D’un tribunal à l’autre
Les couples en justice en Aragon (xve-xvie siècle)
p. 153-166
Résumés
La circulation des couples aragonais en conflit, pour des questions matrimoniales, entre les divers tribunaux disponibles conduit à analyser une forme de nomadisme judiciaire et d’itinérance juridictionnelle pratiqués par les justiciables. Les plaignants ne portent pas leur litige à la connaissance des seuls officiaux mais sollicitent différents juges, laïcs et ecclésiastiques, en vertu de la stratégie déployée pour obtenir gain de cause. Cela signifie que le choix des juridictions est souvent planifié, selon que chaque procédure engagée vise à affaiblir directement la partie adverse ou l’un de ses témoins. Traquer, entre le xve et le xvie siècle, les changements concernant la manière de s’affronter par l’intermédiaire des juges révèle combien les hommes et les femmes ont une bonne connaissance des rouages judiciaires et des stratégies légales possibles, dans le champ de la conflictualité matrimoniale et au-delà des seules contraintes de droit.
The circulation of conflicting married couples in Aragon from one court to another invites us to analyze a kind of judicial nomadism and jurisdictional wandering practiced by individuals. Complainants don’t merely submit their disputes to the official receiver but also resort to various judges, lay and ecclesiastical, by way of a strategy to win the case. Their choice often depends on the intention to weaken either the opposing side or one of the witnesses. Following the changes occurring between the 15th and 16 th centuries in the ways in which husband and wife oppose each other through the mediation of judge reveals their good knowledge of the judiciary System and legal strategies, enabling them to circumvent legal constraints.
Texte intégral
1Les couples en justice dont je retiens l’histoire ici ne sont pas nécessairement unis par un lien matrimonial contracté dans le respect de la norme ecclésiastique et canonique. Ils sont l’association d’un homme et d’une femme mariés, en passe de l’être ou désireux de mettre fin à leur union. La conflictualité est alors d’essence matrimoniale et, ou conjugale, sans qu’il soit toujours facile de mesurer l’implication des familles ou des réseaux d’amis autour des parties en litige. Les procès cristallisent alors une partie de leur affrontement quand celui-ci arrive en justice, au sein des cours laïques, municipales et royales, et ecclésiastiques, en l’occurrence le tribunal d’officialité de Saragosse.
2Les juridictions sont requises distinctement, selon comment le plaignant espère obtenir satisfaction, mais, parfois, elles interviennent simultanément, dans un florilège de coups portés réciproquement par les adversaires, sans que l’action judiciaire soit subie, aussi bien par les hommes que par les femmes1. Il arrive cependant que le procès soit infligé par une autorité supérieure pour qui s’emparer d’un scandale privé recèle un intérêt particulier d’ordre politique, comme le fit Martin Ier en 1408, fermant tout accès aux autres juridictions du royaume au malheureux couple qui dut subir les foudres du monarque. La circulation des couples en conflit, individuellement ou collectivement, entre les divers tribunaux disponibles conduit ainsi à analyser une forme de nomadisme judiciaire et d’itinérance juridictionnelle pratiqués par les justiciables, à leur initiative ou non2.
3 Pour ce qui est de l’histoire du comportement judiciaire des couples aragonais dans le champ de la conflictualité matrimoniale, les jalons chronologiques restent encore à affiner entre le xve et le xvie siècle. Mais traquer malgré tout les changements concernant la manière de s’affronter par l’intermédiaire des juges s’avère doublement intéressant car cela montre la capacité des hommes et des femmes à solliciter sinon le juge adéquat, du moins le plus avantageux pour eux dans un premier temps, et à user d’un ou plusieurs tribunaux pour affaiblir l’autre. Les deux démarches ne se confondent pas exactement. En effet, nul n’ignore au Moyen Âge les contraintes de compétence qui commandent le fonctionnement des cours de justice. L’objectif de cette contribution est donc de mettre en évidence l’appropriation des tribunaux comme instrument d’affrontement par les époux, assistés ou non de leur famille, de leur parenté et alliés respectifs, sans que la réconciliation soit jamais le but recherché3.
4La démonstration envisagée commande de rappeler d’abord que la conflictualité conjugale pouvait aussi mener à des situations extrêmes et que le passage d’un tribunal à l’autre s’expliquait par la mort d’un des partenaires. Ensuite, il s’agit de montrer que les couples amenés à se disputer entre plusieurs tribunaux ne contrôlent pas cette circulation, ou en sont tout bonnement empêchés par un pouvoir supérieur. L’accent peut ensuite être mis sur ceux qui y parviennent, envers et contre tout.
De l’official au zabnedina : chronique d’une mort annoncée
5En 1477, Pascual del Molinar est accusé devant les jurats de Saragosse d’avoir fait exécuter sa femme Pascuala par un tueur à gages. Elle avait réclamé à l’official qu’il oblige Pascual à solenniser le mariage contracté entre eux et avait obtenu satisfaction, d’autant plus aisément qu’un enfant était né de cette union4. La réaction de Pascual, quoique isolée et radicale, marque combien la contrainte par justice a pu laisser des hommes et des femmes furieux et frustrés. Si l’on en croit les témoins du procès instruit par les jurats, Pascual del Molinar et Pascuala s’étaient unis par verbes de présent, avaient consommé le mariage et vivaient comme un couple légalement uni5. Le procès à l’officialité est introuvable. On n’en connaît les tenants et aboutissants que par les dépositions des témoins cités au procès pour homicide. Pascuala avait été obligée d’agir en justice auprès du tribunal ecclésiastique pour sauver son mariage. Le procureur de la ville rappelle que le frère de l’accusé, Johan del Molinar, clerc prébendier d’Alquezar, lui avait fait épouser une deuxième femme parce qu’elle était mieux dotée. Il savait pourtant que Pascual était déjà marié avec Pascuala et que leur union était consommée6.
6Le procureur explique que le meurtre de Pascuala était la seule façon de rendre le second mariage effectif et, en conséquence, il présente l’homicide comme une action organisée et préméditée, exécutée par un individu employé dans ce but. Le meurtrier ou tueur à gages serait un Gascon appelé Beltran de la Sala. Il aurait poignardé Pascuala sur le pas de sa porte alors qu’elle était en train d’allaiter son bébé. Un témoin, Johan de Laredo, rapporte qu’il a entendu Pascual prévenir sa femme du risque qui pesait sur elle. Elle n’a pas accepté les 500 sous qu’il proposait, au moment du procès devant le juge ecclésiastique, pour qu’elle se taise ou dise qu’elle n’était pas mariée avec lui. Le même témoin rapporte la réponse de Pascuala, radicale et exaltée, à cette tentative pour acheter son silence. Elle n’entendait pas vendre la foi en Jésus-Christ et elle préférait mourir, car elle était sûre que sa mort pour un tel motif ferait d’elle une martyre au paradis7.
7Son assassinat prouve à quel point l’insatisfaction causée par des sentences qui imposent un conjoint non désiré peut déboucher sur une deuxième procédure pour homicide, quand bien même les verbes de consentement auraient été réellement prononcés et prouvés. Droit et justice s’inclinent parfois devant les volontés familiales qui apparaissent en filigrane, derrière les figures très individualisées des litigants. Il arrive aussi que les conflits de couple supportent des implications politiques inattendues. Leur procès finit assez vite par échapper à leur contrôle et le jeu des juridictions s’impose à eux.
Les couples en justice malgré eux
8La volonté d’apaiser les tensions tout en affirmant leurs compétences encourage parfois les autorités à s’emparer du règlement d’affaires matrimoniales dont la nature conflictuelle déborde sur l’espace public, au mépris de ceux qui ont en charge la paix et la tranquillité dans les murs de la ville ou dans les limites du royaume. Deux magnifiques exemples illustrent une itinérance juridictionnelle qui, à bien des égards, échappe au contrôle des époux au point que l’on ne connaît ces affaires que par des textes qui ne sont pas les procès en soi, mais des actes du gouvernement municipal dans l’un des cas, des ordres royaux expédiés par lettre dans l’autre cas.
9En 1408, Martin Ier décide de prendre la main sur une affaire précise et d’en faire un exemple de sa capacité à rétablir l’ordre dans un royaume malmené par les luttes de bandos8. Les faits sont connus par une série de documents issus de la chancellerie royale9. Lupico de Gurrea et Francisca de Abella, parents au troisième degré de consanguinité par la lignée paternelle, se sont enfuis ensemble et se sont mariés de leur propre chef. Le frère de Francisca, chambellan et conseiller du roi, est furieux et entend faire payer au dit Lupico ce déshonneur infligé à son lignage. Sa position auprès du roi et l’amour que ce dernier lui porte conduisent à l’intervention du monarque dans le traitement de cette affaire. La fugue des amants est alors qualifiée de crime de rapt, Francisca devenant victime bien malgré elle10. La chancellerie désigne le rapt comme un vol (robaria), une prise (presión que malvadament et folla), un enlèvement de force (levada com si fortivolment). Le soi-disant rapt ayant eu lieu sur la voie publique, le crime de bris de sauvegarde (trencamiento de camino) est proclamé. Une telle interprétation des faits autorise le roi à faire passer l’affaire sous sa juridiction. Il peut alors revendiquer d’en être le juge, même s’il devient seulement partie par la suite.
10La métamorphose des faits pour soutenir les prétentions juridictionnelles royales et servir la puissance du monarque, au-delà du désir de complaire au frère de la jeune fille, ne crée pas pour autant la possibilité de juger vite et bien les faits déformés, y compris par le roi lui-même. En effet, Martin Ier a beau asséner et affirmer avec force sa majesté dans tous les termes requis en ce sens, il n’empêche qu’il a besoin d’un accusateur privé pour que l’enquête puisse avoir lieu11. En l’occurrence, la seule personne habilitée à accuser Lupico du crime de rapt perpétré à l’encontre de Francisca n’est autre que la mère de celle-ci. Le monarque la prie de bien vouloir se porter partie accusatrice pour que sa justice puisse pleinement s’exercer12. Or, Francisca de Heredia résiste longtemps. Ramon de Mur, bayle général nommé gouverneur du royaume dans le but d’occuper l’office de juge royal en charge du procès, met plus d’un mois à prêter serment et à investir son nouveau poste. Martin Ier s’en étonne. Se pourrait-il que Ramon de Mur fasse preuve de mépris à l’endroit de la majesté royale et cherche à porter atteinte notoirement à la chose publique13 ? La stratégie du roi, qui souhaite faire de Lupico un coupable idéal et lui infliger la peine de mort, marquant ainsi la toute-puissance de sa justice, ne remporte pas l’adhésion de tous les acteurs attendus. Francisca de Heredia, la mère de la prétendue ravie, ne paraît pas pressée de voir réparer cette atteinte à l’honneur de son lignage et s’érige en une sorte de complice bienveillante de sa fille. Martin Ier est obligé de revenir à la charge pour tenter de la convaincre, en lui expliquant que Lupico doit être jugé et châtié de manière exemplaire afin d’inspirer la terreur aux autres sujets et vassaux du royaume, et à tous ceux qui seraient tentés de commettre les mêmes actes14. Le fils de Francisca se fera émissaire royal auprès d’elle pour la convaincre d’engager la procédure. Il est celui qui semble rêver d’une destruction totale dudit Lupico dont l’attitude s’inscrit, aux dires du souverain, dans le mépris de la senyoria du roi et de sa corrección, mais encore en grant carga de su linatge. Sa mère finit par lui céder.
11Les amants sont arrêtés et aussitôt séparés, puisque Francisca est présentée comme une victime, malgré ses propres dires. Elle semble s’en tenir à la version selon laquelle elle s’est enfuie de son plein gré15. Cette fois, le couple affronte la justice, mais séparément. Le nomadisme judiciaire qui aurait pu les sauver et leur permettre de rester ensemble est tenu en échec par la volonté du roi, et surtout par celle du frère de la jeune fille qui se comporte en véritable ennemi de Lupico de Gurrea, sans que l’on en connaisse les motifs. La famille ou les amants eux-mêmes auraient pu solliciter la cour ecclésiastique, mais il n’en est rien et, plus encore, la demande de dispense pontificale pour cause de consanguinité semble avoir été anéantie sous les efforts du roi16. L’issue de l’affaire et le sort du couple ne sont pas connus à ce jour, mais les textes conservés sur l’activité de Martin Ier ne laissent pas augurer d’une fin très heureuse.
12Francisca et Lupico ne forment pas le seul couple à se retrouver autoritairement pris en charge par les puissants et partagé entre des juridictions. D’autres unions deviennent, elles aussi, des enjeux de pouvoir malgré elles. Le livre des actes municipaux de l’an 1469 raconte l’histoire de Diego d’Ateyde. Présenté comme étranger au royaume lors du récit des faits à l’assemblée municipale de Saragosse le 3 mars, on apprend qu’il est en conflit avec Johan Del Rio dont il affirme avoir épousé la fille. Celle-ci a été apparemment donnée en mariage à un autre homme par son père, qui refuse de reconnaître l’existence de la première union17. Diego tente alors de récupérer celle qu’il considère comme son épouse, en essayant de faire intervenir le prieur de Sainte-Christine, puis en se rendant chez les parents de la jeune femme pour la manifestar. Le verbe manifestar est délicat à interpréter : soit il cherche simplement à l’emmener avec lui, soit il est porteur d’un mandat émanant de la cour du Justicia d’Aragon, l’autorisant à procéder à la manifestación de la jeune femme. La manifestación consiste à placer sous l’autorité du Justicia toute personne et/ou ses biens dont le requérant craint qu’ils ne soient victimes d’abus de la part des juges inférieurs du royaume. Mais Diego n’a pas d’autre choix que d’essayer de soustraire la jeune femme aux griffes de sa famille pour empêcher qu’elle ne devienne définitivement l’épouse d’un autre. L’objectif est de se donner le temps de réaliser un procès devant un juge, l’official sans doute ici, avant de se retrouver sans épouse à réclamer. Mais Diego n’a pas trouvé sa promise au domicile familial.
13On reproche alors à Diego d’avoir suivi une démarche contraire aux manières de faire, notamment de faire enquêter sur les faits, dans un royaume où l’enquête est interdite depuis 1283. On l’accuse de contrevenir aux fueros pour dampnificar les Del Rio, c’est-à-dire porter atteinte à leur honneur. Les faits risquent de dégénérer et l’on craint que des affrontements armés (bolicios y scandalos) n’éclatent. L’affaire est donc portée à la connaissance des jurats. Ces derniers réagissent avec force : le cas de Diego Dateyde est qualifié de mauvais exemple, « mal fait », contraire aux lois du royaume18. L’assemblée municipale suggère le recours à la majesté du roi. Si celui-ci ne pourvoit pas à la situation, la ville agira en respectant l’usage et la coutume19. Le résultat est que, le mardi 7 mars, le conseil proclame le privilège des vingt contre Diego et ceux qui l’aideront20. Cela signifie qu’ils sont menacés de destruction en leur personne et en leurs biens21. La ville a repris à son compte les offenses qualifiées de novedades et insultos, susceptibles de déclencher des troubles et initialement commises contre la famille des Del Rio.
14Toutefois, le 13 mars, une lettre est remise aux jurats de la ville. La missive provient de l’archevêque et nous apprend que Diego d’Ateyde est un de ses familiers. L’archevêque fait savoir aux jurats que, pour ce qui est de la validité du mariage de Diego, il lui revient de trancher la question et que, pour ce qui relève de l’honneur de la ville, sa seigneurie entend y pourvoir a honrra de la ciudat22. La dernière partie de la phrase est ambiguë. Aussi, une fois le messager sorti de la salle, les jurats délibèrent et concluent à leur tour que, pour ce qui est de l’existence du mariage, le vicaire général ou l’official ont compétence pour en décider. En revanche, le problème de l’injure faite à la ville par le comportement du jeune marié éconduit est réglé, le privilège des vingt a été proclamé contre lui. Seule la submissio de Diego peut interrompre son exécution23. Les choses sont dites et les compétences clairement partagées autour d’un conflit matrimonial dont la donne juridictionnelle échappe en grande partie au couple, sans parler de la pseudo-épouse qui n’est pas nommée une seule fois. La conflictualité générée par ce mariage, revendiqué par une partie et nié par l’autre, est source d’effets que les autorités se répartissent à l’heure d’y mettre un terme dans un climat de concurrence liée à la proximité du fauteur de troubles et de son protecteur, l’archevêque. Le nomadisme judiciaire est largement déterminé par la volonté des détenteurs des justices en vigueur à Saragosse et dans le royaume d’Aragon, le roi faisant ici pâle figure, au-delà de la seule mention de sa majesté.
La résistance s’organise...
15Il n’est pas possible à ce jour d’établir une quelconque chronologie de la capacité des couples à s’emparer de la justice autrement que pour lui confier le soin de trancher leur litige matrimonial ou conjugal. La tâche est immense que celle de mesurer et de situer dans le temps les moments où ils semblent aller plus loin et user de la justice comme d’une arme pour affaiblir l’autre et lui faire perdre le procès, tout en laissant le juge décider de l’issue de l’affaire.
16Maria Lopez de Oliet a été enlevée en 1479, séquestrée pendant plusieurs jours par des hommes dont le chef veut lui faire épouser de force un dénommé Gomez de Périguet. L’auteur du rapt espère capter la fortune de cette veuve par le biais du mari complice, pour éteindre ses dettes. Seulement, Maria ne s’est pas laissé faire et, une fois libre, elle porte plainte. Elle fait appel non pas au tribunal du zalmedina, mais à l’official et au roi pour obtenir réparation et satisfaction des dommages subis pendant son enlèvement. Maria explique pourquoi lors de son interrogatoire à l’officialité. Pour obtenir sa libération, elle a dû jurer à ses ravisseurs de ne pas les accuser du crime de rapt auprès du tribunal urbain de Saragosse24. Mais elle n’a pas juré de ne pas porter l’affaire à la connaissance de l’official, ce qu’elle fait pour récupérer sa fama et son statut de veuve célibataire en déposant un libelle jactatoire. Il s’agit bien de se débarrasser de la réputation d’être mariée avec celui que ses ravisseurs ont essayé de lui faire épouser de force pendant leur périple. Elle se contente ainsi du juge qui peut l’aider à se libérer d’une union qu’elle n’a jamais désirée. La procédure pour jactance matrimoniale est celle qui s’impose25.
17On apprend également que Maria est allée « porter clameur » au roi pour les biens dont elle a été dépouillée par ses ravisseurs26. L’intérêt de cet exemple est de montrer que, au xve siècle, une veuve sait à qui s’adresser pour défendre ses intérêts, alors même que ceux qui l’ont agressée l’empêchent d’agir contre eux. À défaut de faire punir ses ravisseurs, elle peut tenter de contrecarrer les effets de son enlèvement et obtenir réparation pour les dommages collatéraux. Elle n’a pas renoncé à la justice pour se protéger et elle a eu raison. Gomez de Périguet se voit imposer le silence : l’official lui interdit à l’avenir de prétendre être son mari. Quant aux autres, s’ils ne sont pas châtiés pour rapt, ils l’ont peut-être été pour vol, mais rien ne l’indique à ce jour.
La valse des juges : l’affaire Luis Mombuy
18Les choses sont nettement plus complexes dans le dossier Luis Mombuy qui se déroule au tribunal de l’officialité en 1560-1561. L’affaire est connue par deux procès, l’un qui rassemble trois causes au civil, l’autre qui contient les actes de la procédure criminelle jugée par le procureur fiscal27. Si l’on en croit son procureur, ledit Luis serait victime d’accusations mensongères ou du moins non fondées parce que relevant d’un « complot », ce qui rendrait selon lui les témoignages irrecevables. Luis Mombuy, amateur de femmes, a promis ou contracté plusieurs mariages à la fois, à Saragosse et ailleurs. Mais deux de ses victimes finissent par l’apprendre et s’investissent dans ce qui tourne à l’acharnement judiciaire contre lui. Il s’agit de Maria de Vera, veuve d’un notaire, et Pétronille Despada, jeune fille, les deux habitant Saragosse. Elles sont aidées par leur mère et d’autres parents, dont le frère de Pétronille. L’entente est soigneusement mise en œuvre entre les deux femmes et leurs familles pour mener une action conjointe et obtenir que le second mariage (avec Pétronille) soit déclaré nul au profit du premier (avec Maria). La répartition des rôles est justifiée par le fait que Maria de Vera est une veuve avec des enfants, pour qui retrouver un mari semble économiquement important, tandis que la seconde est une jeune femme dont l’avenir matrimonial n’est pas joué28. Pour nier l’existence de toute union avec Maria de Vera, le procureur de Luis Mombuy fait valoir que son client ne pourrait s’« enticher » d’une femme âgée, laide et encombrée d’enfants29. Il est clair que Luis préfère demeurer avec Pétronille.
19Lorsqu’il lui a suggéré de procéder à leur mariage sans passer par la publication des bans, Pétronille s’est doutée de quelque chose et le pot aux roses a été découvert. En accord avec Maria, elle met au point une stratégie offensive auprès de l’official30. Maria de Vera se charge de réclamer Luis pour mari et les Despada s’engagent à assumer les frais de la procédure. Le frère de Pétronille s’occupe de faire venir les témoins adéquats jusqu’à Saragosse pour déposer contre Mombuy. Ils sont acheminés, logés et entretenus à Saragosse dès qu’ils sont cités à comparaître, aux frais de la famille Despada. Leur interrogatoire permet d’apprendre comment ils ont été trouvés, convaincus de comparaître et préparés en ce sens31. Certains ont eu connaissance des articles et positions sur lesquels ils allaient être interrogés avant d’accepter de déposer.
20En réalité, Luis ne subit pas totalement l’action judiciaire au sein du tribunal ecclésiastique, d’autant que la charge offensive a déjà été lancée en amont par Maria de Vera auprès d’autres juges, dont les maîtres inquisiteurs, sur les conseils de son confesseur32. Luis contre-attaque alors à l’officialité, en déposant contre Maria de Vera un libelle « jactatoire ». Il se plaint qu’elle jacte d’être mariée avec lui, ce qu’il nie vigoureusement. La veuve riposte à son tour par une proposition super foedere matrimonium par le biais de laquelle elle le réclame pour mari. À cela, Luis fait valoir qu’il est engagé auprès de Pétronille Despada. Or il ressort que celle-ci, avec l’aide de sa mère et de son frère, met tout en œuvre pour obtenir le descasamiento. Elle dépose une pétition en ce sens, pour nullité, en arguant que son mariage avec Luis ne peut avoir de valeur puisqu’il est déjà marié avec Maria de Vera et que, de surcroît, on lui connaît une autre épouse en vie, résidant à Valence, appelée Isabel Joan Sesé. Cette énième épouse est un témoin essentiel que les Despada arrivent à faire citer et venir depuis Valence. Elle dépose notamment dans l’autre procès, celui instruit au criminel par Ximenez Garcia, le procureur fiscal jugeant Luis pour bigamie.
21C’est au cours de cette autre procédure qu’il apparaît que Luis a fait des promesses de mariage son fonds de commerce, pour obtenir les faveurs sexuelles des femmes qu’il séduit33. Pour lui, promettre le mariage par tromperie, c’est-à-dire sans intention véritable de se marier, ne vaut pas engagement et ne crée pas le lien matrimonial34. Fraudeurs et escrocs enchaînent ainsi les promesses et les serments sans se sentir contraints de respecter leur parole35. Ce régime de croyance, sincère ou feint, est au fondement des affaires de bigamie jugées par les tribunaux hispaniques d’officialité et d’Inquisition au xvie siècle. Les croyances erronées sont généralement la cible des procès, au moins pour le délit des mariages multiples, à partir de l’époque moderne36. Le délit de bigamie a favorisé la circulation des accusés entre tribunaux inquisitoriaux et officialités, par la volonté de l’Église. Que les partenaires floués choisissent de multiplier les procédures au sein d’autres juridictions relève généralement de leur initiative et concerne en partie les effets non sacramentels du mariage frauduleux dont ils ont été victimes.
22Marchand originaire de Cerdagne, Luis Mombuy a joué de sa mobilité professionnelle et de ses origines pour tenter de faire accroire qu’il n’est pas celui que l’on dit. Pour éviter qu’il ne quitte la ville et affaiblir d’emblée sa position en faisant ressortir ses mensonges, les Despada ont d’abord obtenu de le faire emprisonner pour dette en la prison municipale de Saragosse. Pour ce faire, ils ont proposé de racheter une de ses dettes, contractée auprès du magnifique Pedro de Aliaga, marchand de tissus, à condition que ce dernier fasse jeter Luis en prison37. Pendant ce temps, Maria de Vera, qui a dénoncé Luis aux « seigneurs inquisiteurs », se laisse convaincre par les Despada de le réclamer pour mari auprès de l’official. Cette volonté acharnée des femmes trompées aura pour résultat de faire passer Luis Mombuy par toutes les prisons principales de la ville, ce qui implique une procédure par geôle fréquentée. Ces attaques judiciaires, déclenchées avant ou pendant les actions au tribunal diocésain, sont menées par accusateurs interposés, sorte de complices intéressés. Le créancier de Luis n’avait pas prévu de le faire traduire en justice aussi vite mais il se laisse convaincre par les Despada de ne pas attendre plus longtemps. Luis ne peut sortir de prison qu’en payant la dette ou en attendant que la justice urbaine suive son cours.
23Il se défend et il contre-attaque en recourant aux juges par lesquels il peut espérer ralentir ou paralyser les actions menées contre lui à l’officialité. Il a essayé de se protéger en agissant auprès de la cour du Justicia d’Aragon, par le biais d’une procédure de manifestación dont il ne reste malheureusement aucune trace. Par ailleurs, il a réussi momentanément à paralyser un témoin crucial de la partie adverse. Le procureur fiscal explique comment l’accusé s’y est pris pour faire enfermer Bertholomeva Castellano, avant qu’elle puisse témoigner contre lui dans la procédure civile engagée par Maria de Vera. Lui aussi est passé par un intermédiaire. Antonio Gaceta, sergent à la cour du zalmedina, a accepté de porter l’accusation auprès de la juridiction urbaine de Saragosse, en imputant à Bertholomeva le crime de proxénétisme. Luis a soutenu l’accusation en révélant une fausse information et s’est offert comme témoin dans le but de lui nuire, tout cela dans le plus grand mépris de l’autorité de l’archevêque et de ses officiaux38. Il a donc fait un faux témoignage et obtenu qu’elle soit enfermée dans la prison municipale de Saragosse, au moment où elle allait déposer contre lui39. Le procureur fiscal n’est pas dupe. Il sait que Bertholomeva aurait témoigné contre Luis et que ce dernier ne l’ignorait pas40. L’affrontement par juridictions interposées ne se fait pas seulement entre les parties en litige, il participe aussi de la mise hors jeu des témoins les plus dangereux. Les armes ne sont pas celles qui donnent la mort physique mais la mort sociale, et elles s’avèrent redoutables en ce sens. Dans le cas de Bertholomeva, face à qui Luis ne craint pas de tromper les institutions, le procureur fiscal estime que la stratégie dont elle est victime procède de la haine et de la rancœur d’un homme qui cherche par tous les moyens à l’injurier et à lui faire affront41.
24Le texte montre combien nombre de juges différents ont été sollicités par les parties pour faire tomber l’adversaire ou s’extraire d’une mauvaise passe juridictionnelle. Inquisition, Justicia d’Aragon, zalmedina, official ecclésiastique et procureur fiscal de la cour de l’archevêque sont tous là, acteurs de la justice du royaume et de sa capitale. L’affrontement est long et sans pitié. Tous les coups sont permis, y compris les fausses accusations pour bloquer la partie adverse ou l’un de ses témoins dans une juridiction afin de triompher dans une autre. L’affaire Luis Mombuy est-elle exceptionnelle ? Ce n’est pas certain, d’autres exemples existent dans le fonds des causes civiles conservées aux archives diocésaines de Saragosse, où les plus grandes fraudes matrimoniales apparaissent comme les plus respectueuses du droit canonique et dont les auteurs mobilisent sans scrupule toutes les ressources judiciaires à leur disposition42.
Conclusion
25Les changements observés entre le xve et le xvie siècle renforcent l’idée que au xvie siècle, les couples savent jouer des procédures et des juridictions pour s’affronter dans les champs matrimonial et conjugal. Toutefois, cela fonctionne dès lors que les parties sont capables de jouer avec la norme matrimoniale canonique, c’est-à-dire l’enfreindre tout en donnant l’impression de demeurer dans la légalité. Le cheminement d’un tribunal à l’autre n’est plus seulement conditionné par les faits ou imposé par les autorités chargées de la justice. Il est voulu, préparé, voire anticipé. En conséquence, les juridictions interviennent aussi de manière simultanée, à l’initiative des parties en litige qui s’affrontent désormais à coups de procédure et plus seulement de rixes, d’injures ou de vengeance mortelle.
Notes de bas de page
1 M. Kelleher, The Measure of Woman. Law and Female Identity in the Crown of Aragon, Philadelphie, 2010.
2 R. Helmholz, « Crime, Compurgation and the Courts of Medieval Church », Law and History Review, 1, 1983, p. 1-26 ; W. R. Jones, « Relations of the Two Juridictions : Conflict and Cooperation in England during the Thirteenth and Fourteenth Centuries », Studies in Medieval and Renaissance History, 7, 1970, p. 77-210.
3 Emmanuel Falzone a par exemple très bien montré pour Cambrai comment les juges ecclésiastiques privilégient la réconciliation des couples indépendamment de toute considération non sacramentelle justifiant les demandes de divorce déposées à l’officialité. Voir son article : E. Falzone, « Entre droit canonique et pratiques laïques : les couples en difficulté devant l’officialité de Cambrai (1438-1453) », Revue du Nord, 89/372, 2007, p. 789-812.
4 Archivo Historico Municipal de Zaragoza (AHMZ), Procesos ante jurados, caja 08079, n° 85. Le procès est édité dans M. C. García Herrero, Las mujeres en Zaragoza en el siglo xv, Saragosse, 1990 (Cuadernos de historia de Zaragoza, 62), t. 2, p. 232-248.
5 AHMZ, Procesos ante jurados, caja 08079, n° 85 : [...] Como marido e muller estavan e havitavan en una cassa, comian en una taula e dormian en un leyto, et como marido e muller se tractavan el uno al otro e por taes marido e muller legitimos fueron, eran tenidos e reputados por todos aquellos que dellos avian noticia e conexenca.
6 Ibid. : [...] Et el dito mossen Johan, porque el dito Pasqual huviesse los bienes de la dita Martina, fizo hir al dito Pasqual a la dita villa de Alquezar et fizo esposar el dito Pasqual con la dita Martina por palavras de present. El quai dito mosen Johan sabia como el dito Pasqual era esposado con la dita Pasquala, e como por copula cornai era consumado.
7 Ibid. : [...] E que encara el dito Pasqual su marido, le movia partido que el le daria cincientos sueldos porque ella collasse e dezisse que no era casada con el. Empero que no plaziesse a Dios que ella hoviesse de vender la fe de Jhesu Christo, que mas queria morir que fazer aquello, que entendia que si sobre tal cosa moria, que seria martir en Parayso.
8 E. Sarasa Sanchez, Sociedad y conflictos sociales en Aragon, siglos xiii-xv, Saragosse, 1981 (Historia de los movimientos sociales).
9 A. Conte Cazcarro, « El proceso judicial contra Lupico de Gurrea por el secuestro de Francisca de Abella (1408) », Argensola, 100,1986, p. 121-148.
10 ACA, reg 2184, f°14v : furtada e aprisionada e com si violenment amenada [...].
11 La rhétorique de la majesté est présente dans les textes, appuyée sur la science certaine du roi et menaçant les destinataires de ces ordres de l’ire et de l’indignation du roi, en qualifiant le crime dénoncé de gran maleficio et maldat, de grans crimens justifiant par là tout l’arsenal déployé pour arrêter Lupico. J. Chiffoleau, « Le crime de majesté, la politique et l’extraordinaire : note sur les collections érudites du procès de lèse-majesté du xviie siècle français et leurs exemples médiévaux », dans Y.-M. Bercé (dir.), Les procès politiques (xvie-xviiie siècle), Rome, 2007 (École française de Rome, 375), p. 577-665. C. Gauvard, « De la requête à l’enquête : réponse rhétorique ou réalité politique ? Le cas du royaume de France à la fin du Moyen Âge », dans C. GauVard (dir.), L’enquête au Moyen Âge, Rome, 2008 (École française de Rome, 399), p. 429-458. J. Théry, « Atrocitas/enormitas. Esquisse pour une histoire de la catégorie d’“énormité” ou “crime énorme” du Moyen Âge à l’époque moderne », Clio@thémis. Revue électronique d’histoire du droit, 4, mars 2011 (http://www.cliothemis.com/clio-Themis-numero-4 ).
12 ACA, Cancillería, reg. 2184, f°10 : [...] E estades cierta que Nos / ne faremos tal cástich e punición que todo el Regno ne prendrá exemplo. Por que vos rogamos que, por tal que millor podamos executar la iusticia contra el dito Lupico e aquéllos qui a tal maldat a fazer lo ban acompanyado, fagades part contra ellos e todas otras cosas / que sean expedientes e necessarias por el dito feyto.
13 Ibid. : [...] La qual cosa, si assin era, lo que no podemos creyer, redun/daria en menosprecio de la nostra megestat real e en notorio danyo de la cosa pública d’exi regno [...].
14 Ibid., f° 18v : [...] Es muy necessario que por vos nos sea procedido contra éll, en tal manera que todos nuestros subditos e vassallos no prendrán exemplo, e sea /terror a aquellos qui semblantes cosas querrán ensenyar.
15 Ibid., f°19v : [...] Francescha haia dit algunes vegades, segons quens havets fet saber, que ella/no és estada presa fortivolment por lo dit Lupico, ans s’en és anada ab ell de bon grat.
16 Martin Ier demande au pape de ne pas accorder de dispense au couple, au motif que Lupico aurait répudié sa première femme et l’aurait recluse dans un monastère pour pouvoir convoler avec Francisca (ACA, reg. 2184, f°25).
17 AHMZ, Actos comunes, livre 4, f°72v : En el quai consello por el dito micer Luis de Castellon fue meso en caso que ya havian entendido como Diego d’Ateyde strangero al regno se dizia el haverse esposado con la filla de don Johan del Rio e que contra los privilegios fueros e libertades del regno. Et [...] los parientes de la dita donzella no creyan que el fue sposado con la dita donzella ni la dita donzella agora se habiesse sposado con el hijo de don Lorent d’Algas.
18 Ibid., f°73 : [...] Por todos fue deliberado que el suyo era malo e de mal exemplo malamente feyto et perpetrado [...] contra fueros del regno e privilegias e libertades de la dita ciudat.
19 Ibid. : [...] Et do la magestat del senyor rey non providiese ni proveda en lo sobredito que la ciudat proceda contra el dito Diego Dateyde por via de sus privilegios, franquezas e libertades de quasta ciudat iuxta et segunt que en tales et semblantes actos la ciudat ha acostumbrado proceyr [...].
20 Ibid., f°74 : [...] Et por todo el dito capitol e consello concordablemente fue deliberado que el processo de los vint havia lugar e se devia executar e se executasse contra el dito Diego Dateyde e contra los consello favor ayuda e valencia fazientes al dito Diego [...].
21 Le privilège des vingt autorise la ville à faire justice « de fait et de main armée », appliquant la logique de la re integra et celle des représailles, annoncées sous les couleurs de la vengeance de l’honneur de la ville. Pour ce qui est de l’interprétation en droit du privilège originel, voir F. Sanz y Ramon, El privilegio de los veinte, Saragosse, 1891. M. Charageat, « Fonder et refonder la ville par la justice. Saragosse et son privilège des vingt », dans V. Lamazou-Duplan, S. CasSagnes-Brouquet, M. Fournié, P. Gilli, R. Narbona Vizcaïno, M.-I. Del Val Valdivieso (coéd.), Ab urbe condita. Fonder et refonder la ville : récits et représentations du Moyen Âge au premier âge moderne, Toulouse/Pau, PUPPA/Méridiennes, 2011, p. 463-474 ; id., « Légaliser la transgression : la fabrique d’un droit de vengeance à Saragosse (xve-xvie siècles) », dans V. BeauLande, J. Claustre, E. Marmusztein (dir.), La fabrique de la norme, Rennes, 2012, p. 145-160.
22 AHMZ, Actos comunes, livre 4, f°77 : [...] Quanto tocava al matrimonio que aquello havra de conocer el arçebispe si era bien fecho o no, quanto toquava al otro articula que tocava a la honra de la ciudat et singulares de aquella que su senyoria hi entendia proveyr a honra de la ciudat [...].
23 Ibid. : [...] Por todos fue deliberado que quanto al matrimonio la ciudat non havra res que fazer que de aquello era judge el vicario general o el official, quanto al otro articula de la injuria fecha a la cuidat et singulares de qualla que no se devia en ninguna manera proveyr ni pasar a dar actos algunos pues el proceso de los vint era feyto contra el dito Diego sino es que el fiziesse submissio a la ciudat car siempre asi se havia acostumbrado [...].
24 ADZ, Causas civiles, Caja M lig. 14,1479 s. f. : [...] El dito Luis saquo luego encontinenti hunos evangelios e fizo la jurar sobre la cruz e santos quatro evangelios que ella en ningun tiempo no diria lo que havia estado en levarla ni ge por ningun tiempo ella ni otri por ella no appellidaria dellos e ansi lo juro [...].
25 Le récit des faits est détaillé dans un autre article : M. Charageat, « Jactance matrimoniale et couples imaginaires. Un exemple de diffamatio conjugale en Aragon (xve-xvie siècles) », dans M. Aurell, C. Girbea (éd.), La parenté déchirée. Luttes intrafamiliales au Moyen Âge, Turnhout, 2010, p. 157-173.
26 ADZ, Causas civiles, Caja M lig. 14, s. f. : [...] Ella se era hida a dar clamor el rey de Aragon diziendole que le havyan furtado mas de quaranta oncas de argent et mas de trs mil sueldos [...].
27 ADZ, Causas civiles, Caja L lig. 6, s. n., et Causas criminales, Caja 40, n° 23.
28 ADZ, Caja L lig. 6, témoignage de Pétronille, f°33 : [...] Que querya que ganasse la causa Maria de Vera y que el provecho que espera de haber de este negocia es que declarando que Maria de Vera es muger de Monbui, quedaria la deposante libre [...].
29 Ibid. : Tum quia dize el dicho procurador que la dicha Maria de Vera es hija de labradores et de gente baxa y sin hazienda muger de muchos anyos y fea y cargada de hijos y no persona para que el principal del dicho procurador ni otra persona alguna de su qualidad senamorasse della ni tubiesse causa ni occasion alguna para haverse de casar con ella [...].
30 La solidarité entre Maria et Pétronille est évoquée par le procureur de Luis comme une sorte de complot répréhensible, ibid., f°45v-46 : Tum quia la dicha Petronilla Despada ha tenido y tiene voluntad de librarse y estar suelta y libre del dicho matrimonio contrahido con el Luis Mombui como lo ha dicho y confessado una y muchas vezes ante fidedignas personas por lo qualquiere ha tubido orden con la dicha Maria de Vera que intentasse la presente causa solicitandola por ella prometiendole consejo favor y ayuda y dineros para seguir la presente causa [...] ; art. 17 [...] La dicha Petronilla Despada, su madré y hermano [...] pagan y h an pagado todo lo que conviene en la presente causa [...].
31 Ibid., f°186 : [...] Que el deposante tiene entendido que Petronilla Despada, su madré y su hermano y otras personas por ellos dan favor y ayuda a Maria de Vera para la prosecucio, de la presente causa.
32 Ibid., f°99v-100 : [...] Y el dicho confessor como hombre de ciencia y consciencia y los otros religiossos encargandole que no trayesse cuenta con el mundo y con la honrra sino solamente con Dios le aconsejeron que dasse parte dello a los senores inquisidores y otros senyores juezes ecclesiasticos a quien tocaba poner remedio en semejantes cosas paraque ellos pusiessen al remedio que conbenia et ita est verum.
33 Ibid. : Et primo dize el dicho procurador que Luis de Mombuy reo y criminoso ha hecho y haze officio de tener acesso y copula carnal con muchas y diversas mugeres moças y casadas y otras burlandolas y enganyandolas con diversas promesas y especialmente con promesas de casarse con ellas.
34 Ibid. : Item dicit dictus procurator que dictus reus et criminosus mala malis adendo a dicho y dize y a confesado que si uno se casara y consuma el matrimonio por copula y si lo haze con fin de enganyar y no teniendo proposito de casarse que no es matrimonio [...].
35 M.-A. Valazza Tricarico, « L’officialité de Genève et quelques cas de bigamie à la fin du Moyen Âge : l’empêchement de lien », Zeitschrift für schweizerische Kirchengeschichte, 89,1995, p. 99-118.
36 E. Gacto, « El delito de bigamia y la Inquisición española », dans Sexo barroco y otras transgresiones premodernas, Madrid, 1990, p. 127-133 ; S. Seidel Menchi, D. Quaglioni (dir.), Transgressioni coniugali, concubinaggio, adulterio, bigamia (secc. xiv-xviii), Bologne, 2003 ; M. Escamilla, Crimes et châtiments : l’Espagne inquisitoriale, Paris, 1992.
37 ADZ, Caja L lig. 6, f°47 : [...] Que deviendo el principal del dicho procurador al magnifico Pedro de Aliaga [...] la summa y quantitad de treynta y tres libras de cierta pieça de chamellote [...] para hazer una sabayana y vazquinas a la dicha Petronilla muger del dicho principal del dicho procurador /y estandole obligado de una carta de encomienda hizieron con el dico Aliaga la dicha Petronilla Despada, su madré y hermano que le pagarian la deuda con esta condicion empero que hechasse presso al dicho Luis Mombui en la carcel comun [...].
38 ADZ, Causas criminales, Caja 40, n° 23, s. f. [...] Con mucho desacato y menosprecio del illustrissimo y revenredissimo señor arçobispo y de sus officiales procurio por todas las vias que pudo hasta effectuar como lo effectuo de que appellidassen criminalmente de la dicha Bertholomeva Castellano y la prendiessen y para que hubiesse causa para ello dio a entender y informo falsamente y contra toda verdat que la dicha Bertholomeva Casatellano habia cometido crimen de lenocinia y de alcagueta [...] ; ibid. Importuna al juez notario y otros para que lo hiziessen y offreciose de ser el testigo para elle y asi fue testigo y mediante juramento testiguo y deposo contra la dicha Bertholomeva Castelalno diziendo habia hecho y cometido dicho delito trayendo para el muchas mugeres moças y casadas [...].
39 Ibid., s. f. : [...] Y assi con su dicho y déposition falsa contra toda verdad proceyron a capcion de la persona de la dicha Bertholomeva Castellano con provision y mandamiento del çalmedina de la presente ciudad de çaragoça y la tiene presa en la carcel comun [...].
40 Ibid., s. f. : [...] Que por causa y ocasion de lo sobredicho y la indebida capçion de la dicha Bertholomeva Castellano el dicho procurador fiscal no ha podido hazer se recibiesse su dicho y deposicion contra el dicho Luis de Mombui en la dicha causa y processo lo quai el dicho Luis de Mombui lo ha hecho y procurado sabiendo y entendiendo que la dicha Bartholomeva con toda verdad diria y testiguaria contra el y en favor del dicho procurador fiscal y de la dicha Maria de Vera muchas y diversas cosas concernientes eal dicho matrimonio [...].
41 Ibid., s. f. : [...] Se ha loado le haria todo el danyo injuria y affrenta que pudiesse y assi ha dado muchos interrogatorios diffamatorios délia diffamandola de muchas cosas falsas contra toda verdad. ; [...] el dicho Luis de Mombui ciego de su pasion odio y rancor [...] de su alma y conciencia postposado el temor de dios por poder vexar, injuriar, affrentar y danyar a la dicha Bartholomeva Castellano [...].
42 M. Charageat, La délinquance matrimoniale. Couples en conflit et justice en Aragon (xve-xvie siècle), Paris, 2011, p. 287-297.
Auteur
Maître de conférences en histoire médiévale à l’université Bordeaux 3 et ancien membre de la Casa de Velázquez, Martine Charageat est spécialiste des rapports entre société, pouvoir et justice en Aragon à la fin du Moyen Âge. Elle a publié : La délinquance matrimoniale. Couples en conflit et justice en Aragon à la fin du Moyen Âge (xve-xvie siècle), Paris, Publications de la Sorbonne, 2011.
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