Résumés
p. 349-363
Texte intégral
1Au vie siècle, dans les différentes régions du monde post-romain, empereurs, rois et évêques découvrirent le monastère comme instrument de gouvernement. En particulier, ce siècle vit la transition qui fit de la clôture monastique, qui était une forme volontaire de pénitence, une sanction juridique. Comme tel, l’enfermement monastique du vie siècle fut le premier type spatial de châtiment dans le droit ecclésiastique et civil, offrant des possibilités de surveillance qui dépassaient largement la peine d’exil, qu’il remplaça. Après avoir exploré comment les idées sur cette nouvelle peine ont circulé autour de la Méditerranée, cet article montre que le concept unifié qui se trouvait derrière cette émergence était la compréhension nouvelle du monastère comme un espace saint et clos. Pourtant, sa nature spatiale ouvrait ce type de châtiment à l’interprétation. Comme le montre la comparaison de son application dans la France mérovingienne et dans l’Italie de Grégoire le Grand, elle pouvait combiner les idées et les pratiques de neutralisation, d’humiliation, autant que d’indulgence et de protection.
2Le rapport entre l’emprisonnement et la sainteté est une caractéristique importante de l’hagiographie chrétienne au Moyen Âge. Les conditions de l’emprisonnement et l’espace de la prison sont présents dans de nombreuses Vies de saints du haut Moyen Âge comme du Moyen Âge tardif. Beaucoup de récits hagiographiques présentent un saint subissant toute une série de tortures, dont l’incarcération, avant d’être martyrisé, tandis que, dans d’autres textes du même genre, des saints apparaissent miraculeusement à des prisonniers afin de les libérer ou de leur apporter un réconfort. Dans les textes hagiographiques médiévaux, l’emprisonnement peut donc être associé à la fois aux conventions du récit hagiographique (l’histoire du martyre) et à la valeur discursive de la prison en tant qu’espace où pouvaient s’exprimer des leçons sur les tendances libératrices de la foi. Cet article tente d’examiner comment dans les récits hagiographiques, l’état d’emprisonnement pouvait servir à souligner la singularité du saint et à réaffirmer des principes orthodoxes. On entend ainsi suggérer que les objectifs pédagogiques particuliers de ces textes reposaient sur l’idée que la claustration forcée et la liberté n’étaient pas contradictoires, mais plutôt symbiotiques. On présente les différentes formes sous lesquelles l’emprisonnement apparaît dans les textes hagiographiques médiévaux, avant de se concentrer sur une vita particulière et assez singulière du début du xiiie siècle, la Vie de Christine l’Admirable.
3 Un certain nombre de questions et de cas singuliers permettent de rendre compte des conceptions des théologiens des xiiie et xive siècles sur l’enfermement. En contrepoint à l’expérience de la claustration conventuelle ou carcérale et du travail intellectuel en détention, la réflexion scolastique s’est moins nourrie des rares cas de conscience relatifs aux agents de l’enfermement que des questions sur la licéité de quitter le cloître, liées aux débats sur le vœu entre Mendiants et séculiers. Le cas où un religieux serait le seul soutien de ses parents nécessiteux met l’enfermement volontaire à l’épreuve. Quoique marginale, la question du droit d’évasion d’un condamné à mort confirme l’idée que la réflexion théologique sur l’enfermement s’est essentiellement attachée à construire des hiérarchies d’obligations, dans une optique où la définition même de l’homme et la persistance de ses obligations naturelles, sociales ou politiques déterminent la valeur de l’enfermement institué par le vœu ou par la justice.
4Les écrivains prisonniers et la « poésie carcérale » sont l’objet d’études prolifiques à caractère critique, philosophique ou historique. Le motif de la prison, réelle ou symbolique, vécue ou imaginée, apparaît comme d’une grande fréquence, voire d’une certaine banalité, à tel point qu’on a pu dire qu’une grande partie de la littérature de la civilisation judéo-chrétienne avait été composée dans des conditions de captivité, d’incarcération ou d’exil. Ce tropisme littéraire de la prison semble dater des derniers siècles du Moyen Âge. L’article reprend le dossier de la grosse quinzaine de textes écrits par des prisonniers ou témoignant de l’expérience carcérale aux xive et xve siècles dans le domaine français, et tente d’y discerner les thèmes culturels, affectifs et mentaux associés à l’expérience carcérale. Aux descriptions du lieu d’enfermement comme enfer répond une évocation des états de l’âme enfermée entre « desconfort », étrangeté et mélancolie. La sublimation de l’emprisonnement en une épreuve de patience, venue de la tradition patristique, s’impose dans les textes du xve siècle. La multiplication des livres et des poèmes de prison au xve siècle consacre ainsi l’avènement de la prison comme un des lieux qui structurent l’espace féodal. Seule l’œuvre de François Villon fait exception et introduit un doute dans cette valorisation générale du lieu-prison.
5Dans cette étude, il est question de la première tentative globale dans l’Europe médiévale de cloîtrer les religieuses. En vertu de Periculoso, la décrétale de 1298 du pape Boniface VIII, « les religieuses de toute communauté ou ordre, partout dans le monde, de manière individuelle et collective » devaient être enfermées à perpétuité dans leurs couvents, sauf en cas d’urgence ou d’autorisation particulière. On livre tout d’abord un aperçu de la décrétale et de son interprétation par les commentateurs du droit canonique. On analyse ensuite comment Periculoso fut, à tous égards, vidé de sa substance par les réponses des avocats, officiers diocésains et papes aux demandes des religieuses vivant dans des monastères traditionnellement ouverts. L’application de la réglementation dans les couvents des Mendiants et des Brigittines fut liée aux particularités de ces communautés dans les domaines spirituel, économique et juridique.
6L’obligation de suivre les préceptes de la Règle et les différents règlements qui organisent quotidiennement la vie du moine ou de la moniale doit-elle aller jusqu’à l’enfermement de l’individu récalcitrant? C’est l’une des questions que pose Mabillon dans ses Réflexions sur les prisons monastiques. Ce texte important, rédigé vers 1695, part d’une réalité vécue: l’accompagnement d’un jeune religieux en difficulté pendant plusieurs années. Cette communication entend revenir sur ce texte et, au-delà, cherche à saisir la réalité de cet emprisonnement monastique moderne. Pour cela, sont examinés le commentaire de la Règle de dom Calmet (1734) et les textes normatifs mauristes mais aussi les chapitres généraux de Cluny aux xvie, xviie et xviiie siècles, qui peinent à mettre en œuvre un code pénitentiel efficace.
7Le rôle de l’hôtellerie monastique dans les relations entre le cloître et l’espace extra-muros est analysé à travers les canons conciliaires et les règles monastiques hispaniques: celles de saint Isidore, de saint Léandre, de saint Fructueux et la Regula Communis, depuis l’époque wisigothique jusqu’au xe siècle. Une fois exposés les problèmes posés par la clôture, peu définie, l’article envisage les infractions aux règles et les châtiments appliqués, comme le rôle joué par l’abbé, les moines et les convers. Ces règles visent à défendre la vie de clôture que doit mener le moine authentique.
8Perçu comme en contradiction fondamentale avec la dimension spirituelle de la réclusion, l’enfermement punitif des religieux criminels est un aspect méconnu de la vie claustrale au Moyen Âge. La confrontation des sources normatives (coutumiers, statuts monastiques et canoniaux, injonctions épiscopales) avec les sources de la pratique (comptes rendus des visiteurs de l’ordre ou de l’évêque, délibérations du chapitre général...) des différentes communautés régulières entre le xiie et le xve siècle (hommes ou femmes, moines ou chanoines réguliers, exempts ou non) montre tout d’abord que la prison n’est pas la seule forme d’enfermement punitif. De l’interdiction de sortir de l’enceinte du cloître à l’emprisonnement dans un carcer, en passant par le confinement dans un lieu isolé, l’enfermement des religieux criminels participe d’un processus gradué d’excommunication – au sens de séparation de la communauté – du religieux coupable. L’emprisonnement pour fautes graves apparaît comme la forme la plus sévère d’exclusion temporaire. Il ne se réduit pourtant pas à cette dimension pénitentielle. L’usage de la prison se généralise au tournant des xiie-xiiie siècles, lorsque se constituent les « ordres religieux » au sens juridique (ordre de Cîteaux, de Prémontré, des chartreux, de Cluny). L’emprisonnement constitue alors l’une des seules peines afflictives du système pénal interne aux communautés régulières et sanctionne les religieux coupables de fautes graves (violences, homicide...).
9Des oubliettes obscures et glacées des châteaux forts jusqu’aux cages de fer où Louis XI enfermait ceux qui s’opposaient à sa tyrannie, la littérature et l’historiographie romantiques ont forgé des prisons médiévales une légende aussi noire que tenace. Résiste-t-elle à l’examen? Pour la France de la fin du Moyen Âge, plus d’une cinquantaine de sites carcéraux précisément décrits voire conservés jusqu’à nos jours permettent un tour d’horizon des principaux dispositifs de réclusion et un aperçu assez précis des conditions matérielles de l’emprisonnement. Cet article s’attache d’abord à décrire les différents systèmes que constituent la geôle ordinaire, la fosse (généralement maçonnée à la base d’une tour, partiellement en sous-sol et uniquement accessible via un oculus sommital), enfin les modes de prévention des évasions que sont l’immobilisation du corps par des ceps et entraves, l’usage des cages carcérales. Il aborde ensuite les conditions matérielles de la vie quotidienne: alimentation, hygiène, aération et accès à la lumière du jour, lutte contre le froid, diversité des régimes carcéraux en fonction des faits reprochés au prisonnier, de son statut social et de son état physique.
10Suivant l’affirmation du Digeste, la prison consiste en un enfermement préventif destiné à s’assurer de la personne du prévenu et non en une peine de l’arsenal répressif. Si ce principe souffre quelques exceptions, le Parlement médiéval maintient ce rôle traditionnel. Le paradoxe est alors qu’on enferme un présumé innocent, qui ne doit pas souffrir de l’incarcération. D’où une pratique large de l’élargissement, qui est accompagné de mesures de sûreté pour garantir le retour du prévenu, d’où le nom de prison ouverte.
11 L’étude des archives criminelles du parlement de Paris permet de décrire de façon assez précise les conditions de vie en prison à l’époque moderne, à travers l’exemple de la Conciergerie de la fin du xvie siècle au mileu du xviie siècle. La plus importante prison parisienne accueille alors les détenus de droit commun, hommes et femmes, issus du ressort du parlement de Paris, principalement des prisonniers pour dettes et des prisonniers en attente de jugement ou d’exécution de leur peine. On décrira en premier lieu les conditions matérielles de détention, inégales selon le statut des prisonniers (coût de la vie, qualité et quantité des fournitures en denrées de première nécessité...) ainsi que leurs conséquences sanitaires et démographiques. On s’attachera ensuite à présenter la temporalité particulière de la vie en prison. Enfin, en s’inspirant des sociologues du champ pénitentiaire au xxe siècle, on interrogera la notion de clôture appliquée à la Conciergerie de l’époque moderne.
12Dans l’espace germanique comme ailleurs, la notion d’enfermement recouvrait, à l’époque moderne, un ensemble de pratiques très hétéroclites. Le texte essaie, d’une part, d’en dresser un inventaire en identifiant les différents lieux des sociétés d’autrefois opérant au moyen d’une privation de liberté plus ou moins complète: la prison traditionnelle et autres formes punitives (le travail forcé, la détention aux forteresses, la déportation ou les galères), mais aussi l’univers hospitalier et l’ensemble de ces institutions hybrides qu’ont constituées les Zuchthäuser ( « maisons de discipline »). D’autre part, il s’agit de montrer que, entre ces differentes formes d’enfermement, il existait une sorte de matrice commune établie par la circulation et le croisement des pratiques, et ceci sur des échelles allant des programmes gouvernementaux de la gute Policey ( « bonne police ») jusqu’aux usages sociaux de l’enfermement.
13La fin de l’Antiquité voit se développer un monachisme féminin qui se vit à la maison, pour des raisons familiales mais aussi économiques. À la fin du vie siècle, cependant, les vierges vouées à Dieu se trouvent de plus en plus exclusivement dans des monastères. Que peut-on savoir de la diversité des raisons qui ont amené à placer des jeunes filles au monastère au haut Moyen Âge? L’enfermement dans la clôture du monastère est parfois explicitement une punition ou une relégation. Il est cependant parfois présenté aussi comme une protection face aux dangers qui menacent les jeunes héritières ou, à travers elles, leurs familles et leurs ambitions politiques, économiques et mémorielles. Selon les raisons qui avaient motivé l’envoi au monastère, les conditions et le ressenti de l’enfermement, complet ou partiel, sont bien différents. Les exemples contrastés de Radegonde et de la fameuse révolte qui secoua en 589 le monastère qu’elle avait fondé à Poitiers permettent de discerner la variété des visages spirituels ou concrets de l’enfermement féminin au très haut Moyen Âge.
14L’expérience de la réclusion volontaire constitue au Moyen Âge – spécifiquement pour les femmes – un choix religieux d’une intensité et d’une valeur symbolique particulières. Cette forme d’ascèse individuelle, très éloignée de l’expérience spirituelle vécue à l’intérieur d’une communauté monastique, se caractérise par sa forte valeur allégorique, illustrée par la cérémonie funèbre au cours de laquelle les pénitents (hommes ou femmes), une fois installés dans leur cellule, sont emmurés pour symboliser leur mort au monde et leur préservation du péché. Communiquant avec l’extérieur grâce à une petite fenêtre par laquelle ils peuvent recevoir nourriture, sacrements et soutien spirituel, les reclus répondent à une demande d’interaction religieuse exprimée par la communauté parmi laquelle s’inscrit leur présence: une sorte de pacte rituel public par lequel le groupe social, qui assume les dépenses pour l’entretien du pénitent, obtient en échange ses prières et son intercession après sa mort. Dans la sémantique religieuse du monde médiéval, cette forme d’oblation constitue un exemple de vie parfaite auquel on attribue souvent les caractéristiques de la sainteté. En raison de cette coïncidence sémantique, à côté de la documentation privée attestant de la diffusion et du succès de la réclusion religieuse individuelle, nous possédons aussi nombre de Vies de saints permettant d’approfondir cette forme spécifique de religiosité.
15L’expression clausura monialium et le vocabulaire convoqué pour en justifier les raisons et en déterminer les modalités d’application s’apparentent parfois à l’univers carcéral, et l’on retrouve, sous la plume des intéressés – moniales et autorités compétentes – comme dans les commentaires tenus à leur propos, des allusions favorables ou critiques à cette analogie, stimulante pour les uns, terrifiante pour d’autres. Le débat sur la clôture bat en effet son plein au lendemain du concile, suscitant pour longtemps autant d’engouements passionnés que de vives oppositions. Tandis que les théoriciens tentent d’imposer leurs points de vue et les supérieurs de composer sur le terrain, les destinataires disposent des règlements... selon les circonstances et leur état d’esprit. On envisage ici quelques témoignages issus du monde francophone des xviie et xvme siècles.
16L’enfermement à l’époque moderne a mauvaise réputation. En dénonçant pêlemêle et sans nuance l’absolutisme, le fanatisme et l’obscurantisme sous l’Ancien Régime, les philosophes des Lumières et les révolutionnaires ont imposé une vision négative et durable de la question. Théorisé dans les années 1960-1970 par M. Foucault, il fut ensuite perçu comme le système implacable d’un régime monarchique qui procède au grand renfermement des pauvres et des marginaux. Dans cette perspective, les hôpitaux ne sont que le « tiers ordre de la répression » et les autres structures d’enfermement, des institutions pour « surveiller et punir ». Aussi, toute mise au point passe-t-elle d’abord par une nécessaire révision historiographique afin de se dégager du carcan idéologique, de l’amalgame et des anachronismes. On n’insistera jamais assez sur la grande diversité des formes d’enfermement ainsi que sur leur rôle souvent équivoque, à l’image des contradictions de la société. Car c’est en croisant l’ensemble des sources disponibles et pas seulement des règlements que les historiens des couvents, des hôpitaux, des refuges ou des maisons de force sont parvenus à la constatation qu’il n’y a pas de système préétabli mais plusieurs types de prise en charge qui ont évolué en fonction des difficultés de financement et des attentes de la population.
17La peine de prison fait partie de l’arsenal répressif mis en œuvre par les officialités à la fin du Moyen Âge, selon des modalités variables en termes de durée de la peine comme en termes de conditions de l’emprisonnement. Punissant essentiellement les prêtres coupables de crimes graves (voleurs, homicides, récidivistes) et les laïcs bigames, la prison est également utilisée comme peine de substitution à l’amende pécuniaire pour des délits moins importants. L’enfermement du corps apparaît comme un moyen de protéger la société et de réparer l’ordre rompu par le crime. La dimension pénitentielle de la prison, affirmée par le droit canonique, est exprimée dans les sentences des officialités: le criminel-pécheur, mis à l’écart de la communauté chrétienne vécue, est appelé à faire pénitence et implorer la miséricorde divine. La prison peut alors apparaître comme une étape dans une démarche incluant plusieurs peines. Répression du crime et salut du criminel se rejoignent.
18Cet article traite de l’intrication entre les prisons inquisitoriales et la société environnante en Languedoc à la fin du xiiie siècle et au début du xive siècle. L’expérience américaine des prisons de la fin du xxe et du début du xxie siècle le montre, les prisons peuvent avoir un impact majeur non seulement sur les détenus, mais aussi sur le reste de la société. En Languedoc, l’expérience des prisons inquisitoriales était très répandue et leur réputation était encore plus large. L’emprisonnement d’un individu avait des conséquences importantes sur ses relations demeurées à l’extérieur, notamment, pour ses héritiers, la confiscation et l’éviction des offices publics. Les inquisiteurs utilisaient les prisons comme une étape à part entière de leurs interrogatoires et de leurs stratégies pénales. L’emprisonnement d’un suspect pouvait inciter ses contacts encore libres à avouer avant d’être dénoncés. Les gens délivrés des prisons inquisitoriales entraient dans un groupe extérieur distinct et stigmatisé, ce qui les rendait sujets à manipulation par les inquisiteurs. Elles avaient aussi des conséquences non attendues par les inquisiteurs. Il semble qu’elles aient renforcé dans la société le rôle des intermédiaires, qui pouvaient entraver le travail des inquisiteurs. Elles offraient aussi le flanc le plus vulnérable aux attaques de ceux qui critiquaient les inquisiteurs et qui souhaitaient en même temps être perçus comme de bons catholiques.
19Les prisons municipales ont commencé à parsemer le paysage européen au xiiie siècle. De pair avec l’autonomie politique et avec la centralisation administrative des régimes urbains, la prison est devenue un rouage omniprésent dans la machine des systèmes de justice locale, comme espace de privation de liberté, de coercition ou de punition. Mais le rouleau compresseur étatique a rencontré de sérieux obstacles en raison de l’héritage historique de la prison, qui a modelé à son tour l’institution et sa perception. Cet article explicite cette tension créatrice et souligne son importance en examinant les différentes manières dont les systèmes politiques et les individus ont considéré l’héritage spirituel de la prison.
20 In the sixth century, in different regions of the post-Roman world, emperors, kings and bishops discovered the monastery as a tool of government. In particular, this century saw the transition of confinement in a monastery from a voluntary form of penance to a legal penalty. As such, sixth-century monastic confinement was the first truly spatial type of punishment in ecclesiastical and civic law, offering opportunities of surveillance far out passing the penalty of exile, which it replaced. After exploring how ideas about this new penalty circulated around the Mediterranean, this paper will argue that the unifying concept behind its emergence was the beginning understanding of the monastery as a holy and enclosed space. However, its spatial nature made this type of punishment also open to interpretation. As a comparison of its application in Merovingian Francia and in Gregory the Great’s Italy shows it could accommodate ideas and practices of incapacitation and humiliation as much as of leniency and protection.
21The relationship between imprisonment and saintliness was an important feature of medieval Christian hagiography. The condition of imprisonment and the space of the prison is a feature of many early and later medieval saints’ lives. In a number of hagiographies, a saint is incarcerated as part of a longer set of tortures prior to martyrdom. In others, saints miraculously appear to those in prison, either to liberate them or provide comfort. The use of imprisonment in medieval hagiographies can therefore be linked to both conventions of hagiographical narrative (the tale of martyrdom), and to the discursive value of the prison as a space where fessons on the liberating propensities of the faith could be expressed. It is the purpose of this chapter to look at some ofthe ways that the State of imprisonment worked in hagiographies to underscore the singularity of the saint and to reaffirm general orthodoxies. In doing so, I want to suggest that the particular instructional purposes of such texts rested on the understanding that forced enclosure and freedom were not contradictory, but rather, symbiotic. I begin by outlining some of the ways in which imprisonment appears in medieval hagiographic texts before turning to one particular and quite singular vita of the early thirteenth century, the Life of Christina Mirabilis.
22A certain number of particular questions and cases can account for the theologians’ ideas about confinement in the 13th and 14th centuries. As a counterpoint to monastic confinement or imprisonment and the intellectual work they may have experienced in jail, the scholastic authors were less concerned with the rare moral dilemmas experienced by those who order or enforce confinement than with whether it was licit to leave the monastery, considering the conflict between mendicant and secular masters. If a friar were the only support of his needy parents, voluntary confinement would be put to trial. The question whether a man sentenced to death could escape was only put to Henry of Ghent, and yet it confirms the idea that the theological reflexion on confinement aimed essentially at building hierarchies of obligations to the extent that the very definition of man and the persistence of his natural, social, and political obligations determine the value of the confinement imposed by religious vows or the law.
23The writers prisoners and the prison poetry are the object of prolific studies with critical, philosophic or historic character. The theme of prison, real or symbolic, lived or imagined, appears as being of a big frequency, even a certain commonness. This literary tropism of the prison seems to date the last centuries of the Middle Ages. The article takes back the file of texts written by prisoners or testifying the prison experience in the i4th and 15th centuries in the French domain and tries to discern the cultural, emotional and mental themes there associated to the prison experience. To the descriptions of the place of confinement as hell answers an evocation of the States of the locked soul between desconfort, strangeness and melancholy. The sublimation of confinement in a test of patience, coming from the patristic tradition, prevails in the texts of the 15th century. The great number of books and poems of prison in the 15th century so dedicates the advent of the prison as one of the places which structure the feudal space. Only François Villon’s work makes an exception in this general valuation of the prison place.
24In this paper I discuss the first pan-European attempt to strictly enclose medieval nuns. By virtue of Pope Boniface VIII’s 1298 decree, Periculoso “nuns of every community or order in every part of the world, both collectively and individually,” were to be perpetually confined to their monasteries, with only dire emergency or the express approval of a diocesan official mitigating their isolation from the secular world. I begin with an overview of this papal decree and the manner in which those academic jurists whose task it was to comment on and clarify canon law interpreted it. I then look at what amounted to the undoing of Periculoso by the combined forces of practicing lawyers, diocesan officials, and subsequent popes, all responding in one way or another to the demands of nuns in traditionally open monasteries. Finally, I relate the success of cloister regulations governing life in mendicant and Bridgettine nunneries to the distinctive spiritual, economic, and legal circumstances enjoyed by these nuns.
25 Does the obligation to follow precepts of the Rule and the varions regulations which organize the monks’ and nuns’ daily life imply confinement of the refractory individual? This is one of the questions asked by Mabillon in his Réflexions sur les prisons monastiques. This important text, written around 1695, is based on a biographical experience: the accompanying of a young monk in difficulty over several years. This paper intends to return to this text and, beyond this particular case, to grasp the reality of modem monastic imprisonment. In this perspective, the commentary of the Rule by dom Calmet (1734) and the normative Maurist texts are considered, as well as the general chapters of Cluny in the 16th, 17th and 18th centuries, which have difficulties in establishing effective penitential rules.
26Through the Spanish monastic rules (those by St. Isidore, St. Leander and St. Fructuosus, and Regula Communis) and the council norms, the role of monastic hospices is examined in the relationships between the cloisters and the outer world, from Visigothic times to the 10th century. After dealing with the problems of monastic reclusion, which has been scantily defined, the analysis moves on to the infraction of rules and the correction punishments applied as well as the role played by the abbot, the monks and the lay brothers – all of it to defend the claustral life which a real monk is to lead.
27The confinement for punishment and discipline of criminous monks and regular canons is an unknown aspect of medieval monastic life, certainly because monastic prison is commonly thought to be contradictory to spiritual understandings of seclusion. By comparing the normative sources (customaries, monastic decrees, episcopal injunctions) with the judicial and administrative documentation (monastic and épiscopal visitations, statutes from General Chapters, Vatican material) about different religious communities (men or women, monks or regular canons, exempt or nonexempt monasteries), this article demonstrates that incarceration was not the only form of confinement for penance and discipline. Indeed criminous religious could be gated within the precincts, kept in solitary confinement or imprisoned in a carcer. The confinement for grievous offences was the most severe form of temporary exclusion in a graduai process of excommunication understood as “separation from the community”. At the end of the 12th and the beginning of the 13th century, with the institutionalization of the religious orders (Cistercian Order, Premonstratensian canons, Carthusians and Cluniac houses), incarceration conserved his original penitential character but also became a penal sanction for troublesome monks and canons. It was one of the only afflictive punishments in the regular penal System. This could explain that the different General Chapters legislated for the construction of prisons in their monasteries and reserved imprisonment for crimes considered to be grave (violent crimes, homicide...).
28From dark and ice-cold oubliettes of castles up to iron cages where Louis XI locked those who opposed his tyranny, romantic literature and historiography forged an as black as tenacious legend about medieval prisons. Does this legend bear examination? With regard to France in the late Middle Ages, more than fifty precisely described or roughly preserved to our days prisons allow an overview of the main devices of imprisonment and a fairly precise outline of the material conditions of imprisonment. This paper intends at first to describe the various systems of reclusion that are the common jail, the pit (generally built at the base of a tower, partly underground) and only approachable via an upper hole, finally modes of prevention of escapes: immobilization of the body by shackles and fetters, the use of wooden or iron prison cages. In the second place, the material conditions of everyday life are at stake: food supply, hygiene, access to natural light and ventilation, fight against coldness, the variety of prison regimes according to the facts alleged against the prisoner, to his social status and physical condition.
29According to the statement in the Digest, prison is about a preventative lockup intending to make sure the defendant is apprehended. It is not a sentence issued by a repressive System. Regardless of a few exceptions to this rule, the medieval parliament keeps up this tradition. However, there is a paradox. You lock up somebody who is presumed innocent and should therefore not endure imprisonment. This paradox has led to a wide custom of release. This discharge from prison is safeguarded by precautions to ensure the return of the defendant. This concept is hence called the open prison.
30Studying the criminal archives of the Parliament of Paris allows to describe quite precisely the life conditions in prison during the modem history period through the example of the Conciergerie from the end of the 16th century to the middle of the 17th century. At the time, Paris’s most important prison accommodated common right prisoners, both men and women falling in the jurisdiction of the Parliament of Paris – mainly prisoners for debts or prisoners waiting for their judgement or the execution of their sentence. In this paper, the material living conditions will first be described–unequal and depending on the prisoner status (cost of living, quantity and quality of food and commodity supplies...) –, as well as their sanitary and demographical consequences. Then the particuliar temporality of life in prison will be sketched out. And eventually, following the example of 20th century prison sociology, the notion of closure applied to the Conciergerie in the modem history period will come into question.
31In the German area as elsewhere during the modem period, a set of very varied practices corresponded to the notion of confinement. This paper tries to make an inventory of these practices. It identifies the different places of a more or less complete deprivation of liberty in ancient societies: the traditional prison and other punitive forms (forced labor, confinement in fortress, deportation or galleys), the hospital world and the the hybrid institutions called Zuchthäuser. The paper shows that behind these forms of confinement there was a common matrix established by the circulation and the Crossing of practices, from the governmental programs of gute Policey to the social uses of confinement.
32Female monasticism appears in Late Antiquity: consecrated women live at home, for family, but also economie reasons. At the end of the 6th century, however, virgins dedicated to God live more and more exclusively in monasteries. What can we know about the many reasons which made girls go into monastery in the Early Middle Ages? The confinement in the monastery is sometimes explicitly a punishment or a banishment. It is, however, sometimes presented also as a means to protect young heiresses against dangers which threaten them or, through them, their families and their political, economic and memory strategies. Depending on the reasons which lead the woman to the monastery, she lives confinement (complete or partial) in very different ways. The contrasting examples of Radegund and of the famous revoit which shook the monastery she established in Poitiers after her death show the variety of spiritual and concrete ways to live and see feminine confinement in the Early Middle Ages.
33In the Middle Ages, the experience of voluntary reclusion was – especially for women – a religious choice of great intensity and of symbolic value. This kind of individual asceticism differed from the spiritual lived experience in a monastic community and was characterized by a strong allegorical value well illustrated by the funeral ceremony during which the penitents (men and women about to be enclosed) were walled up in a little cell in order to symbolize their death to the world and their preservation from sin. Communicating with the outside world by means of a little window through which they received food (as well as the sacraments and spiritual comfort), recluses responded to the demand for religious interaction expressed by the community in which they lived: there was a kind of public ritual agreement between the recluses and the social group that covered the expenses of their eremitical life and that requested in return recluses’ prayers and intercession after death. In the medieval religions semantic, this form of oblation was an example of the perfect life of the saint. Because of the frequent equation of reclusion with sanctity, we find in addition to private documentation which attests to the diffusion and success of individual religious reclusion, many saints’ lives that allow us to examine this specific form of religiosity.
34The expression clausura monialium and the vocabulary used to justify this practice and to determine its application was sometimes similar to the vocabulary of prison world. We find favourable or disapproving judgments of this analogy among nuns or ecclesiastical authorities, or within the commentaries about nuns. The debate about the enclosure was at a peak in the period after the council of Trent and it aroused passions and strong objections for a long time. Whereas theoreticians tried to impose their point of view and superiors to compromise in the field, nuns used the rules according to the circumstances and to their frame of mind. The paper considers some cases in the French-speaking world of the 17th and 18th centuries.
35Ecclesiastical courts in late Middle Ages use imprisonment as punishment, with some differences in time and conditions. Essentially punishing bigamus laymen and priests who were guilty of heavy crimes such as robbery, murder or recidivism, prison was also used as a substitutive penalty to fines for less serious delicts. Claustration was a way to protect society and to restore the order which had been jeopardized by crime. The penitential dimension of imprisonment, which was asserted by canon law, appeared in the sentences of the ecclesiastical courts: as a sinner, the criminal was excluded from the Christian community; he had to do penance and beg for divine mercy. Imprisonment could be included in a process which needs several sanctions. Repression of crime and salvation of the criminal were thus entangled.
36This essay deals with the interaction of inquisitorial prisons with their surrounding society in Languedoc in the late thirteenth- and early fourteenth-century. As the American experience with prisons in the late twentieth and early 21st centuries shows, prisons can have a major impact, not only on their inmates, but on the rest of society. In Languedoc experience of inquisitorial prisons was fairly widespread, and their reputation even more far-flung. The imprisonment of an individual had major consequences for his contacts who remained outside prison, involving, at least for his heirs, disinheritance and the barring from public office of his descendants. The inquisitors used prisons as an integral part of their interrogation and penal strategies. The imprisonment of a suspect could motivate those of his contacts who were still at large to confess before they could be denounced. People released from inquisitorial prisons entered a distinct and stigmatized outgroup, which made theme subject to manipulation by the inquisitors. Inquisitorial prisons also had consequences unintended by the inquisitors. They possibly strengthened the role of “middlemen” in society, which could hinder the work of the inquisitors. They also offered the most vulnerable flank from which the inquisitors could be attacked by their critics who wished to be perceived as good Catholics.
37Municipal prisons began to dot the European landscape in the thirteenth century. Hand in hand with urban regimes’ political autonomy and administrative centralization, the prison became a ubiquitous cog in the machinery of local justice Systems, whether as a custodial, coercive, or punitive space. But the juggernaut of the State faced serious obstacles from the prison’s historical pedigree, which in turn shaped the institution and its perception. The present essay explicates this creative tension and underscores its importance by surveying the different ways in which polities and individuals addressed the prison’s spiritual legacy.
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