Le séjour du petit enfant avec sa mère en détention
p. 205-221
Texte intégral
1 La femme criminelle, objet du présent colloque, est souvent déjà mère. Elle peut aussi le devenir au cours de sa détention. Mais alors, quelle est la « place » de ce bébé, de ce bambin ? Est-elle derrière les barreaux avec sa mère ou à l’extérieur, sans elle ?
2La question est particulièrement délicate. Elle est révélatrice de différences culturelles abyssales entre les différents États du monde, y compris au sein de l’Europe.
3La France, comme c’est souvent le cas, se trouve à la croisée des chemins entre cultures du Nord et du Sud, qui admet l’enfant au sein des prisons, mais pour des durées relativement courtes. Cela lui évite sans doute certains excès. Nous ne sommes pas certaine que cela soit protecteur pour les enfants.
4Une fois admis que l’enfant peut, pour un temps seulement, demeurer en détention avec sa mère, se posent des questions que j’aborderai essentiellement en juriste, i.e. celle du statut juridique de l’enfant, celle du régime de son séjour et enfin celle, ô combien douloureuse, de son départ.
Faut-il laisser les enfants à leur mère incarcérée ?
5Avant de s’interroger sur l’opportunité du séjour de l’enfant avec sa mère, il peut être utile de se demander au préalable pourquoi il ne pourrait rester avec son père.
6Une première raison, terre à terre, tient à la sécurité des enfants. Les prisons d’hommes posent des problèmes de sécurité particuliers, et tout simplement l’intégrité de l’enfant n’y serait pas garantie. Ces prisons sont plus composites, plus surpeuplées, elles sont plus violentes et y séjournent un nombre croissant de délinquants sexuels. D’ailleurs, dans les pays du tiers-monde, où l’enfant séjourne avec père ou mère, voire où il peut passer, au cours de visites, des journées entières avec ses parents, les violences faites aux enfants, les cas de prostitution moyennée par les parents, ou contrainte par le milieu, sont courants.
7Dans des conditions carcérales plus pacifiques, de tels séjours ne seraient en revanche pas impensables, comme le montre l’exemple du Danemark.
8Une seconde raison tient au particularisme de la relation mère-enfant à cette période de la vie. Le droit français, plus que bien d’autres, reflète une vision assez particulière du féminisme, dont il est question en partie en ce 8 mars. Une vision non biologique, qui tente de mettre à l’écart la maternité. Sans m’étendre sur ce sujet – mais il est nécessaire de l’évoquer pour comprendre ce qui se joue –, le droit de la famille en particulier est assis sur une idéologie de l’interchangeabilité des rôles du père et de la mère, y compris, ce qui est rarement partagé dans d’autres cultures, au cours des deux ou trois premières années de la vie de l’enfant. À cette époque de leur vie, il est largement établi que les relations de proximité avec la mère sont d’une importance primordiale pour leur développement psychique. De très nombreux travaux l’ont montré. L’enfant ne se perçoit pas en dehors de sa mère les premiers mois1. La maturation à ce niveau prend longtemps. Son cerveau en construction s’élaborerait alors, comme les neurosciences nous le montrent aujourd’hui, confirmant des travaux plus anciens sur ce point2, autour de ce vide abyssal lié à cette séparation. Hélas, les travaux en santé primale ne sont guère plus optimistes quant aux conséquences des traumas survenant le jour même de la naissance3. Même au-delà de cette période de fusion psychique totalement normale de l’enfant avec sa mère4, la séparation engendrerait des souffrances majeures. Un trauma dont il ne se remettrait pas véritablement. Les conséquences sont lourdes : difficultés, voire impossibilité de s’attacher ; retards psychosociaux ; indéniablement aussi, risques plus importants de déviance ou de criminalité ultérieure.
9C’est, au demeurant, ce que soulignait un rapport de la Commission des questions sociales, de la santé et de la famille du Conseil de l’Europe, du 9 juin 2000 : les enfants « séparés de force de leur mère [...] se retrouvent durablement handicapés sur les plans affectif et social », et plus précisément, cela se traduit par « une incapacité à s’attacher aux autres, une inadaptation affective et des troubles de la personnalité ». À cela s’ajoutent des considérations de santé publique, qui rendent plus qu’utile l’allaitement maternel pour l’ensemble des nourrissons5, qu’évoque expressément la recommandation de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe6, issue du rapport précité. D’autres travaux, également nombreux, démontrent la nécessité d’une proximité charnelle entre le petit et sa mère7.
10Malgré l’existence de ces travaux, les pratiques carcérales divergent considérablement d’un pays à l’autre8. C’est que l’être humain agit avant tout en fonction de sa culture, plus que de sa nature. Et les cultures, précisément, sont fortement différentes au regard du rôle de la mère, de celui du père, de celui de l’État. Aussi va-t-on retrouver un clivage particulièrement représentatif de différences culturelles bien connues. Les pays du Nord, en particulier, sont plus interventionnistes au regard de la famille, pratiquent plus volontiers, d’une manière générale, le placement d’enfants, y compris en cas de difficultés sociales. Aussi estiment-ils que la place de ceux-ci n’est pas per se en prison et tendent-ils soit à les retirer rapidement à leur mère, soit à ne tolérer que de courts séjours avec elle. C’est le cas de pays du Nord tels la Suède, l’Islande, le Danemark, encore que ce dernier État laisse les enfants jusqu’à trois ans dans une prison ouverte (Horserod).
11Mais tous les pays du Nord n’agissent pas ainsi. Ainsi, en Allemagne, où le rôle maternel des femmes est valorisé spécialement les premières années, celles-ci peuvent garder leur enfant auprès d’elles et ce durant trois ans, quatre dans une prison (Aichach) et six dans deux autres, de type ouvert (Vechta et Fröndenberg). Les Pays-Bas, pour la même raison, l’autorisent jusqu’à quatre ans, dans les prisons ouvertes (seulement de six à neuf mois dans les prisons ordinaires toutefois). La Belgique admet d’une façon générale des séjours allant jusqu’à trois ans. La Finlande fait exception parmi les pays nordiques, qui admet que l’enfant puisse rester en détention avec sa mère jusqu’à deux ans et même quatre ans dans la prison ouverte de Vanaja. Comme nous l’avons dit, les courts séjours que le Danemark autorise ont également une particularité : ils peuvent également concerner le père.
12Les pays du Sud de l’Europe, moins interventionnistes dans la sphère familiale et plus protecteurs de la relation mère/enfant, admettent aussi des durées de séjour assez longues : trois ans pour le Portugal, six ans pour l’Espagne, trois ans pour l’Italie, quatre ans pour la Grèce.
13Il faut encore signaler que, dans la plupart des pays du tiers-monde, l’enfant séjourne souvent, et pour longtemps, avec sa mère en prison ou y est admis durant toute la journée. Mais sa situation n’est pas comparable à celle de pays occidentaux développés : il n’existe pas, au-dehors, de structures pour accueillir les orphelins et les familles d’une manière générale. Le risque, c’est la maltraitance des enfants, comme il a déjà été souligné.
14Notons, pour relativiser la portée de ces différences culturelles, que dans les pays qui admettent que l’enfant séjourne plus longtemps avec sa mère existe le concept de « prison ouverte » inconnu en France, si ce n’est au travers de la notion de semi-liberté, mais juridiquement cela est différent.
15D’autres pays que ceux que nous venons d’évoquer se trouvent au carrefour de ces deux cultures. La Grande-Bretagne, par exemple, admet des séjours, comme dans les pays du Nord, de seulement neuf mois, mais peut accepter, dans certaines prisons spécialement aménagées, des séjours de dix-huit mois9. L’Irlande admet des séjours de douze mois. En France, à l’heure actuelle et nous y reviendrons, la mère peut se voir laisser son enfant jusqu’à ses 18 mois, avec des possibilités de prolongation jusqu’à ses 2 ans.
16La France, précisément, n’a pas toujours eu une politique mi-chèvre mi-chou. Avant 1946, elle laissait séjourner les enfants en détention durant quatre ans10. Il semble que ce soit la pression des psychologues et travailleurs sociaux qui ait convaincu le pouvoir réglementaire d’abaisser fortement cet âge11.
17Toutefois ce glissement ne reposait pas sur un choix quant à la durée intrinsèquement préférable du maintien d’un enfant avec sa mère, mais sur un principe de réalité : les prisons françaises de ces années-là étaient en effet parfaitement invivables, voire dangereuses pour la santé, y compris physique, des enfants. En outre, l’incarcération avait une connotation particulière en ces années suivant la Seconde Guerre mondiale : beaucoup de personnes travaillant dans les ministères et notamment celui de la Justice étaient soit d’anciens résistants ayant été incarcérés dans ces prisons, soit même d’anciens déportés (à l’image de Simone Veil). Un tel contexte, une telle problématique n’existent plus aujourd’hui. Il est peut-être temps d’en tirer les leçons.
18Voyons plus précisément ce que dit le droit positif français avant de voir quels sont les changements envisageables et sous quelles influences.
19C’est dans la partie réglementaire du code de procédure pénale que sont insérés les textes généraux encadrant la question du séjour de l’enfant avec sa mère. L’article D 401 énonce que « les enfants peuvent être laissés auprès de leur mère en détention jusqu’à l’âge de dix-huit mois ». L’article D 401-1 ajoute que, « à la demande de la mère, la limite d’âge de dix-huit mois peut être reculée, sur décision du directeur régional des services pénitentiaires ». Le code de procédure pénale n’indique pas pour combien de temps cette prolongation peut avoir lieu. Une circulaire de l’Administration pénitentiaire s’autorise à préciser, sur un sujet aussi fondamental, qu’il s’agit seulement d’une période maximale de six mois (art. 2.1.3.2.)12.
20Elle ajoute, d’ailleurs, que la possibilité pour le bébé de rester avec sa mère dépend de la capacité des établissements pénitentiaires. Il est pour le moins surprenant de voir dépendre une question aussi essentielle pour l’enfant (ici la mère ne devrait vraiment pas être au centre du débat) de considérations aussi matérielles. Certes, cela part d’un sentiment louable. Il est vrai qu’auparavant, des bébés ou bambins ont pu séjourner dans des cellules ordinaires. Au contraire, à partir de 1999, l’Administration pénitentiaire a voulu leur offrir des conditions de séjour plus décentes en posant qu’ils ne pourraient demeurer que dans des établissements comportant des locaux adaptés. D’ailleurs, celle-ci a prévu soixante-six places réparties sur tout le territoire national alors qu’il y a environ cinquante enfants en permanence en détention. Toutefois, cela génère immanquablement des difficultés au regard des autres enfants et de leurs visites.
21Fort heureusement, la circulaire précitée pose ensuite, de manière néanmoins un peu contradictoire, que pour l’enfant né durant la détention, le choix de la mère doit être respecté, y compris, indique-t-elle, par les autorités judiciaire13 et pénitentiaire14, sous réserve de l’« existence d’une situation de danger pour la santé, la sécurité ou la moralité de l’enfant », à propos de laquelle le procureur de la République, informé par l’établissement, devrait saisir le juge des enfants. Cette règle vaut aussi bien pour les bébés nés en détention ou avant l’incarcération. Or, à cet égard, la circulaire prévoit que le SPIP doit rechercher en accord avec la mère un placement pour l’enfant. Elle ajoute cependant heureusement que le refus de sa part d’une séparation, formalisé par écrit, « s’impose » à l’administration.
22La circulaire indique que le père a la possibilité de contester le séjour de l’enfant en prison, et qu’en pareil cas « il lui appartient de saisir l’autorité judiciaire compétente (le juge aux Affaires familiales) ».
23Au-delà des règles de fond ici présentées, il faut souligner de choquantes anomalies juridiques. Au premier rang de ces anomalies, observons que ces questions ont été abandonnées au pouvoir réglementaire et même directement à l’Administration pénitentiaire. L’intérêt fondamental de l’enfant échappe ainsi à tout débat démocratique, le législateur s’étant abstenu de toute incursion15. Comme il est hélas systématiquement constaté en matière pénitentiaire, des questions essentielles, y compris de celles que la Constitution attribue normalement à la loi, sont traitées par l’exécutif par voie de décret ou, pire encore, par du sous-droit16, les circulaires, faut-il le rappeler, n’étant en principe pas des normes juridiques, mais uniquement, quand l’administration respecte ses limites, des directives organisationnelles à destination des fonctionnaires. Pourtant, la circulaire de 1999 est le texte qui va justifier par exemple que les bébés soient fouillés à corps de retour du parloir.
24Seconde anomalie juridique à souligner : c’est le directeur régional de l’Administration pénitentiaire qui se prononce. Or, voilà une autorité dont la mission fondamentale est de nature pénale et qui se voit confier la protection de l’intérêt de l’enfant. Même si l’article D 401-1 du code de procédure pénale dispose qu’il doit au préalable avoir entendu une commission consultative, nous voilà fort loin du droit commun qui confie, selon les cas, celui-ci soit au juge aux Affaires familiales, soit au juge des enfants.
25La situation devrait d’ailleurs à notre sens changer puisque la Cour de cassation a récemment jugé, dans le domaine voisin des permis de visite, qu’il appartenait au JAF de fixer le principe et les modalités des visites d’un enfant à son parent incarcéré, et non à l’AP17. Autrement dit, ces questions devraient relever du droit commun et échapper à un traitement carcéral.
26Notre droit est-il conforme aux principes fondamentaux en la matière ?
27En droit supranational, l’article 7 de la Convention de New York relative aux droits de l’enfant énonce que l’enfant a le droit d’être élevé par ses deux parents.
28En droit interne, l’article 373-2-6 du code civil dispose que « les mesures permettant de garantir la continuité et l’effectivité du maintien des liens de l’enfant avec » son parent doivent être prises et, naturellement, cela doit concerner le parent incarcéré. Observons l’usage du verbe « devoir ».
29En droit européen, si la Cour EDH ne s’est pas prononcée directement sur cette question, elle est en revanche intervenue de manière plus générale à propos du placement des enfants en dehors de l’incarcération. Mais l’article 8 de la Convention EDH ne suggère pas de prendre en compte le risque psychique majeur pour l’enfant à être précocement séparé de sa mère. Tel était le cas dans l’affaire K. et T. c. Finlande18, s’agissant du placement d’un bébé, dès la naissance, en raison de l’état mental de la mère. Tout au plus la Cour avait-elle relevé (& 153) que, « pour la Cour, le droit finlandais pertinent tendait assurément à protéger la santé et la morale » de l’enfant. En revanche, la jurisprudence Messina contre Italie, du 28 septembre 200019, semble bien reconnaître un droit de l’enfant à être au contact de sa mère, qui énonce que l’administration a une obligation positive de faire tout ce qui est en son pouvoir pour permettre le maintien effectif des liens familiaux.
30Au-delà de ces textes normatifs, existent aussi des recommandations sur cette question. Compte tenu de la diversité des influences culturelles signalées supra, il ne faut pas s’attendre à ce que les principes dégagés sur ce plan soient exigeants.
31Citons en premier lieu, du côté international, l’étude Defense for Children International, menée par l’Unicef en 1982 et 198420, concluant principalement à la nécessité d’éviter l’incarcération des mères. Le propos est fort, mais ne résout pas la question du sort de l’enfant dont la mère est néanmoins détenue.
32Du côté européen, l’on observe hélas la même prudence. Ainsi, les toutes nouvelles règles pénitentiaires de 2006 se gardent bien de se prononcer. La règle 36 se borne à recommander que l’enfant séjourne avec son parent, sans différencier hommes et femmes, et surtout « si tel est l’intérêt de l’enfant concerné », puis à énoncer qu’il leur faut une crèche et du personnel qualifié.
33De manière plus volontaire, à l’occasion de sa recommandation précitée, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe préconisait d’éviter toute incarcération pour les femmes enceintes et les mères de jeunes enfants, et de privilégier les peines alternatives (« à exécuter dans la communauté »), en élaborant pour ce faire des directives appropriées, « de sorte que les tribunaux n’envisagent de prononcer une peine privative de liberté pour les femmes enceintes et les mères allaitantes qu’en cas de délit grave et violent et lorsque la femme représente un danger permanent », ce qui, de l’avis de l’Assemblée parlementaire, ne concernait qu’une petite proportion des femmes en cause, et de créer de petites unités closes « flanquées de services sociaux pour la poignée de mères qui doivent être maintenues en détention ».
34La Howard League for Penal Reform a émis pour sa part des recommandations équivalentes. En France, l’Assemblée nationale avait recommandé, en 2000, que la limitation de l’incarcération des mères soit « prioritaire » et que « les alternatives à l’incarcération (soient) utilisées dans toute la mesure du possible21 ».
35Enfin une recommandation plus précise a été faite par la Commission nationale consultative des droits de l’homme en 200422, en ces termes : « La séparation de la mère et de l’enfant ne doit plus être fixée à l’âge de dix-huit mois, mais étendue, comme dans d’autres États23, à trois ans, et être très progressive. »
36L’enfant ne séjourne avec elle en l’état que de 18 mois à 2 ans. Quel est alors son statut ?
Le statut du bébé
37La totalité des textes concernés assènent que l’enfant n’est pas un détenu. Les règles de La Havane retenaient quant à elles : « L’enfant qui reste avec ses parents détenus doit être l’objet de ménagements et de soins spéciaux car cet enfant n’a commis aucun crime ni délit24 » (art. 93). Tel est encore le cas des règles pénitentiaires de 2006. La règle 36.1 énonce que les enfants « ne doivent pas être considérés comme des détenus ».
38En France, cependant, un tel rappel n’a pas été effectué dans le code de procédure pénale. Il est donc encore revenu à un texte infranormatif, la circulaire du 16 août 1999, d’énoncer cette règle fondamentale. Celle-ci tente d’en déduire un certain nombre de conséquences qui manifestent ce statut particulier. Un certain nombre de contraintes normalement imposées aux prisonniers ne sauraient être appliquées à l’enfant. Ainsi, aucune formalité de greffe n’est-elle nécessaire lorsque l’enfant quitte l’établissement pour se rendre chez des proches, dans sa future famille d’accueil ou à la garderie. De même, les personnes qui viennent le voir en prison n’ont pas à obtenir un permis de visite. La circulaire prévoit cependant que le chef d’établissement peut refuser l’autorisation, notamment « pour des raisons d’ordre et de sécurité ».
39Ce type de décision nous paraît relever du domaine d’application de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000. L’article 24 impose dans ce cas au chef d’établissement de provoquer un débat contradictoire au cours duquel le destinataire de la décision doit pouvoir faire part de ses observations écrites et, le cas échéant, orales, et se faire assister d’un avocat ou représenter par un mandataire de son choix.
40Pour autant, il n’est pas possible, en pratique, d’ignorer totalement l’endroit où se trouve le bébé.
Le régime juridique du séjour de l’enfant
41S’il est préférable que l’enfant séjourne en prison avec sa mère, il est également clair, comme l’énonçait le rapport précité de la Commission des affaires sociales du Conseil de l’Europe, que l’incarcération de bébés, limitant les stimuli dont ils sont susceptibles de bénéficier, génère un « retard durable de leur développement25 ». Il faut donc que le séjour de l’enfant en prison avec sa mère ne se fasse pas dans n’importe quelles conditions et s’accompagne de stimuli suffisants26. De tels stimuli ne veulent pas dire nécessairement séparer la mère de l’enfant toute la journée, comme on le voit en France. Le mieux est que la mère et l’enfant, ou l’enfant durant quelques heures par jour, soient en mesure de sortir, aient des activités et surtout séjournent dans des locaux qui ne demeurent pas durablement fermés – les petits le ressentant très tôt27 –, mais au contraire soient aussi proches que possible de la vie ordinaire.
42Or rares sont les pays qui offrent de tels stimuli dans de bonnes conditions.
43Dans certains d’entre eux, les enfants séjournent dans des prisons dites « ouvertes ». C’est le cas de l’Allemagne. Ceux-ci sortent avec leur mère de l’enclos de la prison, les femmes ne passant pas l’essentiel de leur temps en cellule. Il en va différemment pour la France. Les mères demeurent dans le meilleur des cas seize heures en cellule en colloque singulier avec leur bébé. La stimulation dont l’enfant va bénéficier ne se fera pas dans le cadre d’une ouverture de la mère sur le monde, mais dans le cadre d’un éloignement par rapport à elle : nourrice, crèche... Un choix typiquement français, qui n’a de sens que si la mère travaille en détention ou y suit une formation, ce qui s’avère être loin d’être le cas le plus courant.
44Le colloque singulier d’une mère enfermée en permanence avec son enfant inquiète ceux qui, c’est l’idéologie dominante en France, craignent une fusion entre ces deux êtres. La fusion est pourtant parfaitement normale et partout ailleurs tenue pour telle. Cela conduit à se situer à bon compte dans le déni de la véritable violence qui va ensuite être faite, le cas échéant, à l’enfant, soit la séparation autour de ses 18 mois ou un peu plus tard.
45Cela conduit encore à un autre déni. Il est ainsi aisé de ne pas traiter de la question de la mère qui sortira soit avec son enfant, soit ultérieurement, mais n’aura nulle part où aller, ce à quoi notre société ne paraît pas, en général, pouvoir grand-chose, et qui verra donc son enfant placé... parfois même après sa libération.
46Surtout, les véritables enjeux sont ailleurs. Comment ces femmes, qui ne sont pas arrivées en prison sans un énorme bagage psychologique à transporter, arrivent-elles à investir leur rôle de mère ? Les troubles de la parentalité se manifestent le plus souvent28. Or, ces femmes-là, qui les aide ? En France, les personnels présents sont des surveillantes, non formées à ces tâches. Elles sont aisément dans le jugement ; d’autant plus qu’elles sont elles-mêmes des femmes, souvent aussi des mères. Jugement des actes. Jugement, surtout, de la manière d’être mère.
47Et ici une autre chose se joue : l’« occidentalocentrisme », soit l’idée que les méthodes de puériculture occidentale, et même françaises, sont per se meilleures, voire les seules admissibles, et à vouloir les imposer en modèle à suivre à des détenues venues d’ailleurs. Telle mère africaine ou asiatique dort avec son bébé, comme cela se fait sans son pays d’origine, la voilà jugée mère trop fusionnelle. Telle Sud-Américaine le porte beaucoup dans les bras ou l’allaite encore à 15 mois et voilà un couple à séparer.
48Ces mères sont alors doublement isolées29 : isolées, par leur incarcération, souvent lâchées par leurs proches et singulièrement par leur conjoint, père de leur enfant (observons les portes de prisons : beaucoup de femmes aux portes des prisons d’hommes ; des femmes encore aux portes des prisons de femmes), critiquées et jugées par l’institution.
49Une institution qui n’hésite pas à traiter, malgré ses affirmations de principe, l’enfant en suspect, le cas échéant. Ainsi, plusieurs des dispositions de la circulaire de 1999 prévoient qu’il doit subir une fouille corporelle :
- avant et après une visite ;
- avant et après une sortie de l’établissement.
50Rappelons qu’une fouille, sauf par palpation, s’analyse juridiquement en une perquisition30, et ne peut donc être exécutée que par des officiers de police judiciaire. Or les personnels pénitentiaires ne sont pas des officiers de police judiciaire et ne sauraient avoir autorité à l’égard de personnes non détenues.
51La partie décrétale du code de procédure pénale autorise ces personnels à pratiquer des fouilles corporelles sur la personne des détenus, mais elle ne saurait les habiliter à fouiller des personnes libres, bébés comme, au demeurant, visiteurs31. Cette circulaire est donc illégale sur ce point.
52Elle apporte par ailleurs des précisions quant au financement du séjour de l’enfant. Dans un souci général de responsabilisation des parents, elle pose en principe que ce sont eux et, « le cas échéant, la mère seule » qui s’en chargent. L’allocation parent isolé étant très souvent perçue par la mère, c’est alors de cette source qu’elle tire les revenus nécessaires.
53Elle pourra aussi, mais plus exceptionnellement, percevoir du père des sommes au titre de l’entretien de l’enfant. À cet égard, la circulaire rappelle qu’il appartient aux parents de s’acquitter des frais de sa prise en charge, ce qui inclut nécessairement le père, même si elle doit concéder, nous l’avons vu, que le plus souvent la mère seule sera débitrice, faute pour le lien de filiation avec le père d’avoir été établi.
54Le fait que l’enfant ne soit pas détenu ainsi que le souci de lui assurer un développement mental adéquat militent pour que ses relations avec le monde extérieur soient facilitées.
55En ce sens, la circulaire tente, en premier lieu, d’impliquer les pères.
56Il est vrai que, dans les situations d’incarcération, ceux-ci sont trop souvent absents (défaut de reconnaissance, absence de contacts, absence de contribution financière).
57À cet effet, la circulaire prévoit l’information du père à l’arrivée de l’enfant, « selon les éléments fournis par la mère », ce qui signifie qu’elle peut ne pas indiquer qui est le père et ainsi faire obstacle à l’information. Cette information doit encore avoir lieu lors du départ de l’enfant.
58L’on suppose que le lien de filiation est établi, ce qui confère des droits au père, puisque la circulaire prévoit que l’information doit être réalisée par la mère, mais qu’en cas de carence ou de refus de celle-ci, le SPIP en avise lui-même le père.
59Si le père manifeste plus d’intérêt pour son enfant, il peut également aller le voir, sans avoir à solliciter un permis de visite. Cependant, s’il rend également visite à la mère, et que celle-ci, comme elle en a la possibilité, se fait accompagner de son enfant, il devra en solliciter un dans les conditions de droit commun.
60Signalons que la circulaire précise que la mère est la seule à pouvoir décider des visites que l’enfant reçoit32.
61D’autres relations de l’enfant avec l’extérieur doivent également être facilitées dans le but de favoriser son « épanouissement [...] en lui faisant connaître d’autres lieux et en évitant une relation trop fusionnelle avec la mère ». Comme il a été dit, cette présentation est erronée : la fusion est saine et normale ; ce qui est anormal est que cette fusion soit rendue permanente sans évolution possible, du fait des conditions d’incarcération. N’est-on pas ici encore dans le déni d’une réalité difficile à admettre, soit que l’institution concourt à cette situation délétère pour l’enfant ?
62Quoi qu’il en soit, les sorties de l’enfant sans sa mère sont encouragées. Néanmoins, c’est elle qui « détermine librement [leur] fréquence et [leur] destination » et « en assume les frais33 ». Ainsi est respectée l’autorité parentale. Il est demandé à l’établissement pénitentiaire de rechercher des partenariats avec les PMI, l’ASE et les CAF pour trouver les crèches, haltes-garderies ou assistantes maternelles susceptibles de recevoir l’enfant. Mais ces sorties ont également pour but de préparer son départ définitif.
La sortie du bébé
63C’est naturellement un placement dans la famille qui doit être privilégié, comme en droit commun, et, à défaut, dans une famille d’accueil.
64Nous touchons là à la contradiction du système juridique français. N’ayant pas tranché clairement entre le maintien en continu de la relation de la mère avec son enfant et sa rupture initiale, il a retenu une date butoir qui contraint à réaliser une séparation d’avec la mère qui, quoi que préparée progressivement, n’en constitue pas moins, à un aussi jeune âge, un traumatisme d’une brutalité inouïe, qui est de nature à laisser des séquelles graves et durables, comme le soulignait le rapport précité de la Commission des questions sociales, de la santé et de la famille du Conseil de l’Europe. Il est vrai que, s’agissant de très longues peines, l’enfant ne saurait partager toute la détention avec sa mère. Toutefois, des alternatives moins brutales pourraient être trouvées, entre le séjour à temps complet et la séparation forcée.
65Fort heureusement, la date butoir des 18 mois peut être repousée.
66En effet, l’article D 401-1 du code de procédure pénale dispose que la mère peut demander à reculer l’échéance. Une commission consultative qui entend la mère et, le cas échéant, l’enfant donne alors son avis mais, comme il a été dit, c’est le directeur régional qui tranche.
67La commission consultative se compose du directeur régional, président, d’un médecin psychiatre, d’un pédiatre, d’un psychologue, d’un chef d’établissement spécialement affecté à la détention des femmes, d’un travailleur social (code de procédure pénale, art. D 401-2).
68Ni le code de procédure pénale ni la circulaire ne prévoient quels sont les critères d’appréciation. Cependant la circulaire fournit tout de même des indications sur la pratique antérieure. Sous de précédents ministères, la prolongation était accordée sur la base des éléments suivants :
- la proximité de la date de libération de la mère ;
- la survenance d’une « difficulté imprévue et temporaire pour l’accueil de l’enfant à l’extérieur ».
69À notre sens, le seul critère pertinent devrait être celui du droit commun, i.e. l’intérêt de l’enfant. Le droit commun doit naturellement s’appliquer à des mineurs non détenus. Au demeurant, les critères que retenaient de précédents ministres n’ont pas à s’imposer s’agissant d’une décision relative à une liberté individuelle, soit l’intimité de la vie privée et familiale, garantie par l’article 8 de la Convention EDH.
70Comme nous l’avons également souligné, l’appréciation devrait en être faite par les juridictions de droit commun en la matière et certes pas par l’institution pénitentiaire.
71Relevons encore que le code de procédure pénale ne fixe pas de limite précise à la prolongation. Tout au plus la circulaire indique-t-elle, d’une part, qu’en pratique les prolongations antérieurement accordées par le ministre étaient de quelques semaines, et, d’autre part, qu’il est souhaitable que de telles prolongations ne dépassent pas six mois. Rappelons encore et encore qu’une circulaire n’est pas une norme et que le décret, seul texte à valeur normative, n’ayant rien énoncé de précis à cet égard, aucune limite textuelle ne fixe en réalité de date butoir absolue en la matière. Toutes pratiques fondées sur la circulaire ne sont pas juridiquement valables.
72En l’état, des recours pourraient être exercés, qui, tant que l’autorité administrative se prononce, sont encore dévolus au juge administratif. À notre sens, d’ailleurs la procédure contradictoire prévue à l’article 24 de la loi du 12 avril 2000, comportant, le cas échéant, la présence de l’avocat, doit être respectée pour la prise initiale de la décision. En pratique, tel n’est pas le cas.
73Une fois l’enfant parti, il peut toutefois revenir temporairement. À cet égard, l’article D 401 alinéa 3, tel qu’il résulte du décret du 9 décembre 1998, prévoit que l’enfant, à l’issue des dix-huit mois, éventuellement prolongés, peut, « durant les six mois suivant son départ [...] être admis à séjourner pour de courtes périodes auprès de sa mère ». Cette innovation positive n’a toutefois pas été précisée, quant à son régime, par la circulaire. Celle-ci se borne à donner, à cet égard, compétence au chef d’établissement ; encore une autorité pénitentiaire... Elle n’indique notamment pas quelles sont la fréquence et la durée de ces séjours.
74La sortie du bébé se fait fort heureusement le plus souvent par le biais de la libération de sa mère. Elle se fait souvent en fin de peine car, comme le relevait avec raison l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, en général, les femmes sont hélas incarcérées pour des faits peu graves et en conséquence pour des périodes de courte durée. Mais elles peuvent aussi bénéficier d’un aménagement de peine.
75Ici le droit positif devrait venir au secours des enfants. La plupart des règles relatives aux aménagements de peine prévoient certes des possibilités de sortie pour précisément s’occuper de sa famille et donc a fortiori de ses enfants34 :
- permissions de sortir pour maintien des liens familiaux (C. pr. pén., art.
D 145) ; - semi-libertés, placements à l’extérieur et PSE (C. pén., art. 132-25 et
132-26) ; - libération conditionnelle (C. pr. pén., art. 729) ;
- suspension de peine de droit commun et fractionnement de peine (C. pr. pén., art. 720-1) (mais il faut une circonstance grave).
76Et a fortiori pour l’autorisation de sortir sous escorte, réservée à des situations dramatiques.
77Pour la libération conditionnelle, il faut rappeler que la loi du 15 juin 2000 a créé ce qui a été qualifié de libération conditionnelle parentale (C. pr. pén., art. 729-3).
78Elle est accordée si le condamné a un véritable lien avec son enfant (autorité parentale, résidence commune), si ce dernier a moins de 10 ans, ce qui dépasse les limites de ce que nous avons évoqué ici, et si l’infraction commise par le parent n’est pas une atteinte sur mineur. La libération conditionnelle parentale ne concerne en outre que les parents ayant à purger une peine inférieure ou égale à quatre ans ou dont le reliquat est inférieur à quatre ans.
79Le problème posé par cet aménagement de peine, comme d’ailleurs les autres, est que le juge ou le tribunal de l’application des peines n’est guère habitué à prendre ce qu’il perçoit immanquablement comme un risque supplémentaire, au nom de l’intérêt de l’enfant35. L’intérêt de l’enfant n’est pas son « mot magique » à lui. Les siens sont réinsertion, sécurité, prévention de la récidive, intérêt de la société et des victimes, toutes considérations générales figurant d’ailleurs, depuis la loi du 9 mars 2004, à l’article 707 du code de procédure pénale.
80Précisément, la loi du 12 décembre 2005 écarte l’article 729-3 pour les parents récidivistes. Le législateur de 2005 n’a pas vu qu’en 2000 il avait lui-même mis au centre de ses préoccupations l’intérêt de l’enfant et non la protection de son parent détenu.
81Par conséquent, les juridictions de l’application des peines font une utilisation pour le moins parcimonieuse de cette libération conditionnelle parentale. Elles exigent d’abord que le parent non seulement réunisse les conditions spéciales de l’article 729-3, mais encore qu’il remplisse celles, de droit commun, de l’article 729, en termes de risque de récidive, mais aussi d’insertion sociale36.
82Elles ont une vision plus qu’étroite, bien souvent, de l’intérêt de l’enfant. Tel a été le cas d’une décision de la cour d’appel de Pau du 20 novembre 200137. Mme B. avait obtenu du juge d’application des peines de Pau une libération conditionnelle sous condition probatoire d’avoir à exécuter une période de semi-liberté de deux mois et demi, sur le fondement de l’article 729-3 C. pr. pén., car elle était mère d’une petite fille de 25 mois. Sur appel du ministère public, la cour d’appel devait infirmer la décision en retenant que Mme B. n’avait exécuté que huit mois de détention, sur une peine de trois ans, en sorte que « les conditions exigées par les articles 729 et 729-3 du code de procédure pénale n’étaient pas réunies ». Mme B. remplissait pourtant bien toutes les conditions de l’article 729-3, texte précisément exclusif de tout « temps d’épreuve ». En l’espèce, la juridiction retenait par ailleurs qu’en tout état de cause l’enfant bénéficiait, si l’on ose dire, d’un placement et que celui-ci pouvait être maintenu. Loin d’une recherche réelle et sérieuse de l’intérêt de l’enfant, la cour d’appel se bornait finalement à déterminer si l’enfant ne se trouvait pas à la rue.
83Mais d’autres décisions sont plus proches de l’intérêt de l’enfant. Dans la pratique, les magistrats peuvent ainsi rechercher concrètement, au-delà du lien de droit et de la cohabitation, des éléments montrant un authentique lien affectif entre le parent et son enfant.
84Tel n’est pas le cas par exemple d’un père qui n’aura reconnu ses enfants que la veille du procès pénal ou, alors qu’ils étaient âgés de plusieurs années, peu de temps avant l’audience devant le juge d’application des peines et sans doute pas plus de cet autre qui n’est pas en mesure de donner les dates de naissance de ses enfants.
85Les magistrats recherchent par ailleurs quelles seront les conséquences effectives d’une éventuelle incarcération ou d’un maintien en détention sur les enfants, ainsi, le cas échéant, que sur le conjoint.
86L’existence ou l’absence de revenus, le nombre d’enfants, leur âge, les conséquences de l’incarcération sur leur scolarité, l’état de santé de leur parent présent, voire de l’un des enfants, le lieu de vie, etc. sont ainsi des éléments, parmi d’autres, qui peuvent être retenus.
87Ainsi, dans le même sens, la cour d’appel de Paris a-t-elle retenu les conditions légalement fixées à l’article 729-3 du code de procédure pénale et énoncé que la présence de sa mère condamnée était « nécessaire pour préserver l’équilibre de l’enfant38 ».
88Pour le juriste, la question ici abordée est certes riche et stimulante intellectuellement : la prison ouverte sur le monde, mais fermée sur les détenus donne lieu à d’intéressantes mixités. Elles sont au fond hélas mal maîtrisées et moyenâgeuses en termes de protection de l’intérêt des tout-petits.
89Ce rapide tour d’horizon nous permet de mesurer combien le droit positif français doit réaliser de progrès afin de réellement protéger ceux dont les mères sont incarcérées. Nous aimerions, puisque se dessine un futur débat parlementaire – enfin – sur le droit pénitentiaire, terminer par une série de lignes directrices qui nous apparaissent indispensables dans le cadre d’une réforme éventuelle sur le sujet :
- avant tout, éviter l’incarcération des mères en recourant aux peines alternatives, en leur donnant un contenu certes contrôlant, mais aussi « tutorisant », si j’ose dire, intégrant la dimension assistance et soutien prévue à l’article 132-46 du code pénal ; un texte trop souvent oublié ;
- en cas de danger uniquement pour la sécurité publique, prononcer de telles incarcérations, mais, en ce cas, permettre des séjours de longue durée de l’enfant – naturellement adaptés et ouverts sur l’extérieur ;
- prononcer des aménagements de peine ;
- avoir toujours comme critère principal, à cet égard, l’intérêt de l’enfant (questionnements quant aux mères meurtrières, toxicomanes, violentes, abandonniques...) ;
- ne pas confier son appréciation aux autorités pénitentiaires ;
- employer des personnels compétents ;
- naturellement, prévoir un régime juridique, de source législative, qui tienne totalement compte, quant aux règles de compétence, de procédure, et quant au contenu, du fait que l’enfant n’est pas un détenu ;
- soutenir la parentalité nécessairement problématique de ces femmes au besoin en faisant intervenir des associations de soutien, notamment de mère à mère ;
- respecter les différences culturelles en matière de maternage : nous ne détenons pas nécessairement la vérité à cet égard.
Notes de bas de page
1 Voir par exemple A. Bouregba, « L’enfant de moins de trois ans et son parent incarcéré », dans L’Enfant et son parent incarcéré, Érès, 2003, p. 49 et suiv.
2 Voir parmi les premiers : J. Bolwby, Attatchment and Loss, New York, 1969 ; ESPITZ, « Anxiety, a study of its manifestations the First year of life », International Journal of Psycho-Analysis, 1950, vol. 31, p. 138-144. Pour la France, voir C. Lavergne, « Les Femmes de Fleury-Mérogis en France », Le journal, Femmes et Justice, automne 1992 ; G. de Balleygnier, Le développement émotionnel et social du jeune enfant, Paris, PUF, 1996. Pour la Grande-Bretagne, voir L. Catan, « Infants with mothers in prisons », dans Prisoners’ Children : What are the Issues ?, Roger Shaw (éd.), 1992 ; pour l’Italie, voir G. Biondi, Lo sviluppo del bambino in carcere, Collana : Serie di psicologia, Milan, Franco Angeli, 1994.
3 Voir les recherches classées dans la base de données de http://birthworks.org/primalhealth/databank.
4 Voir M. Odent, L’Amour scientifié, Paris, Jouvence, 2001 ; R.B. Textor, A Cross-Cultural Summary, New Haven, Connecticut, Human Relations Area Files Press, 1967 ; J.W. Prescott, Early Somatosensory Deprivation as an Ontogenetic Process in Abnormal Development of the Brain and Behaviour, Medical Primatology, I.E. Goldsmith et Moor-Jankowski (éd.), Bâle, Karger, 1971 ; « Cross-Cultural studies of violence, in agressive behaviour : Current progress in pre-clinical and clinical research », Brain Information Report, n° 37, université de Californie, août 1974, p. 33-35.
5 Voir OMS, déclaration d’Innocenti, 45e Assemblée mondiale de la santé, 1er août 1990, résolution WHA 45.34.
6 Recommandation 1469 (2000) de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Mères et bébés en prison.
7 Voir les travaux cités dans « Maternité et maternage : causalité primale des déviances et désordres psychiques », par Martine Herzog-Evans, conférences à Rennes I, lors du colloque international Femmes criminelles, 15 nov. 2005.
8 Sur ce point, voir D. Caddle, « Age limits for babies in prison : Some lessons from abroad », Home Office Research Development and Statistics Directorate, Research Findings, n° 80, 1998 ; rapport précité de la Commission des questions sociales, de la santé et de la famille du Conseil de l’Europe, du 9 juin 2000 ; M.A. Baulon, S. Bazureault, M.L. Berthelot, A. Haye, M.S. Lebegue, G. Mosser, C. Peltier, C. Quint, L. Romieux, L. Waguette, auditeurs de justice, ENM, « Tableau comparatif de la législation et des pratiques dans 65 États », Transitions, n° 31, 1991, p. 69 et suiv.
9 Pour une description : D. Caddle et D. Crisp, « Mothers in Prison », Home Office Research and Statistics Directorate, Research Finding, n° 38 ; D. Caddie et D. Crisp, Imprisoned Women and Mothers, Home Office Research and Statistics Directorate, 1997, Research Study, n° 162 ; Eurochips, Children of Imprisoned Parents. European Perspectives on Good Practice, Bernard Van Leer Foundation (éd.), 2006, p. 75. Pour une critique : S. Kitzinger, « Sheila Kitzinger’s letter from Europe : How can we help prégnant women and mothers in prison ? », Birth, n° 24, 3, sept. 1997 ; L. Scott et S. Blantern, « Mothers and babies within the prison System », British Journal of Midwifery, août 1998.
10 Décrets des 19 et 23 juillet 1923.
11 D. du 24 avril 1946.
12 Cire. A.P. du 16 août 1999, NOR : JUSE9940065C.
13 Il faut entendre ici le juge d’instruction, les juges qui composent la juridiction répressive et le juge d’application des peines.
14 Voilà qui vient en rupture avec des pratiques antérieures.
15 Relevons que le projet de loi pénitentiaire déposé au Sénat en été 2008 est muet sur ce sujet.
16 Voir, toujours d’actualité sur ce point hélas, notre ouvrage La Gestion du comportement du détenu. Essai de droit pénitentiaire, Paris, L’Harmattan, 1998.
17 Cass. Civ. 2, 6 déc. 2006, D. 2006, 2249, note Martine Herzog-Evans.
18 Req. n° 25702/94, 12 juillet 2001.
19 JCP, 2001, I, 291, obs. F. Sudre.
20 Unicef, Defense for Children International, http://www.fcnetwork.org.
21 Archives nationales, La France face à ses prisons, Archives nationales, 2000, n° 2521, p. 232.
22 Sanctionner dans le respect des droits de l’homme, vol. 1, Étude sur les droits de l’homme dans la prison, rapport du 11 mars 2004, Paris, La Documentation française, 2007.
23 Martine Herzog-Evans, « Droit civil commun, droit européen et incarcération », dans Le Droit au respect de la vie familiale au sens de la Convention européenne des droits de l’homme, Louvain-la-Neuve, Bruylant, 2002, p. 241 et suiv.
24 Convention des Nations unies pour la protection des mineurs privés de liberté, 1990.
25 Voir la bibliographie dont s’est inspirée la Commission, et notamment : D. Caddie, « Age Limits for Babies in Prison, Some Lessons From Abroad », Home Office Research, Development and Statistics Directorate, Research Findings, 1998, n° 80, Londres ; L. Catan, « The Development of Young Children in HPM Mother and Baby Units », University of Sussex, Working Papers in Psychology, 1998 ; Home Office, « Imprisoned Women and Mothers », Research Study, 1997,180, Londres ; Howard League For Penal Reform, The Voice ofa Child, the Impact on Children oftheir Mother’s Imprisonment, 1993, Londres ; Howard League For Penal Reform, In the Best Interest of babies ?, 1999, Londres ; R. Shaw, Prisoners’ Children : What are the Issues ?, Londres, Routledge, 1992.
26 Voir, par exemple, J.M. Jimenez Morago, « The quality of educational attention received by children living with their mothers in Spanish prisons », Psychology in Spain, 2005, vol. 9, p. 13-20.
27 De nombreux témoignages font état de ce que les petits, très tôt, frappent sur la porte de la cellule.
28 Voir, par exemple, A. Pinto da Rocha et A. May, « La place de l’enfant à la nurserie de Fleury-Mérogis », dans L’Enfant et son parent incarcéré, op. cit., p. 33.
29 Voir A. Deze et B. Marti, « L’accompagnement d’un bébé à l’extérieur de la maison d’arrêt », dans J. Le Camus (dit.), Rester parents malgré la détention, Paris, Érès, 2002.
30 Cass. Crim. Isnard, 22 janvier 1953, D. 1953, jurisp., p. 533, note Lapp ; JCP, 1953, II, 7456, rapport Brouchot.
31 Sur tous ces points, voir Martine Herzog-Evans, « Fouilles corporelles », Encyclopédie de pénal et de procédure pénale, Paris, Dalloz.
32 Qu’il s’agisse des visites en compagnie de sa mère ou de celles qu’il reçoit seul, sauf, dans ce dernier cas, si une décision judiciaire décide d’imposer à celle-ci les visites de telle ou telle personne (père, grands-parents...).
33 Par comparaison, en Grande-Bretagne, la mère doit signer un contrat avec l’institution, dans lequel elle s’engage, pour pouvoir bénéficier des mother and babies unis, à laisser son enfant sortir en journée.
34 Pour plus de détails, voir Martine Herzog-Evans, Droit de l’exécution des peines, Paris, Dalloz, coll. « Dalloz Action », 2007.
35 Voir C. Rodier-Guilpar, « La prise en compte de l’intérêt de l’enfant dans l’application des peines », dans A. Bouregba (dir.), Les Liens familiaux à l’épreuve du pénal, Paris, Érès, 2002, p. 57 et suiv.
36 Cass. Crim. du 24 janvier 2007, pourvoi n° 06-82217, D. 2008, panorama, obs. Martine Herzog-Evans, p. 1022 ; Cass. Crim. 7 nov. 2007, pourvoi n° 07-82.598, A/Pénal, 2008, p. 44, obs. Martine Herzog-Evans.
37 Dossier n° 01/0675, D. 2003, chron., p. 926, M. Herzog-Evans.
38 Paris, 26 janv. 2006, n° 05/08553, AJPénal, 2006, p. 130, obs. Martine Herzog-Evans.
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