Le mariage tridentin
Les doutes des évêques et la Sacrée Congrégation du concile
p. 99-122
Résumés
Cette contribution se propose d’illustrer un aspect peu connu de l’institution du mariage tridentin : la problématique au sujet de l’interprétation du décret Tametsi et les requêtes adressées par les évêques de différents diocèses d’Europe et d’ailleurs à la Sacrée Congrégation du concile durant deux siècles (xviiie-xviiie siècles). En analysant la riche documentation recueillie par le pape Benoît XIV, quand il était secrétaire de la Congrégation du concile, et l’œuvre inédite du canoniste Prospero Fagnani, l’auteur met en lumière les points controversés du décret tridentin sur le mariage. Elle met en évidence, aussi, la normative jurisprudentielle sortie des risolutiones données aux questions posées par les évêques à la Congrégation romaine. La formulation de la question, qui se réfère à des épisodes concrets et circonstanciés, fournit un échantillon intéressant de cas de mariages douteux, pour des raisons de nature institutionnelle et rituelle, non pour des conflits à caractère personnel, économique ou social.
This paper wants to illustrate an aspect in the institution of Tridentine marriage which is not very well known : the controversy over the interpretation of the decree Tametsi and the requests sent in the 17th and 18th century by the bishops of different dioceses, in Europa and elsewhere, to the Sacred Congregation of the Council. Analyzing the rich documentation collected by pope Benoit XIV when he served as secretary for the Congregation of the Council, and the unpublished work of Prospero Fagnani, the author highlights the controversial points of the decree. She also evidences the prescriptive jurisprudential solution brought to the problem by the resolutiones, the answers that were made to the questions asked by bishops to the Roman congregation. The phrasing of their questions, which refer to specific episodes described in great detail, provides us with an interesting sample of cases of dubious marriages, which were so for institutional and ritual reasons, rather than for personal, economic or social motives.
Texte intégral
1Le décret tridentin Tametsi (1563), qui établit les normes du mariage « moderne1 », représente un changement culturel dont on peut synthétiser ainsi les principaux aspects : sur le plan religieux, il met en premier plan le caractère sacré du couple en rendant plus explicite le fait que l’Église catholique attribue au mariage une valeur sacramentaire2 ; sur le plan coutumier, il transforme la pratique des sponsalia en assignant au prêtre le devoir de remettre les anneaux, symboles de la fidélité conjugale, pendant la cérémonie religieuse3, et en donnant indirectement à l’Église le rôle de témoin et de garant du lien ; enfin, sur le plan social, il condamne et désavoue les unions de fait comme le concubinage, en les dégradant au rang d’unions coupables qu’il faut régulariser selon les nouvelles normes, sous peine d’être soupçonné d’hérésie.
Sur les origines de la Sacrée Congrégation du concile
2Au concile de Trente, les discussions autour de la rédaction des canons concernant le mariage et l’élaboration du décret De reformatione furent longues et complexes4 ; de même, la réception d’un document qui présentait des difficultés d’interprétation s’avéra particulièrement laborieuse. La Sacrée Congrégation du concile – la commission cardinalice préposée à l’interprétation des délibérations conciliaires – reçut de très nombreuses interrogations. Cette congrégation avait été précédée par les nombreuses commissions cardinalices députées à la promotion de la réforme et du concile voulues par Paul III et ses successeurs. À la fin du concile de Trente, lors du consistoire du 30 décembre 1563, le pape Pie IV, après en avoir approuvé les décrets, institua une nouvelle congrégation qui avait pour mission de tout mettre en œuvre pour favoriser la réception du concile et de préparer les mesures pour faire appliquer les décrets. Enfin, avec le Motu proprio du 2 août 1564, le même Pie IV instituait la Sacra Congregatio super executione decretorum Concilii Tridentini Interpretum, par la suite dénommée plus simplement la Sacrée Congrégation du concile5. À vrai dire, la bulle qui l’instituait parlait d’un consilium de cardinaux et non pas d’une congrégation, mais ce nouveau nom prit bientôt le dessus.
3Dès le début, la Congrégation du concile, composée de huit cardinaux, avait un pouvoir judiciaire, même si celui-ci passait par l’autorité du pape qui la présidait. La Congrégation était, en effet, chargée de résoudre les interrogations et les controverses que les évêques lui soumettaient, et elle avait également un pouvoir de coercition contra inoebedientes et contumaces6. Avec le temps, les décrets de la Sacrée Congrégation finirent par constituer un corpus jurisprudentiel qui transforma la discipline ecclésiastique, abrogea d’anciennes coutumes et qui, de ce fait, fut à l’origine d’un bon nombre de procès7. Avec ses resolutiones, la Congrégation inaugura donc le nouveau droit ecclésiastique post-tridentin.
4Giovanni Morone, qui avait été légat au concile de Trente, fut le premier cardinal élu : il eut la charge de présider les sessions de la Sacrée Congrégation du concile, il en fut ensuite le doyen puis le préfet jusqu’à sa mort, le 1er décembre 1580. Un secrétaire faisait également partie de l’institution : il avait pour tâche de rédiger les lettres contenant les resolutiones ; il devait également instruire les procès qui étaient présentés devant la Congrégation et il recueillait les informations et les mémoires qui étaient remis au rapporteur désigné. Les membres de la Congrégation ne disposaient pas d’un lieu de réunion ni d’un calendrier fixe. Au début, les cardinaux se réunirent dans le palais de Morone environ une fois par semaine ; cette périodicité hebdomadaire fut maintenue par la suite, même si le jour de réunion pouvait changer.
5Pendant le pontificat de Sixte V (1585-1590), on assiste à un changement dans la constitution et dans les pouvoirs de la Congrégation du concile : la bulle Immensa aeterni Dei du 22 janvier 1588 opère une réorganisation radicale de la structure administrative de l’Église8. En ce qui concerne la Congrégation, le nombre des cardinaux fut réduit à cinq tandis que les fonctions et les attributions des prélats nommés étaient mieux définies. Après avoir précisé que, étant donné la hiérarchie de l’Église, c’est au souverain pontife que revient la prérogative de convoquer, confirmer, interpréter les conciles généraux et ceux qui sont convoqués dans les Églises particulières, Sixte V précise qu’il se réserve seulement l’interprétation des questions qui relèvent de la sphère dogmatique et il délègue à la Congregatio pro interpretazione et executione Concilii Tridentini, comme la définit la bulle en question, la tâche de répondre à celles qui sont relatives aux usages et à la discipline9.
6Après la réorganisation administrative sixtine, quelques autres modifications sont apportées sur le plan de l’organisation, mais les attributions et les prérogatives de la Congrégation restent inchangées. Désormais, elle doit aussi résoudre les interrogations concernant l’interprétation des conciles provinciaux qui, selon le concile de Trente, devaient se tenir tous les trois ans dans les différents archevêchés. Au xviie siècle, les cardinaux se réunissaient en séance plénière tous les quinze jours. Le siège pouvait encore être la demeure du préfet ou du doyen mais, dans la seconde moitié du siècle, la Congrégation disposait d’un lieu de réunion attitré dans le palais du Quirinale. Les séances avaient lieu habituellement le samedi. À la fin du xviie siècle, on assiste donc à la consolidation d’une organisation pratique qui, dans le temps, s’était mise progressivement en place en se fondant surtout sur l’expérience. En ce qui concerne l’aspect doctrinal, on ne saurait ignorer que les membres de la Congrégation étaient surtout des théologiens et des canonistes chevronnés ; sur le plan de l’organisation pratique, des secrétaires cultivés et experts en la matière firent un travail essentiel de synthèse et de conservation des lettres et des resolutiones, allant même jusqu’à rédiger des ouvrages de synthèse qui condensaient le nouveau droit en formation. Parmi les secrétaires de la Congrégation du concile, on trouve Prospero Fagnani (1588-1678), mémorable pour sa doctrine et sa prodigieuse mémoire, et plus tard Prospero Lambertini (1675-1758), devenu Benoît XIV10, sans aucun doute le plus cultivé et le plus éminent prélat de son temps.
7C’est précisément à travers les documents que Prospero Lambertini recueillit dans l’exercice de ses fonctions au sein de la Congrégation du concile et des autres congrégations romaines, et grâce à ceux qu’il fit lui-même transcrire pour des raisons personnelles d’étude que nous pouvons entrebâiller la porte de cet atelier où les cardinaux interprètent le concile, en concentrant notre attention sur le thème spécifique du mariage.
La bibliothèque et la méthode de travail de Prospero Lambertini
8À ce jour, la jurisprudence de la Sacrée Congrégation du concile concernant le mariage n’a pas encore fait l’objet d’une étude approfondie11 ; or les documents et les livres ayant fait partie de la bibliothèque de Benoît XIV, actuellement conservés à la bibliothèque universitaire de Bologne, se prêtent admirablement bien à un premier sondage sur l’histoire du couple devant la justice. Le recueil comprend quinze manuscrits concernant les resolutiones de la Congrégation du concile, de ses origines jusqu’au début du xviiie siècle, ainsi qu’un traité inédit de Prospero Fagnani sur le concile de Trente, qui synthétise avec une extrême clarté doctrinale et canonique l’interprétation des décrets conciliaires selon les decisiones de l’organisme romain12. Parmi les manuscrits, on compte deux synopsis d’une ampleur considérable, composés en deux temps différents, preuve de l’importance que ces décisions prirent immédiatement sur les plans jurisprudentiel et pastoral : le premier date du xvie siècle et comprend les déclarations émises par la Sacrée Congrégation du concile depuis ses origines jusqu’au pontificat de Sixte V13 ; le second date du xviiie siècle et comprend les principales résolutions jusqu’à toute l’année 1719 comprise14. Les autres manuscrits présentent différentes caractéristiques : certains suivent l’ordre chronologique et contiennent des résumés des lettres envoyées par des évêques, avec la décision correspondante annotée en marge à gauche15 ; d’autres suivent un ordre thématique et rassemblent, sous des entrées individuelles, les résolutions les plus importantes en la matière16. Ce matériel, qui nous suggère l’importance de la vulgarisation du jus condendum, nécessaire aux évêques, aux curés des paroisses et aux confesseurs, va plus tard ouvrir la voie à des recueils imprimés des decisiones. À partir de 1728, en effet, sur l’initiative du cardinal Lambertini, on commence la publication d’un Thesaurus qui, chaque année, fait connaître les délibérations de cet important organisme de la Curie romaine17. C’est Benoît XIV lui-même qui nous révèle la genèse du Thesaurus. En effet, dans un de ses principaux traités imprimés, Prospero Lambertini expose la méthode de travail qu’il a suivie pendant la période où il était secrétaire de la Sacrée Congrégation du concile et il montre comment il est parvenu à la détermination de publier les resolutiones18.
9Le côté pratique de ce recueil des décisions de la Sacrée Congrégation du concile, fondamental tant sur le plan jurisprudentiel que du point de vue pastoral, apparaît clairement dans les nombreux ouvrages de Prospero Lambertini, archevêque de Bologne avant son élection à la chaire de Saint-Pierre en 1740. L’exigence de citer les manuscrits contenant les resolutiones de la Sacrée Congrégation du concile n’était pas exclusivement liée à ses intérêts personnels de canoniste : elle était aussi étroitement liée à ses fonctions épiscopales. À différents moments et pour diverses raisons, il avait consulté soigneusement ces manuscrits afin de documenter les Notificazioni adressées au peuple bolonais19, pour un ouvrage très important du point de vue du droit ecclésiastique : le De synodo dioecesana, imprimé pour lapremière fois en 174820, puis corrigé et augmenté par la suite21. Bien qu’il ne soit pas explicitement consacré au sacrement du mariage, le traité de Lambertini consacre un certain nombre de pages au coniugium, en l’examinant d’un point de vue doctrinal et disciplinaire. Je renonce ici à analyser de près cet ouvrage, mais je voudrais cependant m’arrêter sur la méthode de travail de Benoît XIV et sur le recours qu’il fait aux resolutiones comme sources influentes de sa doctrine. Le De synodo dioecesana, en treize livres, se présente principalement comme un traité canonique sur l’institution du synode diocésain, l’assemblée des prêtres d’une église territoriale convoquée par l’évêque qui avait un pouvoir législatif. Dans ce vaste cadre, le thème du mariage acquiert une certaine importance au sein du De synodo, dans la mesure où il s’agit d’une matière relevant de la fonction épiscopale qui présente des aspects controversés en ce qui concerne l’administration du sacrement. Dans ce contexte, la jurisprudence de la Sacrée Congrégation du concile prend toute sa valeur. Si, en effet, nous analysons les sources historiques et juridiques sur lesquelles le traité est bâti, nous trouvons à profusion des références aux collections des conciles antiques, des canons et décrets par l’intermédiaire de Gratien et de Prospero Fagnani sur les Decretali ; des références à des théologiens et des canonistes de l’époque tridentine comme Roberto Bellarmino, Martin de Azpilicueta et Francisco Suarez. Le déroulement du concile de Trente est évoqué à travers l’œuvre de Pietro Sforza Pallavicino et la législation synodale de saint Charles Borromée, que l’office des évêques post-tridentins considère comme un modèle exemplaire. En ce qui concerne la matière matrimoniale, Prospero Lambertini s’en remet à sa propre expérience accumulée dans la période où il fut secrétaire de la Sacrée Congrégation du concile et il recourt surtout à l’œuvre de Prospero Fagnani, pour laquelle il se servait de l’Opus in Sacrum Concilium Tridentinum, un manuscrit présent dans sa bibliothèque.
10Benoît XIV montre explicitement qu’il tient le canoniste de Vado en grande estime. Dans la préface du De synodo dioecesana, après avoir rappelé la genèse du Thesaurus resolutiones qu’il avait fait publier, le souverain pontife déclare qu’il a examiné et utilisé de nombreuses decisiones. Durant la période où il avait été secrétaire de la Sacrée Congrégation du concile et pouvait avoir accès aux sentences et aux Tabularia, il mit lui-même en place une sorte de fichier des resolutiones et commanda la transcription de celles qu’il considérait comme les plus importantes ou bien qu’il jugeait utiles à son travail22. Avant le début de la publication des resolutiones, qu’il avait lui-même encouragée, les consultants de la Sacrée Congrégation du concile, qui voulaient se documenter sur les décisions précédentes, pouvaient consulter les documents d’archives ; mais, lorsque le secrétaire Prospero Fagnani était en service, les cardinaux lui accordait une confiance absolue du fait de sa compétence et de sa mémoire prodigieuse, au point de renoncer à aller voir directement les documents23.
11Les manuscrits relatifs aux matières matrimoniales sont donc pleinement fiables et nous pouvons y faire référence pour dresser la liste des questions non résolues ou volontairement tues dans le décret Doctrina de sacramento matrimonii de la session XXIV du concile de Trente, approuvé le 11 novembre 1563.
L’Opus in Sacrum Concilium Tridentinum, de Prospero Fagnani
12Parmi les volumes ayant appartenu à Benoît XIV, on conserve – nous l’avons dit – un ouvrage manuscrit de Prospero Fagnani qui représente un exemple concret du travail long et intelligent accompli par le canoniste qui occupa la charge de secrétaire de la Sacrée Congrégation du concile, de 1613 à 1628, après en avoir été le sous-secrétaire pendant quelques années24. Quand il quitta cet office pour prendre d’autres charges curiales, Fagnani mit de l’ordre dans le travail accompli et rédigea un inventaire à remettre à son successeur. Cet inventaire comprenait la liste de 282 manuscrits qui constituaient le matériel produit dans les soixante premières années de vie de la Congrégation. Une grande quantité de questions posées aux cardinaux interprètes du concile, de la part des évêques de toute la chrétienté catholique, une innombrable série de cas examinés, sur lesquels des réponses avaient été données et des décisions faisant jurisprudence avaient été prises, qui devaient constituer un précédent pour de futures questions semblables. En somme, un travail juridique et canoniste intense et sophistiqué que Fagnani mit à profit dans son ouvrage majeur : les Commentaria ad Libros Decretalium, imprimés pour la première fois en 1661. Parmi les autres ouvrages qu’il publia, on trouve également un traité moral qui fit verser beaucoup d’encre, le De opinione probabili, inséré dans les Commentaria ad Libros Decretalium à l’alinéa V du livre premier, puis publié de façon autonome.
13Mis à part ces ouvrages publiés, Prospero Fagnani a laissé de nombreux écrits inédits qui sont désormais conservés dans les archives et les bibliothèques romaines. Parmi ceux-ci, on compte un manuscrit intitulé Commentaria al Concilia di Trento, qui avait été attribué à la Sacrée Congrégation du concile au xixe siècle, puis tardivement à Fagnani, mais sur de solides fondements critiques. Certains historiens comme Tromp considèrent cependant qu’il n’est pas l’auteur de ce texte25, d’autres comme Palazzini sont en revanche favorables à lui en reconnaître la paternité26. Bien que le plus attentif des biographes du canoniste de Vado en ait fourni seulement une description sommaire, les Commentaria al Concilio di Trento dont le manuscrit est conservé à Rome, semble bien correspondre au manuscrit bolonais indiqué comme Opus in Sacrum Concilium Tridentinum, Authore Prospero Fagnano, faisant partie de la bibliothèque de Benoît XIV. L’ouvrage est divisé en deux tomes, le premier examine des Constitutions et décrets A sessione Prima usque ad XXIV, et le second A sessione XXIV usque ad Finem. Dans le premier tome, les annotations concernant les sessions du concile sont précédées d’un commentaire à la bulle de convocation du concile de Trente, qui donne l’occasion à l’auteur de disserter sur l’histoire des conciles et sur le pouvoir que le pape a de les convoquer, tout en élargissant le discours à la doctrine ecclésiologique27. Le second tome s’ouvre sur un exposé de la doctrine tridentine et post-tridentine sur le mariage, un sacrement discuté dans les première et troisième phases du concile de Trente. Le texte conciliaire définitif contenant les anathèmes et le décret de réforme fut voté et approuvé lors de la session XXIV : Fagnani en fait donc le commentaire à l’intérieur des décrets De reformatione de cette même session.
14L’Opus de Fagnani sur le concile de Trente semble être le résultat d’une vaste entreprise de synthèse canoniste et théologique, qui tient compte de la tradition classique et récente des traités sur la question, mais surtout du dur labeur accompli lorsqu’il était secrétaire de la Sacrée Congrégation du concile. Le traité reflète le jus novum dérivant de la jurisprudence formulée et acquise jusqu’à ce moment-là, mais les resolutiones de la Congrégation n’y sont pas explicitement reportées. Elles représentent la toile de fond qui oriente le choix et rythme la disposition des arguments présentés par le canoniste.
15À l’instar du commentaire des autres documents conciliaires, celui qui concerne le décret sur le mariage procède à l’examen des différents chapitres qui structurent le texte approuvé par l’assemblée. Fagnani analyse chaque chapitre dans toutes les parties qu’il individualise sur la base de sa propre grille d’interprétation qu’il résume de façon claire et incisive. Or c’est précisément la brevitas qui rend cette œuvre précieuse et importante, au point d’en faire un instrument de travail d’une telle valeur que Prospero Lambertini s’en fit faire une copie.
16Pour rendre compte de l’importance des Commentaria de Fagnani, je résumerai certaines des questions traitées dans le premier chapitre du Tametsi, selon la désignation du décret De reformatione matrimonii. Le canoniste ne commente pas les anathèmes qui précèdent le décret de la réforme car il passe immédiatement à l’examen du texte normatif. Il subdivise le premier chapitre en cinq parties, en les indiquant par les premiers mots des propositions contenues dans le chapitre en question : Hoc decretum in quinque dividitur partes28. Secunda Cui malo. Tertia Qui aliter quam. Quarta Propterea. Quinta et ultima Ne vero.
17La première partie affronte d’emblée la principale question théorique sanctionnée par le décret conciliaire qui s’oppose à la doctrine protestante : la validité du mariage clandestin et la faculté de l’Église d’établir des empêchements sur le mariage de façon à rendre inhabiles les contractants et pouvoir en conséquence déclarer la nullité des mariages contractés en dérogation aux normes tridentines : « Le sacré concile enseigne que les mariages clandestins sont valides tant que l’Église ne les a pas annulés29. »
18Le Tametsi commence précisément par les mots Tametsi dubitandum non est que Fagnani résume dans le Primo docet Sacrum Concilium : le commentaire du canoniste part de là et commence par énumérer les différentes auctoritates pour confirmer la possibilité de déclarer la nullité du mariage clandestin dans la mesure où la volonté des contractants est passée outre au sacrement. Toutefois, Fagnani s’inscrit dans le sillage d’autres autorités pour affirmer que, une fois accompli, cet acte conserve sa validité : « Le mariage clandestin, bien qu’interdit, demeure toutefois valable, puisqu’il a été contracté30. » Et il considère irrecevable l’objection selon laquelle le mariage conclu sans le consentement des parents n’aurait aucune validité, car le lien est déterminé exclusivement par l’accord des contractants : « Le lien matrimonial est constitué par le seul accord des contractants31. » Par ailleurs, il convient de rappeler que l’accord des parents n’est pas non plus nécessaire pour les femmes qui sont libres de disposer de leur propre corps : « La femme est libre et n’est soumise à ses parents que pour ce qui regarde son éducation, d’où s’ensuit qu’elle peut offrir son corps et se donner à qui elle veut32. »
19La seconde partie du premier chapitre du Tametsi (Cui malo) innove et augmente les décisions du concile de Latran IV (1215), voulu par Innocent III, concernant l’obligation des bans avant le mariage.
20La troisième partie traite du « curé » de la paroisse (proprio parocho) et de la publication des bans (Qui aliter quam). À ce point de son ouvrage, Fagnani affronte un aspect qui avait toujours posé des problèmes d’interprétation et qui avait donné lieu à de nombreuses resolutiones de la Sacrée Congrégation du concile. Il n’est donc pas surprenant de constater que, dans le commentaire de cette partie du Tametsi, le canoniste recourt fréquemment aux réponses données par l’institution romaine aux interrogations que les évêques lui soumettaient. La référence à ces décisions apparaît cependant dépourvue des éléments qui peuvent identifier l’interrogeant et situer le cas dans son contexte, comme on peut en juger dans le passage suivant :
L’évêque N. a rapporté qu’après publication à l’église des bans du mariage de deux de ses diocésains, le mariage n’avait pas été aussitôt célébré avec les solennités requises par le droit, mais quatre mois plus tard ; dans l’intervalle, l’homme et la femme, qui vivaient ensemble, s’unirent charnellement, puis la femme enfanta après la célébration du mariage. Aussi l’évêque D. demandait quel remède pouvait être employé afin d’éviter à l’avenir de tels scandales. La Congrégation établit que ce genre de copulation illicite devait entraîner une pénitence, et si la chose se reproduisait à l’avenir, la Congrégation a jugé qu’en ce cas, la copulation illicite ne tombait pas sous le coup du stupre : il n’y a point strupre quand le mariage a été célébré33.
21Sur ce point, Fagnani poursuit son commentaire en examinant le cas d’un accouchement illicite dans deux situations différentes : celle du mariage per verba de praesenti conclu sans le curé, suivi de la demande de nullité de la part de l’homme, et celle du mariage conclu seulement per verba de futuro. En ce qui concerne cette seconde situation, bien qu’elle soit regrettable, elle ne doit pas être punie. Quant à la première situation, la Sacrée Congrégation affirme que l’homme peut être puni comme adultère et elle fait sien le décret approuvé par le second concile provincial de Ravenne, qui impose un délai de quatre mois entre la publication des bans et la célébration effective du mariage, sous peine d’être obligé de publier à nouveau les bans34.
22Dans son commentaire du premier chapitre du Tametsi, Fagnani aborde de nombreuses autres questions, en particulier les différents problèmes soulevés par l’interprétation du proprius parochus, mais les exemples fournis jusqu’ici suffisent à illustrer la méthode de travail du canoniste et l’importance de la jurisprudence de la Sacrée Congrégation du concile dans l’établissement du nouveau droit post-tridentin. À ce propos, il convient également de remarquer que la législation à caractère local, comme celle du second concile provincial de Ravenne, entre aussi pleinement dans le jus novum de l’Église universelle grâce à la prise en compte qu’en fait la Sacrée Congrégation elle-même.
23Aucun élément interne ne permet de dater l’Opus de Prospero Fagnani, à moins de retrouver, dans les registres originaux, les resolutiones que cite l’auteur, mais il les cite sans aucune référence chronologique ou archivistique. Cet ouvrage, qui introduit dans le droit ecclésiastique le minutieux travail de la Congrégation romaine, peut être considéré comme le commentaire le plus important du concile de Trente.
24Pour essayer de comprendre quel fut l’impact de la nouvelle législation sur les évêques et les Églises locales (qui étaient d’ailleurs en pleine réorganisation après une longue période de tranquillité), et la nécessité d’appliquer correctement les normes tridentines, il faut examiner les questions que les évêques adressèrent à Rome pour demander l’interprétation autorisée des différentes dispositions conciliaires.
L’atelier de la Sacrée Congrégation du concile : les doutes sur le mariage
25Malgré sa longue période d’élaboration, le décret tridentin sur le mariage tel qu’il a été approuvé par l’assemblée conciliaire laissait, volontairement ou non, de nombreuses questions encore ouvertes. Les pères conciliaires s’étaient principalement intéressés à discuter des canons qui réaffirmaient le caractère sacré et indissoluble du mariage, et qui confirmaient le pouvoir de l’Église de poser des empêchements et de juger les procès matrimoniaux. Un autre point capital concernait le mariage clandestin, que l’Église avait toujours considéré valable et dont il fallait nécessairement confirmer la validité pour marquer l’opposition aux protestants. Certes, l’assemblée conciliaire ne souhaitait pas s’opposer trop fermement à la demande de contrôle des mésalliances provenant de l’aristocratie et à la demande de respect des anciens usages de la part de la bourgeoisie. Poussés par le désir d’aboutir à un compromis entre la doctrine officielle de l’Église et les aspirations provenant de la base, les pères conciliaires adoptèrent certains expédients qui rendirent le décret sur le mariage confus et difficile à interpréter. L’inclusion d’une norme liturgique prescriptive du modus celebrandi dans un décret De reformatione est, à ce propos, tout à fait exemplaire. Quant à la formulation du texte, certaines propositions apparaissent vagues et indéterminées, laissant ainsi la place à différentes interprétations. Mis à part les doutes que suscita la formulation du texte, la question des fiançailles fut celle qui, très vite, demanda le plus de travail du point de vue de la discipline matrimoniale. L’assemblée conciliaire avait, en effet, renoncé à prendre position contre les usages et coutumes anciens qui réglaient les pratiques matrimoniales dans les différents pays. Elle ne supprimait pas les sponsalia, mais elle réglait la cérémonie religieuse per verba de praesenti, la seule qui sanctionnait le sacrement. Des questions importantes allaient découler de cette situation, qui, au fur et à mesure, furent soumises à l’attention de la Sacrée Congrégation du concile.
26Au lendemain de la clôture du concile de Trente, alors que la curie romaine se mettait en place, les souverains pontifes sentirent le besoin d’intervenir eux-mêmes, directement, en rédigeant et en fulminant des bulles afin d’indiquer certains principes concernant l’application des décisions du concile. Ces interventions du magistère avaient également une valeur normative, ce qui élargissait encore le spectre du jus novum dont les évêques devaient tenir compte dans l’administration de leur diocèse. Très vite, on mit donc en place des outils qui devaient aider ces bergers d’âmes à gouverner leurs ouailles. Nous en avons un exemple précoce dans le synopsis préparée par frère Pietro Sega, de l’ordre hospitalier des Crucifères, dans un manuscrit ayant appartenu d’abord au monastère des Crucifères de Bologne avant que Benoît XIV en fasse l’acquisition.
27Composé dans la dernière décennie du xvie siècle, comme l’indiquent l’écriture du manuscrit et les références aux bulles papales, le synopsis de frère Pietro Sega contient non seulement les décisions de la Sacrée Congrégation du concile, mais également certaines déclarations des papes, de Pie IV à Sixte V. Conçu comme un recueil des resolutiones les plus importantes concernant les différents décrets du concile de Trente, la partie qui nous est parvenue se limite à la session XXIV De reformatione, concernant le mariage. Les décisions, non datées et sans indication de provenance, concernent en particulier la formation du lien matrimonial, les normes relatives à la publication des bans et à la présence du curé de la paroisse, les empêchements, le mariage in facie ecclesiae, le rapport entre les sponsalia per verba de futuro et le mariage canonique, le concubinage. Le synopsis de frère Pietro Sega n’est pas très utile pour approfondir la casuistique des questions soumises à la Sacrée Congrégation du concile, mieux documentée dans d’autres recueils qui nous sont parvenus ; il fournit, en revanche, un témoignage intéressant de la précocité des outils mis en place pour tenir au courant les évêques et le clergé, et pour les instruire à des fins pastorales.
28Pour dresser un premier inventaire des questions les plus significatives adressées à la Sacrée Congrégation du concile dans le dernier quart du xvie siècle, on peut se servir du synopsis déjà cité, manuscrit en trois volumes provenant de la bibliothèque de Benoît XIV, compilé au xviiie siècle par le carme déchaux Tommaso Villanova di San Nicolao, qui recueille les resolutiones les plus significatives de 1580 à 1719 environ35.
Son « propre curé »
29Parmi les questions que les évêques soulevèrent à la Sacrée Congrégation du concile pendant plus de cinquante ans après la clôture du concile de Trente, on trouve un certain nombre de points concernant la nouvelle célébration du mariage. En premier lieu, force est de constater que vingt ans après la fin des assises conciliaires, le concile n’avait pas encore été publié dans de nombreux pays. On ne saurait donc être surpris si certains évêques ordinaires, comme celui de Braga au Portugal, voulaient avoir confirmation que les nouvelles normes n’étaient valables que dans les localités où le Tridentin avait été publié : « Le mariage n’est pas invalidé par l’inobservation des formalités prévues par le concile (c. 1, sess. 24, De reformatione matrimonii), si ce décret n’a pas été publié dans la paroisse où le mariage a été contracté » (Matrimonium non redditur irritum ex eo quod non fuit servata forma Concilii praescripta, c. 1, sess. 24, De reformatione matrimonii, si in Parrochia ubi fuit contractum non erat publicatum dictum Decretum, archevêque de Braga, janvier 1587).
30Il est, en revanche, assez surprenant de constater à quel point la personne du curé qui devait célébrer le mariage posait problème. Le décret conciliaire se limitait, en effet, à déclarer :
À l’avenir, avant que le mariage ne soit contracté, le propre curé des futurs époux fasse publiquement connaître à l’église, à trois reprises, lors de trois célébrations successives, les noms de ceux qui doivent s’unir par le mariage ; et que la bénédiction soit accomplie par le propre curé et par personne d’autre, à moins que le curé lui-même ou l’ordinaire n’accorde l’autorisation de procéder à ladite bénédiction à un autre prêtre36.
31Un texte aussi vague faisait naître immédiatement le doute quant à l’identification du proprius parochus, et on s’interrogea par la suite sur la disposition ou l’intégrité spirituelle et physique du célébrant.
32En 1589, par exemple, la Sacrée Congrégation du concile explique que le mariage est valable s’il est contracté devant le curé de la paroisse d’un des deux époux, aussi bien de l’homme que de la femme (évêque de Tournai, 1589), et elle ajoute qu’il est également valable si l’officiant est le coadjuteur de l’archiprêtre député (évêque d’Aquino, 1591). Le mariage est également valable s’il est célébré par un curé qui en avait été empêché (évêque de Savona, 1595), par devant le parocho etiam invita (patriarche de Lisbonne, 1591) et coram parocho affectante non intelligere (ibid., 1593). Le munus de la publication des bans est à la charge du curé qui, pour cela, ne doit demander aucune permission (évêque de Salerne, 1617). Pour la célébration tridentine du mariage, la présence du curé est tellement nécessaire que la Sacrée Congrégation du concile répond ainsi aux questions soulevées par l’évêque de Civita Castellana :
Le curé est nécessaire à la célébration du mariage au point que, quand bien même les bans ont été publiés et l’union a été établie, le mariage n’est pas valide s’il n’est pas présent37.
33Le nouveau rite matrimonial prescrit par le concile de Trente attribuait un rôle actif au curé qui célébrait les noces. Pourtant, la sentence de la Sacrée Congrégation du concile du 29 mars 1653 met parfaitement au clair que la fonction du prêtre reste celle d’un témoin du coniugium sans pour autant en devenir le ministre. Il est question d’un cas soulevé par l’évêque brésilien de Santa Maria do Itabira (Marianensis) concernant la demande d’annulation du mariage célébré devant un curé de première tonsure, n’ayant pas encore accédé à la prêtrise. En s’appuyant également sur l’autorité de Francisco Sanchez et d’autres canonistes, les cardinaux interprètes du concile confirment la validité du mariage en ces termes :
La présence du curé n’est ici pas requise en vue de l’exercice de la fonction sacerdotale mais pour porter témoignage. Et rien ne s’oppose à ce que le mariage soit conclu l’année où ce dernier doit être promu au sacerdoce, car la peine infligée aux curés ne doit pas nuire aux paroissiens [...]38.
34À une autre occasion, alors que le patriarche de Venise avait présenté un cas différent, la Sacrée Congrégation du concile avait délibéré que le mariage célébré par un clerc in minoribus, bien que délégué par le curé, devait être considéré comme nul :
Conformément à la sentence de la Sacrée Congrégation, notre très saint Père a déclaré nul un mariage contracté par paroles de présent devant un sacriste délégué par le curé, clerc n’ayant reçu que les ordres mineurs, bien que les solennités prescrites par le concile aient été observées pour le reste39.
35Le nouveau rituel du mariage centré sur le curé et sur l’église paroissiale devait se substituer à des cérémonies et des usages locaux très anciens. Ainsi, l’archidiacre de Syracuse protesta en vain auprès de la Sacrée Congrégation du concile à propos de la rente qu’il avait l’habitude de percevoir pour la bénédiction des anneaux et qui désormais revenait au curé40. Encore en 1734, malgré l’application désormais consolidée des normes tridentines et tous les éclaircissements fournis au cours des siècles, l’archevêque de Bologne, cardinal Lambertini, sent l’exigence de notifier à son clergé « que c’est le curé de la paroisse qui doit célébrer le mariage41 » et de l’instruire sur la célébration des mariages lors des périodes interdites42.
Les bans
36La nouvelle discipline tridentine prévoyait, on le sait, que, avant la célébration du mariage, les curés des deux promis publient les bans, c’est-à-dire qu’ils annoncent publiquement les généralités des futurs époux dans l’église, durant la messe solennelle et à trois reprises à l’occasion de trois jours fériés consécutifs. La nécessité de publier les bans ainsi que le lieu où la publication devait être faite soulevèrent de nombreuses interrogations. La Sacrée Congrégation du concile répond à la question posée par l’évêque de Locri-Gerace que le mariage contracté omissis denunciationibus ne peut être qualifié de clandestin, mais que les époux tombent néanmoins sous le coup de l’excommunication prescrite par les Constitutions synodales (évêque de Locri-Gerace, 1584). De même, les cardinaux interprètes du concile répondent à l’évêque d’Osimo que le mariage célébré par un prêtre sur autorisation du curé de la paroisse est valable, même sans la publication des bans et si la célébration a lieu ailleurs que dans l’église paroissiale (évêque d’Osimo, 1585). Celui qui se marie dans un lieu où il a vécu pendant plus de huit ans n’est pas tenu à publier aussi les bans dans sa paroisse d’origine, comme on lit dans la sentence rendue à l’évêque de Guastalla : « Le mariage peut être contracté là où l’on a demeuré pendant huit années, même si les bans n’ont pas été publiés d’où l’on vient43. »
37La prudence voulait parfois que l’on se passe de la publication des bans, tant pour des raisons religieuses que pour des raisons sociales. Les mariages entre catholiques et protestants ou schismatiques étaient, en effet, fréquents dans des pays qui n’appartenaient pas à l’Église romaine ; de même les mariages entre personnes professant d’autres religions. En 1602, par exemple, on trouve en Belgique un cas de mariage auquel, par peur, ni l’évêque ni le curé ne participent ; la Sacrée Congrégation du concile reconnaît la validité du consentement échangé devant deux témoins :
Un mariage n’ayant pas été célébré selon les formes prévues par le concile demeure valide s’il l’a été en présence de deux témoins, quand, par crainte des hérétiques, le curé et l’évêque ne peuvent se montrer ni être trouvés sans danger44.
38Dans d’autres cas encore, les bans ne sont pas publiés là où l’évêque reconnaît qu’il existe des raisons sociales ou économiques susceptibles de faire obstacle ou d’empêcher le mariage entre personnes consentantes. Ainsi, en 1600, l’archevêque de Ferrare demande et obtient de la Sacrée Congrégation du concile l’autorisation de célébrer un mariage secret devant le curé et les témoins omissis denunciationibus ob imminens periculum.
Temps et lieu de la célébration du mariage
39L’église paroissiale était le théâtre où se déroulait la cérémonie tridentine du mariage. Toutefois, sachant qu’il était impossible de subvertir sans dommages des usages et des rites très anciens, le décret Tametsi n’avait pas fait obligation aux promis de se marier à l’église ; il avait, en revanche, exhorté les curés à ne pas célébrer les noces pendant certains temps de l’année liturgique, comme le carême, et ordonné que les noces célébrées malgré tout dans ces périodes prohibées le fussent sans aucune solennité45. Une sentence de la Sacrée Congrégation du concile précise bien ce que l’on entendait par solennités en traduisant le terme par convivia, traductio, carnalis copula46.
40Les cas soumis à la Congrégation romaine confirment la licéité des mariages célébrés dans des lieux et des temps différents de ceux conseillés, et mettent en évidence la persistance, encore aux xviie et xviiie siècles, de traditions populaires anciennes.
41Pour ce qui est du temps et du lieu de la célébration du mariage, en réponse à l’évêque d’Ariano-Irpino, la Sacrée Congrégation du concile déclarait que le mariage pouvait être célébré en tout temps (évêque d’Ariano-Irpino, 1587) et, aux évêques de Malte et de Naples, que le mariage était valable même s’il était célébré ailleurs que dans une église : « Ceux qui veulent se marier peuvent être exhortés, mais non pas contraints, à s’unir dans une église » (Matrimonium contrahere volentes possunt hortari non vero compelli ad contrahendum in ecclesia (évêque de Malte, 1590, et évêque de Naples, 1650).
42Une sentence de 1684 rappelle que l’usage de célébrer le mariage à la maison était encore très pratiqué : « Ceux qui veulent s’unir par mariage chez eux ne peuvent en être empêchés par l’évêque, mais peuvent être seulement exhortés à s’unir dans une église » (Matrimonium contrahere volentes in privatis domibus non possunt ab episcopo prohiberi, sed tantum hortari, ut in ecclesia contrahant (18 mars 1684). Et nous comprenons encore mieux cet enracinement si nous écoutons le témoignage de l’archevêque de Naples le 18 août 1663 : ayant, à ce propos, constaté des abus durant sa visite pastorale, il demande aux cardinaux interprètes du concile s’il est autorisé à imposer des lois et à punir ses ouailles. La dénonciation des faits est tirée de la visite ad limina envoyée à Rome, et les questions adressées à la Congrégation sont formulées en trois points :
Les sacrements divins institués par l’Église catholique, notamment les mariages et les baptêmes, n’étaient plus accomplis dans les églises, car il était permis même aux personnes du peuple de les faire accomplir chez eux, chose selon moi fort grave et indigne, allant même contre la piété et la religion. Aussi, jaloux de l’honneur de la maison du Seigneur, souhaitant punir un si grand outrage, j’ai interdit par décrets synodaux que mariages et baptêmes puissent être célébrés ailleurs que dans les propres églises paroissiales [...]47.
43L’archevêque poursuit en racontant que, en ville et dans le diocèse, il est d’usage de célébrer les mariages de nuit et d’en confier la célébration à des procureurs. C’est pour cela qu’il a fait une Constitution qui interdit les mariages nocturnes. Il pose cependant trois questions à la Sacrée Congrégation : « Premièrement. L’archevêque peut-il interdire que soient célébrés des mariages 1. ailleurs que dans les églises ? 2. de nuit ? 3. par procureur ? » La réponse de la Congrégation est articulée et motivée. « Au premier point la Congrégation répond par la négative », l’évêque ne pouvant, en effet, interdire mais seulement exhorter ses ouailles (réponse de la Sacrée Congrégation du concile datée du 29 avril 1587). Sur le second point, la Congrégation conseille à l’évêque de procéder prudemment lorsqu’il inflige des peines contre ceux qui contreviennent à son décret car, en cas de recours, il n’aurait pas le soutien de Rome. Sur le troisième point, la réponse est encore négative car l’évêque peut agir différemment48.
44À cause de la persistance de rituels et d’usages locaux, la nouvelle norme tridentine a donc du mal à s’affirmer en Italie et dans les autres pays catholiques49. Il n’en reste pas moins vrai que ce sont précisément les évêques ordinaires qui vont se faire promoteurs, à travers la législation synodale, de la pénétration immédiate de la nouvelle législation50. En ce qui concerne le lieu et les temps de la célébration, le concile puis la Sacrée Congrégation reconnaissent que les noces sont valables même si elles sont contractées ailleurs que dans une église et en des temps interdits ; mais malgré tout, on ne saurait oublier que cette célébration comporte l’absence de solennités, c’est-à-dire la renonciation à la bénédiction que comporte la messe votive pour les époux, et aux fêtes profanes qui accompagnent le rite. Or il ne fait aucun doute que l’usage de se marier à l’église dans des temps qui permettaient ces solennités s’est assez vite répandu, allant de pair avec le renouvellement de la pastorale paroissiale post-tridentine51.
Mariages clandestins
45Le décret Tametsi commençait par une phrase à l’ambiguïté certaine, qui mettait à nu les controverses qui avaient présidé à l’élaboration de cette délibération tridentine. Le concile rappelait, en effet, l’enseignement traditionnel de l’Église sur la doctrine sacramentelle du mariage : il réaffirmait que l’échange des consentements faisait l’union conjugale et que les époux étaient les ministres du sacrement ; mais, en même temps, il faisait pression pour imposer un rite qui avait pour but de discipliner le mariage afin de répondre aux demandes pressantes des États modernes. Il en résulta une curieuse délibération qui confirmait la validité du mariage clandestin tout en le définissant comme un fait détestable, ce que Paolo Sarpi ne manqua pas de faire immédiatement remarquer, non sans ironie52.
46Le roi d’Espagne Philippe II manifesta d’emblée sa déception pour la confirmation de la validité des mariages clandestins. Même s’il renonça à délibérer avec une loi civile interdisant de célébrer les mariages clandestins, le souverain espagnol fit pression sur le pape pour que de telles unions soient déclarées nulles. La Sacrée Congrégation du concile le rappelle dans une réponse adressée aux évêques brésiliens de Portalegre et Miranda :
Bien que le roi catholique lui en ait fait la demande afin d’obvier aux nombreux inconvénients qui en découlaient, le très saint Père n’a pas voulu déclarer nuls les mariages clandestins, mais a répondu qu’il fallait pourvoir à cela par d’autres moyens, à savoir que les évêques, prédicateurs, recteurs et curés mettent fréquemment en garde jeunes gens et jeunes filles contre les mariages clandestins par quelque peine temporelle et spirituelle, et en leur interdisant de vivre ensemble afin que si quelqu’un apprend de telles choses, il ait à le notifier conformément à C. 1 sess. 24 De reformatione matrimonii53.
47Du reste, sur ce point précis, le caractère péremptoire du Tametsi semble avoir été très vite perçu car la Sacrée Congrégation du concile reçut très peu de demandes d’éclaircissement. Le côté « détestable » de ce décret laissait plutôt espérer que l’annulation d’un mariage allait être plus facile qu’auparavant. C’est en tout cas ce que laisse entrevoir la requête de l’évêque de Brescia et la réponse qu’il reçoit de la Sacrée Congrégation du concile :
Ceux qui se marient de façon clandestine, sans respecter les formes prévues par le concile, peuvent se séparer d’un commun accord, quand bien même ce mariage aurait été consommé et ils auraient vécu l’un avec l’autre ; ils doivent toutefois être sévèrement punis par leur ordinaire54.
Fiançailles et mariages entre impubères
48Même si le concile de Trente avait radicalement renouvelé la cérémonie nuptiale qui, de fait, sanctionnait le mariage, il n’avait ni supprimé ni interdit l’ancien usage des fiançailles, comme le rappelle à juste titre le synopsis de frère Pietro Sega cité plus haut : « Les unions contractées clandestinement par paroles de présent sont nulles et non valides ; les unions contractées clandestinement par paroles de futur demeurent dans les termes où elles se trouvaient avant le concile55. » Une telle situation se prêtait à des abus auxquels on pouvait difficilement remédier en peu de temps. L’habitude des époux de commencer la cohabitation après les sponsalia per verba de futuro présentait un inconvénient majeur du point de vue de la pastorale diocésaine, car les promis risquaient ainsi d’être accusés de stuprum. Charles Borromée en personne se fait l’interprète du malaise des évêques : après avoir inutilement tenté de se réserver l’absolution du péché dérivant de cette cohabitation illicite, l’archevêque de Milan demande à la Sacrée Congrégation du concile s’il peut punir les époux avec les peines canoniques infligées pour le stuprum. Les cardinaux interprètes du concile ne l’y autorisent pas et lui demandent plutôt d’œuvrer pour que la cérémonie nuptiale suive immédiatement les sponsalia per verba de futuro :
La Sacrée Congrégation estime que cela n’est pas possible, mais que les deux époux doivent être gravement punis, selon l’appréciation du seul ordinaire ; il convient toutefois d’enjoindre aux ordinaires de veiller à ce que le mariage contracté par parole de présent devant le prêtre le soit le plus tôt possible après les fiançailles afin que les époux évitent ce péril, surtout s’ils l’ont exigé de l’épouse avant la consommation du mariage56.
49Le mariage entre enfants représentait un autre inconvénient qui pouvait se manifester lors du passage des anciens usages nuptiaux à la nouvelle normative tridentine. Voici ce que, dans un tel cas, la Sacrée Congrégation du concile déclarait à l’évêque de Viterbe : le fait que les sponsalia per verba de praesenti entre impubères, célébrés avec toutes les solennités, puissent être considérés comme un mariage per verba de futuro dépendait du jus commune (évêque de Viterbe, juillet 1587). En effet, quelques années plus tard, la Congrégation répondait à l’évêque d’un autre diocèse que « le mariage célébré entre deux impubères selon les formes prévues par le concile équivaut à des fiançailles » (Matrimonium inter impuberes, servata forma Concilii celebratum, transivit in Sponsalia de futuro, pas de diocèse, 1596).
50On remarque, et c’est intéressant, que dans ses réponses aux questions des évêques sur la validité des mariages entre impubères, la Sacrée Congrégation du concile met en avant un critère moral, chose que l’on ne retrouve dans aucune autre circonstance. Les réponses données respectivement aux évêques de Spolète, de Gênes et de Naples (et à un autre qui n’est pas nommé) montrent que, pour les garçons, c’est le critère de la « malice » qui est avancé, alors que, pour les filles, c’est celui de la « prudence » :
Léandre a le droit de se marier devant son ordinaire quoiqu’il n’ait pas atteint l’âge de quatorze ans, puisqu’il est apte à consommer le mariage et que la malice supplée l’âge.
Un mariage contracté entre un pubère et un impubère est nul, sauf si la malice supplée l’âge ; à l’âge légal, il ne peut être validé que par le renouvellement des formalités prévues par le concile.
Un mariage contracté selon les formes prévues par le concile entre une fille de dix ans et un jeune homme majeur est nul et ne peut être validé par une cohabitation prolongée, à moins que, une fois venu le temps de la puberté pour la jeune fille, il ne soit de nouveau contracté devant l’Église selon les formes requises57.
Mariages nuls ou douteux
51Les décisions d’annuler le mariage, traitées par la Sacrée Congrégation du concile, concernent essentiellement la forme de la célébration ; les évêques restent cependant dans le doute lorsqu’ils sont confrontés à quelques cas qui présentent des circonstances particulières.
52Si, d’un côté, la réponse à la question posée par l’évêque de Brescia semble prévisible – « Un mariage célébré hors la présence de deux témoins au moins est nul » (Matrimonium in quo duo saltem testes non interfuerint est nullum, évêque de Brescia, août 1600) – de l’autre, le cas présenté par l’évêque de Lisbonne demande à être examiné avec soin. Après avoir contracté son mariage avec Margherita per verba de futuro, au moyen d’un serment écrit, le promis, dont le nom n’est pas mentionné, ne veut plus respecter son engagement. Margherita intente un procès, déjà en discussion auprès du tribunal épiscopal. Vu la circonstance, l’évêque interdit au promis de contracter un nouveau lien ; mais celui-ci parvient cependant à convaincre une certaine Antonia de se transférer dans un autre diocèse et là, « s’étant pourvu de témoins corruptibles, il obtint de l’ordinaire de cette cité l’autorisation de se marier » (examinatis nonnullis testibus corruptis, licentiam contrahendi matrimonium ab ordinario illius civitatis obtinuit). La Sacrée Congrégation prend acte des faits et déclare la nullité de ce mariage contracté de façon frauduleuse (patriarche de Lisbonne, sans date).
53Le mariage d’une noble dame avec un serviteur (cum famulo) est également invalidé : il avait été célébré par un parocho externo et sans aucune solennité car la femme craignait que la célébration par le curé de sa paroisse ou d’un quelconque autre lieu puisse être entravée (sans nom, 16 octobre 1684).
54Les mariages célébrés malgré l’interdiction de l’évêque ne sont pas considérés comme nuls : « Un mariage contracté contre l’interdiction de l’évêque demeure valide, mais les époux peuvent être punis par ce dernier pour désobéissance » (Matrimonium contractum contra prohibitionem Episcopi de non contraendo cum alia est validum, sed contrahentes possunt puniri ab Episcopo propter inobedientiam [sans lieu ni date]).
55Deux autres unions contractées dans des circonstances et avec des motivations différentes ne sont pas non plus invalidées. Le premier mariage semble avoir été conclu uniquement pour des questions d’intérêt, et l’époux avait pris soin de déposer auprès d’un notaire une déclaration de réserve sur le consentement : « il s’est marié sans vouloir, mais dans la seule intention d’obtenir la faveur de son père » (se contrahere absque voluntate, sed tantum intentione inducendi patrem ad sibi favendum). L’époux craignait, en effet, de perdre ses droits sur l’héritage paternel. La Sacrée Congrégation répond à l’évêque de Modène qui avait présenté le cas en question que « le mariage n’est pas annulé du fait de la protestation faite par l’époux devant notaire » (matrimonium non redditum fuisse nullum per protestationem factam a viro coram notario, sans nom, 17 août 1606). Le second cas présente, en revanche, une circonstance particulière où aucun dol de la part de l’époux n’est manifeste. Le synopsis ne mentionne pas l’identité de l’évêque qui introduit la question liée à un procès d’annulation pour cause d’impuissance ; le cas est cependant exposé très en détail et la Sacrée Congrégation récompense la sincérité de l’époux :
Le mariage contracté n’a pas été annulé au chef de l’impuissance découlant de ce que la verge de l’homme n’excédait pas la taille d’une fève et, outre son extrême petitesse, du fait de son absence d’érection, choses reconnues par l’homme lui-même58.
Le mariage avec des hérétiques
56Les mariages mixtes représentent un aspect particulier de l’application des normes tridentines sur les unions conjugales. De nombreuses demandes d’éclaircissement sur le mariage conclu dans des pays où coexistent différentes confessions trahissent bien l’existence d’une fracture religieuse dans différentes parties de la chrétienté européenne ; elles indiquent également la forte mobilité de la population. Sur certains points la Congrégation du concile ne semble pas disposée à transiger. Elle déclare la nullité d’un mariage célébré par un curé publiquement heretico – en entendant par là que le curé est le chef de la communauté appartenant à une autre confession – aussi bien dans le cas où le décret du concile de Trente a été publié dans le pays où se déroule la cérémonie que dans le cas contraire (Dubium 19 maii 1572). Il en va de même pour le mariage conclu entre un fidèle et une infidèle (ou vice versa) omnino nullum et irritum est (Dubium 26 septembris 1623). En 1638, la réponse à un évêque polonais confirme bien ce principe :
Un mariage contracté par une catholique avec un hérétique ou bien devant un ministre hérétique est valide si le décret du concile n’a pas été publié au lieu du mariage ; il est nul en revanche si ledit décret a été publié dans la paroisse et observé au moins un certain temps ; pour être valide, le mariage doit alors être célébré devant un curé catholique59.
57Le mariage entre catholiques et orthodoxes pose un double problème : le premier concernant la célébration qui doit suivre les normes réformées dans les lieux où le décret tridentin a été publié (interrogations de l’évêque de Vilnius, 25 juin 1639), le second concernant le divorce, que les orthodoxes reconnaissent dans certaines conditions. En 1682, les cardinaux interprètes du concile répondent au patriarche de Venise qu’un catholique ne peut pas épouser une orthodoxe convertie et divorcée (patriarche de Venise, 2 mai 1682). En revanche, on ne demande pas à des catholiques voulant se marier dans un pays musulman de respecter les formalités rituelles, comme on peut lire dans la réponse de la Sacrée Congrégation à une question soulevée en 1682 :
58« La Sacrée Congrégation a déclaré valide un mariage contracté à Tripoli, en Barbarie, entre Caia, femme catholique, et Titius également catholique, devant un simple prêtre » (Matrimonium contractum in Portu Garaffe, vulgo Tripoli di Barbaria, inter Caiam mulierem catholicam et Titium pariter catholicum coram simplice sacerdote fuisse validum declaravit S. Congregatio, sans nom, 10 janvier 1682).
Cas particuliers
59L’examen des questions soulevées par les évêques à la Sacrée Congrégation du concile à propos de l’application de la réforme du mariage fait ressortir une problématique certainement très intéressante, essentiellement liée aux aspects juridiques et formels de l’administration du sacrement. On rencontre cependant des cas particuliers qui permettent d’entrevoir des aspects sociaux et des parcours de vies individuelles. Il n’est pas question de poursuivre ici l’analyse, mais je voudrais seulement signaler que les cas examinés par les tribunaux épiscopaux dans les procès pour séparation présentent rarement des aspects controversés qui nécessitent l’intervention de la Sacrée Congrégation du concile. On trouve des références à des questions, disons plus marginales, comme la destination au monastère d’un certain nombre de femmes abandonnées par leur mari, ou bien séparées pour adultère, qui se sont prostituées et qui finissent par prononcer les vœux monastiques pour conduire une vie plus sûre et socialement acceptable. À l’instar d’autres témoignages, les questions soulevées par les évêques laissent entrevoir certains aspects de la condition féminine d’Ancien Régime : les liens étroits entre une vie conjugale exposée à la violence et à la séparation, et l’impossibilité pour beaucoup de femmes de mener une vie honnête et autonome hors d’une institution contrôlée et protégée.
Notes de bas de page
1 Ce terme se réfère au jus novum qui se développe après le concile de Trente, il n’est en aucun cas un jugement de valeur. Pour l’histoire du mariage à l’époque moderne, voir D. Lombardi, Matrimoni di antico regime, Bologne, 2001 ; id., Storia del matrimonio : dal Medioevo a oggi, Bologne, 2008.
2 H. Jedin, K. Reinhardt, Il matrimonio : una ricerca storica e teologica, Brescia, 1981.
3 L’importance des dispositions conciliaires est mise en évidence par l’anomalie du Tametsi, qui inclut une norme liturgique dans un décret De reformatione : G. Zarri, « Il matrimonio tridentino », dans P. Prodi, W. Rehinard (dir.), Il Concilio di Trento e il moderno, Bologne, 1996, p. 437-483, désormais dans id., Recinti. Donne, clausura e matrimonio nella prima età moderna, Bologne, 2000, p. 203-250 et la bibliographie citée.
4 H. Jedin, Gescbichte des Konzils von Trient, Fribourg, 1957-1977, t. 5.
5 F. Romita, Le origini della Sacra Congregazione del Concilio, dans id., La Sacra Congregazione del Concilio. Quarto Centenario dalla Fondazione (1564-1964). Studi e ricerche, Cité du Vatican, 1964, p. 13-50. Sur l’origine et le fonctionnement de la Congrégation dans les années qui ont immédiatement suivi le concile de Trente, voir également P. Prodi, Il cardinale Gabriele Paleotti (1522-1597), Rome, 1959, t. 1, p. 193-215.
6 G. I. Varsányi, De competentia et procedura Sacrae Congregations Concilii ab origine ad haec usque nostra tempora, dans F. Romita, La Sacra Congregazione del Concilio..., op. cit., p. 51-177, part. p. 69-74 et 109-117.
7 Ibid., p. 113. L’auteur de cet article rappelle le jugement controversé des juristes sur le pouvoir juridictionnel de la Sacrée Congrégation, un organisme consultatif, mais dont les décisions prennent, de fait, une valeur normative.
8 S. Giordano, « Sisto V », dans Dizionario dei papi, Rome, 2000, t. 3, p. 202-222.
9 G. I. Varsányi, « De competentia et procedura... », art. cité, p. 82.
10 M. Rosa, « Benedetto XIV », dans Dizionario dei papi, op. cit., t. 3, p. 446-461.
11 Quelques références d’emprunt dans A. C. Jemolo, Il matrimonio nel diritto canonico. Dal Concilio di Trento al Codice del 1917, préf. de J. Gaudemet, Bologne, 1993 [1941], p. 65-66 ; C. Cristellon, « Does the Priest Have to Be there ? Contested Marriages before Roman Tribunals. Italy, Sixteenth to Eighteenth Centuries », dans Osterreichische Zeitschrift für Geschichtswissenschaft, 3, 2009, Ehe. Norm, p. 10-30.
12 Biblioteca Universitaria di Bologna (désormais BUB), Manoscritto latino 542, Opus in Sacrum Concilium Tridentinum a sessione Prima usque ad XXIV, t. 1, A sessione XXIV usque ad finem, t. 2, Authore Prospero Fagnano (une autre main, mais contemporaine).
13 BUB, Manoscritto latino 533 : Frater Petrus Sega, Ordinis Cruciferorum, Declarationes quorumdam Concilii Tridentini Decretorum a Cardinalibus Sacrae Congregationis eiusdem Concilii...
14 BUB, Manoscritto latino 537 : Tommaso Villanova di San Nicolao, 5. Congregationis Concilii resolutionum variarum sinopsis ecclesiastica, manuscrit en trois volumes du xviiie siècle, non paginé.
15 BUB, Manoscritto latino 539 : Congregationis Concilii declarationes ab anno 1591 ad 1604 ; BUB, Manoscritto latino 535 : S. Congregationis Concilii Tridentini resolutiones causarunt ab anno 1592 usque ad 1669 inclusive, t. 4 ; BUB, Manoscritto latino 536 : S. Congregationis Concilii Tridentini resolutiones causarum ab anno 1681 usque ad 1689 inclusive, 4 vol.
16 BUB, Manoscritto latino 534, 5 vol. ; ibid., Manoscritto latino 538, 4 vol. ; ibid., Manoscritto latino 540.
17 Thesaurus resolutionum Sacrae Congregationis Concilii, quae consentanee ad Tridentinorum PP. Decreta, aliasque Canonici Juris Sanctiones, munus Secretarii ejusdem Sacrae Congregationis obeunte [...] Cardinali De Lambertinis [...] prodierunt In Causis a anno 1718 usque ad 1721 [...] Tomus primus [...], Urbino : ex typographia ven. Cappellae SS.mi Sacramenti, sumptibus Hieronymi Mainardi, 1739-1760. La date de 1728 pour le début de la publication est fournie par N. Del Re, « I cardinali prefetti della Sacra Congregazione del Concilio dalle origini ad oggi (1564-1964) », dans F. Romita, La Sacra Congregazione del Concilio, op. cit., p. 284.
18 Sanctissimi domini nostri Benedicti papae 14. De synodo dioecesana libri tredecim in duos tomos distributi. Tomus primus/secundus, Ferrare, impensis Remondiniani, 1764, p. vii-viii.
19 Raccolta di alcune notificazioni, editti, ed istruzioni dell’eminentissimo, e reverendissimo signor cardinale Prospero Lambertini [...] orasomma Pontefice Benedetto XIV, Venise, t. 1, 1740.
20 Benedicti XIV pont. opt. max. [...] De synodo Dioecesana libri octo nunc primum editi ad usum academiae liturgicae Conimbricensis, Rome, 1748.
21 Parmi les nombreuses éditions augmentées, on trouve celle de 1764 d’où proviennent les citations : Sanctissimi domini nostri Benedicti papae XIV De synodo dioecesana libri tredecim in duos tomos distributi, nouv. éd., Ferrare, 1764. Cf. M. T. Fattori (éd.), Le fatiche di Benedetto XIV. Origine ed evoluzione dei trattati di Prospero Lambertini (1675-1758), Rome, 2011.
22 Ibid., p. viii.
23 Ibid.
24 P. Palazzini, « Prospero Fagnani, Segretario della S.C : del Concilio e suoi editi ed inediti », dans F. Romita, La Sacra Congregazione del Concilio, op. cit., p. 361-382, qui dépasse les profils biographiques précédents.
25 S. Tromp, « De manuscriptis acta et declarationes antiquas Sacrae Congregationis Conc. Trident. Continentibus », Gregorianum, 39, 1958, p. 96.
26 P. Palazzini, « Prospero Fagnani », art. cité, p. 375-376.
27 BUB, Manoscritto latino 542 : Opus, t. 1, f°1-49.
28 La première partie n’est pas intitulée, mais elle contient un commentaire à la première partie du chapitre premier du Tametsi.
29 Primo docet Sacrum Concilium Matrimonia clandestina vera fuisse, quamdiu illa ecclesia irrita non fecit, BUB, Manoscritto latino 542 : Opus, t. 2, f°1.
30 Quod matrimonium clandestinum, licet sit prohibitum, tamen factum tenet, ibid., f°3.
31 Substantiae enim vinculi matrimonii solus consensus contrahentium sufficit, ibid.
32 Cum mulier sit libera et sit sub potestate parentum tantum educationis gratia, unde potest suum corpus cui voluerit tradere sicut et proferri, ibid., f°5.
33 Quibus denunciationibus factis episcopus N. narravit in sua dioecesi post factas Denunciationes Matrimonii in ecclesia inter duos dioecesanos non statim fuisse celebratum matrimonium cum solemnitatibus a iure requisitis, sed post quatuor menses, quo intermedio tempore vir et mulier simul conversantes carnali copula coniuncti sint ; ex qua mulier concepit post celebratum matrimonium paritum[= partum]. Hinc quaerebat D. Episcopus quod nam remedium adhibere posset, ne in posterum huiusmodi scandala evenirent. Et pro huiusmodi illicito coitu iniungendam esse penitentiam dixit Congregatio, et si in posterum quid taie eveniet idem faciendum, inclinavit tamen hoc casu Congregatio coitum illicitum non cadere in speciem stupri, quia stuprum non stat cum contractu matrimonii, ibid., f°7-8.
34 Ibid., f° 8-9.
35 BUB, Manoscritto 537, Tommaso Villanova di San Nicolao, S. Congregations Concilii resolutionum variarum synopsis ecclesiastica, vol. II, sub voce Matrimonium, n. p. Les cas cités sont extraits de ce synopsis, sauf indication contraire.
36 Praecipit ut in posterum, antequam matrimonium contrahatur, ter a proprio contrahentium parocho tribus continuis diebus festivis in ecclesia inter missarum solemnia publiée denuntientur, inter quos matrimonium sit contrahendum [...] ; statuitque, benedictionem a proprio parocho fieri, neque a quoquam, nisi ab ipso paroebo vel ab ordinario licenziam ad praedictam benedictionem facendam alio sacerdoti concedi posse [...], Conciliorum Oecumenicorum décréta (= C. Oe. D.), éd. Giuseppe Alberigo et al. ; consulenza di Hubert Jedin, Bologne, 1991, Canones super reformatione matrimonii, chap. I, p. 756.
37 Parochus ita est necessarius in celebrazione matrimonii, ut, licet denunciationes fuerint factae ac secuta copula, nihilominus matrimonium non tenet si praesens non fuerit, BUB, Manoscritto latino 539, f° 114v.
38 Quod praesentia parochi non requiritur in hoc casu ad exercendam functionem sacerdotalem sed ad testimonium ferendum. Nec videtur obstare quod sit transactus annum in quo debeat ad sacerdotium promoveri, tum quia poena inflicta contra parochos non debet nocere parochianis [...], BUB, Manoscritto latino 535 I, f° 117.
39 Matrimonium contractum per verba de praesenti coram sacrista clerico in minoribus tantum costituto de commissione parochi nullum esse declaravit Sanctissimus ex sententia Sacrae Congrégations, licet solemnitates a Concilia praescriptae fuissent in reliquis servatae (patriarche de Venise, s.d.).
40 BUB, Manoscritto latino 538, II, f°358v.
41 P. Lambertini, Raccolta di alcune notificazioni, editti ed istruzioni, Venise, Francesco Pitteri, 1740, t. 2, Notificazione, XIII, p. 75-83.
42 Ibid., t. 4, Notificazione, XIII, p. 63-70.
43 Matrimonium potest valde contrahi in loco ubi quis per octo annos morum trahit, licet non fuerint factae denunciationes in loco originis (évêque de Guastalla, s.d.).
44 Matrimonium est valide celebratum non servata forma Concilii, sed saltem adibitis duobus testibus ubi parochus quidem et episcopus extant, sed metu hereticorum latent, nec ad alterutrum est tutum accessum (évêques de Belgique, 26 septembre 1602).
45 C. Oe. D., Canones super reformatione matrimonii, cap. X, p. 759.
46 BUB, Manoscritto latino 583, cap. X, f° 179.
47 Quod in ecclesiis non exercebantur amplius divina sacramenta, ad quorum usus ab Ecclesia Catholica sunt instituta, matrimonii specialiter et baptismi, quia nempe permissum fuerat etiam popularibus personis fieri domi ; res apud me non solum maximi momenti et dedecoris, verum etiam contra pietatem religionemque inventa. Zelatus itaque decorum domus Domini ac tantae iniuriae vindex per Decreta Synodalia precise inhibui matrimonia et baptismum non posse alibi fieri quam in propriis ecclesiis parochialibus. Et facta lege, inventa, ut aiunt, malitia ad evitandum assertorum Decretorum Synodalium executione [...], BUB, Manoscritto latino 535, II, f°269v.
48 Primo. An potuerit per Eminentissimum Archiepiscopum statut ne matrimonium alibi quam in ecclesiis celebrentur ? 2. Neque post occasum solis ? 3. neque per procuratorem ? Ad primum Congrgatio respondit négative, ibid., f°270.
49 P. Rasi, « L’applicazione delle norme del concilio di Trento in materia matrimoniale », dans A. Giuffrè (éd.), Studi di storia e diritto in onore di Arrigo Solmi, Milan, 1941, t. 1, p. 235- 281 ; O. Niccoli, « Baci rubati. Gesti e riti nuziali prima e dopo il Concilio di Trento », dans S. Bertelli, M. Centanni (dit.), Il gesto nel rito e nel cerimoniale dal mondo antico ad oggi, Florence, 1995, p. 224-247.
50 A. C. Jemolo, « Le disposizioni sul matrimonio in alcune sinodo italiane post-tridentine », Archivio di diritto ecclesiastico, 17, 1939, p. 6-32.
51 Dans la notification citée plus haut, Lambertini décrit le mariage contracté dans des temps défendus comme un mariage qui serait célébré à l’église avec les formalités habituelles mais sans bénédiction solennelle. Il évoque ensuite la réticence populaire à se marier durant le mois de mai à cause de la croyance superstitieuse selon laquelle cette période de l’année n’est pas propice à la fécondité. Ibid., p. 65, 70.
52 P. Sarpi, Istoria del concilia tridentino seguita dalla « Vita del padre Paolo » di Fulgenzio Micanzio, C. Vivanti (éd.), Turin, 1974, t. 2, p. 1220. J’ai commenté ce passage dans mon article : G. Zarri, « Il matrimonio tridentino », dans P. Prodi, W. Rehinard (dir.), Recinti..., op. cit., p. 209-210.
53 Matrimonia clandestina nulla declarare noluit Sanctissimus ex sententia S. Congregationis, licet hoc peteret Rex Catholicus ad impedienda multa inconvenientia quae ex eis eveniebant. Sed respondit aliis remediis providendum. Nempe ut episcopi, concionatores, redores, parochi saepe moneant iuvenes puellasque ab his clandestinis sponsalibus abstineant, poenam aliquam temporalem et spiritualem statuendo, ne simul conversentur proibendo et edicendo, ut si quis sciat notificare Ita habetur ad c. 1 sess. 24 de reformatione matrimonii (évêques de Portalegre et Miranda, 11 mars 1591).
54 Matrimonium clandestine contrahentes non servata forma Concilii, licet illud consumaverint et aliquandiu simul cohabitaverint, possunt si pariter dissentiant se invicem disgiungere, sed graviter sunt puniendi ab ordinario (évêque de Brescia, s.d.).
55 Sponsalia per verba de praesenti clandestine contracta irrita et nulla sunt. Sponsalia autem per verba de futuro contracta relicta sunt in illis terminis in quibus erant ante Concilium, BUB, manoscritto latino533, Sessio XXIV De reformatione matrimonii, f°158v.
56 Sacra Congregatio censuit non posse, sed ambos graviter arbitrio ordinarii dumtaxat esse puniendos ex decreto Concilii sess. XXIV, cap. I, monendos tamen ordinarios ut factis sponsalibus curent quam primum contrahi matrimonium per verba de praesenti coram parocho, ne sponsi hoc periculo subeant, maxime si ipsi a sponsa ante matrimonii consumationem id petierint (archevêque de Milan, circa 1573), BUB, Manoscritto latino 538, II, f°358.
57 Matrimonium contrahere licet Leandro ante aetatem 14 annorum costituto coram Ordinario, quod sit habilis ad matrimonium consumandum et malitia suppléât aetatem (évêque de Spoleto, août 1605) ; Matrimonium inter puberem et impuberem contractant est nullum nisi malitia suppleat aetatem, nec aetate legitima superveniente potest validari nisi repetita forma a Concilia praescripta (archevêque de Gênes, 5 novembre 1601, archevêque de Naples, 19 avril 1606) ; Matrimonium contractum servatis omnibus solemnitatibus a S. Concilia praescriptis inter puellam X annorum sed prudentem et Virum maiorem est nullum, nec validatur propter longi temporis cohabitationem et copulam subsecutam, nisi, adveniente tempore pubertatis Puellae, iterum ante faciem Ecclesiae servatis servandis contrahatur (sans nom ni date).
58 Matrimonium contractum non fuisse nullum ex capite impotentiae deductae, ex eo quod virga magnitudinem fabae non excedebat praeter insignem brevitatem et illius non erectionem, etiam ab ipso viro confessam, respondit S. Congregatio (évêque de Modène, 30 juillet 1672).
59 Matrimonium contractum a muliere Catholica cum heretico vel e contra coram ministro heretico est validum si constet ibi non esse publicatum Decretum Concilii c. 1 sess. 24 de reformatione matrimonii. Nullum vero si constet de illius publicatione in parochia ex observantia saltem per aliquod tempus, nam tune debet contrahi coram parocho catholico ad illius validitatem (évêque de Pologne, 3 novembre 1638).
Auteurs
Professeur d’histoire moderne, enseignante à la faculté de lettres et philosophie de l’université de Florence. Membre du conseil scientifique de l’Institut d’études humanistes de Florence et de l’École Internationale de hautes études Scienze della Cultura de la fondation Collège de San Carlo de Modène. Elle participe aussi à d’autres associations scientifiques italiennes et internationales, et dirige la revue internationale Archivio italiano per la storia della pietà. Ses recherches portent sur les institutions ecclésiastiques et la vie religieuse entre le xve et le xviie siècle, notamment sur les ordres religieux masculins et féminins, et sur la condition féminine et son accès à la sainteté. Auteur de nombreux ouvrages personnels et dirigés, dont le dernier en date : G. Zarri, E.A. Matter, Una mistica contestata. La Vita di Lucia da Narni (1476-1544) tra agiografia e autobiografia. Con l’edizione del testa, Rome, Edizioni di Storia e Letteratura, 2011.
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