Les monastères féminins du haut Moyen Âge : rempart ou prison ?
Female monasteries in the Early Middle Ages: rampart or prison?
p. 233-247
Résumés
La fin de l’Antiquité voit se développer un monachisme féminin qui se vit à la maison, pour des raisons familiales mais aussi économiques. À la fin du vie siècle, cependant, les vierges vouées à Dieu se trouvent de plus en plus exclusivement dans des monastères. Que peut-on savoir de la diversité des raisons qui ont amené à placer des jeunes filles au monastère au haut Moyen Âge? L’enfermement dans la clôture du monastère est parfois explicitement une punition ou une relégation. Il est cependant parfois présenté aussi comme une protection face aux dangers qui menacent les jeunes héritières ou, à travers elles, leurs familles et leurs ambitions politiques, économiques et mémorielles. Selon les raisons qui avaient motivé l’envoi au monastère, les conditions et le ressenti de l’enfermement, complet ou partiel, sont bien différents. Les exemples contrastés de Radegonde et de la fameuse révolte qui secoua en 589 le monastère qu’elle avait fondé à Poitiers permettent de discerner la variété des visages spirituels ou concrets de l’enfermement féminin au très haut Moyen Âge.
Female monasticism appears in Late Antiquity: consecrated women live at home, for family, but also economie reasons. At the end of the 6th century, however, virgins dedicated to God live more and more exclusively in monasteries. What can we know about the many reasons which made girls go into monastery in the Early Middle Ages? The confinement in the monastery is sometimes explicitly a punishment or a banishment. It is, however, sometimes presented also as a means to protect young heiresses against dangers which threaten them or, through them, their families and their political, economic and memory strategies. Depending on the reasons which lead the woman to the monastery, she lives confinement (complete or partial) in very different ways. The contrasting examples of Radegund and of the famous revoit which shook the monastery she established in Poitiers after her death show the variety of spiritual and concrete ways to live and see feminine confinement in the Early Middle Ages.
Texte intégral
1Le haut Moyen Âge est une période où l’enfermement devient un élément qui définit un statut particulier, celui des épouses du Christ. Les remparts de la maison religieuse deviennent en effet le garant, à la fois concret et spirituel, de la qualité qui définit les nonnes qui seules peuvent atteindre cette dignité : la virginité. Les vierges se distinguent alors de plus en plus nettement des veuves, dont l’autorité dans l’Église décroît au fil des premiers siècles, mais qui conservent la possibilité d’obtenir le statut de religieuses veuves, que l’on nomme viduité1. Les veuves vivent parfois dans des monastères, mais elles restent bien souvent chez elles, protégées par l’Église et menant une vie charitable tout en s’occupant de leur famille et de leurs biens.
2Dès lors, la nécessité d’une séparation, d’ailleurs parfois relative, avec le monde et les hommes élève pour les vierges les maisons religieuses féminines au rang de refuge face au monde et au mariage. Au-delà du topos du rejet de la famille et de l’époux charnel pour le Christ, la relative autonomie dont peuvent jouir les moniales et la libération des aléas du mariage ou de la tutelle paternelle ou fraternelle sont un atout du couvent et de ses murs. Ceux-ci les protègent des prétendants qui peuvent tenter de se saisir d’elles, contre leur volonté ou celle de leur famille. Le souhait d’éviter des unions indésirables comptait sans doute moins cependant que l’attrait représenté par la forme nouvelle de liens sociaux et de capital sacré que permettait d’obtenir l’envoi d’une fille au monastère. La barrière que représentent les murs du monastère n’est pas opaque : les fondations de monastères féminins sont dues à des motifs non seulement religieux, mais aussi économiques et politiques. Les femmes envoyées au monastère participent aux stratégies familiales, qu’elles aient elles-mêmes choisi cette voie ou non2.
3 Les femmes ne se trouvent pas toutes au monastère de leur plein gré : l’enfermement peut être un obstacle à leurs projets ou même une punition. À l’intérieur du monastère, la réclusion peut être un moyen d’être plus pure encore ou de se purger de ses fautes3. Même s’il est ouvert aux préoccupations extérieures et aux visiteurs, le monastère est souvent décrit comme un lieu d’enfermement à proprement parler, un lieu de protection, mais aussi de confinement et de réclusion. Les divers visages de l’enfermement apparaissent dans sa dénonciation et sa transgression : nous analyserons pour finir l’exemple célèbre de la révolte des moniales de Sainte-Croix de Poitiers en 589. Nous verrons aussi comment Radegonde, la fondatrice de Sainte-Croix, en présente la vision bien différente, mais tout aussi ambiguë, d’un enfermement transcendé par la promesse du vaste royaume du Ciel.
L’enfermement définit un statut particulier : vierges et épouses du Christ
4Kate Cooper a présenté dernièrement les évolutions connues par la maisonnée romaine à la fin de l’Antiquité, et en particulier sa christianisation, comme une stratégie de survie, destinée à faire de la famille romaine réinventée une institution capable de résister aux aléas et aux changements structurels de cette période4. L’un des changements caractéristiques de la christianisation réside dans le choix (volontaire ou imposé) pour certaines femmes de se vouer au Christ. Même si le désert et l’éloignement du monde représentent dès l’origine un idéal, l’ascétisme et la renonciation à la chair5 ne sont pas systématiquement liés à un retrait total qui s’exprimerait en un lieu particulier. La diversité des situations possibles et la gradation qui se dessine entre les vœux6, le changement de vêtements7, la prise de voile et la consécration rendent parfois le statut des religieuses assez flou, notamment lorsqu’elles restent chez elles et ne vivent pas en communauté. Les premières femmes vouées à Dieu, telles les disciples de Jérôme, vivent en effet pour la plupart chez elles8. Cela entraîne quelques scandales, fondés ou non. En 386, Jérôme fuit Rome pour la Palestine alors que ses liens avec les Romaines qui ont choisi une vie consacrée sont mis en cause9. Même si l’accusation de séduction n’a pas eu de suites légales, les chances pour Jérôme de trouver une place dans l’Église de Rome sont alors réduites à néant. Plus que d’éventuelles atteintes à la vertu des vierges ou des veuves qu’ils côtoyaient, c’est plutôt la réprobation excitée par les clercs qui recevaient des dons importants de riches veuves10 qui nuisit à Jérôme et à son protecteur Damase, qui avait été surnommé le matronarum auriscalpius (celui qui chatouille l’oreille des matrones)11.
5Une bonne partie des veuves consacrées décident de vivre chez elles la chasteté qu’elles ont vouée à Dieu. Ce qui rend le remariage de ces femmes assez fréquent malgré leurs vœux, c’est la relative facilité avec laquelle on peut avoir accès à elles. Le fait que les veuves puissent prononcer des vœux sans être consacrées doit aussi rendre leurs prétendants moins regardants. Les intérêts des veuves sont protégés par l’Église, mais aucune barrière physique ne les sépare du monde extérieur, si ce n’est celle de la maison, qui est considérée comme un lieu où les agressions sont particulièrement graves. L’existence de veuves qui demeurent chez elles tout en ayant voué leur chasteté au Christ, faisant vœu de viduité12, inquiète surtout les ecclésiastiques hors d’Italie durant le haut Moyen Âge. Une stricte distinction entre veuves régulières et veuves séculières est établie lors du quatrième concile de Tolède13. Si cette autonomie fait de ces femmes une cible facile pour les rumeurs malveillantes14, elle empêche qu’elles ne soient punies ou contraintes par l’autorité familiale ou publique.
6Dans la littérature chrétienne, vierges et veuves apparaissent largement comme un couple indissociable. La distinction se justifie par la hiérarchie des états féminins, tirée de la parabole du semeur15, reprise par Jérôme16. Les empereurs chrétiens, à partir de Constance II, protègent les vierges et les veuves vouées à Dieu face aux tentatives de mariage forcé ou aux tentations de fuite17... Cependant, la préservation des vierges semble devenir plus importante que celle des veuves au fil du temps18, ce qui va justifier leur enfermement dans des monastères. Le Code Justinien19 retire de la constitution de Jovien20 l’expression vel viduas qui indiquait chez Jovien que la tentative de séduction d’une religieuse équivalait à un rapt pour les veuves aussi bien que pour les vierges. Justinien se montre en fait plus attaché à la préservation de la virginité consacrée qu’à celle de la chasteté consacrée21.
7Le sacrilège que constitue le renoncement d’une vierge au vœu par lequel elle s’est engagée apparaît en effet comme beaucoup plus inquiétant que l’abandon de la chasteté par une veuve. Lorsque les jeunes filles continuent de vivre dans leur domaine familial, le risque semble important et les suspicions qu’entraîne la promiscuité des femmes consacrées avec l’entourage masculin sont de moins en moins bien supportées. On trouve chez Grégoire le Grand un exemple de ce type d’abandon du vœu de virginité, au sein même de sa famille. Le pape, entouré dans sa jeunesse par sa mère et ses tantes, très présentes, s’est particulièrement intéressé aux moniales22, et il s’émeut du mauvais exemple donné par l’une de ses tantes paternelles, Gordiana. Celle-ci décide en effet d’abandonner la vie religieuse pour s’unir au régisseur de son domaine, alors que ses deux sœurs restent fidèles à leurs vœux23. Vivant entourée d’hommes, la femme voilée qui était restée sur ses terres pouvait plus facilement se défaire de ses vœux religieux, bien que cela lui fût strictement interdit. Ces femmes voilées étaient suffisamment souvent approchées par des individus qui cherchaient à les convaincre de les épouser pour que Jovien fasse rédiger une constitution à ce sujet24. Comme le dit Peter Brown, « cette vie avait des frontières fluides. C’était un sentiment de noblesse oblige, non les murs d’un couvent, qui gardait les jeunes filles à l’écart du “monde”25 ». Mais cela ne suffisait pas toujours... La protection des tentations du siècle pour les jeunes filles dans leur propre maison est d’ailleurs remise plus généralement en cause par Constantin, qui voit dans tous les esclaves (et en particulier la nourrice) les complices des hommes qui cherchent à obtenir leurs faveurs. L’enfermement monastique semble ainsi une solution beaucoup plus fiable que la seule surveillance des parents et les murs de la maison familiale.
8À la fin du vie siècle, les vierges vouées à Dieu se trouvent donc de plus en plus exclusivement dans des monastères. L’enfermement monastique devient la règle pour les vierges, alors qu’il ne demeure qu’une option pour les veuves. Ces regroupements de vierges viennent marquer le territoire chrétien alors que les premières saintes, les plus populaires, ont justement dû défendre leur virginité dans des lieux où l’enfermement visait à l’exploitation sexuelle du corps féminin : les lupanars, où la « virginité héroïque » des saintes martyres était mise à l’épreuve par leurs persécuteurs26. Les légendiers de l’époque mérovingienne contiennent en effet en majorité des Passions de saints et de saintes de la fin de l’Antiquité, et des Vies orientales, non les Vies des saintes mérovingiennes. La Vie de la sainte la plus copiée est celle d’Agathe, devant celle d’Agnès27. Le modèle des vierges cloîtrées28 se répand au contraire pour défendre la virginité de celles qui se sont vouées à Dieu et « préserver un îlot de prière contre le monde séculier29 ». La première règle destinée aux communautés féminines, rédigée en 534 par Césaire d’Arles pour le monastère de sa sœur Césarie à Arles30, préconise que les moniales ne sortent de la clôture qu’à leur mort (c. 2). Césaire a conscience de l’importance de l’investissement personnel de la jeune fille qui entre au monastère si on ne veut pas craindre qu’elle choisisse la fuite après avoir été consacrée, ce qui est un péché terrible en tant qu’épouse ou fiancée du Christ : aucune ne reçoit l’habit monastique aussitôt. Sa volonté est testée par de multiples épreuves et elle peut changer de vêtements au bout d’une année, après avoir été placée sous la garde d’une moniale plus ancienne, qui lui sert en quelque sorte de tutrice (c. 4)31. C’est donc un monde constitué uniquement de femmes bien décidées à se vouer entièrement à Dieu que contient idéalement le mur du couvent. La Vie de Colomban évoque même l’idée selon laquelle la mère de Burgundofara veut que, élevée dans l’enceinte du monastère, celle-ci ne connaisse pas même la différence entre hommes et femmes32.
9Dans ces conditions, la réprobation vis-à-vis du mariage des religieuses est générale chez les Pères. Un seul d’entre eux considère le mariage effectué en dépit de la prononciation du vœu de virginité comme valable : saint Augustin33. La prise de voile des vierges est en effet considérée comme un mariage : la nouvelle religieuse reçoit un voile, le flammeum, qui a la même couleur orange que le voile des mariées romaines, et la mariée devient la sponsa Christi. L’idée que la vierge noue avec le Christ un pacte comparable au mariage est popularisée par Jérôme dans son Interpretatio Homaliae Origenis in Cantica Canticorum. Les veuves ne peuvent en revanche atteindre cette dignité. Le troisième concile d’Orléans, en 538, compare la vierge qui a prononcé des vœux à la fiancée du Christ et celle qui a reçu le voile à son épouse34. Le deuxième concile de Tours, en 567, rappelle que les Vestales, dans l’Antiquité romaine, étaient enterrées vivantes lorsqu’elles ne respectaient pas leur vœu35. Les Pères conciliaires ne suggèrent pas d’appliquer aux vierges consacrées un tel supplice, mais ils citent cet exemple à l’appui de leur stricte interdiction touchant le mariage des religieuses, et en particulier les vierges. Une compétition réelle existe entre l’importance des vœux religieux et celle du mariage : la plupart du temps, les vœux priment, au moins théoriquement, et s’il y a eu consécration. Seul le mariage des vierges est présenté comme un adultère commis au détriment du Christ36. Le mariage de celles qui avaient affirmé désirer demeurer vierges mais n’avaient pas prononcé de vœu était toléré. Plus encore que la virginité, c’est donc le caractère particulièrement sacré de la consécration accordée aux vierges qui compte.
10La conservation concrète de la virginité, que l’enfermement vient garantir, semble pourtant avoir un aspect primordial pour que la moniale puisse conserver la dignité d’épouse du Christ. Dans la Vie de sainte Geneviève, on voit ainsi une jeune religieuse soutenir envers et contre tout qu’elle est vierge, pour ne pas être châtiée pour sa faute passée, mais aussi et surtout pour conserver son statut de vierge consacrée. Le corps de la jeune fille appartenait au Christ, et elle l’a violé (violaverat), dit le texte : elle est maintenant une veuve (vidua) et plus une vierge37. Certains ravisseurs de religieuses tentent de minimiser leur crime et d’assurer la pérennité de leur union en mettant en doute la virginité de leur victime. Un noble burgonde s’appuie sur le comte Ansemundus pour obtenir de l’évêque Avit de Vienne qu’il reconnaisse son union avec la nonne qu’il a enlevée. Pour ce faire, il affirme que, au moment où il s’est saisi d’elle, elle n’était déjà plus vierge38. Dans son esprit, le fait qu’elle n’ait pas matériellement été vierge rend sans doute caduque la force de sa consécration, ou du moins l’affaiblit.
11Le statut de vierge consacrée, qui s’épanouit dans des monastères où la différence sexuelle ne doit plus même être pensée, permet à certaines de transcender leur sexe et d’exercer une autorité qui n’a pas d’équivalent pour une femme à l’époque. La virago est une vierge consacrée dont est reconnue la virilité, c’est-à-dire la capacité à agir en homme, à affirmer publiquement son autorité39. En réalité, elles n’échappent cependant guère à leur famille, même s’il est vrai que la charge d’abbesse permet au moins à certaines de parler sur un pied d’égalité aux grands laïques et ecclésiastiques.
Mettre les femmes au monastère : un bon placement ?
12Le développement des monastères féminins en Occident, qui s’accélère en Gaule à la fin du vie et au viie siècle, confirme en effet que cet enfermement des femmes ne les sépare pas des préoccupations séculières de leurs familles40. Le topos qui veut que la sainte doive rompre les liens avec sa famille pour suivre le Christ ne doit pas être pris à la lettre. Il ne semble pas non plus que ce soit parce qu’elles sont perçues comme « excédentaires » que les femmes soient alors envoyées plus nombreuses dans des monastères, où elles seraient « stockées ».
13L’hypothèse d’un placement au monastère d’un grand nombre de femmes, « excédentaires », en surnombre, cadettes de famille que l’on ne peut ni ne veut caser en mariage, a été proposée il y a longtemps pour le bas Moyen Âge et a été largement combattue ou nuancée41. Au haut Moyen Âge, préfère-t-on placer une partie des filles au couvent plutôt que de les marier ? Il semble fort douteux qu’il se soit agi d’une politique délibérée des pères de famille décidés à restreindre le nombre de filles mariées. Les sources choisissent en tout cas de présenter les choses sous un jour exactement contraire. L’accroissement rapide et important du nombre de filles placées au monastère a pu engendrer un déséquilibre du ratio hommes/femmes dans l’élite, où se recrutaient la plupart des moniales, et accentuer la pratique du rapt des religieuses. Les sources ne fournissent pas de trace d’une réelle augmentation des rapts de religieuses, qui ne sont pas moins nombreux dans les sources qui concernent la Gaule du vie siècle, mais les comparaisons sont difficiles à cause de la disparité des sources selon les époques.
14Si, idéalement, le couvent rassemble une société coupée du monde, les moniales sont plus encore que les moines liées à leur groupe familial. L’apparente opposition qui s’exprime dans les Vies de saintes mérovingiennes entre la noble vierge qui veut être consacrée et son père42 ne traduit pas une réelle opposition entre les intérêts des monastères et ceux des familles fondatrices, bien au contraire43. Les entrées des femmes au monastère sont une partie intégrante des stratégies familiales et préservent les patrimoines plus qu’elles ne les éparpillent44, même si au bout de quelques générations, les tensions se font jour entre la nécessité de sauver son âme et celle de perpétuer le patrimoine familial45. Le père refuse la vocation de sa fille, car il désire la faire entrer dans le circuit des échanges matrimoniaux. Si ces textes expriment les tensions économiques et démographiques dues à ce retrait, ils se terminent toujours par le retour de la concorde entre les hommes et les femmes de la famille. Ainsi, la fondation d’un monastère féminin apparaît comme le dépassement de ces conflits et la réconciliation des intérêts terrestres et célestes. Finalement, le monastère féminin est fondé conjointement par la vierge et son père ou son frère et il n’en représente que mieux l’honneur de la famille, qui protège une partie de ses biens en les donnant au monastère46. Même si elle est affirmée fortement dans la règle de Césaire, la stricte clôture n’est guère respectée dans les monastères féminins au très haut Moyen Âge. Les familles semblent toujours avoir des contacts réguliers avec les jeunes filles qui s’y trouvent47. Les Vies évoquent l’accès qui est donné aux septa monasterii, aux septa secreta. Ces espaces renvoient à la fois à l’aspect fermé et sacré du monastère, et à son statut de lieu de rayonnement et de refuge, où sont réunies les reliques48. Le cœur du monastère féminin, concrètement et spirituellement protégé et protecteur, représente pour les membres de la famille fondatrice le lieu le plus sûr dans les moments de crise.
15Si on n’y place pas systématiquement les filles qui ne sont pas mariées, les monastères peuvent servir de lieu de protection, et quasiment de prison, pour celles qui ont des projets de mariage qui ne correspondent pas aux aspirations de leur famille. Ainsi Pappolène, un jeune noble franc, doit-il, vers 580, récupérer sa fiancée enfermée dans un monastère49. L’oncle de la jeune fille, l’évêque de Nantes Félix, avait en effet jugé que ce mariage ne se ferait pas malgré les fiançailles déjà conclues, et il l’avait lui-même mise « à l’abri ». Pappolène intervient une première fois, accompagné d’une grande troupe. Il réussit à soustraire la jeune fille du couvent et à se réfugier dans la basilique Saint-Aubin d’Angers50. Par ruse, Félix réussit à amener la jeune fille à se rendre auprès de lui et il l’enferme dans le monastère de Bazas51. Après la mort de Félix, Pappolène, prévenu par sa fiancée de l’endroit où elle se trouve, réussit une nouvelle fois à la récupérer, sans que l’on sache s’il a dû employer la violence. Teutéchilde, la veuve du roi Caribert, est également placée dans un monastère contre son gré après avoir cherché à se remarier avec un de ses beaux-frères. Ayant récupéré le trésor de son mari, elle était devenue une menace, ainsi éliminée. Grégoire affirme qu’elle aurait ensuite cherché à fuir pour se marier avec un Goth. Dans cette histoire, il met en valeur l’autorité, mais aussi la surveillance exercée par l’abbesse, qui se rend compte de l’affaire grâce à son industria. Dès lors, Teutéchilde est livrée à une garde plus stricte et à des châtiments corporels qui changent la nature de son enfermement52.
Le monastère, entre paradis protecteur et séjour infernal
16Toutes les femmes n’acceptent pas l’enfermement monastique et ses contraintes. Le mariage n’est pas la seule manière d’y échapper, même s’il est sans doute la plus répandue et la plus efficace. Le premier concile de Mâcon présente l’exemple d’une religieuse, Agnès, qui, rappelée au monastère qu’elle a quitté plusieurs années auparavant, essaie d’obtenir des protecteurs capables de lui faire quitter de nouveau l’enceinte du monastère en leur distribuant une partie de ses biens. Agnès n’a pas pris d’époux lors de son premier départ du monastère, et on peut penser qu’elle ne tente pas davantage d’en trouver un lorsqu’elle promet une part de ses biens à ceux qui pourraient l’aider à retrouver la vie mondaine. Les soucis d’Agnès ne lui viennent pas seulement du reniement de sa consécration : les évêques rappellent que les biens qu’elle promet à tort et à travers doivent revenir à l’Église et qu’elle ne peut librement en disposer53. Les miracles qui se trouvent à la fin de la Vie de Burgundofara par Jonas de Bobbio présentent plusieurs témoignages de jeunes filles tentant de fuir, furtivement cette fois, Eboriacum. Si parfois elles se repentent, deux d’entre elles s’y refusent. L’hagiographe prétend qu’elles sont inspirées par le Malin et met en scène les signes les plus lugubres autour de leur mort, qui survient dans d’atroces souffrances54. La remise en cause de la consécration et de son corollaire, le respect de la clôture, est pour les ecclésiastiques, et en particulier pour les évêques qui sont leurs protecteurs officiels, un sacrilège. Dans les sources, cette transgression des moniales est annonciatrice d’apocalypse55, et a donc souvent à faire avec le démon, qui se tient sur les murailles du couvent56.
17En Occident, la plus impressionnante et massive rupture de la clôture est bien sûr celle des moniales du couvent Sainte-Croix de Poitiers en 589. Cette rupture est d’autant plus impressionnante que le monastère est particulièrement important par le nombre de ses nonnes57 et le prestige de sa fondatrice, la reine Radegonde, qui vient alors de mourir en 587. De plus, Radegonde avait introduit à Poitiers la règle, si stricte sur la clôture, rédigée par Césaire pour le monastère Saint-Jean d’Arles58. Dans la lettre des évêques à Radegonde qu’utilise l’abbesse pour se défendre, ceux-ci écrivent qu’il serait terrible qu’une moniale, « sur le conseil de l’ennemi, à l’exemple d’Ève chassée du paradis, en arrive à sortir par quelque issue du cloître dudit monastère – que dis-je ? du royaume du ciel – pour se vautrer et se faire piétiner dans la boue de places publiques59 ». La clôture monastique est un paradis qu’on ne peut quitter que pour la boue et l’enfer, le déshonneur et l’excommunication. Le texte de Grégoire montre sa crainte que le désordre introduit par la sortie des moniales ne se répande dans le royaume : sédition politique, mais aussi diabolique. Le cas de la révolte des moniales du monastère Sainte-Croix de Poitiers en 589 est exceptionnel, car ce sont deux princesses qui en sont les meneuses, alors que les princesses mérovingiennes sont très rarement envoyées au monastère au vie siècle60. En revanche, les caractéristiques générales de cette révolte correspondent bien à celles des révoltes monastiques du haut Moyen Âge. Il faut avoir bien présent à l’esprit que même leurs révoltes montrent toujours l’inclusion des moines et des moniales dans le monde séculier, et l’importance des liens sociaux et juridiques avec la société aristocratique, comme l’a bien montré Steffen Patzold61. Les moniales de Poitiers, dans un contexte économique difficile, causé notamment par de mauvaises conditions climatiques, et alors que la noble fondatrice du monastère est morte deux ans auparavant, s’insurgent contre ce qu’elles considèrent comme une détérioration de leurs conditions de vie. Les princesses qui sont à la tête de la révolte, Clotilde et Basine, respectivement filles de Caribert et de Chilpéric Ier, se plaignent de la nouvelle abbesse, Leubovère, qui est sans doute d’humble origine. Elles considèrent que celle-ci ne les traite pas selon leur rang62. Grégoire de Tours, qui narre longuement la révolte de Poitiers, présente ce mouvement comme une remise en cause insupportable de l’autorité des évêques63. Malgré la forte implication personnelle de Grégoire, un des éléments qui sont révélés par la révolte tient justement au ressenti de l’enfermement monastique féminin et à ce qui peut le rendre acceptable ou non. Le cours du récit présente à la fois les différentes formes de l’enfermement monastique et l’usage que les moniales elles-mêmes n’hésitent pas à faire de la détention, puisqu’elles imposent à leur abbesse une réclusion qui est présentée par Grégoire comme un véritable emprisonnement, mais qui vise essentiellement à la conserver sous bonne garde avant la tenue d’un procès (Grégoire souligne qu’elle n’est pas ligotée). Avant la révolte, une moniale avait déjà tenté de fuir en sautant depuis le mur (per murum se iciens), avant d’être ramenée dans le monastère par l’endroit d’où elle s’était précipitée grâce à des cordes, pour expier ses fautes dans la pénitence volontaire d’une cellule (se in cellolam secretam reclauderet). Même si le contexte a évolué, on peut penser que le retour (symbolique ?) par le même chemin ne marque pas un véritable retour de la moniale, dont la démarche pénitentielle est présentée comme un échec. Elle force elle-même, de nuit, la porte de sa cellule pour participer à la révolte en 589 et conspue de nouveau l’abbesse en public64. Là encore, l’idée du péché sur la place publique (la médisance) est la marque de celle qui est incapable d’accepter sa place au paradis monastique et qui en force la porte. L’insertion de cette histoire à la suite du refus catégorique de Clotilde de rentrer au monastère tant que Leubovère en est l’abbesse peut également avoir pour but de souligner l’entêtement de la sédition, qui réveille les feux allumés des années auparavant par le démon et marque une espèce de fin du monde, où le sacrement de la pénitence n’a plus d’effet. Et l’expression en est la sortie de la clôture la plus extrême, celle de la cellule secrète, de nuit.
18L’idéal de l’enfermement monastique, dénoncé par les moniales en 589, a été affirmé, et sans doute vécu, dans toute son ambiguïté, par la fondatrice du monastère, Radegonde65. Elle a souhaité la vie religieuse, puis la fondation de son monastère, en partie comme un moyen de fuir son mariage avec Clotaire Ier. Dans l’enfermement de sa cellule, dont elle rend les conditions extrêmes pendant le Carême, se chargeant de chaînes qui rentrent dans sa peau, elle se retire vis-à-vis du monde et même de la communauté des moniales. Pour son ami le poète Venance Fortunat, cet enfermement souhaité et redoublé la met paradoxalement en contact avec les étendues les plus vastes et enferme les autres plutôt qu’elle-même66. La rhétorique de la clôture comme paradis et comme espace de la pureté infinie n’empêche pas qu’elle soit ressentie comme un obstacle, même par la sainte adepte de la solitude. La famille et les préoccupations du siècle demeurent, et l’enfermement est accepté comme la plus grande libération en même temps que le plus grand des fardeaux. Pour une femme comme Radegonde, la clôture est ressentie comme un refuge face à un monde violent et cruel : celui de la déportation qui suit la destruction de sa contrée et de sa famille, celui d’un mariage non seulement non désiré, mais ressenti comme un obstacle à une vie meilleure. Dans un poème qu’elle fait envoyer à un cousin exilé à Byzance, Radegonde présente cependant la clôture comme un obstacle plus grand que la terre, la mer et l’espace réunis entre elle et ses parents67. Dans la réalité, le monastère qu’elle a fondé et où elle a fait régner une discipline si stricte est sans aucun doute celui qui connut la plus impressionnante des ruptures collectives de la clôture. Le rang social des moniales et les biens qu’elles possèdent, même lorsqu’elles ont prononcé leurs vœux, les rattachent au monde et peuvent être les mobiles les plus puissants pour quitter le monastère. D’un autre côté, le rang social et les appuis aristocratiques de l’abbesse constituent souvent le meilleur rempart de ses filles face à la menace – ou à l’espoir – de la sortie de l’enfermement monastique. Plus que la sainteté, qui lui permet d’échapper à l’enfermement par des voies difficiles à suivre.
Notes de bas de page
1 M. parisse, « Des veuves au monastère », Veuves et veuvage au haut Moyen Âge, éd. M. Parisse, Paris, Picard, 1993, p. 256.
2 Les abbesses sont nettement plus liées à leur famille que les abbés au viie siècle, de par leur implication dans la mémoire familiale et l’éducation des filles de la famille : R. Le Jan, « Monastères de femmes, violence et compétition pour le pouvoir dans la Francie du viie siècle », ead., Femmes, pouvoir et société dans le haut Moyen Âge, Paris, Picard, 2001, p. 105.
3 Nous ne ferons que quelques allusions rapides au thème de la réclusion des moniales pour punition ou comme pénitence, puisque ce sujet est largement traité dans ce volume par Julia Hillner. Sur les monastères masculins, voir aussi la contribution de Gregoria Cavero.
4 K. Cooper, The Fall of the Roman Household, Cambridge University Press, 2007.
5 P. Brown, Le renoncement à la chair. Virginité, célibat et continence dans le christianisme primitif, Paris, Gallimard, 1995, ici p. 318-347 sur l’ascétisme des femmes au ive siècle (pages consacrées essentiellement aux exemples orientaux). Sur le point de vue des lettrés romains sur la promotion de la virginité par les chrétiens et leur point de vue sur la morale sexuelle qu’elle implique : K. Cooper, The Virgin and the Bride. Idealized Womenhood in Late Antiquity, Cambridge-Londres, Harvard University Press, 1996.
6 J. Gaudemet, L’Église dans l’Empire romain (ive-vie siècle), Paris, 1958, p. 206-208 ; R. Metz, La consécration des vierges dans l’Église romaine. Étude d’histoire de la liturgie, Paris, 1954, p. 67-76 et 87-93.
7 A.-M. Helvétius, « Virgo et virago : réflexions sur le pouvoir du voile consacré d’après les sources hagiographiques de la Gaule du Nord », Femmes et pouvoirs des femmes à Byzance et en Occident (vie-xie), éd. S. Lebecq et alii, Lille, 1999, p. 196-197.
8 R. Metz, « Les vierges chrétiennes en Gaule au ive siècle », Saint Martin et son temps, Rome, 1961, p. 109-132 ; id., « La consécration des vierges en Gaule des origines à l’apparition des livres liturgiques », Revue de droit canonique, 6 (1956), p. 321-339 ; J. A. Mcnamara, « Muffled voices : The lives of consacrated women in the Fourth Century », Medieval Religious Women. I. Distant Echoes, éd. J. A. Nichols, L. T. Shank, Kalamazoo, 1984, p. 11-29.
9 K. Cooper, The Virgin and the Bride, op. cit. n. 5, p. 69. Jérôme a fait l’objet d’une attaque formelle pour séduction à l’égard de sa patronne Paula et il est suspecté d’être la cause indirecte du décès de la fille de celle-ci, Blesilla, qui est morte après s’être infligé des jeûnes trop rudes.
10 J. Evans Grubbs, « Virgins and widows, show-girls and whores : Late Roman legislation on women and Christianity », Law, Society and Authority in Late Antiquity, éd. R. W. Mathisen, Oxford/New York, 2001, p. 227.
11 Collectio Avellana, Lettre 1, 9. Sur Damase : J. Kelly, Jerome. His Life, Writings and Controversies, New York, 1975, p. 80-90 ; J. Fontaine, « Un sobrique perfide de Damase : matronarum auriscalpius », Hommages à H. Le Bonniec. Res sacrae, éd. D. Porte, J.-P. Néraudau, Bruxelles, 1988, P. 177-192.
12 Veuves et veuvage..., op. cit. n. 1 ; E. Santinelli, Des femmes éplorées ? Les veuves dans la société aristocratique du haut Moyen Âge, Lille, 2003, p. 160-167.
13 À propos des différents types de veuves religieuses : E. Magnou-Nortier, « Formes féminines de vie consacrée dans les pays du Midi jusqu’au début du xiie siècle », dans La femme dans la vie religieuse du Languedoc, xiiie-xive siècles (Cahiers de Fanjeaux, 23), Toulouse, 1988, p. 193-216.
14 C. la Rocca, « Pouvoirs des femmes, pouvoir de la loi dans l’Italie lombarde », Femmes et pouvoirs des femmes à Byzance et en Occident (vie-xie), éd. S. Lebecq et alii, Lille, 1999, p. 48-49.
15 Matthieu 13, 3-8 ; Marc 4, 3-8 ; Luc 8, 5-8.
16 Jérôme, Epistolae, II, n° 49 § 2. Jérôme, Epistolae, éd. et trad. J. Labourt, Paris, 1949-1963, vol. 2, p. 121.
17 J. Evans Grubbs, « Virgins and widows, show-girls and whores... », loc. cit. n. 10, p. 223.
18 En ce qui concerne les femmes consacrées, car en ce qui concerne les femmes laïques, il semble que les mesures prises par les souverains défendent de plus en plus les veuves.
19 CJ, 1, 3, 5.
20 CTh, 9, 25, 2.
21 CJ, 9, 13.
22 J. Martyn, Pope Gregory and the Brides of Christ, Cambridge, 2009, ici p. xi ; S. F. Wemple, « Couvents de femmes en Italie, de l’époque du pape Grégoire le Grand (590) aux environs de 900 », dans Les religieuses dans le cloître et dans le monde des origines à nos jours, éd. N. bouter, Saint-Étienne, 1994, ici p. 73-79.
23 Grégoire le Grand, Homeliae in Evangelica, II, 38.15 (PL 76, col. 1290-1292).
24 CTh, 9, 25, 2.
25 P. Brown, L’essor du christianisme occidental. Triomphe et diversité. 200-1000, Paris, 1997, p. 170.
26 K. Gravdal, Ravishing Maidens, University of Pennsylvania Press, 1991, p. 7 ; E. Paoli, « La sessualità nella letteratura agiografica », dans Comportamenti e immaginario della sessualità nell’alto medioevo, Settimana di studio del centro italiano sulla storia dell’ alto medioevo (53), 2006, p. 701-767.
27 G. Philippart et M. Trigalet, « Latin hagiography before the Ninth Century : A synoptic view », dans The Long Morning of Medieval Europe. New Directions in Early Medieval Studies, éd. J. R. Davis et M. mccormick, Aldershot, 2008, p. 111-129, qui présente un bilan historiographique et bibliographique et des résultats obtenus grâce à la base de données Légendiers. Le succès de la Vie d’Agnès est tel en Occident que l’habituelle influence orientale sur les Passions lues en Occident fonctionne aussi en sens inverse : H. Delehaye, Les Passions et les genres littéraires, Bruxelles, 1966, p. 224. Je remercie Martin Heinzelmann pour ses lumières sur ces questions.
28 Ph. Schmitz, « La première communauté de vierges à Rome », Revue bénédictine, 38 (1926), p. 189-195 ; G. Huyghe, Histoire de la clôture des religieuses. La séparation du monde, Paris, 1961, ici p. 95-123. Pour une vue générale : A. de Vogüé, « Sanctimoniales (300-700 après J.-C.) », Regards sur le monachisme des premiers siècles, id., Rome, 2000, p. 41-81. Sources commentées et traduites en anglais : J. A. Mcnamara et alii, Sainted Women of the Dark Ages, Duke, 1992.
29 M. Rouche, « Les religieuses des origines au xiiie siècle : première expériences », dans Les religieuses dans le cloître et dans le monde..., op. cit. n. 22, p. 18.
30 A. Diem, Das monastische Experiment : Die Rolle der Keuschheit bei der Entstehung des westlichens Klosterwesens, Münster, 2005, p. 162-175, 313-314, 333 ; A. de Vogüé, « Cesáreo de Arles y los orígenes de la clausura de las monjas : Mujeres del Absoluto », dans El monacato femenino, historia, instituciones, actualidad, dir. C. de La Serna González, Silos, 1986, p. 183-195 ; C. Lambot, « Le prototype des monastères cloîtrés de femmes : l’abbaye Saint-Jean d’Arles (vie siècle) », Revue liturgique et monastique, 23 (1938), p. 169-174.
31 Césaire d’Arles, Regula Sanctarum Virginum, c. 2 et 4.
32 Jonas de Bobbio, Vita Columbani, II, c. 13 : Tanta custodia matris enutrita intra coenubii fuit septa, ut nullatenus inter sexuum nouerit diiudicare naturam ; aequae enim marem ut feminam putabat, aequae feminam ut marem (MGH SSRM IV, p. 133).
33 J. Gaudemet, « Saint Augustin et le manquement au vœu de virginité », Annales de la faculté de droit d’Aix-en-Provence, nlle sér. 43 (1950), p. 5-15.
34 S. F. Wemple, Women in Frankish society, University of Pennsylvania Press, 1985, p. 157. Lettre d’Innocent Ier à Vitricius de Rouen (15 février 404), c. 13 (reprise de la lettre à Sirice aux évêques gaulois se chargeant de leur transmettre les canons d’un synode romain ; cette lettre est reprise dans le deuxième concile de Tours). Ph. Antoine, Le mariage, droit canonique et coutumes africaines, Paris, 1992, p. 85-94.
35 Ces mesures prises au concile de Tours reprennent en fait en grande partie, en y ajoutant l’exemple des Vestales, celles du Code théodosien.
36 J. A. Brundage, Law, Sex and Christian Society in the Medieval Europe, Chicago-Londres, 1987, p. 132. Il ne faut cependant pas oublier que le terme adulterium en était venu à désigner toutes les relations sexuelles hors normes, et faisait concurrence en la matière au mot stuprum.
37 Vita Genovefae, c. 31 : Les Vies anciennes de sainte Geneviève de Paris. Études critiques, éd. M. Heinzelmann et J.-C. Poulin, Paris, 1986 (MGH, SSRM III, p. 228).
38 Avit de Vienne, Lettre 55 à Ansemundus comte de Vienne (av. 518). Alcimi Ecdici Aviti opera quae supersunt (MGH AA 6/2), éd. R. Peiper, Berlin, 1883 ; Avitus of Vienne. Letters and Selected Prose, trad. D. Shanzer et I. N. Wood, Liverpool, 2002, p. 292-294.
39 A.-M. Helvétius, « Virgo et virago... », loc. cit. n. 7. Voir aussi K. Aspegren, The Male Women. A Feminine Ideal in the Early Church, Stockholm, 1990 ; M. Anjubault-Simons, La force dans la faiblesse. À propos du rôle des femmes dans l’Église (ive-xiie siècle), Paris, 1995 ; C. Nolte, Conversio und Christianitas. Frauen in der Christianisierung vom 5. bis 8. Jahrhundert, Stuttgart, 1995.
40 R. Le Jan, « Monastères de femmes, violence et compétition... », op. cit. n. 2 ; M. Gaillard, « Les origines du monachisme féminin dans le Sud et l’Est de la Gaule (fin vie siècle-début viiie siècle) », Les religieuses dans le cloître et dans le monde..., op. cit. n. 22, p. 45-52 ; ead., « Les fondations d’abbayes féminines dans le Sud et l’Est de la Gaule de la fin du vie siècle à la fin du xe siècle », Revue d’histoire de l’Église de France, 76 (1990), p. 5-20 ; A. Dubreucq, « Le monachisme féminin dans le Nord de la Gaule à l’époque carolingienne », Les religieuses dans le cloître et dans le monde..., op. cit. n. 22, ici p. 56-58 (liste des monastères féminins du haut Moyen Âge : p. 66-70).
41 A. d’Haenens, « Les excédentaires, agents du changement à partir du xiie s. Aux origines de l’excès comme valeur », Mélanges Albert Delcourt, Ath, 1989, p. 29-48 ; id., « Femmes excédentaires et vocation religieuse dans l’ancien diocèse de Liège lors de l’essor urbain (fin du xiie-début du xiiie siècle). Le cas d’Ide de Nivelles (1200-1231) », éd. H. Hasquin, Hommages à la Wallonie, 1981, p. 217-235. Voir les réactions de F.-O. Touati, Maladie et société au Moyen Âge, Bruxelles, 1998, p. 645-646 ; B. Delmaire, Le diocèse d’Arras de 1093 au milieu du xive siècle (t. 1), Arras, 1994, p. 336. Pour le haut Moyen Âge, l’hypothèse des femmes excédentaires est utilisée dans N. Pancer, Sans peur et sans vergogne. De l’honneur et des femmes aux premiers temps mérovingiens, Paris, 2001, p. 288 (pour expliquer toutes les possibilités des femmes de se réaliser en dehors du mariage). Sur l’idée d’une fuite plus générale des femmes face à un monde laïque dominé par les hommes : J. A. Mcnamara, « A legacy of miracles : Hagiography and nunneries in Merovingian Gaul », dans éd. J. Kirschner, S. F. Wemple, Women of the Medieval World. Essays in Honour of John H. Mundy, Oxford, 1985, p. 36-52. Cette thèse ne tient guère dans la mesure où les femmes n’échappent pas davantage aux stratégies familiales lorsqu’elles se retrouvent au monastère : H. W. Goetz, Frauen im frühen Mittelalter, Weimar, 1995, p. 110-111.
42 C. Angelidi, « Virginité ascétique : choix, contraintes et imaginaire (ive-viie siècle) », Comportamenti e immaginario della sessualità, op. cit. n. 26, p. 675-695 ; J. T. Schulenburg, Forgetful of their Sex. Female Sanctity and Society 500-1000, Chicago, 1998, p. 127-176.
43 M. Gaillard, « Les fondations d’abbayes féminines... », lot. cit. n. 40 ; A.-M. Helvétius, « Virgo et virago... », lot. cit. n. 7, p. 198.
44 C. La Rocca, « Pouvoirs des femmes... », loc. cit. n. 14, p. 44.
45 A. Barbero, Un santo in familia, Turin, 1991 ; plus précisément sur les problèmes de transferts des biens liés à cette double nécessité : éd. F. Bougard, C. La Rocca et R. Le Jan, Sauver son âme et se perpétuer, Rome, 2005.
46 R. Le Jan, « Monastères de femmes, violence et compétition... », op. cit. n. 2, p. 103.
47 J. T. Schulenburg, « Strict active enclosure and its effects on the female monastic experience (ca. 500-1100) », Medieval Religious Women. I : Distant Echoes, éd. J. A. Nichols et L. T. Shank, Kalamazoo, 1984, p. 51-86.
48 Le cas des monastères des Pippinides sont traités dans : R. Le Jan, « Monastères de femmes, violence et compétition... », loc. cit. n. 2, p. 105-107.
49 grégoire de Tours, Decem Libri Historiarum, VI, 16.
50 Éd. L. Piétri, « Angers », N. Gauthier et J.-Ch. Picard, Topographie chrétienne des cités de la Gaule des origines au milieu du viiie siècle (V). Province ecclésiastique de Tours (Lugdunensis Tertia), Paris, 1987, p. 125 ; ead., « Nantes », ibid., p. 91.
51 J. Biarne, « L’espace du monachisme gaulois au temps de Grégoire de Tours », dans Grégoire de Tours et l’espace gaulois, éd. N. Gauthier et H. Galinié, Tours, 1997, p. 118, 120, 125. Bazas est situé près de Bordeaux.
52 grégoire de tours, Decem Libri Historiarum IV, 26 : Eam graviter caesam custodiare mancipere praecipit ; in qua usque ad exitum vitae praesentis non mediocribus adtrita passionibus perduravit (MGH SSRM I, 1), éd. B. Krusch et W. Levison, Hanovre, 1937/1951.
53 Concile de Mâcon 1 (581/583), c. 20 : Les canons des conciles mérovingiens, trad. J. Gaudemet et Br. Basdevant, éd. C. De Clercq, Paris, 1989, p. 440-441.
54 (MGH SSRM IV), éd. B. Krusch, p. 139-140 ; traduit dans J. O’Caroll, « Sainte Fare et les origines », dans Sainte Fare et Faremoutiers, abbaye de Faremoutiers, 1956, p. 32-33.
55 Les liens entre les révoltes de moniales et les images apocalyptiques ont été traités par Avril Keely dans son exposé « From enclosure to excommunication and back. The revoit of the nuns of Poitiers », à l’International Medieval Congress de Leeds en juillet 2009, session Permeable Boundaries ? Questioning Enclosure, II.
56 Ainsi Radegonde à Poitiers repousse les démons qui, sous forme de chèvres, se placent sur les murailles de Sainte-Croix : Baudonivie, Vita Radegundis, II, 18 (ces démons qui se tiennent à l’extérieur s’opposent au Christ qui, dans la suite immédiate, vient visiter Radegonde à l’intérieur même de sa chambre).
57 Si l’on suit la description faite par grégoire de tours dans son récit des funérailles de Radegonde, les moniales étaient deux cents (Gloria Confessorum, c. 106).
58 R. Aigrain, « Le voyage de sainte Radegonde à Arles », Bulletin philologique et historique du Comité des travaux historiques, 1926-1927, p. 119-127.
59 Grégoire de Tours, Decem Libri Historiarum, IX, 39 (MGH SSRM I, 1), éd. B. Krusch et W. Levison, Hanovre, 1937/1951.
60 Sur la révolte de Poitiers, voir en priorité : G. Scheibelreiter, « Königstöchter im Kloster. Radegunde und der Nonnenaufstand von Poitiers », Mitteilungen des Instituts für Österreichische Geschichtsforschung, 87 (1979), p. 1-37 ; M. hartmann, « Regina esumus. Merowingische Königstöchter und die Frauenklöster im 6. Jahrhundert », Mitteilungen des Instituts für Österreichische Geschichtsforschung, 113 (2005), p. 1-19, ici p. 17. Sur les premières années du monastère : Y. Labande-Mailfert, « Les débuts de Sainte-Croix », dans Histoire de l’abbaye de Sainte-Croix. Quatorze siècles de vie monastique, éd. E.-R. Labande, Poitiers, 1986, p. 25-75.
61 Sur les révoltes monastiques au haut Moyen Âge : S. Patzold, « Ipsorum necesse est sub hanc dissensionem animas periclitari. Les révoltes dans la vie monastique médiévale en Europe occidentale », dans éd. Ph. Depreux, Revolte und Sozialstatus von der Spätantike bis zur Frühen Neuzeit, Munich, 2008, p. 75-90 (p. 85 sur la révolte de Poitiers). On trouvera dans cet article un rappel de toute la bibliographie récente au sujet des conflits et révoltes dans les monastères du haut Moyen Âge (il faut retenir en particulier : M. Wiech, Das Amt des abtes im Konflikt. Studien zu den Auseinandersetzungen um Äbte früh- und hochmittelaIter Klöster unter besonderer Berücksichtigung des Bodenseegebiets, Siegburg, 1999 ; S. Patzold, Konflikte im Kloster. Studien zu den Auseinandersetzungen in monastischen Gemeinschaften des ottonisch-salischen Reichs, Husum, 2000).
62 Grégoire de Tours, Decem Libri Historiarum IX, 39 (MGH SSRM I, 1), éd. B. Krusch et W. Levison, Hanovre, 1937/1951, p. 460 : Vado ad parentes meos regis, ut eis contumeliam nostram innotiscere valeam, quia non ut filiae regum, sed ut malarum ancillarum genitae in hoc loco humiliamur.
63 J. Verdon, « Le monachisme à l’époque mérovingienne. Le témoignage de Grégoire de Tours », Les religieuses dans le cloître et dans le monde..., op. cit. n. 22, p. 29-43.
64 Grégoire de Tours, Decem Libri Historiarum, IX, 40.
65 Sur Radegonde en tant que sainte et moniale, et ses idées sur la virginité consacrée, voir en particulier : J. Smith, « Radegundis peccatrix : Authorizations of virginity in Late Antique Gaul », dans éd. Ph. Rousseau et M. Papoutsakis, Transformations of Late Antiquity. Essays for Peter Brown, Aldershot, 2009, p. 303-326 ; S. gäbe, « Radegundis : sancta, regina, ancilla. Zum Heiligkeitsideal der Radegundisviten von Fortunat und Baudonivia », Francia, 16, 1 (1989), p. 1-30 ; une bibliographie étendue se trouve dans la notice « Radegonde » publiée sur le site du groupe de recherche Hagiographie et Histoire (HagHis) : http://haghis.blogspot.com/2008/03/radegonde02.html.
66 Venance Fortunat : à dame Radegonde, carmen, VIII, 5 : « D’ici, tandis que vous vous cachez dans le cloître (in claustra lates), votre regard s’élève jusqu’aux astres » ; à Radegonde, pendant sa retraite (du carême), carmen, VIII, 9 : « Repoussant tout le monde, vous allez vous confiner dans une grotte (antro) : c’est nous plutôt que vous enfermez en nous laissant au dehors », « je serai uni à vous par la prière, et je vous suis par la pensée là où une barrière (locus) m’interdit d’aller ». Venance Fortunat, Poèmes (Livres V-VIII), éd. et trad. M. Reydellet, Paris, 2003, p. 148,152.
67 Venance Fortunat, De excidio Thoringiae : Venance Fortunat, Poèmes (Livres IX-XI. Appendice. In laudem Sanctae Mariae), éd. M. Reydellet, Paris, 2004, p. 132-140. S. joye, « Les femmes et la maîtrise de l’espace au haut Moyen Âge », dans Les élites et leurs espaces : mobilité, rayonnement, domination (vie-xie s.), éd. F. Bougard, Ph. Depreux et R. Le Jan, Turnhout, 2007, p. 185-202.
Auteur
Université de Reims Champagne-Ardenne, CERHIC – EA 2616
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