L’écolier, le procureur et la nation
Étudiants nordiques à l’université de Paris à la fin du Moyen Âge
p. 39-61
Texte intégral
1Dans son Compendium écrit à la gloire de l’université de Paris en 1517, le docteur en théologie Robert Goulet décrivait avec précision les trois provinces qui composaient la nation germanique : dans la « province des hauts Allemands » se trouvait la Dacie1. Sous la plume de Robert Goulet, la Dacie, selon une tradition remontant au xiiie siècle, englobait les ressortissants des trois provinces ecclésiastiques du Nord, celles de Lund, de Nidaros et d’Uppsala. Elles correspondaient globalement aux trois royaumes nordiques, du Danemark, de la Suède et de la Norvège, qui furent d’ailleurs unis, au moins officiellement et non sans déboires et interruptions, sous l’autorité du roi danois de la fin du xive siècle au début du xvie siècle2. À l’occasion d’un colloque très européen à la fois par l’objet de sa réflexion – l’université est une création de l’Europe médiévale – et par les communications présentées, il ne m’a pas semblé déplacé de convoquer les écoliers venus des brumes du Nord s’asseoir sur les bancs académiques parisiens. Ceci afin de répondre à un double questionnement qui s’impose à toute tentative, à partir d’une population universitaire donnée, de proposer un modèle, certes particulier, mais éventuellement représentatif socialement de ceux qui fréquentèrent et furent au service de l’université dans les deux derniers siècles du Moyen Âge : quelle place occupait l’alma mater parisienne dans le projet universitaire et les ambitions de carrière des hommes du Nord ? Les suppôts nordiques participèrent-ils, et comment, au fonctionnement de l’institution universitaire et plus particulièrement de la nation anglaise-allemande qui les accueillit en son sein ?
2Pour répondre à la première question, il va sans dire que les étudiants nordiques n’ont guère laissé de trace de leur point de vue concernant l’université parisienne : ni traité théorique, ni mémoires, ni récit de voyage, ni correspondance nourrie... En tout et pour tout, quatre lettres d’étudiants, ou plus exactement quelques lignes, sont parvenues jusqu’à nous : encore présentent-elles le caractère fortement stéréotypé que l’on attend. Aussi bien les deux premières, du début du xve siècle3, que la dernière, écrite en 1532-1533, louent l’excellence du séjour universitaire parisien4 ; l’auteur de la troisième, un chanoine danois écrivant en 1515 à son frère archevêque, va dans le même sens quand il estime qu’il lui faut absolument aller à Paris, bien qu’il ait déjà étudié longuement auparavant à Copenhague, Greifswald et Louvain, s’il ne veut pas « retourner comme un âne » au pays, et il sollicite son aide financière5. Second stéréotype en effet sur lequel les quatre lettres s’accordent : étudier à Paris coûte très cher... On s’en serait douté pour des étudiants venus des lointains confins de l’Occident.
3Mais la fréquentation universitaire elle-même est signifiante, et à son sujet, on est un peu mieux outillé, malgré les défauts inhérents à la documentation universitaire parisienne. J’ai ainsi extrait d’un corpus prosopographique qui comprend environ 3 500 étudiants nordiques de la fin du Moyen Âge, quelque 250 étudiants dont le séjour pour études à Paris est dûment avéré entre le dernier quart du xiiie siècle et le début des années 15306.
4Ce nombre paraît bien modeste, si on le compare par exemple avec les gros bataillons qui affluèrent dans les universités allemandes après leur fondation. Mais chacun sait que l’université de Paris n’est pas la plus favorisée des universités quant à la documentation disponible. Elle n’a pas laissé de matricule générale, chaque étudiant s’inscrivant directement auprès du maître de son choix. Si les étudiants nordiques ont eu la chance de bénéficier d’une des sources parisiennes les plus remarquables, à savoir le livre des procureurs de la nation anglaise-allemande7, celui-ci n’a été conservé qu’à partir de 1333 et pas au-delà de l’année 1492. Il est de surcroît lacunaire8. Nous avons aussi le livre des receveurs de la nation, à partir de 1425 seulement9. Il se poursuit en revanche jusqu’en 1643 – avec une lacune de 1530 à 1564 –, et le registre des années 1494-1530, encore non publié10, m’a permis de repérer quelques noms supplémentaires, ce qui infirme l’idée longtemps admise que Paris avait été complètement déserté par les étudiants du Nord au début du xvie siècle. Il ne faut pas oublier d’autre part que les archives de la nation anglaise-allemande, si elles sont riches en notations concernant la vie estudiantine, livrent seulement les noms des étudiants qui ont obtenu au moins le baccalauréat ès arts, si bien que, sauf exception, les étudiants qui n’ont pas obtenu de grade ne sont pas comptabilisables, de même que sont laissés dans l’obscurité la plupart des étudiants des facultés supérieures.
5Ce sont donc les noms de 196 suppôts de l’université qui ont été livrés dans les sources proprement universitaires. Pourtant non rares sont ceux qui surgissent alors à la lumière de la documentation extra-universitaire, comme par exemple le futur évêque de Växjö, maître Thomas Jonsson [Malsta], Parisiis studens, au nom duquel son frère reconnaissait en 1325 devoir 25 marks de deniers à deux chanoines d’Uppsala11 ; ou encore le chantre de Lund, Benekin Henriksen de Ås, qui dans son testament de 1357 légua entre autres livres six « livres en papier contenant des reportations sur le droit canon, tous les brouillons, résumés et notations que j’ai réunis à Paris et ailleurs »12, preuve qu’il a fréquenté la faculté de décret parisienne dans sa jeunesse ; maître Jens Basse et maître Oluf de Dacie sont cités dans les pièces judiciaires conservées d’un conflit avec l’université qui vint devant le parlement de Paris en 138513 ; nous savons qu’un certain Johan Olony, clerc du diocèse de Stavanger en Norvège, étudiait en 1409 à Paris, grâce à une quittance conservée dans la correspondance du marchand hanséate Hildebrand Wechinghusen14 ; également, pour citer un dernier exemple, un certain Jacobus de Herwerde, chapelain de l’église Saint-Jean de Visby, est cité dans le nécrologe des frères mineurs de Visby comme artium baccalarius Parisiensis15. Bref, ce sont 54 étudiants qui sont venus s’ajouter aux 196 repérés dans la documentation universitaire, soit plus d’un quart supplémentaire16. Ces heureux hasards montrent combien est incomplète une recension effectuée à partir des seuls livres de la nation anglaise-allemande. Précisons aussi qu’ont été laissés de côté les nombreux magistri qui peuplaient les chapitres cathédraux nordiques dans la première moitié du xive siècle17. Le choix des universités où ils avaient acquis ce titre, qui pouvait alors aussi bien désigner des gradués en théologie, en droit ou en médecine que des maîtres ès arts, était restreint : Paris, Orléans ou Bologne principalement. Il est par conséquent fort probable qu’un bon nombre d’entre eux étaient passés par l’université parisienne, mais sans que l’on puisse jamais en être certain.
6Ce corpus de 250 individus constitue donc la base de ma réflexion, compte non tenu de la petite quarantaine de suppôts totalement anonymes – exclus justement en raison de cet anonymat – socii de maîtres d’origine danoise ou suédoise mentionnés dans le « Compte des bourses » de l’université, qui fut dressé durant l’hiver 1329-133018. Néanmoins ce document présente l’intérêt de montrer combien nombreux devaient être les étudiants parisiens victimes du « silence des sources » : en appliquant le ratio individus nommément cités / socii anonymes établi à partir de ce document à l’ensemble de la population nordique et en admettant – grossièrement ! – qu’il n’a pas varié tout au long de la période, ce serait au moins 1 000 étudiants qui auraient fréquenté l’université de Paris durant le Moyen Âge tardif19.
7Mon objectif n’étant pas ici d’analyser de manière exhaustive la fréquentation parisienne de ces étudiants, je me contenterai de la caractériser dans ses grandes lignes. Bien entendu, elle ne fut pas constante durant ces deux siècles et demi, de même que les différentes composantes nationales de la population estudiantine nordique ont suivi des évolutions quelque peu divergentes.
8Premier point : deux césures chronologiques apparaissent nettement. La présence nordique à Paris a fortement baissé après 1350 et ne s’est jamais relevée convenablement. L’érosion des effectifs s’est encore accentuée dans les années 1430 (111 avant 1350,78 de 1351 à 1430 et 61 par la suite)20. Doit-on en conclure à une désaffection progressive qui aurait accompagné une perte de prestige de l’université parisienne ? C’est évidemment aller un peu vite en besogne. Diverses causes ont été avancées : effets de la Peste noire, désastreux dans les royaumes nordiques, problèmes économiques et politiques aussi bien chez eux que dans le royaume de France, effets du Grand Schisme à partir de 1378 sur les effectifs de la nation anglaise-allemande, enfin contrecoup des fondations des universités germaniques qui ont instauré auprès des Nordiques une sérieuse concurrence pour l’alma mater ; laquelle, après son triomphe politique et intellectuel dans le premier tiers du xve siècle, aurait subi à la fois la perte du soutien de la papauté, les répercussions de ses choix politiques dans la dernière phase de la guerre de Cent Ans, puis une tutelle royale pesante, une frilosité sclérosante de son enseignement et enfin un repliement de ses effectifs sur un recrutement national, voire régional21. Tout cela sans doute est vrai, mais est aussi à nuancer, par une analyse chronologique plus fine, et c’est mon second point.
9Prenons la période 1378-1430, celle qui a suivi le début du Grand Schisme d’Occident : les souverains nordiques ont opté pour l’obédience romaine. Certes en 1383, date à laquelle l’université de Paris s’est ralliée solennellement au pape d’Avignon, l’abandon fut probable, ce qu’un brusque afflux des Nordiques à l’université de Prague laisse entendre mais ce qu’une lacune malencontreuse du livre des procureurs ne permet pas de confirmer. Cependant, cette désertion ne fut jamais totale – différents indices le montrent que je n’ai pas le loisir de développer ici – et on observe un redressement de la situation à partir de 1398. Le moment est intéressant : c’est certes celui où l’on commence à observer une relative désaffection à l’égard de l’université de Prague, qui aurait profité en retour à Paris, mais cet argument ne me paraît pas décisif : les étudiants nordiques pouvaient aussi bien se diriger vers les universités allemandes qui avaient adhéré à la même obédience qu’eux, et suivre par exemple à Leipzig la nation saxonne auxquels ils étaient incorporés, or ils ne l’ont pas tous fait. Si bien que l’on peut se demander si ce n’est pas le regain d’activité de l’université de Paris en faveur de la résolution du Schisme et de la soustraction d’obédience française au pape Benoît XIII, puis son rôle dans les conciles et dans la diffusion des idées conciliaires qui ont attiré à nouveau vers l’alma mater certains étudiants du camp romaniste, les Nordiques en l’occurrence, en observateurs curieux d’une politique universitaire prestigieuse. Notons que c’est aussi au début du xve siècle que les autorités ecclésiastiques suédoises s’efforcèrent de restaurer, hélas sans succès durable, le fonctionnement du collège de Skara, un des quatre collèges nordiques qui avaient accueilli nombre d’étudiants dans la première moitié du xive siècle et qui perduraient péniblement depuis 1350. Preuve que les études parisiennes n’avaient pas tout perdu alors de leur intérêt22.
10C’est surtout après 1470 qu’un étiage désespérément bas de la fréquentation a persisté jusque vers 1510 : seulement dix Suédois et un seul Danois (si l’on veut bien compter pour sujet de la couronne danoise un étudiant originaire du diocèse de Schleswig bachelier en 149223) ont acquitté des droits d’examen à la nation durant ces quarante ans –, aucun de 1493 à 1508. En revanche, après cette date, le livre des receveurs enregistre à nouveau des gradués ès arts nordiques, cette fois-ci en faveur des Danois (treize Danois et deux Suédois). Parmi eux, on rencontre le chanoine de Lund Christiern Pedersen, un des meilleurs humanistes danois de la première moitié du xvie siècle, qui devint maître ès arts en 1510-151124 et profita de son séjour à Paris pour faire imprimer son Vocabularium ad usum Dacorum et pour poser sans doute les premiers jalons de l’édition princeps de Saxo Grammaticus25. Ce relatif regain danois ne manque pas d’intérêt et suscite deux pistes de réflexion.
11Tout d’abord en ce qui concerne la part respective à attribuer aux différentes composantes nationales du groupe estudiantin parisien. Ce regain se produit alors que la fréquentation suédoise s’est effondrée (un seul Suédois entre 1509 et 1521). Or les Suédois ont toujours été plus nombreux que les Danois : je compte 153 des premiers pour 86 des seconds (et seulement onze étudiants norvégiens)26. Je ne pense pas que l’opulence des institutions ecclésiastiques locales soit un facteur d’explication suffisant : à tout prendre les églises suédoises étaient globalement moins riches que les danoises et leurs ouailles également. Il faut chercher plutôt dans le développement et la persistance d’une tradition scolaire enracinée localement : elle s’est exprimée dès la fin du xiiie siècle dans la fondation des trois collèges suédois d’Uppsala, de Linköping et de Skara alors qu’un seul fut fondé du côté du Danemark, la Domus Dacie27. Cette tradition trouva d’ailleurs son couronnement lorsqu’un ancien étudiant parisien, l’archevêque d’Uppsala Jakob Ulfsson, s’inspira très probablement du modèle parisien pour fonder en 1477 la première université suédoise28. Enfin, et ce n’est pas le moindre paradoxe, quarante-sept étudiants, soit près du tiers du contingent suédois (plus des trois quarts – 23 sur 28 – après 1430 !) étaient originaires du très lointain diocèse d’Abo en Finlande : quand on sait que la quasi-totalité des évêques dont les études sont connues sont passés par Paris, on ne peut douter que la tradition parisienne ait été fortement enracinée, et toujours encouragée, dans le chapitre cathédral.
12Pour en revenir au « regain danois », il n’est peut-être pas exagéré d’y voir un encouragement nouveau de la part des autorités ecclésiastiques ou politiques danoises. Une lettre du roi Jean au roi Louis XII en 1508 est assez révélatrice à cet égard : il lui recommande son secrétaire, maître Tyge Vincentsen, qu’il envoie « à l’Université de Paris, afin qu’il puisse apprendre plus facilement la langue française et les usages du Parlement »29.
13En second lieu, se fait sentir aussi, peut-être, l’effet des orientations nouvelles de la peregrinatio academica à la fin du Moyen Âge qui conduit certains étudiants, plus brillants ou plus riches ou plus ambitieux, hors des sentiers ordinaires des commodes universités allemandes vers des centres plus lointains au prestige immémorial, en Italie et à Paris. En effet, si le nombre est faible, le profil universitaire est relevé. Sur les quarante et un étudiants qui sont devenus licenciés ou maîtres ès arts à Paris à partir des années 1440, vingt-deux – et c’est sans doute un minimum – ont fréquenté au moins un autre centre d’études, voire plusieurs. Prenons l’exemple de Peder Jonsson Galle : après un bref passage probable à Rostock, il devint bachelier, licencié et maître ès arts à Paris en 147830. Il enseigna ensuite à la toute jeune université d’Uppsala et a laissé des commentaires sur Porphyre et Aristote31. En 1498, il retourne aux écoles pour prendre ses grades en théologie : à l’université de Leipzig, puis à Sienne, où il devient magister in sacra theologia32. Quant à Johannes Matthie, prêtre du diocèse de Lund, il s’inscrivit à Cologne le 11 novembre 1512 et devint bachelier en novembre 1513. On le trouve inscrit à Rostock le 1er avril 1514 comme Colonie promotus receptus. Il n’y séjourna guère, car le receveur de la nation allemande de Paris l’inscrivit sur son registre parmi les « bacheliers reçus d’une autre université » à l’automne 1514 et il obtint la licence et la maîtrise lors de la session de 151533.
14Au cours du premier tiers du xvie siècle, la peregrinatio academica danoise à Paris semble même avoir pris un caractère qui la rapproche du Kavaliers-tour. Sept Danois se trouvaient à Paris dans le courant de l’année 1532-1533 pour étudier, en principe, la théologie. Six d’entre eux étaient des rejetons des familles nobles les plus puissantes du moment. Quatre étaient engagés dans une carrière ecclésiastique et étaient pourvus de prébendes canoniales : Bent Bille, Erik Krabbe, Axel Urne et Claus Urne ; les deux autres, Jørgen Brahe et Per Oxe, étaient fort jeunes : ce dernier n’avait que douze ans et était accompagné d’un précepteur, maître Christiern, qui n’est autre que Christiern Morsing, un des meilleurs intellectuels danois de son temps, médecin et humaniste et, je crois, le champion de la pérégrination académique (il a fréquenté six universités sans compter celle de Copenhague, où il enseigna avant et après la Réformation) dans mon corpus universitaire. Les motifs de leur séjour parisien ne sont pas très clairs et étaient sans doute divers – ont-ils même fréquenté effectivement l’université ? –, mais il semble bien que pour ces jeunes nobles, Paris faisait à nouveau figure de passage obligé dans les années d’apprentissage, dispensateur à la fois de formation intellectuelle et de prestige personnel34.
15Concentrons-nous à présent sur le séjour proprement universitaire et tout d’abord sur le cursus et l’acquisition des grades. Notons que pour 68 étudiants, soit le quart du corpus environ, nous ignorons la nature de leurs études. Parmi les 182 restants, 150, soit 82,4 %, furent gradués ès arts : nous les connaissons grâce notamment aux listes établies par les procureurs de la nation lors des cessions d’examens35. Pour les caractériser globalement, compte tenu des aléas de la documentation, 20 % de ces artiens interrompirent leurs études après la déterminance36 ; 6,7 % firent de même après l’obtention de la licence et 73,3 % obtinrent donc la maîtrise ès arts, c’est-à-dire se soumirent aux formalités de l’inceptio qui suivait, généralement, la licence immédiatement et faisait recevoir l’impétrant officiellement dans le corps des maîtres. Si on compare ces pourcentages à ceux proposés par Mineo Tanaka pour l’ensemble de la nation anglaise-allemande37, sur une période plus restreinte il est vrai (1333-1452), on observe que les artiens nordiques furent aussi bons, sinon meilleurs que l’ensemble des suppôts dans l’obtention des grades : moins de simples bacheliers, plus de maîtres ès arts. D’autre part, le temps des études entre la déterminance et la maîtrise était assez court, plus court que celui prévu dans les anciens statuts du xiiie siècle : la plupart accédaient à la licence et la maîtrise dans l’année qui suivait celle de leur déterminance, une demi-douzaine seulement deux ans plus tard, et non rares (18, soit 24 %) sont ceux qui cumulèrent les trois examens la même année38. Les exceptions sont principalement dues au fait que certains étudiants quittaient l’université pour régler des affaires dans leur pays ou étudier ailleurs, puis revenaient reprendre leur cursus. C’est le cas de Jon Little, qui fit un premier séjour à Paris avant 1345 puis y revint et obtint ses grades en 1347-134839 ; Laurentius Thrugoti, licencié en février 1344, avec une bourse estimée à 5 sous et 6 deniers, ne passa l’inception qu’en 1355, cette fois-ci avec une bourse de 16 sous et le titre de canonicus Ripensis : il est évident que, revenu au Danemark, il avait progressé entretemps dans la hiérarchie ecclésiastique. Les raisons de son retour à Paris, où il demeura le temps d’une unique procure de la nation, du 16 décembre 1355 au 13 janvier 1356, ne sont pas connues40. En revanche, c’est pour étudier le droit canon que Macharius Mogensen, maître ès arts en 1356, se trouvait à nouveau à Paris en 136641. Les absences semblent en effet plus fréquentes lorsque l’étudiant entamait des études supérieures : par exemple un futur chancelier du roi Christian Ier, maître Hans Tidikesen, fut une douzaine d’années le chapelain de la nation, tandis qu’il étudiait la théologie, mais il semble avoir interrompu son séjour parisien entre le printemps 1453 et l’été 145542.
16Néanmoins, plus de la moitié des maîtres ès arts quittèrent Paris sans doute très rapidement après l’inceptio, du moins disparaissent-ils définitivement des livres de la nation (et ce départ fut de plus en plus fréquent, ce que Tanaka a constaté également), ce qui voudrait dire qu’ils ne poursuivirent pas d’études supérieures (sauf à revenir plus tard, comme Macharius Mogensen) et qu’ils n’eurent pas de responsabilités pédagogiques et administratives au sein de la nation ou de l’université.
17Les études supérieures ont sans doute été plus développées au sein de notre population estudiantine qu’il n’y paraît de prime abord si l’on s’en tient aux sources proprement universitaires. La moitié des mentions proviennent de sources extérieures à l’université (comme le testament de Benekin Henriksen, déjà cité43). Nous trouvons vingt-quatre étudiants ou gradués en droit canon, treize théologiens et trois médecins44. La hiérarchie observée d’une manière générale à la fin du Moyen Âge est respectée : primauté du droit (canon), nombre comparativement important de théologiens, parce que la théologie est la discipline-reine à Paris, très petit nombre de médecins. Cependant ces étudiants constituent plus d’un cinquième (22 %) de la population au cursus connu, sans compter les cursus inconnus qui pourraient éventuellement cacher la fréquentation des facultés supérieures, et les études supérieures probables de ceux qui, maîtres ès arts, s’attardèrent à l’université et y remplirent diverses fonctions. Enfin, la moitié de ces étudiants sont gradués, bacheliers ou docteurs. C’est finalement un bon score, car il faut avoir présent à l’esprit que le nombre de gradués en théologie, médecine et même en droit était très restreint dans les universités occidentales, sauf dans les universités méridionales en ce qui concerne le droit ; même à Paris, c’était la faculté des arts qui était peuplée par les gros bataillons estudiantins. Les étudiants du Nord étaient d’autant plus méritants que la longueur et le coût des études dissuadaient sans doute beaucoup les étudiants venus de fort loin de poursuivre leurs études dans les facultés supérieures jusqu’à l’obtention d’un grade. Mettons cela en relation avec l’aisance financière dont ils jouissaient pour la plupart à la fin du Moyen Âge, parce qu’ils appartenaient aux couches supérieures de la société (j’ai repéré 49 étudiants d’origine noble avérée), ou parce qu’ils jouissaient d’un ou plusieurs bénéfices ecclésiastiques, ou les deux à la fois, cela malgré les inévitables embarras d’argent dont ils pâtissaient périodiquement en raison des difficultés d’acheminement des subsides. Les allusions au manque d’argent « provisoire » ne sont pas rares dans les livres de la nation45.
18Si plus de la moitié des maîtres ès arts ne s’éternisèrent pas à Paris, les autres, soit une quarantaine, eurent sinon une carrière universitaire plus ou moins longue, plus ou moins brillante, du moins des responsabilités universitaires diverses. Ils furent actifs en priorité au sein même de la nation ; l’exception était la charge de recteur, qui faisait de son détenteur le chef de l’université le temps de son mandat. Sept Nordiques seulement devinrent recteurs, lorsque venait le tour de la nation anglaise-allemande : six le furent avant 136046, le dernier, Olaf Magnusson (« Olave le Grant »), futur évêque d’Åbo, à la fin de 143547. Cela témoigne bien, encore une fois, d’un certain manque de dynamisme de la présence nordique à Paris après le milieu du xive siècle. Les carrières professorales corroborent également le phénomène48. De 1333 à 1494, quatorze Nordiques furent maîtres régents, titulaires d’une chaire, dont huit avant 1350 ; après le départ d’Olaf Magnusson en 1438, on ne trouve plus que deux maîtres régents originaires du Nord, maître Johannes Petri de Malmogia, qui au début de 1449 supplia la nation de lui accorder une régence, ce qui lui fut concédé, semble-t-il49, et maître Hans Tidikesen50. À leurs côtés, surgissent quelques maîtres qui, sans régence, ont présenté des suppôts aux examens. On en compte une douzaine51. Si leurs disciples étaient majoritairement des compatriotes, suivant en cela une tendance académique générale au Moyen Âge, ils ne l’étaient pas exclusivement et des étudiants venus d’autres horizons nationaux furent parfois reçus par eux à la déterminance ou à la licence52, tout comme, inversement, les étudiants nordiques se sont assez fréquemment inscrits auprès d’un autre maître (par exemple un certain Olavus de Suecia détermina en 1370 sous Marsile d’Inghen, le futur « fondateur » de l’université de Heidelberg53). Cela devint la règle quand la pénurie des maîtres nordiques prolongeant leur séjour parisien devint malheureusement chronique.
19Qu’ils aient été maîtres régents ou non, ils eurent l’occasion d’exercer des fonctions administratives après leur inception, celles de procureur notamment, et de manière moindre de receveur de la nation54. Trente-sept maîtres ès arts, seize Danois et vingt et un Suédois55, furent procureurs, sans faire partie obligatoirement du corps enseignant proprement dit. Un autre, Bryniulf Karlsson, refusa cette fonction, pour des raisons non élucidées, à moins que l’inquiétude engendrée par les débuts du Schisme n’y soit pour beaucoup56. L’évolution de la participation nordique à la fonction n’est pas tout à fait en phase ni avec l’évolution de la fréquentation estudiantine, ni même avec celle du corps des maîtres régents : jusqu’en 1350, le rapport nombre de procureurs/nombre d’étudiants est de 1 pour 3,2 ; de 1350 à 1440, il est sensiblement le même : 1 pour 3,3 ; par la suite, il chute de moitié : 1 pour 6,1. Peut-être la disparition du livre des procureurs après 1494 biaise-t-elle la réalité. Récapitulons sommairement les données dans le tableau suivant :
20Comme le groupe professoral, celui des procureurs a « résisté » plus longtemps que l’ensemble des étudiants : la césure de 1350 n’est pas sensible. Par la suite, alors que le nombre des étudiants s’est maintenu dans sa médiocrité après 1440, le nombre des procureurs s’amenuise – et le corps professoral disparaît quasiment – et l’administration de la nation n’est plus l’affaire des maîtres ès arts nordiques que très épisodiquement. Il ressort de ceci l’impression que la recherche du seul grade tend alors à occuper une place essentielle dans les ambitions estudiantines et que l’expérience acquise dans la gestion universitaire passe dorénavant au second plan.
21Toutefois, avant le milieu du XVe siècle, les étudiants ont été nombreux à avoir exercé cette fonction très courte mais centrale dans la vie de la nation et plusieurs y furent actifs. Il n’est pas rare qu’ils aient été procureurs à plusieurs reprises. La multiplication des mandats allait de pair le plus souvent avec une carrière de maître régent. Avant 1350, le Suédois Andreas Freouati, fut procureur à quatre reprises58 ; le Danois Niels Drukken, cinq fois59. Il ne faut pas se leurrer : l’autorité du procureur était alors relative, semble-t-il, faute de temps pour s’installer, et les véritables initiatives peu nombreuses. Toutefois, le Danois magister Henricus de Unna par exemple, lors de son second mandat du 22 septembre au 19 octobre 1341, proposa de modifier l’image de la Vierge ornant le sceau de la nation, qui avait été perdu, en y ajoutant une étoile in honorem beate Virginis maris stelle, et cela fut accepté concorditer60. C’est sans doute dans les années 1420-1430 que les procureurs nordiques, à l’instar de tous les autres procureurs de la période, eurent une plus large influence dans la nation, ce qui n’allait pas sans risque d’ailleurs. Ils sont trois – tous Finlandais d’origine ! – à avoir exercé leur mandat sur une longue période : en effet, la cruelle pénurie de maîtres de la nation à ce moment obligeait ceux qui demeuraient à occuper la fonction bien au-delà du délai mensuel prescrit61. De décembre 1421 à mars 1426, Johannes Flicke fut procureur, de manière cumulée, une vingtaine de mois. Il eut à son actif, entre autres, d’avoir fait à nouveau consigner les statuts de la nation62. Cependant sa gestion ne fut pas de tout repos ; un conflit l’opposa à magister Paulus Nicolai de Sclavonia qui l’accusait d’avoir falsifié les livres de la nation63. Jäp Röd64 fut une première fois procureur durant l’hiver 1426, puis une seconde à l’automne 1427, pendant trois mois. Entre-temps il fut receveur de la nation. Quant à Oluf Magnusson, un des deux seuls maîtres régents de la nation en 1434, il fut procureur de novembre 1433 à septembre 1434, puis à l’automne 1435, enfin à l’automne 143665. Son autorité et son prestige semblent avoir été grands, et son activité s’étendit au-delà du simple cadre de la nation, ce qui n’est guère étonnant de la part de cette future grande figure de l’épiscopat finlandais médiéval.
22Les procureurs sont ceux dont on peut le mieux cerner l’individualité dans le cadre des activités universitaires. En effet, ils ont laissé des écrits autographes, les comptes rendus des délibérations des assemblées de la nation. Ce sont eux aussi qui établissaient les listes des gradués. Certes, les comptes rendus sont plus ou moins prolixes, en raison surtout de l’abondance et de l’importance des délibérations et des décisions prises par la nation66. Pour ce qui est des procureurs nordiques, le compte rendu varie beaucoup ; seule ligne de titre, par exemple, en 1434, quand le procureur Oluf Magnusson écrit : Continuatio ejusdem mag. Olavi aput (sic) Sanctum Maturinum ipso die Scolastice67, à la suite de quoi il n’y a eu sans doute à relater les discussions ou décisions d’aucune assemblée de la nation ou d’événement marquant lors de sa procure ; plusieurs colonnes de l’édition de Henri Denifle et Émile Châtelain, par exemple sous la plume d’Otto Bosen de Thuningh, lors de ses deux procures successives en 138268. Réexaminer les registres manuscrits a aussi permis de constater le soin apporté par les procureurs nordiques dans leurs écritures, même quand leur texte est très court : écriture généralement régulière et lisible, interlignes proportionnés et réguliers, paragraphes nettement marqués, peu de ratures. D’autre part, les comptes rendus sont établis selon une formulation la plupart du temps stéréotypée et contraignante. Ainsi la quasi-totalité des relations est effectuée à la troisième personne et bien qu’on le trouve ici ou là, l’emploi du « je » est très rare : sous la plume de trois procureurs, dans les années 1330-1340. Sune Ödstensson commence ainsi sa relation : […] ego magister Suno de Swecia electus fui in procuratorem69 ; il n’a pas fait d’émule parmi ses compatriotes. Magister Andreas Freouati use deux fois du verbe scribere à la première personne : […] ideo eos scripsi… et non plus scribo de hoc70. Et magister Laurentius Petri de Dacia mentionne une lettre testimoniale concernant sa régence, à lui destinée pro me71. Il faut attendre l’avant-dernier procureur du corpus, Ingolf Olofsson en 1479, qui glisse dans sa relation une allusion à son amitié avec le nouveau recteur, pour voir affleurer une notation à la première personne72. Quoi qu’il en soit, la structure et le vocabulaire du discours de nos procureurs présentent de fortes similitudes avec ceux de leurs confrères, largement influencés par les modèles scolastique et juridique73, même si certains d’entre eux ont produit un discours plus circonstancié et même, de rares fois, plus personnel. Deux exemples :
23Maître Jakob Nielsen, élu procureur le 26 mai 1370, est très précis quant à sa déclinaison d’identité, il mentionne qu’il est originaire du diocèse de Roskilde et, non sans vanité, socius du collège de Sorbonne. D’autre part, sa relation des délibérations autour de l’adoption de nouvelles dispositions concernant la vie interne de la nation est très structurée, d’allure juridique – n’oublions pas que le livre des procureurs a valeur testimoniale. On peut penser que cette relation n’a pas été écrite sur le vif, mais a fait l’objet d’une rédaction ultérieure, même si la langue latine en est très sommaire, éloignée de celle qu’on pourrait attendre de l’auteur latin qu’il est par ailleurs74.
24Maître Otto Bosen, le futur candidat malheureux au siège épiscopal de Ribe en 1409 (ce fut son condisciple à Paris, Peder Lykke, qui l’obtint), fut procureur à trois reprises en 1378 et en 1382. Il se situe au centre des débats concernant les débuts du Schisme. Il relate les débats autour de la grève de l’université contre la taille royale et la décime exigée en 1378 par Clément VII. Et en 1382, il donne un compte rendu circonstancié du conflit intervenu à propos de la réception par la nation des licenciés promus par le chancelier de Notre-Dame (Jean Blanchard), c’est-à-dire par l’autorité du pape avignonnais. C’est toute la question du refus ou non de la nation d’accepter l’adhésion à Clément VII. Otto Bosen mentionne les propos et les lettres acerbes échangés avec le recteur, et laisse même affleurer sa colère. Il se présente comme le véritable chef de la nation et le défenseur de ses intérêts. Pourtant, dans cette passe d’armes, menacé d’être considéré comme rebelle à l’université, voire comme schismatique, il se soumet au nom de la nation, bien que ce ne soit sans doute pas sa position personnelle75.
25Il resterait à se demander si la conscience qu’ils avaient de leur rôle a connu une évolution particulière ou si elle a suivi la vision générale des procureurs de la nation. II est bien difficile de répondre à cette question sans considérer le livre des procureurs dans sa globalité, et ceci est un tout autre projet. Un indice cependant : pour eux comme pour tous, alors même que la déclinaison d’identité, qui fut toujours assez succincte, se simplifie encore au cours des décennies76, ils suivent la nouvelle habitude d’apposer leur signature après leurs recensions, qui se met en place dans les années 1430, et également, un peu plus tard, de consacrer au titre de leur procure une page entière du registre, ornée et colorée : une des plus somptueuses et des plus originales dans son style gothique flamboyant est la page de titre d’Ingolf Olofsson77. À une sorte de célébration du moi qui repose plus sur la représentation visuelle et le paraître que sur l’étalage de son origine ou de ses titres (tous les connaissent dans le monde étroit de la nation) se combinent, par la signature, la rigueur juridique de la responsabilité et, finalement, la célébration de la veneranda natio, par l’ornement ostentatoire de ses registres78.
26Bref, les procureurs suédois et danois ont représenté la nation avec conscience et diligence. Aucun, sauf un79, n’a fait l’objet d’une contestation de son action, la durée de la fonction est trop courte d’ailleurs pour qu’une autorité pesante et sa contestation s’instaurent. Ils s’inscrivent dans un discours, celui des procureurs en général, destiné en priorité à montrer la solidarité régnant entre les nombreuses nationalités qui se côtoyaient dans la nation et la solidité de celle-ci. Ils n’ont donc pas failli à ce discours normatif. Comme je l’ai déjà dit en d’autres temps, nos procureurs, comme les autres étudiants en général, semblent être entrés dans la nation avec aisance et en avoir accepté les exigences, même si quelques indices viennent parfois brouiller cette belle obéissance80.
27Si j’ai insisté sur ces quelques aspects de la vie universitaire parisienne des étudiants nordiques, je ne voudrais pas terminer sans dire un mot de la valeur qu’ils attribuaient à leurs études parisiennes, et cela pourrait servir de conclusion à mon propos.
28Ce qui frappe concernant l’ensemble de la population nordique à l’université de Paris, c’est le pourcentage élevé de personnalités qui ont poursuivi une carrière avantageuse et parfois même exceptionnellement brillante. Même si quelques laïcs se sont glissés parmi elles81, ce furent, dans leur grande majorité, des ecclésiastiques de haut rang et là réside sans doute une des grandes spécificités des études parisiennes : elles étaient soit le tremplin soit l’accompagnement bienvenu d’une belle carrière, d’abord dans l’Église, mais aussi au service du pouvoir royal. Près de la moitié (exactement 47,9 %) de ces étudiants se retrouvent dans mon corpus du haut clergé nordique, et encore la moitié étaient déjà pourvus d’une ou plusieurs prébendes canoniales ; vingt-neuf d’entre eux, soit 11,6 %, sont devenus évêques. Je subodore d’ailleurs que quelques hautes figures épiscopales manquent à l’appel, car toutes n’ont pas eu la chance, pour nous, de l’archevêque de Lund, Jakob Nielsen [Kyrning], qui, au hasard d’une supplique au pape figure parmi les étudiants capturés par un laïc danois quelque peu pirate lors de leur retour de l’université de Paris vers 1344. Durant la période antérieure à 1380, un étudiant parisien sur douze est allé s’asseoir sur une cathèdre épiscopale, dans la suivante, équivalente en durée, un étudiant sur quatre. Même si l’on tient compte que l’identification des individus était beaucoup plus aisée après 1400 qu’au début du xive siècle, le pourcentage de clercs de haut rang formés à Paris a progressé. Pour terminer, une comparaison avec le devenir des étudiants pragois, au moment de la plus grande attraction de l’université bohémienne sur les étudiants du Nord, penche très nettement en faveur de l’université parisienne : entre 1378 et 1420, 67 % des étudiants parisiens ont fait partie du clergé cathédral Scandinave, alors qu’à Prague 52 % seulement de la population estudiantine est dans le même cas. D’autre part, le face-à-face des deux grandes universités dans le cursus universitaire des évêques de cette même période est presque exclusif – ils n’ont guère fréquenté les autres universités occidentales – et la balance est presque équilibrée.
29Il est clair que l’université de Paris a continué à rivaliser avec un certain succès avec les nouvelles universités dans la formation des élites nordiques, dans leur apprentissage intellectuel mais aussi politique, et est restée un maillon de choix dans le système qui permettait de reproduire le groupe à la fois social et professionnel des gens de pouvoir, plus longtemps sans doute que le déclin de la fréquentation tendrait à l’indiquer. S’il y eut peu d’étudiants nordiques à Paris, notamment après 1350, de remarquables perspectives s’offraient à eux dans la poursuite de leur carrière, quand celle-ci n’était pas déjà entamée au moment des études. C’est peut-être pour cela que la carrière proprement universitaire eut de plus en plus tendance à être considérée comme superflue par des hommes davantage préoccupés de monnayer le prestige intact d’un passage studieux dans l’antique alma mater.
Notes de bas de page
1 Robert Goulet, Compendium recenter editum de multiplici parisiensis universitatis magnificentia dignitate..., Denis Toussaint, Paris, 1517.
2 L’Union de Kalmar fut conclue en 1397. À plusieurs reprises, l’autorité du roi de Danemark sur le royaume de Suède fut dénoncée par les Suédois.
3 Svenskt diplomatarium från och med år 1401, C. Silfverstolpe éd., 4 vol., Stockholm, 1879-1904, t. 2, nos 1990 et 2001. L’auteur présumé d’une des lettres, sinon des deux, est Johannes Hildebrandi, alors chanoine de Linköping et entré par la suite au monastère de Vadstena. Il est assuré qu’il se trouvait à Paris au cours de l’année 1414. Les lettres ont été conservées dans un manuscrit composé par Johannes, qui est pour partie un formulaire de lettres. Dans ce même recueil, un étudiant anonyme adresse une courte lettre à un destinataire appelé Pater et amice in Domino karissime, le priant de lui assurer comme autrefois le logement avant l’arrivée de la « multitude » ou, si cela est impossible, de lui trouver un autre logement. Il n’est pas possible de déterminer si la ville universitaire concernée est Paris. Johannes Hildebrandi, Liber epistularis (Cod. Upsal. C6). I : Lettres nos 1 à 109 (fol. 1r à 16r), éd. critique par P Ståhl, Stockholm, 1998 (Acta Universitatis Stockholmiensis. Studia Latina Stockholmiensia, XLI), n° 41.
4 Lettre de Bent Bille à sa mère, Danske Magazin, Copenhague, 1878, 4e série, IV, p. 347.
5 Hans Walkendorff, lettre dans Nye danske Magazin, Det Kongelige Danske Selskab til en Nordiske Histories- og Sprogs Forbedring éd., Copenhague, 1806, t. 2, p. 121-122.
6 Le choix de ces limites chronologiques tient autant au corpus documentaire disponible qu’à tout autre critère : les hommes du Nord vinrent étudier aux écoles de Paris dès le xiie siècle, mais les sources révèlent alors tout au plus des individus singuliers. Cf. E. Jørgensen, « Nordiske Studierejser i Middelalderen. Nordboerne ved Universitetet i Paris fra det 13. Århundredes Begyndelse til det 15. Århundredes Midte », Historisk Tidsskrift, 8, iv, p. 331-382 ; S. Bagge, « Nordic Students at Foreign Universities until 1660 », Scandinavian Journal of History, 9 (1984), p. 1-29, établit le bilan des études antérieures. Voir en dernier lieu O. Ferm, « Universitet och högskolor », dans Norden og Europa i Middelalderen. Rapporter til det 24. Nordiske Historikermøde, Arhus 9.-13. august 2001, Århus, 2001, t. 1, p. 93-129, avec la bibliographie sur la question. Il faut attendre les années 1270 pour que les étudiants nordiques – et le plus célèbre dans cette décennie fut sans aucun doute Boèce de Dacie – surgissent de la documentation en tant que « groupe » plus étoffé, en concomitance avec la fondation de collèges destinés à accueillir les étudiants du Nord. Le premier fut la maison de Dacie, en 1275 : voir A.L. Gabriel, Skara House at the Mediaeval University of Paris. History, Topography and Chartulary, Notre Dame, Indiana, 1960 (Texts and Studies in the History of Mediaeval Education, 9). Les années 1530 marquent une césure radicale en raison non seulement de l’interruption des registres de la nation allemande actuellement conservés, mais aussi de l’adoption de la Réformation dans les royaumes nordiques. Je considère le nombre de 250 comme approximatif, en raison des difficultés à identifier les individus, notamment autour de 1300 : les homonymies sont nombreuses, l’orthographe peu assurée, la déclinaison d’identité très sommaire.
7 Liber Procuratorum Nationis Anglicanae (Alemaniae) in Universitate Parisiensi (Auctarium Chartularii Universitatis Parisiensis), vol. I et II, 1333-1466, H. Denifle et É. Châtelain éd., Paris, 1887 et vol. III, 1466-1492, C. Samaran et É.-A. Van Moé éd., Paris, 1935 (dorénavant Auct. I-III).
8 Voir M. Tanaka, La nation anglo-allemande de l’Université de Paris à la fin du Moyen Âge, Paris, 1990, p. 23-24. Pour les incidences de ces lacunes, je me permets de renvoyer à É. Mornet, « “Entre Église et État”. Élites Scandinaves à Paris sous le règne de Charles VI », dans Saint-Denis et la royauté. Études offertes à Bernard Guenée, F Autrand, C. Gauvard et J.-M. Moeglin éd., Paris, 1999, p. 91-107.
9 Liber Receptorum Nationis Alemanniae ab Anno MCCCCXXV ad Annum MCCCCXCIV (Auctarium Chartularii Universitatis Parisiensis), vol. VI, A. L. Gabriel et G.C. Boyce éd., Paris, 1964 (dorénavant Auct. VI).
10 Paris, bibliothèque de la Sorbonne, Registre 91 (dorénavant BUS, Reg.).
11 Diplomatarium Suecanum. Svensk diplomatarium, I-, Stockhom, 1829- (dorénavant DS), III, 2, n° 2501, 15.3.1325. Cette bonne fortune permet d’identifier le Mag. Thomas de Suecia, loco rectoris, mentionné au dos d’un diplôme du 6.1.1327, Chartularium Universitatis Parisiensis (dorénavant CUP), H. Denifle et É. Châtelain éd., Paris, 1889-1894, 4 vol., ici vol. II, n° 859. L’identification proposée par les éditeurs avec Thomas Haquini de Orabro est impossible, celui-ci ayant déterminé seulement en 1339 (Auct. I, col. 27). Thomas Jonsson est qualifié de magister à de nombreuses reprises dans les sources ecclésiastiques suédoises.
12 Diplomatarium Danicum, 1, I-, Copenhague, 1938- (dorénavant DD), 3e série, V, n° 109.
13 Le dossier les concernant est édité dans DD, 4e série, II et III, passim.
14 Vechinghusen, Hildebrand : Briefwechsel eines deutschen Kaufmanns im 15. Jahrhundert, W. Stieda éd., Leipzig, 1921, lettre 18a.
15 Scriptores Re-rum Danicarum, J. Langebek et P.F. Suhm éd., Hauniae, 8 vol., 1786-1792, VI, p. 560. II est mort en 1401. A-t-il fréquenté l’alma mater durant les années non documentées en raison des lacunes du livre des procureurs, dont la plus importante s’étend d’avril 1383 à avril 1392 ?
16 D’autres ont été à regret écartés, faute d’indices suffisants : par exemple Gisbrekt Erlendsson, futur évêque de Bergen en Norvège, qui reçut en 1341 une lettre de recommandation de l’évêque Håkon pour aller étudier à Orléans ou à Paris (Diplomatarium Norvegicum, I-, Oslo, 1849- (désormais DN), I, n° 273. Rien ne permet d’en suivre les effets.
17 Par exemple, magister Petrus Herba, chanoine de Lund puis archidiacre de Roskilde, actif à partir de 1305 (DS, II. n° 1490) et son successeur comme archidiacre, magister Hemmingus, également chanoine de Lund. Il n’est pas impossible que ce dernier soit le mag. Hemerigus de Dacia, recteur de l’université le 13 septembre 1312 (CUP, II, n° 697).
18 Selon W.J. Courtenay, qui en a récemment fait l’analyse : Parisian Scolars in the Early Fourteenth Century. A social portrait, Cambridge University Press, 1999 (Cambridge Studies in Medieval Life and Thought, Fourth Series, 20), p. 15. Fragmentum Computi receptarum bursarum ab Universitate Parisiensi, édité dans CUP, II, p. 661-671.
19 C’est l’estimation communément admise. Cf. O. Ferm, art. cité, p. 105.
20 Elle semble plus soutenue que celle de l’ensemble des suppôts de la nation. Cf. M. Tanaka, op. cit., p. 58, qui conclut même à une relative stabilité des effectifs des étudiants étrangers du xiiie au xve siècle. Voir également les pénétrantes remarques de Jacques Verger sur les étudiants proprement allemands de la nation : « Étudiants et gradués allemands dans les universités françaises du xive au xvie siècle », dans Gelehrte im Reich. Zur Sozial- und Wirkungsgeschichte akademischer Eliten des 14. bis 16. Jahrhunderts, R.C. Schwinges éd., Berlin, 1996, p. 23-40, en part. p. 28.
21 Cf. J. Verger, « The University of Paris at the End of the Hundred Years War » et « Les universités françaises au xve siècle : crise et tentatives de réforme », dans Id., Les universités françaises au Moyen Âge, Leyde-New York-Cologne, 1995, p. 199-227 et 228-255. Voir aussi les remarques de S. Lusignan, « Vérité garde le roy ». La construction d’une identité universitaire en France xiiie-xve siècle), Paris, 1999, concernant l’affaiblissement politique de l’université de Paris dans la seconde moitié du XVe siècle.
22 Je résume ici quelques-unes des conclusions proposées dans É. Mornet, « “Entre Église et État”. Élites Scandinaves à Paris... », art. cité note 8.
23 Auct. III, col. 788 ; Auct. VI, col. 703.
24 BUS, Reg. 91, fol. 108v : Receptus bac. Christianus Petri de lundensis dioc cujus bursa vi s.p… ; fol. 117v : [lie., inc.] ds Cristinus Petri dioc. Lundensis cujus bursa valet vi s.p... Inscrit à l’université de Greifswald en 1496, il y devint bachelier en 1498 (E. Friedländer, Altere Universitäts-Matrikeln, IIa. Universität Greifswald, 1456-1645, Leipzig, 1893, p. 130 et 138).
25 Vocabularium ad usum dacorum ordine litterario cum eorum vulgari interpretatione diligenter et fideliter collectum, Paris, 1510 : il s’agit d’un lexique latino-danois. Les Gesta Danorum regum heroumque historie stilo eleganti a Saxone Grammatico… furent imprimés à Paris chez Josse Bade en 1514. Une lettre de l’évêque de Roskilde, Lave Urne, à Christiern Pedersen témoigne de ce projet d’édition en 1512 (Diplomatarium Diocesis Lundensis, L. Weibull éd., Lund, 1939, VI, p. 375-376).
26 Cette suprématie suédoise est particulièrement évidente au début de la période. Par exemple, en 1313, la liste des signataires d’un appel au siège apostolique de l’université de Paris révèle le nom de 25 maîtres et écoliers nordiques : 23 sont des Suédois (CUP, II, n° 703).
27 Maison de Dacie, supra, note 6 ; Uppsala : 1285, statuts en 1291 ; Skara : 1292 ; Linköping : av. 1317. Cf. A.L. Gabriel, op. cit., resp. p. 18, 23, 49, 35.
28 J’ai récemment présenté, dans le cadre de la conférence de Jacques Verger à l’École pratique des hautes études, une étude sur la fondation des universités nordiques : « La périphérie du réseau universitaire médiéval : la fondation des universités d’Uppsala et de Copenhague, entre imitation et spécificité » (à paraître). Jakob Ulfsson, inscrit à l’université de Rostock le 28.8.1457 et bachelier en 1458-1459 (A. Hofmeister, Die Matrikel der Universitat Rostock, Rostock, 1899, 2 vol., I. 1419-1499, p. 76), est mentionné à Paris, parmi les nomina bachalariorum alterius universitatis hic acceptorum en 1460 (Auct. II, col. 927) ; licencié et maître ès arts en 1461 (Auct. VI, col. 350, 353).
29 Aarsberetninger fra del kongelige Geheimearkiv, indeholdende Bidrag til dansk Historie af utrykte Kilder, C.F. Wegener, Copenhague, 1866, I, n° 29, p. 19. Tyge Vincentsen avait d’ailleurs une riche expérience universitaire antérieure, puisqu’il avait fréquenté les universités de Rostock, de Copenhague et de Greifswald, où il était devenu maître ès arts en 1498 (E. Friedländer, op. cit., p. 136 et 138). Son père, le lensmand Vincent Lunge, avait également fréquenté l’université de Rostock en 1474 (A. Hofmeister, op. cit., I, p. 126).
30 Petrus Johannis de Upsalia (1.5.1476. A. Hofmeister, op. cit., I, p. 114) ; l’identification n’est pas totalement assurée. Petrus Johannis Galle, dyocesis Upsalensis, bac. en février 1477, lic. en avril 1478, maître en juin de la même année (Auct. III, col. 387, 391 ; Auct. VI, col. 539, 553, 554).
31 Bibliothèque de l’université d’Uppsala, ms. C 600.
32 Petrus Galle Obsalensis mgr de regno Swecie ; 2.7.1498 : receptus est ad sentmeias legendas M. Petrus ex regno Swetie, canonicus Upsalensis (G. Erler, Die Matrikel der Universität Leipzig 1409-1559, Leipzig, 1895, I, p. 425a et II, p. 16). Bibliothèque communale de Sienne, ms. A X11, fol. 43v : 28.11.1500. Cf. E. Nygren, « Ericus Olai och andra svenskars studiebesök i Siena », Kyrkohistorisk Årsskrift, 19 (1918), p. 125-126.
33 H. Keussen, Die Matrikel der Universität Köln, Bonn, 1928 (Publikationen der Gesellschaft für Rheinische Geschichtskunde, 8), t. 2, p. 496. A. Hofmeister, op. cit.. I, p. 190. BUS, Reg. 91, fol. 145a, 149a. Voir aussi les exemples déjà cités de Christiern Pedersen (note 24), Jakob Ulfsson (note 28), Tyge Vincentsen (note 29).
34 Lettre de Bent Bille, supra, note 4.
35 Ils sont également mentionnés dans les registres des receveurs à partir de 1425 lors du paiement des droits d’examen. Quelques-uns n’apparaissent pas sur ces listes de gradués et c’est indirectement que nous connaissons leur grade. Ainsi, en 1366, la comtesse de Pembroke adressa au pape une supplique en faveur de son protégé Jakob Nielsen, […] clerico Roskildensis diocesis, magistro in artibus studenti in theologia a 3 annis citra (Acta Pontificum Danica, A. Krarup et J. Lindbaeck éd., I, Copenhague, 1907, n° 630 ; en 1372, le pape Grégoire XI réserve un canonicat dans l’église cathédrale d’Uppsala à Jakob Nielsen, chanoine de Roskilde, magister artium qui ut asseris in theologica facultate a sex annis citra Parisius studuisti… (DD, 3e série, IX, n° 168) ; il fut procureur de la nation en 1370 et commence le compte rendu de son premier mandat : Acta in procuracione magistri Jacobi Nicholai de Dacia… (Auct. I, col. 360). Il se trouvait encore à Paris comme maître régent en 1378 et 1379 (Auct. I, col. 539, 550, 577), en dépit d’un passage à Cambridge en 1373 (fellow à Pembroke Hall : A.B. Emden, Bibliographical Register of the University of Cambridge to 1500, Cambridge, 1963, p. 177). Son absence des listes de gradués est sans aucun doute due aux lacunes du livre des procureurs dans les années 1360. Cf. M. Tanaka, op. cit., p. 24-25.
36 Ou ils échouèrent à l’examen de licence ? Ce cas de figure est très rarement documenté dans les sources universitaires et je n’ai trouvé nulle part aucune mention concernant l’échec éventuels d’étudiants nordiques.
37 M. Tanaka, op. cit., p. 61-62 : respectivement 30,8 %, 5,5 % et 63,7 %. Si l’on considère la période retenue par Tanaka, les pourcentages sont les suivants : 25 %, 6 % et 69 %. On en déduira qu’après 1450, les étudiants nordiques à Paris furent plus assidus à achever le cursus ès arts qu’à la période précédente.
38 Ce cumul des grades la même année caractérise la période antérieure à 1420. Les derniers dans ce cas furent Laurentius Olavi de Dacia et Jacobus Petri Röd de Suecia qui déterminèrent avant la quadragésime 1419 (n.s.) et furent licenciés et incipientes avant le 10 mars de la même année (Auct. II, col. 262, 264). Après 1420, dans le cadre de la nation, il semble n’avoir plus été possible d’obtenir la même année la déterminance et la licence. Cf. M. Tanaka, op. cit., p. 61-64 et tableau VI.
39 Dans une supplique au pape en date du 15 août 1345, il mentionne sa capture en mer lors de son retour de l’université de Paris (DS, V, 2, 3985) ; bachelier en décembre 1347, licencié en avril 1348 et incipiens immédiatement après, en mai 1348 (Auct. I, col. 112, 116 et 116).
40 Auct. I, col. 70, 187, 188.
41 Auct. I, col. 192, 196, 205 ; CUP, III, nos 1322 et 1336 ; DD, 3e série, VII, n° 442.
42 Bachelier ès arts en 1446, licencié et maître l’année suivante (Auct. II, col. 645, 691 et 692) ; mentionné comme maître régent en 1451 (Auct. II, col. 863) et chapelain de la nation depuis au moins le 24 octobre 1450 (Auct. II, col. 822, passim, cf. aussi Auct. VI, passim). Il était bachelier en théologie (Diplomatarium Christierni Primi, C.F. Wegener éd., Copenhague, 1859, n° 123, 3.10.1465). Le silence des sources de 1447 à 1450 ne permet pas de savoir quelles étaient alors ses activités et s’il s’est absenté de Paris : retour au pays, fréquentation d’une autre université, ou tout simplement assiduité aux cours de théologie ? Même cas pour Jäpp Röd, déjà cité note 38, qui ne réapparaît dans les registres de la nation qu’à la fin de 1425 (Auct. II, col. 335 et suiv.) : s’est-il absenté de Paris ou s’est-il consacré exclusivement à des études supérieures, de droit ou peut-être de médecine ? En 1427, il fut receveur de la nation, puis procureur, et il enseignait les mathématiques (Auct. II, col. 364 et suiv.). Il emprunta en décembre 1427 à la bibliothèque du collège de Sorbonne quendam librum de astronomia videlicet Albateghni, laissant en gage un exemplaire des Décrétales (Le registre de prêt de la bibliothèque du collège de Sorbonne 1402-1536, éd. et annoté par J. Vielliard, Paris, 2000 [Documents, études et répertoires, 57], p. 243)
43 Supra, note 12.
44 N’ont pas été pris en compte, à l’extrême fin de la période considérée, Bent Bille et ses camarades (supra, p. 47), dont les études en théologie ne sont rien moins qu’assurées, ni leur mentor, Christiern Morsing, qui fut maître ès arts et probablement bachelier in utroque jure à Louvain et fit ses études de médecine à Montpellier et Bâle. De même quatre magistri, au début de la période : leur fréquentation parisienne est assurée, mais pas leur discipline. Par exemple une lettre (vers 1308) de Arne Sigurdarson, évêque de Bergen, à son frère (et successeur), Audfinn, atteste qu’il avait étudié à Paris, mais ne révèle pas la nature de ses études (DN, X, n° 10). Il est nommé magister en 1299. La présence de nombreux livres de théologie dans le fonds de livres qu’il a laissé suggère qu’il étudia la théologie.
45 Voir les exemples dans É. Mornet et J. Verger, « Heurs et malheurs de l’étudiant étranger », dans L’Étranger au Moyen Âge, Actes du XXXe Congrès de la SHMÉS (Göttingen, juin 1999), Paris, 2000, p. 227.
46 Mag. Hemerigus de Dacia, mentionné comme tel le 13.9.1312 (CUP, II, n° 697) ; Petrus de Dacia, mag. Petrus de Dacia, canonicus Ripensis, élu le 22.3.1327 (CUP, II, n° 863) ; mag. Nicholaus [Drukken] de Dacia, élu le 23.1.1344 (Auct. I, col. 68) ; mag. Johannes Nicolai de Dacia, élu le 16.12.1348 (Auct. I, col. 128) ; mag. Macharius Magni canonicus Lundensis et Roskildensis, 24.3.1366 (CUP, III, n° 1322 ; supra, p. 49 et note 41) ; mag. Johannes Petri, canonicus Aboensis ac curatus ecclesie de Sunda…, 23.6.1366 (CUP, III, n° 1327 ; il s’agit du futur évêque d’Åbo).
47 Auct. II, col. 483.
48 Je mentionne ici seulement pour mémoire les trois seuls enseignants dans les facultés supérieures documentés : Jacobus Dacus, parmi les magistri in decretis et tunc regentes Parisius in decretis (1290, CUP, II, n° 572) ; Martinus de Dacia, chanoine de Paris et de Roskilde, regens Parisius in theologica facultatis (8.7.1303, ibid., n° 635) ; Petrus Alexandri, decretorum doctor, regens in decretis (22.7.1312, DD, 2e série, VI, 439).
49 Auct. II, col. 753, 764-765.
50 Supra, note 42. Que la poursuite d’une carrière d’enseignement ait été quasi délaissée dans la seconde moitié du xve siècle par les universitaires nordiques n’est pas un phénomène propre à l’université parisienne : c’est un phénomène que l’on peut observer dans nombre d’universités allemandes, et ceci, avant même que la fondation des universités nationales, qui logiquement devaient attirer les vocations vers elles, ne soit intervenue, à la fin des années 1470. Voir, de manière générale, les remarques pertinentes de T. Kouamé et L. Tournier, « L’honneur des docteurs. Statut social et identité professionnelle chez les universitaires parisiens à la fin du Moyen Âge », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, 71 (1998), p. 13-36.
51 Du moins ne sont-ils pas désignés explicitement comme tels. Certains ont fait déterminer des étudiants sous leur direction, ce qui laisserait entendre qu’ils étaient maîtres régents ; cependant faute de certitude à ce sujet, je ne les ai pas comptabilisés dans le corps des régents. Exemples : Auct. I, col. 46, 93, 227 ; Auct. II, col. 189, 340. Sur la distinction maître régent-maître non régent, voir M. Tanaka, op. cit., p. 151 et suiv.
52 Exemple : […] licentiatus fuit dominas Theodoricus de Alcmaria sub magistro Johanne [Nicolai] de Dacia… (Auct. I, col. 133).
53 Auct. I, col. 351.
54 Huit receveurs seulement connus.
55 Cette répartition entre Danois et Suédois ne laisse pas d’être étonnante si on la compare avec leur part respective dans l’ensemble de la population estudiantine : faut-il en rechercher les raisons du côté du système de l’élection du procureur ou sont-elles propres aux étudiants nordiques ?
56 Bryniulf Karlsson, futur évêque de Skara, incipiens en mai 1380 (Auct. I, col. 588) : en mai 1382, il fut élu procureur et, bien qu’il ait versé la redevance habituelle due à la première procure et offert un repas à la taverne, il renonça à la fonction (ibid., col. 621). Ce n’était pas pour rentrer en Suède puisqu’il se trouvait encore à Paris en avril 1383 (Auct. I, col. 656). Il est cité dans un acte concernant une rente sur la maison de Skara, le 19.6.1385 : « […] maistre Bryniulphe Charles, preuost en l’eglise cathedrale de Scarence, ou royaume de Suece, maistre es ars, escolier estudiant a Paris... » (Paris, AN, M 73, n° 15 [14] ; éd. par A.L. Gabriel, op. cit., p. 156-157. La lacune du livre des procureurs d’avril 1383 à avril 1392 ne permet pas de déterminer la suite de son séjour universitaire. Il est cité à diverses reprises dans les sources suédoises entre 1486 et 1496. Il se trouvait à nouveau à Paris au début de l’année 1398 pour régler les affaires du collège de Skara (Auct. I, col. 756 et suiv.)
57 Sont pris en compte les seuls étudiants ès arts mentionnés dans les registres de la nation.
58 11.3.1339 (Auct. I, col. 27), 11.11.1339 (Auct. I, col. 35), 17.12.1339 et 14.1.1440 (Auct. I, col. 36).
59 18.11.1342 (Auct. I, col. 60), 17.2.1343 (Auct. I, col. 60), 25.8.1343 (Auct. I, col. 66), oct.-nov. 1344 (Auct. I, col. 78), 6.4.1345 (Auct. I, col. 80).
60 Auct. I, col. 52.
61 Par exemple, de la fin 1421 à la fin de 1425, quatre maîtres seulement se succédèrent à la tête de la nation. Jusqu’en 1428, l’équipe fut seulement partiellement renouvelée avec l’arrivée de trois nouveaux procureurs.
62 Auct. II, col. 320.
63 Ibid., col. 318 et suiv. Il est vrai qu’il fut également receveur. Mais le débat portait également sur la conformité des « conclusions », c’est-à-dire les comptes rendus des délibérations (ibid., col. 324). Cf. É. Mornet et J. Verger, art. cité, p. 225 et suiv.
64 Supra, note 38 et 42.
65 Auct. II, col. 473 passim.
66 Pour replacer les remarques qui vont suivre dans le contexte général du discours des procureurs de la nation, se reporter à A. Destemberg, « De communi consensu ». Les procureurs de la nation anglaise-allemande de l’Université de Paris (1368-1418), Mémoire de maîtrise de l’université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2000, sous la direction de C. Gauvard et É. Mornet.
67 BUS, Reg. 6, fol. 51. Auct. II, col. 475. Il passe directement à sa procure suivante.
68 Du 22 septembre au 18 novembre 1382 (Auct. I, col. 626-633) : 207 lignes (A. Destemberg, maîtrise citée, p. 90). Le nombre de lignes dans l’édition est une des meilleures façons de comparer la longueur des comptes rendus. J’ai aussi comparé, en nombre de mots (compte non tenu des titres), les relations de 16 procures nordiques entre 1337 et 1343 : elles varient de 35 mots à 539, la moyenne se situant à 209 mots.
69 Auct. I, col. 24.
70 Ibid., col. 27 et 28.
71 Ibid., col. 66. Les autres procureurs qui adressent des suppliques lors de leur mandat le mentionnent en parlant d’eux à la troisième personne.
72 Et elegerunt venerabilem virum magistrum Nicolaum Colombi, nacionis Normanie, michi intimum, in rectorem…, Auct. III, col. 405. D’autres procureurs non nordiques utilisent la première personne.
73 Il est intéressant de voir comment nos procureurs relatent leur élection. Ils ne manquent pas de signaler si elle s’est effectuée à l’unanimité, concorditer ou nemine contradicente. Plusieurs même indiquent qu’ils ont été élus par « la voie du Saint-Esprit ». Exemple : Laurentius Petri en 1343 (Auct. I, col. 65).
74 Supra, note 35. Jacobus Nicolai de Dacia, Liber de distinccione metrorum. Mit Einleitung und Glossar, Å. Kabell, éd., Uppsala, 1967 (Monografier utg. av Kungl. humanistiska Vetenskaps-Samfundet i Uppsala, 2).
75 Supra, note 68.
76 Une exception : celle du procureur Andreas Freouati, en 1339, comprend 23 mots (Auct. I, col. 27), donnant le prénom de sa mère et force précisions sur son lieu d’origine ; à l’inverse celles d’Oluf Magnusson, dans les années 1430, pas plus de cinq mots, à une exception près (huit mots : [Procuratio] mag. Olavi Magni de regno Swecie, [de] civitate Aboensi. Auct. Il, col. 473). A n’en pas douter, Andreas Freouati est le procureur nordique qui a exprimé le mieux la conscience de sa propre identité !
77 Voir les illustrations en fin d’article.
78 C’est à peu près au même moment que la formule apparaît dans les registres. Première occurrence repérée : 1441 (Auct. II, col. 525).
79 Johannes Flicke, qui a d’ailleurs été blanchi de toute accusation (Auct. II, col. 324 ; supra, p. 54).
80 C’est par exemple maître Nicolaus Drukken qui refuse de payer sa quote-part pour pourvoir l’envoyé de la nation à la Curie, parce qu’il n’a pas reçu l’argent de son pays et qu’il ne veut pas emprunter la somme (Auct. I, col. 45-46) ; c’est maître Jakob Nielsen en conflit avec un autre maître pour demander sur le rotulus une même prébende canoniale (Auct. I, col. 550), etc.
81 Par exemple Nils Jonsson de Rickeby, qui fut lagman (littéralement, « homme de loi », il est chargé de « dire la loi et le droit » de la province d’Östergötland (Suède) : il fut bachelier, licencié et maître ès arts la même année (1357) et procureur de la nation le 26 août 1357 (Auct. I, col. 207, 209, 212-220). Il relate avec une certaine verve un conflit intervenu entre la nation anglaise et la nation picarde. Il se trouvait encore à Paris au premier trimestre 1358, puisque deux de ses compatriotes ont déterminé alors sous son autorité (ibid., col. 226 et 227).
Auteur
Université Paris I Panthéon-Sorbonne
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