Institutions européennes et identités européennes
p. 125-144
Texte intégral
1Au départ, la problématique de cette recherche paraît simple : quel rôle peuvent jouer les institutions européennes dans l’émergence et dans la prise de conscience d’une identité européenne ? Autrement dit, dans quelle mesure les organisations qui sont créées comme instruments de l’unification européenne et les institutions qui fonctionnent en leur sein sont-elles capables d’incarner et de promouvoir une identité européenne ? Nées de l’idée européenne, c’est-à-dire de l’aspiration à la coopération voire à l’intégration des Européens, ces institutions peuvent-elles faire naître ou renforcer le sentiment d’appartenance à l’Europe ? Peuvent-elles, à leur tour, devenir un facteur de progrès de l’idée européenne ?
2Répondre à cette interrogation très générale suppose, a priori, deux approches : voir, de l’intérieur, comment fonctionnent les institutions, avec quelles motivations et quels objectifs ; voir, de l’extérieur, comment ces organisations et ces institutions sont perçues par les Européens ou par les Tiers et quelle(s) image(s) elles réussissent à donner de l’Europe.
3Une question préliminaire s’impose : qu’est-ce que l’Europe ? Qui est Européen ? Qui, c’est-à-dire quels États peuvent ou doivent faire partie de l’Europe ou de telle organisation précise ? Il conviendrait de chercher à savoir s’il y a eu, au sein des institutions européennes, un effort de définition, une réflexion sur l’identité européenne ou s’il existe seulement un concept implicite (approximatif ?) de l’Europe. Dans ce dernier cas, il s’agit de traquer la notion d’Europe qui sous-tend l’action des différentes institutions. Au nom de quelle Europe – de quel projet européen – sont prises, au sein des organisations, les décisions censées faire progresser l’unité européenne ?
4Comme la notion d’Europe reste floue, il n’est pas certain que les institutions agissent en vertu d’un objectif européen clair, d’une sorte d’intérêt général européen. L’étude des prises de décisions au sein des différentes institutions paraît essentielle, non seulement l’analyse du processus décisionnel d’un point de vue formel pour chercher à savoir qui pèse et de quel poids au moment décisif, mais aussi et surtout l’étude des mobiles proclamés, avoués, sous-entendus, voire celle des arrière-pensées plausibles ou probables. Il s’agit dès lors de distinguer entre intérêts nationaux et objectifs européens, tout en s’efforçant de voir dans quelle mesure ces motivations paraissent antagonistes, concurrentes, ou, au contraire, complémentaires et convergentes. À la limite, comme certains dirigeants l’ont souvent affirmé (sincèrement ou par manœuvre, pour rassurer leurs concitoyens, pour se donner une bonne image de marque...), les intérêts nationaux paraissent mieux défendus dans un cadre plus large grâce à des options européennes plutôt que dans un cadre national étroit.
5Étudier les institutions, c’est aussi étudier les hommes qui œuvrent en leur sein, avec les pouvoirs qui sont les leurs du fait des statuts (des traités qui les définissent) ou du fait de leur capacité personnelle d’influence et donc aussi de leur tempérament, de leur prestige, de leurs relations... Quelle est l’idée européenne défendue par tel ou tel décideur au sein des institutions ? Comment parvient-il parfois à l’imposer ? Pourquoi y a-t-il, à d’autres moments, des échecs, des reculades, des compromis ?
6Pour comprendre le fonctionnement et le rôle des institutions, sans doute faut-il souvent tenir compte de facteurs extérieurs, non seulement des pressions des États membres mais aussi des influences exercées par des États tiers, par d’autres organisations, ou encore des contraintes imposées par la situation internationale ou la conjoncture économique. C’est dire que l’image de l’Europe que voudrait promouvoir telle ou telle organisation peut être « brouillée » par des nécessités indépendantes de sa volonté. C’est pourquoi un décalage peut exister entre le projet européen voulu par telle ou telle institution et la perception de ce projet à l’extérieur.
7Appréhender la capacité d’une organisation à incarner ou symboliser une identité européenne peut se faire, par exemple, à travers les jugements portés sur elle par d’autres organisations, à travers les images qui en sont données par la presse ou grâce aux opinions exprimées dans des sondages. On peut s’interroger sur les variantes qui existent d’une institution à l’autre. Les organisations à caractère plus ou moins supranational, comme les Communautés, ont-elles une image plus forte que les organisations de coopération intergouvernementale, comme par exemple le Conseil de l’Europe ? La multiplication des organisations économiques (OECE, CECA, CEE, CEEA, AELE) a-t-elle gêné ou au contraire renforcé la notion d’identité européenne ? À partir de quand et par qui des organisations de l’Europe occidentale créées à l’époque de la guerre froide ont-elles été perçues comme réductrices ? L’élargissement et la réforme des organisations européennes depuis l’effondrement du communisme à l’Est les font-elles apparaître comme des vecteurs plus efficaces de l’identité européenne ?Les organisations paneuropéennes expriment-elles une identité plus claire ou plus diverse ?
8L’ensemble des questions posées suggère les limites thématiques, chronologiques et spatiales de l’investigation qui a été menée. Le colloque d’Essen, organisé par Wilfried Loth, s’est attaché plus spécialement à l’étude de quelques organisations européennes au sens strict (Conseil de l’Europe, CECA, CEE) ainsi qu’à l’influence de personnalités qui y ont joué un rôle majeur. Le colloque de Strasbourg, organisé par Marie-Thérèse Bitsch, s’est efforcé d’élargir le champ d’investigation en s’intéressant également à des organismes précurseurs de l’intégration européenne, comme la SDN, et à des organisations qui incluent l’Europe centrale et orientale dès l’époque de la guerre froide comme la CSCE/OSCE. Il a voulu aussi mettre l’accent sur l’étude des différentes institutions communautaires1.
9En dépit de leur nombre, les communications présentées aux deux colloques ne permettent ni d’épuiser le sujet ni de donner des réponses catégoriques aux questions posées. En raison de la diversité des approches, liée aussi à la richesse du champ de recherche, une synthèse qui s’efforce de dégager des fils directeurs sans négliger aucun des nombreux aspects étudiés n’est pas facile à établir. À première vue, l’élément le plus marquant réside dans la très grande diversité des organisations, de leurs structures, de leurs missions, de leur extension géographique (I). Nées de la volonté d’unification, ces institutions présupposent une prise de conscience de l’appartenance à l’Europe qui se traduit par un attachement à des valeurs dites européennes (II). Mais les institutions, notamment celles de la Communauté/Union européenne, deviennent des instruments qui permettent d’approfondir le processus d’unification et de renforcer l’identité européenne, mais doivent cependant surmonter certains obstacles (III).
Une Europe à géométrie variable
10L’étude des étapes de la construction européenne et (ou) l’analyse du paysage institutionnel européen actuel montrent la multiplicité des organisations qui s’intitulent « européennes » et sont considérées comme telles mais ne se réfèrent pas à la même Europe. Diverses par leurs missions et leurs dimensions, elles illustrent la diversité des réalités européennes et des projets européens : elles traduisent la diversité des identités européennes.
Les organisations européennes : diversité des missions et des espaces
11En dépit de son nom et de sa vocation universaliste, la SDN fait figure d’organisation pionnière pour la coopération européenne. Les Européens y sont majoritaires et leurs problèmes sont au cœur de ses préoccupations. Constituée comme un club de vainqueurs, elle compte vingt et un États européens à la fin de l’année 1920 (sur un total de quarante-huit),vingt-sept en 1926 après l’admission de l’Allemagne de Weimar comme en 1935, après le départ de l’Allemagne nazie et l’entrée de l’Union soviétique. Fille de la Première Guerre mondiale, la SDN veut avant tout sauvegarder la paix en développant la coopération politique, économique, culturelle. Mais elle est loin de constituer un ensemble homogène. Fortement cloisonnée par des barrières douanières qui se durcissent encore après la grande crise et la montée des nationalismes économiques, cette Europe de l’entre-deux-guerres juxtapose au moins trois ensembles régionaux aux caractéristiques différentes d’un point de vue économique et monétaire : une Europe du Nord-ouest avec le Royaume-Uni et les États scandinaves, une Europe occidentale continentale et une Europe du Centre et du Sud-est (S. Schirmann). D’un point de vue politique, au clivage initial entre vainqueurs et vaincus se superpose, dans les années1930, un clivage entre démocraties occidentales et régimes autoritaires ou fascistes de l’Europe méridionale, centrale et orientale. Quant à la coopération culturelle, elle s’efforce de combler les inégalités de développement entre Europe occidentale et Europe centrale (P. Guillen).
12Généraliste par ses missions et intergouvernemental par ses structures comme la SDN, le Conseil de l’Europe a pour but, selon l’article 1 de son Statut adopté à Londres en 1949, de
« réaliser une union plus étroite entre ses Membres […] par l’adoption d’une action commune dans les domaines économique, social, culturel, scientifique, juridique et administratif ainsi que par la sauvegarde et le développement des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».
13Constitué « sans l’Est mais pas contre l’Est » selon la formule lancée par les fédéralistes européens à leur congrès de Montreux (1947), il comprend, lors de sa création, dix États d’Europe occidentale. Sa vocation « paneuropéenne » affirmée dès l’origine reste longtemps théorique et la suggestion faite, lors de sa première session, par l’Assemblée consultative, de réserver un banc pour les représentants des pays d’Europe orientale à leur retour à la démocratie, n’est qu’un vœu pieux. De plus, ce n’est que très progressivement que le Conseil de l’Europe s’élargit à l’ensemble des pays d’Europe occidentale. Il accueille son 23e État membre, la Finlande, en 1989, au moment de son quarantième anniversaire. Mais il s’ouvre ensuite très rapidement, après la chute du communisme, aux pays d’Europe médiane et orientale, y compris la Russie qui devient 39e Membre en 1996, puis aux États du Caucase, en attendant les États nés de l’éclatement de la Yougoslavie.
14En douze ans, entre 1948 et 1960, de nombreuses organisations économiques se mettent en place. La première, l’OECE, apparaît comme une« relativement grande » Europe, par définition occidentale, voire atlantique, puisqu’elle regroupe les dix-sept États concernés par le plan Marshall, y compris la Suisse qui n’a pas besoin d’aide financière et la RFA qui adhère officiellement dès 1949, en attendant l’admission d’un 18e État, l’Espagne, en 1959. Elle suscite en réaction la création du CAEM (ou Comecon) regroupant à l’Est, autour de l’Union soviétique, les pays communistes qui s’abstiennent – ou sont obligés de s’abstenir – de participer au plan Marshall (sauf la Yougoslavie, en rupture de banc). Décevante pour certains en raison de son caractère intergouvernemental et de sa faible capacité d’intégration, l’OECE laisse le champ libre à l’émergence, dans les années 1950, d’une « petite » Europe économique supranationale avec la création, en 1951, de la CECA et, en 1957, de l’Euratom et de la CEE par six États : Allemagne, France, Italie, Belgique, Pays-Bas, Luxembourg (G. Bossuat). Le « petit » ensemble régional formé par ces trois derniers, Benelux, se présente alors volontiers comme un modèle pour la Communauté, même si le système institutionnel y est plus léger et le projet d’intégration moins ambitieux. Enfin, au lendemain de la signature des traités de Rome (1957), l’échec de la tentative de grande zone de libre échange avec les dix-huit de l’OECE incite l’Angleterre à constituer autour d’elle la « petite » AELE (ou EFTA) avec les États scandinaves, la Suisse, l’Autriche, le Portugal (W. Kaiser) et précipite la transformation de l’OECE en OCDE, élargie dans un premier temps à l’Amérique du Nord (USA et Canada), ce qui accentue son caractère d’espace transatlantique ouvert aux pays industriels développés et la fait apparaître comme l’ébauche d’une mondialisation des échanges (G. Bossuat). Désormais l’Europe occidentale se partage entre deux « petites » organisations économiques, en attendant que les pays de l’AELE rejoignent la Communauté, la dernière étape étant franchie en 1995 : avec l’adhésion des Neutres (Autriche, Finlande, Suède), la Communauté insérée dans l’Union européenne depuis le traité de Maastricht recouvre pratiquement l’Europe occidentale de l’époque de la guerre froide.
15Parmi les organisations qui ont vocation à assurer la sécurité de l’Europe, certaines n’ont été abordées que très indirectement et très partiellement par les travaux du groupe. C’est le cas, notamment, de l’UEO, qui joue, c’est vrai, un rôle secondaire même après les efforts de dynamisation des années 1980-1990, et de l’OTAN, organisation transatlantique par sa composition, même si sa mission défensive à l’époque de la guerre froide concerne avant tout l’Europe. À la différence de ces deux organisations occidentales, la CSCE se constitue d’emblée, au début des années 1970, à l’ère de la détente, comme une « grande » Europe superposée aux blocs, voire une « très grande » Europe ou, plus exactement, un espace américano-euro-asiatique. Constituée à l’initiative de l’Union soviétique, elle regroupe, à la demande expresse des Occidentaux, l’ensemble des États membres des deux alliances militaires, Pacte atlantique et Pacte de Varsovie (et donc aussi les États-Unis et le Canada) ainsi que les États européens neutres et non-alignés. Après la guerre froide, les limites géographiques de cet ensemble qui va de Vancouver à Vladivostok ne sont pas modifiées mais la CSCE, institutionnalisée en OSCE, passe de trente-cinq à cinquante-cinq États membres, à la suite de l’éclatement de l’Union soviétique, de la Yougoslavie et de la Tchécoslovaquie (V.-Y. Ghebali).
16Dans les années 1990, sur les ruines de l’Empire soviétique, s’affirment de nouvelles solidarités au sein d’espaces régionaux plus ou moins vastes, à vocation principalement économique : groupe de Visegrad constitué à trois, Pologne, Hongrie, Tchécoslovaquie, puis à quatre après la partition de ce dernier et à cinq après l’admission de la Slovénie ; groupe des trois États baltes ; Conseil des États de la Baltique à dix ; zone de coopération économique de la mer Noire regroupant autour de la Turquie des États balkaniques et d’anciennes Républiques soviétiques (J.-C. Romer).
17Ainsi, ces organisations « européennes » se présentent avec des dimensions très variables de l’une à l’autre, ou, pour certaines d’entre elles, aux différentes étapes de leur évolution.
Jusqu’où va l’Europe ?
18Ces organisations à géométrie variable montrent bien l’inexistence de frontières géographiques impératives, ou, si l’on préfère, l’impossibilité de fixer de manière pertinente les limites de l’espace géographique européen. D’ailleurs, la question de savoir qui est européen (c’est-à-dire : quels sont les pays qui font partie de l’Europe ? ou s’arrête l’Europe ?) n’est jamais posée explicitement sous cette forme, au sein des institutions européennes, pendant toute la durée de la guerre froide, tant il paraît évident aux yeux des Occidentaux que la construction européenne ne peut concerner que les États « libres » d’Europe occidentale (M.-T. Bitsch). La frontière idéologique s’impose. La construction européenne s’arrête au rideau de fer.
19À aucun moment, pendant les négociations qui conduisent à la création du Conseil de l’Europe ou des Communautés, le caractère européen des États fondateurs n’est l’objet de discussions. Lorsque l’entrée de la Turquie au Conseil de l’Europe commence à être envisagée, les seules objections qui sont faites sont liées, non au caractère européen peut-être incertain de ce pays, mais aux craintes des réactions soviétiques. En fait la Turquie, admise dès 1949, est alors solidement ancrée au bloc occidental puisqu’elle est déjà membre de l’OECE depuis 1948 en attendant d’adhérer à l’OTAN en 1952. Par la suite, l’admission de nouveaux membres au Conseil de l’Europe se fait après des changements internes chez les candidats : changement de politique (par exemple la Suisse ne juge plus sa neutralité incompatible avec son appartenance à l’organisation de Strasbourg), changement de statut (l’Autriche adhère après la fin de l’occupation alliée, Chypre ou Malte après leur indépendance), changement de système politique (l’instauration d’un régime démocratique pluraliste est une condition incontournable) pour l’Espagne et le Portugal dans les années 1970, les pays ex-communistes dans les années 1990. Quant à la Finlande, elle ne peut adhérer en 1989 qu’à la faveur d’une évolution de la conjoncture internationale et la levée, au moins implicite, du veto soviétique.
20De même, lors des élargissements de la Communauté, les débats portent essentiellement sur la question de savoir si les candidats ont la volonté et la capacité d’accepter l’acquis communautaire et si, par conséquent, leur arrivée ne risque pas de remettre en question le bon fonctionnement de la CEE ou d’entraîner des coûts trop importants pour les anciens membres en termes financiers, budgétaires ou en termes de concurrence économique. Seule exception, l’Angleterre a pu, dans les années 1960, être présentée, notamment en France, comme insuffisamment « européenne ».Cependant, il ne s’agissait pas de contester son appartenance à l’Europe mais plutôt de dénoncer sa politique perçue comme jouant la carte américaine plutôt que celle de la solidarité européenne.
21La perspective change après la fin de la guerre froide et l’éclatement de l’Union soviétique, lorsque les pays d’Europe centrale et orientale se tournent vers l’Europe occidentale avec l’espoir d’entrer rapidement dans les différentes organisations européennes. Ce n’est pas un hasard si la question se pose, simultanément, au sein du Conseil de l’Europe et de la Communauté européenne, de savoir jusqu’où va l’Europe et qui est éligible aux organisations européennes. Un débat organisé par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, entre 1991 et 1994, achoppe sur la question des frontières géographiques entre l’Europe et l’Asie et la recommandation finalement adoptée par l’Assemblée se contente de se référer « aux limites géographiques de l’Europe généralement acceptées », mais fonde la possibilité d’entrer au Conseil de l’Europe sur d’autres critères (M.-T. Bitsch). De même, la réflexion de la Commission de Bruxelles aboutit à un constat d’impossibilité et à un refus de fixer d’avance les limites finales de l’Union européenne sur une base géographique (rapport présenté au Conseil européen de Lisbonne, 1992). Dans la perspective d’un élargissement à l’Est, elle préconise des conditions d’éligibilité, adoptées en 1993 par le Conseil européen de Copenhague, qui se réfèrent au respect, par les candidats, des normes de la démocratie pluraliste et de l’économie de marché. Le « retour à l’Europe » semble donc subordonné à l’acceptation des « valeurs » européennes.
Les éléments constitutifs de l’identité européenne
22L’analyse du discours européen au sein des institutions montre l’importance accordée aux valeurs, voire aux idéaux, en tant que système de référence – ou de reconnaissance – pour les Européens.
La référence aux valeurs culturelles
23La référence aux valeurs culturelles est exprimée de manière particulièrement nette par des organisations qui ont vocation à développer la coopération culturelle, comme la SDN ou le Conseil de l’Europe. Mais elle n’est absente ni dans la Communauté qui s’intéresse plus tardivement aux questions culturelles, ni dans la CSCE où la troisième corbeille s’attache aux échanges culturels et éducatifs. Cette référence apparaît notamment dans les textes fondateurs qui ne manquent pas de rappeler aussi l’existence d’une histoire commune et de traditions communes. Ainsi, les signataires du traité de Londres qui crée le Conseil de l’Europe en 1949 se déclarent « inébranlablement attachés aux valeurs spirituelles et morales qui sont le patrimoine commun de leurs peuples », et la déclaration adoptée à Vienne, en 1993, à l’issue du premier sommet des chefs d’État et de gouvernement qui doit donner un nouveau souffle au Conseil de l’Europe en train de s’élargir à l’Est, se réfère au « commun patrimoine culturel enrichi par les diversités ».
24De l’entre-deux-guerres à nos jours, le discours sur les valeurs culturelles semble osciller entre l’affirmation de l’unité fondamentale de la civilisation européenne et la reconnaissance de la diversité culturelle (P. Guillen, M. G. Martins, B. Riondel, W. Loth, M.-T. Bitsch, V. Constantinesco). Il est admis que la communauté de valeurs ne tient pas à l’acceptation des mêmes convictions philosophiques ou religieuses – le christianisme, par exemple, n’étant pas une croyance unique, obligatoire –mais plutôt à l’existence d’attitudes et de sensibilités communes liées à l’humanisme. Le fait multiculturel est lui-même présenté comme un élément fondamental de l’identité qu’il convient de respecter et de maintenir pour sauvegarder la richesse du patrimoine culturel européen. Cette optique, habituellement défendue par le Conseil de l’Europe, est aussi celle de la Communauté/Union européenne comme le montre bien l’article 128 du traité de Maastricht : « La Communauté contribue à l’épanouissement des cultures des États membres dans le respect de leur diversité nationale et régionale, tout en mettant en évidence l’héritage culturel commun ».
La défense des principes démocratiques
25L’identité européenne ne s’exprime pas seulement par les affinités dans les domaines intellectuels ou artistiques, les modes de vie et de pensée. Elle est fondée sur les grands principes politiques autour des quels se constitue un consensus européen. Comme l’indique le statut du Conseil de l’Europe, « les valeurs spirituelles et morales […] sont à l’origine des principes de liberté individuelle, de liberté politique et de prééminence du Droit sur lesquels se fonde toute démocratie véritable ». Déjà les signataires du traité de Bruxelles (mars 1948) avaient affirmé « leur foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine », ainsi que leur détermination « à défendre les principes démocratiques des libertés civiques et individuelles, les traditions constitutionnelles et le respect de la loi qui forment le patrimoine commun ». De même, la convention, qui crée l’OECE (avril 1948) et fixe surtout des objectifs économiques, considère qu’une « économie européenne forte et prospère est essentielle pour […] sauvegarder les libertés individuelles, accroître le bien-être général et [contribuer] au maintien de la paix ». On pourrait penser qu’en 1947-1948, en ce début de guerre froide, la référence systématique aux libertés fondamentales permet surtout aux organisations occidentales de se démarquer de l’Europe communiste. En fait, cette adhésion aux valeurs démocratiques s’affirme avec une acuité de plus en plus forte à l’ère de la détente Est-Ouest et dans l’après-guerre froide. Elle est aussi consacrée, dès 1950, par la signature à Rome de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dont l’originalité réside non dans l’établissement d’un catalogue détaillé de droits, mais dans la mise en place d’un mécanisme destiné à les garantir.
26Si le préambule du traité de Rome de 1957 rappelle, de manière assez concise, la nécessité de sauvegarder la paix et la liberté et de se conformer aux principes de la charte des Nations unies, une réflexion plus approfondie pour définir l’identité politique européenne se développe au sein de la Communauté à partir des années 1970. Elle est encouragée par des défis venus de l’extérieur. Interpellée par Henry Kissinger, alors conseiller du président Nixon, qui veut faire de 1973 « l’année de l’Europe »,la Communauté des Neuf réagit par une déclaration sur l’identité européenne, adoptée en décembre au sommet de Copenhague (peu après la crise du Proche-Orient où l’Europe n’a pratiquement pas d’influence). Ce texte souligne la volonté de sauvegarder les principes de la démocratie représentative, du règne de la loi, de la justice sociale, de la finalité du progrès économique, et des droits de l’homme qui « constituent les éléments fondamentaux de l’identité européenne ». Par la suite, ces principes sont rappelés à de nombreuses reprises (V. Constantinesco) : par la déclaration sur la démocratie adoptée par le Conseil européen de Copenhague en avril 1978, par le traité de Maastricht et, plus explicitement encore, par le traité d’Amsterdam qui précise :
« L’Union est fondée sur les principes de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l’État de droit, principes qui sont communs aux États membres ».
27Depuis la décision du Conseil européen de Copenhague de 1993, le respect de ces principes fait partie intégrante des conditions d’admission à remplir par les États candidats à l’entrée dans l’Union européenne et le traité d’Amsterdam prévoit des sanctions en cas de violation de ces règles.
28On peut noter que c’est également au début des années 1990, au moment de son élargissement vers l’Est, que le Conseil de l’Europe est amené à demander de manière plus pressante le respect de ces principes par les États candidats. Tout pays candidat doit mettre ses institutions en conformité avec les principes de base de l’État démocratique. Il doit aussi s’engager à signer et ratifier la Convention européenne des droits de l’homme, y compris la reconnaissance du droit de recours individuel et la compétence obligatoire de la Cour. Il doit organiser, au suffrage universel, des élections libres et honnêtes, pour désigner les représentants des peuples et garantir les libertés d’expression ainsi que les droits des minorités nationales. Pour résumer, la recommandation adoptée par l’Assemblée parlementaire en octobre 1994, définit le Conseil de l’Europe comme « une organisation d’États souverains qui, sur la base de constitutions démocratiques et de la convention européenne des droits de l’homme aspirent à parvenir à une coopération étroite ».
29Parmi ces nombreuses professions de foi démocratiques, l’Acte final d’Helsinki (1975) constitue un texte surprenant à première vue. Il n’apparaît pas, en effet, comme un compromis entre les visions idéologiques des deux camps. Loin de faire des concessions à la vision marxiste, il affirme les valeurs de la démocratie (ou du « démo-libéralisme »), il est vrai parfois avec quelque prudence ou ambiguïté. Mais les Soviétiques ont été contraints d’inscrire dans ce texte le droit à l’autodétermination des peuples et les droits de l’homme que les pays de l’Est sont invités à respecter en alignant leurs législations sur celles de l’Ouest (V.-Y. Ghebali).Même si l’impact de cette déclaration n’est pas immédiat, elle contribue à déstabiliser le bloc communiste et ne peut que défaire l’identité est-européenne construite dans les années 1950-1960 par l’Union soviétique qui s’efforçait alors d’imposer le même modèle idéologique et politique aux démocraties populaires. Cette uniformisation imposée de l’extérieur, plus ou moins bien acceptée selon les pays, se dissout avec l’abandon par Moscou de la doctrine de la souveraineté limitée (J.-C. Romer).
30Ainsi, toutes les organisations se réfèrent aux mêmes valeurs politiques qui sont aussi des valeurs soit respectées depuis longtemps, soit adoptées plus récemment par les États membres. La question est posée si ces valeurs peuvent être mieux garanties dans un cadre européen, comme le pensent les fédéralistes tels A. Spinelli (M. Neri Gualdesi), ou au contraire par les sociétés nationales et la politique intérieure des États, comme le disent les conservateurs britanniques, même si certains d’entre eux ont fortement contribué à l’adoption de la Convention européenne des droits de l’homme (S. Skär). Quoi qu’il en soit, l’adhésion à ces principes tend à faire naître une société européenne démocratique relativement homogène, attachée au pluralisme, aux libertés, à la prééminence de l’État de droit, aux droits de l’homme, au respect des minorités. On peut donc constater l’existence d’un patrimoine constitutionnel commun qui conduit à l’émergence, au niveau européen, d’un patriotisme constitutionnel. Ce « patriotisme européen », qui traduit l’allégeance à un système de valeurs plutôt qu’une adhésion sentimentale, peut se superposer au « patriotisme national ». Identité nationale et identité européenne sont donc perçues comme complémentaires et non comme exclusives l’une de l’autre (V. Constantinesco, J. Gerkrath). Les sentiments d’appartenance à des groupes plus ou moins vastes, nationaux ou européens, devraient pouvoir non seulement coexister mais se conforter.
31Cependant une objection apparaît face à cet œcuménisme démocratique. Ces principes, qui sont universalistes, ne sont pas l’apanage des Européens. Peuvent-ils, dès lors, suffire à exprimer l’identité européenne ? La seule référence aux valeurs politiques n’est-elle pas réductrice de l’identité européenne ?
La nécessaire adhésion à un projet européen
32De même que Ernest Renan définissait la nation comme « un plébiscite de tous les jours », l’identité européenne ne doit-elle pas impliquer aussi l’adhésion à un projet commun ?
33Diverses réflexions menées au sein des institutions européennes au début des années 1990 répondent clairement par l’affirmative. Au cours du grand débat, déjà évoqué, au sein du Conseil de l’Europe, faute de s’accorder sur des critères d’éligibilité objectifs tout à fait convaincants, plusieurs intervenants en arrivent à conclure que la volonté manifeste de faire partie de l’Europe doit être prise en considération (M.-T. Bitsch). Cette idée est reprise dans la recommandation finale qui précise que, notamment, les États de l’ex-Yougoslavie et du Caucase ont la possibilité de devenir membres du Conseil de l’Europe à condition d’indiquer« clairement leur volonté d’être considérés comme faisant partie de l’Europe » (point 8 de la recommandation 1247). En refusant de fixer d’avance ses dimensions finales, l’Union européenne adopte la même attitude. Reste alors à préciser le ou les projets susceptibles de réunir les Européens, de renforcer leur solidarité, d’affirmer leur cohésion face à l’extérieur et donc aussi leurs différences face aux tiers.
34À l’époque des fondateurs, au lendemain des guerres mondiales et dans la phase aiguë de la guerre froide, la sauvegarde de la paix constitue un mot d’ordre fort et consensuel, aussi bien pour les organisations qui ont pour vocation la coopération économique ou culturelle que pour celles qui doivent garantir plus directement la sécurité. Le concept d’une Europe troisième force entre les deux blocs, d’un pôle européen capable de jouer le rôle de médiateur pouvait être porteur d’une identité forte (W. D. Gruner). Mais en réalité, à l’exception de la CSCE créée seulement dans les années 1970, toutes les organisations européennes sont insérées dans l’un des camps et fortement connotées d’un point de vue idéologique. Certains Européens ne peuvent concevoir une identité européenne hors de l’Alliance atlantique. Pour les Britanniques, les relations spéciales avec les États-Unis sont une priorité (S. Skär). Inversement, aux États-Unis, l’intégration européenne est perçue comme un perfectionnement de l’organisation atlantique (G. Bossuat). En tout cas, toutes les organisations « européennes » qui font partie du « monde libre », sont « occidentales »et « démocratiques » (ce qui peut paraître alors plus ou moins comme un pléonasme). Le Comecon et le Pacte de Varsovie sont considérés comme des organisations « communistes » ou de « l’Europe de l’Est ».
35La recherche de la paix reste toujours un projet d’actualité après la fin de la guerre froide, même si les données ont changé, comme l’illustre notamment l’orientation de l’OSCE en faveur d’une « sécurité coopérative ». Fondée sur l’idée que la paix doit être garantie en Europe par les coopérations les plus variées, dans le cadre des trois « corbeilles » d’Helsinki désignées désormais plutôt comme les « dimensions » possibles de la coopération, cette action privilégie la diplomatie préventive et la gestion des crises, notamment grâce à des mesures de confiance ou à la protection des droits de l’homme, des droits des minorités ou des réfugiés(V.-Y. Ghebali). Au sein de l’Union européenne, la politique étrangère et de sécurité commune définie par le traité de Maastricht et toujours balbutiante (et non étudiée par les travaux du groupe) pourrait peut-être aussi devenir un élément constitutif fort d’une identité européenne.
36Plus récemment, l’idée d’une Europe sociale fait son chemin. Le projet n’est pas absent des textes fondateurs mais reste longtemps abstrait. La justice sociale comme finalité du progrès économique est un thème récurrent mais peu approfondi, à quoi s’ajoute parfois l’idée d’une prospérité européenne à partager avec les territoires d’outre-mer (dans les années 1950) ou à utiliser pour lutter contre le sous-développement (par la suite). La CECA mène une politique sociale d’envergure, notamment en faveur de la réadaptation des ouvriers (R. Poidevin). Le Conseil de l’Europe adopte en 1961 une Charte sociale présentée comme un pendant de la Convention européenne des droits de l’homme, qui énumère les droits économiques et sociaux et met en place un mécanisme de contrôle qui est cependant beaucoup moins contraignant que la garantie prévue pour les droits civils et politiques. Dans les années 1960, c’est au sein de l’AELE que le discours sur le projet social paraît le plus accentué. Dans son effort pour donner d’elle-même une image spécifique et positive face à la CEE – alors qu’elle est peu homogène et née de circonstances accidentelles –, cette organisation se présente comme une Europe du libre-échange face au Marché commun plus protectionniste et surtout comme une Europe du bien-être, sociale-démocrate et progressiste. Elle prétend incarner un modèle social plus ou moins identifié avec le modèle scandinave d’État providence. Mais le discours travestit un peu la réalité car il n’y a pas de fossé entre l’AELE et la CEE parfois diabolisée, dans cette confrontation entre les deux petites Europes économiques, comme étant capitaliste, conservatrice, catholique et colonialiste (W. Kaiser).
37La composante sociale de l’identité européenne est davantage mise en exergue au sein de la Communauté à partir des années 1980. Peu après son entrée en fonction, le président de la Commission, Jacques Delors, s’efforce de promouvoir le dialogue social pour faciliter la mise en œuvre du grand marché intérieur à l’horizon 1992 et obtenir l’appui du grand public. Il lance aussi un projet de charte sociale qui doit affirmer les droits sociaux européens fondamentaux et qui sera adoptée sous une forme un peu édulcorée en 1989. Encore vers la fin de son mandat, avec le Livre blanc sur la croissance, la compétitivité et l’emploi (1993), il cherche à donner à la Communauté une image plus sociale, à convaincre l’opinion que la dimension sociale est prise en considération (D. Rometsch). Même si l’impact immédiat de ces efforts reste limité, le thème d’un nécessaire projet social s’impose. Au cours de la période la plus récente, cette référence au modèle social européen reste plus que jamais d’actualité bien que le contenu de cette composante sociale de l’identité européenne reste incertain.
38Paradoxalement, dans les organisations européennes en grande partie axées sur la coopération économique, les discours n’exaltent pas les principes de l’économie de marché pourtant largement appliqués. (À moins que les chercheurs du groupe aient insuffisamment traqué les déclarations de foi en l’économie libérale). Faut-il y voir la preuve, a contrario, qu’ils constituent un élément de l’identité européenne évident et incontesté ? Il faut attendre l’effondrement du communisme pour que la référence explicite à l’économie de marché devienne plus fréquente mais parfois timide. Dans le débat sur l’identité européenne au Conseil de l’Europe, seuls quelques orateurs insistent sur la nécessité de respecter les règles de l’économie de marché, à quoi ils ajoutent volontiers la protection de l’environnement (M.-T. Bitsch). La préoccupation environnementale existe aussi dès 1975 dans la CSCE qui n’insiste que plus tardivement sur la nécessité de développer l’économie de marché (V.-Y. Ghebali). Par contre, lorsque les critères d’admission à l’Union européenne des pays d’Europe centrale et orientale sont formulés, l’ensemble de ces exigences est clairement indiqué.
39Finalement, la question reste ouverte de savoir quel projet est susceptible d’incarner le mieux les intérêts et les aspirations des Européens : une Europe, espace de paix ? une Europe-puissance ? un grand marché ? une Europe sociale ? une communauté de valeurs démocratiques ? ou une combinaison originale de ces différents projets susceptible d’exprimer mieux l’identité européenne ?
Les institutions, catalyseur de l’identité européenne
40Pour se concrétiser et se développer, les projets européens ont besoin d’un moteur mais les institutions qui incarnent la volonté d’Europe peuvent – et souhaitent – conforter l’identité européenne. Ces institutions sont susceptibles de contribuer au renforcement de l’identité par deux formes d’action distinctes : d’une part, elles s’efforcent de construire l’Europe et d’accentuer la lisibilité du projet européen, d’autre part, elles cherchent à susciter l’adhésion de l’opinion publique, à éveiller l’esprit européen et à renforcer le sentiment d’appartenance à l’Europe. Mais leur action est parfois freinée par les rivalités entre institutions, plus souvent par la résistance des États.
La capacité des institutions à renforcer l’identité européenne
41Quel type d’institutions peut être le plus à même de conforter l’identité européenne ? C’est une question qui sous-entend largement le débat entre partisans de la méthode intergouvernementale et champions de l’intégration à caractère supranational, voire fédéraliste. Pour le général de Gaulle qui veut une « Europe européenne » indépendante des États-Unis, l’Europe doit avoir sa personnalité du point de vue politique et du point de vue de la défense (W. Loth). Mais cette forte identité européenne doit s’incarner, selon lui, dans une Europe des États et ne pas impliquer d’abandons de souveraineté. Faute d’être suivie par ses partenaires, la France du général de Gaulle ne peut réaliser cette Europe européenne. De même, les Britanniques, et notamment les conservateurs autour de Winston Churchill qui se veulent les plus fervents Européens du Royaume-Uni, se déclarent favorables à l’établissement de fortes solidarités, en particulier dans le domaine économique, grâce à la création d’autorités spécialisées. Mais derrière ce fonctionnalisme apparent, ils prônent en fait des structures interétatiques car les autorités spécialisées doivent, à leurs yeux, être contrôlées par le comité des ministres du Conseil de l’Europe (S. Skär).Dans la pratique, leurs propositions ne rencontrent d’échos favorables ni au Royaume-Uni ni au Conseil de l’Europe. Faiblement crédibles, ils ne peuvent faire progresser ni la construction européenne, ni l’esprit européen. Bien au contraire, ils sont dénoncés par les fédéralistes comme des Européens peu convaincus (W. D. Gruner). Les fédéralistes de toutes nuances plaident au contraire pour une Europe forte grâce à des institutions fortes, supranationales, mais démocratiques et non technocratiques (B. Riondel). Pour Altiero Spinelli, l’Europe fédéraliste ne doit pas être un « rouleau compresseur ». Il faut concilier la mise en commun des politiques essentielles avec les autonomies nationales grâce au principe de subsidiarité (M. Neri Gualdesi). Walter Hallstein, non plus, ne veut pas la dissolution des nations européennes qui doivent garder leur spécificité au sein d’une Europe dotée d’institutions capables de susciter un patriotisme européen (W. Loth).
42Les organisations européennes ont, en général, une conception ambitieuse de leur rôle de catalyseur de l’identité européenne. L’action culturelle apparaît comme un levier privilégié. Loin de vouloir uniformiser ou figer une culture européenne, elle doit favoriser les échanges, développer la connaissance réciproque, la compréhension mutuelle, l’esprit de tolérance. Cette éducation à l’interculturel devrait permettre une coexistence des cultures, empêcher l’explosion des nationalismes, des égoïsmes, des haines et, en fin de compte, préserver la paix qui est la justification ultime de la coopération culturelle (P. Guillen, M. G. Martins, B. Riondel). Mais elle voudrait aussi, selon l’objectif déjà affirmé par le traité de Bruxelles de 1948 (article 3 du traité qui crée l’Union occidentale, noyau initial de l’UEO), faire prendre conscience aux Européens de leur appartenance à une civilisation commune. De nombreux programmes qui touchent non seulement les élites mais le grand public, notamment les jeunes, sont misen œuvre pour favoriser cette prise de conscience, pour conforter l’identité culturelle. La SDN, avec ses organes spécialisés comme la Commission de coopération intellectuelle, joue un rôle pionnier pour organiser des rencontres, développer les échanges d’étudiants, réformer les enseignements, en particulier de l’histoire, préserver le patrimoine culturel (P. Guillen).Depuis 1949, une action tout aussi volontariste et très diversifiée (programmes éducatifs, aide à la conservation du patrimoine, expositions artistiques, tourisme culturel, formation d’animateurs...) est entreprise sous l’égide du Conseil de l’Europe (M. G. Martins). Créé en dehors des structures communautaires par les États membres de la CEE, l’Institut universitaire européen de Florence n’a pas nettement opté entre les deux vocations possibles, de pôle scientifique pour chercheurs de haut niveau ou de centre de formation de la classe dirigeante européenne ; mais le développement du patrimoine culturel comme les études sur la construction européenne ou la promotion du sentiment d’appartenance à l’Europe ne semblent pas exclus de ses préoccupations (J.-M. Palayret).
43Au cours des décennies, les institutions de la Communauté/Union européenne ont multiplié les tentatives pour se faire mieux connaître et donner d’elles-mêmes une image positive grâce à une action d’information suivie, pour se doter d’une plus grande légitimité démocratique et se faire conférer un maximum de compétences et d’autorité. Première institution communautaire, la Haute Autorité de la CECA, conçue pour servir l’intérêt général en dépassant les souverainetés nationales et les égoïsmes nationaux, est le symbole par excellence de l’intégration européenne dans les années 1950. Son indépendance par rapport aux gouvernements et au monde des affaires devait en faire un porte-drapeau de l’idée européenne. Mais cette indépendance n’est pas toujours effective (R. Poidevin).
44Héritière de la Haute Autorité, avec une dénomination et au départ un statut plus modestes, la Commission de la Communauté s’efforce inlassablement de conforter son rôle dans l’intégration européenne. Consciente du défi, elle cherche à trouver un appui dans l’opinion. Grâce à son service de presse, elle poursuit avec beaucoup d’énergie une politique d’information bien accueillie par les élites mais sans effet sur le grand public (P. Ludlow). En 1965, les initiatives prises sous l’impulsion du président Walter Hallstein conduisent à l’épreuve de force avec le général de Gaulle et à la défaite de la Commission qui ne parvient ni à renforcer ses compétences ou celles du Parlement, ni à accentuer le caractère supranational ou l’indépendance financière de la Communauté (W. Loth). Elle y perd sa dimension politique qui sera difficile à réhabiliter malgré les efforts de certains de ses membres comme Altiero Spinelli (M. Neri Gualdesi) et en dépit de la fusion en une Commission unique des trois exécutifs (Haute Autorité, Commission CEE, Commission Euratom), préparée de longue date et entrée en vigueur en 1967. Cette réforme devait être, plus qu’une simple rationalisation administrative, un geste politique symbolique capable d’affirmer la Commission face aux États membres et face au monde extérieur et de rendre les structures européennes plus lisibles pour l’opinion. Mais, intervenue dans une conjoncture peu favorable, elle ne parvient pas, à court terme, à valoriser la Commission, à lui conférer un prestige suffisant pour rendre aussi la construction européenne plus attractive (M.-T. Bitsch). Il faut attendre les années 1980 et l’arrivée à la présidence de Jacques Delors pour que la Commission retrouve son rôle de moteur politique de l’intégration et une capacité à donner de l’Europe une image positive (D. Rometsch).
45Le phénomène de personnalisation des institutions, qui se révèle très efficace avec Jacques Delors, explique sans doute aussi en partie le succès paradoxal du Conseil européen, créé tardivement (1974) par une simple décision des gouvernements qui institutionnalisent des Sommets auparavant irréguliers et espacés. Cette évolution, qui répond à un besoin de mettre fin à une paralysie du processus de décision devenue quasi chronique dans la Communauté des Neuf, met en place une institution dont la capacité à symboliser l’Europe devient considérable. Constitué par les plus hauts responsables nationaux, issus du suffrage universel et, donc, dotés d’une forte légitimité et, en général, d’une bonne notoriété et d’une certaine permanence, le Conseil européen joue un rôle politique essentiel, prend position sur les questions internationales, lance des projets communs, délivre des messages à l’opinion (V. Constantinesco). De plus, chaque réunion de ce Conseil européen, soigneusement organisée selon des rites plus ou moins immuables, devient un événement médiatique que la présidence (par alternance), qui tend, elle aussi, à prendre une influence de plus en plus large, s’applique à bien orchestrer.
46Beaucoup plus discrète et beaucoup moins connue du grand public, la Cour de justice des Communautés européennes, qui doit assurer le respect du droit dans l’interprétation et l’application des traités, joue pourtant un rôle majeur dans l’émergence d’une identité européenne. En interprétant systématiquement le traité dans un sens « européen » (intégrationniste), elle a réussi à affirmer, à la fois, l’autonomie et la primauté du droit communautaire par rapport au droit national. Elle a aussi imposé le respect des droits fondamentaux considérés comme faisant partie intégrante du droit communautaire. Cette évolution, qui se fait avec l’accord des juridictions nationales dont elle a su gagner la confiance, illustre un « activisme judiciaire » au service d’un patriotisme constitutionnel européen (J. Gerkrath).
47Quant au Parlement représentant les peuples, il veut par définition rapprocher l’Europe des citoyens. Depuis sa création comme Assemblée parlementaire des Communautés élue au suffrage indirect et dotée de faibles pouvoirs, il aspire à plus de crédibilité qu’il cherche à trouver grâce à son élection au suffrage universel direct qu’un Maurice Faure souhaite voir organisé au scrutin proportionnel, dans des circonscriptions régionales. Relativement nombreux, proches de leur électorat, ayant déjà acquis une notoriété dans leur propre pays, représentant les diverses sensibilités politiques, ces eurodéputés devraient être capables de rallier les opinions à l’Europe même si la bataille n’est pas gagnée d’avance (B. Riondel).L’Assemblée cherche aussi à faire connaître son rôle grâce à la création d’un service d’information, à affirmer sa vocation politique en modifiant sa dénomination pour devenir Parlement et, surtout, à étendre ses compétences. L’historien peut constater que, de révision en révision, le Parlement européen élu au suffrage universel direct depuis 1979 a pu élargir ses pouvoirs en matière budgétaire, législative et de contrôle politique, même s’il ne joue pas encore en Europe le rôle d’un vrai parlement, point de convergence des enjeux politiques et des intérêts de l’électorat.
48Les institutions apparaissent comme des catalyseurs, non seulement chacune prise séparément, mais aussi dans leur ensemble et notamment grâce à l’interaction entre Conseil et Commission, par exemple dans les négociations internationales. L’étude approfondie des premières négociations avec le Royaume-Uni, en 1961-1962, montre non pas la solidarité entre les Six de la Communauté, puisque de grandes divergences de vues existent entre la France et ses cinq partenaires, mais la nécessité d’arriver à une nouvelle diplomatie (P. Ludlow). Ces négociations avec les Tiers poussent à la modération, à une cohésion minimale entre les États membres de la Communauté, dont chacun voit sa marge de manœuvre limitée, et à la prise de conscience d’une nécessaire attitude de conciliation. Des exigences semblables apparaissent à l’occasion des négociations au sein du GATT, dès 1957, lorsqu’il s’agit pour les Six de faire reconnaître leur droit à constituer une union douanière. En dépit des tiraillements entre la France et ses cinq partenaires, un front commun se constitue pour défendre le traité de Rome face notamment aux autres pays européens de l’OECE favorables à une grande zone de libre-échange (R. Perron). Cette affirmation d’une identité européenne sur l’échiquier international n’est pas sans annoncer les grandes négociations (Kennedy round…) des années suivantes qui permettent à la Communauté de s’imposer comme un acteur de la vie internationale et comme un interlocuteur essentiel des États-Unis. Mais ces avancées sont parfois contrariées par des obstacles liés, entre autres, à des rivalités entre organisations européennes et surtout à des freinages des États membres.
Complémentarité ou rivalité entre organisations européennes ?
49Cette question des articulations entre les différentes organisations européennes n’a pas été analysée de manière systématique et exhaustive par les travaux du groupe. Mais deux éléments ambivalents se dessinent : d’un côté de nombreuses convergences, de l’autre, aussi, des rivalités et des tensions.
50Une grande similitude existe du point de vue de l’inspiration et des objectifs des différentes organisations, comme on a pu le montrer dans la deuxième partie de ce rapport de synthèse. De plus, des organisations, qui peuvent à première vue sembler antinomiques ou rivales, ne manquent pas de présenter certaines convergences. Ainsi l’AELE apparaît plus libre-échangiste que la CEE mais, sans compter que l’Angleterre, l’Autriche et le Portugal sont moins ouverts que les États scandinaves ou la Suisse, la CEE est bien moins fermée que la prise en compte de la tradition protectionniste française ou des politiques de subventions agricoles ne pourrait le faire croire. La Communauté n’est pas une forteresse (le Benelux a des traditions libre-échangistes) et, dans les années 1960, elle adopte à grands pas une politique tarifaire très modérée. De même, les États de l’AELE n’ont pas le monopole du keynésianisme et de l’État-providence et, d’ailleurs, en dépit d’un discours parfois un peu schématique dans le souci de marquer sa différence, l’AELE ne diabolise jamais complètement la CEE (W. Kaiser). Bien plus, les pays de l’AELE se préparent à rejoindre, en rangs dispersés, la Communauté, si bien que cette organisation apparaît souvent, aux yeux de ses États membres comme aux yeux des États-Unis ou de la Communauté, comme une « salle d’attente » vers la CEE.
51Cette fonction de sas, destiné à faire patienter les candidats à l’adhésion à la Communauté/Union européenne et à leur permettre de se préparer à une intégration difficile en raison des exigences économiques, est remplie par différentes instances successivement ou simultanément, par exemple : le grand Espace Économique Européen (EEE) créé par le traité de Porto de 1992, que les trois Neutres quittent rapidement pour adhérer à l’UE en 1995 ; le Conseil de l’Europe, de manière beaucoup plus générale et plus durable pour les pays du sud, puis surtout de l’est de l’Europe revenus à la démocratie mais en retard de développement ; le groupe de Visegrad qui conçoit sa coopération interne comme un moyen de se préparer avec les meilleures chances pour une adhésion rapide à l’Union européenne (J.-C. Romer).
52Cependant, des rivalités plus ou moins latentes entre organisations européennes subsistent. En dépit de la similitude des objectifs, une compétition se devine plus qu’elle n’éclate entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne dans le domaine de l’action culturelle. Si des efforts pour s’informer réciproquement et éviter les cas de double emploi sont à l’ordre du jour, le dialogue ne semble pas facile à établir pour délimiter les fonctions respectives ou coordonner les actions sur le terrain (M.G. Martins). De même, l’UE compte bien participer à la défense des droits de l’homme même si elle n’a pas adhéré en tant que telle à la Convention européenne. Sur ce terrain, une troisième organisation, l’OSCE, se montre très active, notamment pour la protection des minorités dans le cadre d’une prévention des conflits. Mais les rivalités entre organisations paraissent dans l’ensemble beaucoup plus feutrées que les conflits entre organisations et États membres. Elles n’en contribuent pas moins à brouiller les identités européennes.
Confrontations entre intérêts nationaux et intérêts européens
53Peu d’études ont mis l’accent sur les cas de coopération étroite et facile entre les institutions et l’ensemble des États membres. L’exemple de la création du marché intérieur de 1992 laisse pourtant entrevoir que ce genre d’expérience favorise des progrès sensibles de l’identité européenne. Bien lancée d’un point de vue pédagogique et médiatique, elle permet même de lier des projets inégalement populaires comme le grand marché et l’Europe sociale (D. Rometsch).
54Des études plus nombreuses soulignent les affrontements au sein des organisations, soit entre plusieurs États ou groupes d’États qui ont des positions divergentes, soit entre un État plus ou moins isolé et l’ensemble de ses partenaires, les institutions européennes apparaissant tantôt comme parties prenantes dans le conflit, tantôt comme facteur de conciliation, parfois aussi comme victimes, voire comme bouc émissaire. Si les confrontations paraissent aussi dures dans les organisations interétatiques que dans les Communautés, elles aboutissent souvent, dans le premier cas, à l’immobilisme et, dans le second, plus fréquemment à des conflits ouverts. Mais de toutes façons, elles ne sont pas propices à l’émergence d’une identité européenne.
55Lorsque la SDN échoue dans sa tentative de créer un ordre économique et monétaire européen face aux politiques divergentes des États, elle est mise devant le fait accompli de l’éclatement de l’Europe en trois zones entre lesquelles la coopération devient difficile (S. Schirmann). A la Haute Autorité pourtant réputée puissante et indépendante, l’opposition de certains gouvernements qui refusent leur accord (l’avis conforme)empêche toute décision commune pour sortir de la crise charbonnière. De même, la résistance d’un État, la RFA, et de ses organisations économiques empêche la dissolution de cartels dont l’existence était pourtant contraire à la règle du traité (R. Poidevin). Crise plus grave parce qu’elle semble remettre en question la Communauté pourtant bien lancée depuis 1958 : celle de la chaise vide en 1965. Alors que des positions nationales complexes mais nuancées s’affirment sur la plupart des problèmes (politique agricole, méthode de financement, réforme des institutions), la tension dégénère en dialogue de sourds entre les partisans d’une Europe indépendante autour du général de Gaulle et les partisans d’une Europe supranationale autour du président Hallstein, entraînant le blocage de la Communauté pendant plusieurs mois (W. Loth). Dans ces deux cas, l’institution communautaire fait les frais du conflit : elle en sort affaiblie, avec une marge d’initiative limitée. Même si la solidarité entre les Six n’est pas rompue (des actions communes se poursuivent en matière douanière, commerciale, agricole…) elle n’est pas très visible de l’extérieur, pour l’opinion ou pour les tiers.
56Ce genre de dissension entre Européens pourrait être facilement exploitée contre l’Europe (mais elle ne l’est pas en 1965) par le puissant allié américain qui ne considère la Communauté qu’au travers de ses propres projets et cherche à l’instrumentaliser, en fonction de ses intérêts économiques ou de ses préoccupations de sécurité (G. Bossuat).
57Ainsi, les confrontations entre États ou entre États et institutions peuvent être lourdes de conséquences en termes de cohésion à l’intérieur et d’images à l’extérieur. Mais elles sont inévitables puisque la construction européenne ne peut se faire qu’avec des États, et c’est finalement à travers leur volonté et leur capacité à élaborer des compromis ou des projets communs que l’identité européenne peut se dégager.
58Au total, les institutions européennes jouent le rôle de révélateur et de catalyseur des identités européennes. Lieux de rencontre, de débat, d’échanges, de confrontations, de conflits, elles servent de miroir qui reflète l’esprit européen, le degré de prise de conscience de l’identité européenne. Elles sont aussi des pôles d’action capables de mobiliser les Européens même si les résultats ne sont pas toujours à la hauteur des espoirs. À travers ces médiateurs privilégiés que sont les institutions, l’identité européenne apparaît à la fois plurielle, évolutive et ambivalente. Des sentiments d’appartenance multiple peuvent se superposer ou se succéder sans se contrarier. Un État d’Europe occidentale avec ses spécificités nationales comme la France (ou l’Allemagne, ou la Belgique, ou l’Italie...) fait partie depuis les années 1950 des Communautés, du Conseil de l’Europe, de OECE/OCDE, de l’UEO, de l’OTAN puis de la CSCE/OSCE. Un État scandinave neutre comme la Suède fait néanmoins partie depuis les origines du Conseil nordique, du Conseil de l’Europe, de l’OECE, de l’AELE, de la CSCE avant de rejoindre l’UE. Un État d’Europe centrale comme la Pologne (ou la Hongrie, ou la République tchèque...), après avoir incarné non sans résistance une identité est-européenne, se tourne vers le Conseil de l’Europe, le groupe de Visegrad, l’OTAN et l’Union européenne. Mais si ces appartenances multiples ne sont pas perçues comme contradictoires, elles ne sont pas vécues non plus comme des moules contraignants : l’adhésion aux valeurs et aux projets européens peut se manifester avec des sensibilités différentes et s’exprimer avec plus ou moins de conviction, comme l’illustre la distorsion devenue quasi structurelle entre les élites et l’ensemble de l’opinion publique européenne.
Bibliographie
Publication
Les actes des deux colloques sont regroupés dans le volume suivant :
Marie-Thérèse Bitsch, Wilfried Loth, Raymond Poidevin (dir.), Institutions européennes et identités européennes, Bruxelles, Bruylant, 1998, 524 p.
Notes de bas de page
1 Les communications des deux colloques ont été publiées dans M.-T. Bitsch, W. Loth et R. Poidevin (dir.), Institutions européennes et identités européennes, Bruxelles, Bruylant, 1998.
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L’Europe des Français, 1943-1959
La IVe République aux sources de l’Europe communautaire
Gérard Bossuat
1997
Les identités européennes au XXe siècle
Diversités, convergences et solidarités
Robert Frank (dir.)
2004
Autour des morts de guerre
Maghreb - Moyen-Orient
Raphaëlle Branche, Nadine Picaudou et Pierre Vermeren (dir.)
2013
Capitales culturelles, capitales symboliques
Paris et les expériences européennes (XVIIIe-XXe siècles)
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2002
Au service de l’Europe
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2019
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2016