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L’avion au bord de la crise écologique

p. 267-271

Résumés

L’efficacité énergétique et les émissions directes de CO2 du mode de transport aérien de passagers sont les plus faibles là où il est en concurrence, c’est-à-dire sur les liaisons terrestres à moyenne distance. Du reste, dans certaines circonstances particulières de remplissage, l’avion n’est pas nécessairement plus polluant que d’autres transports, comme la voiture. Mais le transport aérien dépend d’un produit pétrolier, le kérosène, et il est difficile de lui trouver des substituts. Comment agir face à ces défis ? Le premier type d’action consiste à ne recourir au transport aérien que quand on n’a pas d’alternative crédible et compétitive. La seconde consiste à diminuer les émissions de CO2 des compagnies aériennes, éventuellement même en développant une activité d’opérateur ferroviaire de grande vitesse.

The energy efficiency and the direct emissions of CO2 from air passenger transportation is the lowest where it is in competition, i.e. on medium distance land routes. Furthermore, in some particular circumstances filling the aircraft is not necessarily more polluting than other modes of transport, like the car. But air transportation depends on a petroleum product, kerosene, for which it is difficult to find a substitute.
How can we respond to these challenges? The first recourse is to only use air transportation when there is no other credible and competitive alternative. The second involves reducing the level of CO2 emissions by airlines, possibly even developing a high speed rail operator.


Texte intégral

Le transport aérien est face à des défis importants

1Il me revient de positionner le transport aérien par rapport à plusieurs problèmes importants :

  • La réduction par un facteur de nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050, afin de stabiliser la concentration de CO2 dans l’atmosphère à un niveau acceptable vis-à-vis du risque de changement climatique. Le transport a une responsabilité importante, la part du transport aérien bien que faible étant en croissance forte.

  • La dépendance très, trop forte de notre système de transport des produits pétroliers avec les problèmes géostratégiques posés par la localisation des gisements et leur déplétion à terme. N’oublions pas qu’un système de transport performant et fiable est une condition sine qua non du fonctionnement de nos économies développées.

2Or que constate-t-on lorsqu’on s’intéresse à ces problèmes ?

3L’efficacité énergétique et les émissions directes de CO2 du mode de transport aérien de passagers est la plus la plus faible, là où il est en concurrence, c’est-à-dire sur les liaisons terrestres à moyenne distance.

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4Le graphique montre les émissions de CO2 totales, fabrication de l’énergie fournie au véhicule comprise (on dit « du puits à la roue » ce qui évidemment constitue une extension de langage pour le mode aérien). On a évité ici de prendre en compte l’effet de forçage radiatif de la traînée de combustion à haute altitude qui multiplierait les valeurs de la partie consommation par un facteur 2 à 4 selon le GIEC (Groupe international d’experts sur le climat, IPCC en anglais).

5Cela montre une réalité qui parfois peut surprendre pour les modes terrestres :

  • un voyageur effectuant un trajet en avion navette émettra moins de CO2 que s’il avait pris tout seul le volant de sa voiture ;

  • un trajet à plusieurs dans une voiture bien remplie peut dans certains cas se révéler meilleur du point de vue des émissions de CO2 qu’un trajet effectué par les mêmes personnes en TGV, alimenté par de l’électricité produite à partir de centrales thermiques à charbon.

6Comme on le voit les choses ne sont pas aussi simples que d’aucuns disent. Il reste que le mode TGV, même si son électricité est produite avec du charbon, reste entre 2 et 3,3 fois moins émetteur de CO2 au passager au kilomètre transporté que l’avion. En Europe ce rapport se situe entre 5 et 8, en France, pour la SNCF, il se situe entre 18 et 30 en 2005.

7On voit bien la sensibilité du mode ferroviaire électrique au mix de production de l’électricité utilisée.

8Le transport aérien dépend d’un produit pétrolier, le kérosène, qui se situe dans le processus de raffinage dans une coupe intermédiaire entre l’essence et le gazole. Il se trouve donc en compétition avec la demande de ces deux produits. Il convient de souligner à ce sujet la forte diésélisation du parc de véhicules routiers (voitures, utilitaires et poids lourds) qui engendre des tensions sur le processus de raffinage en faveur d’une augmentation de la production de gazole au détriment des autres coupes.

9La question est donc : par quoi peut-on remplacer le kérosène ? Plusieurs possibilités existent :

10– les biocarburants de première génération élaborés à partir des réserves de la plante (graines). On butte rapidement sur un problème de disponibilité de surface cultivable, ce qui soulève, bien évidemment, le problème plus grave de la compétition en matière d’utilisation de ces surfaces entre les cultures alimentaires et les cultures à vocation industrielle.

11– Les biocarburants de deuxième génération, obtenus à partir de la partie non alimentaire des plantes (les drèches), ou directement de la cellulose (bois). Les volumes disponibles seraient de l’ordre de 4 à 10 fois plus fort que pour les biocarburants de première génération. Ils pourraient apporter une partie de solution (et pas toute la solution), mais leur fabrication peut poser des problèmes importants de coût énergétique en raison des réactions chimiques très endothermiques nécessaires (Fischer Tropsh).

12– Le gaz naturel comprimé ou liquéfié peut également apporter une partie de la solution, le problème important étant le stockage à bord qui limite l’autonomie. Il s’agit en outre d’une ressource fossile.

13– L’hydrogène qui pose encore des problèmes de stockage à bord encore plus aigus. Si aucune émission de CO2 n’aura lieu en vol, le problème est, un peu comme pour l’électricité du TGV, renvoyé à la manière dont on produit et on distribue cet hydrogène : le bilan peut être favorable (électrolyse de l’eau à l’aide d’électricité nucléaire par exemple) ou le pire (extraction à partir du charbon). En tout état de cause son utilisation est renvoyée au long terme.

Comment agir face à ces défis

14Le premier type d’action consiste à recourir au transport aérien quand on n’a pas d’alternative crédible et compétitive. C’est naturellement valable pour les vols à très longue distance ou intercontinentaux.

15Pour les vols à moyenne distance, le choix du mode dépend de deux paramètres principaux : les avantages respectifs des modes en matière de temps global de parcours (de porte à porte) et naturellement de prix.

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16Le graphique ci-dessus illustre de manière particulièrement claire l’influence du paramètre temps de parcours sur le choix du mode TGV ou avion. On constate que la part de marché du TGV devient majoritaire dès que le temps de parcours n’excède pas trois heures.

17Ce choix présente un certain nombre d’intérêts pour les objectifs généraux décrits précédemment :

  • diminution des émissions de CO2 dans un rapport important ;

18diminution de la consommation de kérosène permettant de desserrer en partie les contraintes sur la production des autres carburants.

19Cela présente également quelque intérêt pour les compagnies aériennes :

20une congestion moindre des hubs par les court-courriers ;

21une diminution des consommations de kérosène due à une meilleure gestion des parcours d’approche rendue ainsi possible ;

22une possibilité de rabattement à forte qualité de service par TGV vers les hubs en articulation avec les vols intercontinentaux ou à très longue distance.

23Diminuer les émissions de CO2 des compagnies aériennes

24Au-delà de ce qui a été dit précédemment, il faut également que des efforts soient faits par les compagnies aériennes pour diminuer leurs niveaux d’émission. Compte tenu du poids des dépenses de kérosène dans le coût d’exploitation des avions, plusieurs leviers d’action sont possibles :

  • améliorer l’efficacité énergétique du transport au siège kilomètre offert (SKO) grâce à des gains technologiques (motorisation, aérodynamique, servitudes) et de poids embarqué (sièges, trolley...), tout kilo gagné se traduisant par une diminution des consommations ou une augmentation de la charge marchande ;

  • les remplir le plus possible naturellement ! ;

  • proposer à ses clients de compenser les émissions de CO2 de leurs voyages : de nombreuses compagnies mettent en ligne cette possibilité sous la forme d’une surtaxe dédiée, par exemple. Cela montre en particulier l’utilité des éco-comparateurs de trajet. On trouve cependant de tout en matière de compensation et il est indispensable de s’assurer que l’organisme de compensation carbone est sérieux : c’est pourquoi l’ADEME a mis au point une charte spécifique sur ce sujet ;

  • enfin, pour conclure par une boutade, qui peut ne pas en être une, les compagnies aériennes peuvent développer une activité d’opérateur ferroviaire grande vitesse et acheter des TGV pour desservir leurs hubs !

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