La non-mixité des établissements pénitentiaires et ses effets sur les conceptions de genre : une approche sociologique
p. 33-52
Résumés
Contrairement à la plupart des institutions comme l’école ou l’hôpital, la prison est encore de nos jours l’une des rares institutions monosexuées, avec des quartiers ou des établissements réservés à l’un ou l’autre sexe. Sous l’Ancien Régime, les détenus étaient mélangés quel que soit leur âge ou leur sexe, et c’est au xixe siècle que le processus de séparation a été entrepris. On cherchera d’abord à comprendre le double processus par lequel, tant du côté des personnels que du côté des détenus, un entre-soi féminin se crée au sein des détentions féminines. La séparation des sexes contribue à produire des « organisations genrées », c’est-à-dire non neutres du point de vue des identités sexuées, s’appuyant sur des conceptions codifiées du masculin et du féminin, qu’elles contribuent à reproduire. Seront ainsi analysés les effets de la non-mixité des prisons sur les structures carcérales. Si certaines spécificités, comme l’existence de petits quartiers au sein de prisons d’hommes, peuvent s’expliquer par la sous-représentation des femmes en prison, puisqu’elles représentent l’exception parmi une majorité masculine, d’autres sont liées aux stéréotypes genrés. On s’intéressera en particulier aux effets des conceptions de genre sur l’enfermement féminin à partir des formations, des activités ou du type de travail proposés aux femmes. L’enfermement n’est donc pas conçu de la même manière par l’administration qui gère les établissements pour femmes et pour hommes.
The prison is, contrary to most of the institutions as school or hospital, one of the uncommon mono-sexual institutions, with districts or establishments reserved for the one or the other sex. Before the French Revolution, the prisoners were mixed whatever are their age or their sex. In the 19th century, the process of separation was realized. We shall try, at first, to understand the double process by which, both the staffs and the prisoners, one feminine entresoi builds up itself within the feminine detentions. The separation of the sexes contributes to produce gendered organizations, that is not neutral from the point of view of the sexual identifies, leaning on conceptions codified by the male and by the feminine, which they contribute to reproduce. The effects of the non-mixity in prisons will be analysed on the penitentiary structures. If certain specificities as the existence of small districts within masculine prisons can be understandable by the sub-representation of the women in prison, others are bound to gender stereotypes. We shall be interested in particular in the last part to the effects of the conceptions of gender on the feminine confinement in trainings, activities or labor type. The confinement is not thus designed in the same way by the administration which manages establishments for women and for men.
Texte intégral
1La prison représente d’une certaine façon un laboratoire d’analyse du social privilégié dans la mesure où elle concentre dans un espace circonscrit et de façon amplifiée bien des phénomènes observés dans d’autres champs de la société1. À partir d’une approche ethnographique de terrain au sein des prisons françaises2, par observations et entretiens aussi bien au sein des détentions féminines que masculines, il s’agira dans ce texte d’analyser les spécificités du traitement des femmes incarcérées et de l’enfermement au féminin.
2De nombreux travaux pionniers sur l’enfermement des femmes ont été conduits dans les pays anglo-saxons dès les années 1960-19803 : ils relèvent la différence de traitement des détenues par rapport aux hommes et l’importance de la discipline.
3La connaissance des prisons de femmes reste fort limitée en France, et ce malgré le fort développement de la sociologie carcérale. Mes propres travaux consacrés à l’étude monographique d’un quartier de mères incarcérées dans les années 1990 et à l’analyse des relations entre détenues et personnels soulignent la spécificité des prisons de femmes et le traitement différencié qui leur est réservé4 par rapport à celui des hommes. Leur situation, considérée comme minoritaire ou marginale, ne suscite guère l’intérêt. Force est en effet de constater le faible nombre de thèses réalisées sur le monde carcéral féminin, en dehors – à ma connaissance – de deux thèses en histoire5 et de deux thèses en sociologie, l’une portant sur le traitement pénal différencié et l’autre sur la sexualité en prisons de femmes6. Et les travaux portant à la fois sur les prisons d’hommes et de femmes ne sont pas menés de façon symétrique, ne permettant pas une comparaison systématique. Les prisons sont donc généralement considérées, selon le tropisme masculin, comme des institutions masculines. Ainsi, si le premier volet de l’enquête sur l’histoire familiale des détenus, portant sur les hommes, a été conduit à son terme, le projet sur les femmes n’a pas trouvé de financement, et ses concepteurs redoutaient de susciter des émotions trop fortes chez les femmes en posant des questions sur les enfants7. Les femmes en prison continuent d’être ignorées comme si elles étaient trop peu nombreuses pour compter8.
4Contrairement à la plupart des institutions comme l’école ou l’hôpital, la prison est, de nos jours, l’une des rares institutions monosexuées, avec des quartiers ou des établissements réservés à l’un ou l’autre sexe. Cette situation n’a pas toujours existé. Sous l’Ancien Régime, les détenus en France étaient mélangés, quel que soit leur âge ou leur sexe. La séparation des sexes et des âges a paru une amélioration à mettre en œuvre afin de protéger femmes et enfants. Elle tend cependant à produire des « organisations genrées9 », c’est-à-dire non neutres du point de vue des identités sexuées, s’appuyant sur des conceptions codifiées du masculin et du féminin, qu’elles contribuent ainsi à reproduire10.
5En quoi la non-mixité des établissements tend-elle à produire, voire à amplifier des différences de traitement pour les femmes qui sont largement sous-représentées en prison11 ? Mais, inversement, en quoi les discours autour du genre et de la construction sociale des identités « genrées » contribuent-ils également à perpétuer certains dispositifs produisant des différences sociales de traitement entre femmes et hommes ? Pour répondre à ces questions, il s’agira d’abord de comprendre le double processus par lequel, tant du côté des personnels que des détenus, les prisons de femmes sont devenues un entre-soi féminin particulièrement isolé, avant d’analyser les effets de la non-mixité sur les structures carcérales, puis sur le traitement différencié proposé aux femmes.
La non-mixité de l’enfermement carcéral
6Si les femmes représentaient 23 % des détenus en 1864, elles ne constituent en 2014 qu’entre 3 et 4 % des détenus. Outre le filtrage social – le fait que les personnes détenues soient issues de milieux défavorisés –, la justice met en œuvre un filtrage genré12. Alors que les femmes représentent plus de 51 % de la population française, elles représentent, selon les données de 2013, 12,6 % des personnes mises en cause par la police et 3,4 % des personnes incarcérées13. Comme le dit le criminologue Robert Cario, les femmes résistent au crime14. Il est significatif qu’en 2010, sur près de 150000 femmes mises en cause par la justice pour un crime ou un délit, seules 2135 ont été incarcérées. Dans les trente dernières années, le taux de féminité des prisons fluctue entre 3,1 % (en 1980) et 4,4 % (à son maximum en 1989 et 1990). Le nombre de femmes incarcérées varie donc entre 1159 femmes en 1980 et 2 226 femmes en 1995. Si leur effectif a plus que doublé depuis 1980, leur pourcentage reste inférieur à 4 %. Il n’y a pas eu un boom de l’emprisonnement féminin malgré les prévisions établissant un lien entre le mouvement féministe et la hausse de la criminalité des femmes15. Ce taux, plus faible que celui aux États-Unis ou au Canada16, se situe dans la moyenne européenne17.
7Dans des prisons majoritairement masculines, les femmes ne représentent qu’une minorité de détenus, ce qui a des incidences sur la réalité concrète de l’enfermement des hommes et des femmes. C’est au xixe siècle qu’ont été décrétées la surveillance des détenus par des personnels de leur sexe et la séparation des femmes et des hommes détenus. Nous montrerons d’abord que ce double processus de non-mixité est une construction sociale variable dans le temps, puis que son application s’est avérée différente dans les prisons pour femmes et dans celles pour hommes.
Un processus variable historiquement
8La non-mixité des établissements pénitentiaires n’est pas un principe universel. Les femmes étaient mélangées dans les prisons de l’Ancien Régime avec les hommes, et il existe actuellement des établissements mixtes dans des pays comme le Danemark.
9La mixité a longtemps été la règle18, et la mise en place de la séparation des femmes et hommes détenus a nécessité du temps. En effet, en France, la première enquête nationale réalisée par la Société royale pour l’amélioration des prisons, en 1819, révéla l’état insalubre des quatorze centrales et des quelque quatre cents prisons départementales, et le non-respect du règlement en matière d’alimentation ou de coucher des prisonniers. Un plan de réformes sans précédent fut alors prescrit afin de limiter la surmortalité et la promiscuité, qui passa par la spécialisation des prisons d’abord pour les enfants placés, à partir de 1824, dans des quartiers séparés des adultes, puis, du côté des gardiens, par la spécialisation de gardiens pour les hommes et de gardiennes pour les détenues, et enfin, du côté des détenus adultes, par la séparation des espaces carcéraux selon le sexe.
10Du côté des personnels, jusqu’en 1830, ce sont des hommes qui surveillaient les détenus quel que soit leur sexe. La décision ministérielle du 6 avril 1839 prévoit la création d’un corps de gardiennes afin que la surveillance des femmes soit assurée par des personnes de leur sexe. Devant les difficultés de recrutement, l’État a fait appel en mai 1840 à des religieuses, les sœurs de l’ordre de Marie-Joseph et de la Miséricorde (communément appelées les « Petites Sœurs »), ce qui offrait à l’administration pénitentiaire l’avantage d’une main-d’œuvre peu coûteuse19. La présence de religieuses parmi les personnels a ainsi contribué chez les femmes à l’entreprise de moralisation. Cette situation n’est pas sans rappeler ce qui s’est passé en Italie où seules les prisons pour femmes restèrent sous la tutelle des ordres de nonnes catholiques, malgré les réformes libérales destinées à moderniser et à laïciser la peine après l’unification italienne de 186120. En France, les Sœurs de Marie-Joseph étaient présentes dans plus de trente-cinq établissements dans la seconde moitié du xxe siècle. Pendant que des instituteurs laïques étaient nommés en 1840 dans les maisons centrales masculines, ce sont les religieuses qui dispensaient l’instruction, insistant sur la conversion morale plutôt que sur la formation éducative et professionnelle21. À la suite de deux vagues de laïcisation de l’espace carcéral en 1880-1889 puis en 1900-190822, les religieuses ont peu à peu été remplacées par des surveillantes laïques. Après 1905, les religieuses n’étaient plus que dans deux établissements (Saint-Lazare et le Dépôt de la préfecture de police de Paris)23. Dans les années 1950, elles reviennent dans les deux plus grandes prisons de femmes (Rennes et Fleury-Mérogis). L’administration pénitentiaire leur confie alors des postes d’infirmières, d’éducatrices, de psychologues et de lingères24. Il reste en 2012 trois religieuses à Rennes qui animent des « ateliers de redynamisation25 », ateliers que je n’ai trouvés que chez les femmes.
11Du côté des détenus, et ce depuis 1856, est préconisée la séparation selon le sexe dans les maisons centrales pour les condamnés à de longues peines, mesure étendue aux prisons départementales à partir de 1885. Il s’agissait d’éviter la promiscuité afin d’éviter les viols ou les grossesses, mais cette spécialisation s’inscrivait surtout dans une considération morale : la femme en tant qu’épouse et mère était le pivot de la famille et le garant de la moralité de l’homme et de l’enfant ; elle devait être tenue éloignée de l’homme délinquant afin de pas être contaminée par le vice. Cette spécialisation permettait également la mise en place de traitement différencié selon les sexes, centré sur le travail pour les hommes et la religion et la discipline pour les femmes.
12Le processus de non-mixité a connu quelques variations ces vingt dernières années. L’administration pénitentiaire, confrontée à des problèmes de recrutement, a autorisé dans les années 1990 des surveillantes à travailler dans les prisons d’hommes. Abandonné dans les grandes instances de socialisation telles que l’école ou les associations sportives et culturelles depuis les années 1960, le principe de séparation hommes-femmes n’est plus appliqué dans les établissements pour mineurs (EPM) ouverts depuis 2007. Les filles et les garçons disposent de cellules dans des espaces distincts, mais ils partagent activités ou enseignements. Cette expérience n’est cependant guère concluante du fait du faible nombre de mineures incarcérées (4 à 5 places réservées aux filles pour une soixantaine de détenus). Elles sont souvent réduites à jouer le rôle de figurantes face à des adolescents, majoritaires, qui imposent leurs codes et affichent une virilité exacerbée. Les filles sont généralement exclues des activités physiques et maintenues à la marge, dans le rôle caricatural de groupies ou de pom-pom girls, ce qui contribue à la survirilisation des pratiques sportives26.
13La loi pénitentiaire de 2009 inscrit également la possibilité pour les établissements d’adultes d’organiser des activités mixtes, communes aux détenus des deux sexes27. On constate ainsi des variations historiques dans l’application de la non-mixité, mais également que ce principe est appliqué diversement selon les sexes.
Une non-mixité appliquée plus strictement chez les femmes
14Le principe de séparation hommes-femmes reste inscrit dans l’article 1er du règlement type des établissements pénitentiaires (issu de la loi pénitentiaire de 2009)28. Il est néanmoins appliqué de façon asymétrique dans les établissements masculins et féminins. On assiste en effet à une plus grande mixité des personnels dans les établissements pour hommes. Le principe de séparation des détenus selon le sexe est, quant à lui, appliqué partout strictement. Aussi, même si l’organisation d’activités mixtes est autorisée par l’article 28 de la loi pénitentiaire, elle est peu mise en pratique : on a observé, dans une maison d’arrêt étudiée en 2012, une cérémonie annuelle de remise de diplômes scolaires commune aux femmes et hommes détenus de cet établissement, mais cela reste exceptionnel. Le travail en ateliers, les activités sportives, culturelles, l’enseignement ou encore les fêtes cultuelles restent généralement réservés à l’un ou l’autre sexe. Le règlement type précise par ailleurs que toutes les dispositions doivent être prises pour qu’il ne puisse y avoir aucune communication entre les femmes et les hommes. En pratique, tout est fait pour éviter le moindre contact.
15Cette vigilance est particulièrement effective au sein des prisons de femmes. Ainsi, outre le fait que les hommes, occupant plus fréquemment des postes hiérarchiquement situés (directeurs, médecins, psychiatres, chefs de services sociaux), interviennent plus rarement dans les prisons ou quartiers de femmes que dans les prisons d’hommes, leurs visites, relativement exceptionnelles, font l’objet d’une attention particulière. J’ai ainsi constaté que les hommes médecins sollicitaient la présence d’une infirmière lors des visites médicales afin d’éviter les éventuelles suspicions sur la nature de leurs interactions, alors que les femmes médecins reçoivent des hommes détenus sans être accompagnées. De même, le directeur était habituellement accompagné d’une femme officier. Quant aux aumôniers qui, souvent, disposent dans les établissements de la clé permettant l’ouverture de toutes les cellules29, ils sont invités à ne pas circuler en détention féminine, même s’ils sont autorisés à y animer les cultes. Inversement, les femmes aumôniers peuvent se rendre facilement dans les cellules des hommes détenus sans que cela pose problème à l’administration pénitentiaire30.
16Dans les prisons d’hommes, une plus grande mixité des personnels existe puisque, dès les années 1950, avec la détotalisation de la prison31, les prisons ont connu une arrivée massive des personnels sociaux, médicaux ou d’enseignants. Comme ces professions sont largement féminisées (à 85 % pour les travailleurs sociaux), de nombreuses professionnelles (infirmières, institutrices, travailleuses sociales) sont ainsi intervenues auprès d’hommes incarcérés.
17Il en est de même au sein des personnels de surveillance depuis l’entrée de surveillantes en détentions masculines, tandis que les femmes détenues ne sont surveillées que par des personnes de leur sexe. Officiellement, le personnel masculin n’a accès au quartier des femmes que sur autorisation du chef de l’établissement (article D. 222 du code de procédure pénale), et seul l’encadrement dans les prisons de femmes peut comporter des personnels masculins.
18Dans les prisons d’hommes, la féminisation des personnels s’est encore accentuée depuis les années 1990 : les femmes représentaient 11 % du personnel de surveillance en 2001 et plus de 16 % en 2005. Depuis 2000, les femmes représentent entre un quart et la moitié des promotions d’élèves-surveillants formés à l’ENAP (École nationale d’administration pénitentiaire)32. Si les premières surveillantes ont été confrontées à des résistances de la part de leurs collègues masculins lors de leur entrée dans les détentions masculines, elles ont su faire leurs preuves auprès d’eux et établir des relations d’autorité avec les détenus qui, s’ils n’hésitent pas à affronter les surveillants, se montrent plus mesurés face aux surveillantes, et ce en raison plus du respect dû aux femmes que de la fonction qu’elles exercent ou de l’institution qu’elles représentent33. Cette mixité n’empêche pas une certaine division sexuée du travail : les surveillantes sont plus souvent affectées à la gestion des parloirs, au contact avec les familles, et elles se plaignent souvent de ne pas être mobilisées lors des interventions.
19On constate donc un cloisonnement sexué particulièrement fort au sein des prisons de femmes et, par conséquent, la constitution d’un entre-soi féminin plus exclusif. Ce cloisonnement n’est pas sans effets sur la vie des détenues.
Des effets différenciés sur les structures
20Quels effets ce cloisonnement sexué produit-il sur l’enfermement carcéral féminin ? D’un point de vue officiel, les textes judiciaires et pénaux ne font guère référence à un traitement différencié selon le sexe, en dehors du statut particulier des enfants que les mères peuvent garder auprès d’elles jusqu’à leurs dix-huit mois. La répartition nationale des établissements accueillant des femmes sur le territoire, leur taille et le type de régime proposé aboutissent cependant à des différences structurelles entre les prisons de femmes et celles hébergeant des hommes. Si ces prisons organisent une détention plus personnalisée, leur répartition inégale aggrave souvent l’isolement des femmes.
Le cas particulier des mères
21Beaucoup de caractéristiques de la vie carcérale sont communes aux détenus des deux sexes. Les mêmes lois s’appliquent : les femmes comme les hommes incarcérés sont hébergés en maison d’arrêt, puis en établissement pour peines, ils sont soumis aux mêmes obligations et risquent les mêmes punitions. La dimension genrée de l’emprisonnement donne néanmoins quelques avantages aux femmes, en lien avec la maternité. Le Conseil de l’Europe invite ainsi à recourir à des situations non privatives de liberté pour les femmes enceintes et les femmes qui allaitent34.
22La situation particulière des femmes incarcérées avec des enfants constitue la seule différence officiellement reconnue dans les textes. C’est en tant que mère d’un jeune enfant placé auprès d’elle, qu’il soit né au cours de l’incarcération ou que sa mère décide de le faire vivre auprès d’elle jusqu’à ses dix-huit mois35, que la femme incarcérée bénéficie d’un traitement adapté répondant à ses besoins spécifiques. Cela concerne actuellement une soixantaine d’enfants nés durant l’incarcération de leur mère. L’enfant n’est pas détenu, il peut sortir de prison quand sa mère le décide, pour aller en halte-garderie ou pour passer des vacances chez ses grands-parents, par exemple. L’enfant apporte ici un bénéfice secondaire : les mères vivent dans un quartier spécifique dont les portes des cellules restent ouvertes la journée, elles bénéficient d’un statut valorisant auprès des autres détenues et même des personnels. La maternité peut être considérée comme une manière de sortir de la délinquance, comme une première étape d’insertion dans la société36.
L’absence de dangerosité des femmes
23L’absence de dangerosité reconnue aux femmes est une autre particularité du système pénitentiaire féminin, une spécificité qui n’est jamais mentionnée comme telle dans les textes. Les femmes ne posent guère de problèmes en termes de gestion ou de sécurité. Elles se rebellent ou s’évadent rarement par rapport aux hommes. Elles s’inscriraient moins dans des attitudes protestataires. Elles ne s’installent pas dans une opposition de principe contre le personnel37. En revanche, elles tendent à retourner la violence contre elles-mêmes plutôt que contre les autres (états de prostration ou de dépression grave, autoagressions, tentatives de suicide, mutilations).
24On ne peut être que surpris, lorsque l’on connaît la priorité donnée à la sécurité dans les établissements pénitentiaires en général, par la place secondaire accordée à la sécurité au sein des prisons de femmes. Il n’existe pas pour elles de régime « maison centrale », ces établissements pour les condamnés à de longues peines avec objectif sécuritaire. Les femmes condamnées à de longues peines sont dirigées vers des centres de détention dont la mission prioritaire est la réinsertion. L’absence de maison centrale n’est pas sans incidences pour les détenues. Faute de structure adaptée, certaines femmes étiquetées comme « détenu particulièrement signalé » (DPS) sont ainsi placées à l’isolement pendant de longues périodes. Elles restent souvent dans les maisons d’arrêt parisiennes, jugées plus sûres que les centres de détention, comme je l’ai observé pour les deux prisonnières d’Action directe, Joëlle Aubron et Nathalie Ménigon, qui ont été soumises à un régime d’isolement très strict entre février 1987 et octobre 1999 à Fleury-Mérogis.
Une localisation des établissements, source d’isolement
25Un autre effet structurel de l’incarcération féminine est la répartition singulière des détentions féminines sur le territoire. Sur près de 190 établissements pénitentiaires en France, moins d’un tiers (58) sont en capacité d’héberger des femmes dans des structures adaptées38. Cela signifie que les femmes sont dispersées dans un grand nombre de petits quartiers qui comptent souvent entre une dizaine et une cinquantaine de détenues. Seules deux maisons d’arrêt (à Fleury-Mérogis et Lille) et un centre de détention (à Rennes) hébergent plus de cent femmes, tandis que les maisons d’arrêt pour hommes comptent fréquemment six cents places.
26La moitié des femmes sont donc incarcérées dans de petits établissements, en général un petit quartier de maison d’arrêt, à côté de la maison d’arrêt des hommes. Leurs conditions matérielles de détention y sont souvent meilleures que celles des hommes, essentiellement parce que la surpopulation y est moins fréquente. Elles bénéficient alors d’une gestion personnalisée, moins anonyme que dans les grands établissements, mais elles font aussi l’objet d’une surveillance accrue et ont moins de possibilités de préserver leur vie privée. La taille de ces petits quartiers de femmes aboutit à la coexistence entre des femmes prévenues et condamnées, entre des criminelles purgeant de longues peines en attente de transfert et des délinquantes incarcérées pour quelques mois, entre des « primaires » et des récidivistes, et même la présence de mineures au milieu des adultes. Ces quartiers de femmes, mitoyens des prisons d’hommes, bénéficient souvent d’équipements moindres et d’activités peu variées. Soit les femmes sont confinées dans leur détention où elles n’ont accès qu’à une petite bibliothèque et à une salle de classe qui fait également office de salle d’activités et de salle de culte. Soit elles ont accès aux services communs de la détention (bibliothèque, gymnase, salle de culte, unité médicale), mais cet accès est restreint à des créneaux horaires précis selon le principe de stricte séparation entre les sexes. Il en résulte un accès bien plus limité que celui des hommes au travail, aux formations ou aux activités.
27La différence de traitement est encore plus marquée pour les femmes condamnées à de longues peines. Il n’existait jusqu’en 1992 qu’une seule prison pour les condamnées à de longues peines de toute la France qui se situait à Rennes. On compte actuellement six établissements féminins pour peines en France métropolitaine39. Ces établissements de taille variable (entre 15 et 232 places) peuvent héberger en moyenne une centaine de condamnées. La création de ces établissements pour longues peines constitue un réel progrès, même si on peut déplorer leur emplacement géographique, les deux établissements situés le plus au sud étant au nord de Lyon et à Poitiers.
28Cela induit pour ces femmes, souvent des mères, des séparations familiales et des difficultés lors de la réinsertion sociale. La non-mixité des établissements entraîne des conséquences particulièrement négatives sur le maintien des relations familiales ou amicales des femmes incarcérées. De fait, elles reçoivent peu de courrier, peu de visites et peu d’argent. Leur isolement est bien plus intense que celui des hommes qui continuent généralement à recevoir le soutien moral et matériel de leurs proches. Si la distance n’empêche pas les femmes de soutenir leur compagnon, mari, fils ou père incarcéré, comme le montre l’étude de Caroline Touraut, elle constitue un véritable obstacle pour le soutien des femmes en prison40. L’éloignement géographique occasionne des coûts élevés de transport et parfois d’hébergement, rendant souvent les visites financièrement inaccessibles aux familles. Le temps de trajet et le coût ne facilitent pas les visites de leurs enfants et en réduisent la fréquence. La difficulté que connaissent les détenues pour maintenir des liens avec leur famille s’explique en partie par la localisation des établissements pour longues peines recevant des femmes dans le nord de la France – mais parfois aussi par la nature des crimes commis quand il s’agit d’homicides intrafamiliaux. C’est cependant la dimension genrée de l’engagement, de l’attachement, voire du care qui joue un rôle sur ce soutien puisque les femmes en maison d’arrêt, proches de leur domicile, sont malgré tout peu soutenues, voire, plus souvent abandonnées par leur conjoint41. La distance géographique de leurs famille et amis a également des conséquences sur les possibilités de réinsertion à la sortie. Elle rend plus difficile l’obtention d’un travail ou d’un logement pour l’obtention d’une libération conditionnelle. Beaucoup de femmes ayant purgé leur peine à Rennes, fort isolées à leur sortie, sont ainsi restées dans la région.
Un traitement pénal différent dans un entre-soi féminin
29Outre les différences structurelles mentionnées, on constate que la gestion des femmes détenues diffère de celle des hommes détenus, y compris de ceux hébergés dans le même établissement, dans des quartiers différents. Comment expliquer une telle situation ? Faut-il en conclure qu’un traitement pénal différencié est appliqué dans l’entre-soi féminin ?
30Le fait d’enfermer les femmes dans des espaces séparés a produit des effets de structure. Il tend aussi à renforcer les spécificités des traitements réservés aux femmes ou aux hommes et à reproduire des stéréotypes de genre. La vie déjà artificielle dans un monde monosexué est encore accentuée par le fait que des femmes sont gardées par des surveillantes et sont essentiellement en contact avec des femmes, que ce soient des professionnelles du monde social, médical ou enseignant. Trois registres de pratiques spécifiques de gestion quotidienne des femmes seront étudiés ici : l’accès inégal au travail ou aux activités pour les femmes, le contrôle moral accentué sur les détenues et la place centrale donnée au corps.
31L’entre-soi au sein des détentions féminines a la caractéristique d’être bien plus homogène que celui dans les prisons masculines, qui bénéficie de l’effet perturbateur mais aussi régulateur de la présence de surveillantes en détention et des professionnelles ou intervenantes à l’UCSA (Unité de consultations et de soins ambulatoires) ou au SPIP (Service pénitentiaire d’insertion ou de probation) ou au Socio (lieu des activités et des formations). Les personnels ayant travaillé dans les quartiers de femmes et d’hommes décrivent une ambiance différente, avec moins de violences directes mais avec une forte expression de la souffrance. Les femmes détenues sont décrites comme attachantes mais particulièrement exigeantes. Se situant davantage que les hommes dans l’affectif, elles auraient davantage besoin de parler ou de se raconter.
32Les discours des personnels de surveillance mobilisent de nombreuses représentations essentialisées faisant référence à une nature féminine, un instinct maternel, à une femme qui aurait moins de désirs et besoins sexuels que les hommes, et qui ne peut exercer les mêmes compétences professionnelles. Ils tendent à inférioriser la femme incarcérée, qui est définie davantage par ses manques ou défauts que par ses ressources et atouts. Certaines détenues, se sentant disqualifiées socialement voire moralement, participent elles-mêmes à ce dénigrement, se décrivant comme « trop bête » pour suivre une formation, « nulle en cuisine », « pas assez stable pour garder un boulot » ou « pas capable d’élever correctement un enfant ».
33C’est dans ce contexte que les activités proposées aux détenues tendent à renforcer certains de ces stéréotypes genrés.
Des activités particulièrement stéréotypées
34La plupart des différences de vie quotidienne en détention sont liées aux conceptions genrées. À la liste déjà limitée des activités, induite par la taille réduite des quartiers ou établissements, se surajoute un choix réduit par les stéréotypes de genre quant aux possibilités de travail, de formation ou aux types d’activités artistiques, manuelles, culturelles, cultuelles ou sportives.
35C’est ainsi que les conceptions patriarcales jouent un rôle essentiel sur le travail ou les formations proposées. Les discours de réhabilitation des personnels, centrés sur la famille, constituent une référence implicite à une vision largement hétéro-normative. Le travail n’est pas jugé prioritaire chez les femmes, et le nombre de places proposées est proportionnellement moins élevé que pour les hommes42. Les offres de postes en atelier se cantonnent le plus souvent aux tâches de couture (confection, coupe et couture) et de petite manufacture (mise sous sachet de matériel médical, emballage de maquillage, mise sous enveloppe de publicité, atelier de façonnage de papier et carton, production de pièces automobiles, façonnage pour l’industrie agro-alimentaire), même si l’on trouve en établissement pour longues peines un travail de restauration d’archives ou un centre d’appel. Tout comme les emplois proposés aux hommes incarcérés dans la mécanique, le bâtiment, l’informatique/ multimédia, les offres de travail proposées aux femmes sont même plus en prison qu’en dehors le reflet de la division sexuelle du travail. Ce travail manufacturier, peu qualifiant, est souvent considéré par les détenues comme une occupation ou un gagne-pain permettant d’améliorer l’ordinaire de la détention et de maintenir les liens avec la famille en leur envoyant de l’argent43, alors que le travail pourrait développer de nouvelles compétences pour des femmes peu qualifiées. Il est encore plus nécessaire pour toutes celles qui ne perçoivent pas de soutien ni de ressources de la part de leur entourage et qui devront affronter relativement seules la sortie de prison.
36Pour ce qui est de la formation professionnelle, les offres sont également rares et surtout peu diversifiées44. Les enseignements professionnels proposés dans les maisons d’arrêt étudiées sont largement fondés sur des stéréotypes. Il s’agit de CAP en coiffure, cuisine, restauration, bureautique, propreté/nettoyage et couture45. La formation au permis de conduire, pourtant fort utile, est ainsi offerte aux hommes mais pas aux femmes, tandis que les formations de traitement du linge ne sont proposées qu’aux femmes.
37Les offres d’activités manuelles adressées aux femmes concernent essentiellement la couture (patchwork, tricot, peinture sur soie, broderie), même si d’autres activités existent comme le rotin ou la cuisine. Les femmes sont encouragées à produire des objets pour les envoyer à leurs enfants ou famille. D’autres activités culturelles ou artistiques sont proposées, comme les ateliers animés par le relais enfants-parents, des ateliers d’écriture, de musique, de théâtre... Ces activités, contrairement à ce qui se fait dans les prisons d’hommes, ne sont guère tournées vers une meilleure connaissance de soi ou la maîtrise de nouvelles compétences professionnelles, elles tendent à renforcer certains rôles sociaux assignés aux femmes. Il en est de même pour les activités sportives, si centrales dans les détentions masculines. Les femmes n’ont souvent pas accès au gymnase ou au terrain de sport, même quand la maison d’arrêt en dispose. Aucun moniteur de sport n’est affecté dans les petits quartiers de femmes, alors qu’on compte au moins deux moniteurs par établissement masculin. Le choix des sports accessibles se réduit à la musculation, la gymnastique ou la relaxation. Plusieurs quartiers de femmes ne disposent que de la cour de promenade pour faire du sport ou d’un couloir quand il pleut.
38Ces offres différenciées en disent long sur la représentation des femmes dans les prisons françaises contemporaines. Outre le fait que les femmes ne constituent pas un public prioritaire, le manque de moyens les concernant est encore plus criant que pour les hommes.
Un traitement moral
39Toutes les études en France comme à l’étranger soulignent que les formes de contrôle social sont plus fortes sur les femmes incarcérées. L’obligation de silence, imposée dans les années 1840, a d’ailleurs été appliquée plus fermement chez les femmes, et les sanctions disciplinaires ont écrasé toute velléité de résistance46. L’ouvrage de Russel Dobash, Emerson Dobash et Sue Gutteridge traitant de la différence de traitement social entre les femmes et les hommes incarcérés en Grande-Bretagne et aux États-Unis insiste sur le caractère moral des prisons pour femmes et sur l’importance de la thérapie et de la discipline dans ces établissements47.
40Si la taille des quartiers favorise des rapports personnalisés entre les personnels et les détenues, elle ne suffit pas à expliquer ces relations particulièrement enveloppantes de la part des personnels, un rapport qui peut être qualifié de maternaliste48. Les surveillantes se révèlent plus attentives aux détails vestimentaires, physiques ou esthétiques, que ce soit pour souligner les efforts et les réussites ou pour critiquer les excès ou les manquements. Les modèles de comportement exigés chez les femmes sont plus stricts que ceux des hommes : les manières de s’habiller, de parler, de se comporter, de tenir propre leur cellule sont plus surveillées. La présence des religieuses à partir des années 1830-1840 a largement participé de ce traitement différentiel des sexes. Les quelques tentatives pour introduire des religieux dans des prisons d’hommes ont échoué, si bien que les prisonniers masculins ont toujours été gardés par des militaires ou des surveillants.
41Les religieuses ont diffusé les valeurs suprêmes de la maternité : elles valorisent les mères et toutes les actions en lien avec les enfants, tentent de dissuader des femmes d’avoir recours à l’IVG ou rejettent les mauvaises mères. Il s’agit de maintenir les femmes dans une communauté « maternante » éducative. Le primat de la maternité en prison exacerbe les comportements agressifs contre les mères qualifiées d’infanticides ou au contraire glorifie la figure de la Mère Courage. Les religieuses et les surveillantes tendent à renforcer les stéréotypes traditionnels de la sphère domestique et familiale comme une source de réinsertion qui permettrait de persuader ces femmes déviantes de « revenir dans le droit chemin ». Les prisonnières sont fréquemment identifiées à leur rôle de mères, réel ou potentiel. Directrices, surveillantes ou religieuses soulignent que « la plupart des femmes ici sont des mères ». Elles se doivent de correspondre à la figure de la bonne mère, celle qui pense d’abord à ses enfants et consacre toute son énergie à leur suivi à distance, celle qui leur écrit ou leur envoie des cadeaux, celle qui souffre de ne pas les voir. L’étude des dossiers de libération montre que le portrait type de la « bonne détenue », celle qui obtient le plus rapidement sa sortie, est celui d’une femme qui a gardé de bonnes relations avec sa famille, regrette l’acte commis, fait montre de valeurs morales et est une bonne travailleuse49.
42Si certaines détenues se conforment à ce modèle, d’autres refusent d’endosser ce rôle traditionnel tout comme elles rejettent le modèle hétéronormatif. Car l’entreprise de moralisation semble relativement tolérante à l’égard de l’homosexualité féminine, contrairement à ce qui se passe dans les prisons russes qui tendent au déni ou à la condamnation du lesbianisme, considéré comme une forme de déféminisation50. L’homosexualité, tant qu’elle est désexualisée, est évoquée positivement comme un palliatif temporaire au manque de tendresse. Les couples de femmes sont donc tolérés tant qu’ils ne sont pas perçus comme une véritable forme de sexualité ou comme un engagement durable dans le lesbianisme51.
Un traitement centré sur le corps
43Le corps est omniprésent dans les discours comme dans les pratiques au sein des prisons de femmes. C’est à la fois le corps reproducteur, le corps violenté, celui qu’on soigne, qui grossit ou qui vieillit. C’est d’abord un corps en souffrance qui est montré. Beaucoup de détenues que nous avons interviewées parlent de leurs addictions, de leurs dépressions, de leurs maux. Leur corps est marqué, fragilisé, abîmé par les violences subies, les grossesses non désirées ou précoces, par une sexualité tarifée ou par des viols, voire par l’inceste. Issues de quartiers défavorisés, d’un monde précaire et souvent disqualifié, elles racontent les rapports difficiles avec les hommes, pères ou conjoints, et évoquent avec fatalisme toutes ces situations non désirées, non choisies ou non maîtrisées. Les femmes détenues expriment plus volontiers les souffrances ressenties et leur peine par rapport aux enfants dont elles sont séparées. Les sentiments de honte et de culpabilité liés à la détention sont plus fréquemment verbalisés chez les femmes rencontrées. Le corps devient le premier lieu d’expression de la plainte : les femmes incarcérées tombent malades, somatisent, connaissent des troubles alimentaires ou digestifs, ont des aménorrhées, parfois durant toute leur détention.
44Comme les femmes expriment leurs souffrances ou sont plus facilement invitées à le faire, elles reçoivent un traitement plus médicalisé : la détenue « a craqué », elle a fait une « crise de nerfs » ou une crise de larmes. Les programmes tendent à « pathologiser » ces femmes, à insister sur leurs troubles, à souligner la nécessité de les soigner, à proposer des thérapies. Les femmes sont plus nombreuses que les hommes à prendre – et se voir proposer – des psychotropes : 45 % contre 18 %52. Cette prise de psychotropes apparaît comme une réaction à l’incarcération et un moyen de supporter l’enfermement, de ne plus penser, de tromper le temps par le sommeil et d’éviter les nuits d’insomnie. Les personnels, qu’ils soient surveillants, éducateurs ou enseignants, contribuent à ce travail de psychologisation ou de médicalisation : il n’est pas anodin de rappeler ici que les surveillantes ont longtemps porté, comme des infirmières, une blouse blanche, blouse qui a été remplacée depuis 1995 par l’uniforme bleu marine.
45Le corps est donc en général plus investi dans les prisons de femmes. Si, chez les hommes, cet investissement se traduit souvent par le maintien en forme physique, voire par le recours à la musculation, chez les femmes, il passe par une attention portée à l’esthétique du corps. Personnels et détenues évoquent régulièrement le contrôle du poids, l’achat de produits de beauté, le recours aux soins d’une esthéticienne ou d’une coiffeuse. Les détenues rappellent souvent l’impératif de « ne pas se laisser aller » pour résister aux années d’enfermement : elles entendent par cette expression le fait de ne pas céder à la prise de médicaments, de présenter la meilleure image de soi en restant coquette et de se maintenir en forme. Maintenir une image positive de soi, c’est montrer sa capacité à résister et à vivre comme dehors53. Le travail de la féminité, dans sa forme plus souvent traditionnelle qu’émancipatrice, reste largement investi en prison, même s’il n’y est pas organisé, comme cela se pratique dans les prisons russes, de concours de beauté54. Alors qu’il faut « paraître sauvage » dans les prisons d’hommes, se montrer fort et plutôt agressif55, le modèle féminin reste encore associé au « paraître fragile » pour mieux justifier sa déviance ou correspondre au modèle valorisé. Si les femmes incarcérées performent souvent les modèles de docilité passive à travers l’adhésion aux compétences domestiques ou aux exigences de la mode, il s’avère que beaucoup d’entre elles privilégient le confort des vêtements à l’apparence, apprécient de ne plus cuisiner ou se sentent libres sans toutes les charges domestiques. Elles refusent l’infantilisation dont elles font l’objet et cherchent à se dégager des marges de manœuvre pour résister à cet univers enveloppant qu’est l’institution totale56. Certaines valorisent des identités incarcérées, jouent la victime ou la personne de confiance pour s’approprier un espace de liberté, d’autres font référence au passé ou aux identités « décarcérées » valorisantes de mère ou de travailleuse pour rétablir une image plus positive de soi et retrouver de la dignité57.
Conclusion
46Au final, les femmes ne sont pas traitées comme les hommes tout au long de la chaîne pénale. Leur faible nombre continue de les maintenir dans une position marginale. Celles qui ont un enfant en bas âge bénéficient de conditions de détention plutôt favorables, tandis que les femmes en général, placées dans un entre-soi féminin plus hermétique que celui des hommes, ne bénéficient pas des mêmes possibilités de formation ou de travail, font l’objet d’une surveillance pointilleuse et se retrouvent, pour les condamnées à de longues peines, plus éloignées de leur famille, ce qui n’est pas sans conséquences pour le maintien des liens familiaux et pour la préparation de la sortie de prison. Si la non-mixité tend à produire des institutions genrées, peut-on imaginer a contrario que la mixité puisse limiter les inégalités de traitement entre les femmes et les hommes incarcérés ?
47La mixité dans notre société ne suffit pas à empêcher la hiérarchisation entre les sexes et à garantir un traitement égalitaire des femmes et des hommes. La promotion de la mixité au sein de l’institution carcérale ne constitue pas non plus la panacée, comme tend à le montrer l’expérience des EPM (établissements pour mineurs). Cependant, l’introduction progressive de la mixité pourrait constituer une forme de rapprochement de l’institution carcérale des autres institutions démocratiques. Elle pourrait apporter certains bienfaits en termes organisationnels, interactionnels, identitaires, voire égalitaires. Ainsi, le fait de partager des activités existantes pourrait permettre d’améliorer la situation d’enfermement des femmes en leur ouvrant davantage de possibilités de travail, de formations ou d’activités, ce qui contribuerait à les préparer à leur insertion sociale. La mixité interactionnelle devrait apporter d’autres normes relationnelles que celles qui prévalent actuellement. L’entrée des femmes surveillantes dans les détentions masculines semble en effet avoir amélioré les relations entre détenus et personnels, même si quelques détenus ont eu du mal à accepter leur présence. Le fait de vivre la mixité au travail ou dans les activités permettrait surtout de rendre la vie carcérale moins artificielle et un peu plus proche de la réalité sociale. Il favoriserait le rétablissement d’identités sexuées comme dans des rapports sociaux normaux, jusqu’au moment où il serait envisageable de poursuivre ce processus de mixité, comme à l’hôpital où des chambres sont affectées à l’un ou l’autre sexe. L’accès à des formations ou des postes de travail moins genrés tout comme l’apprentissage d’un respect mutuel pourraient constituer un pas vers l’égalité de la condition carcérale entre femmes et hommes, à condition de ne pas sous-estimer la situation spécifique des femmes incarcérées, si marginales au sein du monde carcéral.
Notes de bas de page
1 Claude Faugeron, « Une théorie de la prison est-elle possible ? », dans Id., Antoinette Chauvenet et Philippe Combessie (dir.), Approches de la prison, Bruxelles, De Boeck Université, collection Perspectives criminologiques, 1996, p. 40.
2 Cet article s’appuie sur une expérience d’enquêtes sur vingt-cinq ans : si notre première étude décrivait la vie au sein du quartier des mères de Fleury-Mérogis, l’enquête menée au cours de notre thèse portait sur deux maisons d’arrêt et un centre de détention pour femmes, Corinne Rostaing, La relation carcérale. Identités et rapports sociaux dans les prisons de femmes, Paris, PUF, collection Le lien social, 1997. Notre recherche sur l’audiovisuel a étudié dix établissements dont la moitié comprenait des quartiers de femmes et des quartiers d’hommes, voir Léo Anselme, Jean-Luc Gervasoni et Id., Les actions audiovisuelles en milieu pénitentiaire, rapport pour le ministère de la Culture et le ministère de la Justice, juillet 2001. Notre étude sur la violence carcérale portait sur cinq établissements masculins (deux maisons d’arrêt, un centre de détention et deux maisons centrales), voir Antoinette Chauvenet, Id. et Françoise Orlic, La violence carcérale en question, Paris, PUF, 2008. Enfin, la recherche que j’ai menée sur la religion portait sur huit établissements (trois maisons d’arrêt, dont deux comprenaient des quartiers pour femmes, deux centres de détention, dont un était réservé aux femmes, et trois maisons centrales), voir Céline Béraud, Claire de Galembert et Id., De la religion en prison. Enquête sociologique, Rennes, PUR, 2015.
3 Notamment les travaux de David A. Ward et Gene G. Kassebaum, Women’s Prison. Sex and Social Structure, Londres, Weidenfeld and Nicolson, 1965 ; Rose Giallombardo, Society of Women : A Study of a Women’s Prison, New York, John Wiley and Sons, 1966 ; Esther Heffernan, Making it in Prison. The Square, the Cool, and the Life, New York, John Wiley and Sons, 1972 ; Vergi Williams et Mary Fish, Convicts, Codes and Contraband. The Prison Life of Men and Women, Cambridge, Ballinger, 1974 ; Marie-Andrée Bertrand, La femme et le crime, Québec, Éd. de l’Univers, 1979 ; Pat Carlen, Women’s Imprisonment : A Study in Social Control, Londres, Routledge and Kegan Paul, 1983 ; Francis Heidensohn, Women and Crime, New York, New York University Press, 1985 ; Russell P. Dobash, Emerson R. Dobash et Sue Gutteridge, The Imprisonment of Women, Oxford, Basil Blackwell, 1986 ; Ellen Adelberg et Claudia Currie, Too Few to Count. Canadien Women in Conflict with the Law, Vancouver, Press Gang Publishers, 1987.
4 Corinne Rostaing, La relation carcérale, op. cit.
5 Voir les thèses de Claudie Lesselier sur la prison de Rennes et de Dominique Budin sur la Petite-Roquette : Claudie Lesselier, Les femmes et la prison (1818-1939), sous la direction de Michelle Perrot, université Paris 7,1982 ; Dominique Budin, La Petite-Roquette au temps des « Trente Glorieuses », de Saint-Lazare à Fleury-Méroy is. Délinquance féminine et traitement pénitentiaire en France de 1945 aux années 1970, sous la direction de Jacques-Guy Petit, université d’Angers, 1999.
6 Thèses de Coline Cardi, La déviance des femmes. Délinquantes et mauvaises mères entre prison, justice et travail social, sous la direction de Numa Murard, université Paris 7, 2008, et de Myriam Joel-Lauf, La sexualité en prisons de femmes, sous la direction de Philippe Combessie, université Paris Ouest-Nanterre-La Défense, 2012.
7 Le premier volet de l’enquête, financé par la Direction de l’administration pénitentiaire et l’INSEE, visait à comparer la vie familiale des hommes placés en prison et celle de ceux en ménage ordinaire. Elle portait à la fois sur le parcours familial, scolaire, professionnel, conjugal et parental : INSEE, L’histoire familiale des hommes détenus (Synthèses, 59), 2002.
8 En référence au titre de l’ouvrage Too Few to Count de Ellen Adelberg et Claudia Currie, op. rit.
9 En anglais : gendered organization. On pourrait aussi parler à la manière de Coline Cardi d’un « régime institutionnel de genre », Coline Cardi, La déviance des femmes..., op. cit.
10 Joan Acker, « Hierarchies, Jobs, Bodies : A Theory of Gendered Organizations », Gender and Society, 4/2,1990, p. 139-158 ; Id., « From Sex Roles to Gendered Institutions », Contemporary Sociology, 21/5, 1992, p. 565-569 ; Dana M. Britton, « The Epistemology of the Gendered Organization », Gender & Society, 14, 2000, p. 418-434 ; Id., At Work in the Iron Cage : The Prison as Gendered Organization, New York, New York University Press, 2003.
11 Dans un précédent article, la question de la non-mixité était étudiée du point de vue de la spécificité des femmes en prison. Voir Corinne Rostaing, « La non-mixité de l’institution carcérale. À propos des prisons de femmes », Mana, 1992, p. 105-125.
12 Ce filtrage genre est confirmé historiquement, voir Christine Bard, Frédéric Chauvaud, Michelle Perrot et Jacques-Guy Petit (dir.), Femmes et justice pénale, xixe-xxe siècles, Rennes, PUR, 2002.
13 Voir La criminalité’en France, rapport de l’ONDRP (Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales), 2013. France-Line Mary-Portas a étudié la situation française en 1995 : les femmes représentaient 14 % des personnes mises en cause par la police, mais il n’en restait que 10 % parmi les condamnés, et seulement 4 % parmi les personnes incarcérées. France-Line Mary-Portas, Femmes, délinquances et contrôle pénal. Analyse sociodémographique des statistiques administratives françaises, Guyancourt, CESDIP (Études et données pénales, 75), 1996.
14 Robert Cario, Les femmes résistent au crime, Paris, L’Harmattan, 1999.
15 Hypothèse proposée par Freda Adler, Sisters in Crime. The Rise of the New Female Criminal, New York, McGraw Hill, 1975. Lire aussi l’article de Colette Parent, « La contribution féministe à l’étude de la déviance en criminologie », Criminologie, 25/2,1992, p. 73-91.
16 Aux États-Unis, les femmes représentent plus de 6,5 % de la population détenue, au Canada 9 % des prisons provinciales et 6 % des prisons fédérales.
17 Dans les pays européens, les femmes incarcérées représentent en moyenne entre 2 et 5 %, sauf en Espagne ou au Portugal où ces taux dépassent les 9 % et 10 %, du fait du passage de la drogue sur leur territoire (Frieder Dunkel et Sonja Snacken, Les prisons en Europe, Paris, L’Harmattan, 2005, p. 59).
18 Dans l’Encyclopédie ou dictionnaire raisonnédes sciences, des arts et des métiers (Genève, Pellet imprimeurs, 1778), Diderot et d’Alembert évoquent à la page 447 les « privilèges accordés par le roi Jean, à la ville d’Aigues-Mortes en 1350, qui portent que les femmes prisonnières seront séparées des hommes et qu’elles seront gardées par des femmes sûres ».
19 Claude Langlois, « L’introduction des congrégations féminines dans le système pénitentiaire français (1839-1880) », dans Jacques-Guy Petit (dir. J, La prison, le bagne et l’histoire, Genève, Éd. Médecine et Hygiène, collection Déviance et société, 1984, p. 129-140, ici p. 129.
20 Mary Gibson, « Women’s Prisons in Italy : A Problem of Citizenship », Crime, histoire et sociétés / Crime, History & Societies [en ligne], 13/2, 2009, [mis en ligne le 1er janvier 2012, URL : http://chs.revues.org/1106;DOI:10.4000/chs.1106].
21 Jacques-Guy Petit, Histoire des galères, bagnes et prisons, xiiie-xxe siècle, Toulouse, Privat, 1991, p. 160.
22 Langlois, « L’introduction des congrégations féminines... », art. cité, p. 136.
23 Olivier Landron, La vie chrétienne dans les prisons de France au xxe siècle, Paris, Cerf, collection L’histoire à vif, 2011, p. 294
24 Ibid., p. 300.
25 Les condamnées à de longues peines inactives pratiquent dans cet atelier la couture, le tricot ou l’informatique en vue de restaurer leur autonomie, avant de reprendre parfois un travail à mi-temps.
26 Laurent Solini et Gérard Neyrand, « Survirilisation des pratiques sportives en établissement pénitentiaire pour mineurs. Une remise en cause du principe de mixité », Agora débats/jeunesses, 59, 2011, p. 107-119, ici p. 116.
27 Article 28 de la loi pénitentiaire 2009-1436 du 24 novembre 2009 : « Sous réserve du maintien du bon ordre et de la sécurité des établissements et à titre dérogatoire, des activités peuvent être organisées de façon mixte. »
28 « Les hommes et les femmes sont incarcérés dans des établissements distincts ou dans des quartiers distincts d’un même établissement », dans décret n° 2013-368 du 30 avril 2013 relatif aux règlements intérieurs types des établissements pénitentiaires, titre 1er, « Dispositions communes à tous les établissements pénitentiaires », chapitre 1er, « L’arrivée », article 1er.
29 Les aumôniers disposaient de la clé permettant l’ouverture de toutes les cellules dans six établissements étudiés sur huit, deux établissements plus sécuritaires ne l’autorisant pas.
30 Céline Béraud, Claire de Galembert et Corinne Rostaing, De la religion en prison, op. cit.
31 La détotalisation désigne le processus d’ouverture de l’institution totale (total institution) définie par E. Goffman, voir Erving Goffman, Asiles. Étude sur la condition sociale des malades mentaux, Paris, Minuit, 1968, p. 41. Il s’agit d’une ouverture relative avec l’entrée de professionnels tiers (enseignants, personnel médical, assistantes sociales), ce qui a favorisé la mixité des personnels ainsi que le rapprochement avec la vie civile. Voir Corinne Rostaing, « Interroger les changements de la prison. Processus de déprise et reprise institutionnelle », Tracés, 2009, p. 89-108.
32 Guillaume Malochet, « Dans l’ombre des hommes. La féminisation du personnel de surveillance des prisons pour hommes », Sociétés contemporaines, 59-60, 2005, p. 199-220, ici p. 200.
33 Ibid., p. 213.
34 Voir la recommandation 1469 du Conseil de l’Europe en 2000.
35 Cet âge varie considérablement selon les pays : trois ans en Russie, six en Espagne.
36 « L’incarcération leur apprend leur métier de mère, ce qui constitue une première étape d’insertion dans la société », dans Jean-Jacques Hyest et Guy Pierre Cabanel, Prisons : une humiliation pour la République, Paris, Sénat, tomes I et II, 2000 (Les Rapports du Sénat, 449), p. 33.
37 On retrouve ce constat pour les prisons féminines portugaises. Voir Manuela I. Cunha, « “Sociabilité”, “société”, “culture” carcérales, la prison féminine de Tires (Portugal) », Terrain, 24,1995, p. 119-132.
38 Chiffres de l’administration pénitentiaire, statistiques trimestrielles de la population pénale – milieu fermé (mars 2014).
39 Il s’agit des trois centres de détention (Bapaume, Joux-la-Ville, Roanne) et des trois quartiers centres de détention (Rennes, Sud-Francilien, Poitiers-Vivonne), auxquels s’ajoutent six quartiers centres de détention en outre-mer.
40 Caroline Touraut, La famille à l’épreuve de la prison, Paris, PUF, 2012.
41 Le care désigne, selon la définition qu’en donne la sociologue Arlie Russel Hochschild (université de Berkeley), une relation d’aide, familiale ou professionnelle ; il désigne tout à la fois l’activité de soin à une personne qui en dépend et le souci de la réception de ce soin.
42 Dans la situation d’un établissement composé d’un grand quartier d’hommes et d’un petit quartier de femmes, il est fréquent que les places à l’atelier soient réservées aux hommes.
43 Si les hommes détenus s’inscrivent dans des relations binaires avec le travail (travail/occupation-normalisation), les femmes entretiennent des relations ternaires : travail/occupation-argent-normalisation/famille (voir Fabrice Guilbaud, Les femmes détenues au travail, rapport pour la mission de recherche Droit et Justice, 2011, p. 105).
44 Au centre de détention de Bapaume où sont incarcérés cent femmes et cinq cents hommes, une seule formation est proposée aux femmes, à savoir une « entreprise pédagogique virtuelle » (les stagiaires occupent des postes fictifs au sein d’une entreprise virtuelle afin d’apprendre, à partir de l’outil numérique, à se comporter dans des situations professionnelles), tandis que quatre formations sont prévues pour les hommes : peinture, télé-conseil, cuisine et bureautique.
45 Le centre de détention de Rennes propose ainsi trois formations : agent de restauration, agent de propreté et bureautique.
46 Claudie Lesselier, Les femmes et la prison, op. cit.
47 Russell P. Dobash, Emerson R. Dobash et Sue Gutteridge, The Imprisonment of Women, op. cit.
48 Corinne Rostaing, La relation carcérale, op. cit. p. 217.
49 Claude Faugeron et Nicole Rivero, « Travail, famille et contrition : femmes libérées sous conditions », Déviance et société, 3, 4,1979, p. 111-130, ici p. 121.
50 Dominique Moran, Judith Pallot et Laura Piacentini, « Lipstick, Lace, and Longing : Constructions of Feminity inside a Russian Prison », Society and Space, 27, 2009, p. 700-720, ici p. 715.
51 Myriam Joel-Lauf, La sexualité en prisons de femmes, op. cit.
52 Cette plus forte consommation féminine est également constatée par l’enquête de Madeleine Monceau, Marcel Jaeger, Bruno Gravier et Patrick Chevry, « La consommation des tranquillisants et des hypnotiques en prison », dans Claude Faugeron, Antoinette Chauvenet et Philippe Combessie (dir.), Approches de la prison, op. cit, p. 155-176, ici p. 160. Si la dose unitaire équivalente est, pour 109 établissements, de 750 par jour pour 1000 détenus, elle se situait entre 583 (Clairvaux, centrale hommes) et 18 647 (Lyon, maison d’arrêt femmes).
53 Corinne Rostaing, La relation carce’rale, op. cit.
54 Dominique Moran, Judith Pallot et Laura Piacentini, « Lipstick, Lace, and Longing », art. cité, p. 710.
55 Antoinette Chauvenet, Corinne Rostaing et Françoise Orlic, La violence carcérale, op. cit., p. 91.
56 Erving Goffman, Asiles, op. cit.
57 Corinne Rostaing, La relation carcérale, op. cit., chapitre 7.
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Enfermements. Volume III
Ce livre est cité par
- (2023) Hommes et femmes du Moyen Âge. DOI: 10.3917/arco.lett.2023.01.0321
Ce chapitre est cité par
- Abdallah, Stéphanie Latte. (2022) The Sciences Po Series in International Relations and Political Economy A History of Confinement in Palestine: The Prison Web. DOI: 10.1007/978-3-031-08709-7_4
Enfermements. Volume III
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