Santos-Dumont : le rêve et le doute
p. 51-59
Résumés
La figure de l’inventeur et aviateur franco-brésilien Alberto Santos-Dumont est évoquée ici dans un cheminement qui, du rêve et de l’utopie, l’amène au doute et au désespoir... Croyant en une technologie récréative et civilisatrice et confronté à la réalité du potentiel meurtrier de l’avion, il en vint à prôner la responsabilité des inventeurs quant au devenir de leur création.
Enfin, à travers le cas des ULM, l’article affirme la dimension « spiralée » de l’histoire des techniques quand des concepteurs contemporains reprennent des techniques, mais aussi des idéaux et valeurs, oubliés ou enfouis, pour produire de nouveaux objets.
The figure of the inventor and aviator, Franco-Brazilian, Alberto Santos-Dumont is mentioned here on a path which, from dream and utopia, leads to doubt and des-pair. A believer of recreational and civilizing technology and confronted with the reality of the deadly potential of the aeroplane, he came to extol the virtues of the responsibility of inventors regarding the future of their creation.
Finally, in the case of the ULM, the article affirms the "spiral" dimension of the history of technology where contemporary designers revisit techniques, as well as ideals and values, forgotten or buried, to produce new objects.
Texte intégral
1Les techniques et les technologies sont le plus souvent associées aux valeurs d’efficacité et de nécessité alors que, bien souvent, elles naissent sur fond de jeu, de gratuité d’une part et de promesse d’un monde meilleur de l’autre. C’est même une des caractéristiques de la modernité que de conférer aux techniques le pouvoir d’associer la réalisation de l’humanité ou de la personne à leur développement. Et c’est sans doute parce que la promesse d’un progrès n’était pas celle d’un pur et simple progrès technique mais d’une amélioration de l’humain dans toutes ses dimensions que cet idéal s’est imposé avec tant de force à l’âge moderne. De ce point de vue, comme de bien d’autres, l’histoire de l’aviation apparaît comme exemplaire.
2Le directeur du musée de l’Air, qui préside cette table ronde, avait proposé, sur une idée de Sébastien Perrot, de nous prêter pour ce colloque une réplique de la fameuse Demoiselle de Santos-Dumont. Elle aurait dû être ici, dans le hall, à nous accueillir à l’entrée de la salle Louis Liard. Le rectorat n’ayant finalement pas voulu courir ce risque, j’ai voulu donner à ce pionnier de l’aéronautique une autre forme de présence.
3Au CETCOPRA, nous aimons bien Santos-Dumont pour un certain nombre de raisons. D’abord peut-être pour son côté « franco-brésilien » puisque nous entretenons des relations soutenues, amicales et académiques, avec le Brésil. Mais nous l’aimons aussi parce qu’il allie intimement dans sa pratique aéronautique « plus lourd que l’air » et « plus léger » traditionnellement séparés dans deux voies irréconciliables de l’aéronautique. Dans Grandeur et dépendance, sociologie des macro-systèmes techniques1, Alain Gras m’avait confié l’essentiel de la rédaction des chapitres consacrés à l’aéronautique. J’y faisais alors l’hypothèse que, dans la controverse qui opposa dans le premier tiers du xxe siècle tenants du « plus léger » (ballons mais surtout dirigeables) et du « plus lourd », la victoire du second ne tenait pas à son efficacité intrinsèque mais à un système de valeur, à des conditions sociales et politiques et surtout à un type de relation à la nature et à l’énergie qui lui était favorable. Car un objet technique transporte des valeurs, des conceptions du monde et de la nature qui le précèdent et l’accompagnent et qu’il contribue à son tour à asseoir en les inscrivant durablement dans la matière comme dans les esprits.
4Il ne sera pas question ici, à propos de Santos-Dumont, de la polémique qui agite la communauté aéronautique (historiens compris) de la « première fois », du « premier vol » (en se demandant si l’exploit accompli avec le 14 bis a été un « vol », un « bond » ou un simple « saut de puce »), mais du personnage même, de sa singularité et de sa puissance contemporaine d’évocation. Parmi les premiers aviateurs, Santos-Dumont est, plus encore que d’autres dans un monde qui en compte beaucoup, considéré comme un « marginal ». Ce qui me donne l’occasion de faire référence à un grand historien de l’aéronautique, malheureusement disparu, Emmanuel Chadeau. C’est à son dernier ouvrage que nous avons emprunté les deux premiers tiers du titre de ce colloque : Le rêve et la puissance2. Je reparlerai du doute, mais voudrais considérer comment ce chercheur traite, dans cet ouvrage consacré à l’aviation au xxe siècle, le cas d’Alberto Santos-Dumont.
5Premier résultat, il est peu évoqué mais toujours de manière très particulière. Santos-Dumont est un « outsider »« qui occupe un moment le devant de la scène en réalisant sur la pelouse de Bagatelle un bond de 220 mètres en octobre 1906 », il est un « amateur », un « excentrique ». « À partir de 1902, en Allemagne puis en France et en Grande-Bretagne, les militaires ont entrepris de former des vraies flottilles de dirigeables. Celles-ci permettent d’observer leur comportement dans des circonstances plus réelles que dans des exhibitions à la Santos-Dumont. […] Plus étonnant, néanmoins, ce chaleureux sportif mondain continuera de figurer en bonne place dans le palmarès des inventeurs d’avion3 ».
6Pourquoi est-ce étonnant et pourquoi Santos-Dumont reste-t-il malgré tout considéré comme un inventeur ? Je vais tenter de proposer quelques hypothèses. Santos-Dumont incarne le rêve, mais pas la puissance. Fils d’un riche industriel franco-brésilien (centralien de surcroît et reconverti en planteur de café), passionné dès son plus jeune âge par les « arts mécaniques », il semble avoir très tôt, notamment à la faveur de la lecture de Jules Verne, caressé le rêve de construire des machines volantes.
7C’est lors d’un voyage familial en France et après la visite d’une exposition à la « Maison de l’Industrie » qu’il décide de venir se former à Paris, mais, sur les conseils de son père, sans s’engager dans une voie académique (« je préfère, aurait dit ce dernier, que tu ne deviennes pas docteur ») et s’adresse à un précepteur qui l’aidera à parfaire une formation, initiée au Brésil, dans les « arts mécaniques ». Cet apprentissage en marge de l’institution est souvent invoqué pour considérer Santos-Dumont comme un autodidacte plus bricoleur qu’expérimentateur. Mais il peut être compris autrement si l’on considère l’influence du positivisme et de la pensée d’Auguste Comte qui marque alors le Brésil. La « religion » positiviste dont le Brésil fut la terre d’élection prône l’encyclopédisme et se méfie des spécialisations ignorantes des autres disciplines. Or il est probable que Santos-Dumont a été nourri de positivisme par son père, d’une part, mais d’autre part par l’enseignement qu’il a reçu notamment au collège Culto a Ciencia à Sâo Paulo.
8Santos-Dumont ne déposera aucun brevet : pour lui, les résultats des recherches scientifiques ou techniques sont un « bien public ». Plus important, peut-être, sa conception de l’aviation n’est pas celle qui va se déployer tout au long du xxe siècle : l’avion n’est pas, essentiellement, utile, il n’est pas réservé aux « professionnels » (et Santos-Dumont se définit effectivement lui-même comme un amateur), c’est un « sport », un défi à la nature, la réalisation d’un rêve, un plaisir, autant, voire plus, vecteur de gratuité que d’utilité. En 1918, Santos-Dumont rédige en portugais un opuscule, O que eu vi, O que nos veremos4 (Ce que j’ai vu, ce que nous verrons). Peter Wykeham, dans la biographie qu’il consacre à l’aviateur qualifie ce livre « d’une œuvre courte, triste, désespérément confuse et embrouillée, où la date même du Prix de l’Aéroclub qui lui fut décerné pour le n° 14 bis est erronée5 ». Or, paradoxalement, c’est bien la structure de ce texte et son partage entre deux perspectives bien distinctes qui a retenu mon intérêt. La première partie « ce que j’ai vu » relate l’expérience d’un individu inventeur, porté par ses rêves et ses idéaux, alors que la seconde, « ce que nous verrons », prophétise un destin collectif de la science qui échappe au premier. Dans chacune des parties domine un imaginaire : celui du rêve pour la première, du doute pour la seconde.
9Parfois en forme de justification a posteriori, Ce que j’ai vu est centré sur les exploits de l’aéronaute. Il s’y révèle un homme qui se considère comme un inventeur mais, non moins, comme un sportif et un « amateur ». De tous les aéronefs dont il a présidé à la construction, ce ne sont pas le n° 5, dirigeable avec lequel il a remporté le prix Deutsh de la Meurthe, ni le 14 bis accrédité par certains d’être le premier aéroplane volant, qui emportent sa préférence. Ceux qu’il désigne comme « ses enfants préférés » sont le dirigeable n° 9 et la fameuse Demoiselle :
« Je suis enfin parvenu à construire mon n° 9 avec qui j ai obtenu pas mal de choses : j’ai fait des dizaines de promenades au-dessus de Paris, j’ai souvent participé à des courses, je décollais devant chez moi, avenue des Champs Élysées et survolais presque toutes les nuits le bois de Boulogne […] Ce fut le plus populaire de tous mes enfants qui ne fut supplanté plus tard que par la minuscule “demoiselle”6. »
10Santos-Dumont aime à s’exhiber devant la foule, lors des meetings, ou au-dessus des passants. Car le « peuple », nous dirions peut-être aujourd’hui l’opinion, n’est pas seulement un spectateur passif de la conquête de l’air, mais un acteur important avec qui l’inventeur entretient une relation affective.
« Ce fut grâce aux applaudissements et aux encouragements que mes collègues et moi avons reçus que nous avons pu trouver la force, face à tant d’échecs et de dangers, de poursuivre notre lutte. C’est bien à la clairvoyance du peuple de la ville lumière que le monde doit la locomotion aérienne7. »
11Là aussi, on peut sentir l’influence du positivisme dans sa version la plus religieuse, car c’est au « prolétaire », on le sait, que s’adresse le catéchisme positiviste et au peuple que doivent bénéficier les progrès de la science.
« Dans mon hangar se côtoyaient des personnes de toutes les classes et opinions » jusqu’à citer Jaurès qui aurait dit, l’ayant vu voler : “Jusque-là je n’avais vu, cherchant à piloter des ballons, que l’ombre des hommes, aujourd’hui j’ai vu ‘un homme’.” »
12Ce texte constitue un regard a posteriori de Santos-Dumont sur sa propre histoire, mais ce qui est intéressant et explique, me semble-t-il, la place à part de l’inventeur dans le panthéon des pionniers, c’est qu’il se situe en marge des partages établis et rassemble l’avion et le dirigeable dans une histoire linéaire, sinon continue, du vol.
13Du ballon libre (son n° 1, le Brésil), il est passé au dirigeable puis au plus lourd que l’air car, selon lui, « l’invention, comme la nature de Linné, ne fait pas de sauts ; elle progresse doucement, elle évolue. J’ai commencé par devenir un bon pilote de ballon libre. Puis je suis devenu un bon aéronaute dans le maniement de ces dirigeables ; pendant des années, j’ai étudié à fond le moteur à essence et ce n’est que lorsque j’ai pu vérifier qu’il était suffisamment au point pour voler, que je me suis attaqué au problème du plus lourd que l’air ».
14Et d’ajouter non sans fierté : « J’étais le seul homme a avoir vraiment droit au titre d’aéronaute, car je pilotais tous les appareils aériens. »
15Le 14 bis, premier, selon lui, plus lourd que l’air volant est un appareil hybride d’abord couplé à un dirigeable avant de prendre son envol. Santos-Dumont remarque que l’appareil porteur de son exploit est « trop lourd, trop compliqué, bien inférieur à La Demoiselle, l’avion idéal pour un amateur ». Il qualifie ce 14 bis « d’ensemble hybride ».
16Le pilote de guerre Peter Wykeham est plus sévère et là encore, sa formulation révèle ce qui donne à Santos-Dumont son caractère sulfureux, non sérieux : « Ingénieux arrangement, monstre hybride […]. Et le scabreux de l’entreprise se révéla dès les premiers efforts pour lancer l’affreuse chose dans l’air8. » Ce qui singularise Santos-Dumont n’est pas qu’il ait dépensé sa fortune sans grande chance de retour à la cause de l’aéronautique (ils furent nombreux à le faire), mais qu’il ait développé son projet aéronautique en marge des classifications qui se mettent alors en place. Pour lui, le « plus lourd » ne constitue pas une rupture par rapport au « plus léger », mais est enfanté par lui. Concrètement en effet, matériellement mais aussi symboliquement, Santos-Dumont fait accoucher l’avion par le dirigeable.
17L’histoire du vol, du mythe d’Icare aux avions contemporains, est pour lui un récit linéaire marqué par des avancées incarnées par des hommes : Léonard de Vinci, les frères Montgolfier, le colonel Renard, Lilienthal. D’une certaine façon, Santos-Dumont revendique sa place dans le panthéon scientifique, mais le désir de science qui l’anime est celui d’une science pacifique, amusante (à cette époque, l’avion était considéré comme un « jouet »), civilisatrice. Il réalisera vite que tel ne serait pas exclusivement le cas.
« Nous, fondateurs de la locomotion aérienne à la fin du siècle dernier, avions rêvé un destin de gloire pacifique pour cette fille de nos découvertes. Je me souviens parfaitement que dans les premières années de ce siècle, au sein de l’Aéroclub de France qui fut sans aucun doute “le vivier de l’aéronautique”, le lieu de rassemblement de tous les inventeurs qui s’adonnaient à cette science, on parlait peu de la guerre. Nous pouvions prévoir que les aéronautes pourraient peut-être dans l’avenir servir d’éclaireurs pour les états majors de l’armée, mais il ne nous est jamais venu à l’idée qu’ils pourraient avoir des fonctions destructrices dans les combats. J’ai suffisamment connu tous ces rêveurs, parmi lesquels des centaines ont sacrifié leur vie à notre idéal pour pouvoir affirmer qu’il ne leur est jamais passé par la tête que, dans l’avenir, nos successeurs seraient envoyés pour attaquer des villes pleines d’enfants, de femmes et de vieillards9. »
18Santos-Dumont est passé du rêve positiviste (la science et ses avancées sont par elles-mêmes un vecteur de progrès humain) au doute. Un doute qui va le miner et le conduire, avec la maladie, jusqu’au suicide. Il sent bien que l’avion comme arme destructrice est un fait irréversible (il l’avait d’ailleurs pressenti et même favorisé en faisant une offre de service pour sa flotte de dirigeable au chef de l’armée française) et il incite avec force le président de la République du Brésil à se doter d’un corps aéronautique. Mais il revendique aussi, en tant que pionnier et fondateur, le droit de réparer ce qu’il considère comme une faute dont il se sent responsable, par la possibilité d’œuvrer pour restaurer la vocation civilisatrice de l’avion.
« Moi, pour qui est passé le temps du vol, je voudrais cependant que l’aviation devienne pour mes jeunes compatriotes un véritable sport. Mon désir le plus fort est de voir au Brésil de véritables écoles d’aviation. De voir l’avion – aujourd’hui puissante arme de guerre, demain merveilleux moyen de transport – parcourir l’immensité de nos régions, en peuplant notre ciel vers lequel le Père Bartolemeu Lourenço de Gusmao leva le premier le regard10. »
19Ce que nous montre ce texte dans sa construction dichotomique entre « ce que j’ai vu » et « ce que nous verrons » est que l’invention, la découverte scientifique s’inscrit dans une histoire collective soit, mais qui s’incarne dans des personnes. Mais son destin est collectif et échappe à ses inventeurs et à ses promoteurs sans pourtant que ces derniers ne soient exemptés de leur responsabilité. Ce que nous verrons est un plaidoyer pour le futur pacifique de l’avion malgré son présent meurtrier.
20À propos de ses premiers essais de direction de ballons, Santos-Dumont remarque que, « À l’époque, la conduite d’un ballon était un désir sans promesse ». Je voudrais m’arrêter sur ce terme de promesse. Car c’est bien sur fond de « promesse » que se sont développés les premiers vols. Mais il faut ici, avec Hannah Arendt, redonner toute sa force et sa dimension éthique et politique à ce terme. La promesse n’est pas du côté de la certitude mais est là, précisément, pour pallier l’incertitude inhérente à l’imprévisibilité de l’agir humain. La promesse mobilise ou séduit, participe de l’effervescence. Le succès des premiers vols, ces foules attirées par cette réalisation d’un rêve ancestral porté par des héros (ce qui n’empêchait pas la plupart d’entre eux d’être aussi des ingénieurs et des hommes de science et de technique), ont compté dans le succès de l’aviation. Le vol, et en particulier celui du plus lourd que l’air, fascine par sa dimension prométhéenne de dépassement de la condition humaine. Pour surmonter l’imprévisibilité, le désordre des affaires humaines, l’homme a depuis toujours inventé la promesse, par le contrat ou l’alliance. Les technosciences se sont elles aussi développées sur fond de promesse : promesse de progrès, popularisé par le xviiie siècle, promesse de bonheur par le calcul rationnel des intérêts chez Bentham, promesse de bien être chez les économistes libéraux avec leur foi dans la main invisible. Il n’est de naissance d’une technologie qui ne se soit accompagnée de promesses, mais il est rare que ces dernières soient strictement tenues. Elles accomplissent le plus souvent autre chose. Est-ce à dire que ces discours accompagnateurs ne sont que mystifications ou idéologies ? Et comment appréhender le fait que l’action humaine lorsqu’elle s’incarne dans une évolution créatrice technique ne puisse revenir sur elle-même ? L’homo faber, pris dans l’action, ne peut plus défaire ce qu’il a fait. On peut détruire un objet qui ne correspond pas à l’idée que l’on se faisait de lui, on ne peut pas revenir en arrière dans un processus d’évolution créatrice qui n’a ni début, ni fin11. Engagé dans la matière et dans un devenir, il produit de l’irréversible.
21La technologie est du côté de l’action et de l’imprévisible. Son existence engage l’avenir, le modifie. C’est pourquoi l’innovateur, l’industriel, le scientifique associent toujours un avenir meilleur à leur production. Mais si la promesse n’est pas tenue, il n’est pas possible de revenir purement et simplement en arrière et de proposer une autre voie. Arendt proposait la solution de l’oubli, mais surtout du pardon pour réparer les promesses non tenues. Cette éthique du pardon suppose des humains capables de reconnaître leurs errances, par exemple une communauté scientifique qui se sentirait responsable, partie prenante des conséquences de son action sur le monde (même si ces conséquences sont involontaires), et capable de revenir sur des choix passés. C’est, me semble-t-il, une des questions que pose l’écologie aujourd’hui. C’est aussi la position que, dans son désespoir, cherche à assumer Santos-Dumont.
22Je voudrais conclure sur une note moins grave et introduire ainsi la communication de Sébastien Perrot, président de la Fédération des ultralégers motorisés. Santos-Dumont, aviateur marginal et transfuge, m’apparaît occuper, aux marges de l’aviation commerciale, à nouveau une place de fondateur. Avec, à partir du vol libre, l’invention dans les années 1970 de l’ultraléger motorisé, des machines volantes les plus diverses et à vocation essentiellement récréative ont recommencé à occuper notre ciel. À les voir se déployer, on se rend compte que La Demoiselle oubliée de 140 kg fait enfin figure de précurseur comme avec elle beaucoup de vaines tentatives du début du xxe siècle. Mais ces machines transportent aussi des valeurs que véhicule d’ailleurs le mouvement ULM : la simplicité, la légèreté, la liberté, la maniabilité, la centralité du corps. L’histoire, au contraire sans doute de ce que pensait Santos-Dumont, n’est pas toujours linéaire mais tourbillonnaire, spiralée par des retours au passé qui instaurent de nouveaux devenirs.
Notes de bas de page
1 Paris, PUF, 1993.
2 E. Chadeau, Le rêve et la puissance, Paris, Fayard, 2000.
3 Ibid., p. 32 (ce qui est souligné l’est par nous).
4 Alberto Santos-Dumont, O que eu vi, o que nos veremos, Sâo Paulo, 1918 (file:///Santos%20Dumont/ moqueeuvi_fichiers/oqueeuvi.htm.
5 Peter Wykeham, Santos-Dumont. L’obsédé de l’aviation, Paris, Trevise, 1964, p. 255.
6 O que vi, o que nos veremos, traduction personnelle...
7 Ibid.
8 Peter Wykeham. op. cit. p. 211.
9 O que eu vi o que nos veremos, op. cit.
10 Op. cit.
11 H. Arendt, Condition de l’homme moderne, Paris, Calmann-Lévy, 1961 (1re édition aux États-Unis 1958).
Auteur
Sophie Poirot-Delpech est maître de conférences en sociologie à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne où elle enseigne la socio-anthropologie des techniques. Elle a également une formation d’historienne. Cofondatrice du CETCOPRA, c’est à partir du monde aéronautique qu’elle développe une réflexion sur les techniques contemporaines. Après s’être intéressée à la dimension sociale des techniques à travers l’histoire de l’automatisation du contrôle aérien (Biographie du Cautra, à paraître, L’Harmattan), elle explore aujourd’hui le monde de l’aviation de loisir.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Enfermements. Volume II
Règles et dérèglements en milieu clos (ive-xixe siècle)
Heullant-Donat Isabelle, Claustre Julie, Bretschneider Falk et al. (dir.)
2015
Une histoire environnementale de la nation
Regards croisés sur les parcs nationaux du Canada, d’Éthiopie et de France
Blanc Guillaume
2015
Enfermements. Volume III
Le genre enfermé. Hommes et femmes en milieux clos (xiiie-xxe siècle)
Isabelle Heullant-Donat, Julie Claustre, Élisabeth Lusset et al. (dir.)
2017
Se faire contemporain
Les danseurs africains à l’épreuve de la mondialisation culturelle
Altaïr Despres
2016
La décapitation de Saint Jean en marge des Évangiles
Essai d’anthropologie historique et sociale
Claudine Gauthier
2012
Enfermements. Volume I
Le cloître et la prison (vie-xviiie siècle)
Julie Claustre, Isabelle Heullant-Donat et Élisabeth Lusset (dir.)
2011
Du papier à l’archive, du privé au public
France et îles Britanniques, deux mémoires
Jean-Philippe Genet et François-Joseph Ruggiu (dir.)
2011