Entre les murs
L’enfermement punitif des religieux criminels au sein du cloître (xiie-xve siècle)
“Kept within the walls”. Punitive confinement of criminous monks and canons in the cloister (12th-15th centuries)
p. 153-167
Résumés
Perçu comme en contradiction fondamentale avec la dimension spirituelle de la réclusion, l’enfermement punitif des religieux criminels est un aspect méconnu de la vie claustrale au Moyen Âge. La confrontation des sources normatives (coutumiers, statuts monastiques et canoniaux, injonctions épiscopales) avec les sources de la pratique (comptes rendus des visiteurs de l’ordre ou de l’évêque, délibérations du chapitre général...) des différentes communautés régulières entre le xiie et le xve siècle (hommes ou femmes, moines ou chanoines réguliers, exempts ou non) montre tout d’abord que la prison n’est pas la seule forme d’enfermement punitif. De l’interdiction de sortir de l’enceinte du cloître à l’emprisonnement dans un carcer, en passant par le confinement dans un lieu isolé, l’enfermement des religieux criminels participe d’un processus gradué d’excommunication – au sens de séparation de la communauté – du religieux coupable. L’emprisonnement pour fautes graves apparaît comme la forme la plus sévère d’exclusion temporaire. Il ne se réduit pourtant pas à cette dimension pénitentielle. L’usage de la prison se généralise au tournant des xiie-xiiie siècles, lorsque se constituent les « ordres religieux » au sens juridique (ordre de Cîteaux, de Prémontré, des chartreux, de Cluny). L’emprisonnement constitue alors l’une des seules peines afflictives du système pénal interne aux communautés régulières et sanctionne les religieux coupables de fautes graves (violences, homicide...).
The confinement for punishment and discipline of criminous monks and regular canons is an unknown aspect of medieval monastic life, certainly because monastic prison is commonly thought to be contradictory to spiritual understandings of seclusion. By comparing the normative sources (customaries, monastic decrees, episcopal injunctions) with the judicial and administrative documentation (monastic and épiscopal visitations, statutes from General Chapters, Vatican material) about different religious communities (men or women, monks or regular canons, exempt or nonexempt monasteries), this article demonstrates that incarceration was not the only form of confinement for penance and discipline. Indeed criminous religious could be gated within the precincts, kept in solitary confinement or imprisoned in a carcer. The confinement for grievous offences was the most severe form of temporary exclusion in a graduai process of excommunication understood as “separation from the community”. At the end of the 12th and the beginning of the 13th century, with the institutionalization of the religious orders (Cistercian Order, Premonstratensian canons, Carthusians and Cluniac houses), incarceration conserved his original penitential character but also became a penal sanction for troublesome monks and canons. It was one of the only afflictive punishments in the regular penal System. This could explain that the different General Chapters legislated for the construction of prisons in their monasteries and reserved imprisonment for crimes considered to be grave (violent crimes, homicide...).
Texte intégral
« Il y a de jeunes religieux qui paroissent surpris et scandalisés lorsqu’ils apprennent par ce chapitre qu’il peut y avoir des criminels, des fols et des prisons, et lorsqu’on leur dit qu’en effet il y en a1. »
1Dans le De Miraculis, rédigé vers 1134-1135, l’abbé de Cluny Pierre le Vénérable compare les moniales de Marcigny, dans le diocèse d’Autun, à des prisonnières volontaires : « Recluses dans le cloître salutaire et pour ainsi dire ensevelies dans cette sépulture vivifiante, elles attendent en échange de la présente prison, la libération éternelle, et à la place du tombeau, la résurrection bienheureuse2. » La clôture, comparée à un tombeau et à une prison, apparaît comme l’instrument de soustraction au monde permettant aux moniales de se consacrer pleinement à leur foi3. L’assimilation du cloître à une prison sanctificatrice dans la littérature spirituelle ne doit cependant pas conduire à occulter l’existence dans les monastères de prisons destinées à punir les religieux criminels. L’enfermement carcéral au sein de l’enfermement volontaire est un aspect méconnu de la vie claustrale médiévale. Cette lacune historiographique s’explique à la fois par le caractère épars et fragmentaire des sources conservées, mais aussi par les réticences des historiens du monde régulier, longtemps issus des rangs de l’Église, à étudier le sujet. À l’instar des critiques formulées par Mabillon en 1694 dans ses Réflexions sur les prisons des ordres religieux4, les prisons monastiques ont été perçues comme contraires à la dimension spirituelle de la réclusion. Jean Leclercq écrit ainsi en 1976 : « La prison claustrale [...] est presque aussi ancienne que la vie monastique elle-même. Son histoire est peu connue : sans doute n’en a-t-on pas été fier ; plus vraisemblablement, on s’est empressé de l’oublier quand elle eut pris fin, avec le tout début du siècle. Et, en effet, c’est là un chapitre assez sombre dans les annales de la vie religieuse5. »
2Depuis les années 1970, les études historiques sur l’enfermement carcéral au Moyen Âge se sont développées6. Si la plupart sont consacrées aux prisons laïques, certaines synthèses consacrent un chapitre à la prison monastique7. Reprenant les travaux de Mabillon, elles se bornent le plus souvent à poser les jalons d’une histoire institutionnelle de la prison monastique8. Rappelons-les brièvement pour commencer. Attesté dès le ive siècle, l’emprisonnement des religieux délinquants est mentionné dans plusieurs règles monastiques (Pacôme, Basile, Césaire d’Arles...), mais pas dans la règle de Benoît, ni le Praeceptum de saint Augustin9. En 817, le concile d’Aix-la-Chapelle, repris ensuite par Benoît d’Aniane, prescrit que les moines fugitifs ou violents soient enfermés dans un local séparé, construit dans chaque monastère10. Au xiie siècle, le décret de Gratien reprend un canon du concile de Tribur de 895 qui établit que le moine ou la moniale délinquante doit être séparé de la communauté et confiné dans un ergastulum, c’est-à-dire une cellule disciplinaire à l’intérieur du monastère11. L’usage de l’enfermement punitif est également attesté par le droit particulier des clercs réguliers. Certains coutumiers monastiques et canoniaux, rédigés à partir du xe siècle pour compléter les règles monastiques, ainsi que les décisions des chapitres généraux des ordres religieux sanctionnent les coupables de fautes graves d’une peine d’emprisonnement.
3Toutefois, on ne saurait envisager la prison monastique qu’à travers le prisme de ces sources normatives (coutumiers, statuts monastiques et canoniaux, injonctions épiscopales). L’enfermement claustral ne peut se comprendre sans une confrontation des normes aux sources de la pratique (comptes rendus des visiteurs de l’ordre ou de l’évêque diocésain, délibérations du chapitre général, suppliques adressées à la pénitencerie apostolique) et les sources archéologiques. L’étude systématique des sources issues des différentes communautés régulières entre le xiieet le xve siècle (hommes ou femmes, moines ou chanoines réguliers, exempts ou non12) montre tout d’abord que la prison n’est pas la seule forme d’enfermement punitif. De l’interdiction de sortir de l’enceinte du cloître à l’emprisonnement dans un carcer, en passant par le confinement dans un lieu isolé, l’enfermement des religieux criminels participe d’un processus gradué d’excommunication – au sens de séparation de la communauté – du religieux coupable.
4L’emprisonnement pour fautes graves apparaît comme la forme la plus sévère d’exclusion temporaire. Elle vise tout autant la contention du corps du coupable que son isolement physique. Elle permet en effet de séparer le coupable de la communauté, tout en le gardant entre les murs du monastère. L’enfermement des religieux coupables ne se réduit pourtant pas à cette dimension pénitentielle. L’usage de la prison se généralise à la fin du xiie siècle, lorsque se constituent les « ordres religieux » au sens juridique (ordre de Cîteaux, de Prémontré, des chartreux, de Cluny)13. Avec le transfert du délinquant dans un autre monastère ou sa livraison au bras séculier après dégradation, l’emprisonnement constitue l’une des seules peines afflictives du système pénal interne aux communautés régulières14. En enfermant les religieux délinquants, parfois à perpétuité, les ordres religieux entendent se préserver tout à la fois de la contagion du crime et du scandale qu’auraient pu générer l’expulsion du criminel et la publicisation de ses crimes. Un tableau des formes graduées de l’enfermement claustral permet d’en montrer à la fois les conditions et les usages.
5S’inspirant des Évangiles et de saint Paul qui prescrivent l’exclusion de ceux qui scandalisent leurs frères, la correction des moines et des chanoines délinquants consiste en l’excommunication ou mise à l’écart des frères coupables afin qu’ils s’amendent. La règle de Benoît prévoit ainsi d’isoler les moines coupables de faute grave en les excluant de la table commune, puis, s’ils persévèrent, en les excluant de la prière, de la vie commune et du travail commun. Si la mise à l’écart ne suffit pas, le coupable doit être expulsé hors du monastère15. Les coutumiers monastiques et canoniaux, rédigés dès le xe-xie siècle pour compléter les règles de Benoît et d’Augustin, de même que les statuts édictés à partir du xiie-xiiie siècle par les ordres religieux et les évêques reprennent le principe de mise à l’écart des coupables, en en durcissant les conditions. Désormais, le coupable d’une faute grave peut être enfermé. Cet enfermement est modulé en fonction de la gravité de la faute. Dans les injonctions promulguées en 1296 pour le prieuré bénédictin de Sheppey dans le Kent, l’archevêque de Cantorbéry, Robert Winchelsey, ordonne que les moniales querelleuses soient confinées pendant quatre jours continus dans le monastère. Si elles réitèrent ces disputes au-delà de trois fois, elles sont réputées incorrigibles et doivent rester dans un lieu fermé (in clause). Si elles sont coupables de conspiration à plusieurs reprises, elles sont consignées dans une « chambre tenant lieu de prison » (cameram loco carceris)16. Cette disposition met en exergue trois types d’enfermement punitif : le confinement au sein du cloître, l’enfermement dans un lieu isolé et l’emprisonnement dans un carcer.
6Le premier type d’enfermement consiste à assigner les coupables à l’intérieur du cloître (custodia claustralis). Cette restriction de la mobilité des religieux coupables montre qu’en temps normal, ceux-ci sortent régulièrement du monastère pour satisfaire aux impératifs gestionnaires ou religieux comme, par exemple, l’assistance au chapitre général17. La clôture monastique, matérialisée par les murs, la fermeture des portes ou encore le contrôle exercé sur les entrées des laïcs, n’implique donc pas l’absence de relations avec le monde extérieur. Ce n’est que lorsque les religieux transgressent la règle qu’ils voient les portes du monastère se refermer hermétiquement. L’assignation au cloître est employée par les évêques comme par les chapitres généraux des ordres religieux. En mars 1313, l’archevêque d’York, William Greenfield, punit un chanoine apostat et violent du prieuré de Bolton par une série de pénitences : le chanoine est placé au dernier rang de la communauté, il reçoit la discipline, est astreint à certains jeûnes et prend son repas sur le sol, au milieu du réfectoire. Ces pénitences sont assorties d’une interdiction de sortir du cloître, sauf pour se rendre à l’église, au réfectoire, au dortoir, au chapitre et à l’infirmerie18. En 1444, les statuts du chapitre général des bénédictins anglais prescrivent que le moine qui en frappe un autre de manière délibérée avec le poing ou un couteau devra rester confiné dans le cloître pendant un an19. En restreignant la circulation du coupable au sein des loca regularia, réservés aux clercs réguliers et soustraits au passage des laïcs, les autorités épiscopales et régulières définissent le cloître comme un espace de réclusion punitive.
7L’enfermement dans un lieu isolé apparaît comme le deuxième type de réclusion. Il est mentionné dans la plupart des coutumiers monastiques et canoniaux pour punir les coupables de fautes graves. Le coutumier de l’abbaye bénédictine anglaise d’Eynsham, rédigé au milieu du xiiie siècle, distingue ainsi le carter de la « maison secrète et pouvant être gardée20 ». La désignation de ce lieu de réclusion, distinct de la prison, varie en fonction des textes : lieu isolé (locus solitarius), lieu à part (locus privatus), petite maison (domuncula), petite chambre (mansiuncula ou camerula)21. Les coutumes des chanoines réguliers de Springiersbach et de Klosterrath (diocèses de Trèves et de Liège), datant du xiie siècle, décrivent ce lieu comme une chambre exiguë dans laquelle un homme seul peut à peine tenir. La pièce, fermée la nuit par un verrou, comporte un renfoncement « pour les secrets de la nature ». Elle est également percée d’une fenêtre afin que la lumière du jour pénètre et que « les cachettes du corps ne nourrissent pas les ténèbres de l’esprit22 ». Les sources de la pratique corroborent l’existence de ce lieu de réclusion isolé et fermé, mais sa localisation est rarement précisée. Il semblerait que cette chambre se situe parfois à proximité ou dans le dortoir23 ou dans l’infirmerie. Entre 1335 et 1349, William de Medburne, l’aumônier bénédictin de Tynemouth (diocèse de Durham), est excommunié pour avoir donné la communion à une femme sans autorisation de son vicaire. Jusqu’à ce qu’il obtienne l’absolution pontificale, il est placé seul dans une chambre de l’infirmerie à St Albans, maison mère de Tynemouth24. Le flou concernant la localisation et la désignation du lieu, parfois seulement désigné par l’expression « lieu approprié » (locus competens)25, montre que le lieu n’existe pas en tant que tel dans les bâtiments claustraux. Les supérieurs assignent cette fonction à une pièce au gré des besoins.
8Les conditions de détention sont parfois précisées. Le coutumier de Springiersbach et de Klosterrath indique que c’est à l’intérieur de cette pièce que le frère dort sur une litière de jonc ou de foin et qu’il mange du pain grossier à même la terre26. Les jeûnes infligés au coupable peuvent être continus, ou ne concerner que certains jours de la semaine. En 1351, l’évêque de Bath et Wells, Ralph de Shrewsbury, ordonne qu’une bénédictine de Cannington coupable d’incontinence soit enfermée dans une domo honesta et qu’elle jeûne au pain et à l’eau le lundi, le mardi et le vendredi27. Le coupable ne reste cependant pas tout le temps enfermé dans cette pièce. Il sort périodiquement de sa retraite pour assister, sans y participer, aux activités de la communauté28. Ainsi en 1321 l’archevêque de York, William Melton, place une cistercienne apostate, incontinente et rebelle de Keldhome dans une chambre pro ergastulo carcerali. Il précise que, pendant les heures canoniques, la moniale doit sortir de sa chambre pour être placée au dernier rang dans le chœur. Chaque mercredi et vendredi, elle est conduite pieds nus dans la salle capitulaire où elle reçoit la discipline de la main de la prieure. La moniale se voit également interdire le port du voile jusqu’à ce que l’archevêque mitige sa pénitence29. Les necessitates corporales sont également l’occasion de sorties : le religieux est conduit non pas avec les autres mais seul à l’infirmerie30. Le caractère pénitentiel de la réclusion se manifeste donc à la fois par l’enfermement dans un lieu séparé et par des sorties ponctuelles lors desquelles le frère ou la sœur doit s’humilier pour être pardonné. L’enfermement vise donc à exclure temporairement le pénitent pour mieux le réintégrer. La durée de la réclusion est toutefois rarement précisée31. Elle est en effet un élément de modulation de la pénitence en fonction des signes de contrition exhibés par le coupable et de l’appréciation du supérieur.
9Toutefois, comme le précise l’archevêque John Peckham lors de la visite du prieuré augustin de Lanthony en août 1284, si le religieux reclus dans une chambre reste endurci et s’il n’est poussé à la vraie pénitence ni par les exhortations, ni par les paroles, ni par les blâmes, il doit être mis en prison et aux fers32.
10La prison claustrale est désignée dans les sources par des termes précis comme carter, ergastulum, prisio ou encore camera fortis, ou par des périphrases qui insistent sur le caractère clos, gardé33 et secret34 du lieu d’enfermement. La prison se distingue de la réclusion dans un lieu isolé par sa configuration. D’après le coutumier d’Ulrich de Cluny et celui d’Hirsau, rédigés à la fin du xie siècle, on descend dans la prison par un escalier ou une échelle. La pièce n’a ni porte, ni fenêtre35. Les coutumes de Springiersbach et de Klosterrath décrivent la prison comme une petite chambre située dans la partie la plus secrète et la plus sûre du monastère. On y entre non par une porte, mais par un escalier un peu obscur36. Les coutumiers sont, en revanche, moins diserts sur la localisation de la prison. Les sources de la pratique ne nous renseignent guère plus. Seule l’archéologie permet de suppléer en partie au silence des textes. Dans son étude sur la prison en Angleterre, Ralph Pugh cite ainsi quelques exemples de fouilles, dont celles de l’important prieuré bénédictin de Durham. Le prieuré aurait possédé deux prisons au xve siècle. La première, située sous les escaliers du dortoir, sert à punir les fautes légères. Il s’agit d’une pièce de 7 m sur 3,6 m, éclairée par une fenêtre et dotée de deux petites chambres, l’une percée d’une ouverture pour faire passer la nourriture et l’autre munie de latrines. La seconde prison, la Lying House, utilisée pour les fautes graves, est située au sous-sol de l’infirmerie. Elle fait 7 m de long et l’on y accède par une porte fermée de l’extérieur par une barre en bois37. Il semblerait cependant que le témoignage des coutumiers, qui distinguent la prison proprement dite et un lieu isolé, ait largement influencé l’identification archéologique des lieux. La plupart du temps, il est difficile de distinguer les prisons des cryptes et des petites chambres utilisées pour entreposer les provisions. Les lieux d’aisances, les anneaux au mur ou la présence d’une petite ouverture pour laisser passer la lumière constituent souvent les seuls indices de la présence d’une prison38.
11Mentionné dans les coutumiers dès le xe siècle, l’usage des prisons semble se généraliser à partir de la fin du xiie siècle, lorsque les ordres religieux ordonnent la construction systématique de prisons dans les monastères. L’ordre de Cîteaux est le premier à légiférer sur la prison. En 1187, le chapitre général condamne les religieux homicides à être placés « sous la garde la plus étroite et dans la pénitence la plus rigoureuse ». En 1206, il autorise les monastères qui le souhaitent à construire des prisons pour enfermer les fugitifs et les malfaiteurs. En 1229, il rend obligatoire la construction de prisons dans tous les monastères pour enfermer les frères sodomites, voleurs, incendiaires, faussaires ou homicides39. C’est également dans les années 1230 que l’ordre de Prémontré ordonne que chaque province ou circarie possède au moins une « prison solide et résistante » (carcer fortis et firmus)40. Les autres ordres religieux prennent des dispositions similaires. L’ordre de construire une prison dans chaque monastère date de 1261 pour l’ordre des chartreux41, de 1276 pour les chanoines augustins anglais42, de 1279 pour les bénédictins anglais43, de 1286 pour l’ordre de Cluny44. La construction d’une prison dans chaque maison participe du processus d’institutionnalisation des ordres religieux, soucieux d’affirmer leurs prérogatives judiciaires face aux évêques, notamment grâce à l’instance du chapitre général45. Elle est concomitante de la rédaction d’un droit pénal propre à chaque ordre, qui classifie les délits et établit une échelle des peines. L’emprisonnement, qui sanctionne les crimes les plus graves, est présenté par plusieurs statuts comme l’équivalent pour les réguliers de la peine capitale pour les laïcs46. Il peut remplacer l’expulsion du monastère. Ainsi, à la fin du xiiie siècle, le chapitre général des bénédictins anglais prescrit à propos du moine qui se montrerait incorrigible qu’« on l’expulse loin du corps du monastère selon la règle, ou plutôt qu’on le maintienne en prison pour qu’il fasse pénitence selon la décrétale Ne religiosi du Liber Extra47 ». Le dépouillement des registres de délibérations des différents chapitres généraux montre que la peine de prison est régulièrement utilisée à l’encontre des religieux coupables de fautes graves ou des « incorrigibles ». La peine de prison représente 34 % des 147 sentences prononcées à l’encontre de religieux criminels par le chapitre général de Cîteaux entre 1276 et 1503. Chez les clunisiens, le nombre d’emprisonnements prononcés par le chapitre général est de 33 % sur 113 cas jugés entre 1236 et 148148. À la pénitencerie apostolique, 5 % des religieux rédigeant une supplique entre 1437 et 1492 (sur 660 suppliques) évoquent un emprisonnement consécutif à leur crime. La faiblesse de ce dernier pourcentage s’explique par le fait que de nombreux religieux fuient leur monastère avant d’être punis par leurs supérieurs49.
12Cependant, malgré les injonctions des chapitres généraux, tous les monastères ne sont pas dotés de prison. Lors de la visite de Chézery en 1486, l’abbé cistercien de Balerne note que le monastère ne comporte aucune prison et qu’aucune punition n’y est administrée50. Les coupables sont souvent enfermés dans des lieux de substitution. L’abbé de Cluny utilise ainsi le château de Lourdon, qui sert également de refuge aux moines en temps de troubles. En 1399, deux moines de Beaulieu-en-Argonne (diocèse de Verdun) y sont envoyés pour avoir conspiré contre leur supérieur51. Le cellier des monastères peut également servir à enfermer les religieux criminels52. Pour remédier au manque de prisons, les ordres religieux cherchent à centraliser l’accueil des prisonniers. En 1502, le chapitre général de Prémontré fait construire une prison centrale à côté de l’abbaye de Saint-Martin à Laon. La prison est gardée par un geôlier dont les appointements s’élèvent à 100 sols par an53.
13 Comme dans le cas de la réclusion dans un lieu séparé, le religieux est soumis à des jeûnes et à la discipline. En 1272, le chapitre général cistercien condamne les convers d’Aulps (diocèse d’Annecy), qui ont mutilé un moine, à être placés à perpétuité en prison, et à « être nourris au pain et à l’eau de tristesse et de douleur54 ». L’enfermement est parfois aggravé par l’enchaînement, notamment dans le cas des récidivistes ou des évadés. La dureté des conditions d’emprisonnement est dénoncée dans nombre de suppliques adressées par les religieux au pape. Ainsi, en 1450, Marcus Develicz, prêtre profès d’un monastère de Brandebourg, explique qu’un frère, en raison d’un vol, est capturé par mandat du supérieur et attaché avec des chaînes si fortement qu’il ne peut plus se mouvoir. Après huit jours passés dans ces conditions, le prisonnier meurt55. L’emprisonnement peut durer quelques jours, quelques mois ou toute la vie. Les sources normatives présentent la durée de l’emprisonnement comme proportionnelle à la gravité de la faute. Ainsi, lors de sa visite du prieuré augustin de Repton en mars 1496, l’archevêque de Cantorbéry, John Morton, prescrit que les chanoines en contact avec des femmes soient enfermés pendant sept jours à la première offense, vingt jours à la seconde, un mois à la troisième et trois mois à la quatrième56. Dans les faits, il est difficile d’estimer les durées d’emprisonnement. Lorsque les sources les précisent, il s’agit le plus souvent du temps passé en prison avant que les religieux ne s’échappent. En janvier 1461, Paul Borchardi, moine cistercien de Dargun (diocèse de Kammin), qui a frappé un prêtre avec un couteau, est enfermé pendant sept semaines. Il parvient à s’enfuir pour aller demander son absolution à Rome57. En outre, la durée prescrite lors de la sentence peut être mitigée. En 1317, Pierre de Cusello, moine clunisien de Nantua (diocèse de Lyon), vole l’équivalent de 10 sous. Il est enfermé dans une tour au pain et à l’eau pendant deux ans avant que le chapitre général ne demande à l’abbé de Cluny de remettre sa peine58.
14L’emprisonnement dans un carcer tout comme le confinement dans une pièce séparée mobilisent plusieurs frères ou domestiques pour s’occuper des frères reclus. On distingue les personnes chargées de l’entretien matériel de celles à qui incombe le soutien spirituel des prisonniers. Les constitutions de Lanfranc, rédigées au xie siècle et reprises par de nombreux coutumiers, mentionnent ainsi un frère chargé de conduire le coupable dans le lieu de réclusion et de garder les clefs du lieu59. Dans les coutumes de Springiersbach et de Klosterrath, ce rôle incombe au camérier et à un frère chargé de fermer la chambre du coupable pour qu’il ne puisse s’enfuir60. Les sources de la pratique évoquent de façon fugitive ces gardiens. Lors de la visite de son abbaye fille d’Hailes en 1261, l’abbé cistercien de Beaulieu (diocèse de Winchester) ordonne que deux moines gardent la prison afin d’empêcher toute évasion61. Les suppliques de la pénitencerie apostolique mentionnent, quant à elles, des convers chargés de garder les frères emprisonnés dans les monastères cisterciens62. Les frères à qui incombe la garde des lieux d’enfermement sont également ceux qui s’occupent des sorties des frères. Le coutumier bénédictin d’Eynsham prescrit que le gardien choisi par l’abbé doit fournir à manger au frère et le conduire hors de son lieu de réclusion pour les heures diurnes des offices63. L’entretien des reclus est parfois délégué aux serviteurs. Entre 1335 et 1349, l’aumônier bénédictin de Tynemouth, enfermé dans une chambre de l’infirmerie, se voit assigner un garcio, c’est-à-dire un domestique64.
15Le religieux coupable est mis à l’écart et n’a pas le droit d’adresser la parole aux frères. Les règles, les coutumiers et les statuts des chapitres généraux rappellent néanmoins que celui-ci ne peut être abandonné à sa solitude. Le supérieur doit nommer des seniores, c’est-à-dire les frères les plus anciens de la communauté, chargés de soutenir moralement le pénitent afin qu’il ne sombre pas dans le désespoir65. Si les reclus dans un locus solitarius peuvent sortir pour assister à l’office, les sources sont peu prolixes et contradictoires à propos des frères enfermés dans un carcer. Certaines autorités insistent sur le secours spirituel qui doit être apporté aux prisonniers. Ainsi, lors de la visite du prieuré augustin de Bourg-Achard en juin 1266, l’archevêque de Rouen, Eudes Rigaud, enjoint au prieur de donner un bréviaire ou un autre livre au chanoine incarcéré pour qu’il puisse dire ses heures et prier. Le prieur doit également confesser le prisonnier une fois par semaine et lui donner la communion66. En revanche, pour d’autres religieux, l’enfermement est synonyme d’exclusion de la communion. En 1495, deux moines cisterciens homicides de Chalivoy (diocèse de Bourges) se voient interdire de communier jusqu’à leur élargissement67. La présence de l’hostie dans le carter semble être le point d’achoppement. Le juriste et théologien Thomas de Chobham rappelle ainsi, dans sa somme de confesseurs rédigée vers 1215, que l’hostie, corps du Christ, ne doit pas pénétrer dans la prison, assimilée à une fosse immonde. Les prisonniers doivent être sortis de la prison pour communier68. La codification prémontrée de 1505 stipule que personne ne peut communier à l’intérieur de la prison. Pour communier, les prisonniers doivent être libérés de leurs chaînes par respect du saint sacrement. Ils sont soit conduits à la lumière devant la porte de la prison, soit hors de la prison dans un lieu approprié69. C’est sans doute pour suppléer à ce problème que la prison de la chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon est aménagée à l’époque moderne afin que les prisonniers puissent apercevoir par des lucarnes l’autel de la chapelle centrale de la prison et suivre ainsi l’office70. L’enfermement carcéral, en ce qu’il coupe le frère de la communauté, est durement ressenti. En 1319, un moine de Gloucester adresse une plainte à l’évêque de Worcester : il affirme que l’abbé l’a placé sans cause légitime sous une garde trop rigoureuse, le privant de tout entretien honnête, de la lecture des livres, de la conversation avec les frères, du confort de la saignée et des autres choses nécessaires à l’humanité et à la religion71.
16 L’enfermement punitif au sein des monastères est la forme la plus sévère d’excommunication, comprise au sens de mise à l’écart de la communauté. La solitude dans laquelle est plongé le frère vise à la fois à l’inciter à la pénitence et à protéger la communauté de la contagion et du scandale. Le caractère pénitentiel de cet enfermement explique qu’il puisse être intermittent, modulé et gradué en fonction des signes de contrition du coupable. À partir de la fin du xiie et du début du xiiie siècle, si de nombreux religieux continuent d’être enfermés dans le carter pour quelques jours en guise de pénitence, l’enfermement prend cependant une tournure plus pénale. Cette évolution est contemporaine du développement de l’enfermement punitif au sein des juridictions ecclésiastiques séculières72 et des justices laïques73.
17Concomitamment au transfert dans un autre monastère, l’emprisonnement est utilisé à la fois par les évêques et par les chapitres généraux des ordres religieux pour exclure le coupable de faute grave tout en le gardant entre les murs du cloître. L’enfermement sanctionne alors les religieux coupables d’homicide, de violence, de vol ou encore ceux qui récidivent. Au sein des ordres religieux en cours d’institutionnalisation, l’emprisonnement, parfois à perpétuité, participe de l’arsenal pénal mis en place tant par la rédaction de codifications que par la mise en œuvre de structures juridiques (chapitre général, définitoire, visites) affirmant leur compétence, face à l’ordinaire, dans la correction des coupables de fautes graves.
Notes de bas de page
1 Extrait d’un commentaire des statuts cartusiens réédités et mis à jour dans les années 1680 par Innocent Le Masson, grand général des chartreux, Exposition de nos statuts [Commentaire de la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon, vers 1767], éd. J. Hogg et A. Girard, Analecta cartusiana, 99/36 (2006). Sur ce texte ainsi que sur la prison monastique à l’époque moderne, voir, dans ce volume, la contribution de D.-O. Hurel, « La prison et la charité : les enjeux contradictoires de l’enfermement pour faute grave dans l’ordre de Saint-Benoît à l’époque moderne ».
2 Eapropter claustro salutari conclusae, et, ut sic dicam, vitali obrutae sepultura, pro praesenti coarctatione, sempiternam latitudinem, pro sepulcro, beatam resurrectionem exspectant. Unde prius mori quam egredi, ante occumbere quam limen designati ostii transpredi elegerunt, Pierre le Vénérable, De miracu-lis, éd. J.-P. Migne, Patrologie latine (abrégé PL), 189, col. 889 ; Livre des Merveilles de Dieu, éd. J.-P. Torrell et D. Bouthillier, Paris, 1992, livre 1, chap. 22, p. 149.
3 Depuis Tertullien, ce thème est classique dans la littérature spirituelle. Tertullien, Ad martyres, II, 8-9, Turnhout, 1953, p. 4-5. Sur la comparaison entre monastère et prison, G. Penco, « Monasterium-Carcer », Studio Monastica, 8 (1966), p. 133-143 ; J. Leclercq, « Le cloître est-il une prison ? », Revue d’ascétique et de mystique. Revue française d’histoire de la spiritualité, 47 (1971), p. 407-420 ; G. Constable, « Metaphors for religious life in the Middle Ages », Revue Mabillon, 19 (2008), p. 231-242.
4 J. Mabillon, Réflexions sur les prisons des ordres religieux, dans V. Thuillier, Ouvrages posthumes de dom Jean Mabillon et dom Thierry Ruinart, Paris, 1724, t. 2, p. 321-355, rééd. D.-O. Hurel, Paris, 2007, p. 990-1001. Voir D.-O. Hurel, « La prison et la charité... », art. cité.
5 J. Leclercq, Libérez les prisonniers. Du bon larron à Jean XXIII, Paris, 1976, p. 122.
6 Voir l’introduction générale de l’ouvrage.
7 R. B. Pugh, Imprisonment in Medieval England, Cambridge, 1968, chap. 18 ; J. Leclercq, Libérez..., op. rit., chap. 7 ; dir. N. morris et D. J. Rothman, The Oxford History of the Prison : The Practice of Punishment in Western Society, Oxford, 1995 ; J.-P. Gutton, « À propos de la prison ecclésiastique sous l’Ancien Régime », Foi, fidélité, amitié en Europe à la période moderne. Mélanges offerts à Robert Sauzet, Tours, 1995, p. 201-209, rééd. Pauvreté, cultures et ordre social, Lyon, 2006, p. 219-227 ; J. Mangei, « Klosterhaft und Klosterregel – Außenseiter in monastichen Gemeinschaften », Exil, Fremdheit und Ausgrenzung in Mittelalter und früher Neuzeit, éd. A. Bihrer, S. Limbeck et P. G. Schmidt, Würzburg, 2000, p. 61-71 ; J. Dunbabin, Captivity and Imprisonment in Medieval Europe, 1000-1300, Basingstoke, 2002, p. 144-158. Voir également les études plus ponctuelles sur l’Antiquité tardive et le haut Moyen Âge de B. Kober, « Gefängnisstrafe gegen Cleriker und Mönche », Theologische Quartalschrift, 59 (1877), p. 55-74, et K. L. Noethlichs, « Das Kloster als “Strafanstalt” im kirchlichen und weltlichen Recht der Spätantike », Zeitschrift der Savigny-Stiftung für Rechtsgeschichte : Kanonistische Abteilung, 111 (1994), p. 18-40.
8 À l’exception du chapitre 18 sur les prisons monastiques anglaises dans R. B. Pugh, Imprisonment, op. cit. et de l’article de M. Cassidy-Welch, « Incarceration and liberation : prisons in the Cistercian monasteries », Viator, 32 (2001), p. 23-42.
9 La règle de Pacôme prescrit ainsi d’emprisonner pendant sept jours celui qui diffame les autres à plusieurs reprises, PL, 23, col. 65-90. E. Pacho, « Carcere e vita religiosa », Dizionario degli Istituti di Perfezione, II, Rome, 1975, col. 261-276 ; J. Ohm, « Der Begriff “Carcer” in Klosterregeln des Frankenreiches », Consuetudines monasticae. Eine Festgabe für Kasssius Hallinger aus Anlass seines 70. Geburtstages, éd. J.-F. Anerer et J. Letzenweger, Studia Anselmiana, 85 (1982), P- 145-155-
10 Ut carcer his qui fugere aut pugnis baculisve inter se voluerint confligere aut quibus ex integro facte sunt regulares discipline habeatur huiusmodi quod in hieme ignis possit accendi, et atrium juxta sit quo possint quod eis injungitur operari, Synodi Primae Aquisgranensis Decreta Authentica (816), éd. J. semmler, Corpus consuetudinum monasticorum, vol. 1, Siegburg, 1963, p. 468. Ce canon est repris par Benoît d’Aniane dans la codification des règles et usages monastiques en 83 articles, Regula sive Collectio Capitularis, ibid., p. 524 ; J. Ohm, « Der Begriff “Carcer” », art. cité.
11 Ce texte est issu d’une lettre du pape Siricius (384-398) à Himerius, évêque de Tarragone : Ab ecclesia eliminandae et ergastulis retrudendae sunt monachorum uel monacharum inpudicae personae. Item ex Concilie Triburiensi, c. 6. Inpudicas detestabilesque personas monachorum scilcet atque monacharum, que abiecto proposito sanctitatis illicita ac sacrilega contagione se miscuerunt, et in arbitrium conscientiae desperatione perductae, de illicitis conplexibus libere filios procreauerint, a monasteriorum cetu ecclesiarumque conuentibus eliminandas esse mandamus, quatinus retrusae in suis ergastulis tantum facinus continua lamentatione deflentes purificatorio possint penitudinis igne decoqui, ut eis uel ad mortem solius misericordiae intuitu per conmunionis gratiam possit subueniri. Decretum magistri Gratiani, C. 27, q. Ic. 11, Corpus Iuris Canonici, éd. E. Friedberg, Leipzig, 1879 (réimpr. Graz, 1959), vol. 1, col. 1051.
12 L’étude compare les communautés régulières intégrées à un ordre religieux (Cluny, Cîteaux, Prémontré, chartreux) et les communautés appartenant à une nébuleuse moins définie sur le plan juridique, comme les moines adoptant la règle de Benoît ou les chanoines réguliers vivant sous la règle d’Augustin. Elle s’inscrit dans le cadre d’un doctorat portant sur « La criminalité dans les communautés régulières en Occident (France et Angleterre principalement), xiie-xve siècles », dir. F. Collard, université Paris Ouest-Nanterre-La Défense.
13 Sur le processus d’institutionnalisation des ordres religieux, voir F. Cygler, « Ausformung und Kodifizierung des Ordensrechts vom 12. bis zum 14. Jahrhundert : Strukturelle Beobachtungen zu den Cisterziensern, Prämonstratensern, Kartäusern und Cluniazensern », De ordine vitae. Zu Normvorstellungen, Organisationsformen und Schriftgebrauch im mittelalterlichen Ordenswesen, éd. G. Melville, Munich, 1996, p. 7-58.
14 É. Lusset, « Les transferts pro culpa des moines et des chanoines réguliers criminels en Occident (xiie-xve siècles) », dans Des sociétés en mouvement. Migrations et mobilité au Moyen Âge. Actes du 40e Congrès de la Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public, Paris, Publications de la Sorbonne, 2010, p. 177-182 ; S. Findlay, Canonical Norms Governing the Deposition and Degradation, Washington, 1941.
15 La Règle de saint Benoît, éd. A. de Vogüe, Paris, 1972, chap. 24, 25 et 28.
16 Registrum Roberti Winchelsey, Cantuariensis Archiepiscopi (1294-1313), éd. R. Graham, Londres, 1952-1956, vol. 1, p. 98-100.
17 Sur la clôture et la mobilité des religieux, J.-M. Le Gall, Les moines au temps des réformes. France (1480-1560), Seyssel, 2001, p. 310-315. Voir aussi dans ce volume la contribution de G. Cavero.
18 The Register of William Greenfield, Archbishop of York, 1306-1315, éd. W. Brown et A. H. Thompson, Londres, 1931-1940, vol. 2, p. 140.
19 W. A. Pantin, Documents Illustrating the Activites of the General and Provincial Chapters of the English Black Monks, 1215-1540, Londres, 1931-1937, vol. 2, p. 206.
20 Domus secreta et custodiae apta [...] iste locus proprie carcer non sit, The Customary of the Benedictine Abbey of Eynsham in Oxfordshire, éd. A. Gransden, Siegburg, 1963, p. 88 et 90.
21 Respectivement Registrum Epistolarum Johannis Peckham Archiepiscopi Cantuariensis (1279- 1292), éd. C. Trice Martin, Londres, 1882-1886, vol. 2, p. 706 ; Breviarium Caeremoniarum monasterii Mellicensis, éd. A. Angerer, Siegburg, 1987, p. 50 ; Chapters of the Augustinian Canons, éd. H. E. Salter, Oxford, 1922, p. 8 ; Bernard de Cluny, Ordo cluniacensis per Bernardum saeculi XI. scriptorum, Vetus disciplina monastica, éd. M. Herrgott, Paris, 1726, p. 252 ; Consuetudines canonicorum regularium Springirsbacenses-Rodenses, éd. S. Weinfurter, Turnhout, 1978, p. 43.
22 Locus autem est quedam camerula in competenti loco claustri, brevis et arta ad unius hominis capacitatem sufficiens, lumen dei admittens, ne tenebras mentis nutriant latibula corporis, secessum ad secreta nature habens, pertinens ad custodiam camerarii, a quo semper serata est, nisi tunc, cum aliquis in ea recluditur, S. Weinfurter, op. cit., p. 43.
23 En 1535, une cistercienne incontinente d’Esholt est condamnée to remayne in prisone, or in some secret chambre within the dorter, « Visitations in the diocese of York holden by Archbishop Edward Lee (a.d. 1534-5) », Yorkshire Archaeological Journal, 16 (1900-1902), p. 451.
24 Gesta Abbatum Monasterii Sancti Albani, éd. H. T. Riley, Londres, 1867-1869, vol. 2, p. 367.
25 En 1298, une cistercienne désobéissante de Greenfield se voit infliger la punition suivante : Segregantes eam in aliquo loto competenti et tuto sub bona custodia includatis, The Rolls and Register of Oliver Sutton, Bishop of Lincoln, 1280-1299, éd. R.M. T. Hill, 1948-1986, vol. 6, p. 115.
26 S. Weinfurter, op. cit., p. 44.
27 The Register of Ralph de Shrewsbury, Bishop of Bath and Wells, 1329-1363, éd. T. S. Holmes, 1896, vol. 2, p. 683-684.
28 Sur les déplacements du pénitent d’après les coutumiers, voir, par exemple, The Monastic Constitutions of Lanfranc, éd. et trad. M. D. Knowles et C.N. L. Brooke, Oxford, 2002, p. 148.
29 The Register of William Melton, Archbishop of York, 1317-1340, éd. R.M. T. Hill, D. B. Robinson et R. Brocklesby, Woodbridge, 1977-2002, vol. 2, p. 71-72.
30 S. Weinfurter, op. cit., p. 44.
31 Lors de la visite du prieuré de Godstow le 12 novembre 1284, l’archevêque de Cantorbéry prescrit que toute moniale désobéissante à ses ordres « soit quinze jours enclose en une chambre seuree en penaunce », Registrum Epistolarum Johannis Peckham, op. rit., vol. 3, p. 851.
32 Quod si sic reclusus manserit obduratus, orationes pro ipso a collegio dirigantur, et si nec exhortationis nec orationibus nec castigationibus ad veram poenitentiam inclinetur, carceri et vinculis mancipetur, ibid., vol. 3, p. 804.
33 Voici quelques exemples : in loco securo, dans The Register of Walter Langton, Bishop of Coventry and Lichfield, 1296-1321, éd. J.-B. Hugues, Woodbrige, 2001-2007, vol. 1, P. 57 ; carceri daudo et bene stricto, dans Statuts, chapitres généraux et visites de l’ordre de Cluny, éd. G. Charvin, Paris, 1965- 1982, vol. 3, p. 411 ; infra quatuor arcus monasterii, ibid., vol. 4, p. 505.
34 Le chapitre général des chanoines augustins anglais de 1288 évoque un locus secretus, firmus et tutus pour les malveillants et les fugitifs, H. Salter, op. rit., p. 24.
35 Carcer est talis in quem cum scala descenditur, nec ostenditur ostium, nec fenestram habet. Ulrich de Cluny, Antiquiores consuetudines monasterii Cluniacensis, PL, 149, col. 735, et Constitutiones Hirsaugienses, PL, 150, col. 1047.
36 Carcer est mansiuncula in secretiore et tutiore claustri parte sita, in quam non intrantur ostio, sed descenditur scala, sine aditu subobscura, S. Weinfurter, op. cit., p. 48.
37 W. Page, Victoria History of the County of Durham, Londres, 1905-1928, vol. 3, p. 131.
38 R. B. Pugh, Imprisonment..., op. cit., p. 378-379 ; sur les prisons cisterciennes, M. Cassidy-Welch, art. cité, p. 40-41.
39 Statuta Capitulorum Generalium Ordinis Cisterciensis, ab anno 1116 ad annum 1786, éd. J. Canivez, Louvain, 1933-1941, vol. 1,1187, 2, et 1206, 4 ; vol. 2,1229, 6.
40 Les statuts de Prémontré réformés sur les ordres de Grégoire IX et d’Innocent IV au xiiie siècle, éd. P.-F. Lefèvre, Louvain, 1946, p. 120.
41 Les ordinationes du chapitre général cartusien entre 1222 et 1259 autorisent les chartreuses qui en font la demande à se doter de prison, « Ordinations of the Carthusian general chapter between the Statuta Jancelini and the Statuta Antiqua », Analecta cartusiana, 100, 21, p. 132. Puis en 1261, le chapitre général ordonne : Singulae domus nostri ordinis carcerem sufficientem habeant, in quo ad agendam poenitentiam, recludantur crimnosi, et omnis qui minatur mortem vel ignem donec ipsis per capitulum aliter ordinetur, Statuta Antiqua ordinis carthusiani, PL, 153, col. 1135.
42 Et ut tales et consimilies arcius custodiantur, decernimus ut in singulis monasteriis nostre religionis, quorum facultates ad hoc sufficiunt, domus aliqua construatur simul cum vinculis et compedibus, H. Salter, op. cit., p. 8.
43 W. A. Pantin, op. cit., vol. 1, p. 112. Les statuts de 1343, réitérés en 1444, ordonnent : In omni monasterio sit carcer, in quo puniri possunt enormiter deliquentes, ibid., vol. 2, p. 42 et 200.
44 Diffinientes ut dominus Abbas statutum faciat quod per totum Ordinem inviolabiliter observetur ut singuli camerarii in suis provinciis, in loco in sua cameraria magis apto edificent et construant carcerem, ut sic incorrigibiles secundum quod per provincias inventi fuerint, per camerarios capiantur et carceri mancipentur, G. Charvin, op. cit., vol. 1, p. 438. D’après cette définition, chaque province doit avoir sa propre prison.
45 Voir notamment F. Cygler, Das Generalkapitel im hohen Mittelalter. Cisterzienser, Praëmonstratenser, Kartäuser und Cluniazenser, Münster, 2002.
46 En 1315, le chapitre général de Prémontré déclare : Statuimus ut quicumque de nostro Ordine deinceps tales excessus perpetraverint, propter quos, si essent seculares, et in seculo commorantes, poenam mortis incurrerent, vel si clerici, aut constituti in ordinibus, per diocesanos episcopos ad panent et aquam iudicarentur perpetuo, tales in quibuscumque ecclesiis eos in carcere detineri contigerit reficiantur solum pane et aqua, toto tempore vitae suae, nec eis amplius ministrentur aliud, omnibus super hoc obloquentibus, silentium perpetuum imponentes. Acta et decreta capitulorum generalium ordinis Praemonstratensis, vol. 1, XII-XV, éd. J.-B. Valvekens, Analecta praemonstratensia (abrégé Apraem), 43 (1967), p. 65.
47 Proiciatur a corpore monasterii iuxta regulant, vel pocius ad agendam penitenciam, juxta decretalem Extra de regularibus, Ne religiosi, in carcere teneantur, W. A. Pantin, op. cit., vol. 1, p. 112. La décrétale citée concerne la manière dont les fugitifs doivent être réintégrés dans le monastère dans des « lieux appropriés » (in locis competentibus), X. 3.31.24, éd. E. Friedberg, vol. 2, col. 578. Les Statuta nova cartusiens, rédigés en 1368, enjoignent que nullus pro quocumque crimine de ordine expellatur, sed pro modo criminis et delicti carceri perpetuo vel ad tempus intrudatur. The Evolution of the Carthusian Statutes from the Consuetudines Guigonis to the Tertia Compilatio, éd. J. Hogg, Analecta cartusiana, 99, 2 (1989), chap. 9.5.
48 Ces chiffres ne prennent en compte que les décisions des chapitres généraux concernant des religieux coupables essentiellement de violence verbale ou physique, d’homicide et de vol, d’après une recherche dans les registres du chapitre général cistercien édités par J. Canivez, op. rit., et les registres du chapitre général clunisien édités par G. Charvin, op. rit.
49 Archivio Segreto Vaticano, Penitenzieria apostolica Reg. Matrim. et Div. (abrégé ASV, PA), 2 à 33, complété par le dépouillement pour le pontificat d’Innocent VIII du Repertorium Poenitentiariae Germanicum, Verzeichnis der in den Supplikenregistern der Pönitentiarie Innocenz VIII, vorkommenden Personen, Kirchen und Orte des Deutschen Reiches, 1484-1492 (abrégé RPG), vol. 7, éd. L. Schmugge et alii, Tübingen, 2008. Sur les suppliques des religieux criminels, voir É. Lusset, « Des religieux en quête de grâce. Les suppliques adressées à la pénitencerie apostolique par des clercs réguliers violents au xve siècle », Médiévales, 55 (2008), p. 115-134.
50 Nulle sunt carceres, eciam nulle ibidem fiunt punitiones, J.-M. Roger, « La visite des abbayes cisterciennes de Savoie par l’abbé de Balerne (1486) », Mélanges à la mémoire du Père Anselme Dimier, éd. B. Chauvin, Pupillin, 1984, vol. 3, p. 157-216, ici p. 183.
51 G. Charvin, op. cit., vol. 4, p. 411.
52 En 1465, un carme apostat du diocèse de Leslau est enchaîné dans le cellier pendant six jours. ASV, PA, 12, f. 108, RPG, éd. L. Schmugge et alii, Tübingen, vol. 5, 2002, n° 1955, p. 223.
53 Acta et decreta capitulorum generalium ordinis Praemonstratensis, vol. 2, 1501-1530, éd. J.-B. Valvekens, Apraem, 45 (1969), p. 26. Voir également D.-O. Hurel, « La prison et la charité... », art. cité.
54 J. Canivez, op. cit., vol. 3,1272, 7.
55 ASV, PA 3, f. 170V, RPG, éd. L. Schmugge et alii, 1999, vol. 2, n° 478, p. 43.
56 The Register of John Morton, Archbishop of Canterbury, 1486-1500, éd. C. Harper-Bill, 1987- 2000, vol. 2, n° 380.
57 ASV, PA 9, f. 119V, RPG, éd. L. Schmugge et alii, 1996, vol. 4, n° 1291, p. 84.
58 G. Charvin, op. cit., vol. 2, p. 420.
59 The Monastic Constitutions of Lanfranc, op. cit., p. 148. Voir également le coutumier d’Eynsham, op. cit., p. 88.
60 S. Weinfurter, op. cit., p. 43.
61 British Library, Royal MS 12 E XIV, f. 75 ; C. Harper-Bill, « Cistercian visitation in the Late Middle Age : The case of Hailes Abbey », Bulletin of the Institute of Historical Research, 53 (1980), p. 103-114.
62 ASV, PA 7, f. 213r, RPG, éd. L. Schmugge et alii, 1996, vol. 4, n° 1003, p. 64.
63 Coutumier d’Eynsham, op. cit., p. 88.
64 Monasterii Sancti Albani, op. cit., p. 367.
65 B. Krings, « Das Ordensrecht der Prämonstratenser vom späten 12. Jahrhundert bis zum Jahr 1227 : der Liber consuetudinum und die Dekrete des Generalskapitels », Apraem, 69 (1993), p. 180.
66 Regestrum Visitationum Archiepiscopi Rothomagensis ; Journal des visites pastorales d’Eudes Rigaud, archevêque de Rouen (1248-1269), éd. T. Bonnin, Rouen, 1852, p. 547. D’après les statuts du chapitre général cistercien en 1232, les moines sont tenus de se confesser chaque semaine, J. Canivez, op. cit., vol. 2,1232, 8. Au xiiie siècle, la fréquence de la communion varie selon les textes normatifs. Grégoire IX prescrit que les religieux doivent au moins communier le premier dimanche du mois. Voir R. Grégoire, « La communion des moines-prêtres à la messe d’après les coutumiers monastiques médiévaux », Sacris Erudiri, 18 (1967), p. 524-549.
67 J. Canivez, op. cit., vol. 6,1495, 51.
68 Thomas de Chobham, Summa confessorum, éd. F. Broomfield, Louvain, 1968, p. 425.
69 « Statuta ordinis Praemonstratensis, 1505 », éd. J. Lepaige, dans Bibliotheca Praemonstratensis ordinis, Paris, 1633, rééd. Averbode, 1998, p. 849.
70 D’après l’Exposition de nos statuts [Commentaire de la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon, vers 1767], éd. J. Hogg et A. Girard, Analecta cartusiana, 99/36 (2006), citée par A. Girard, La chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon, Villeneuve-lès-Avignon, 1992, p. 35. La disposition actuelle de ce bâtiment, appelée la « bugade », remonte au xviiie siècle.
71 Worcestershire Record Office, b 716.093-BA.2648/2 (i), f. 38 ; Register of Thomas Cobham, Bishop of Worcester, 1317-1327, éd. E. H. Pearce, Londres, 1930, p. 34.
72 Voir la décrétale de Boniface VIII en 1298, qui reconnaît le caractère pénal de la prison, reprise dans le Liber Sextus, VI°, 5.9.3, éd. E. Friedberg, vol. 2, col. 1091. Sur l’Inquisition, voir l’article de J. B. Given dans le présent ouvrage.
73 Sur la peine de prison, voir, entre autres, J. claustre, « La prison de “desconfort”. Remarques sur la prison et la peine à la fin du Moyen Âge », dans La prison, du temps passé au temps dépassé. Actes du colloque international de Lille, 15-16 mai 2008, éd. S. Humbert et J.-P. Royer, à paraître.
Auteur
Université Paris Ouest-Nanterre-La Défense, CHiSCO – EA 1587
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