Les couples clandestins devant la justice d’Église
Réflexions sur la normalisation matrimoniale judiciaire dans la France du Nord-Ouest à la fin du Moyen Âge
p. 77-98
Résumés
Le propos de cet article est d’étudier comment, pourquoi et à quelles fins des hommes et des femmes ont été amenés à répondre de la clandestinité de leur mariage, secret, irrégulier ou informel, devant un juge ecclésiastique de la France de l’Ouest à la fin du Moyen Âge. Certains couples sont cités à comparaître et mis à l’amende parce qu’ils se sont mariés sans publier préalablement les bans, ou sans produire tous les certificats exigés, ou bien sans s’être pliés aux rituels d’une noce in facie ecclesie. Quand l’échange des consentements a pu être prouvé, ils sont condamnés à régulariser a posteriori en solennisant leur union. D’autres personnes ont pu engager d’elles-mêmes une action judiciaire pour être reconnues par le juge comme le conjoint légal d’un partenaire qui peut vouloir s’engager en mariage avec un tiers, ou dont il craigne l’abandon. La dimension informelle de bien des mariages clandestins menace la stabilité du couple et hypothèque la légitimité des enfants s’ils sont assimilés à des concubinages. Mais quand le couple ne remet pas en question l’existence d’une union, irrégulièrement contractée au regard des dispositions synodales, il est possible que le recours au tribunal ou la mise à l’amende par le juge ecclésiastique constitue une option intégrée par ce couple dans le processus matrimonial pour parfaire après coup un mariage qu’il convenait de sceller au plus vite. L’étude des mariages clandestins implique de prendre en considération un grand nombre d’attitudes à l’égard des normes matrimoniales (canoniques, sociales) et de leurs usages par les laïcs. La diversité des déclinaisons possibles de l’infraction de clandestinité explique aussi la diversité des articulations possibles entre couples et justice : le juge sanctionnant, régularisant, les couples subissant ou pouvant instrumentaliser en partie le passage en justice.
The purpose of this paper is to study how, why and to what ends men and women in Western France were sued by ecclesiastical judges in the Later Middle Ages for secret, irregular or so-called “clandestine” marriage. Some couples were brought before the court because of a lack of witnesses, banns, or certificates, or for neglecting the requirements of a ceremony in facie ecclesie. They were sentenced to pay a pecuniary fine and, if exchange of consent had been proved, to solemnize their marriage afterwards. Others instituted proceedings in order to be recognized as the legal husband or wife of someone who wanted to marry someone else, or because they feared one of the partners could desert. The lack of ceremony in many clandestine marriages could weaken matrimonial bounds and the legitimacy of children. When the couple did not question the reality of their union, regardless of its defects from a legal viewpoint, standing trial and being penalized could be a possible way to perfect afterwards matrimonial bounds which could have to be quickly contracted. The study of clandestine marriage involves considering many attitudes to the matrimonial norms (canonical, social) and their uses by the laity. Because of the variety of forms of this matrimonial infraction, one has to consider the various forms of judicial repression and the ways it was used or undergone by the couples.
Texte intégral
1L’objet de cette communication est d’exposer ce que l’étude des mariages clandestins peut nous apprendre des raisons, des modalités et des enjeux du passage de couples devant le juge, dans le cadre d’une pratique matrimoniale et d’une infraction particulière1. Nous placerons au cœur de notre réflexion les hommes et les femmes confrontés à la justice ecclésiastique parce qu’ils ont échangé des consentements matrimoniaux dans des conditions de formes telles qu’on qualifie de clandestin leur mariage. Ces mariages peuvent avoir été conclus par des paroles de présent échangées en secret, sans témoins mais aussi sans que le couple ait respecté certaines formes de publication, de publicité ou de solennités. Le lien matrimonial peut naître aussi d’une promesse de mariage suivie d’une relation charnelle. Celle-ci permet à un juge de présumer un consentement de présent et donc l’existence d’un vrai mariage, théoriquement indissoluble. Ces mariages présumés sont assimilables à des mariages clandestins car les solennités associées aux noces y font défaut2. Qu’ils soient caractérisés par un défaut de preuve ou un défaut de solennités, ces mariages ont été dénoncés voire expressément interdits par les autorités ecclésiastiques depuis l’époque carolingienne3. Quand, au xiie siècle, sont apportées les principales réponses canoniques aux questions de savoir ce qui crée le lien matrimonial et, une fois celui-ci conclu, quelle est la force de ce lien, la valorisation du solus consensus par verba de presenti entraîne la nécessaire validation des mariages clandestins4. Pour préserver la force du consentement, liberté est ainsi laissée aux laïcs de se marier autrement que de façon solennelle et publique. Théologiens et canonistes concèdent donc la validité de ces mariages clandestins, véritables unions qu’on ne saurait rompre si l’on peut du moins les prouver de façon idoine5. Ils continuent toutefois de dénoncer les périls que ces mariages font courir à l’institution matrimoniale. Le canon 51 du concile de Latran IV (1215) reprend les menaces de sanction contre les clercs qui auraient la présomption de participer à de tels mariages et y ajoute l’interdiction de se marier sans respecter les formalités de publication des bans et donc de contrôle ecclésiastique de tout projet d’union6. La législation synodale relaie cette interdiction des mariages clandestins, sans bans. Elle précise également un discours normatif qui réglemente les conditions d’un mariage public, conclu in facie ecclesie et solennisé par la bénédiction nuptiale en présence d’un prêtre, sous peine d’excommunication. Lutter ainsi contre les mariages qui ne seraient pas contractés conformément à ces dispositions réglementaires, en menaçant de sanctions pécuniaires et d’excommunication, vise à préserver les principes de monogamie, d’exogamie et d’indissolubilité du mariage, sacrement de l’Église.
2Au sein des officialités, les juges ecclésiastiques poursuivent et condamnent les couples qui se sont mariés sans respecter les formes prescrites par les statuts synodaux. Si leur mariage est valide, ils doivent régulariser a posteriori leur situation conjugale par l’acquittement d’une amende et/ou la solennisation du mariage en bonne et due forme. Mais les juges ecclésiastiques ne se contentent pas de sanctionner la nullité ou l’irrégularité de certaines noces. Ils sont également sollicités par des hommes, et plus encore des femmes, qui attendent d’eux la reconnaissance juridique d’un mariage qui a pu ne pas être scellé dans des conditions de publicité et de solennités qui permettraient de lever toute ambiguïté quant à l’existence juridique du couple comme époux légitimes. Nous touchons là à l’un des paradoxes de ces mariages clandestins, à la fois interdits, qu’il faut donc réprimer, et valides s’ils ont été contractés par des personnes légitimes. Pour obtenir qu’un fiancé respecte la parole donnée, pour obtenir d’un époux qu’il régularise une situation maritale de fait, et donc pour garantir la stabilité d’une cellule conjugale, le recours au juge ecclésiastique est à la fois nécessaire et respecté. Car lui seul est compétent pour établir l’existence juridique du lien7. Les historiens des officialités médiévales n’ont d’ailleurs pas manqué de relever que c’est en majorité pour des actions civiles en reconnaissance de validité d’un lien matrimonial que sont sollicités les juges, bien plus que pour des demandes de séparation ou d’annulation de mariage8.
3La mobilisation de registres de procédures ou de sentences mais aussi de registres d’amendes et de comptes de promoteurs d’officialités de la France du Nord-Ouest nous a permis d’étudier la clandestinité matrimoniale, entre la fin du xive et le début du xvie siècle, dans ses différentes déclinaisons : pratiques secrètes, informelles ou défauts réglementaires. Ce corpus nous a également permis d’approcher deux types de couples clandestins9 : ceux à qui l’institution judiciaire impose de régulariser une situation conjugale ; ceux qui attendent de cette même institution une reconnaissance juridique d’un lien matrimonial souvent contesté par l’autre partie10. Les fonds normands, chartrains et parisiens nous ont paru assez complémentaires pour servir notre propos, en permettant des comparaisons dans un ensemble juridictionnel cohérent. Les registres de procédures nous renseignent sur les actions engagées à l’initiative des parties ou sur les poursuites engagées par le promoteur11. Ils donnent à voir la manière dont la clandestinité se révèle être parfois un ferment de conflits matrimoniaux12. Combinés avec les registres de sentences, ils rendent aussi compte des modalités et des limites de l’action normalisatrice de la justice ecclésiastique. Les registres d’amendes des promoteurs permettent quant à eux de préciser et de décliner ce que les autorités judiciaires condamnent au titre de la clandestinité. Ils donnent aussi accès à des couples qui ne sont pas forcément en conflit, qui ne cherchent pas forcément à nier l’existence d’un lien matrimonial, quelles que soient les irrégularités qui ont pu affecter sa conclusion. Combinés, les deux ensembles documentaires présentent ce que ces couples peuvent craindre mais aussi espérer d’une action auprès d’un juge.
4Comment, pourquoi, à quelle fin ces hommes et ces femmes se retrouvent-ils devant un juge pour régler des problèmes liés à la formation clandestine de leur mariage et répondre de la régularité et de la légitimité de leur couple ? Dans quelle mesure le passage, subi, contraint ou volontaire, devant l’official ou son promoteur peut-il être une tentative ou un moyen effectif de normaliser, de régulariser, de mettre en conformité avec la règle de droit des situations conjugales qui s’avèrent heurter la vision ecclésiastique du mariage en règle, ou susciter l’inquiétude de laïcs qui ne savent comment garantir la pérennité de leur cellule conjugale ou la légitimité de leur descendance ? Pour poser ce qui ne pourra être que les jalons de la réflexion sur l’articulation couple, justice et formation clandestine du lien matrimonial, on précisera dans une première partie ce qu’est la clandestinité dans les archives judiciaires d’officialités du Nord-Ouest français et, dans une seconde partie, les modalités et les enjeux de la démarche judiciaire des couples concernés.
La clandestinité dans les archives d’officialités de la France du Nord-Ouest
5Dans les juridictions normandes, chartraines et parisiennes choisies comme cadre d’étude convergent les approches synodales de la lutte contre les mariages clandestins (sanctions pécuniaires et excommunication) et de la réglementation des conditions de solennités et de publicité du mariage régulier13. Les couples engagés clandestinement n’y ont pas d’autres offres juridictionnelles que celle de l’officialité pour régler ce type d’affaires matrimoniales. L’infraction de clandestinité, telle qu’elle apparaît condamnée, s’y décline de façon comparable. Nous verrons des mariages clandestins conclus de façon informelle, parfois en cachette de la communauté, ou plus encore des autorités ecclésiastiques chargées d’en contrôler la légitimité. Cette dernière forme de clandestinité se décline encore en mariage conclu sans bans, célébré ailleurs que dans sa paroisse d’origine et de résidence, ou sans que le couple ait produit tous les documents exigés par les autorités diocésaines.
Des mariages contractés sans recourir aux solennités coutumières de l’Église
6L’absence de solennités obligatoires pour juger valide un mariage est une réalité canonique qu’on retrouve dans la diversité des gestes qui peuvent accompagner l’expression d’un consentement de mariage. Donner et recevoir des épingles, des fruits, des pièces de monnaie, ou boire in nomine matrimonii sont autant de situations qui peuvent valoir engagement matrimonial tout en étant marquées par de réelles ambiguïtés14. Accomplis sans témoins, en dehors des solennités rituelles et liturgiques prévues de manière coutumière par l’Église, ces gestes peuvent être en toute bonne foi mal compris, ou finir par être frauduleusement récusés quand le lien qu’ils scellent plus ou moins explicitement n’offre plus satisfaction. Certains évêques ont ainsi dû prescrire dans leurs statuts synodaux que « boire en nom de mariage » ne permet de « contracter ni mariage ni épousailles15 », en raison des difficultés inhérentes à ce mode de formation du lien. L’ambiguïté des paroles échangées peut également procéder de confusions possibles entre les temps de l’engagement. Or promettre pour le futur n’engage pas juridiquement les parties de la même manière que consentir au présent (tant qu’il n’y a pas relations charnelles, du moins). Car on peut obtenir en justice la rupture d’un engagement par paroles de futur, pour une juste cause et moyennant une pénitence, mais non plus d’un consentement exprimé par paroles de présent16. L’étude des registres normands témoigne toutefois de la confusion grandissante dans l’esprit des laïcs entre engagements pour le futur et consentements au présent. C’est le cas dans cette cause portée devant l’official de Fécamp, opposant Laurence Dubois à Richard Martell. La demanderesse recourt au juge pour que cet homme lui soit adjugé comme son virum aut sponsum et que la cour l’oblige à solenniser « à la face de l’église ». Elle fait valoir que le défendeur lui avait donné sa foi de contracter mariage « par des paroles qui conviennent tant de présent que de futur » (per verba ad hoc apta et habilia tam de presenti quam de futuro). Ce dernier reconnaissant la « foi » et la « promesse de mariage », l’official prononce en 1414 une sentence les reconnaissant comme sponsa et sponsus17. Les hésitations lexicales ne portent donc pas préjudice ici à la reconnaissance judiciaire du lien entre les deux parties. Les paroles échangées engagent en effet les parties à condition d’être comprises de part et d’autre pour ce qu’elles sont et d’être reconnues comme telles en justice18. Il peut arriver que certains séducteurs jouent volontairement sur ces ambiguïtés pour se défaire de fait d’un engagement. Cela peut être aussi le cas de jeunes gens qui reviennent sur des promesses de mariage échangées de façon informelle parce que celles-ci ne s’avèrent pas convenir aux familles.
Des mariages dissimulés à la communauté ou aux autorités diocésaines ?
7Il est parfois difficile de démêler clairement les circonstances de la clandestinité de ces mobiles. Il apparaît en tout cas que les mariages mis en cause dans les archives judiciaires étudiées sont ceux qui ont été contractés dans des conditions qui ne permettent pas d’en contrôler en amont la légitimité, ou dans des conditions qui peuvent laisser penser qu’il s’agit d’en dissimuler la conclusion (par défaut de publicité ou de solennités) à la communauté mais surtout aux autorités diocésaines compétentes. Dans les archives de l’officialité de l’archidiaconé de Paris, on trouve en 1515 l’exemple d’un couple cité pour répondre d’un mariage clandestin. Il s’agit d’une déclinaison du mariage contracté en cachette et sans les solennités requises. Olivier Chrétien, garçon brodeur, et Catherine, veuve d’un maître brodeur, se sont rendus à Saint-Germain-en-Laye pour y contracter mariage, après abandon de leur paroisse, Saint-Jacques-de-la-Boucherie (eorum parrochia dimissa) à Paris, et sans respecter les solennités ecclésiastiques (nullis solemnitatibus observatis). Pour sa défense, Olivier précise que ce n’est pas par « mépris de l’Eglise » qu’ils ont agi ainsi, mais afin de dissimuler leur mariage à la communauté des brodeurs pour que Catherine préserve ses prérogatives de veuve d’un maître19.
8Quand les couples quittent leur paroisse de résidence pour se marier ailleurs, c’est bien souvent parce que cela leur permet de se dispenser de fait des formalités des bans. On remarque que, dans les archives d’officialités normandes, parisiennes ou chartraines, ce sont ces mariages conclus sans publication préalable des bans, qui sont systématiquement présentés comme clandestins, quels que soient les degrés de publicité et de solennités qui les caractérisent par ailleurs20. Avec une intensité grandissante à partir de 1215, les autorités ecclésiastiques ont en effet renforcé les instruments à la disposition du clergé pour contrôler la légitimité des unions, au point d’interdire toutes les pratiques matrimoniales qui pourraient porter atteinte à la logique des bans. Dans le diocèse de Rouen, il est ainsi spécifiquement interdit d’avoir des relations charnelles avec son fiancé tant que tous les bans n’ont pas été publiés21. Sont donc mis à l’amende des couples qui ont eu des relations charnelles pendant leurs fiançailles, sans que les solennités de présent aient été forcément omises pour autant après coup. Les couples désireux de s’unir de façon régulière doivent aussi produire différents certificats. À la fin du xive siècle, dans le grand archidiaconé de Chartres, les laïcs ne fournissent pas de documents écrits spécifiques, mais s’ils résident dans la juridiction du grand archidiaconé sans en être toutefois originaires, ils doivent promettre et jurer qu’aucun empêchement au mariage n’entrave le projet de noces22. Dans le diocèse de Rouen, au xve siècle, les conjoints doivent présenter des « lettres d’origine » ou des lettres de « dispense d’origine » qui doivent attester de leur origine ou de leur état sacramentel et conjugal (célibataire, veuf dont la mort du conjoint est certifiée, etc.), de la publication régulière des bans dans la paroisse d’origine23. Ces lettres doivent en outre avoir été correctement authentifiées et scellées à l’officialité24. À la fin du xve siècle et au début du xvie siècle, à l’officialité archidiaconale de Paris, le fait de ne pouvoir présenter ces lettres de « non-diocèse » est un des éléments récurrents dans la description du mariage clandestin25. L’absence d’autorisation expresse du propre curé, ou de l’évêque selon les cas, combinée ou non à l’omission des solennités ecclésiastiques, fait de ces noces des mariages mis à l’amende pour clandestinité.
9Se contenter de fiançailles, solennelles ou non, suivies de vie commune peut être une autre façon de créer clandestinement une situation conjugale (et en théorie un lien conjugal par mariage présumé) tout en se dispensant de fait de répondre à différentes exigences réglementaires. En témoigne le cas de Geoffroy Le Honchier et de Marie La Mommière, couple condamné par le promoteur du diocèse de Rouen en 1484. Après des fiançailles « dans la main du prêtre » (in manu sacerdotis), Geoffroy reconnaît qu’il vit avec sa fiancée : ils « habitent ensemble et passent les nuits ensemble » (simul habitaverunt et pernoctaverunt). Il s’est engagé avec Marie pour la sortir du péché, puisque auparavant c’était une femme publique (affidavit ut eam extriheret a peccato quia antea erat publica). On semble comprendre dans les derniers éléments de sa déposition, reprise dans le bref résumé de l’affaire consigné dans le registre d’amendes, qu’il n’y pas eu davantage de cérémonie, et notamment pas de solennisation du mariage, parce que, n’étant pas originaires du diocèse, il leur aurait fallu une dispense qu’ils ne pouvaient pas obtenir (non habet unde habere dispensationem cum sint extranei)26.
10La forme la plus répandue de mariages clandestins par paroles de présent et l’option la plus fréquente pour contourner les différentes contraintes et réglementations matrimoniales restent toutefois la célébration des noces ailleurs que dans la paroisse de résidence (dans des chapelles, des oratoires ou des églises des territoires exempts) ou dans un autre diocèse27. Des paroissiens de Montivilliers vont ainsi se marier « outre-Seine », comme on l’apprend en 1482 dans une procédure d’office lancée par le promoteur contre Perrine et Philippe Amaury. Ils doivent en effet rendre compte de la légitimité de leur couple. L’origine picarde du mari combinée à l’existence d’un premier mariage pour celui qui est à présent veuf explique sans doute la démarche du couple de se marier en dehors de leur propre paroisse. Ils ont pourtant respecté par ailleurs scrupuleusement les procédures des fiançailles solennelles (affidationes) suivies d’une célébration de leur mariage in facie ecclesie, mais pas à la face de leur propre église... Au final, la validité de leur mariage n’est d’ailleurs pas remise en question : des témoins présents confirment les propos du couple. L’official demande tout de même que Philippe prouve par « attestation » la mort de sa première épouse28. Des démarches matrimoniales clandestines et des noces célébrées loin de là où l’on a vécu peuvent en effet dissimuler des cas de bigamie, et c’est ce que redoute sans doute ici l’official29.
11Les pratiques matrimoniales parisiennes des premières années du xvie siècle sont comparables à celles observées dans la Normandie du xve et du début du xvie siècle30. Le « noble homme Toussaint Mollins » est condamné en 1516 par l’official du grand archidiacre de Paris pour avoir contracté un mariage clandestin dans l’oratoire de la maison Dinqueville, « sans proclamation des bans, comme le veut l’usage » (more solito), et « sans lettre de dispense de non-diocèse » et en ayant « omis les solennités ecclésiastiques31 ». Le mariage clandestin de Nicolas de Cléry, gouverneur du roi, et de Marguerite de Harlay n’est pas seulement intéressant du fait du rang des protagonistes, ou parce que le promoteur de l’officialité de l’archidiaconé de Paris a indiqué le nom de ceux qui ont porté l’affaire à la cour32. Le 15 février 1527, on lit : « Venant de lui-même [...], après la solennisation de son mariage, [Nicolas] s’est soumis et a remédié pour lui comme pour son épouse [uxor] de ce qu’après avoir quitté à la cinquième heure du jour l’église paroissiale de Saint-Eustache, dont ils sont tous deux paroissiens, et s’être rendus à l’église Saint-Médard de Paris, là, clandestinement, sans avoir fait publier les bans, et à une époque prohibée, ils ont contracté un mariage clandestin et ils l’ont solennisé à la face de l’église. » Il paie alors pour son couple et pour tous les participants de la noce « clandestine » : le prêtre qui les a mariés, le vicaire de Saint-Médard qui a toléré l’affaire, et cinq autres participants. Polet Trumyer, paysan d’Aubervilliers, et Johanna Servante ont été également cités devant l’official de l’archidiacre de Paris, en 1522, pour avoir contracté un matrimonium clandestinum dans une église paroissiale parisienne, à une époque prohibée, sans proclamation préalable de bans et sans dispense de non-diocèse pour Johanna. L’amende dont ils doivent s’acquitter tient également compte de celle due par les participants à la noce clandestine : le prêtre qui les a mariés et a célébré la messe dans l’église, le vicaire de l’église qui a permis que cela se fasse, trois personnes identifiées (Johanna des Maisons, Denis Herfault, Raoul Leprevot) et « tous les autres33 ».
12Les couples qui sont mis à l’amende pour clandestinité doivent donc répondre d’irrégularités plus ou moins combinées que sont la célébration de noces ailleurs que dans leur paroisse, l’omission des solennités coutumières, publication des bans en tête, l’absence de présentation d’autorisation ou de dispense. Cela dissimule bien souvent des difficultés d’ordre réglementaire (pour obtenir toutes les attestations idoines). Cela permet aussi de contracter un lien matrimonial dont on espère qu’il l’emportera sur un engagement préexistant (de simples paroles de futur, souvent solennelles, dont on obtient de plus en plus difficilement la rupture en justice, ou bien des promesses, clandestines, suivies de relations charnelles qui devraient créer un lien matrimonial indissoluble mais que l’on rompt de facto). Mais ces couples ne se sont pas non plus mariés sans aucun témoin ni un minimum d’encadrement liturgique. Il y a bien des prêtres qui célèbrent et bénissent ces noces. Des parents, des proches y participent, comme en témoignent les amendes auxquelles ils sont également condamnés34. La clandestinité condamnée et mise à l’amende recouvre des réalités matrimoniales et des situations infractionnelles que ne résume pas le seul mariage secret contracté en cachette35 : simple négligence (réelle ou feinte), volonté frauduleuse de se ménager une porte de sortie pour se défaire d’un engagement qui ne conviendrait plus, volonté de dissimuler un réel empêchement au mariage36, ou esprit de résistance, sans doute moins à la solennisation et à la bénédiction des noces dans les régions qui nous occupent qu’à l’encadrement de plus en plus étroit des procédures matrimoniales par les autorités diocésaines37. Les finalités des procédures judiciaires et leurs enjeux pour les couples peuvent différer d’autant. La manière dont les couples se retrouvent au tribunal, également.
Modalités et enjeux de la démarche judiciaire dans des affaires de clandestinité
13Il convient de distinguer trois cas : les actions civiles d’une personne qui a besoin d’une sentence judiciaire pour faire reconnaître son couple (en raison de la mauvaise volonté de l’un des contractants, motivée par une conclusion de mariage bien souvent par verba de futuro copula carnali subsecuta), les procédures d’office à la fois contre ceux qui sont contraints par la justice d’Église de régulariser et donc de rendre public ce qu’ils voulaient peut-être laisser caché, et contre ceux qui ne souhaitaient peut-être pas nier l’union scellée de façon irrégulière, ou informelle, et acceptent de s’acquitter de l’amende et de solenniser a posteriori leurs noces sans engager d’actions civiles38. Il se pourrait bien que certains parmi ceux-ci trouvent in fine leur intérêt dans la combinaison d’une option clandestine de mariage et de sa normalisation en justice.
Les finalités des actions judiciaires des couples
14Commençons par rappeler les finalités des actions civiles en reconnaissance de lien. L’enjeu pour la partie demanderesse est d’obtenir adjudication d’untel comme son époux ou son fiancé ainsi que l’injonction pour le couple de solenniser l’union. À Paris, Chartres ou Rouen, au xive comme à la fin du xve siècle, les principes généraux sont comparables. Rappelons que ce sont en majorité des femmes qui engagent de telles actions judiciaires pour faire reconnaître l’existence juridique d’un lien matrimonial avec celui qui leur a promis de les épouser et avec qui elles ont souvent eu des relations sexuelles, ou ont même engagé une véritable vie de couple39. Elles peuvent avoir été abusées par des hommes qui jouent de la théorie des mariages présumés et promettent le mariage pour obtenir plus aisément des faveurs sexuelles, sans intention de respecter leur engagement. Les femmes sont aussi des victimes en puissance, quand le couple qu’elle forme avec leur conjoint n’existe que tant que ce dernier ne décide pas de refaire sa vie avec une autre en profitant de l’absence de noces solennelles et publiques. Des hommes requièrent également le concours du juge pour faire reconnaître l’existence juridique du couple qu’ils estiment former avec leur fiancée ou leur épouse, selon la nature des paroles échangées. Les femmes quittent aussi leur conjoint et peuvent ne pas se sentir engagées par des fiançailles solennelles, même consommées, voire des sentences d’adjudication comme fiancés avec injonction à solenniser40. Les stratégies d’évitement de l’engagement matrimonial que révèlent les archives judiciaires diffèrent toutefois entre hommes et femmes. Les hommes nient l’engagement matrimonial (mais rarement la relation charnelle) ; les femmes nient l’engagement tout en faisant valoir en justice l’existence d’un autre engagement, plus fort (un mariage contre des fiançailles) ou qui aura plus de chance de l’emporter devant un juge (un mariage public contre un mariage présumé ou des fiançailles clandestines41).
15Dans ces actions civiles, il arrive que le défendeur reconnaisse l’existence d’un engagement matrimonial, mais aussi que la commune renommée ou les solennités des fiançailles permettent au juge de reconnaître les parties comme un couple légitime. Bien qu’informel et initialement précaire, l’engagement se trouve donc normalisé par l’instance judiciaire. L’affaire qui oppose dans les années 1380 Isabelle La Golnière et Pierre Thiote est à ce titre fort intéressante42. Les registres de la cour de l’archidiaconé de Chartres conservent ainsi les dépositions des parties et de témoins. Pierre reconnaît avoir promis à Isabelle de l’épouser s’ils couchaient ensemble (ou, selon un autre témoignage, si elle tombait enceinte : en l’occurrence les deux conditions ont été remplies car il y a eu relation charnelle et naissance d’un enfant). Il se défend toutefois en rappelant les refus répétés d’Isabelle : au moment de la copula carnalis, il ne se sentait donc plus engagé à quoi que ce soit. La cour de Chartres tranche en faveur du mariage consommé, car les témoignages sont nombreux pour confirmer l’existence d’une promesse de la part de Pierre. Pierre et Isabelle sont donc adjugés comme mari et femme (in maritum et in uxorem), à charge pour eux de solenniser in facie ecclesie. L’état de femme mariée est reconnu à Isabelle, et l’enfant né du couple est bien déclaré legitimum dès l’énoncé de la sentence43. Si ce couple bénéficie d’une existence juridique reconnue, existe-t-il pour autant dans les faits ? Pierre ne se plie manifestement pas aux injonctions du juge et rechigne à solenniser son mariage. Alors qu’il devait y pourvoir avant l’Assomption, on le retrouve en janvier de l’année suivante à la cour pour « promettre contre caution » (promissio cum cautio) de « solenniser à la face de l’église son mariage avec Isabelle », sous peine d’être parjure, excommunié et de devoir payer 40 £ tournois44. Est-ce qu’il n’a toujours pas les moyens de s’acquitter des frais d’une noce en bonne et due forme, comme il s’en plaignait déjà à Denis Bennere ? Celui-ci avait en effet fait savoir à la cour qu’il avait morigéné Pierre en ces termes : « Pierre, par Dieu, tu agis mal en n’épousant pas Isabelle [quod non desponsas] à qui tu as donné ta foi de contracter mariage. » À cela, Pierre lui aurait répondu : « Par Dieu, présentement je suis pauvre, mais si j’avais de quoi faire faire une messe comme il faut, je l’épouserai [desponsabo] et je la prendrai pour femme [ducam eam in uxorem]45. »
16L’issue de chacune de ces actions judiciaires varie selon les configurations conjugales que doit étudier le juge ecclésiastique. Quand la partie demanderesse ne peut pas apporter la preuve de l’engagement et que le défendeur nie, le juge ne peut que débouter la pars actrix. Celle-ci se trouve également dépourvue de tout recours quand la partie défenderesse s’engage par un lien matrimonial plus fort que celui qui est en cours d’étude auprès du juge46. Le second mariage peut être célébré in facie ecclesie tout en étant entaché de clandestinité par le recours à une autre juridiction, à un territoire exempt. L’option clandestine peut toutefois échouer. C’est le cas du mariage contracté clandestinement à Fécamp entre l’Anglais Robert Séry, seigneur d’Acqueville, et Pétronille. Il y a bien eu accumulation d’infractions (elles permettent de comprendre le recours à une exemption et la démarche clandestine) : mariage en Carême, défaut de bans, tentative de contourner un interdictum ecclesie induit par l’existence d’une cause matrimoniale engagée par Colin Le Fae contre Pétronille pour la faire reconnaître comme sa femme par fiançailles suivies de copula47. En dépit des tentatives de Pétronille et de Robert, la cour du diocèse de Rouen déclare nul ce (second) mariage clandestin car elle reconnaît la validité du (premier) mariage entre Pétronille et Colin. Le second couple est également très lourdement mis à l’amende : 40 livres contre Robert, 20 livres contre Pétronille.
Un passage contraint, subi ou volontaire devant le juge ?
17La question de savoir comment les couples pris en défaut sont amenés à être présentés à un juge ne se pose pas en des termes comparables selon le type d’affaire matrimoniale en cause, selon qu’il y a eu tiers lésé ou non, actions civiles à l’instance de parties ou non. Pour apporter une ébauche de réponse satisfaisante, il faudrait en outre pouvoir reconstituer tous les mécanismes de régulations sociales à l’œuvre dans le fonctionnement judiciaire. Rumeur publique, dénonciation au promoteur par un tiers (lésé, ou non, membre de la communauté, doyen de chrétienté ou propre prêtre ?), ou dénonciation par la victime de l’infraction conjugale peuvent entraîner le déclenchement d’une poursuite ex officio par le promoteur contre un couple ou contre une seule des parties48. Mais comment pression sociale, action pastorale, travail d’enquête ou démarche volontaire de certains couples pour obtenir une régularisation finissent-ils par s’articuler ?
18Quand il y a conflit conjugal, contestation de l’existence d’un lien matrimonial, la partie lésée engage une action judiciaire ou s’associe au promoteur pour essayer de faire reconnaître ses droits. Mais nos sources montrent aussi que la clandestinité ne nourrit pas systématiquement des conflits conjugaux. Par quels canaux l’information sur ces infractions matrimoniales circule-t-elle ? Dans les registres judiciaires que nous avons étudiés, les mariages clandestins ne sont pas de ces infractions qui sont dites faire « scandale » au point de motiver une diffamatio permettant aux autorités judiciaires de lancer une « information » et donc une enquête. Des visites paroissiales de Cerisy au xive siècle49 ou de Fécamp en 150650, en passant par la rhétorique judiciaire en usage dans l’enregistrement des amendes du grand archidiaconé de Chartres, du vicariat forain de Pontoise, de Rouen ou de Montivilliers, la diffamation implique toujours une dénonciation par la rumeur publique et porte sur des « dérapages de la chair », de lapsu carnis comme on le lit à Rouen : adultère et concubinage, de clercs ou de laïcs. Mais si, dans ces registres, le vocabulaire du scandale judiciaire n’est pas mobilisé, cela ne signifie pas pour autant une absence de réprobation sociale de ce type de comportements. L’affaire de Pierre Thiote évoquée devant la cour de Chartres l’illustre clairement ; elle prend ainsi la forme d’une pression sociale pour obtenir adéquation entre les paroles, les gestes et les actes, en conformité avec la règle canonique, apparemment bien connue, que promettre et consommer c’est être engagé matrimonialement51.
19Un travail d’enquête proprement clérical peut bien sûr expliquer le passage d’un couple devant le juge : les étapes clefs de la vie des fidèles sont suffisamment insérées dans un maillage clérical pour qu’il soit sans doute difficile de dissimuler une vie de couple, des unions sans bans ailleurs qu’à la face de l’église paroissiale, et ce d’autant moins quand les fiançailles sont solennelles et publiques ou qu’on constate une naissance52. Dans nos sources, on trouve bien ce cas d’un couple marié clandestinement à Évêquemont (prieuré relevant de l’exemption de Fécamp), dans le Vexin français, car leur prêtre avait justement refusé de célébrer le mariage, puisque manquait une attestation d’origine. Peut-être est-il à l’origine d’une rumeur publique de clandestinité et de l’action judiciaire subséquente ? Mais le prêtre de paroisse est-il toujours le garant du contrôle matrimonial que les autorités diocésaines attendent53 ? On trouve aussi le cas contraire d’un prêtre conseillant lui-même à ses paroissiens d’aller se marier à Évêquemont et les y accompagnant54.
20Des couples semblent s’être également rendus d’eux-mêmes auprès du juge ou du promoteur pour s’acquitter de leur amende et de celle des participants à la noce, eux-mêmes en infraction55. Quand les couples ne cherchent pas à dissimuler un empêchement dirimant, que la clandestinité de leurs noces est moins le fait d’une volonté de garder secrète leur union que de gagner du temps, ou de contourner les contraintes réglementaires imposées par les autorités diocésaines, il nous semble bien qu’ils trouvent un intérêt à se rendre après coup à l’officialité pour s’amender et donc régulariser un mariage déjà canoniquement valide. La publicité qui entoure ces mariages « clandestins » est telle qu’il n’est d’ailleurs guère concevable qu’ils puissent réellement échapper in fine à la justice. Si cette forme particulière de publicité peut précipiter aussi la condamnation et la mise à l’amende, la présence de témoins, le recours à la bénédiction d’un prêtre pourront en outre permettre la preuve du mariage en cas de contestation éventuelle.
La maîtrise de la doctrine et du jeu judiciaire par certains couples
21La question de la maîtrise des subtilités canoniques de la doctrine ecclésiastique du mariage est ainsi au cœur de notre réflexion56. Les couples se font-ils aider par des procureurs ou des avocats dans ce type d’actions matrimoniales57 ? Il est en tout cas évident que les couples sont aidés et conseillés par des proches qui ont pu être confrontés à des situations comparables mais aussi par des clercs voire leur propre prêtre ou doyen58.
22La maîtrise des subtilités canoniques et juridiques transparaît souvent dans les discours tenus par les parties dans leurs dépositions ou les types d’actions engagées. Des interrogatoires et dépositions enregistrées à l’officialité de Montivilliers donnent quelques renseignements. C’est le cas des interrogatoires et dépositions de Guillermine et de Bernard en 1478. Dans cette affaire, défaut de bans, problème d’origine et recours à une chapelle éloignée sont en cause. L’affaire est complexe, mais la pauvreté des parties est évoquée en bonne place dans la déposition de Guillermine pour justifier leur émigration en Bretagne59. Cette femme fait tout son possible pour rendre compte d’un processus matrimonial aussi régulier que possible, et use du vocabulaire canonique adéquat. L’infraction est ailleurs : dans le recours à une autre paroisse, qu’on mettra en relation avec l’aveu de Bernard « que les bans n’ont pas été publiés de son côté, in loco originis, et qu’il n’a obtenu aucune lettre ».
23C’est aussi parce que les laïcs semblent maîtriser ce qui est nécessaire à la reconnaissance judiciaire de la validité d’un lien matrimonial, dans cette articulation complexe entre publicité et validité, que se pose avec une certaine pertinence la question de savoir si certains couples ne construisent pas plus ou moins sciemment un processus matrimonial irrégulier que le détour par le tribunal rendra a posteriori conforme à la norme. Emendare, comme on le lit dans les sources rouennaises et parisiennes, c’est bien concrètement s’acquitter d’une amende, mais c’est aussi amender, remédier, rectifier une irrégularité. Ce faisant, l’autorité judiciaire est dans son rôle de censeur canonique, de responsable du salut des fidèles. L’autorité diocésaine, que l’official représente, affirme son pouvoir juridictionnel, et les couples concernés se voient également offrir (ou imposer) un moyen de régulariser a posteriori leur situation conjugale, à condition du moins qu’aucun empêchement grave ne soit révélé par l’instance judiciaire. Ces passages devant l’official pour répondre de l’irrégularité d’un mariage peuvent servir aussi les intérêts immédiats de certains couples et participer d’une stratégie combinée de régularisation. Des couples se marient souvent clandestinement parce qu’ils y trouvent un intérêt immédiat : rompre des fiançailles devenues contraignantes, ne pas retarder un projet matrimonial, en trouvant le moyen de se marier en temps prohibés, pendant un procès matrimonial, sans attendre une lettre d’origine (qu’on n’obtiendra peut-être pas), un certificat de veuvage, sans prendre la peine de faire publier les bans partout où cela s’avérerait nécessaire, etc. La sanction pécuniaire et l’éventuel dédommagement prévu pour la partie lésée (le fiancé abandonné, par exemple) sont-ils cher payés60 ? Que penser notamment de ces pères de famille qui, en 1484, viennent s’acquitter de l’amende due pour le mariage de leurs enfants Jean et Gervaise, qu’ils ont fait en sorte d’unir avant que les procédures de publications des bans soient pleinement accomplies, donc clandestinement ? Une fois l’amende de 70 sous acquittée pour irrégularité dans la publication des bans de Jean, originaire d’une autre paroisse, le mariage célébré in facie ecclesie, à l’église de la Folletierre, est toutefois bien scellé61.
24Tout le monde comprendra que ce n’est là qu’un aspect de l’étude du traitement judiciaire de la clandestinité dans ces juridictions et que cela ne saurait être la clef d’explication de toutes les démarches clandestines, informelles ou irrégulières. Pour aller plus loin, il faudrait notamment connaître les tenants et aboutissants de ces différents projets d’alliance, dépasser la seule rhétorique judiciaire, etc. Reste en outre la délicate question de l’impact de l’excommunication encourue. Véronique Beaulande l’a étudiée pour la province ecclésiastique de Reims62. C’est sur le plan de la lutte contre les mariages clandestins que la législation synodale apparaît la plus uniforme en menaçant systématiquement d’excommunication les contrevenants. Nous avons vu que les statuts diocésains de Coutances, Bayeux et Lisieux précisent clairement que les contrevenants aux dispositions réglementaires matrimoniales risquent la double peine de l’excommunication et de l’amende arbitraire. Dans les registres de l’officialité épiscopale de Paris, en 1385, on peut lire cette affaire opposant Huet Ringart et Stéphanette : c’est une action en reconnaissance de mariage clandestin par paroles de présent, et non une action en reconnaissance de mariage présumé ou de fiançailles (matrimonium clandestinum, videlicet per verba de presenti contraxisse). Ce type d’action est rare63. La réaction de la défenderesse nous donne une clef d’explication. Elle demande que Huet soit excommunié conformément aux statuts synodaux64. L’usage effectif de cette censure n’est toutefois pas toujours en adéquation avec les discours normatifs et diffère d’une officialité à l’autre. Véronique Beaulande n’a pour sa part trouvé dans les registres des officialités de la province rémoise que peu de mentions d’absolutions par le pénitencier, qui auraient indiqué une application ipso facto de l’excommunication pour clandestinité. Les registres chartrains évoquent bien, quant à, eux, des excommunications pour mariages clandestins. Nous manquons de sources explicites pour préciser ce qu’il en est dans le diocèse de Rouen. Mais les types d’actions trouvées dans les juridictions du Nord-Ouest laissent à penser tout de même que si les parties engagent si peu d’actions en reconnaissance de mariage clandestin par paroles de présent, c’est sans doute parce qu’elles savent qu’elles tomberaient sous le coup d’une excommunication.
25Pour conclure, rappelons combien la clandestinité est une infraction dont les déclinaisons sont multiples. Chacune d’elles a un impact qui lui est propre sur l’institution matrimoniale, et les modalités et enjeux du recours au juge pour les couples diffèrent d’autant. Les outils de normalisation conjugale qu’offre l’officialité médiévale aux couples pris en défaut ou ayant sciemment négligé les contraintes réglementaires et les solennités coutumières de l’Eglise sont bien réels. Certains couples savent manifestement en user au mieux de leurs intérêts matrimoniaux. Les mariages clandestins permettent plus que d’autres affaires matrimoniales ce type d’instrumentalisation, plus ou moins consciente, de l’outil judiciaire, car ce sont de vrais mariages qui sont contractés. L’officialité fonctionne bien sûr comme une institution de contrainte pour laquelle la sanction de l’irrégularité doit rester plus lourde que le recours à l’officialité en amont de l’infraction, quand il s’agit d’obtenir toutes les attestations de régularité des noces65. Mais quand la clandestinité est moins dissimulation, fraude et abus de confiance qu’irrégularité formelle, omission de ces solennités ecclésiastiques qui ne suffisent pas à remettre en cause la validité du lien contracté, certains couples semblent faire du passage devant le juge l’ultime étape de leur processus matrimonial. La régularisation judiciaire reste toutefois subordonnée à la légitimité du couple et, en cas de contestation du lien matrimonial, à la capacité des demandeurs d’apporter la preuve de l’engagement contracté sans toutes les formes requises de publicité. Cela laisse alors tout loisir à ceux qui savent comment jouer de la norme canonique matrimoniale pour en contourner les principes fondamentaux, indissolubilité en tête. Il faut au moins attendre les clarifications de l’époque moderne pour que soient dépassées ces limites du traitement judiciaire de la clandestinité et de sa possible instrumentalisation par des conjoints peu scrupuleux.
Notes de bas de page
1 Dans l’ouvrage de synthèse de plus de vingt ans de recherche sur l’impact de la législation matrimoniale d’Alexandre III (1159-1181) et de ses successeurs immédiats sur les pratiques matrimoniales, et plus largement sur les rapports entre droit, justice et pratiques sociales, Charles Donahue a pris en compte le principal point d’achoppement de la doctrine, à savoir les mariages clandestins. Il rappelle dès son introduction à quel point l’expression recouvre un grand nombre de situations : A marriage that cannot be proved for a lack of witnesses or other evidence, a marriage that can be proved but lacks any ceremony in facie ecclesie, a marriage celebrated in facie ecclesie but laking some element of the prescribed ceremony, for example banns (C. Donahue, Law, Marriage and Society in the Later Middle Ages. Arguments about Marriage in Five Courts, Cambridge, 2007, p. 4). Dans notre thèse de doctorat, nous avons pu constater également combien la clandestinité recouvrait des situations conjugales et infractionnelles diverses : C. Avignon, L’Église et les infractions au lien matrimonial : mariages clandestins et clandestinité. Théories, pratiques et discours. France du Nord-Ouest, du xiie au milieu du xvie siècle, thèse de doctorat d’histoire, université Paris-Est, L. Feller (dir.), 2008.
2 Ces mariages, présumés par verba de futuro copula carnali subsecuta, sont bien une façon valide de contracter un lien matrimonial car le droit de l’Église voit dans la copula une preuve irréfragable d’un consentement au mariage. La décrétale Is qui fidem dedit (X., IV, 1, 30) pose d’ailleurs que si l’on peut prouver qu’il y a eu échange de paroles de futur suivi de copula, cette union l’emporte sur un second mariage même public. Pour éviter des risques de collusion frauduleuse entre les parties qui permettrait de rompre un mariage public en alléguant (faussement) un mariage présumé antérieur, la doctrine canonique a toutefois fini par élaborer une règle contraire qui affirme que si le mariage présumé ne peut être prouvé que par l’aveu des parties, il ne préjudicie pas le mariage public postérieur. Sur le traitement judiciaire, au civil comme au criminel, de ces mariages présumés, leurs rapports avec les mariages clandestins et leur validité en soi, voir A. Lefebvre-Teillard, Recherches sur les officialités à la veille du concile de Trente, Paris, 1973, p. 171-179.
3 Noces publiques et attribution d’une dot sont retenues comme des critères permettant de distinguer l’épouse légitime de la concubine dans la décrétale de Léon Ier à Rustique de Narbonne, au milieu du ve siècle. Au milieu du ixe siècle, c’est cette fois pour lutter contre la pratique des mariages clandestins que le cercle des faussaires réformateurs, probablement rémois, connus sous le nom de pseudo-isidoriens, intègrent dans leurs compilations canoniques un certain nombre de faux capitulaires et de fausses décrétales imposant publicité et solennités coutumières : obligation de la dot dans le faux canon Nullum ; respect de l’autorité de ceux qui ont puissance sur la femme, organisation de fiançailles, remise d’une dot et réception solennelle par l’époux, dans la fausse décrétale Aliter. Ces deux autorités ont ensuite été compilées dans le Décret de Gratien, en C. 30, q. 5. Ces solennités sont toutefois de celles dont le défaut n’était pas vu comme un péché par Nicolas Ier, présentant en 866 aux Bulgares les pratiques en usage dans l’Église de Rome (Patrologie latine, vol. 119, col. 980).
4 L’autorité de l’Église sur la définition du mariage et son traitement judiciaire s’est imposée au Moyen Âge avec un palier significatif à l’articulation du xiie et du xiiie siècle. Nous renvoyons ici bien sûr aux travaux incontournables de Jean Gaudemet mais aussi de Gabriel Le Bras, Adhémar Esmein, Jean Dauvillier, Anne Lefebvre-Teillard, Pierre Toubert.
5 Gratien indique que, en dépit du caractère illicite de tels mariages, contractés contre les lois, on ne peut pas les rompre (Dictum post c. 8, q. 5, C. 30). Dans le Dictum ante c. 9, C. 30, q. 5 et dans le Dictum post c. 11, q. 5, C. 30, il rappelle la qualité de vrais mariages des unions contractées en cachette, leur impossible rupture si les contractants peuvent les prouver par un aveu mutuel (qui ne lèse pas un tiers, précise Huguccio). Mais le canoniste précise aussi que le juge ne peut pas porter crédit à une union douteuse, qui ne pourrait pas être prouvée correctement. Le théologien Pierre Lombard précise quant à lui que « le consentement même occulte, exprimé par des paroles de présent, fait le mariage, bien que ce ne soit pas ici par un contrat honnête » (Sentences, IV, di. 28, q. 2, c. 2).
6 Latran III (1179), append. 67, c. 10 (Mansi, XXII, 423) : Si quis ergo sacerdos aliquot occulte conjunxisse inventus fuerit, ab officio triennio suspendatur ; O. Pontal, Les statuts de Paris et le Synodal de l’Ouest (xiiie siècle), Paris, 1971, p. 183, note 1.
7 A. Lefevbre-Teillard, Recherches sur les officialités..., op. cit., p. 107-109.
8 Id., « Règle et réalité : les nullités du mariage à la fin du Moyen Âge », Revue de droit canonique, 31/1, 1982, dans Le mariage éclaté : problème d’insertion ecclésiale, p. 145-155, ici notes 1-4, p. 145. Elle cite les travaux de Jean-Philippe Lévy pour l’officialité de Paris, et pour les officialités anglaises ceux de Michael Sheehan et Richard Helmholz. Dans sa synthèse de 2007, Charles Donahue a fait les comptes pour l’officialité épiscopale de Paris, entre 1384 et 1387 : 62 % des instances matrimoniales engagées sont des actions en reconnaissance de fiançailles ou de mariage, contre 2 % de demandes de séparation, soit 254 actions contre 10, sur un total de 410 causes (C. Donahue, Law, Marriage and Society..., op. cit., p. 302-382). Dans un article de 1993, il constatait déjà que, dans les registres de la cour d’York, juridiction d’appel pour la province et de première instance pour le diocèse, entre 1301 et 1499, 78 % des 213 affaires matrimoniales entendues sont des actions en reconnaissance d’un lien matrimonial (C. Donahue, « Female Plaintiffs in Marriage Cases in the Court of York in the Later Middle Ages : What Can we Learn from the Numbers ? », dans S. Sheridan Walker (dir.), Wife and Widow in Medieval England, Michigan, 1993, p. 183-213 et id., Law, Marriage and Society..., op. cit., p. 63-89).
9 C’est une expression qu’on ne trouve jamais dans nos sources. Nous reconstituons l’idée de couple quand un homme et sa fiancée (affidata) ou son épouse (uxor) sont confrontés à l’institution judiciaire pour des problèmes de clandestinité ou d’irrégularité formelle dans la formation de leur mariage. Leur mariage peut être alors désigné comme clandestinum, ou conclu clam, in occulto, ou clandestine.
10 Le corpus est composé de registres d’amendes du promoteur de l’officialité de Rouen (entre 1424 et 1484), de registres de procédures et de sentences de l’abbaye exempte de Fécamp (entre 1404 et 1435), d’expéditions de l’abbaye exempte de Montivilliers (pour le xve siècle). Y sont adjoints les registres d’expéditions et d’amendes de l’officialité du grand archidiacre de Chartres (fin xive-début xve siècle) ainsi que les éditions des archives de l’officialité de l’abbaye exempte de Cerisy, les éditions et travaux sur le registre de causes civiles de l’officialité épiscopale de Paris (années 1380), les registres de procédures de l’officialité archidiaconale de Paris (fin xve-début XVIe siècle). Les archives normandes et chartraines ont fait l’objet de dépouillements personnels dans notre thèse de doctorat. Les exemples tirés des archives des officialités parisiennes proviennent de travaux universitaires complémentaires : pour l’officialité archidiaconale de Paris, la thèse de Léon Pommera Y, L’officialité archidiaconale de Paris aux xve et xvie siècles, Paris, 1933, et celle d’Anne Lefevbre-Teillard, Recherches sur les officialités..., op. cit., et pour l’officialité épiscopale de Paris les travaux de Charles Donahue complétant l’article de Jean-Philippe Lévy (C. Donahue, Marriage, Law and Society..., op. cit., p. 302-382 ; J.-P. Lévy, « L’officialité de Paris et les questions familiales à la fin du xive siècle », dans id., Études d’histoire canonique dédiées à Gabriel Le Bras, Paris, 1965, t. 2, p. 1265-1294 ; J. Petit (éd.), Registre des causes civiles de l’officialité épiscopale de Paris (1384-1387), Paris, 1919.
11 Le promoteur a été institué en France auprès de l’official dans le courant du xiiie siècle pour représenter les intérêts de la cour, poursuivre les crimes et les délits et procéder aux enquêtes.
12 La conflictualité matrimoniale a été notamment étudiée par M. Charageat, La délinquance matrimoniale. Couples en conflit et justice en Aragon au Moyen Âge, xve-xvie siècle, Paris, 2011.
13 L’étude précise des statuts synodaux rouennais, chartrains ou parisiens révèle bien sûr des différences dans le détail. Voir C. Avignon, L’Église et les infractions au lien matrimonial..., op. cit. On notera aussi que ces trois juridictions appartiennent à des ensembles coutumiers différents, la Normandie s’individualisant de la région orléano-parisienne.
14 Certains registres, comme ceux conservés pour le diocèse de Sion au xve siècle, rendent compte de la diversité des gestes et des paroles qui peuvent engager en mariage dans l’esprit des laïcs ; cf. V. Lamon Zuchuat, Trois pommes pour un mariage. L’Église et les unions clandestines dans le diocèse de Sion, 1430-1550, Lausanne, 2008. Dans notre corpus d’étude, citons par exemple l’affaire de Pierre Anthonie en 1479. On apprend qu’il s’était engagé avec Johanna Freier en scellant des pacta matrimonialia, expression qui renvoie généralement dans nos registres normands à des fiançailles privées, par opposition à des affidationes solennelles, in manu sacerdotis. En présence de la mère de la jeune fille, il lui avait fait don d’une verge d’argent. Il n’est toutefois pas condamné pour cela par l’officialité de Montivilliers, mais pour avoir ensuite connu charnellement « par la force » la jeune femme. Archives départementales de la Seine-Maritime, officialité de Montivilliers, G 5270 (1433-1484), f°33v.
15 Canon 3 des statuts synodaux de 1277 de l’évêque d’Angers, N. Gellent. J. Avril (éd. et trad.), Les statuts angevins de la seconde moitié du xiiie siècle, précédés d’une étude sur la législation synodale angevine, Paris, 1988, p. 135.
16 Dans le registre de procédures de l’officialité du grand archidiacre de Chartres, on peut trouver cette sententia matrimonialis rompant l’engagement au mariage de Michael Courtois et Johanna (Sponsalia contracta de matrimonio inter ipsos contrahendo per verba de futuro). Archives départementales d’Eure-et-Loir, officialité du grand archidiacre de Chartres, G 811 (1380-1383), f°6.
17 Archives départementales de la Seine-Maritime, officialité de Fécamp, G 5217, pièce 91 (1414).
18 En 1424, Jean Duquesne est défendeur dans une cause matrimoniale engagée auprès de l’official de Rouen par Yvette Vasse. On ne connaît cette histoire que parce que le promoteur condamne Jean à une amende de 4 £ parce qu’il s’est déjugé en cours de procès. Il avait d’abord affirmé qu’aucune « parole de mariage » n’avait été échangée. Après un petit séjour en prison, il reconnaît qu’Yvette lui avait dit « qu’elle le prendrait volontiers pour mari » (libenter reciperet ipsum in virum). Il aurait répondu « qu’il ne voulait ni d’elle ni d’une autre à présent pour épouse » (nolebat ipsam nec aliam de presenti in uxorem). S’était-il bien fait comprendre d’Yvette ? On peut se poser la question dans la mesure où une action civile a bien dû être engagée. Mais on ne sait pas ce qu’il advint de ce couple. Archives départementales de la Seine-Maritime, officialité de Rouen, G 249 (1424-1425), f°24.
19 Archives nationales, Z 1°, 22 f°30v. Texte édité dans les annexes de la thèse de L. Pommeray, L’officialité archidiaconale..., op. cit., p. 543-544.
20 La logique des bans est de rendre public le projet de mariage. Obligation est alors faite à l’ensemble de la communauté paroissiale de faire connaître au prêtre tout ce qui pourrait empêcher le mariage. Le prêtre informé de quoi que ce soit de compromettant doit suspendre le projet de mariage jusqu’à ce qu’une autorité judiciaire se soit prononcée.
21 Les statuts de Coutances (1231) prévoient bien une « lourde peine » contre ceux qui choisissent de créer un lien par paroles de futur suivi de relation charnelle, et les statuts de Lisieux (entre 1312 et 1448) évoquent l’excommunication de ceux qui préfèrent contracter mariage par paroles de futur consommées. Les statuts rouennais de 1245 interdisent également toute relation charnelle après l’échange des verba de futuro tant que tous les bans n’ont pas été publiés.
22 Dans le registre G 812 des archives départementales d’Eure-et-Loir, dans les années 1380, on retrouve ces promesses sous garanties ou ces serments cautionnés en cas de parjure sous la rubrique promissio / fidejussio. Dans les premières années du xve siècle, ils sont présentés comme cautiones matrimoniales.
23 Les litterae boni status indiquent qu’untel n’est pas sous le coup d’une excommunication : elles sont parfois expressément mentionnées dans les statuts synodaux, comme ceux de Beauvais où, en 1531, il est rappelé qu’elles sont obligatoires pour se marier ou être inhumé : V. Beaulande, Le malheur d’être exclu ? Excommunication, réconciliation et société à la fin du Moyen Âge, Paris, 2006, p. 51.
24 Voir la communication proposée lors du colloque organisé à Troyes par Véronique Beaulande et Martine Charageat, en mai 2010, sur « Les officialités dans l’Europe médiévale et moderne : des tribunaux pour une société chrétienne » ; C. Avignon, « Les officialités normandes et la lutte contre les mariages clandestins : discipline matrimoniale et enjeux juridictionnels à la fin du Moyen Âge » (à paraître).
25 Dans le diocèse de Rouen, comme dans le grand archidiaconé de Paris, les prêtres célébrants qui omettent ou négligent sciemment de réclamer ces documents ou de les faire authentifier sont condamnés. À l’officialité archidiaconale de Paris, un prêtre est également condamné en 1523 à huit jours de prison (exemple cité par L. Pommeray, L’officialité archidiaconale..., op. cit., p. 542).
26 Archives départementales de la Seine-Maritime, officialité de Rouen, G 271 (1484-1485), f°1v.
27 Anne Lefebvre-Teillard rappelait déjà dans sa thèse la bienveillante complicité des exempts, prompts à accueillir les couples en dépit d’infractions évidentes à la règle synodale, A. Lefebvre-Teillard, Recherches sur les officialités..., op. cit., p. 166-167.
28 Archives départementales de la Seine-Maritime, officialité de Montivilliers, G 5270, f°43.
29 Sara Mc Dougall a étudié la question de la bigamie dans la Champagne du xve siècle : il apparaît que ce sont souvent des conjoints abandonnés ou des veuves/veufs incapables de certifier correctement la mort de leur conjoint qui sont condamnés pour bigamie. Voir entre autres S. Mc Dougall, « Bigamy : A male Crime in Medieval Europe ? », Gender and History, 22, 2010, p. 430-446. Mais ces couples qui se remarient n’ont pas forcément recours à une démarche clandestine, car ils peuvent être de bonne foi. Ce n’est par exemple pas le cas de Pierre Connendris, condamné en 1403 par l’archidiacre de Chartres à 40 sous d’amende pour s’être marié clandestinement en 1403, sans bans ni lettre de dispense, avec Johanna, épouse de Guillaume Cuite, alors que celui-ci était toujours en vie. Il est donc sous le coup d’une sentence d’excommunication jusqu’à l’obtention de l’absolution auprès du pénitencier de l’évêque de Chartres (Archives départementales d’Eure-et-Loir, G 813, f°47).
30 Pour d’autres exemples normands de mariages en dehors de sa propre paroisse et notamment sur le territoire d’abbayes exemptes comme Fécamp, voir C. Avignon, « Marché matrimonial clandestin et officines de clandestinité au Moyen Âge : l’exemple du diocèse de Rouen », Revue historique, 655, 2010, p. 530-558.
31 Archives nationales, Z 1°, 22, f°141 : texte édité dans L. Pommeray, L’officialité archidiaconale..., op. cit., p. 545.
32 « Note qu’avec l’amende de 8 livres parisis, j’ai donné un écu au soleil d’une valeur de 20 sous au geôlier du chapitre et à Jacques Roi qui ont apporté cette affaire (materiam seu casum) à la cour, de sorte qu’il est resté 8 livres parisis ». Archives nationales, Z 1° 24 f°273v, cité et édité par L. Pommeray, ibid., p. 179 et 546.
33 Archives nationales, Z 1°, 23 f°65v, texte édité par L. Pommeray, ibid., p. 543. Dès la fin du xiiie siècle, les statuts marqués par la tradition parisienne précisent que contractants, célébrants mais aussi participants complices de mariages clandestins sont passibles d’excommunication. On relève également dans les statuts de la province de Reims une volonté comparable de responsabiliser ainsi les participants aux noces clandestines. Il s’agit de menacer tous ceux qui pourraient rendre possible ou cautionner, ou cacher d’une manière ou d’une autre l’infraction. Dans la province de Rouen, les statuts diocésains (Rouen, Bayeux, Coutances ou Lisieux) témoignent surtout de la volonté de stigmatiser contractants et célébrants, mais les archives judiciaires montrent bien que les complices sont aussi mis à l’amende.
34 Sur la présence de proches et la complicité active des ecclésiastiques, voir C. Avignon, « Marché matrimonial clandestin... », art. cité.
35 En présentant les formes de la clandestinité matrimoniale condamnées par les officialités médiévales françaises, Anne Lefebvre-Teillard constatait que « ces mariages n’avaient bien souvent de clandestins que le nom », A. Lefebvre-Teillard, Recherches sur les officialités..., op. cit., p. 167. Rares sont en effet les mentions dans notre corpus de mariages pleinement secrets, contractés sans aucun témoin, et scellés, ou pensés tels, par le seul échange de modestes cadeaux en nom de mariage comme ceux que révèlent les registres de sentences du diocèse valaisan de Sion. La clandestinité telle qu’elle transparaît dans les sources judiciaires normandes ou chartraines semble peu servir à mettre les parents devant le fait accompli. Cela s’explique en partie par le fait que les sources étudiées rendent surtout compte de l’attitude des autorités judiciaires ecclésiastiques et de leur traque des défauts réglementaires. Il s’agit pour elles de mieux lutter contre ce que ces irrégularités formelles peuvent cacher de bigamie et d’inceste, mais aussi de renforcer leur propre autorité juridictionnelle. Les travaux de Martine Charageat sur l’Aragon montrent toutefois que la force du consentement, même clandestin, a pu servir les intérêts de couples désireux d’imposer leur choix à des familles réticentes. Sur cette question, nous renvoyons aux remarques formulées dans notre thèse, mais aussi dans C. Avignon, « La question clandestine de la critique médiévale aux critiques érasmienne et luthérienne : clandestinité, honorabilité et sacramentalité du mariage en question », Viator, 41/Multilingual, 2010, p. 329-362, part. p. 359-360.
36 Les empêchements n’ont toutefois pas tous le même impact sur le lien matrimonial, selon qu’il s’agit d’un empêchement dirimant, comme l’existence d’un autre mariage, ou seulement prohibitif, comme un mariage en carême ou pendant qu’un procès est en cours.
37 Le modèle du mariage solennisé in facie ecclesie et béni par un prêtre s’est tout particulièrement bien imposé dans les diocèses normands et plus généralement en France, au contraire de ce qui se passe en Italie ou en Aragon notamment. Toutes les solennités prescrites à Latran IV n’en sont pas pour autant scrupuleusement respectées par nos couples du Nord-Ouest, et ce d’autant moins qu’elles ne sont pas requises à peine de nullité...
38 Anne Lefebvre-Teillard rappelle que les actions tendant à sanctionner une irrégularité matrimoniale fondée sur un empêchement prohibitif, qui ne met donc pas en cause la validité du sacrement, sont généralement intentées par le promoteur, auquel s’adjoint la partie plaignante, et aboutissent à une amende, A. Lefebvre-Teillard, Recherches sur les officialités..., op. cit., p. 109).
39 Nous avons évoqué ces aspects dans notre thèse et lors d’une communication proposée en mars 2010 : C. avignon, « Femmes, mariage et clandestinité. La place des femmes dans les discours d’autorité et les pratiques matrimoniales clandestines dans la société normande de la fin du Moyen Âge », dans A. Destemberg, Y. Potin, É. Rosenblieh (dir.), « Faire jeunesses », actes des journées d’études en l’honneur de Claude Gauvard par ses élèves (à paraître aux Publications de la Sorbonne).
40 Archives départementales de Seine-Maritime, officialité de Rouen, G 250 (1425-1426), f°68.
41 Adhémar Esmein rappelle cet adage souvent mis en pratique dans les officialités médiévales : Clandestinum matrimonium manifesto non praejudicet : A. Esmein, Le mariage en droit canonique, Paris, 1929, t. 1, p. 214. Il est à rapporter bien sûr à la relecture d’Is qui fidem proposée par la doctrine : A. Lefebvre-Teillard, Recherches sur les officialités..., op. cit., p. 178.
42 Archives départementales d’Eure-et-Loir, G 811 (1380-1383), passim. À partir du folio 79, le greffier n’appelle plus la jeune femme La Golnière, mais La Voniere.
43 Sur les modalités de la légitimation des enfants, voir A. Lefebvre-Teillard, « Tanta est vis matrimonii : l’écho français d’une vieille controverse », dans J. Bouineau, M.-B. Bruguière, J.-L. Harouel, J. Lafon (dit.), Hommage à Romuald Szramkiewicz, Paris, 1998, p. 95-108.
44 Archives départementales d’Eure-et-Loir, G 811 (1380-1383), f°98v.
45 Ibid., f° 84.
46 Parmi les exemples déjà présentés lors de la précédente communication de mars 2010, nous renvoyons notamment à celui où s’affrontent devant l’official de Fécamp, en 1410, Colin Bron (le demandeur), Guillermine Onyn (la défenderesse) et Laurent Aubry (épousé par Guillermine pendant le procès après ce qui était peut-être déjà un mariage présumé avec Colin). Ce second mariage public, bien que contracté en dépit d’un interdictum ecclesie, l’emporte sur le premier mariage clandestin que Colin n’a pas pu prouver. Archives départementales de la Seine-Maritime, officialité de Fécamp, G 5187, f°9 (1410).
47 Archives départementales de la Seine-Maritime, officialité de Rouen, G 250 (1425-1426), f°4v.
48 On sait bien que l’officialité médiévale naît en même temps que se développe la procédure d’enquête, ex officio, et la charge même de promoteur s’impose aux côtés du juge au milieu du xiiie siècle comme acteur de cette inquisition cum promovente.
49 Le plumitif de l’officialité de Cerisy (exemption du diocèse de Bayeux) a conservé traces des visites des paroisses de Littry, Deux-Jumeaux, Cerisy et Saint-Laurent-sur-Mer, à partir de 1314. De nombreuses affaires arrivent aux oreilles de l’official par la rumeur publique et par ce qu’on appelle la diffamation. On a en effet des listes de personnes « diffamées », pour lesquelles l’ouverture d’une informatio s’impose. Voir G. Dupont, « Registre de l’officialité de Cerisy (1314- 1457) », Mémoire de la Société des antiquaires de Normandie, 30, 1880, p. 271-662.
50 Archives départementales de la Seine-Maritime, officialité de Fécamp, G 5247, f°22 (1506).
51 Dans l’affaire évoquée ci-dessus, Cheromia La Jodelle dépose qu’elle était présente dans la maison quand Pierre prit la main d’Isabelle en guise de foi, et lui dit : « Oui, je te promets Isabelle par ma foi que si tu es enceinte de moi, je te prendrai pour femme. » Il y a donc bien eu ici promesse, jonction des mains et consommation. Archives départementales d’Eure-et-Loir, G 811 (1380- 1383), f° 84.
52 Dans le diocèse de Rouen, les femmes doivent obtenir une lettre d’amessement pour pouvoir se rendre à nouveau à la messe après l’accouchement. Au moindre doute sur la légitimité de la naissance, le prêtre doit théoriquement faire connaître l’affaire au tribunal de l’évêque. L’une de ces affaires concerne, en 1484, Thomas Toustam qui est mis à l’amende parce qu’il a connu charnellement « à l’époque de ses fiançailles » Perrine, sa « fiancée dans la main du prêtre ». Il l’a d’ailleurs mise enceinte. Elle a dû accoucher avant que ne soit normalisée sa situation puisqu’on apprend qu’elle a été purifiée au couvent du Carmel de Pont-Audemer, mais il ne sait plus par qui et sans lettre (de purification). L’affaire de mariage présumé se complique donc ici d’une affaire de purification que nous serions tentée de qualifier de clandestine, elle aussi. Archives départementales de la Seine-Maritime, officialité de Rouen, G 271 (1484-1485), f°10v.
53 V. Chomel, « Notes sur l’activité disciplinaire des officialités du diocèse de Grenoble (1418- 1449) », dans id., Études historiques à la mémoire de Noël Didier, Paris, 1960, p. 49-59. L’auteur avait bien montré pour Chambéry et Grenoble comment les prêtres semblaient plus souvent prendre le parti de leurs ouailles que celui de l’officialité. Il a pu relever 154 amendes infligées à des clercs par les officiaux de Chambéry (officialité foraine de Grenoble) entre 1418 et 1434 ; 58 amendes sanctionnent des entraves à la justice ecclésiastique et des infractions liées à des excommunications non respectées (une douzaine de refus d’exécuter des lettres, dont deux citations du tribunal diocésain adressées à des paroissiens ; des refus de dénoncer des excommuniés, ou des admissions à l’office de paroissiens non réconciliés).
54 Exemples cités dans C. Avignon, « Marché matrimonial clandestin... », art. cité, p. 530.
55 Anne Lefebvre-Teillard évoquait déjà cette éventualité de démarches spontanées de couples se rendant d’eux-mêmes à l’officialité et y voyait l’indice qu’ils craignaient bien peu la répression de la cour : A. Lefebvre-Teillard, Recherches sur les officialités..., op. cit., p. 167. Nous continuons de souscrire à cette hypothèse et proposons de réfléchir aux significations possibles de l’emploi dans les registres rouennais ou parisiens du xve siècle de l’expression sponte venit. Elle doit être analysée avec prudence car on peut la retrouver utilisée dans des cas où il y a manifestement eu dénonciation préalable de l’infraction à la cour. C’est le cas dans l’affaire du mariage clandestin du gouverneur du roi et de Marguerite de Harlay, citée supra. Mais si elle servait par exemple à signifier que le prévenu s’est présenté spontanément à l’officialité dès la première citation, on pourrait s’attendre à la retrouver beaucoup plus fréquemment dans les registres. Nous posons alors l’hypothèse qu’elle pourrait bien renvoyer à une démarche spontanée des parties. Dans les affaires matrimoniales mises à l’amende par le promoteur de l’officialité de Rouen, on la retrouve utilisée deux fois en 1424 (et notamment dans une affaire où un homme vient répondre de relations charnelles à l’époque des fiançailles, sans mention de grossesse). En 1484, on trouve mention de sept couples s’étant rendus ou s’étant soumis spontanément au tribunal pour des infractions dans la formation du lien. Dans un cas, l’infraction implique un défaut de bans ; dans deux cas, allusion est faite à des relations charnelles à l’époque des fiançailles. Les autres cas mettent en cause des défauts d’ordre réglementaire, notamment des défauts de présentation de lettres d’origine.
56 Voir aussi F. Pedersen, « Did the Medieval Laity Know the Canon Law Rules on Marriage ? Some Evidence from Fourteenth-Century York Cause Papers », Medieval Studies, 56, 1994, p. 111-152.
57 Vincent Tabbagh nous apprend qu’on dénombre une petite quinzaine d’avocats dans les années 1420 à l’officialité de Rouen, trois en 1408 à Montivilliers, et deux à Fécamp en 1436. Leur rôle est précisément de prodiguer des conseils aux parties, sans que leur recours soit obligatoire (sauf dans les causes supérieures à 100 sous). La difficulté croissante du droit canon a sans doute justifié le recours à ces techniciens du droit. (Indications fournies par Vincent Tabbagh dans sa communication à la journée d’étude du 14 juin 2010 à l’université d’Angers consacrée à l’« Histoire comparée des élites ecclésiastiques en Occident (xiie-xve siècle) : éléments de méthodologie ».)
58 C. Avignon, « Marché matrimonial clandestin... », art. cité.
59 Après avoir fait valoir des fiançailles dans la main d’un prêtre, des publications de bans, une solennisation de mariage dans une chapelle, en présence d’un prêtre, la pauvreté qui les a poussés à quitter la Normandie pour la Bretagne, la consommation du mariage dont sont nés deux enfants, elle précise qu’étaient présents dans la chapelle Pierre Andrieu, sire Jean Andrieu, en présence de qui avait déjà eu lieu les fiançailles, Guillaume Andrieu, la femme de Pierre et ses enfants. Archives départementales de la Seine-Maritime, officialité de Montivilliers, G 5270 (1433-1484), f°27 (1478).
60 Rappelons que, dans le diocèse de Rouen au milieu du xve siècle, un mariage dans une exemption, sans bans ni lettres, entraîne généralement une amende de 4 £, parfois 50 sous. En 1484, un mariage clandestin, dans une chapelle ou une exemption, bans faits ou non, est puni d’une amende de 100 sous pour les contractants, et entre 40 et 60-70 sous pour les célébrants.
61 Archives départementales de la Seine-Maritime, officialité de Rouen, G 271 (1484-1485), f° 17v.
62 V. Beaulande, Le malheur d’être exclu..., op. cit., p. 74-75 et 111-117.
63 Dès 1983, dans le premier article qu’il consacre au traitement judiciaire de la clandestinité, Charles Donahue évoque l’impact de la menace d’excommunication sur la nature des actions engagées par les couples dans les officialités françaises : C. Donahue, « The Canon Law on the Formation of Marriage and Social Practice in the Later Middle Ages », Journal of Family History, 1983, p. 144-158.
64 Archives nationales, Z1° 26 ; J. Petit (éd.), Registre des causes..., op. cit., col. 56.
65 Nous renvoyons sur ce point à la communication proposée au colloque de Troyes, dont les actes sont à paraître (voir supra n. 24,).
Auteur
Maître de conférences en histoire médiévale à l’université d’Angers (PRES UNAM) et membre du CERHIO (UMR 6258). Sa thèse, soutenue en 2008, traite des mariages clandestins (France, xiie-début xvie siècle). Ses recherches portent sur la justice ecclésiastique, le lien conjugal et la filiation entre normes et déviances. Elle coordonne un projet de recherche sur la filiation illégitime et la bâtardise dans les sociétés médiévale et moderne. A publié récemment : « Les mariages clandestins à l’épreuve d’un jugement en droit et en équité : le témoignage des sentences médiévales », dans Benoît Garnot, Bruno Lemesle (dir.), Autour de la sentence judiciaire du Moyen Âge à l’époque moderne, Dijon, PUD, 2012, p. 171-179 ; « Lien matrimonial et littérature au Moyen Âge. Des usages de la “contrefaçon” des discours juridiques », Discours juridique et amours littéraires, Klincksieck, 2013, p. 31-56.
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