et la Playstation dans le sac […]. Je vois des joueurs chez moi qui, à peine rentrés au vestiaire, vont consulter leurs SMS et n’évoquent même pas le match6.
21Le défi qui est aujourd’hui lancé aux sélectionneurs des équipes nationales des pays structurellement exportateurs de footballeurs (France, Belgique, Pays-Bas, Portugal) n’est donc pas mince : comment construire une « équipe » composée d’une majorité d’expatriés du football ? On verra que l’équipe de France est particulièrement atteinte par ce syndrome du fait même de la faible assise financière des clubs professionnels du pays.
Un livre pour prendre le foot au sérieux…
22Pour finir, un mot pour nous féliciter que les Éditions de la Sorbonne, une grande maison d’édition universitaire, ait accepté de publier ce livre collectif sur le football7. Ce n’était pas gagné tant il reste difficile aujourd’hui de faire prendre au sérieux cet objet dans le monde intellectuel français8. En effet, ce sport, qu’il faut replacer dans l’espace des sports, reste assez profondément illégitime comme objet d’étude, aux yeux des différents groupes de lettrés et chez la plupart des détenteurs de capital culturel (enseignants, artistes, cadres supérieurs du public), en tout cas ceux qui appartiennent aux générations antérieures à celles qui ont vécu au plus près (émotionnellement) la victoire de l’équipe de France au Mondial de 1998. Cette prévention à l’égard du football est double. D’une part, elle est particulièrement forte, pour des raisons proprement politiques, dans les divers groupes de la gauche militante qui tendent à adhérer « naturellement » à la vision critique des sports professionnels9. D’autre part, elle reste prégnante dans les milieux dits « cultivés ». Comme le disait déjà Bourdieu dans La Distinction à propos de l’analyse des pratiques culturelles, « le bon goût, c’est le dégoût du goût des autres ». Oser parler football de manière sérieuse, voire académique, c’est donc presque toujours, pour les tenants et défenseurs de la « vraie » légitimité culturelle, une « faute de goût ». Faute d’espace intellectuel autonome de discussion du football, les journalistes sportifs disposent, en France, d’une sorte de monopole de traitement et d’interprétation. Or ils subissent eux aussi de plus en plus le diktat d’une information en temps réel et soumise à la logique permanente du scoop. Il importe donc que, dans notre pays, les sciences sociales s’emparent plus que jamais de l’objet « football » pour s’efforcer de rétablir un peu plus d’objectivité dans le traitement de l’actualité sportive et y lire, d’une autre manière, l’effet des transformations des espaces sociaux nationaux et transnationaux.
23Ainsi en est-il du lent mouvement d’expulsion des classes populaires des stades « chics » de football. Ce mouvement s’inscrit dans la transformation de l’espace du football professionnel amorcé dans les années 1970. À partir de là, le football professionnel s’internationalise, se médiatise, les clubs se bureaucratisent (avec une perte de pouvoir des supporters) avec, en toile de fond, une crise sociale et des politiques néolibérales qui frappent la classe ouvrière en déstabilisant les acquis sociaux de nombreux ouvriers supporters de football. Parallèlement, les prix des places au stade augmentent et le chômage vient s’ajouter à la déqualification. Les kops deviennent alors le lieu de rassemblement des plus démunis et ses occupants sont mis au ban de la société. On peut, à partir de là, se demander si on ne risque pas d’assister, dans des pays suivant le modèle de la Premier League, à un mouvement d’inversion historique qui verrait les supporters des classes populaires, tendanciellement exclus des enceintes haut de gamme du foot-business, réinvestir les matchs de leurs équipes nationales. Le football des nations se transformerait alors en une sorte de « lot de consolation » pour ces supporters chassés de leurs tribunes populaires par la logique purement libérale des magnats des grands clubs (privés) de football.
Bibliographie
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Fabien Archambault, Loïc Artiaga, « Balle au panier et impéralisme boomerang », dans Fabien Archambault, Loïc Artiaga, Pierre-Yves Frey (dir.), L’Aventure des « grands » hommes. Études sur l’histoire du basket-ball, Limoges, Presses universitaires de Limoges, 2003, p. 7-17.
Fabien Archambault, « Le continent du football », Cahiers des Amériques latines, 74, 2014, p. 15-35.
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Notes de bas de page
1 Le cricket obéit aux mêmes logiques. Ainsi, lorsque, en 1950 à Kingston, une sélection antillaise de cricket remporta un test-match contre l’Angleterre, une partie de la classe politique y vit la confirmation que les West Indies étaient armées pour une émancipation immédiate. Par ailleurs, la carte des cricket playing nations se superpose grosso modo à celle du Commonwealth. Les tournées de l’équipe anglaise outre-mer, qui répondaient aux visites de celles du Pakistan, d’Inde, du Sri-Lanka, d’Australie, etc., délimitaient le périmètre d’une koinè culturelle, elle-même prélude à une construction politique qu’elle contribuait à enraciner et à légitimer (Sur tous ces points, voir Singaravélou, Sorez, 2010).
2 À ce sujet la caricature de Jacques Faizant parue dans Le Figaro du 1er septembre 1960 est restée fameuse : on y voit le général de Gaulle en survêtement, avec la légende « Dans ce pays, si je ne fais pas tout moi-même ! ».
3 À peu près au même moment, un phénomène identique s’observe au Pakistan. La domination exercée par l’équipe nationale de hockey sur gazon, source de prestige bien que ce sport n’ait que peu d’adeptes dans le pays, prit fin en 1970 face à l’Australie. Du coup, le cricket, sport le plus pratiqué, le supplanta dans l’imaginaire collectif comme sport national.
4 En retour, ces transformations du football professionnel à l’échelle mondiale ne peuvent qu’alimenter à bon droit une sociologie critique du football, dénonçant la fonction idéologique d’opium du peuple de ce sport, symbole par excellence de « manipulation des masses ». Il suffit de constater la place démesurément grande que peut prendre le foot dans les journaux télévisés des chaînes de télévision française. Ainsi, il n’est aussi guère contestable que l’énorme couverture médiatique de ce sport fait écran au traitement des « vrais » problèmes sociaux (chômage, pauvreté, inégalités, etc.). Cette vision critique (« de gauche ») du football est bien sûr à prendre en considération tant il est aujourd’hui de plus en plus pris dans les rêts de ce qu’on a coutume d’appeler le « foot business », qui revêt bien des aspects indéfendables. Faut-il pour autant l’abandonner aux seuls « footeux » ? Et ne pas tenter d’y porter un regard armé par les sciences sociales ?
5 Petite note technique. Le football de haut niveau est devenu plus exigeant physiquement, le « pressing » pour récupérer le ballon dans les pieds de l’adversaire se fait constant tout au long du match, la charge musculaire des entraînements s’est fortement accrue, les graves blessures (notamment les ligaments croisés du genou) sont de plus en plus fréquentes, etc.
6 L’Équipe Magazine, 10 juillet 2010.
7 Nous tenons à en remercier son directeur, l’historien Pierre Singaravélou, de nous avoir fait d’emblée confiance et d’avoir fortement soutenu ce projet.
8 Une anecdote à ce titre : au moment de la parution en avril 2011 du livre Traîtres à la nation ? Un autre regard sur la grève des Bleus (La Découverte), lors d’un passage à la librairie La Hune (Saint-Germain-des-Prés, à Paris), un employé à qui nous demandions où trouver le livre et qui connaissait nos travaux sur le monde ouvrier et les classes populaires, nous fait remarquer avec une moue très significative : « Ah ! Vous travaillez sur le foot maintenant… », ne cachant pas sa déception et son incompréhension face à cet apparent changement d’objet, avant d’aller chercher ce livre, bien caché au fond du petit rayon « sport », très loin de la table des « sciences sociales ».
9 Ce n’est pas un hasard si la revue Mouvements (78, 2014) a donné à son très bon numéro spécial sur le sujet le titre suivant : « Peut-on aimer le football ? ».
Auteurs
Fabien Archambault, ancien élève de l’ENS de Fontenay/Saint-Cloud, agrégé d’histoire, ancien membre de l’École française de Rome, est maître de conférences en histoire contemporaine à l’université de Limoges. Il a récemment publié Le Contrôle du ballon. Les catholiques, les communistes et le football (Rome, Bibliothèque des écoles françaises d’Athènes et de Rome, 2012) et Le Continent basket (avec Loïc Artiaga et Gérard Bosc, Bruxelles, Peter Lang, 2015).
Stéphane Beaud est professeur de sociologie à l’université de Poitiers, chercheur en sociologie à l’Institut des sciences sociales du politique (ISP). Il a notamment publié, en collaboration avec Philippe Guimard, Traîtres à la nation ? Un autre regard sur la grève des Bleus en Afrique du Sud (Paris, La Découverte, 2011).
William Gasparini est sociologue, professeur à la faculté des sciences du sport de Strasbourg, chercheur au laboratoire « Sport et sciences sociales » (EA 1342), membre de l’Institut d’études avancées de l’université de Strasbourg (USIAS) et titulaire d’une chaire Jean Monnet en sociologie européenne du sport. Parmi ses publications : Le Sport dans les quartiers (avec Gilles Vieille-Marchiset, Paris, PUF, 2008), L’Espace européen du football, numéro thématique de Politique européenne (avec Jean-François Polo, 2012).
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