Résumés/Abstracts
p. 235-244
Texte intégral
1Sylvie Joye : « Le ravisseur et la femme ravie au haut Moyen Âge. Un couple devant la justice ? »
2Bien souvent, les couples issus d’un rapt ne passent pas devant un tribunal à la fin de l’Antiquité et au haut Moyen Âge en Occident, car un compromis est accepté socialement, alors que la loi y voit toujours quelque chose de répréhensible. C’est dans une Constitution de Constantin que naît le « crime de rapt » proprement dit : alors que jusque-là le rapt débouchait naturellement sur la formation d’un couple par le mariage réparateur, l’introduction d’une nouvelle définition juridique vise justement à empêcher toute reconnaissance d’un couple né du rapt. Le déshonneur ressenti par la parentèle de la femme, plus social que sexuel, pousse l’entourage à reconnaître le couple en dissimulant le rapt ou en obtenant que le ravisseur reconnaisse sa faute et fasse amende honorable devant la communauté. Le couple devient alors un couple de plein droit, comme ceux nés d’un mariage conclu selon les règles. Les lois barbares sont d’ailleurs en général assez permissives en ce domaine, tant que le ravisseur et la jeune fille ne sont pas de statut trop dissemblable, ce qui recoupe les préoccupations des parents. L’intérêt des ecclésiastiques, quasi nul à la fin de l’Antiquité, devient primordial à partir du ixe siècle, à propos du mariage et donc du rapt. Mais ceux-ci n’envisagent pas réellement les choses d’une façon différente : même si le couple est fondé sur l’amour ou du moins le consentement partagé (la réalité du consentement de la femme étant bien difficile à déterminer), la législation canonique sur le rapt montre un regain d’intérêt et de rigueur qui n’empêche pas la plupart des couples issus d’un rapt de perdurer : les traces du passage de l’homme (plutôt que du couple) devant un tribunal signent en général l’impossibilité de l’union.
3Very often, the couples made up through abduction or elopement don’t come in front of a court during Late Antiquity and early Middle Ages because a compromise is socially accepted, while the law always consider it as reprehensible. In the 320’, the emperor Constantine made a constitution which trully created the abduction as a specific crime, and distinguish it from rape. Until then, a couple would quite “naturally” be formed, and subsequently marriage would be settled, whereas the new legal definition aimed exactly at preventing any recognition of a couple after an abduction or an elopement. The dishounour-more of a social than a sexual nature-felt by the woman’s relatives, urges them to acknowledge the couple, as far as they can hide the facts or make the abductor admit his faults and the father’s authority in front of the community. The couple was then acknowledged as a true couple, just as if it would have been made up through a normal marriage. Moreover, barbarian laws were rather tolerant, as far as there was no huge discrepancy between the abducted girl’s social status and her abductor’s: that point is also the families’ great concern. The clergy shows no interest in marriage or abduction at first: it changes during the 8 and 9th century. Nevertheless, the ecclesiastical point of view doesn’t differ much from the lay one. Even if the couple is united by love or a mutual consent (whose reality is always difficult to determine from the sources), canon law is very strict about the prohibition of any subsequent marriage. But this doesn’t prevent most couples to perdure after an abduction or an elopement. Scarce sources evoke the abductor (rarely the couple) coming to court: when it happens, it seems that it is the end of it, whereas compromises allow often the survival of their couple.
4Myriam Greilsammer : « Dangereuse liberté. Élites, couples et justice urbaine dans les Pays-Bas médiévaux »
5La société des Pays-Bas, qui a adopté un droit à tendance égalitaire dès le xiiie siècle, a-t-elle accordé aux femmes le libre choix de leur conjoint ? L’attitude des villes envers les mariages de femmes majeures prouve le contraire. Les procès de ces couples en quête de liberté sont le corollaire direct du développement égalitaire de la condition de la femme. Le fait que dès le xiiie siècle les femmes se soient vu attribuer le droit d’agir en justice, d’hériter et de se suffire économiquement à elles-mêmes a renforcé l’inquiétude devant les risques inhérents à ces droits. En conséquence, le droit s’est attaché à lutter contre toute velléité d’indépendance, par la création de la fiction du rapt violent des femmes majeures. Les élites urbaines pouvaient d’autant moins accepter la liberté de choix de ces femmes en matière de mariage qu’elle mettait en danger l’avenir économique même de la famille et de toute la société des nantis. Cet article montre que cette opposition au libre arbitre des femmes majeures est inversement proportionnelle à l’amélioration de leur statut juridique dans les Pays-Bas.
6Fundamental legal rights have been granted to women in the Low Countries since the 13th century, but were they allowed to marry according to their own free will ? The analysis of the cities’ policy towards the marriage of emancipated women shows that this was not the case. The fact that, since the 13th century, women received the right to plead, to inherit and to earn their living by themselves, did reinforce the fear of their social and political environment. The legal actions taken against couples who tried to marry freely is precisely linked to the positive development of the legal status for women. As the authorities began to fight women’s demands for independance, they invented a kind of legal fiction : the accusation of abduction of emancipated women. The elites could not accept the possibility of women being free to choose their husband, as it put at risk the economic stability of their families and the society at large. This article shows that such an opposition to the free will of emancipated women regarding their marital choice is in fact inversely proportional to the improvement of their legal status in the Low Countries.
7Nicoleta Roman : « Le couple contesté. L’enlèvement dans les procès roumains (1800-1860) »
8Pour fonder un couple, jusqu’au xixe siècle, la société de Valachie continue de prendre en compte la décision des autres, notamment de la famille, mais aussi l’opinion publique et les autorités. Traditionnellement utilisé dans le milieu rural roumain, à partir duquel il gagne la ville où il est considéré comme un délit, l’enlèvement ou rapt demeure un moyen par lequel les jeunes gens cherchent à imposer leur volonté et leur désir, alors que le discours juridique des procès pénaux révèle la réponse de la société roumaine aussi bien que celle de la famille. Jugés et mis au pilori, la femme et l’homme comparaissent devant la justice, divisée dans les deux fors susmentionnés, choisissant de se défendre, de défier ou de céder. Au fil des ans, on observe une transformation du discours de tous ceux qui ont un rôle dans le procès pour enlèvement, chacun gagnant ou perdant comme acteur social. Malgré tout cela, le rapt demeure un moyen de forcer la légitimation, dans la sphère publique aussi bien que dans la sphère privée, de la future famille.
9For the society of Wallachia, up until the 19th century, when two young people decided to be married, they also had to take into account the decisions of others: mainly of their own families, but also those of local authorities, and public opinion. Although it originated in the setting of rural Romania, from where it spread towards the city where it was considered as a crime, abduction remained a means for young people to impose their own wishes. The discourse held in courts where such cases were brought reveals at the same time the response of Romanian society and of the family. Put to the pillory, the offenders were judged in the afore-mentioned courts, choosing to defy the charge brought against them, to defend themselves, or to yield. Over the years, one can see a change in the personal discourse of all those who were involved, in one way or another, in these abduction trials from which they emerge elevated or diminished in the public eye. Yet, abduction remained a means to secure by force a certain legitimation for the new family, both in the public and the private sphere.
10Carole Avignon : « Les couples clandestins devant la justice d’Église. Réflexions sur la normalisation matrimoniale judiciaire dans la France du Nord-Ouest à la fin du Moyen Âge »
11Le propos de cet article est d’étudier comment, pourquoi et à quelles fins des hommes et des femmes ont été amenés à répondre de la clandestinité de leur mariage, secret, irrégulier ou informel, devant un juge ecclésiastique de la France de l’Ouest à la fin du Moyen Âge. Certains couples sont cités à comparaître et mis à l’amende parce qu’ils se sont mariés sans publier préalablement les bans, ou sans produire tous les certificats exigés, ou bien sans s’être pliés aux rituels d’une noce in facie ecclesie. Quand l’échange des consentements a pu être prouvé, ils sont condamnés à régulariser a posteriori en solennisant leur union. D’autres personnes ont pu engager d’elles-mêmes une action judiciaire pour être reconnues par le juge comme le conjoint légal d’un partenaire qui peut vouloir s’engager en mariage avec un tiers, ou dont il craigne l’abandon. La dimension informelle de bien des mariages clandestins menace la stabilité du couple et hypothèque la légitimité des enfants s’ils sont assimilés à des concubinages. Mais quand le couple ne remet pas en question l’existence d’une union, irrégulièrement contractée au regard des dispositions synodales, il est possible que le recours au tribunal ou la mise à l’amende par le juge ecclésiastique constitue une option intégrée par ce couple dans le processus matrimonial pour parfaire après coup un mariage qu’il convenait de sceller au plus vite. L’étude des mariages clandestins implique de prendre en considération un grand nombre d’attitudes à l’égard des normes matrimoniales (canoniques, sociales) et de leurs usages par les laïcs. La diversité des déclinaisons possibles de l’infraction de clandestinité explique aussi la diversité des articulations possibles entre couples et justice : le juge sanctionnant, régularisant, les couples subissant ou pouvant instrumentaliser en partie le passage en justice.
12The purpose of this paper is to study how, why and to what ends men and women in Western France were sued by ecclesiastical judges in the Later Middle Ages for secret, irregular or so-called “clandestine” marriage. Some couples were brought before the court because of a lack of witnesses, banns, or certificates, or for neglecting the requirements of a ceremony in facie ecclesie. They were sentenced to pay a pecuniary fine and, if exchange of consent had been proved, to solemnize their marriage afterwards. Others instituted proceedings in order to be recognized as the legal husband or wife of someone who wanted to marry someone else, or because they feared one of the partners could desert. The lack of ceremony in many clandestine marriages could weaken matrimonial bounds and the legitimacy of children. When the couple did not question the reality of their union, regardless of its defects from a legal viewpoint, standing trial and being penalized could be a possible way to perfect afterwards matrimonial bounds which could have to be quickly contracted. The study of clandestine marriage involves considering many attitudes to the matrimonial norms (canonical, social) and their uses by the laity. Because of the variety of forms of this matrimonial infraction, one has to consider the various forms of judicial repression and the ways it was used or undergone by the couples.
13Gabriella Zarri : « Le mariage tridentin. Les doutes des évêques et la Sacrée Congrégation du concile »
14Cette contribution se propose d’illustrer un aspect peu connu de l’institution du mariage tridentin : la problématique au sujet de l’interprétation du décret Tametsi et les requêtes adressées par les évêques de différents diocèses d’Europe et d’ailleurs à la Sacrée Congrégation du concile durant deux siècles (xviiie-xviiie siècles). En analysant la riche documentation recueillie par le pape Benoît XIV, quand il était secrétaire de la Congrégation du concile, et l’œuvre inédite du canoniste Prospero Fagnani, l’auteur met en lumière les points controversés du décret tridentin sur le mariage. Elle met en évidence, aussi, la normative jurisprudentielle sortie des risolutiones données aux questions posées par les évêques à la Congrégation romaine. La formulation de la question, qui se réfère à des épisodes concrets et circonstanciés, fournit un échantillon intéressant de cas de mariages douteux, pour des raisons de nature institutionnelle et rituelle, non pour des conflits à caractère personnel, économique ou social.
15This paper wants to illustrate an aspect in the institution of Tridentine marriage which is not very well known : the controversy over the interpretation of the decree Tametsi and the requests sent in the 17th and 18th century by the bishops of different dioceses, in Europa and elsewhere, to the Sacred Congregation of the Council. Analyzing the rich documentation collected by pope Benoit XIV when he served as secretary for the Congregation of the Council, and the unpublished work of Prospero Fagnani, the author highlights the controversial points of the decree. She also evidences the prescriptive jurisprudential solution brought to the problem by the resolutiones, the answers that were made to the questions asked by bishops to the Roman congregation. The phrasing of their questions, which refer to specific episodes described in great detail, provides us with an interesting sample of cases of dubious marriages, which were so for institutional and ritual reasons, rather than for personal, economic or social motives.
16Daniela Lombardi : « Les conflits matrimoniaux et leur règlement dans les États italiens d’Ancien Régime »
17L’analyse sur la longue durée des plaintes portées devant les tribunaux d’Ancien Régime – séculiers et ecclésiastiques – nous aide à comprendre les déplacements d’une typologie à l’autre des actions en justice, en mettant l’accent sur les choix des actrices et des acteurs sociaux. En matière de mariage, au lendemain du concile de Trente, il ne fut plus possible d’intenter une action pour « mariage présumé », si le mariage n’avait pas été célébré devant l’Église par le curé de la paroisse et en présence de témoins. Par conséquent, les plaintes portèrent sur d’autres chefs d’accusation : la promesse de mariage non maintenue, jugée par les tribunaux ecclésiastiques, et la séduction, soumise à la juridiction aussi bien ecclésiastique que laïque. Les changements de normes ou des pratiques judiciaires obligeaient ainsi femmes et hommes à adapter leurs propres requêtes aux nouveaux contextes juridiques. Malgré la sévère condamnation ecclésiastique de la sexualité prénuptiale et en dépit des restrictions des privilèges juridiques jusqu’alors accordés aux femmes séduites, celles-ci continuèrent à s’adresser à la justice, sans pour autant s’exposer à l’humiliation de l’honneur perdu. Le fait d’avoir reçu une promesse de mariage continuait à les protéger, surtout en cas de grossesse illégitime.
18Analyzing the complaints voiced by married couples in cases of marital conflict brought to the ecclesiastical and secular courts of Early Modern Italian States, helps us to understand how the persons involved preferred one or other type of legal action, and to focus on their different choices. After the Council of Trent, it was no longer allowed to sue for presumed marriage, if the marriage had not been celebrated in front of the Church by the parish priest and in the presence of witnesses. Therefore the complaints moved to other suits: non-fulfillment of marriage promises, judged by ecclesiastical courts, and seduction, which could be adjudicated either before ecclesiastical or secular courts. Changes in law or judicial practices induced women and men to adapt their own claims to the new legal context. Despite the severe ecclesiastical condemnation of premarital sexuality and despite the limitations of the legal privileges which had previously been granted to seduced women, women continued to turn to courts without exposing themselves to the humiliation of honor lost. The promise of marriage given by their partner continued to protect them, especially in the case of illegitimate pregnancy.
19Roni Weinstein : « La famille juive et les litiges juridiques en Europe aux xvie et xviie siècles »
20L’article évoque la façon dont les litiges familiaux ont été traités dans les tribunaux juifs pendant l’époque moderne. L’anthropologie de la loi a fourni les outils méthodologiques pour examiner l’application des traditions rabbiniques, qui ont toujours joué un rôle prépondérant en ce domaine. Les conditions de vie, les contraintes politiques et économiques, et à coup sûr le profil démographique de la diaspora juive en Pologne et en Europe centrale, à Amsterdam et dans plusieurs villes italiennes étaient très diversifiés. Cependant, avec la mise en place de cours de justice juives ou d’institutions juridiques chargées de traiter des litiges familiaux pendant les xvie et xviie siècles, on peut déceler un processus identique : la difficulté des rabbins à maintenir leur contrôle basé sur la loi canonique talmudique.
21This paper offers a first insight into the way of settling family litigations in Jewish courts in the Early Modern Europe. The Anthropology of the law provided us with methodological tools to examine the enforcement of rabbinic traditions, which have always played a determining part in such questions. Living conditions, political and economic constraints, and the demographic profile of the Jewish diaspora were very different in Poland, Central Europe, Amsterdam, or several Italian cities. However, in the establishment of Jewish courts or legal institutions intended to settle family conflicts in the 16th and 17th century, one can see a similar process at work: the difficulties experienced by rabbis to maintain their control based on canonical Talmudic law.
22Martine Charageat : « D’un tribunal à l’autre. Les couples en justice en Aragon (xve-xvie siècle) »
23La circulation des couples aragonais en conflit, pour des questions matrimoniales, entre les divers tribunaux disponibles conduit à analyser une forme de nomadisme judiciaire et d’itinérance juridictionnelle pratiqués par les justiciables. Les plaignants ne portent pas leur litige à la connaissance des seuls officiaux mais sollicitent différents juges, laïcs et ecclésiastiques, en vertu de la stratégie déployée pour obtenir gain de cause. Cela signifie que le choix des juridictions est souvent planifié, selon que chaque procédure engagée vise à affaiblir directement la partie adverse ou l’un de ses témoins. Traquer, entre le xve et le xvie siècle, les changements concernant la manière de s’affronter par l’intermédiaire des juges révèle combien les hommes et les femmes ont une bonne connaissance des rouages judiciaires et des stratégies légales possibles, dans le champ de la conflictualité matrimoniale et au-delà des seules contraintes de droit.
24The circulation of conflicting married couples in Aragon from one court to another invites us to analyze a kind of judicial nomadism and jurisdictional wandering practiced by individuals. Complainants don’t merely submit their disputes to the official receiver but also resort to various judges, lay and ecclesiastical, by way of a strategy to win the case. Their choice often depends on the intention to weaken either the opposing side or one of the witnesses. Following the changes occurring between the 15th and 16 th centuries in the ways in which husband and wife oppose each other through the mediation of judge reveals their good knowledge of the judiciary System and legal strategies, enabling them to circumvent legal constraints.
25Claire Chatelain : « Procédure civile de séparation en haute robe parisienne à la fin du règne de Louis XIV »
26La justice du roi de France s’est peu à peu emparée des causes de séparation matrimoniales, de domicile et de biens. Le cas de l’action en justice (1704- 1709) intentée devant le parlement de Paris par madame de Pommereu, épouse d’un intendant disgracié, Jean-Baptiste de Pommereu, permet grâce à une documentation exceptionnelle (archives notariées, factums, archives judiciaires) de contextualiser ce procès. En situant les enjeux familiaux dans les difficultés de la transmission des positions sociales de leurs acteurs et les mutations de l’économie lignagère dont ils sont porteurs, l’analyse fait valoir la nouveauté et l’importance prise par l’expression en genre de ces problématiques dans le conflit de couple. La procédure accusatoire qui met aux prises chaque partie et médiatise ses plaidoiries en direction du public et des juges sert un dispositif judiciaire qui a sa propre logique de mise en forme des choses et permet un certain mode d’expression puis de résolution de la crise familiale vécue par les Pommereu.
27The justice of the King of France gradually took upon itself to settle cases of legal separation involving the separation of persons and goods. The case brought to the Parliament of Paris by Mme de Pommereu in 1704-1709, the wife of Jean-Baptiste Pommereu, a former steward fallen out of favour, allows us to reconstruct, thanks to the wealth of documents that have been preserved (notarized deeds, speeches for the defense, judiciary records), the historical context of the case. A close analysis of the case shows what was really at stake: the growing difficulty to transmit one’s social position, and the mutations of an economy based on lineage. The judicial procedure through which husband and wife have to go sets them against each other and mediates their grievances which have to be addressed to the audience and judges. This judicial System has a logic of its own; but it also fosters, by causing things to be presented and organized in a certain way, a means to express, and eventually to solve, the family crisis experienced by the Pommereu.
28Alessandro Stella : « D’amour ou de haine. Porter ses sentiments devant le juge ecclésiastique (Cadix, xviiie siècle) »
29Sous l’Ancien Régime, en particulier après le concile de Trente, nombreuses étaient les femmes mais aussi les hommes qui s’adressaient au tribunal de l’évêché pour résoudre un conflit de couple. L’accès à la justice ecclésiastique était ouvert à tous, riches comme pauvres, car ce tribunal s’était arrogé le droit de statuer sur les affaires matrimoniales. Ainsi des jeunes filles séduites ou abusées pouvaient demander l’accomplissement de la parole de mariage donnée, des femmes réclamer la séparation d’un mari violent, des hommes exiger le châtiment d’une femme qui les trahissait ou n’acceptait pas de leur être soumise. Le recours à une tierce personne, investie de l’autorité morale, religieuse et aussi civile à l’époque, était souvent le secours ultime d’individus qui n’avaient pas réussi à dirimer leur conflit par d’autres moyens, par l’intermédiaire de personnes de confiance en particulier. Cependant, ce recours au juge n’allait pas de soi et n’était pas sans risques : s’adresser au tribunal signifiait exposer ses difficultés en public, car l’obligation de présenter des témoignages et des preuves rompait forcément le secret et l’intimité. D’autant que la rumeur pouvait rajouter aux différends du couple, surtout quand on exposait au grand jour des sentiments qui touchaient à l’honneur féminin ou masculin. Là était probablement le plus gros prix à payer pour trouver une solution au conflit.
30In the Ancien Régime, especially after the council of Trent, many were the women and men who appealed to bishopric courts to settle marital conflicts. Access to ecclesiastical justice was open to all, rich and poor alike, for its courts had arrogated the right to decide in marital questions. Thus, seduced young girls were able to ask for the enforcement of a promise of marriage, wives to demand separation from a violent husband, husbands request the chastisement of an unfaithful or unruly wife. Appealing to a third party endowed with a moral, religious, or even civil authority, was often the last means for people to solve a conflict they had failed to solve otherwise, through the intermediary of trusted acquaintances. However, going to a judge was neither habitual nor without its risks : appealing to a court meant to expose one’s difficulties to the public, since the necessity to present testimonies and evidence forced couples to disclose their secrets and intimacy. Not to mention the fact that rumour could complicate the conflict of a couple, especially when feelings regarding male or female honour were discussed publicly. This was probably the highest price to pay for the resolution of the conflict.
31Constanţa Vintilă-Ghituţescu : « Usage des corps/usage des mots au tribunal. Conflits et réconciliations dans la société roumaine (1750-1830) »
32Notre étude examine la construction de la défense dans un système de droit où l’avocat ne constitue pas encore une présence. Arrivés devant la justice, les hommes et les femmes doivent bien fabriquer leurs stratégies pour dire, à l’aide des mots et des corps, une « vérité » supposée avoir gain de cause. À travers les archives judicaires produites par un tribunal ecclésiastique, nous analysons les comportements de ces acteurs sociaux et leur mise en œuvre. Les réactions et les actions des juges sont un autre objectif de notre recherche. Se tenir devant la justice en dit en effet beaucoup sur le rapport des gens au droit.
33This paper examines the way of building a defense in a law System where the lawyer, as a public servant, does not exist yet. When men and women were involved in a court case, they had to devise their own strategies to tell with words and gestures a “truth” likely to be heard. In the archives of various ecclesiastical courts, we try to analyze these strategies and how they are put into practice; the responses and choices of the judges are also an important point of our research. How men and women behave in court reveals much of their own relation to law.
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