Chapitre 11. La vie intime des femmes mariées
p. 735-802
Texte intégral
1La vie conjugale peut sembler dominée, surtout dans les milieux populaires, par les problèmes matériels : métier et tâches domestiques, éducation des enfants et gestion du budget. Le repas tardif, la chemise mal repassée, l’argent dilapidé nourrissent les aigreurs conjugales. La mésentente comme le bonheur repose largement aux dires des conjoints sur ce quotidien transparent. Mais bien des rancœurs sourdes tiennent à la face cachée de la vie familiale et si certains ménages s’invectivent sans se séparer, l’affection et les liens nés d’un commerce sexuel épanoui y sont souvent pour beaucoup. Dès lors que les femmes souhaitent épouser un homme amoureux et séduisant, l’érotisme ou, à tout le moins, la satisfaction sexuelle deviennent exigence. Il est donc nécessaire pour l’historien de violer l’intimité du couple. Or, les obstacles que rencontre ce projet, sont considérables. En effet, « qu’ils demeurent interdits ou qu’ils jugent trop peu croustillant ce qui s’y déroule, les contemporains parlent peu du lit conjugal. La démographie historique calcule les rythmes de la fécondité, ce qui ne renseigne guère sur les pratiques hédoniques. Restent les diatribes du clergé, alors fort imprécises et le discours normatif des médecins plus bavards », écrit, à juste titre, Alain Corbin1. Les exposés normatifs sont bornés aux cercles bourgeois. La confession, secrète par essence, nous échappe. Les couples épanouis surtout n’ont pas d’histoire ou peignent leur félicité en termes abstraits. L’information concrète la plus commune se dérobe d’autant que la honte devant le sexe mure les protagonistes dans le silence.
2Les contemporains, toutefois et heureusement pour nous, parlent dans certaines circonstances de la sexualité. Surpris par un enfant innocent ou une commère avertie, le coït prend dans certains récits la saveur des « choses vues ». Les conjoints déçus, poussés à l’aveu par une amertume vindicative, nous livrent à l’occasion des descriptions exhaustives de leurs « relations intimes ». Mais, hélas, la curiosité des contemporains, simples témoins ou observateurs patentés, s’exerce principalement sur les relations extraconjugales, voire la sexualité criminelle2. Je me suis donc trouvé confrontée au dilemme suivant : m’abstenir faute de sources adéquates, ou utiliser les documents dont je disposais, imparfaits certes mais les seuls disponibles sur le sujet. J’ai considéré, après mûre réflexion, qu’une étude sur les rôles féminins ne pouvait faire l’impasse sur la vie intime des femmes mariées. Aussi, ai-je pris un parti que je sais audacieux et éminément critiquable mais que je souhaite néanmoins défendre. Qu’on me comprenne bien. Ce chapitre, ou du moins les pages consacrées aux gestes de l’amour, relève de l’essai, de l’hypothèse plus que de l’histoire classique. Il renvoie à la traque du détective, au puzzle du paléontologue plus qu’à la sage interprétation de faits dûment établis. J’ai tenté de reconstituer les tabous physiques en me servant le plus souvent – mais non toujours – de l’anormalité sexuelle. Je sais qu’il peut sembler choquant de prendre comme modèle du mari attentif un père incestueux ou d’inférer de la réaction indignée d’un témoin son comportement dans la chambre nuptiale. Mais, compte tenu des contraintes archivistiques, c’était la seule voie possible. Fallait-il déclarer forfait ? Se taire au motif que le passé nous est livré de façon lacunaire et biaisée ? J’ai répondu finalement pas la négative. Je reconnais, cependant, les limites d’une méthode déductive d’équilibriste que d’autres, plus sages peut-être, auraient récusée.
3La vie intime des femmes mariées ne saurait se limiter, cependant et cela va de soi, à la seule sexualité. Le tête à tête caché aux importuns, les mots de l’amour toujours répétés font aussi les ménages heureux.
Intimité et amour conjugal
Le couple entre intimité et complicité ouverte
« Ils paraissaient s’aimer beaucoup, je les ai vus souvent s’embrasser dans la cour » 3
4Ces employés parisiens ont choisi de montrer leur affection et de sous-entendre leur entente sexuelle par des gestes publics. Cette attitude ostentatoire est, toutefois, loin d’être générale au début de la IIIe République.
5Les folkloristes signalent ainsi la résistance du vouvoiement entre époux. En Berry, le mari va plus loin encore, « il tutoie sa fumelle mais celle-ci ne le tutoie pas. Lorsqu’il en parle, il dit ielle (elle), ma fumelle, la fumelle de cheux nous »4. L’absence du prénom qui signe l’individu, le vouvoiement, voire l’inégalité entre époux révélée par l’association du tu et du vous, attestent la volonté de distanciation entre conjoints et le refus de révéler au public la nature des liens conjugaux. Dans les archives, la relation à la troisième personne, dominante, masque tutoiement et vouvoiement, sauf en cas de citation intégrale de dialogues ou de correspondances. Lorsque les conjoints s’écrivent, ils se tutoient comme les amoureux qu’ils étaient. Dans la vie de tous les jours, l’écrasante majorité des époux d’origine modeste adopte le tutoiement et l’usage du prénom. Huit dossiers seulement font état d’un vouvoiement volontaire. Dans trois cas, celui-ci est dicté par le souci de distinction. Une riche négociante mancelle va jusqu’à interdire à son gendre, un simple employé de commerce, de tutoyer sa fille « parce que cela ne se faisait pas dans le grand monde »5. Pour le reste, le vouvoiement révèle toujours un grave dysfonctionnement du couple et se veut blessant, surtout dans les lettres6. La femme d’un commerçant parisien qui lui annonce son départ, commence sa missive par un cérémonieux « Monsieur S. » et emploie le vous7. Le refus de tutoyer le conjoint est toujours interprété comme une injure grave. L’épouse d’un capitaine de Mourmelon s’en plaint amèrement : « il ne m’appelle jamais par mon dit, il me dit vous depuis huit ans environ, il ne m’a jamais demandé de satisfaire sa passion »8. Et un cultivateur de Saint-Gervasy (Gard) y voit un mobile de divorce, « dès le début, la femme de l’exposant fit preuve à son égard de la plus grande froideur, ne voulant pas le tutoyer »9. Le tutoiement marque donc aux yeux de tous, et avec discrétion, l’affection et la bonne entente.
6Les gestes de tendresse entre conjoints existent également mais sont rarement mentionnés à la différence des caresses entre partenaires illégitimes10. Donner le bras atteste délicatement le lien conjugal. Embrasser sa femme en public est plus exceptionnel. « Il calinait sa femme et il l’a embrassée en ma présence », note la belle-mère d’un sabotier de Bavay (Nord)11 Les contemporains acceptent dans la première année du mariage un certain exhibitionnisme qui les rassure sur l’équilibre sexuel du jeune ménage. Pour qualifier les agaceries que se font une couseuse de bas et un jeune homme, une chaussonnière de Troyes fait allusion à cette licence : « les embrassades et les jeux recommençaient, absolument comme de jeunes mariés »12. Ces manifestations, néanmoins, sont limitées dans le temps et les campagnes au xixe siècle restent encore réticentes. Une paysanne de Lempdes (Puy-de-Dôme) s’ébahit de ces audaces : « j’aperçus mon beau-frère qui embrassait sa femme. Je dis à mon mari : est-il ridicule d’embrasser sa femme en chemin » 13. Les privautés plus osées sont prohibées, l’opinion exigeant le respect de l’innocence enfantine. Un coutelier de Thiers, voyant un homme passer les mains sous les jupes d’une femme, se tait mais n’en pense pas moins : « pour moi, leur conduite me choquait mais je les croyais mariés » 14. La volonté d’affirmer aux yeux de tous l’union conjugale par quelques signes sans ostentation mais sans équivoque s’accompagne paradoxalement d’une défense toujours plus sourcilleuse de sa vie privée.
« Ne vous mêlez pas des affaires de mon ménage, cela ne vous regarde pas »15
7Lorsqu’un paysan de Lavastrie (Cantal) s’interpose entre son voisin et sa femme, ajoutant : « tu fais le déshonneur du village et de la commune », le mari brutal le rabroue sèchement en utilisant les formules consacrées pour défendre son pré carré familial. Cette réaction s’oppose à l’affirmation, fréquente sous la plume des historiens et ethnologues du monde rural, selon laquelle « il n’y a pas de vie privée »16.
8De fait, l’étroitesse des communautés villageoises rend difficile le secret absolu. L’entourage surveille les écarts à la morale familiale. Le voisin se doit de dénoncer l’adultère sauf à faillir à ses devoirs17. Lors de l’asouade, il est vrai quasi moribonde en 1870, il revient au premier voisin de conduire l’âne18. En revanche, le soin avec lequel est caché le lit défait, la fenêtre soigneusement fermée à Minot pour éviter les regards étrangers attestent le désir d’intimité19. Certes, il s’agit dans les campagnes d’un mouvement de longue durée, achevé par exemple dans les Baronnies seulement en 1970 avec le rejet du « proche trop prompt à noter et à colporter les écarts aux normes et aux règles villageoises » 20. Mais il s’amorce dès le début de la IIIe République. Contrairement à la vulgate, la paysannerie ne se tient pas à l’écart du nouvel idéal d’intimité étudié jusque là seulement pour une bourgeoisie qui préfère les « chuchotements » aux « cris » et impose le secret des familles dans les cités ouvrières21. Aisance et orgueil aidant, la multiplication des chambres en étages a matérialisé cette aspiration22. Les pétitions de principe favorables au respect de la vie privée, pour exceptionnelles qu’elles soient dans les archives, sont même plus fréquentes au village où l’indiscrétion d’autrui est plus pesante23. Une paysanne d’Ancinnes (Sarthe) qui prétend ignorer la grossesse de sa voisine, coupe court aux ragots du voisinage en déclarant : « cela ne me regarde pas. Je ne vais pas questionner les gens chez eux. Chacun s’arrange comme il veut » 24. Leur voisin a bien entendu un journalier de Chanteuges (Haute-Loire) et sa femme se disputer mais « pour des motifs que je n’ai pas le droit d’apprécier », dit-il prudent25. Un couple de propriétaires d’Helléan (Morbihan) n’ignore rien des violences auxquelles se livre leur voisin, tout en se refusant à intervenir : « tout cela n’est pas notre affaire, laissons les s’arranger » 26. Refus de s’immiscer dans la vie d’autrui et dissimulation des aléas de la vie privée vont de pair. « Qu’il m’ait battue ou qu’il ne m’ait pas battue, ça ne regarde personne », s’écrie une paysanne d’Artins (Loir-et-Cher) qui souhaite cacher la brutalité de son mari27. Et alors que l’ingérence normalisatrice croît pour contrôler les éducateurs, elle décline pour le couple. Longtemps appelé pour apaiser les passions familiales, le maire devient un importun après la Guerre. L’édile de Marminiac (Lot) est ainsi pris à parti par un jeune cultivateur qui « m’a dit qu’à l’avenir, je ne m’occupe plus des affaires de sa famille, que cela ne me regardait pas »28.
9En ville, les réactions sont identiques sans être plus précoces. La vie de quartier suscite aussi les commérages d’autant qu’au xixe siècle encore, le verbe est haut et la plainte bruyante. Discrétion et refus de juger ses congénères y transparaissent néanmoins dans les discours. Un ouvrier en jouets parisien s’interdit au nom de ce principe de condamner ses parents qui concubinent chacun de leur côté : « d’ailleurs, les affaires de mes parents ne me regardent pas »29. Un chauffeur parisien n’ose protéger une gérante de lavoir maltraitée par son compagnon : « je les croyais mari et femme et je ne voulais pas me mêler de leurs affaires » 30. Un employé parisien sait bien que sa voisine trompe son mari mais quand il voit des étrangers sonner à sa porte, « je fermai ma fenêtre afin de ne pas être soupçonné d’indiscrétion », précise-t-il31. « J’ai d’ailleurs assez à m’occuper de mon propre ménage sans m’immiscer dans celui des autres », soutient un facteur de la Flèche32. Un concierge parisien, condamné à 100 francs d’amende pour avoir dénoncé à son mari l’inconduite supposée d’une vendeuse, est du reste conscient de rompre le consensus et prétend défendre le respect de la vie privée pour mieux le violer : « je ne vous aurais rien dit car vous savez que les affaires de cul il faut pas y mettre son nez mais lorsque je vois votre remplaçant a l’air de se fiche de moi, il m’est difficile de me taire » 33. Rappelons, enfin, que dans l’entre-deux-guerres, les employeurs se gardent de formuler la moindre observation sur la moralité de leurs domestiques d’autant que celles-ci se rebiffent. Le juge de paix de Bulgnéville (Vosges) qui a employé une tricoteuse à Bellac (Haute-Vienne) reste imperméable aux bavardages colportés sur le vagabondage sexuel de sa bonne : « les renseignements dont je me suis entouré ont été épouvantables et m’ont semblé tellement exagérés que les tenant pour des commérages je n’ai pas voulu en tenir compte. (...) J’ignore sa vie privée, considérant que les femmes de ménage sont entièrement libres hors de chez moi »34. La voisine d’une journalière du Luc (Var) s’indigne même que la règle inverse ne soit pas appliquée : « elle n’avait même pas le respect de ses voisins ; elle avait des rapports avec les individus qu’elle recevait toutes fenêtres ouvertes » 35. L’intimité n’implique pas, pour autant, repli frileux sur le couple. Les protagonistes hostiles à la censure publique ne sont pas avares d’aveux, mais aux confidents élus36. Intimité et amitiés choisies se conjuguent bien.
10La mutation étant partiellement inachevée sous la IIIe République, l’époque reste, malgré les progrès accomplis, encore faste aux « fouinards », comme se désigne le rédacteur anonyme d’affiches injurieuses, apposées à Nolay en 190137. La fenêtre « entr’ouverte, sans rideaux » est une tentation trop forte pour une journalière d’Hucqueliers (Pas-de-Calais), appelée pour voir un couple « en train d’assouvir sa passion » 38. Voulant surprendre sa voisine en flagrant délit d’adultère, un lunetier de Saint-Mihiel (Meuse) cède également à la curiosité et est « allé immédiatement pour savoir ce qu’ils faisaient dans la chambre du fond » 39. Une ouvrière strasbourgeoise, entendant « un grincement caractéristique du sommier, (...) essaya de se rendre compte de ce qui se passait en regardant par la serrure »40. La liberté de chacun et le respect absolu de l’individu l’emportent, cependant, et font triompher la notion de privacy qui permet à l’amour conjugal de s’épanouir.
La tyrannie douce de l’amour ?
11L’amour s’approfondit avec les joies et les peines partagées. Bien que les dossiers dont nous disposons, 128 seulement, soient moins nombreux pour les conjoints que pour les couples en gestation, leur lecture confirme en tous points les prémices amoureux de la fréquentation41. A l’instar des fiancés, ce sont les époux dépourvus de patrimoine qui expriment les sentiments les plus vifs. Comblés ou déçus, ce sont les citadins et tout particulièrement les Parisiens qui sont les plus diserts alors qu’il faut de graves déconvenues pour que les paysans dévoilent leurs émotions42.
12L’amour non partagé ou contrarié se dit plus facilement que l’amour béat, le grand oublié d’archives qui grossissent la rupture et ignorent le bonheur paisible. 27 dossiers seulement attestent l’émergence du couple fusionnel. « J’ai joui avec elle (...) du bonheur le plus parfait », déclare, après douze ans d’union, un médecin parisien, « Mme D. donna à son mari deux enfants qui semblèrent encore accroître leur affection réciproque », notent les magistrats43. Même époque mais tout autre milieu, ce paysan varois évoque une félicité identique : « je l’aimais, elle me témoignait beaucoup d’affection »44. Un journalier de Fouronnes (Yonne) qui traque le moindre signe de froideur et croit déceler chez sa femme « de la répulsion », est vite rassuré : « elle m’a dit qu’au contraire, elle avait toujours le même amour pour moi qu’avant mon départ pour l’armée »45. Dans ces ménages, l’autorité est récusée au bénéfice de la douceur, des attentions qu’ont l’un pour l’autre les conjoints.
13Les maris aimants sont souvent définis, en effet, par leur mansuétude. Ils sont « bons », « excellents » même46. Les femmes sont très sensibles à ces qualités. Une boulangère de Draguignan se plaint que son mari passe ses soirées hors du logis mais, reconnaît-elle, il « avait même des égards pour moi »47. « J’étais bien bon, trop bon pour elle, je l’aimais de trop », écrit un policier parisien qui lie douceur domestique et affection48. « Il avait toujours été si bon pour moi auparavant », se désole une institutrice de Rémuzat (Drôme) dont le mari vient d’être inculpé pour attentat à la pudeur49. Une liquoriste marseillaise avoue de la même façon fermer les yeux sur les infidélité de son époux « parce que mon mari a toujours été très bon et très gentil pour moi », explique-t-elle50. « Je n’ai jamais eu à me plaindre de mon mari qui a toujours été très bon pour mes enfants et pour moi », confirme la seconde épouse d’un gazier d’Alençon, bigame par amour51. Cette douceur qui exclut, bien sûr, ton de commandement et mauvais traitements, s’accompagne de menues attentions, voire de gâteries. Un cultivateur de Mirabel (Drôme) achète à sa femme un si beau châle que le marchand s’écrie : « vous voyez combien votre mari a de l’affection pour vous »52. Un concierge strasbourgeois suscite l’admiration de ses concitoyens, il « aimait sa femme, était prévenant envers elle et cherchait à lui faire plaisir à toutes les occasions qui se présentaient » 53. Dans ces couples, les épouses sont aux petits soins pour leur conjoint cependant que maris et femmes se prêtent assistance en cas de maladie comme ces paysans de Salernes (Var) : « j’ai toujours vécu en bonne intelligence avec ma femme. Elle avait soin de moi quand j’étais malade et réciproquement »54.
14C’est l’amour qui dicte ces conduites apaisées sans qu’il conduise, pour autant, les maris à traiter leur épouse en femme-enfant, phénomène qui semble limité aux oisives de la bonne bourgeoisie55. Les femmes rêvent de rencontrer un mari attentionné et à l’écoute de leurs sentiments. Dans ce cas, loin de songer à s’amuser de leur côté, elles ne conçoivent de distractions que familiales et refusent que leur mari sorte sans elles. L’épouse du médecin parisien, de vingt-sept ans sa cadette, aurait voulu tout partager : « j’aurais eu besoin que mon mari s’occupât de moi beaucoup plus qu’il ne le faisait. Quoique marié, il n’en continua pas moins ses habitudes de garçon et il me laissait tous les jours passer toute seule mes soirées à la maison ; il ne sortait presque jamais avec moi » 56. Une employée parisienne, un demi siècle plus tard, laisse percer son désir de communion totale, « j’ai vécu très heureuse pendant dix-sept ans » mais, regrette-t-elle, « je ne suis pas parvenue à le connaître en son for intérieur ; il aimait beaucoup sa liberté » 57. Ces femmes veulent mettre en commun joies et peines, sorties et pensées. L’idéal de Philémon et Baucis se rencontre donc dès le début de la IIIe République, sans considération de milieu et de lieu bien que Paris et les ouvriers tiennent le devant de la scène58. Tant de perfection, d’ailleurs, engendre le doute. Leur égalitarisme n’est peut-être que trompe-l’œil. L’esclavage de l’amour se substituerait-il à la tyrannie domestique ? Sous la rhétorique sentimentale, percerait le gagnant, celui qui sait exploiter l’amour qu’on lui porte. Servir le mari deviendrait une preuve d’affection et non plus un devoir. Rester à la maison serait naturel puisque sans l’être aimé, le monde est dépeuplé. Soyons néanmoins honnêtes, rien dans les textes ne permet d’affirmer qu’il en est ainsi mais sans doute parce que la tyrannie douce est de loin préférable à la lourde tutelle du seigneur et maître. Dans 80 % des cas, cependant, ne nous parviennent que les échos d’un monologue amoureux59.
Monologues amoureux et affres de l’amour non partagé
15Les maris, par éducation peut-être, sont plus portés à évoquer leur amour. Pour l’épouse chérie, ils sont prêts à tous les sacrifices et s’aveuglent sur ses défauts. « J’aimais ma femme et ne pensais qu’à elle », déclare un terrassier de Dunkerque qui refuse longtemps de se rendre à l’évidence, à savoir que la femme « n’aimait pas son mari » 60. « Je ne me croyais sur la terre que pour elle. (....) J’avais pour elle un profond amour. (...) Je ne savais rien refuser à ma femme tant je l’aimais », soupire un comptable de Perpignan61. « J’ai tout sacrifié à ma femme, j’étais joueur, je fréquentais les cafés, je m’arsouillais quand j’étais garçon, depuis que j’étais marié, j’avais complètement changé de conduite. (...) J’aimais et j’estimais ma femme à cause de son honnêteté », expose un tanneur de Moulins-la-Marche (Orne) dont les ardeurs se refoidissent d’ailleurs rapidement62. Ces hommes passent sur les frasques de leur épouse comme cet imprimeur de Brignoles (Var) : « ma femme m’avait trompé et je me disais que je ne devais plus l’aimer, cependant je l’aimais encore » 63. Nous retrouvons les menaces de suicide déjà étudiées pour l’amant délaissé, suivies de la mort de l’infidèle. « Tu as trahi mon amour, moi qui t’ai tant aimée (...). Mourrons ensemble », s’écrie un camionneur nîmois qui a lassé sa femme par ses scènes continuelles et qui retourne l’arme contre elle64. Un domestique de Neuvy (Indre) écrit à son épouse, une mécanicienne, des lettres d’amant blessé : « si je cherche a te faire dumal ses par ce que Je taime trop je meur de chagrin devoir que d’autre te possède et moi que je peu pas même tenbrassé (....) reprend la vie anvec moi (...). Je tenbrasse sur la photographique que tu mavais donné (...) a chaque fois je pleure (...) Je suis résolus à finir anvec lexistance »65. Un journalier de Cormeilles (Eure) se donne la mort lorsqu’il apprend la demande de séparation formulée par sa femme : « au moment où tu liras cette lettre je ne serai plus de ce monde tu dois comprendre que je n’ai plus rien à faire, je ne peux vivre sans toi et sans mes chers gosses. (...) Adieu, adieu Angèle que j’ai toujours adoré » 66.
16Les femmes se comportent exactement de la même manière. Une employée de commerce parisienne, mariée depuis deux ans à peine, écrit à son mari sous les drapeaux des lettres de fiancée impatiente mais assurée dans ses affections : « je suis bien malheureuse d’être séparée de mon pauvre Mari (...). C’est si bon d’être à coté de son chéri, aussi ton portrait ne me quitte jamais. Je le garde pour me coucher et avant de m’endormir, je l’embrasse »67. Remariée à un bigame, une journalière du Mans est déchirée entre amour et vertu : « s’il décide de rester près de moi je lui suis tellement attachée que je serais encore heureuse de reprendre la vie commune. Je ne sais pas, cependant, si son premier mariage n’était pas dissous si je me résignerais à vivre avec lui désormais maritalement. Je n’ai pas encore pris de parti à ce sujet. Seuls mes sentiments religieux pourraient me le dicter mais le sacrifice serait bien dur »68. Une mécanicienne d’Argenteuil se désespère après le départ d’un époux volage : « elle en était très peinée. Elle disait qu’elle se détruirait, qu’elle ne pouvait pas vivre sans lui », avant de tuer l’inconstant plutôt que de se supprimer69. L’épouse d’un emballeur strasbourgois va jusqu’à pardonner un viol incestueux et écrit à son mari incarcéré une lettre brûlante : « repents toi de ce que tu as fait et pour notre amour et pour notre chère Jeanne (...).. Que de chagrin ne m’as-tu causé, toi, l’homme pour lequel aujourd’hui encore je sacrifierai tout. (...) Oh ! comme je souffre (...) dans mon cœur, je ne serai jamais séparée de toi »70.
17Mais l’habitude use aussi la passion. L’amour s’éteint. Le dégoût peut alors s’installer. La série U nous peint avec prédilection ces maris et ces femmes à qui la haine dicte des pulsions homicides, surtout avant le rétablissement du divorce, exutoire civilisé des vindictes conjugales71. Plus banalement, le désamour s’avoue principalement et sous-tend de nombreux abandons et séparations légales, comme nous le verrons plus loin72. Dès lors que l’amour fonde la demande en mariage, l’absence d’affection ruine le couple et engendre la mésentente sexuelle.
Poids des tabous et érotisme légal
18La sexualité conjugale est à la croisée des chemins. Elle subit le contre-coup de l’érotisation montante de la société. Mais elle est en deçà des audaces des amours illégitimes. La conviction qu’une sexualité trop ardente ou inventive est incompatible avec le respect dû à l’épouse est défendue par l’Eglise comme par les médecins et partagée par certains contemporains. Un manouvrier de Sainte-Geneviève (Oise) qui associe plaisir féminin et infidélité, renonce à épouser une boutonnière, car, expose-t-il, « la nature ardente de mon ancienne maîtresse m’invitait à considérer comme certains les soupçons que mes amis faisaient naître en moi » 73. Une série de deux cartes postales 1900 l’illustre plaisamment qui oppose l’esquisse d’un baiser sur la bouche à la fiancée à la sage étreinte de l’époux74. Il y a tout lieu, cependant, de douter d’une telle dichotomie. On voit mal les couples renoncer aux gestes qu’ils se sont permis durant une liaison prénuptiale au motif que le maire a sanctionné leur union. Au contraire, les époux peuvent chercher à ranimer leur flamme par une sexualité plus inventive. Un maréchal-ferrant de Bailleul-sur-Thérain (Oise), veuf en secondes noces, fait de sa domestique sa maîtresse et envisage de l’épouser mais non sans l’avoir déniaisée, lui exposant que « quand nous serions mariés il me dresserait à sa façon et me rendrait plus subtile » 75. Si la libération des mœurs est incontestable sous la IIIe République elle n’entraîne pas la disparition de tous les tabous. Si certains perdent de leur acuité, d’autres restent universellement partagés. Les deux sexes sont en général sur la même longueur d’ondes même si l’homme prend plus souvent que la femme des initiatives osées. Il faut souligner, toutefois, que les interdits sont plus charnels que verbaux.
La parole libérée
19Les précautions prises pour cacher les ébats aux enfants, la censure verbale en leur présence, la néantisation du corps m’avaient donné à penser que les mêmes préceptes pesaient sur les adultes. Or, il n’en est rien. La liberté des propos s’est avérée, à la lecture des témoignages, beaucoup plus grande que je l’avais cru. De ce point de vue, La terre ou L’assommoir sont plus proches de la réalité que les doctes propos médicaux ou les métaphores romanesques. Dans plus de 80 % des cas, les énoncés sont sans équivoque, même si les registres utilisés sont divers et se succèdent, voire se superposent, durant toute la période. L’étude systématique des locutions permet une approche concrète et nuancée dans le temps de la conception des « rapports intimes » que partagent les contemporains.
20J’ai donc effectué un relevé des expressions employées, quel que soit l’âge, le sexe et l’état-civil des locuteurs. J’ai ainsi réuni un ensemble de 727 occurrences dont 598 pour les adultes76. J’ai choisi d’exclure du décompte le tout-venant linguistique que l’on retrouve, sans exception, dans tous les dossiers. En effet, ce vocabulaire est à la fois plat et décent, précis mais sans prétention anatomique, pauvre enfin. Les organes sexuels sont désignés par les vocables vagues de « membre » et « parties », ce terme étant indifféremment employé pour les hommes et les femmes. Tout au plus, les adjectifs « viril » pour le membre, « génitales » ou « sexuelles » pour les parties, précisent-ils le propos77. Partant, les contemporains entretiennent des « relations » ou « rapports », « intimes » d’abord puis « sexuels ». Ces locutions constituent le langage basique de tous les Français de 1870 à l’entre-deux-guerres78. Aussi les occurrences étudiées se limitent-elles aux expressions les plus imagées. Il est significatif, en effet, que le langage euphémique soit très marginal chez les adultes.
« Je fus obligée de le laisser faire de moi ce qu’il voulut »79
21Le non dit est le privilège de l’enfance et de l’adolescence. Sur les 292 occurrences relevées, 229 sont employées par des mineurs et 63 seulement par des adultes. Si on se limite aux locuteurs majeurs, le recours à l’euphémisme ne concerne que 10 % d’entre eux. Qui plus est, la moitié des cas incombe aux magistrats80. Certains vont même plus loin, désignant par une initiale les mots inconvenants, voire les injures à connotation sexuelle81. Les tournures juridiques imposent certes l’uniformisation et la décence des énoncés mais les juges partagent aussi les préjugés de leur milieu puisque la bourgeoisie concentre près des deux-tiers des euphémismes82. Lorsque la femme d’un professeur de l’université de Nancy aborde sa vie intime, elle évite un langage direct : « par pudeur, je renonce à dépeindre la large et horrible plaie qui recouvrait et entourait une certaine partie que je ne puis citer »83. En 1929 encore, une institutrice de Thiouville (Seine-Inférieure) soutient devant le juge ne s’être « jamais refusée au devoir que vous devinez » 84. Et un médecin breton pudique mais peut-être également pédant, utilise le latin pour décrire une posture amoureuse, « more canum »85.
Langage sexuel des adultes
Langage employé | Nombre d’occurrences | % |
Ancien | 78 | 13 |
Régional | 58 | 9,7 |
Euphémique | 63 | 10,5 |
Ancien et moderne | 60 | 10 |
Populaire | 117 | 19,7 |
Technique | 222 | 37,2 |
Total | 598 |
22La paysannerie partage, quoique à un moindre degré, la prédilection bourgeoise pour la décence verbale86. Celle-ci traduit dans ce cas et avant tout la gêne des adultes face à la sexualité. Ainsi, un maréchal-ferrant de Nolay (Nièvre) et son épouse refusent de décrire une affiche « contenant des expressions indécentes au point que nous nous refusons à les citer »87. « Le B. est venue me dire des choses qui n’était pas bonnes à dire », déclare une couturière de Gourin (Morbihan)88. En 1921, une domestique de Paroy-sur-Tholon (Yonne), âgée pourtant de trente-six ans, reste prisonnière du passé : « il a essayé de faire des choses qu’il ne fallait pas », dit-elle de son violeur89. Les fonctions naturelles et l’anatomie sont décrites de façon dépréciative. Une paysanne de Longeville (Doubs) parle des « parties honteuses » de son agresseur et une journalière de Givry (Marne) de « son infirmité » 90.
23De telles expressions sont rarissimes en ville. Sept ouvriers seulement se font adeptes du non dit. Cas d’espèce, une apprêteuse parisienne, qui rapporte une scène entre sa sœur et son beau-frère, fait montre d’une sensibilité inusitée dans sa propre famille : « les mots grossiers échangés étaient si affreux que je n’oserai les répéter »91. Une bobineuse de Troyes a vu un couple se caresser « à des endroits que je n’ose nommer », expose-t-elle, mais elle n’a que dix-sept ans92. En revanche, lorsqu’un ouvrier parisien, parlant de sa maîtresse, dit : « je fis d’elle ce que je voulus », il prend les mots au pied de la lettre pour évoquer son plein consentement93.
24Socialement circonscrit, le langage euphémique se meurt. Les trois-quarts des occurrences sont, en effet, antérieures à 1890. De même, l’assimilation entre sexualité et saleté s’effondre et disparaît même chez les adultes après 191494. Ceux-ci font principalement des variations autour de ce thème lorsqu’ils s’adressent aux enfants, nous l’avons vu. La référence à la saleté permet également d’exprimer son indignation devant une situation scandaleuse. « Il est impossible de concevoir un pareil putassier, il ne pensait qu’à la saloperie » s’exclame une domestique, en butte aux assiduités de son maître, cultivateur à Sauchay (Seine-Inférieure)95. Elle traduit aussi le mépris du sexe. La femme frigide d’un gardien de bureau parisien se refuse à lui en ces termes : « laisse moi tranquille avec tes saletés »96. Enfin, elle révèle le sentiment d’audace qu’éprouvent les protagonistes en transgressant les normes. « Nous faisons un peu des saletés ? », demande à son amant la fille d’un aubergiste varois qui propose un coït buccal97.
25Les locuteurs renoncent rapidement aux allusions. Il convient désormais de parler du sexe en des termes de plus en plus explicites. Les paysans s’alignent alors sur le modèle urbain cependant que les magistrats sautent de l’euphémisme au langage technique.
Parler du sexe
26Dans neuf cas sur dix, le sexe est dit mais le vocabulaire employé est varié. J’ai choisi d’étudier celui-ci, non pas selon une grille de lecture linguistique mais en suivant les interprétations données par les contemporains à des expressions qui remontent parfois au Moyen Age mais dont les connotations se transforment98. Le langage classique se perpétue au détriment de sa version métaphorique et romantique mais surtout, avec la IIIe République, nous entrons dans l’âge « moderne », avec ses deux variantes argotique et technique99.
Les codes anciens
27« A quelle époque avez-vous connu cette jeune fille pour la première fois ? », demande le juge à un sabotier nivernais, qui comprend le verbe mais répond de façon plus populaire et imagée : « je lui ai jamais touché avant le mois de juillet 1880 » 100. « Connaître » au sens biblique du terme est de moins en moins utilisé comme le verbe « habiter ». « Posséder » est plus répandu mais disparaît après 1890. Ce verbe est employé par les deux sexes sans que les femmes y décèlent la moindre nuance péjorative101. Ainsi, l’épouse d’un cultivateur-mousselinier de Saint-Just (Loire), recherchée par un contremaître du tissage, dit naturellement que « s’il n’a pas réussi à se mettre en possession de moi, c’est que j’ai persisté à résister » 102. Variante de « posséder », le verbe « jouir », ne se rencontre qu’épisodiquement103. « Ils se sont mis à jouir de la vie », rapporte un manœuvre de Broussey-en-Blois (Meuse) qui surprend sa femme et son amant en flagrant délit104. « Se servir » n’implique nullement une notion de sujétion et les femmes l’emploient aussi couramment que les hommes. « Vous avez, lui dis-je, votre femme dont vous pouvez vous servir à votre gré », raconte une paysanne de Sampzon (Ardèche), importunée par un voisin105. L’expression, cependant, se démode vite et à la même date, le juge de Cahors croit utile de « traduire » les propos d’une cultivatrice : « D. lui avait introduit son membre dans les parties (s’était servie d’elle) » 106.
28Dans ce vocabulaire ancien, l’anatomie se réduit à peu de chose. Le sexe féminin oscille entre la « nature » et la « matrice » par métonymie107. Ces termes imprécis n’interdisent pas forcément une bonne maîtrise de la physiologie. Ainsi, un agriculteur de Feurs (Loire) apprend son métier d’avorteur avec une cliente venue lui expliquer « qu’il fallait la piquer dans la nature avec une broche en bois » 108. L’obstétrique se réduit à la « délivrance », à l’« arrière-faix », à la « décharge » parfois. Ce langage au registre limité est circonscrit aux deux premières décennies de la IIIe République et à la France rurale. Il est largement concurrencé par le vocabulaire romantique.
La banalisation du registre romantique
29Les amours romantiques et bourgeoises usent bien de la litote ou des métaphores qui « invitent au travail de l’imagination » 109. Mais le langage ainsi utilisé est en fait plus ancien. Né au xviie siècle avec un sens platonique, il s’érotise au xviiie siècle et dans la première moitié du xixe siècle avant d’échapper à ses créateurs. Sous la IIIe République, il a perdu sa saveur et devient conventionnel. Lorsque les protagonistes s’« abandonnent » ou « assouvissent leur passion », ils traduisent tout bonnement mais en termes plus recherchés les banales « relations intimes ». Il s’agit alors d’un registre vieilli qui représente seulement 10 % des occurrences. Il perdure, toutefois, jusque dans l’entre-deux-guerres par désir de s’exprimer dans une langue noble et aussi en raison de l’écart entre la mode littéraire et sa vulgarisation. Là encore, les campagnes font figure de conservatoire avec plus des trois-quarts des occurrences.
30« Assouvir sa passion » est l’expression la plus usitée jusqu’en 1930110. C’est la formule incontournable des actes d’accusation en cas de crime sexuel. Elle plaît également aux milieux populaires. Une domestique de Moulins-Engilbert (Nièvre) l’adopte comme la plus adéquate pour exposer qu’un tailleur de pierres « a cherché – je ne sais de quel terme me servir – à assouvir sa passion » 111. Lassée de l’ardeur de son mari, un cheminot arlésien, une ménagère se plaint qu’un soir, « il l’avait tenue pendant quatre heures pour satisfaire sa passion » 112. En revanche, l’« acte vénérien » et le « désir génésique » restent cantonnés au ghetto médical113. « Se livrer », « s’abandonner » qui peignent la chute volontaire, séduisent les deux sexes. « Je ne fis pas longtemps difficulté de me livrer à lui et de céder à ses désirs », avoue une cuisinière adultère de Saint Martin-de-Brômes (Basses-Alpes)114. « Je me suis complètement abandonnée », soupire une manouvrière des Bordes (Yonne), vaincue par l’amour115. Toutefois, comme le langage romantique renonce à décrire le coït, 12 % des locuteurs sont contraints de l’associer à un vocabulaire plus précis, qu’il soit familier ou technique. Cette faiblesse explique la concurrence du franc-parler populaire.
« Tu ne veux pas que je couches avec toi ? »116
31Bien qu’il s’agisse grammaticalement d’une métonymie à caractère métaphorique, cette expression passe au xixe siècle pour audacieuse, voire indécente117. Ce type de vocabulaire concurrence rapidement les expressions nobles et devient progressivement la langue nationale pour parler du sexe, en ville d’abord et plus tardivement dans les campagnes. Il rassemble 23,4 % des occurrences. Fixé dès les années 1880, il présente deux variantes, l’une directe mais convenable, l’autre très crue.
32Une hôtelière parisienne est la première à utiliser le verbe « coucher avec » en apostrophant ainsi une couturière : « Madame, quand vous coucherez avec les locataires, vous aurez soin de fermer la porte, sans cela je préviendrai votre mari » 118. « Faire l’amour » a un succès plus grand encore, surtout chez les citadins119. Son usage est précoce comme l’atteste cet aubergiste de Chichery (Yonne) : « je n’avais plus de doute que c’était C. qui faisait l’amour à ma femme » 120. Décente, la locution sous-entend, cependant, une grande liberté de mœurs si bien qu’en 1939, les policiers d’Agen préfèrent utiliser des guillemets pour rapporter le témoignage d’une domestique : « je ne vous dissimule pas que j’adore “faire l’amour" et que je m’y donne toute entière » 121. Vient ensuite la litanie des verbes brutaux et masculins. « Tirer un coup », qui signe une conception matérialiste du sexe, rebute les femmes122. L’entrepreneur de La Marche (Orne) l’adopte pour humilier et déprécier son épouse : « ma femme était si bien hystérique que j’étais obligé de tirer trois-quatre coups tous les soirs, ça ne suffisait pas. Je la branlais quand je ne pouvais la satisfaire », raconte-t-il au juge qui s’écrie, outré : « ce que vous racontez là est inadmissible » 123. Cette tournure reste très vulgaire. Relatant une scène entre une ouvrière de Beauvais et sa fille, celle-ci interpellant sa mère en ces termes : « va tirer un coup avec Pierre », celle-là répliquant sur le même mode : « Va donc, petite putain, avec ton maquereau », les témoins jugent la mère « sans pudeur » et son « vocabulaire poissard »124. « Sauter », moins usité, est un synonyme dès 1871. Une paysanne de La Vraie-Croix (Morbihan) confie à son frère et en français que son mari « sautait sa fille » 125. Plus fréquent, « baiser » se vulgarise principalement après 1900126. Un paysan de Mailly-le-Château (Yonne) déclare ainsi sa flamme : « il faut que je te baise » 127. Un agriculteur de La Haute-Beaume (Hautes-Alpes) utilise le verbe pour impressionner par sa virilité la jeune fille qu’il courtise : « je voudrais lui dire que j’ai baisé toutes les filles du département, comme ça on verrait que je suis très fort » 128.
33Le sexe masculin s’individualise avec une kyrielle de vocables. Le « vit » du bon marquis resurgit tout au long de la IIIe République129. « Eh ! mon gros chien, tu vas tu arvenne pour me baiser pour m’arffourrer ton grous vie dans le cul », écrit l’affichiste nivernais qui manie argot et patois130. Trois locutions, toutefois, « bite », « pine » et « queue » sont plébiscitées131. « J’ai relevé ses jupons et introduit ma bite dans sa cane (parties sexuelles) », avoue un domestique agricole nivernais également fidèle aux régionalismes132. Un menuisier de Scaër (Finistère), désignant à ses enfants leur mère enceinte, leur dit : « tu ne sais pas comment maman fait des gosses ? Juste en mettant une queue dans le cul »133. « Il m’a pinée », se plaint la fille d’une couturière d’Arc-et-Senans (Doubs) qui invente le verbe à partir du mot banal134. Les testicules font leur apparition dans la variante argotique135. Quant au sexe féminin, le « cul » remporte tous les suffrages136. « Si tu ne veux pas me branler, je vais te mettre ma bitte dans le cul », menace un domestique de Chaulgnes (Nièvre)137. L’association est durable. « Je serais heureux de pouvoir t’enlacer dans mes bras et te glisser ma bitte dans ton joli petit cul », écrit un jeune homme à une domestique agricole de Salbris (Loir-et-Cher) fort délurée, dans une longue épître qui rassemble la totalité d’un vocabulaire sexuel populaire ordinairement dispersé138.
34Les sensations peuvent être évoquées par les femmes comme par les hommes, et avec les mêmes mots. Le juge de paix de Saint-Maximin (Var), quoique choqué, envoie ainsi sans la censurer, une déposition peignant la vie amoureuse d’un peintre et de sa maîtresse, « dans tout ce qu’elle contient d’affreux et de monstrueux ». La jeune femme exprime bruyamment sa satisfaction : « Oh ! mon R., tu me fais du bien », « tu me fais jouir », « quelquefois, elle disait : “tu ne décharges pas encore ? Je décharge moi” », cependant que son partenaire commente ses gestes et en lui « faisant minette », lui dit : « relarge bien ta pine » 139. Le parole vaut les affiches et les lettres.
35Dans l’entre-deux-guerres, apparaissent de nouveaux verbes. Limité aux classes populaires, « marcher avec », qui suppose la participation active de la femme, est grossier140. « Ma fille n’aurait pas eu la hardiesse de “marcher avec lui” », s’écrie la femme d’un manœuvre de Saclas (Seine-et-Oise)141. « Enfiler » est encore plus choquant. « Je ne l’ai pas enfilée », se défend un mécanicien d’Haubourdin (Nord), soupçonné de meurtre et de viol142. Les mots sont parfois détournés de leur sens étymologique. Ainsi du verbe « enculer » : une fillette, voyant les ébats de ses voisins, raconte que « suivant l’expression que m’a apprise H., “ils s’enculaient” », traduction donnée par le jeune homme, chasseur d’hôtel à Antibes : « nous avons fait l’amour en présence de Mado A. » 143.
36Précisons que les langues régionales possèdent leurs variantes de ce vocabulaire et offrent un large éventail de locutions précises, souvent savoureuses et parfois très vulgaires144. Ce langage populaire, spontané chez les ouvriers puis chez les paysans, est partagé par le bourgeois qui s’encanaille ou dénigre sa partenaire. Il est si commun que même les étrangers le maîtrisent rapidement. Un domestique de ferme polonais, au français pourtant maladroit, propose ses services à sa patronne, fermière à Levroux (Indre), en ces termes : « ça joli zob, petite patronne, bon, toi aimer beaucoup cela » 145. A la différence des registres ancien et romantique, il est sexué. Seules les femmes libérées osent « baiser » ou « tirer un coup ». Elles hésitent à désigner le pénis autrement que par le « membre » ou la « verge ». Elles préfèrent « coucher avec » un homme, « faire l’amour », toutes expressions qui ne renvoient pas l’acte sexuel à la trivialité. Il est incontestable, en effet, que l’argot du sexe qui instrumentalise les rapports amoureux, ravale la femme au rang d’objet sexuel. Inplicitement, celles-ci rejettent cette conception machiste et censurent par féminité plus que par pudeur leur discours. Une paysanne du pays de Galeme confirme son malaise devant la verdeur des propos tenus par son mari et ses amis après sa nuit de noces :
« – Ol ‘tait bon ?
– Ah ! oui ; elle m’a fait avoir chaud !
– Dis donc, elle marche toute écalée ! Ben mon vieux » et elle n’a pu s’habituer à la vulgarité de son époux à l’annonce d’une enième grossesse : « Ben, t’es encore pleine ? Mon mari me disait ça ! Authentique » 146. Aussi, ne faut-il pas s’étonner du succès croissant du langage anatomique.
La percée du langage anatomique
37Les premières traces se repèrent dès 1870 mais les occurrences relevées se concentrent, pour les deux-tiers, dans l’entre-deux-guerres. Il s’agit d’abord d’un langage savant, médical ou judiciaire, puis ce vocabulaire qui concerne au premier chef l’anatomie et la physiologie, séduit les ouvriers et les citadins147.
38Deux termes suscitent une adhésion générale : verge et vagin. Une paysanne de Saint-Just (Loire) les connaît dès 1874 et décrit ainsi l’attentat à la pudeur dont sa fille a été la victime : « il grattait dans le vagin avec le doigt » 148. « Il a pris sa verge qu’il m’a montrée », raconte une journalière d’Argenteuil, âgée de douze ans à peine, d’où l’étonnement du juge : « (c’est là l’expression dont elle s’est servie) », et sa curiosité :
39« – Qui donc vous a appris cette expression de verge ?
40– C’est ma mère. (...) Je disais que le père G. avait sorti de son pantalon un gros morceau de viande. Ma mère m’a dit que cette expression n’était pas polie (sic), qu’on appelait celà une verge ». Dans ce cas, paradoxalement, le médecin s’en tient aux traditionnelles « parties génitales » 149. Ces termes sont, toutefois, souvent estropiés, surtout par les scribes comme ce policier de Cavaillon qui étale une science toute fraîche et incertaine : « il est arrivé à toucher mon pissé (vasin) »150. Un gendarme des Bouches-du-Rhône trahit son accent dans ses remords orthographiques, écrivant, « pénisse /pénice » 151. En 1923, le scribe d’un juge lyonnais écrit encore « vaschin » 152. Les contemporains font également des impropriétés de terme. Une ouvrière de Blois confond vagin et organes externes : « j’ai vu que son vagin était non seulement rouge mais enflé à pleine peau (sic) », expose-t-elle à propos de sa fille153. Je n’ai du reste rencontré que deux femmes, toutes deux avortées, qui sachent distinguer la vulve et surtout le clitoris. Les flottements sont encore plus nets pour les organes de la reproduction. « Augustine m’a dit qu’il fallait prendre des injections (...) dans l’utérus. Je lui ai dit que je ne savais pas ce qu’était l’utérus », explique une bouchère de Troyes dont l’avortement accélère l’apprentissage linguistique154. Une raccoutreuse du Pommereuil (Nord) prétend qu’une femme l’a « piquée dans le vagin » 155. L’utérus et le col utérin ne sont pas encore entrés dans les mœurs, la matrice résiste victorieusement156. Le vagin s’est individualisé mais non les organes génitaux externes. Les testicules sont ignorés et le pénis ne s’impose pas face à la verge. L’éjaculation et le sperme ont rarement droit de cité, quoique les mots soient connus dès le début de la période157. Des policiers ardéchois parlent dès 1871 de « la jaculation » mais en 1936, les gendarmes de Levroux écrivent « sperm » 158. Quant au « coït » et au verbe dérivé « coïter », il n’appartient pas au langage courant. Ainsi, une tisseuse de Saillans (Drôme) en connaît le sens mais ne l’emploie pas : « je sais parfaitement en quoi consiste le coït, c’est-à-dire les rapports intimes entre hommes et femmes » et son beau-père, pourtant informé, hésite : « je n’ai pas compris que ces expressions aient pu exprimer l’acte complet avec éjaculation » 159.
41La poussée du vocabulaire médical qui réunit 37,2 % des occurrences, tient à différents facteurs. Les progrès de l’instruction poussent les contemporains à choisir le terme technique au détriment du vocabulaire régional. La neutralité de l’anatomie est préférée au langage populaire dès lors que le locuteur n’est pas acteur de l’acte sexuel. Son caractère asexué séduit les femmes, gênées par les expressions trop argotiques. L’avortement a, de plus, contribué à normaliser les appellations en imposant les termes médicaux employés par les professionnels de la santé, nombreux à pratiquer l’art abortif. Ce sont les campagnes les plus reculées, les régions attachées à leur patois, la Bretagne principalement, qui sont les dernières touchées et superposent jusque dans l’entre-deux-guerres, quatre strates linguistiques.
42D’une façon générale, la sexualité se décrit chez les adultes avec une précision toujours plus grande, associée à une neutralité croissante du vocabulaire. Cette froide énonciation qui transforme le coït en une opération technique banalisée, a sans doute contribué à faire reculer les sentiments de honte et de culpabilité qui ont longtemps entouré les choses de la vie. L’effacement progressif des interdits gestuels va dans le même sens.
« Il me traitait absolument comme une femme publique dans ses actes comme dans ses paroles »
43Le cri du cœur de cette ouvrière châlonnaise révèle que les classes populaires peuvent partager la méfiance bourgeoise pour les « rapports trop ardents » 160. En 1920, Le code de la femme affirme toujours que le devoir conjugal « doit être dégagé de tout acte contre nature et limitativement borné à ce qu’on sait » 161. Enserrée par les décrets d’une Eglise réfractaire aux fantaisies de la chair et les oukases médicaux, adeptes au xixe siècle d’une censure érotique toujours plus sévère, la sexualité conjugale semble bornée par les interdits et les doctes recommandations162. Il faut, toutefois, aller au delà des discours savants et moraux pour reconstituer l’échelle des tabous réels, débusquer les inflexions du désir et la lente érosion de la pudeur. L’érotisation de la vie conjugale est à l’ordre du jour des romanciers et des moralistes mais réalité et fiction concordent-elles ? Pour m’en assurer, j’ai délibérément privilégié les archives et les sources de première main. Ce faisant et à l’opposé des études antérieures qui, essentiellement livresques, privilégiaient la bourgeoisie, je me suis condamnée à lever le voile de l’alcôve seulement pour les Français modestes. La chambre bourgeoise reste quasi hermétiquement close. Délices ouvrières et raffinements de petits cols blancs sont donc notre lot163. Quant à la paysannerie, soit pudeur, soit manque d’imagination, elle est en retrait164. J’ai donc travaillé à partir d’un ensemble de 210 dossiers. 38 % des cas peignent des relations entre adultes consentants, à défaut d’être satisfaits165. Je n’ai pas récusé bien sûr l’apport factuel des relations prénuptiales, car le refus de la maîtresse présume le non de l’épouse, moins libérée des convenances. Adultères et concubinages ont également apporté leur pierre. La plus abondante moisson, toutefois, a été fournie par les crimes sexuels qui jettent un regard aigu sur les fantasmes, les désirs inassouvis, la stupeur horrifiée des témoins166.
44La réprobation sexuelle va crescendo, des gestes « indécents » ou d’« une lubricité rare » aux « honteux attouchements » et autres « actes d’impudicité » pour reprendre la rhétorique des magistrats. Les protagonistes ne distinguent pas, cependant, entre les gestes proscrits de l’hétérosexualité et les perversions de la « scientia sexualis » naissante qui rejette dans l’anormalité les pratiques non génitales et non reproductives167. Les contemporains dont le vocabulaire est flou, qui pour désigner la sodomie, hésitent entre « actes contre nature » et « pédérastie », ne théorisent pas les tabous à la différence des médecins. Ils les juxtaposent sans typologie mais non sans hiérarchie du dégoût. Pour la clarté de l’exposé, néanmoins, je distinguerai l’« implantation perverse » de l’érotisme ordinaire.
L’implantation perverse
45Elle concerne pour les adultes, la masturbation, la bestialité et l’homosexualité, soit un quart des dossiers traitant des interdits sexuels168.
46L’inflation de la littérature médicale consacrée à l’onanisme enfantin depuis Tissot, n’a pas suscité d’écho dans les familles modestes169. La masturbation de l’adulte, signalée également pour les deux sexes, choque seulement dans quelques cas de figure170. Pratique solitaire de substitution chez les enfants et les adolescents, elle est tolérée171. Elle est réprouvée, en revanche, lorsque les hommes se livrent à l’exhibitionnisme ou se font masturber par un tiers non consentant, un enfant le plus souvent. De même, les femmes s’indignent de voir leur mari se masturber à leurs côtés, acte qu’elles interprètent comme une remise en cause de leur capacité de séduction. Sondée par une amie, l’épouse d’un caoutchoutier clermontois avoue son désarroi : « je m’aperçus qu’elle n’aimait pas beaucoup son mari. Je lui en fis l’observation et elle me répondit qu’elle ne pouvait l’aimer parce qu’elle avait remarqué qu’il était vicieux et avait la mauvaise habitude de la masturbation » 172. Près d’un demi siècle plus tard, une bouchère de Houilles (Seine-et-Oise) éprouve les mêmes sentiments : « il se livrait très souvent de jour et de nuit, en ma présence, à des actes contre nature (en se masturbant) » 173. Certains hommes à la sexualité exigeante associent, en effet, rapports intimes et onanisme. La masturbation, plaisir compensatoire ou rite d’initiation, concerne aussi les femmes. Un fileur de Bar-le-Duc non seulement se caresse devant une jeune ouvrière mais se fait prosélyte : « plusieurs fois aussi, il me disait de me chatouiller le bouton pendant que je serais au lit, qu’il en sortirait du lait et que cela me causerait du plaisir », rapporte-t-elle174. La culpabilité ne semble pas de mise en milieu ouvrier comme en témoigne Gaston Lucas : « une qui me sort un jour Moi j’ai pas besoin d’homme, je me suffis, je suis pas manchotte » 175. La discrétion, toutefois, est recommandée.
47En revanche, la répulsion engendrée par la bestialité est sans appel. C’est un penchant exceptionnel : 12 cas seulement ont été recensés, cela va de soi, dans la France rurale. Le plus souvent, il ne s’agit pas d’une pratique d’attente mais d’une manifestation parmi d’autres d’une sexualité polymorphe puisque ces exemples concernent presque toujours des hommes mariés et inculpés d’attentats à la pudeur176. Un tailleur d’Arconsat (Puy-de-Dôme) se livre à des attouchement sur une fillette et il est surpris par une aubergiste dans l’étable alors qu’« il se livrait au coït avec une vache », à l’indignation du témoin qui ajoute : « je fus outragée dans ma pudeur, je sortis sans rien dire » 177. L’épouse d’un journalier de Montrieux (Loir-et-Cher) le dénonce pour ses manœuvres sur sa belle-fille mais évoque également « les goûts particuliers de son mari » et elle s’emporte en ces termes contre ce dernier : « tu as esquinté la poule, tu dois savoir comment » 178.
48L’homosexualité n’est connue pour les hommes que sous sa forme pédophile179. La maîtresse d’un docker toulonnais rompt ainsi avec lui parce que, selon ses dires, « elle ne voulait plus avoir de relations avec un “ pédé ” » 180. En contradiction avec l’étendue supposée du « mal » à l’époque moderne et la hantise des éducateurs au xixe siècle, cette déviance est quasi absente des archives. Dissimulation particulièrement efficace ou répression, l’interprétation de cette étrange lacune reste ouverte181. L’homosexualité féminine, en revanche, quoique peu répandue, ne se cache pas, du moins à partir de la Belle Epoque182. Questionnée par un médecin, une Parisienne, âgée de quinze ans et fugueuse, évoque ainsi les amours saphiques : « je n’ai jamais été attirée par les femmes, non ; cependant, deux ont voulu de moi », un professeur de chant, « une vrai toquée [qui] se pâmait en m’embrassant sur la bouche » et « une jeune fille de noce (sic) » qui se drogue à l’éther et à la cocaïne183. Inculpé pour adultère et viol incestueux, un journalier de Contres (Loir-et-Cher) se défend en arguant de l’immoralité de son épouse :
49« – C’est ma femme qui a masturbé la fille M., moi je n’y ai pas touché.
50– Ce n’est pas vrai. Je n’ai pas touché cette fille (...)
51– C’était votre amusement de faire des saletés avec des femmes.
52– (souriant) Je n’ai jamais fait ça » 184. Une serveuse de café strasbourgeoise explique sans gêne à ses patrons « qu’elle aimait les femmes et qu’elle travaillerait pour ses amantes sous condition que celles-ci n’entretiennent pas de relations avec des hommes. J’ai cru comprendre qu’elle pratique l’amour lesbien », conclut un témoin185. Mme S. qui vit des rentes d’un amant décédé, qui aime « le bruit, les hurlements, le chahut imbécile, la bombe enfin » et devient « le rendez-vous du “tout Quimper nocturne” », se façonne, Garçonne oblige, une image de femme libérée : elle boit, prend des stupéfiants. « Pour achever le portrait, elle se vantait de goûts spéciaux et soit par inclination, soit par snobisme, soit, m’a affirmé quelqu’un, par besoin d’épater la galerie, elle aimait les jeunes filles », pose confirmée par sa domestique : « jamais Mme S. n’a fait l’amour avec moi. (...) Elle m’embrassait sur la bouche au bal devant le monde mais quand nous étions seules, elle ne faisait rien » 186. Ce penchant se limite aux « filles de noce », aux femmes entretenues et aux intellectuelles marginales. Un seul dossier laisse supposer des relations homosexuelles dans un ménage ouvrier : « depuis treize années, je vivais, j’habitais avec une amie Melle Anne D. », écrit une enjoliveuse lyonnaise qui, après le décès de son « Amie très chère », sollicite la garde de sa nièce que « nous avons élevée » ; le « nous », la longue vie commune, l’évocation répétée de l’amie très chère entretiennent le doute187. L’homosexualité féminine ne déclenche pas de furieuses diatribes. Elle provoque au mieux une curiosité interloquée. Les interdits imposés à l’hétérosexualité conjugale sont plus puissants que la répulsion face aux perversions. « Dans l’acte sexuel, il restait très normal et ne me proposait jamais des choses particulièrement malpropres ». Cette ménagère strasbourgoise classe ainsi les pratiques sexuelles en normales et malpropres sans s’embarrasser de nuances188. Les contemporains distinguent plus volontiers entre bienséance, audaces et dépravation. J’ai respecté leur sensibilité, m’effaçant derrière leurs témoignages, afin de prohiber toute contamination entre notre perception et la leur.
Les règles de la bienséance sexuelle
53Ce sont des règles d’âge et de moment. Les médecins et les romanciers considèrent explicitement ou implicitement qu’une femme honnête doit, passée la quarantaine, réprimer ses élans189. En fait, les protagonistes évoquent exceptionnellement la barrière de l’âge190. Les témoins s’étonnent surtout que des époux « âgés » puissent tromper leur conjoint. D’une propriétaire de Lacaussade (Lot-et-Garonne), âgée de cinquante-neuf ans, le Procureur général écrit qu’« elle a toujours eu une conduite des plus déréglées et malgré son âge, avait des amants au vu et au su de tout le monde » 191. Un voisin s’étonne de l’accusation d’adultère portée par un horloger d’Ecouché (Orne) contre sa femme : « il n’y avait rien à lui reprocher, elle avait du reste quarante-neuf ans » 192. Certaines femmes trouvent même dans l’âge mûr une occasion d’échapper au devoir conjugal, comme l’épouse d’un sabotier de Saint-Marcellin (Isère) : « F. voudrait souvent avoir des rapports avec sa femme mais celle-ci, prétextant que vu son âge et sa fatigue, elle ne peut satisfaire les désirs de ce dernier, il se met en colère » 193. Cet interdit se dilue, toutefois, après 1914. Issue d’un milieu modeste, une Bordelaise, née au début de siècle, note avec étonnement que « certaines femmes étaient vraiment vieux jeu et pensaient que c’était très déplacé d’avoir des rapports sexuels à un certain âge » 194.
Tabous hétérosexuels
Pratiques | Nombre | % |
Age | 8 | 3,1 |
Sodomie | 19 | 9,1 |
Période de menstruation | 20 | 9,6 |
Nudité | 41 | 19,7 |
Baiser sur la bouche | 57 | 27,5 |
Pratiques buccales | 63 | 30,3 |
54Le tabou de la grossesse, érigé en absolu par le corps médical au xixe siècle et appuyé par la condamnation ancienne de l’Eglise, est, pour sa part, ignoré pendant toute la IIIe République195. L’interdit des règles est mieux et durablement respecté mais pour des raisons plus matérielles que religieuses196. Toutes jeunes déjà, les femmes mettent le holà. Une jeune fille se défend contre les avances d’un garde-barrière de Selz (Bas-Rhin) en lui disant « qu’elle est indisposée en pensant qu’il la laisserait tranquille mais il déclara que cela lui était égal » 197. Les adultes ne sont pas plus libérées. Une boulangère de Groslay (Seine-et-Oise) qui nie des relations adultères avec son beau-frère, en donne pour preuve l’abstinence périodique : « je puis donner une raison qui établira que je ne le recherchais pas, ce jour là, j’étais dans mes sangs » 198. Une serveuse strasbourgeoise qui a eu plusieurs amants et se laisse « peloter » par les clients, ne raisonne pas autrement : « à vrai dire, je ne tenais pas à avoir ce jour là, un rapport sexuel parce mes règles étaient sur le point de venir » 199. Les femmes, malheureusement, n’expliquent pas les mobiles de leur refus.
55Les hommes, quant à eux, se partagent en deux groupes : ceux qui passent outre et ceux qui préfèrent différer l’acte. « Je n’ai jamais refusé le devoir conjugal à mon mari. Il n’y avait d’exception que lorsque j’avais mes règles et encore, cela ne l’empêchait pas toujours », explique une journalière de Villaines (Sarthe)200. Questionnée par un médecin, l’épouse d’un ouvrier-chocolatier de Blois exprime à la fois sa réticence et l’indifférence de son mari : « au point de vue sexuel, il a toujours manifesté une assez grande appétence génitale. Il aurait eu, au moins, un ou deux rapports journaliers avec elle, même pendant la période menstruelle qui ne provoquait chez lui aucun dégoût » 201. L’épouse du cheminot arlésien confie à une amie « que son mari ne la respectait même pas pendant ses périodes menstruelles »202. « Quand j’avais mes règles, lui ça l’aurait pas dérangé, il aurait rien vu seulement mais moi, je ne voulais pas », confirme Adeline Geaudrolet203. De nombreuses jeunes filles, victimes de viols incestueux, voient là une circonstance aggravante204. Il semble que dans l’entre-deux-guerres, les hommes se font plus délicats et renoncent alors au coït par répulsion physique. Un Vosgien, agent administratif des dommages de guerre, qui a pour maîtresses deux jeunes filles, se résigne à repousser leur partie fine : « comme nous étions toutes les deux indisposées, R. a dit : “ c’ est malheureux, j’ai deux poules et je ne peux pas en baiser une” »205. Un cheminot de Nevers qui culbute une jeune fille dans le fossé déclare forfait, car, dit-il, « j’ai constaté qu’elle portait une serviette hygiénique et qu’elle était indisposée, raison pour laquelle je l’ai laissée tranquille » 206. Barrière fixée par les femmes au désir des hommes, l’interdit des règles est partagé par de nombreux conjoints et partenaires. Mais les progrès en matière de propreté corporelle, l’exigence masculine d’une toilette intime minutieuse et régulière l’emportent progressivement sur l’interdit religieux. Le tabou glisse de la morale à l’hygiène.
Le refus du voyeurisme
56De nombreux adultes refusent de voir et d’être vus pendant l’acte sexuel. Partant, la nudité, la lumière et la publicité sont prohibées. La nudité est dénoncée et traquée, nous l’avons vu, jusque chez les très jeunes enfants207. Les contemporains établissent des degrés dans l’indécence mais s’indignent déjà devant la chair devinée. Une tailleuse de Roanne qui regarde par un trou du galandage une cliente de l’hôtel, une femme mariée, et son jeune amant, raconte fort choquée qu’« elle a ôté son vêtement et n’avait plus dessus que son corset qui laissait nues sa poitrine et ses épaules »208. La voisine d’un fabricant de jouets parisien, inculpé d’outrage à la pudeur, l’a vu se livrer sur « plusieurs filles », rideaux ouverts, « aux actes de la plus révoltante impudicité » : « les jeunes filles quittaient jusqu’ à leur chemise et, dans cet état de nudité, lui même n’étant vêtu que de sa chemise, ils se livraient à des mouvements que vous devez comprendre » 209. Une bonnetière de Troyes qui a fugué avec son bon ami et a partagé une chambre avec un autre couple décrit de la même façon ses compagnons : « les autres était déjà couchés tout nu rien qu’avec leur chemise »210.
57Se déshabiller est considéré comme une provocation érotique, pathologique même. Ce rentier parisien est ainsi scandalisé par les « excentricités » de sa jeune épouse qui se dénude devant la glace et lui demande : « est-ce-que je suis jolie ? » 211. Se dévêtir pendant la toilette et en présence de témoins passe pour une incitation à la débauche. Un menuisier de Troyes, âgé de dix-huit ans et séduit par une bonnetière mariée, s’en repent et dénonce son comportement indécent : « elle selavai dent une cuvet devint lui avec le petit fils de Madam C. dent les genoux de Mr G. qui regardait la ver la Fe C. fases a fasses elle aitai (...) les jupons trouses (...) poursat, je lui est fai des reproches » 212. De même, le tribunal de Marseille condamne la femme d’un gérant de société, car « il lui arrivait de faire sa toilette intime en présence d’amis de son mari, de laisser voir ses seins, de trousser ses robes », mais il fustige aussi l’inconduite du mari qui a une maîtresse et laisse traîner des « photos la montrant nue » 213. L’interdit entretient les fantasmes masculins. Un cultivateur de Tulette (Drôme) qui « parle des filles des maisons publiques ; que cela ne faisait rien à celles-ci de se mettre toutes nues devant les hommes », tente d’assouvir ce désir sur une fillette214. De nombreux attentats à la pudeur, principalement à la campagne, visent ainsi à « voir » la partenaire215. Ce seul fait est, du reste, considéré par les magistrats comme une circonstance aggravante mais un journalier de Villedieu-en-Beauce (Loir-et-Cher) l’utilise habilement pour absoudre ses élans incestueux : « le matin, ma femme et ma petite fille ne se gênaient pas pour aller et venir dans la maison dans un état de nudité à peu près complet » 216.
58Pour leur part, les épouses honnêtes s’étonnent ou s’indignent que leur mari désire les voir nues ou se dénude lui même. Une maraîchère de Saint-Germain-en-Laye, généralement maltraitée par son conjoint et stupéfaite par son ardeur inattendue, avoue à une voisine qu’« elle était allée trois fois avec son mari et qu’à chaque fois, il la faisait déshabiller »217. Pour souligner la profonde immoralité d’un paysan de Vins (Var) qui a violé sa fille, le juge mentionne une confidence de sa femme : « vous la faisiez mettre dans un état de nudité complète » 218. Venue aider une voisine malade, une ménagère d’Alès est saisie en voyant son mari, un mineur, couché avec sa femme et « dans un état complet de nudité »219. Quant à l’épouse d’un comptable toulonnais, elle aggrave son cas de femme adultère et perd son divorce « à la suite d’une constatation qui a été faite par des témoins qui avaient trouvé la Fe A. dans sa chambre en compagnie d’un amant, entièrement nus tous les deux » 220. Cette pudeur est générale. Tous les milieux partagent la conviction que, même dans l’intimité conjugale, le corps doit rester voilé. En Limousin, « une femme ne se montrait jamais nue à son mari » 221. Richard Hoggart note que chez les ouvriers anglais également, « la pudeur populaire s’offusque de la nudité du corps, même dans l’acte sexuel »222.
59Dans l’entre-deux-guerres, toutefois, le tabou se délite. Les jupes courtes, le culte du bronzage désacralisent le corps. Les campagnes même sont touchées. Une paysanne de Minot traite d’effrontée sa belle-fille à qui elle reproche ses chemises de nuit légères et brodées – « tu n’as pas honte devant ton mari de te mettre comme cela » – et qui se voit répondre naïvement : « Oh ! ben ! même des fois, je mets rien du tout » 223. Lorsqu’un menuisier de Grand-Champ (Morbihan) propose un pari à un paysan – « si tu les montres, je te paye un quart de vin » – et que ce dernier s’exécute, « aussitôt, les jeunes filles présentes se sont mis à rire ; mais, pour sauver la façade, elles se sont mis les doigts devant les yeux », « en regardant toutefois à travers leurs doigts », note un autre témoin224. Dans les milieux populaires urbains, le recul de l’interdit est même plus précoce. En 1888, la nièce d’un cafetier et une domestique de Valence cèdent sans état d’âme à un voyageur de commerce : « nous nous sommes mises à nu et nous nous sommes livrées à cet homme qui a fait de nous tout ce qu’il a voulu »225. Un mineur de Lens, questionné sur la grossesse de sa future, la confirme avec naturel : « j’ai vu de nombreuses fois Estelle P. dépouillée de ses vêtements, car j’ai eu des relations intimes avec elle »226.
60Participe du même sentiment de pudeur le refus de la lumière ou l’annonce publique du coït. La journalière de Montrieux (Loir-et-Cher) est profondément blessée par l’attitude de son mari : « il lui arrive souvent quand il veut satisfaire sa passion de m’y contraindre dans la pièce où sont mes enfants. Il m’en parle devant eux » et elle frémit en l’entendant s’écrier devant témoins : « es-tu prête, la vieille ? »227. « Il me forçait à me livrer à lui sans éteindre la lumière », se plaint la blanchisseuse châlonnaise228. La femme d’un marin-pêcheur de l’île de Groix (Morbihan) qui définit sa vie « comme un long martyre », reproche à son mari, entre autres griefs, son impudeur : « c’était la chandelle allumée et en présence des enfants, moi, je ne voulais pas mais il m’y obligeait et me maltraitait » 229. De même, la sexualité de groupe reste exceptionnelle. Dans la plupart des cas, nous sommes en présence de couples de jeunes célibataires qui par commodité et économie, partagent la chambre mais non les partenaires.
Caresses et « honteuses manœuvres »230
61Le baiser sur la bouche, mentionné dans 57 dossiers, est unanimement réprouvé au début de la IIIe République. Il choque plus qu’une caresse sur les organes sexuels. Selon un arrêt de la Cour de cassation en date du 5 novembre 1881, il suffit même à constituer, à lui seul, le crime d’attentat à la pudeur. Il est vrai que de nombreux auteurs de violences sexuelles, cherchent à satisfaire ainsi ce plaisir refusé par leur épouse. Pris sur le vif, les inculpés nient toujours ce geste obscène que les juges traquent dans les dépositions des victimes et soulignent dans leurs procès-verbaux. « Il lui avait mis la langue dans la bouche », écrit ainsi le juge de paix de Vermenton (Yonne), moins choqué par l’exhibitionnisme de l’inculpé que par le baiser réprouvé231. Des jeunes filles portent plainte pour cette seule privauté. Une domestique de Guénon-en-Mahon (Morbihan) fait inculper un journalier qui lui « colla ses lèvres sur la bouche »232. La bonne amie d’un cordonnier du Luc (Var) tente de le tuer pour avoir attenté à son honneur en la pressant contre un mur, « sa bouche appliquée sur la [sienne] »233. La résistance des villageoises est particulièrement forte et le maraîchinage vendéen me semble, de ce point de vue, plus une survivance qu’une innovation234. En 1932 encore, une paysanne des Hautes-Alpes dénonce son voisin pour outrage à la pudeur au motif qu’après l’avoir renversée, « il en profita pour passer sa langue dans ma bouche en me pressant le menton » 235.
62Le baiser sur la bouche fait, toutefois, une percée précoce dans les milieux populaires les plus émancipés. Une canneteuse de Roanne qui partage avec sa fille le même amant, l’atteste dans son témoignage : « vous avez fait des agaceries à P. Vous avez raconté à l’instruction qu’il vous avait embrassé sur la bouche et que vous avez fini par céder » 236. Un hôtelier de Cahors renvoie deux de ses domestiques qui ne font pas mystère de leur idylle : « ils s’embrassaient sur la bouche », signale ce dernier, sans doute secrètement scandalisé237. A partir de la Belle Epoque, le baiser sur la bouche signe la passion amoureuse, à condition qu’elle soit illégitime. Un officier d’artillerie de Sainte-Menehould n’hésite pas à se répéter dans les lettres qu’il envoie à sa maîtresse, l’épouse d’un négociant : « Dada t’embrasse les jolies mains et moi les bonnes et jolies lèvres et tes petites quenottes », « je t’embrasse de toutes mes forces sur ta jolie bouche »238. A la veille d’un mariage de raison, une journalière toulonnaise écrit une lettre d’adieu et de regret à son amant et maître : « je suis ici Ji reste et surtous mintenan ses fini (...) vous embrasent pour la dernière fois sur vos lèvre que voules mordre bien souvent »239. « J’ai hâte d’être à dimanche pour être avec toi une aprè midi et une soirée tout dans tes bras. (...) Je t’envoie un million de baisers sur ta petite bouche follement », s’impatiente une ouvrière de Creil240. Audace érotique justifiée par la passion, le baiser sur la bouche devient un élément de la nouvelle gestuelle amoureuse. Aussi le tribunal le retient-il, à l’instar de la semi nudité, comme une présomption d’adultère, contre une Lyonnaise qui « avait embrassé sur la bouche un ami de son mari »241. Progressivement ces nouveautés font irruption dans la vie conjugale. Un commerçant toulonnais en voyage envoie à sa femme une missive brûlante : « A bientôt le bonheur de tes charmam bras, mon cœur sur le tien, ma bouche sur la tienne »242.
63L’iconographie contribue, il est vrai, puissamment à la banalisation du baiser « américain ». Le cinéma, surtout, dicte sa mise en scène. La carte postale le suggère243. Une affiche de Doro, tirée en 1926, n’hésite pas à représenter un couple s’embrassant sur la bouche pour dénoncer le danger de la syphilis244. Embrasser une femme sur les lèvres, étape obligée du flirt, fait désormais partie de la panoplie du jeune séducteur. Mais, en faisant chavirer la partenaire, il ouvre également la porte aux relations prénuptiales. Il tourne la tête d’une jeune fille de Saint-Germain (Meurthe-et-Moselle) qui succombe aux avances d’un manœuvre : « il m’a demandé d’aller dans le fossé de la route avec lui, je ne voulais pas mais il m’a embrassée sur la bouche et j’y suis allée » 245. Toutes les préventions ne sont pas tombées, néanmoins. Adeline Geaudrollet transforme le tabou en dégoût physique : « j’ai jamais aimé qu’on m’embrasse sur la bouche. Il ne manquait plus que ça. Puis, les gars, vous savez, avec leur tabac, leurs cigarettes, leur chique et le pinard. Beuyack »246.
64En revanche, le coït buccal reste durablement ostracisé. Que ce soit la fellation ou le cunnilinctus aussi fréquents l’un que l’autre, il relève, à trois exceptions près, de l’initiative masculine et se heurte à une vive résistance des femmes rangées247. Au début de la IIIe République, les hommes ne peuvent satisfaire ce double désir qu’avec des prostituées, des femmes légères ou des enfants innocentes. Aussi, la majorité des informations nous est-elle livrée par les attentats à la pudeur et les viols248. La criminalité permet ainsi une sexualité de substitution dévoyée, principalement dans le Midi méditerranéen et le Massif central où la pratique est particulièrement réprimée249. Les hommes en sont conscients qui ont pendant longtemps le sentiment de se livrer à un acte vicieux. « Je l’avoue à ma honte, j’éprouvais une si vive sensation que je léchai ses parties avec rage et frénésie », expose un jeune cordonnier lyonnais qui cède à « une mauvaise pensée » sur une fillette250. Un serrurier d’Illkirch (Bas-Rhin) qui viole sa belle-fille souligne inversement et pour se dédouaner, les bornes qu’il s’est imposées : « je ne l’ai pas léchée et je n’ai pas exigé d’elle cette chose là car je voyais qu’elle n’était pas vicieuse » 251. S’adaptant à la demande, les péripatéticiennes remplacent progressivement les enfants, surtout dans les grandes villes où les attentats à la pudeur sont plus rares252. Un cultivateur de Gournay (Seine-et-Oise) se laisse ainsi tenter par une journalière, prostituée occasionnelle : « je lui embrassé le bobichon : elle a les fesses bien blanches et un beau cul »253. « Elle ne parle que de son cul, de baiser, de tirer des coups, de sucer la verge des hommes pour de l’argent », déclare un cordier qui dénonce une matelotte de Berck pour outrage à la pudeur254.
65Cependant, certaines maîtresses délurées y consentent à titre grâcieux. Initiateurs et partenaires sont dans plus d’un cas sur deux ouvriers d’abord, commerçants et cadres ensuite. Le fils d’une veuve, journalière à Louviers, témoin de la vie agitée de sa mère, rapporte la scène suivante : « j’ai compris que l’homme qui n’en avait pas assez où il était, la lui avait mise dans la bouche. Ma mère ne voulait pas mais il a insisté : “marches, mets la tout de même” »255. Le fabricant de jouets parisien, adepte de la sexualité de groupe, prise aussi les caresses buccales : « non seulement il les embrassait à cette partie du corps mais encore il lui arrivait de faire avec elles ce qu’on appelle “faire tête bèche ” », rapporte un voisin « outré » 256. Le peintre de Saint-Maximin (Var) fait laver sa maîtresse puis lui dit : « “écarte les jambes que je te lèche” et lui mettant sa tête entre les cuisses, il lui faisait minette »257. « Je lui embrassai le... et lui arrachai une pincée de poils », écrit un cordonnier de Bagnolet, initiative qui, selon lui, aurait suscité une réaction amusée de sa partenaire : « vous êtes un coquin, vous me volez » 258. « Tu sais bien embrasser là comme on dit à Vouziers », sous-entend l’officier de Sainte-Menehould259. Raffiné, l’agent des douanes vosgien verse du champagne entre les jambes d’une emballeuse puis, rapporte celle-ci, « il m’a chatouillée en cet endroit avec sa langue »260. Exceptionnellement, ces caresses remplacent le coït, ainsi pour ce cultivateur de soixante-cinq ans qui « n’avait pas la force de “faire ça” avec sa queue » mais qui sait parer ses défaillances : « il allait même avec la langue sur mon sexe », raconte une jeune ouvrière complaisante261. Parties carrées ou liaisons avec des femmes délivrées de tout scrupule moral et sexuellement très averties, tel est le champ, somme toute limité, des pratiques buccales avant la Guerre. Mais l’interdit reste tentant et toujours associé au plaisir. « Il faut que je te fasse minet, ça te saura bien “bon” » propose un journalier agricole de La Roche-Blanche (Puy-de-Dôme) à une fillette262.
66Restent les femmes honnêtes, les épouses et les promises. Elles sont résolument hostiles à la fellation et ce sans fléchir jusqu’à la fin de la IIIe République. Un chiffonnier d’Aubusson qui maltraite sa femme et « se livrait sur elle à des actes de lubricité », qui lui a même « introduit un saucisson dans les parties » pendant ses règles et n’a pas hésité à le manger, se heurte dans ce seul cas à un veto résolu : sa voisine qui les observe par une fente du plancher, l’a vu « insister pendant plus d’un quart d’heure pour que sa femme lui embrasse son membre viril » mais « celle-ci refusa » 263. Une journalière nancéenne vitriole sa rivale qui ruine son couple et pousse son mari à des demandes inconvenantes : « à partir de ce moment là, mon mari voulait me faire téter, en me disant que c’était comme cela que les femmes attirent les hommes et j’ai toujours refusé » 264. Fantaisie sexuelle pour l’un, désir de pimenter la vie conjugale pour l’autre motivent la plupart des maris. Les cas se multiplient après la Guerre. Le dossier très intéressant d’un électricien de Rosendaël (Nord) et de son épouse révèle à la fois le désir de nouveauté masculin, le recul de l’interdit puisque les femmes en parlent entre elles, et le glissement du tabou au haut-le-cœur. La femme se plaint à sa belle-mère que son mari, après vingt ans de vie commune, se prend à exiger « qu’elle lui suce le bout (...), ce qui la dégoûtait, son mari, ivre, se couchant sale ». Sa sœur, sommée de donner son avis, est moins péremptoire et indignée : « je lui avais conseillé de se prêter à ces exigences si ça devait ramener le calme chez elle » ; quant à l’intéressé, il nie avec un argument vieilli : « je la respectais trop pour cela »265. L’initiation, à cinquante-deux ans passés, d’un tondeur de chevaux strasbourgeois, plaide également pour une propagation accélérée de la pratique : « j’avais entendu au café Freischütz parler de cet acte qui s’appelle minette machen. (...) Auparavant, je n’avais aucune idée du mot, même de la chose et aussi j’ai voulu faire un essai », mais son épouse se rebelle : « il y a environ cinq mois, il m’a expliqué ce que c’était faire minette, il m’a demandé de me laisser faire cela mais, en honnête femme, j’ai refusé »266. Il convient même de se demander si, en l’occurrence, la pratique française n’est pas introduite alors en Alsace, ce que laisse supposer la germanisation littérale de l’expression « faire minette » en « minette machen ». Les jeunes filles qui acceptent des relations prénuptiales peuvent être confrontées à une demande similaire dans les années 1930. Une couturière nancéenne à qui un dentiste a promis le mariage, raconte qu’« il a voulu à deux reprises m’introduire la verge dans la bouche, ce que j’ai refusé », refus sans conséquence sur leurs relations, notons le267. Une domestique de Vannes, qui intente une action en reconnaissance de paternité contre son futur, montre que le coït buccal, sans être demandé, est subi sans broncher par des jeunes femmes inexpérimentées – « je n’ai jamais connu d’autres hommes que lui » – et qu’il peut se superposer à une technique amoureuse fruste : « il ne me faisait pas déshabiller et nos relations n’excédaient jamais cinq minutes. Parfois, il se livrait sur moi à des attouchements avec la langue. En un mot, il me faisait “minette”. Il n’a jamais exigé que je lui suce la verge » 268. Les femmes vertueuses peuvent donc accepter le cunnilinctus mais n’ont pas idée de le réclamer. En revanche, elles expriment une inflexible répugnance à l’idée de la fellation, opinion partagée par les magistrats plus sévères pour cette variante du coït buccal269. Au reste, les autorités comme les protagonistes n’utilisent jamais les termes techniques dans ce cas. Les hommes décrivent l’acte et pour les femmes, l’expression « faire minette » s’impose270.
67Le coït buccal n’est pas une pratique d’adolescent comme en témoignent les amants tarifés de la veuve de Troyes. Le premier, un rebrousseur âgé de dix-sept ans, se rebiffe contre certains de ses désirs : « elle m’a offert 100 francs pour que je lui mette ma bouche sur ses parties sexuelles » mais il ne se laisse pas fléchir bien que les enchères montent à 200 francs. Le second, un chiffonnier, passe outre mais s’étonne néanmoins : « elle avait des mœurs spéciales : elle me faisait introduire ma verge dans son derrière et dans sa bouche »271. C’est donc un désir d’homme fait, lassé par la routine conjugale, initié peut-être par une prostituée. Ou bien, c’est une audace d’amant, partagée avec une compagne émancipée. Dans tous les cas de figure, les paysans, par ignorance ou interdit religieux, sont réfractaires272. Les villes, le Bassin parisien et le Midi ouverts aux modes, la classe ouvrière affranchie des impératifs moraux traditionnels, la bourgeoisie en quête de sensations renouvelées expérimentent dès le début de la IIIe République ces caresses particulières que les bonnes mœurs qualifient de « honteuses » 273. Dès lors que l’épouse doit devenir la compagne et la maîtresse de son mari se pose le problème de son initiation à ces variantes sexuelles. « C’était comme cela que les femmes attirent les hommes », dit dès 1880 un manœuvre nancéen à sa femme. A partir de l’entre-deux-guerres, une partie des épouses se laissent faire dans le meilleur des cas, mais coopèrent rarement. La paysanne de Galerne, absolue dans son refus de la sodomisation, est moins catégorique pour les caresses buccales : « j’ai jamais aimé non plus qu’on me fasse l’amour avec la main ou le doigt, comme y en a qui cherchent à faire. Ni qu’on m’embrasse n’importe où. On a bien essayé de m’embrasser sur le sexe : d’accord, ça évite de faire des drôles mais moi, j’aime pas ça » 274. Dans ce domaine, et à la différence du baiser sur la bouche, la banalisation est largement inachevée.
68La sodomisation, enfin, fait franchement horreur aux femmes. L’Eglise condamne depuis Saint Paul cette pratique « contre nature » 275. Or, les médecins signalent son extension à partir de 1850, principalement dans la capitale276. Au début de la IIIe République encore, les imprécisions de terme montrent que, pour beaucoup, cette variante appartient au monde de l’homosexualité. Ainsi, alors que la femme d’un tailleur de Sémelay (Nièvre) se plaint aux gendarmes, en des termes ecclésiastiques, que son mari lui impose « un acte d’impureté contre nature qui épuisait sa santé », le maire parle d’« actes de pédérastie » et le mari se défend dans une langue argotique : « je ne l’ai pas enc... lée »277. En fait, la lecture des maigres dossiers dont nous disposons révèle le caractère très particulier de cette pratique sexuelle. Si le coït anal occupe le premier rang dans l’échelle des interdits, c’est surtout parce qu’il relève moins de la curiosité sexuelle que d’une volonté de domination sur les faibles, femmes et enfants278. Dans tous les cas étudiés, pour trois-quarts ouvriers et près de neuf fois sur dix urbains, il est imposé par la force et traduit même des penchants sadiques279. La démesure est particulièrement frappante en cas de viol. Ainsi, non content de trangresser tous les interdits, en forçant une ouvrière à subir plusieurs rapports « soit dans le vagin, soit dans l’anus, soit dans la bouche », un ouvrier boulanger d’Aubenas s’écrie : « je suis ton Dieu, je suis ton maître, personne ne nous voit » 280.
69Mais, la plupart du temps, la contrainte s’exerce sur la seule épouse. « Je voyais bien qu’il en avait assez de moi », raconte une victime dont le mari, coiffeur à Selles-du-Cher (Loir-et-Cher), prend comme maîtresse et sous son toit, sa belle-sœur et contraint sa femme à subir ses caprices : « mon mari s’est livré sur moi plusieurs fois à des actes contre nature, il me forçait à le souffrir me disant qu’il était le maître de faire ce qui bon lui semblait » 281. Un fort des halles parisien bat sa femme, dilapide son patrimoine, tente de lui imposer ses goûts amoureux : « mon mari m’a proposé de commettre les actes les plus ignobles et les plus obscènes qu’on puisse imaginer. Il voulait introduire son membre viril dans ma bouche. Il voulait se livrer sur moi à des actes de sodomie » et il triomphe même une fois de sa résistance « par violence » 282. Parisienne encore, une ouvrière supporte un vrai « martyre » avec un époux qui boit, découche, ne donne pas un sou et « a contracté des habitudes de pédéraste » qu’il satisfait en la bâillonnant « pour me soumettre », dit-elle, habitudes qui lui ont occasionné de « graves désordres physiques »283. « J’ai entendu les époux K. avoir des relations sexuelles », rapporte une ménagère de Tonnerre, voisine d’un couple ouvrier, « j’ai l’impression que ces relations sont anormales en ce sens que le mari doit aborder sa femme par derrière », car celle-ci pleure et crie : « tu me fais mal », propos confirmés par cette dernière qui porte plainte contre son propre époux pour outrage à la pudeur284. Que dire de cette infirmière cannoise longtemps victime de son ignorance jusqu’au jour où découvrant la vérité et assimilant sodomisation et sévices, elle demande le divorce pour cette seule raison arguant que « son mari lui imposa des relations contre nature et qu’étant enceinte de trois mois, elle supporta ses exigences, ignorant d’ailleurs que son mari commettait un mensonge en lui affirmant que ce genre de rapports était commun à toutes les femmes mariées. Que lors de son accouchement en avril 1925, la demanderesse subit des souffrances exceptionnelles qui attirèrent l’attention du médecin. Qu’elle apprit alors qu’elle avait été victime de violences anormales de la part de son mari » 285. La sodomisation est définie par toutes les femmes comme une agression. Toutes se plaignent des séquelles physiques. « J’ai ressenti de très fortes douleurs au derrière. Je ne me suis pas même guérie », se plaint l’ouvrière ardéchoise286. Certaines attribuent même à ce coït jugé vicieux les maladies les plus diverses287. Le refus féminin découle donc de raisons jugées objectives. De plus, la sodomisation, par le désir d’humilier l’épouse ou d’une volonté de puissance, porte atteinte à la liberté féminine. Enfin, baillonnées, ligotées, battues par un mari désireux de parvenir à ses fins par la force, les femmes vivent un véritable viol. Il y a donc là, et pour toute la IIIe République, une dimension qui dépasse l’histoire des tabous et de l’érotisme.
Postures et mises en scène.
70Les notations sur les postures sont rares alors que les règles édictées par l’Eglise et les médecins sont strictes288. En effet, il faut surprendre le couple en action. Ce sont donc les amours à la sauvette qui sont les plus aisément dévoilées289. Les contemporains n’érigent pas en norme la décente position du missionnaire mais elle va de soi pour la plupart. Un marin de Toulon qui fait l’éducation sexuelle de sa petite-fille, la plébiscite : « pour avoir des enfants, il faut que la femme se mette en dessous de l’homme et que l’homme se mette dessus » 290. Adeline Geaudrollet dit plaisamment : « vous savez comme c’est dans la chanson qu’on dit : “le ciel de lit faut regarder..." »291. Mais les observateurs ne s’offusquent pas de rapports sexuels accomplis debout, ou « tantôt sur la huche, tantôt sur une chaise » selon l’inspiration d’un maçon de Ladapeyre (Creuse)292. A la campagne surtout, la chaise, la table et le pétrin servent souvent de support. La grange, le grenier, l’écurie abritent fréquemment les amours hâtives sur un lit de paille. Les citadins, en revanche, préfèrent le confort d’un lit mœlleux ou, pressés par le temps, opérent debout. Une mécanicienne en chaussures parisienne varie les positions afin de préserver éventuellement la belle ordonnance de sa coiffure : « je me suis placée contre le lit et me suis mis à plat ventre dans la position que je prenais quand nous avions des relations intimes étant tout habillés »293. C’est une position toutefois inusitée, perverse pour beaucoup et qui n’est sinon mentionnée que dans trois cas de viols incestueux et tardifs294.
71De même, seule de son espèce, une cuisinière nîmoise, accepte que son amant, un aubergiste, la fouette : « c’était par sensualité et pour donner du piquant à nos relations. (...) C’était par vice qu’il agissait ainsi et je le laissais faire parce j’étais prête à tout pour lui laisser satisfaire sa passion »295. En revanche, placées dans la même situation, deux épouses légitimes – une Parisienne et une Versaillaise, toutes deux couturières – s’insurgent. « Votre mari n’avait-il pas pour vous une passion excessive ? » demande le juge de Versailles, « Oui, Monsieur, à tel point qu’après m’avoir battue, il réclamait l’exercice du devoir conjugal. Je refusais, mon refus entraînait de nouvelles scènes », expose l’une d’elles296. Quant aux stimulants extérieurs : images, livres et objets pornographiques, ils ne sont mentionnés que dans 13 dossiers et un seul fait état d’une mise en scène raffinée du plaisir. Une riche bourgeoise mariée et que son amant, un hôtelier lyonnais, trompe avec une caissière, rencontre sa rivale qui lui donne sur sa liaison « des détails qui m’ont littéralement suffoqués », dit-elle au juge. Pressée de s’expliquer, elle s’y refuse d’abord par pudeur – « je vous prie de me dispenser de les donner » – avant de s’exécuter : « Melle B. est venue me dire que R. en avait assez de ma façon de faire l’amour en femme du monde. Elle a ajouté que c’était un homme à position aimant les poses plastiques, qu’il aimait à la faire mettre à genoux devant une glace pour faire l’amour dans les cheveux. Comme je me récriai en lui disant que c’était dégoûtant et devait bien lui salir les cheveux, elle m’a répondu qu’avec un jaune d’œuf elle se nettoyait facilement »297.
72De 1870 à 1940, il est incontestable que les interdits sexuels s’érodent, pour les couples illégitimes et expérimentés d’abord, pour les conjoints et les jeunes gens ensuite, en ville dès 1870, à la campagne rarement avant l’entre-deux-guerres. S’effacent d’abord les règles de bienséance : la sexualité tardive, entendons des quadragénaires et des quinquagénaires et non du grand âge, la nudité, le baiser sur la bouche se généralisent. Les femmes semblent même tolérer les caresses buccales à l’extrême fin de la période. En revanche, la réalisation de certains fantasmes masculins – fellation, sodomisation – qui placent la partenaire dans une position de soumission, suscitent la résistance des femmes mariées comme des célibataires, parfois même des maîtresses affranchies. Le dégoût, la peur de la douleur, le refus du pouvoir marital motivent plus sûrement ce refus féminin que les interdits religieux, sans doute méconnus, ou les prescriptions médicales, limitées principalement à la bourgeoisie. La pudeur a aussi son rôle qui s’offusque d’un érotisme trop poussé, assimile raffinement sexuel et débauche. Au reste, le tanneur de Moulins-la-Marche (Orne), un « homme manquant d’humanité » qui aime à persécuter les faibles, tourne en ridicule la foi de son épouse et la traite en prostituée : « je la retenais d’aller à la messe en lui disant veux-tu faire une passe ? »298. En 1930 encore, l’épouse d’un marin breton condamne la même dérive : « depuis quelques temps, ce n’était plus mon devoir d’épouse qu’il me demandait mais il m’obligeait à commettre des horreurs » 299. Néanmoins, il y a bien érotisation du couple comme le note Gaston Lucas : « j’estime que marié, il faudrait traiter sa femme de deux façons, en épouse la plupart du temps et comme maîtresse de temps en temps » 300. Dans la quête du plaisir, les ouvriers sont les plus précoces. Leur déracinement géographique, la profonde déchristianisation qui balayent les barrières éthiques, la conscience de la brièveté de l’existence les poussent à une recherche multiforme du plaisir. Pendant un temps, la conception du respect dû à l’épouse les retient de proposer à leur femme ce qu’ils font avec leur maîtresse ou une péripatéticienne. Puis, le pas est franchi d’autant que la ci-devant maîtresse devient souvent la femme légitime. Toutefois, cette exigence d’une vie sexuelle moins monotone se limite aux adultes blasés.
« Moi, je ne connais que les affaires normales »301
73Les caresses autorisées sont plus difficiles à étudier que les gestes interdits. Pour cerner le licite, il faut repérer non plus les dénonciations mais l’absence d’indignation et la platitude des énoncés. 276 dossiers permettent d’étudier les comportements les plus ordinaires. Ils présentent les mêmes distorsions que les affaires concernant les tabous sexuels avec la même prépondérance des villes et des milieux populaires302.
74Sur 276 protagonistes, neuf femmes seulement parlent de leur vie intime en terme de normalité. Leurs propos, tous postérieurs à la Guerre à une exception près, sont décevants, car ils se bornent à signaler la périodicité et la décence des rapports. « Au point de vue sexuel, il n’est pas “chaud” comme on dit. (...) Ce n’est pas un vicieux, du moins ne l’ai-je pas constaté », explique une ouvrière de Schiltigheim (Bas-Rhin)303. « Je n’avais jamais remarqué chez lui des tendances à la lubricité », affirme une institutrice de Thiouville (Seine-Inférieure) dont le mari est inculpé pour attentats à la pudeur sur ses élèves304. « En ce qui concerne nos rapports sexuels, ils ont toujours été normaux, au moins trois fois par semaine mais il lui arrivait de demander davantage et quelquefois, j’étais obligée de le retenir. Avec la vie qu’il menait, se levant tôt, travaillant toute la journée et rentrant parfois tard, je lui conseillais de se reposer », expose l’épouse d’un mécanicien d’Haubourdin305. Les femmes sont donc rassurées par un érotisme banal et des hommages suffisamment rapprochés. Malheureusement, elles ne décrivent ni la durée ni les préliminaires du coït.
75Caresses et baisers semblent néanmoins obligatoires. Je n’ai repéré que dix cas, tous relevés dans des affaires de viols, dévoilant une sexualité fruste et strictement génitale. Une domestique agricole de La Chapelle-Laurent (Cantal) décrit de la façon la plus lapidaire les relations imposées par un valet de ferme : « il s’est déboutonné devant, il l’a sorti et me l’a rentré » 306. Mais un seul, un ouvrier de Cahors, utilise l’argument de la célérité pour séduire une ménagère : « ce sera vite fait », promet-il307. Quelques préliminaires, fussent-ils peu inventifs, sont obligatoires. Preuve a contrario, l’initiation sexuelle brutale et hâtive, souvent confondue avec le viol et qui fut longtemps la règle en Lozère, commence à émouvoir les contemporains à la fin du xixe siècle308.
7666 affaires décrivent baisers et caresses. Dans 34 dossiers, il s’agit d’une liaison illégitime309. Pour le reste, nous sommes en présence de crimes sexuels mais les liaisons incestueuses et durables dont le quotidien rejoint les pratiques conjugales, l’emportent largement310. La typologie des préludes est courte. Les voisins d’une propriétaire de Briénnon (Loire) nous en livrent un bon aperçu, en décrivant les prémisses amoureuses entre cette épouse adultère et son jeune amant : « ils plaçaient la jambe l’un sur l’autre », raconte un témoin ; « elle lui lissait les cheveux, lui faisait des caresses et l’embrassait », ajoute un second ; « ils se trigoissaient, se pinçaient, s’embrassaient », précise un troisième ; « j’ai vu G. passer ses mains sous les jupes de la Fe B. Je les ai vus souvent s’embrasser. Non seulement, ils densaient mais ils se traînaient », s’indigne le dernier311. La simple caresse est mentionnée dans 14 dossiers. « Elle me cherchait, me prenait dans ses bras, me caressait », raconte un gardien de bureau parisien dont la femme, longtemps frigide, découvre les gestes de l’amour à cinquante ans312. La fille d’une épicière marseillaise se laisse tenter, sur les dires d’une amie, par « un monsieur qui, de près, était très charmant, qui avait les oreilles bien faites et qui savait très bien faire les caresses »313. Le baiser, licite dès la fréquentation, rythme à l’évidence la vie sexuelle et est cité 27 fois314. Un domestique de ferme, surprenant dans un champ de seigle un tisserand de Louviers avec une tisseuse, déclare qu’« il dévorait cette femme de baisers » 315. « Je te mange, je te dévore de baisers », écrit un amant épris des mêmes formules stérépotypées, à l’épouse d’un cabaretier de Croze (Creuse)316.
77Se mettre sur les genoux du partenaire est également banal. Un cultivateur de Varaire (Lot) affiche ainsi ses relations avec sa voisine, « tenant l’épouse B. sur ses genoux, il l’embrassait, la caressait de toutes façons »317. Une tailleuse marseillaise dépeint de la même façon le regain de passion conjugale dont fait montre son conjoint : « il me prodiguait beaucoup de caresses (...), me faisait asseoir sur ses genoux et me caressait »318. Caresser les seins est une invite sans équivoque, fréquente dans les relations extraconjugales qui regroupent l’essentiel des 28 mentions sur le sujet. Un fermier de Cervon (Nièvre) est interrompu dans ses avances par les parents de la jeune fille courtisée alors, dit-il, que « je lui maniai les tétons par dessus les robes » 319. Une métayère de Ciron (Indre) décrit les mêmes rapports entre une domestique et ses galants : « j’ai vu des jeunes gens lui passant la main sur les seins et l’embrassant, elle se laissait faire »320. Un manœuvre de Foisches (Ardennes) estime n’avoir pas dépassé avec une jeune servante les bornes de la décence : il l’a embrassée, lui a tâté les mollets et enfin, lui a « chatouillé seulement les seins »321. « Tu as su me griser par le parfum de ton baiser et il me semble que je sens encore sous mes doigts tes petits seins si fermes », écrit un cuisinier d’Eguzon (Loir-et-Cher) à sa bonne amie322.
78Mais la plus fréquente, avec 42 mentions, reste la caresse des organes génitaux, souvent évoquée par le mot « attouchements » ou le verbe « chatouiller ». Elle est universelle, citée par les épouses comme par les jeunes filles. Elle est accueillie sans plus d’émotion qu’un baiser ou un effleurement de la poitrine. Aussi une ouvrière de Joze (Puy-de-Dôme) se laisse-t-elle abuser dans le noir par leur pensionnaire, car il se comporte comme son mari : « dans mon sommeil, je sentis une main passer sous mes robes et toucher mes parties sexuelles ; ces attouchements durèrent assez longtemps, après quoi, je sentis la même main relever mes jupes jusqu’à la ceinture et aussitôt, un corps se jeta sur moi ; j’attirai sa tête pour l’embrasser », geste qui lui révèle une barbe inconnue323. Un cordonnier de Bagnolet qui courtise sa jeune voisine, gradue prudemment ses audaces : il lui demande d’abord si elle porte de « faux appâts », sa réponse – « c’est du vrai » – le porte à une caresse bien accueillie. Aussi, glisse-t-il les mains sous ses robes324. « Je lui ai fait des attouchements, je lui mettais le doigt dans... entre les jambes. (...) Je voyais bien que cela lui faisait plaisir », raconte un domestique parisien pour qui ce sont là des hors d’œuvre, destinés à vaincre les appréhensions d’une bonne : « c’était pour arriver à autre chose », avoue-t-il325. Ces caresses deviennent la règle après la guerre. Un journalier strasbourgeois ne se gêne pas pour passer en public les mains sous les jupons de sa femme et s’écrie que « ce n’était pas convenable mais cela n’est pas non plus un crime » 326. Un électricien de Vannes avoue un flirt poussé : « nous avons commencé à nous caresser. Je lui ai passé la main sur la poitrine et sous la jupe. Elle s’est laissé faire »327. Une bonne d’Agen nie avoir avorté mais n’exclut pas un accident, car, dit-elle, « quelquefois, en me caressant, il est possible qu’il y en ait un qui m’ait introduit le doigt profondément dans le vagin, provoquant involontairement l’avortement » 328. Les gendarmes de Carhaix (Finistère) qui surprennent les ébats d’un matelot et de sa future dans un pré, confirment l’extension de la pratique : « la femme a les vêtements relevés, les jambes écartées et les genoux en l’air, laissant apparaître ses parties sexuelles. L’homme fait à sa compagne des attouchements aux parties sexuelles » 329. Ces caresses génitales font même leur apparition dans les attentats à la pudeur. La fille d’un aubergiste accuse l’épicier de Weiterswiller (Bas-Rhin) de gestes indécents : il a voulu, explique-t-elle, « m’embrasser puis m’a touché les seins et les fesses également. Ensuite, il a passé la main sous ma jupe et m’a touché les parties sexuelles » 330. La fille d’une commerçante lyonnaise dénonce l’amant de sa mère venu, déclare-t-elle, « m’embrasser sur la bouche plusieurs fois, il m’a saisi les seins et a passé ses mains sous mes jupes et m’a caressé les organes génitaux »331. Certains pères incestueux se comportent même alors en amants attentifs comme ce domestique agricole normand : « il a commencé à m’embrasser un peu partout sur le cou et la figure », raconte sa fille, « il a commencé à me caresser la poitrine et petit à petit sa main est descendue sur mon ventre puis entre mes cuisses tout doucement, il a relevé ma robe et par dessus mon pantalon fermé avec un doigt, il s’est mis à me chatouiller tout en m’embrassant sur la bouche. (...) Mon père a fait cela pendant assez longtemps »332.
79Quelques femmes osent même prendre des initiatives et caresser leur compagnon. Au début de la IIIe République, seules s’y risquent les femmes d’expérience. Une fillette a vu la maîtresse de son frère, une ouvrière de Troyes mariée et plus âgée que lui, « la main de fourrée dans le devant du pantalon de mon frère et elle faisait aller la main comme si elle frottait quelque chose » 333. Une veuve et son jeune amant, cordonnier à Marseille, se font des attouchements publics : « elle avait ses mains sur les parties génitales de ce jeune homme en dessous du pantalon tandis que lui (...) avait les mains sous les jupes de la femme » 334. Mais dès la Belle Epoque, les jeunes filles commencent à s’émanciper. Ainsi, un voyageur de commerce de Lens qui, pour rassurer un ami inquiet de ses relations avec la fille mineure de son hôtelier, prétend se borner à d’anodines privautés : « je lui mets la main au c..., je l’ai pelotée mais ça ne va pas plus loin », doit avouer aux policiers qu’« il y avait masturbation réciproque » 335. La tendance s’accentue dans l’entre-deux-guerres. Un concierge clermontois, marié et quadragénaire, sait retenir une jeune fille de quinze ans par son savoir-faire ; il l’embrasse, lui fait retirer son pantalon : « j’éprouvais un certain désir », reconnaît-elle, « [il] m’a touché longuement les organes sexuels en me faisant toucher et secouer le sien » 336. Un cultivateur de Meyrals (Dordogne) évoque avec naturel ses rapports avec une paysanne : « nous nous sommes étendus et j’ai passé ma main sous ses vêtements pour caresser son entrecuisses. Elle me caressait ma verge à travers ma culotte »337.
80Les préliminaires sont stéréotypés, évoluent peu et si la plupart des notations ont été relevées dans la vie sexuelle extraconjugale, ils font l’objet d’un consensus. Les témoins ne s’offusquent pas sauf en cas de démonstrations publiques dans le cadre de liaisons extramaritales, voire incestueuses. Il y a donc tout lieu de penser qu’il s’agit là de la norme. S’il va de soi que l’homme propose, la femme a son mot à dire. Elle rend baisers et caresses et se risque parfois des gestes plus intimes. D’une façon plus générale et par delà le licite et l’interdit, l’épouse a le pouvoir de dire non, comme aux temps de la fréquentation. Elle ne s’en prive pas et bien des maris s’en plaignent. Inversement, elle peut solliciter en vain un mari trop « froid » ou, catastrophe, impuissant. Le décalage du désir engendre frustrations et récriminations tant masculines que féminines.
De la femme frigide à l’hystérique
Devoir ou corvée conjugale ?
81Les littératures romanesque et médicale commencent à évoquer au xixe siècle le caractère pesant du devoir conjugal. De fait, ce sont surtout les femmes qui utilisent cette expression mais neuf seulement rangent la sexualité dans la rubrique des devoirs, révélant ainsi un intérêt très modéré pour les plaisirs de la chair. Les maris en souffrent comme ce coiffeur de Selles-sur-Cher : « c’est à peine si elle voulait donner son consentement aux actes naturels que son devoir lui imposait »338. Les femmes, dans ce cas, considèrent qu’en se livrant à leur conjoint, même sans enthousiasme, elles ont rempli leur contrat. « Je cédai à ses désirs parce que le devais », dit sèchement une cabaretière de Labatie-d’Andaure (Ardèche) qui découvre, en revanche, le bonheur dans les bras d’un autre339. Alors que son mari se plaint : « ma femme était fatiguée d’avoir avec moi des relations sexuelles », une journalière de Vilaines (Sarthe) se défend d’avoir failli à ses obligations et avance pour preuve leur nombreuse famille : « je n’ai jamais refusé le devoir conjugal à mon mari puisque je lui ai donné sept enfants et que je suis enceinte du huitième » 340. « J’ai toujours eu régulièrement des rapports sexuels avec mon mari, parfois trois fois par semaine, et je n’ai jamais cherché à me soustraire à mes devoirs », déclare une ménagère de Haguenau, mariée depuis seize ans à un ouvrier341.
82Refuser le devoir conjugal constitue, toutefois, aux yeux de la loi, une faute grave, susceptible de motiver une séparation comme en témoigne ce jugement du tribunal de Châteauroux contre une journalière : « la de L. n’ aimait pas son mari, ne cachait pas son mépris pour lui, se refusait à l’accomplissement du devoir conjugal » 342. Cette obligation ne souffre que deux exceptions. Le coït peut être refusé si le conjoint se livre à des actes qui offensent la morale ou lorsque la santé de l’épouse l’interdit. La femme du cheminot arlésien, épuisée par dix grossesses et des rapports sexuels quotidiens, à la fois longs – de deux à quatre heures – et fatigants, s’écrie : « l’accomplissement du devoir conjugal me tue littéralement », d’où l’intervention d’un médecin auprès du mari pour modérer, vainement, ses ardeurs343. Tous les conjoints ne dénoncent pas cet état de fait. 15 couples vivent ainsi fraternellement. « Il ne me demande rien et de mon côté, je ne lui dis rien », résume une manouvrière de Villeneuve-sur-Yonne, mariée depuis trente-quatre ans et d’une chasteté absolue depuis deux années344. Mais, dans 101 dossiers, la mésentente sexuelle, éclatante, est difficilement supportée.
La femme entre passivité et dégoût
8364 femmes montrent dans l’intimité soit leur ennui soit, cas le plus fréquent, le dégoût que leur inspirent et l’acte sexuel et leur mari.
L’échec de la nuit de noces
84C’est au xixe siècle que se pose le problème de l’initiation féminine à la sexualité. Alors que les jeunes filles sont élevées en oies blanches, les médecins se prennent à redouter le traumatisme de l’amour physique. Ils commencent à évoquer l’incompétence masculine, découvrent les différences de libido entre hommes et femmes345. Sauter le pas reste difficile, nous l’avons vu pour les relations prénuptiales, mais je n’ai rencontré que cinq couples pour évoquer l’échec initial. Il est vraisemblable, en effet, que passée la première déception, les relations s’améliorent.
85La virginité paraît un redoutable obstacle pour les deux sexes. Entre cette tailleuse marseillaise et son mari, le désaccord naît de l’ignorance féminine et de l’impatience masculine : « j’avais épousé S. par amour et je croyais ce sentiment partagé par lui lorsque, le jour de la noce, au moment où nous nous sommes trouvés seuls dans la chambre nuptiale, j’ai éprouvé une certaine hésitation à me livrer à lui. Alors, il m’a brutalisée, frappée et j’ai cédé, en quelque sorte, à la force »346. Marié en 1885 à une jeune fille qui l’épouse par dépit amoureux, un cheminot parisien décrit une nuit de noces si catastrophique qu’elle suscite une médiation médicale : « le soir des noces, elle refusa de coucher avec moi et fut prise d’une attaque de nerfs ; elle tomba toute raide et je la portais à sa mère. Sur les conseils de sa mère, elle vint me retrouver le lendemain mais cette scène m’avait bouleversé et, pendant quinze jours, j’essayais de la posséder sans y parvenir. Elle se moquait de moi. (...) A son atelier, elle racontait que j’étais bon à rien, impuissant. Mes camarades aux chemins de fer se moquaient de moi si bien qu’un jour, je me déculottai devant eux pour leur prouver que j’étais un homme. (...) Ma belle-mère convoqua même un médecin, je me laissai examiner. Je racontais au docteur ce qui s’était passé. Il dit à ma femme que c’était à elle de réparer le mal qu’elle avait causé. Elle me fit quelques caresses et, une nuit, je parvins à avoir des relations avec elle »347. Sexologue avant la lettre, ce praticien traite le couple mais, un quart de siècle plus tard, cette épreuve reste douloureuse pour la virilité masculine. Un propriétaire de Vauvert (Gard), remarié avec une femme de trente-sept ans sa cadette, se heurte au même problème : « elle lui interdisait l’accès de sa chambre », si bien que malgré « toutes ses tentatives faites avec délicatesse (...) il n’a pu obtenir aucune faveur conjugale »348.
86Louise, une ouvrière lilloise, atteste la persistance de ces difficultés dans l’entre-deux-guerres. Après ses premiers rapports avec son mari à quinze jours du mariage, elle fond en larmes, l’invective : « grande brute, sauvage », et avoue ses désillusions : « eh ! bien c’est ça le grand frisson, le septième ciel ? (...) C’est comme ça l’amour ? C’est bon avant quand on s’embrasse mais pendant aïe ma mère » 349. Gaston Lucas fait la même expérience mais inversée : « avec ma femme, là tout de suite ça s’est présenté un peu difficilement. C’est pas qu’elle manquait de tempérament seulement quand je l’ai eue elle était vraiment vierge alors la première fois le jour qu’on s’est mariés j’ai été obligé d’abandonner j’ai pu y arriver que le lendemain » et il tire de son expérience des conclusions générales sur sa jeunesse : « vous aviez des tas d’hommes dans le temps qui arrivaient au mariage à vingt-huit ou vingt-neuf ans et qui n’avaient seulement jamais couché avec une femme alors ils s’y prenaient bestialement ils s’occupaient même pas qu’une femme doit prendre du plaisir aussi c’était leur plaisir à eux qui comptait et la jeune mariée ça la choquait pour le restant de ses jours » 350. Innocence féminine, maladresse et égoïsme masculins se conjuguent pour engendrer la faillite sexuelle. L’épouse déçue se venge en se moquant de son conjoint, parfois en le trompant ou en boudant. Ainsi la tailleuse marseillaise déçue par son mari « a cessé de lui faire aussi bon visage qu’ auparavant » 351.
« Quand je l’embrassé elle tourné sa figure dans un autre coté en me disant “tu me dégoûte” »352
87Le plus souvent, la mésentente dépasse le problème conjoncturel des noces et s’ancre sur des griefs latents mais puissants. Dans les milieux populaires urbains, les femmes ne subissent pas passivement, loin s’en faut, les caresses maritales. Elles n’hésitent pas, comme s’en plaint ce cordonnier de Bagnolet, à refuser brutalement les hommages de leur conjoint. Les dysfonctionnements de la sexualité féminine sont décrits pour moins de 3 % des femmes étudiées dans la base de données. La situation est statistiquement marginale mais, par l’étude des motifs invoqués, elle permet de mieux comprendre les inhibitions et refus. Les effets d’une éducation trop prude, la néantisation des désirs féminins semblent jouer un rôle limité. Ce sont les facteurs matériels et affectifs qui l’emportent.
88Certes, dans quelques dossiers, les hommes évoquent leur frustration sans l’expliquer. Un flotteur de Clamecy se jette sur sa femme dans un accès de « fureur érotique », selon un témoin, ce qu’il confirme, vexé par son indifférence après deux mois d’absence : « ma femme m’a reçu froidement, ne m’a même pas embrassé et n’a accepté aucune des caresses que je voulais lui faire »353. Un propriétaire de Beine (Yonne), âgé de cinquante-deux ans, nie le viol d’une jeune fille et « pour montrer sa vertueuse continence, déclare (...) qu’il y a plus de quinze années qu’il a eu de relations avec sa femme » 354. Certains s’adonnent à une sexualité compensatoire. « Comme je ne puis avoir de rapports avec ma femme, il m’arrive quelquefois de me masturber », avoue un vigneron de Brienon (Yonne), inculpé d’attentat à la pudeur355. Et un retraité de l’arsenal de Lorient viole sa petite voisine parce que « sa femme ne voulait pas le “satisfaire” »356.
89Le plus souvent, néanmoins, les femmes justifient leur refus. Deux arguments l’emportent, étroitement liés du reste : le manque d’affection et le dégoût physique. Une couturière bordelaise est d’emblée rebutée par son second conjoint, un agriculteur ardéchois : « il était sale et dégoûtant », infesté de « morpions », et surtout, « il a osé jouir de moi malgré mes refus formels » 357. Les dissenssions sexuelles entre le cordonnier de Bagnolet et sa femme sont connues de tous : « quelle malheur elle m’embrasse d’un air de dégoût quelquefois je fesait toute même comme d’autre foi je me retiré en m’écriant ses malheureux tout de même d’avoir une femme et ne pas pouvoir s’en servire », écrit le mari brimé qui sollicite l’aide de sa belle-mère : « le soir elle ne me refuse pas mais le lendemain, elle en a trouvé des prétextes (...) elle prenait sa chemise et elle la passé entre ses jambes et tu nira pas voila les procédés moi je me fâche » 358. Ce cas exemplaire dévoile avec une netteté particulière le lien entre plaisir, désir et amour. Une giletière marseillaise qui n’hésite pas à faire des « parties carrées », exprime avec virulence la répugnance que lui inspire son mari : « il me dégoûte cet homme là, je le tuerai » 359. Le gardien de la paix parisien, qui nous a livré le récit de son éprouvante lune de miel, subit, des lustres durant, les avanies d’une femme frigide faute d’amour : « quand je voulais avoir des relations intimes avec elle, elle me disait “je suis fatiguée” ou bien “laisse moi tranquille avec ces saletés". (...) Quand par hasard, nous avions des relations, elle tournait la tête me disant : “ce que tu es long, dépêche-toi". C’était au point que, parfois, je me retirais avant d’avoir fini » 360. Une gérante de magasin d’Hyères qui déteste son mari, clame qu’« elle ne voulait pas le recevoir sans son lit parce qu’elle prétendait qu’il sentait mauvais » 361. Une employée de Lorient qui fait une fin, estime son mari, ne lui connaît pas de « vices » mais il « ne lui plaisait pas » et elle s’avoue trahie par son corps : « il n’y a que cette question de dégoût que je ne pouvais pas prévoir »362.
90Le mari sexuellement grossier, brutal ou maladroit suscite également, quoique moins souvent, des réactions hostiles chez sa femme. Une tapissière parisienne raconte à son amant « que jamais elle ne resterait plus avec R. pour lequel elle manifestait une aversion profonde », au motif que « son mari, dans ses rapports avec elle, était d’une grossièreté répugnante » 363. Une peaussière également parisienne tire sur son époux, car rentré ivre, « il l’avait forcée à subir ses caresses » 364. Une modiste de Deville (Ardennes) n’aime pas son mari mais incrimine aussi de piètres prestrations amoureuses : « je ne pouvais vivre avec mon mari parce que je ne l’aimais pas et je le détestais à un tel point que je me refusais à avoir des relations sexuelles avec lui et ceci parce que chaque fois qu’il m’habitait, il me faisait souffrir et aussi parce qu’il employait des manières brutales »365. « Depuis quelque temps, ma femme me repoussait, me disant : “tu me pues au nez, tu me dégoûtes’’ », rapporte l’électricien de Rosendaël, en bute aux rétorsions d’une épouse qui refuse le coït buccal366. La violence que se permettent les femmes pour repousser leur conjoint et que dévoilent les archives, se vérifie aussi dans les souvenirs. Adeline Geaudrolet esquive sans égard les avances maritales et aligne des excuses aussi diverses que dilatoires : « mon mari me disait en se couchant : T’en veux ce soir ?
– Oh ! tu me fais suer, tu as qu’à aller te promener, moi je suis fatiguée.
– Ah !
– J’ai les drôles, j’en veux pas d’autres, tu me vasses. C’était toujours mon mari qui me demandait.
– Alors, on y va ce soir ?
– Non, tu as bu. Quand tu ne boiras plus, on en reparlera » 367.
91La déception latente éclate au grand jour lorsque la femme compare le mari mal aimé à l’amant adoré. Un paysan de Broussey-en-Blois (Meuse) porte plainte contre sa femme pour adultère et se lamente que « toutes les fois que je voulais jouir de la vie avec elle, elle s’y refusait disant que je ne la toucherais plus »368. Un propriétaire normand soupçonne l’infidélité de son épouse, car, expose-t-il, « elle me manifestait des répugnances visibles » et n’a plus pour lui « la même affection que par le passé », soupçons confirmés au bout d’un an d’abstinence absolue369. Un demi-siècle plus tard, les sentiments sont identiques. L’amant d’une employée lyonnaise écrit au mari bafoué pour lui faire connaître les propos que sa femme colporte sur lui : « elle m’a répondu il me dégoute je peux plus le voir ce vieux il est trop vieux (...) tu sans mauvais de la bouche (...) tu est sale comme tout tu mes plein de merde à tes chemises tu te torche pas le cul »370. La femme qui n’aime pas son mari se polarise sur ses défauts physiques, sur son âge. Elle scrute ses manières publiques et intimes, ne supporte plus l’haleine de l’ivrogne ni la hâte de l’égoïste. L’injure fleurit alors et les gestes volontairement blessants. Les femmes font lit à part et serrent les jambes, représaille plusieurs fois signalée et très humiliante pour les hommes. Un manœuvre de Beuvry (Pas-de-Calais) en vient même à battre son épouse pour ce motif : « si je suis allée la trouver à son lit, c’est parce qu’il y avait longtemps que je n’avais plus satisfait mon désir mais elle n’a pas voulu et a serré les jambes » 371.
92Le temps qui passe et l’âge qui use le désir ont aussi leur part de responsabilité dans les litiges conjugaux. Une domestique, importunée par son patron, un propriétaire de Sauchay (Seine-Inférieure) âgé de soixante-quatre ans, le rabroue et comprend alors le fin mot de ses assiduités : « il voulait à toute force coucher avec moi mais je ne me gênais pas pour l’envoyer voir sa femme. C’est alors qu’il disait : elle n’en veut plus ma femme, elle est trop vieille » 372. Entre un journalier de Raismes (Nord) et son épouse, il est difficile de savoir qui est le plus lassé des deux :
« – Mon mari a menti lorsqu’il prétend que je n’avais pas de rapports intimes avec lui quand il me le demandait : je ne lui ai jamais refusé cela.
– Je n’allais pas souvent avec ma femme qui me refusait quelquefois.
– Mon mari disait qu’il lui fallait du jeune (sic).
– C’est peut-être vrai (sic) »373. « Ma femme était fatiguée d’avoir des relations avec moi et c’est ainsi que nous sommes tombés d’accord pour que j’aie des relations avec sa fille », prétend un journalier de Villaines (Sarthe)374.
93Les obstacles matériels jouent également leur rôle et imposent une retenue souvent pesante. La maladie, à l’évidence, rend parfois impossible un commerce conjugal normal. La grossesse et les relevailles constituent les principales contre-indications avancées. A un paysan de Courdemanche (Seine-Inférieure) qui se plaint de l’attitude de sa jeune épouse : « ma femme me tournait le dos de suite, me boudait, me repoussait. (...) Le 1er janvier 1876, au lit, ma femme n’a pas voulu me faire amitié, j’étais mécontent, (....) elle me refusa ses étrennes qu’on se donne si tendrement quand venait ce jour là », le médecin prône patience et retenue : « bien des femmes souffrent au début de leur grossesse et ne cèdent qu’avec peine aux ardeurs de leur mari », explique-t-il au mari ignorant qui s’étonne alors seulement du prude mutisme de son épouse : « elle aurait pu me communiquer ses pensées » 375. Plus grave, malgré les recommandations du médecin traitant et un accouchement à séquelles, le mari d’une commerçante mancelle passe outre, à la grande amertume de son épouse qui « se plaignait que son mari n’avait pour elle aucune délicatesse et même aucune crainte de la faire souffrir » 376. Compréhensif, en revanche, un capitaine de la marine marchande marseillais cède aux injonctions de la Faculté : « pour des raisons de santé et par ménagement pour ma femme, j’ai dû cesser tous rapports conjugaux avec elle »377. Ces prescriptions se multiplient dans l’entre-deux-guerres, à la fois pour la grossesse et les maladies dites féminines. « Je n’avais depuis quelques temps que très rarement des relations avec mon mari. Je ne voulais pas en avoir car j’étais enceinte », expose une journalière de Villeny (Loir-et-Cher)378. L’ovariotomie est deux fois invoquée pour justifier la fin des rapports conjugaux. Humiliée, une paysanne de Batz (Morbihan) subit les préjugés masculins en la matière : « mon mari m’a déclaré que l’opération que j’avais subie ne me permettait plus de satisfaire pleinement ses désirs sexuels » 379. Deux Alsaciens voient même dans l’indisponibilité maladive de leur épouse une excuse à leurs penchants incestueux comme ce serrurier de Schiltigheim (Bas-Rhin) : « j’ai manqué de la force de volonté nécessaire pour résister à mes désirs sexuels qui étaient d’autant plus forts que je ne pouvais plus avoir de relations intimes avec ma femme à cause de sa maladie de l’abdomen » 380. Quelques maris, toutefois, ont du mal à admettre ces contraintes. Un charron de Corbeil menace sa femme d’un rasoir, « parce que, étant enceinte, je me refusais à lui », témoigne celle-ci381.
94Il est vrai que la fatigue ou les les injonctions médicales couvrent élégamment le refus sexuel. Ainsi, la femme d’un tonnelier versaillais s’abrite derrière ce rempart : « elle craignait pour sa santé, tant à cause de la délicatesse de sa constitution que d’une infection éventuelle », mais en fait, « la fe B. a de l’antipathie pour son mari. (...) Le devoir conjugal lui était devenu odieux » et sa frêle constitution ne lui interdit pas de prendre pour amant un jeune abbé italien382. Un mineur de Waziers (Nord) laisse d’ailleurs percer son scepticisme : « elle n’entendait pas se laisser habiter par moi, “se disant malade” » 383. Les femmes invoquent parfois la fatigue, excuse d’autant plus crédible que le temps de travail peut être très long. « Mon mari paraissait mécontent du peu d’empressement que je mettais à me donner à lui, je lui expliquais, sans jamais me refuser à ses exigences, que j’ étais fatiguée par mon travail journalier et que je n’avais pas une forte santé mais il insistait en déclarant qu’il avait un tempérament très ardent », expose une ouvrière strasbourgeoise384. Le manque d’amour, la répulsion physique, l’affadissement du désir expliquent la plupart des mésententes intimes mais les aléas de la vie quotidienne freinent aussi la l’épanouissement sexuel.
95Restent les épouses qui rejettent moins le conjoint que l’acte sexuel lui même. Une seule, boulangère à Draguignan, invoque comme preuve de son irréprochable conduite une frigidité congénitale : « elle n’avait pas eu un grand mérite étant conformée de telle façon qu’elle ne trouvait aucun plaisir dans les rapports sexuels » 385. Dans tous les autres cas, le discours féminin est biaisé. Les jeunes célibataires qui se croient amoureuses de leur futur mari, voient dans le coït une formalité pesante. Une enjoliveuse stéphanoise se laisse séduire par un étudiant qui la comble mais à une réserve près : « ce qui m’ennuie, disait-elle, c’est de coucher avec lui » 386. Une couturière de Livry-Louvercy (Marne) s’abandonne à un paysan marié qui lui promet de divorcer mais avoue, avec des circonlocutions épistolaires, son insatisfaction : « tu as dit que j’avais un air moqueur et un de dédin Non, mon chéri ; tu t’as trompé. Je te dirai que je n’étais pas satisfaite de la nuit dont ont avais passer la veille, je sais très bien, que c’était de ma faute mais je ne suis pas toujours heureuse (...) tâche de m’excuser de l’impolitesse que je t’ai fait hier »387. Une domestique parisienne raffole des mots doux et des lettres mais pour le reste, explique-t-elle, « je ne voulais pas, cela m’ennuyait » 388. L’épouse d’un bonnetier de Chaumont (Oise) provoque des disputes afin d’imposer une abstinence de rétorsion : « ma femme me délaisse la plupart du temps, le soir elle me cherche des raisons et, ensuite, au lieu de coucher avec moi, elle va coucher dans une pièce voisine », se lamente son mari389.
96Installées dans la routine conjugale, les femmes critiquent dans ce cas la fréquence excessive des rapports. Certains hommes, il est vrai, ont une sexualité exigeante. Couturière à Lille, « la fe S. a raconté à ma mère que Victor S. s’était montré vis-à-vis de sa femme plus empressé que jamais ; il avait avec elle des rapports sexuels tellement nombreux, paraît-il, que cette malheureuse s’en plaignait, plus de vingt par semaine », rapporte leur voisin390. « Notre union ne fut pas heureuse », déclare l’épouse du mineur de Waziers, « d’abord parce qu’il s’enivrait constamment et lorsqu’il était dans cet état, il fallait constamment que je me livrasse à lui jusqu’ à extinction de mes forces et à tel point que, plusieurs fois, je perdis connaissance à la suite de ces excès »391. « Il était porté pour le sexe, sa femme m’avait dit que son mari lui était toujours après, qu’elle avait peine à lui suffire », raconte le voisin d’une ouvrière en soie de Rozier-en-Donzy (Loire)392. Une décoratrice parisienne incrimine surtout le décalage des tempéraments et le manque d’égards : « pendant les premières années du mariage, il lui fallait des rapports sexuels trois à quatre fois par jour ; s’il revenait déjeuner près de moi, il lui fallait encore des rapports. Maintenant encore, il prétend ne pas pouvoir rester plus de deux jours sans rapports sexuels. De mon côté, je ne suis pas frigide mais je ne puis supporter la brutalité pure, je suis sentimentale et lui vicieux », entendons adepte d’une sexualité strictement génitale393. « Mon mari a toujours été très excité au point de vue sexuel et je devais me plier à ses exigences à toute heure de jour et de nuit », soupire une journalière de Terrasson (Dordogne)394. Dans ce domaine, il est difficile d’évaluer le rythme accepté par les femmes. 18 seulement donnent des précisions chiffrées. Une douzaine semble s’accommoder d’un rapport sexuel tous les jours ou tous les deux jours. Six seulement parlent, et toujours avec rancœur, de plusieurs coïts quotidiens. Ces épouses qui souvent sont attachées à leur mari, se plaignent néanmoins d’une vie sexuelle insatisfaisante, car trop intense, dépourvue d’attentions romantiques et peu respectueuse de leur propre plaisir.
97Enfin, le refus sexuel peut devenir une arme que les femmes utilisent pour exercer des représailles contre leur conjoint. Une agricultrice de Saint-Christophe-le-Jajolet (Orne) punit ainsi un mari alcoolique et jaloux : « depuis le mois de février, nous dit C., elle lui refusait catégoriquement tout rapport conjugal »395. Une ménagère pardonne à son mari, un entrepreneur de transport de Perpignan, l’infidélité qu’il lui a faite dix ans plus tôt mais, précise-t-elle, « depuis cette époque, nous n’avons plus de relations » 396.
98Le rejet de la sexualité matrimoniale constitue une permanence de la vie féminine, sans qu’on puisse déceler la moindre évolution pendant la IIIe République. Il génère rancœur sourde, éclats et ruptures. 20 % des maris rebutés se livrent à des violences physiques sur l’épouse rétive397. Un sur trois recherche des compensations adultérines, principalement ancillaires et enfantines398. Cependant, l’échec sexuel reste le plus souvent informulé puisque seuls les couples de la France la plus moderne et la plus individualiste, éprise de bonheur conjugal, étalent leurs déconvenues intimes399. Les exigences sexuelles ne sont pas cependant réservées aux hommes. Il est des femmes au tempérament ardent que leur mari ne peut satisfaire et d’autres qui vivent aux côtés d’un homme « frigide ».
Demande sexuelle et frustrations féminines
99Néanmoins, les femmes qui aspirent à une sexualité inventive ou intense rongent plus souvent leur frein en silence que les épouses frigides, alors que rien socialement ne les distingue400. En effet, si l’opinion admet qu’une femme critique les initiatives de son conjoint, elle est prompte à assimiler la légitime satisfaction des besoins féminins à un tempérament hystérique.
« On disait qu’elle a une fureur utérine » 401
100Les contemporains comme ce cafetier limougeaud rapportant les ragots sur sa femme de ménage mariée mais volage, laissent longtemps aux praticiens la nomenclature de l’« hystérique » et préfèrent dénoncer en terme de « fureur », de « passion », voire de « folie », l’audace, la demesure dont fait preuve la femme amoureuse de l’amour402. L’incompréhension entre observateurs et protagonistes est totale, affectant indifféremment célibataires et femmes mariées403. L’affirmation publique des appétits sexuels chez la femme reste scandaleuse aux yeux de l’opinion jusqu’aux années 1930. D’une journalière de Nocé (Orne), une voisine déclare : « c’est une bonne fille. On ne lui reproche qu’une chose, c’est d’aimer passionnément les hommes »404. Un médecin décèle des « crises hystériques » là où une jeune bourgeoise parisienne fantasme à la veille de ses noces dans une confession à mi-chemin de la fiction et du journal intime : « que de fois, tourmentée par la fougue de sa nature, par l’éveil de ses sens surexcités, n’avait-elle entouré de ses beaux bras blancs un amant bien aimé. C’était un rêve sans doute » 405. Un demi-siècle plus tard, le discours est pratiquement inchangé. « Elle avait une réelle passion pour les hommes, tous lui plaisaient et elle se donnait sans difficulté au premier qui se présentait », témoigne le patron d’une fille de ferme ardéchoise406. Domestique agricole à Carnac, une jeune fille passe pour « coureuse, vicieuse, recherchant la compagnie des hommes », bref, selon un paysan, « elle n’était pas simple d’esprit mais plutôt folle d’amour » 407. Tout au plus, le vocabulaire scientifique fait alors irruption dans la langue courante. Le maire de Venoy (Yonne) désigne une servante de sa commune comme « istérique » 408. Mariée à un ouvrier sucrier de Gerzat, la femme G. est « représentée hystérique, en outre de divers amants de passage, elle entretiendrait aussi des relations intimes avec son père », écrivent les policiers, à l’imagination débridée409. Plus éduqué, un clerc d’huissier de Chaville qui a fait de sa belle-fille sa maîtresse et tente par jalousie de briser son couple, écrit à son mari une lettre dénonçant les supposées turpitudes de son épouse en termes de pathologie sexuelle : « Germaine M., à la suite de ces débordements, de sa vie de noce et de ses nombreux amants qu’elle a eus et qu’elle aura malgré vous (ne vous en déplaise vous serez cocu), étant donnée sa nymphomanie utérine, sa fureur utérine, tout homme quel qui soit lui est bon quand ça lui prend »410.
101Les maris, les premiers concernés, s’avouent dépassés par les évènements. « Elle m’avait quitté pour prendre des amants plus aptes que moi à satisfaire à ses passions », constate avec amertume un mineur stéphanois411. Un garçon boucher d’Auxerre s’inquiète, quant à lui, de ne plus pouvoir travailler : « il aurait fallu que je fusse tout le temps auprès d’elle pour satisfaire ses exigences physiques » 412. Un cheminot du Tréport rejette sur les exigences de son épouse la responsabilité de leur désunion : « ma femme doit être hystérique ; elle est très passionnée, très portée sur l’homme ; elle n’est jamais satisfaite »413.
102Quant aux femmes ardentes, elles agissent mais sont peu nombreuses à parler de leurs besoins sexuels avant l’entre-deux-guerres. Très précoce, une couturière stéphanoise tient à sa voisine de « mauvais propos », « elle disait souvent : je suis jeune et je ne suis pas de bois »414. La femme d’un garçon boucher parisien qui s’ennuie de son amant, laisse transparaître une sensualité à fleur de peau : « je te dirai que j’ai beaucoup envie de faire l’amour, dieu que c’est long d’être séparée »415. Une bonnetière de Troyes, séparée de son mari, vit avec un manœuvre inconstant mais lui pardonne ses frasques, car, avoue-t-elle, « malgré ses défauts, je l’aimais beaucoup parce que nous étions tous deux d’un tempérament amoureux »416. Dans le même milieu libéré, une journalière de Saint-Parres-aux-Tertres (Aube), une veuve, déclare crûment à son propre fils : « je ne peux me passer d’homme »417. Accepter les hommages de son conjoint, prendre même quelques initiatives, trouver son bonheur dans la couche matrimoniale passe pour la règle en matière de sexualité féminine. En revanche, jusqu’à la fin de la IIIe République, les contemporains refusent que les femmes envisagent le sexe pour le sexe, à l’instar des hommes. La gent masculine laisse même transparaître sa crainte devant des débordements incontrôlables mais compatit avec les épouses délaissées.
« Je crois qu’il a tout les torts de ne pas coucher avec moi parce qu’il ne veut pas »418
103Cette bonnetière de Troyes porte plainte officiellement pour abandon de famille, en fait pour abandon sexuel. Si les épouses s’avouent excédées par des coïts trop fréquents, l’absence ou la rareté des rapports sexuels les inquiètent et les humilient, les privant de leur statut d’épouses.
104Huit femmes se sont unies sans le savoir à un impuissant et deux vivent dans une chasteté forcée avec un malade. Toutes s’en désolent. « Il était vis-à-vis de moi comme un frère et faisait preuve d’une réserve dont je lui savais gré mais dont j’ai eu plus tard l’explication. Ce n’est que plusieurs jours après notre mariage qu’il a tenté d’avoir des relations intimes avec moi. Si j’avais été demoiselle quand je l’ai épousé, je le serai encore », conclut une concierge parisienne qui épouse en secondes noces un garçon de café et s’en sépare rapidement419. Une cultivatrice de Machemont (Oise) raconte, aux dires des témoins fort gênés, « des choses dégoûtantes sur ses rapports avec son mari, que ça ne lui prenait plus maintenant que tous les trois ou quatre mois » 420. La femme d’un paysan d’Ozon (Ardèche), « un brave homme » pourtant, « ne se gênait pas pour dire que, son mari ne la satisfaisant pas, elle était obligée de s’adresser à d’autres hommes »421. L’âge produit des effets analogues. Un concierge parisien se défend d’avoir caressé une fillette, car, expose-t-il, « depuis longtemps, les femmes ne me font plus rien et ce qu’elle me disait et me montrait me faisait l’effet d’un cautère sur une jambe de bois (sic) », assertion confirmée par sa compagne depuis dix-huit ans : « T. n’avait plus, en effet, que rarement des rapports avec moi et encore... (sic) »422. La maladie, enfin, interdit une sexualité normale et certains hommes ont une telle inappétence sexuelle qu’elle peut être interprétée comme une anomalie médicale. Un serrurier d’Ilkirch (Bas-Rhin) reconnaît ses défaillances en termes généraux : « je ne suis pas “chaud” (warm) c’est-à-dire que je n’ai pas un tempérament sexuel exagéré », alors que sa femme rend compte d’un véritable calvaire : « lorsque je m’offrais à lui, il me répondait : “Tu n’as qu’à t’en chercher un autre”. (...) Il me dédaignait complètement »423. Malade sans doute ce paysan de Saint-Avit (Dordogne) que faute de mieux, l’on qualifie de frigide et qui suscite chez sa femme un désespoir meurtrier : « dès le début de mon mariage, au lit, mon mari était une véritable “bûche " (sic). Il se couchait sans rien dire et se levait de même, j’étais obligée de le supplier pour qu’il ait des relations avec moi (...) et il n’en aurait jamais eu avec moi si je ne le lui avais demandé. C’est un homme qui se foutait de ça », « à la fin, ça m’avait porté à la tête (...). J’ai souffert moralement et physiquement »424. Confrontées à de telles situations, les femmes pratiquent l’esquive. Elles quittent leur mari et le remplacent par un partenaire plus vigoureux. Toutes considèrent, en effet, qu’il n’est de mariage que consommé et s’alignant en toute ignorance sur les règles du droit canon, qu’un mariage blanc s’annule de facto.
105Mais il est pire encore, c’est d’être repoussée par un mari qui ne cache pas une visible répugnance. L’échec ne peut être, en effet, imputé à la nature mais à l’inaptitude de la femme à susciter le désir. Or, les épouses qui affrontent cette épreuve sont plus nombreuses que les femmes trompées sur la virilité du conjoint425. Six hommes seulement concèdent leur répulsion alors que les femmes mariées placées dans la même situation en informent autrui sans le moindre embarras. Un maçon de Sainte-Savine (Aube) ne cache pas ses sentiments, il « criait après sa femme et, le plus souvent sans motif ; il lui reprochait qu’elle était sale (...), enfin qu’elle le dégoûtait »426. L’entrepreneur de Moulins-la-Marche (Orne) qui n’aime plus sa femme se polarise sur un défaut physique : « ma femme avait l’haleine mauvaise. J’éprouvais plus de charme avec la Vve B. »427. Si elle ne se clame pas à voix haute par fierté, surtout chez les hommes mariés à une femme sans attrait, l’aversion physique ne s’exprime pas moins par des voies détournées. Alors que la maîtresse d’un journalier nancéen, marié à une femme défigurée par un énorme goître, récuse le rôle de cette infirmité dans l’infidélité de ce dernier : « je ne puis supposer que ce soit à cause de ce goître qu’il se soit fatigué de sa femme », une voisine questionnée par le juge laisse spontanément échapper la vérité :
« – La femme se conduisait-elle mal ?
– Oh ! non ! qui aurait voulu d’elle ? » 428. L’adultère et le mépris ostentatoire de certains conjoints traduisent sans doute les mêmes mobiles. L’épouse d’un rentier parisien se juge ouvertement humiliée par son époux : « en nous installant Boulevard Arago, mon mari avait fait disposer une chambre pour chacun de nous pour bien établir que la vie commune avait cessé entre nous » 429.
106Le démon de midi pousse également certains hommes à négliger une compagne vieillissante. Ainsi ce journalier de Sampzon (Ardèche), âgé de quarante-trois ans et marié à une femme de huit ans son aînée, confie « que depuis longtemps, il n’allait plus avec sa femme parce qu’elle était trop vieille »430. A cinquante-trois ans et après vingt ans de mariage, un journalier de Villedieu-en-Beauce (Loir-et-Cher), en fait possédé par une passion incestueuse, « s’est mis à changer tout d’un coup sous ce rapport » et explique à sa femme « que cela provenait de ce qu’il avait son retour d’âge »431. Rappelons que le journalier de Raismes (Nord) déclare que désormais, « il lui fallait du jeune (sic) » 432. La lassitude, le dépérissement de l’amour débouchent pour les hommes aussi sur l’étiolement du devoir conjugal et l’adultère.
107Les femmes, enfin, peuvent se plaindre de la maladresse de leur mari-amant. Encore faut-il qu’elles puissent faire des comparaisons. Etre jaugé, noté sur ses prouesses amoureuses est la hantise des orgueilleux. Pour ternir la réputation sans tâche de sa femme, le mari d’une repasseuse lyonnaise lui attribue un propos, en fait révélateur de ses craintes, elle lui aurait dit que « son père faisait bien mieux que moi. J’avais à ce moment des rapports avec elle » 433. En revanche, la femme d’un manœuvre de Châteauroux qui a pour amant un gérant de coopérative, avoue tromper son conjoint pour des motifs sexuels : « elle disait notamment qu’elle aimait cet ami, quoique beaucoup plus âgé qu’elle, car il lui donnait des satisfactions qu’elle ne pouvait trouver auprès de son mari » 434. Mais la recherche du plaisir n’est à l’époque jamais défendue comme un droit.
Recherche et légitimité du plaisir féminin
108Le plaisir et le désir de le faire partager sont même rarement évoqués435. De plus, ce sont les célibataires déviants des deux sexes, citadins et ouvriers, ceux-ci très précocement même, qui parlent seuls dans les quelques documents dont nous disposons436. Leurs témoignages traduisent néanmoins une propension croissante à valoriser le plaisir au détriment du besoin puisque plus de la moitié des mentions est postérieure à 1914437.
109Premier signe de la place nouvelle accordée au plaisir, celui-ci devient un argument de séduction dans une dizaine d’affaires. Un tourneur de Bourgoin (Isère) se guide sur les sensations qu’il procure à une jeune fille de treize ans pour se faire toujours plus pressant : « je lui ai demandé si je lui faisais mal ». Suite à ses dénégations, il s’enhardit et s’informe à nouveau : « je lui demandé si je lui faisais du bien » 438. Un commerçant aisé de Moulins (Allier) espère ainsi convaincre son employée : « Mr P. m’a caressé les seins. Je lui ai dit : “Laissez moi tranquille, que venez-vous faire ici ? ”. Mr P. m’a répondu : “ ne dis rien, laisse toi faire, je vais te caresser et tu verras que tu seras bien contente” » 439. Les violeurs même espèrent vaincre par cette promesse la résistance de leur proie. « Laisse toi faire, ça te fera du bien », dit un chaudronnier de Gagny (Seine-et-Oise) à une fillette440.
110Second signe, la revendication du plaisir partagé, la reconnaissance du plaisir donné. Un boulanger de Brignoles est un mari attentif : « ma femme n’est pas comme on dit vulgairement chaude (sic) mais comme toutes les autres femmes, elle éprouve des sensations plus ou moins prononcées suivant la disposition où elle se trouve. (...) Lorsque je la caresse, elle n’est pas insensible à mes caresses » 441. Même souci chez un veuf âgé comme en témoigne une mécanicienne parisienne : « ne pouvant avoir de rapports avec moi, il portait la langue à mes parties génitales pour me donner du plaisir », d’où l’étonnement du scribe qui souligne ce propos442. Un frotteur parisien écrit à sa maîtresse, une mécanicienne, une lettre sans équivoque : « vien ce soi à 8 heur (...) tu me trouvera pour renouveler nos petit plaisir que tu connet » 443. « Tu m’as dit plusieurs fois lors de nos rapprochements : “tu me fais mourir” », rappelle son amant à une cuisinière d’Alençon444. Même reconnaissance chez une servante de Puy valador (Pyrénées-Orientales) : « un jour que nous venions de nous livrer à des actes impudiques, elle me dit : “ça me fait du bien” », rapporte son amant, un domestique de ferme, cependant qu’une passante qui surprend leurs ébats dans un pré, traduit à sa façon et faute de mots adéquats, le plaisir partagé : « tous deux riaient de bon cœur et paraissaient contents » 445. Le gardien parisien décrit sa joie mais aussi sa stupeur, voire son inquiétude, en face du réveil sexuel tardif de sa femme : « ma femme se montra alors très gentille, aussi charmante et amoureuse qu’elle ne l’était pas autrefois. J’ai passé ma lune de miel à cinquante-trois ans, ma femme en a quarante-huit. (...) Elle éprouvait avec moi du plaisir qu’elle ne ressentait pas autrefois ; elle y allait bien deux fois pendant que je n’y allais qu’une. C’était tous les jours à recommencer. Elle était terrible. C’était un véritable volcan »446. Une paysanne d’Espinasse (Cantal) promet le septième ciel à un jeune Alphonse : « veux tu mon chéri goûter la jouissance du plaisir le plus Doux Dont on a la connaissance ? (...) Choisi selon ton gré une Amante (...) si tu n’est pas rebell à sa brûlante ardeur et si tu l’aime »447. Un soldat écrit à une coiffeuse de Ligny (Meuse) pour excuser ses médiocres performances : « il nous faudra chercher une autre chambre que celle que nous avions au Parc (...) car, véritablement, j’étais mal handicaper de faire l’amour comme nous le faisions et c’est cela qui est cause que je n’ai pas su mieux me faire aimer de toi » 448.
111Certaines célibataires entretiennent même des liaisons à des fins exclusivement sexuelles. Agée de treize ans à peine, une adolescente se laisse faire par un serrurier d’Annonay, marié et beaucoup plus âgé, pour le seul plaisir éprouvé : « dans les deux ou trois premières fois, il ne pouvait pas le faire entrer et il me faisait mal ; puis après, ça allait tout seul (sic), je sentais qu’il rentrait et je trouvais qu’il me faisait du bien (sic), aussi je ne me plaignais pas et je le laissais faire à son aise »449. « J’ai eu de temps en temps des relations sexuelles avec cette dernière qui me “relançait pour son plaisir” », raconte un journalier de Bollène (Vaucluse), l’un des amants d’une ouvrière qui confirme ses relations avec plusieurs jeunes hommes, « parce que je trouvais agréable le contact avec eux », dit-elle450. C’est poussée par le désir qu’une ouvrière strasbourgeoise s’abandonne à un contremaître le soir de Noël sur un talus : « Margueritte a éprouvé sa jouissance avant moi : j’ai remarqué cela aux signes que vous devez deviner », précise l’amant d’un soir451. « Chaque fois que nous avons eu des relations intimes tous les deux, nous en avons retiré le maximum de plaisir », avoue un paysan de Meyrals (Dordogne) qui a tenu secrète la liaison qu’il entretient avec une agricultrice fiancée à un autre452. Et la domestique d’Agen qui « adore faire l’amour » en devient presque amnésique, « car dans ces moments semblables, on fait abandon de sa personne »453.
112Les archives révèlent même les ruses du plaisir qui surgit, inattendu, de relations imposées par la force. « Il m’avait fait un peu mal en entrant mais, ensuite, je n’ai plus ressenti de douleur et j’ai même éprouvé un certain plaisir », explique une domestique de Montréal (Ardèche), forcée par son patron454. Malgré sa résistance, un domestique de ferme vient à bout d’une paysanne de Grand-Champ (Morbihan) qui avoue : « je n’ai pas eu de mal, au contraire, à un certain moment, j’ai ressenti du bien. Pendant qu’il était couché sur moi, il m’embrassait et je lui rendais ses baisers » 455. Et une ouvrière de Benfeld (Bas-Rhin), victime d’une liaison incestueuse mais « nullement honteuse de ce qui lui est arrivé, (...) dit volontiers : “faire cela est bon mais pas avec son père” » 456.
113Quoique non revendiqué, le plaisir féminin trouble, néanmoins, certains hommes. « Elle était terrible, c’était un volcan », dit le gardien parisien précité. Certes, sa fiancée n’est pas « vicieuse », reconnaît un monteur de Griesbach (Bas-Rhin), « cependant, je puis vous dire qu’elle éprouvait du plaisir chaque fois que nous avions ensemble des rapports sexuels » 457. « Cécile est plutôt bête mais je pense aussi qu’elle était vicieuse, je veux dire qu’elle éprouvait du plaisir dans l’acte sexuel », note un pianiste strasbourgois, son propre père458. Cette inquiétude est le plus souvent latente puisque d’une façon générale, il est admis que les femmes puissent avoir du plaisir. C’est même souhaitable pour la bonne entente du couple. Lorsque les hommes y sont attentifs, les femmes sont pleines d’espoir puis reconnaissantes. Si cet état d’esprit se répand, il est loin d’évincer, cependant, le comportement égoïste de nombreux maris. Mais même frustrées, les femmes exigent de leur époux une fidélité sans faille.
Fidélité masculine et jalousie féminine
114La jalousie féminine est le plus souvent objective. Lorsqu’elle repose sur des faits tangibles, elle affecte gravement l’entente sexuelle du ménage. L’offense la plus grave réside, cependant, dans la double trahison qui joint adultère et contamination vénérienne.
« Mon mari, peu de temps après notre mariage m’a communiqué une maladie vénérienne »459
115L’aveu de cette maladie, ici par la fille d’hôteliers marseillais, est toujours difficile. Les maladies sexuellement transmissibles véhiculent toutes sortes de peurs. Elles passent pour mortelles aux yeux de certaines femmes. Une journalière de Villereau (Nord) repousse son mari, le sachant malade : « il a voulu, malgré cela, m’approcher mais, comme il a la vérole, je n’ai jamais voulu, peur de mourir »460. « Croyez-vous que je voudrais d’un homme comme vous qui a fait mourir sa femme de maladie vénérienne », s’exclame une manouvrière courtisée par un vigneron de Montgesoye (Doubs)461. L’ombre du déshonneur est également omniprésente. Lorsqu’une femme de ménage limougeaude raconte à sa patronne que son mari l’a contaminée, celle-ci la traite en pestiférée : « je ne voulus plus entendre parler d’elle et je la renvoyai » 462. En 1926 encore, « pressentant une maladie peu honorable », la mère d’une postière nancéenne préfère examiner sa fille elle même, « ayant eu honte d’appeler un médecin que ma fille se refusait d’ailleurs à voir »463. Craintes et superstition se mêlent, conduisant même un mineur stéphanois à commettre un attentat à la pudeur sur une fillette à seule fin, dit le juge, de « tâcher de vous guérir de votre affection blennoragique, conformément à la fausse opinion populaire qui prétend qu’on se débarrasse de ce mal en ayant des rapprochements avec une femme vierge »464.
116Les maladies vénériennes sont relativement fréquentes puisque, quoique honteuses, elles sont mentionnées par 71 protagonistes465. Et contrairement aux hantises des médecins inquiets surtout pour la santé des célibataires, dans deux-tiers des dossiers, il s’agit d’un homme ou d’une femme mariés. Dans ce cas en effet, la propagation de la maladie prend de l’ampleur puisque trois personnes au moins peuvent être touchées. Elle peut être très rapide. Un camionneur marseillais, séparé de sa femme, menace ses trois maîtresses mais deux d’entre elles rompent au plus vite, la première « ayant détecté une maladie spéciale », la seconde alertée par ses fréquentations avec des « femmes de noce » 466. Autre exemple dans un milieu sexuellement instable : la fille d’une repasseuse antiboise avoue être affectée d’une « sale maladie » qu’un chauffeur de taxi lui a « passée » mais elle même « avait passé sa maladie à Honoré », qu’elle délaisse pour un troisième amant. Ce dernier a également « mal à son vie » mais, ajoute-t-elle, « nous nous sommes “donnés " quand même, car il avait mis des capotes » 467. En fait, les M.S.T. reflètent assez fidèlement le vagabondage sexuel d’hommes mariés et dans la force de l’âge, principalement citadins et ouvriers468. D’hommes surtout puisque sur 71 cas, douze femmes seulement et huit épouses jouent le rôle d’agent contaminant contre 42 maris.
117Les femmes sont profondément éprouvées lorsqu’elles découvrent l’affection de leur mari puis lorsqu’elles sont elles-mêmes atteintes. Une seule, pourtant mère de deux enfants, ignore la nature du mal dont elle souffre et est instruite par son médecin. Toutes les autres repèrent aisément les désordres occasionnées par l’infection. La contamination est toujours source de profondes dissenssions conjugales. Certaines se lamentent comme cette servante de Guéret : « mon mari me fait de la misère, il me renferme dans la maison, il ne veut pas travailler, (...) il est tout pourri » 469. D’autres en éprouvent un ressentiment si vif qu’il tue toute affection. La femme d’un propriétaire de Vievy-le-Rayé (Loir-et-Cher) vit ainsi en étrangère depuis dix-neuf ans aux côtés d’un mari qui « avait contracté pendant son service militaire une mauvaise maladie qui lui avait vicié le sang et avait communiqué cette maladie à sa femme » 470. Une lingère marseillaise fait de même mais se console avec un amant : « il y a un an que je n’avais pas de relations intimes avec mon mari. Ces relations ont cessé à la suite d’une maladie vénérienne occasionnée à moi par mon mari » 471. Cette réaction est courante puisque 10 des 42 épouses infectées trompent leur conjoint. 13 femmes, par ailleurs, y voient motif à rupture. Une couturière quitte son mari, aubergiste dans la Côte-d’Or, « parce qu’il m’a fait beaucoup de sottises », expose-t-elle, « je puis prouver par témoins que lui même est allé en ville, qu’il est revenu atteint d’une maladie honteuse »472. Une marchande foraine de l’Hérault rompt lorsque son époux, non content d’avoir une maîtresse, ose lui dire : « sabes, aï uno pisso-caudo. (...) Sais-tu un remède pour guérir ? » 473. La femme d’un forgeron havrais engage une action en séparation puisque son mari « découche et va passer ses nuits avec des filles de rien avec lesquelles il a contracté certaines maladies » 474.
118D’une façon générale et même lorsque leur santé n’est pas menacée par l’infidélité du conjoint, les femmes sont blessées par la trahison affective, souhaitant avoir la jouissance exclusive de l’homme qu’elles ont épousé.
Des femmes exclusives
119La jalousie, nous l’avons vu, est un sentiment sexué, plus masculin que féminin475. Aussi, les jalouses imaginaires sont-elles peu nombreuses. La jalousie féminine s’épanouit sur le terreau de l’évidente turpitude maritale. Dans ce cas, rares sont les protagonistes à dissimuler leur malheur, une sur dix seulement, comme la femme de ce représentant d’Auxerre : « mon mari n’était plus avec moi comme autrefois mais je ne veux rien dire de cette affaire, j’ai des enfants et je tiens à cacher mes peines » 476. La plupart avouent leur chagrin, leur désespoir ou s’indignent de l’« affront » reçu477. Quelques-unes, magnanimes, pardonnent par amour un écart qu’elles espèrent accidentel. Ainsi, cette domestique parisienne s’écrie : « je lui ai pardonné parce que j’ai pour lui plus que de l’amour, je l’adorais »478. J’ai même rencontré deux femmes complaisantes. L’épouse d’un verrier de Wallenheim (Bas-Rhin) qui, entre autres liaisons, fait ménage à trois avec sa belle-sœur, ne s’en offusque pas : « je n’ai vu aucun inconvénient à ce que mon mari prenne ma sœur comme maîtresse » 479. De telles faiblesses, toutefois, unanimement condamnées, sont exceptionnelles480. La grande majorité, en effet, traduit son mécontentement. Certaines épouses ne résistent pas au plaisir d’injurier la maîtresse, voire de lui crêper le chignon. Une vingtaine multiplient les scènes, suivent leur mari dans la rue, l’apostrophent devant un public alléché. Ainsi, dans ce « ménage à trois », selon l’expression d’un témoin, noué entre un couple de débitants et sa cuisinière, les disputes entre la femme et la maîtresse, entre la femme et son mari, entre l’amant, désireux de rompre, et sa maîtresse, régalent les clients qui disent jouir « d’un spectacle gratis sur le Boulevard » 481. Trois femmes vont jusqu’à engager un détective privé et une ancienne lingère lyonnaise va « fréquemment consulter des sorcières pour connaître l’inconduite de son mari »482. En revanche, deux protagonistes seulement avouent leur désir de se venger par justice interposée, l’épouse d’un manœuvre châlonnais menaçant même le Procureur de recourir aux gestes les plus extrêmes si diligence n’est pas faite : « je veux faire prendre mon mari indultaire (...) Je ferez justice moi meme (...) car me donner autant de mal que je me donne pour donner du pain à mes enfants je ne peut pas avoir plus longtemps tous ses meaux de cœur » 483. Dans la moitié des cas, cependant, l’épouse préfère la fuite ou la séparation aux éclats484. « J’ai quitté mon mari parce qu’il avait une maîtresse à laquelle il donnait de l’argent qu’il devait me remettre. J’ai dû le quitter parce que cette vie ne pouvait durer : des scènes fréquentes éclataient entre nous à propos de cette femme », raconte une couturière lyonnaise, représentative d’une réaction très répandue485. Ces départs sont, en général, couplés avec une action en divorce ou séparation486.
120Confrontées à la trahison de leur mari, 18 épouses, enfin, tentent d’assassiner l’époux volage ou sa complice. Ce chiffre est, cependant, grossi à la loupe par la source judiciaire, ces crimes passionnels restant exceptionnels et régressant rapidement après 1914487. Comme toutes les meurtrières, ces épouses violentes utilisent de préférence le revolver mais aussi le poison et le vitriol qui est l’arme préférée des femmes jalouses. Une concierge parisienne se livre à une escalade, des injures épistolaires à la maîtresse – « vous fréquentez un homme qui est marié, malheureusement pour vous c’est une passade, il vous oublie (...) Je ferai tout pour le garder »– aux pressions sur la mère de sa rivale – « je me mettrai entre leurs projets et je regrette qu’il y ait des filles inconstantes qui brisent les ménages et provoquent des malheurs »– et faute d’obtenir une rupture, elle tue la jeune femme : « j’étais folle, je n’étais pas dans mon état naturel » 488. Les inculpées expliquent leur geste par leur désespoir, assorti très souvent de considérations matérielles. En effet, l’abandon par le mari ou les dépenses qu’il effectue en faveur d’une maîtresse installée « dans ses meubles » déstabilisent le budget familial. Voyant « la fortune laborieusement acquise, gaspillée par l’influence fatale d’une fille de débauche » et, dit-elle, « indignée de l’hypocrisie de mon mari qui voulait me prodiguer des caresses », l’épouse d’un entrepreneur parisien va voir sa maîtresse, l’accuse de lui prendre son mari : « elle m’a répondu que c’était trop fort ; j’ai continué à lui adresser des reproches en lui disant qu’elle mangeait le pain de mes enfants, qu’ elle s’était vanté d’avoir fait dépense pour elle 7 500 francs à son amant et qu’elle causait notre ruine », puis elle tire489.
121Les femmes mariées accordent une grande importance à leur vie sexuelle. Pauvre, elle signe l’échec du couple. Trop intense, elle accable des tempéraments plus languides. Elle devient insupportable lorsque le mari n’est pas, n’est plus aimé. Son contact physique suscite alors la répulsion. Sa maladresse irrite. Sans le théoriser, les épouses aspirent à un plaisir honnête, né de douces paroles et d’attentions. Préliminaires, caresses – et beaucoup deviennent licites – sont nécessaires. Les femmes qui parlent de sexualité savent ce qu’elles veulent ou refusent. La répression sexuelle subie dès l’enfance, le bridage des élans féminins transparaissent peu dans les archives. Il est vrai que leur échappent les muettes, les résignées, les ignorantes même. L’échec affectif et sexuel mine, cependant, la bonne entente conjugale et bien des ruptures, de l’adultère au divorce, trouvent là leurs motivations profondes.
Notes de bas de page
1 Histoire de la vie privée, sous la direction de M. Perrot, t. 4, Paris, 1987, Ed. du Seuil, p. 540.
2 La prostitution, étudiée par A. Corbin dans Les filles de noces. Misère sexuelle et prostitution aux xixe et xxe siècles, Paris, 1978, Aubier, a suscité également ses archives.
3 Procès-verbal du juge d’instruction de la Seine : 10 décembre 1880, A.D., Seine, D2 U8 110.
4 Laisnel de la Salle, Le Berry. Mœurs et coutumes, Paris, 1902, Maisonneuve, p. 141.
5 Mémoire, s. d., 1904, A.D., Sarthe, 1U 913.
6 Trois lettres de ce type.
7 Lettre à son mari : 22 janvier 1884, A.D., Seine, D2 U8 157.
8 Lettre du 22 février 1894, A.D., Marne, 8U 289.
9 Requête en divorce : 16 février 1900, A.D., Gard, 6U14 305.
10 50 dossiers font état de caresses publiques mais 15 seulement concernent des couples légitimes.
11 Procès-verbal du juge d’instruction d’Avesnes : 28 décembre 1881, A.D., Nord, 2U 155/465.
12 Procès-verbal de police de Troyes : 23 janvier 1881, A.D., Aube, 5U 280.
13 Procès-verbal du juge d’instruction de Clermont : 22 mai 1871, A.D., Puy-de-Dôme, U 010809.
14 Procès-verbal du juge d’instruction de Thiers : 9 décembre 1873, A.D., Puy-de-Dôme. U 010820.
15 Procès-verbal de gendarmerie de Neuvéglise : 9 juin 1897, A.D., Cantal, 38 U 305.
16 M. Segalen, Mari et femme dans la société paysanne, Paris 1980, Flammarion, p. 51.
17 Voir M. Segalen, op. cit.
18 J.-L. Flandrin, Familles, parenté, maison, sexualité dans l’ancienne France, Paris, 1976, Hachette.
19 Soin que l’on retrouve partout, en particulier en Bretagne et en Bourgogne. Voir P.-J. Helias, Le cheval d’orgueil, Paris, 1975, Plon, et F. Zonabend, La mémoire longue. Temps et histoire au village, Paris, 1980, PUF.
20 G. Augustins et R. Bonnain, Les Baronnies des Pyrénées. Anthropologie et histoire, permanences et changements, t. 1 : Maisons, mode de vie, société, Paris, 1981, E.H.E.S.S., p. 182.
21 Voir le chapitre IV rédigé par A. Corbin dans Histoire de la vie privée, t. 4, op. cit. Sur la naissance de l’intimité, voir R. Sennett, Les tyrannies de l’intimité, Paris, 1979, Ed. du Seuil. Sur l’intimité imposée aux ouvriers dans les cités, voir plus haut chapitre 3 ; L. Murard et P. Zylberman, Ville, habitat et intimité (l’exemple des cités minières au xixe siècle). Naissance du « Petit travailleur infatigable », Paris, 1976, CERFI ; J. Donzelot, La police des familles, Paris, 1977, Minuit.
22 Voir chapitre 3.
23 19 protagonistes seulement font de telles déclarations dont 13 habitent une commune rurale.
24 Procès-verbal de gendarmerie de Neufchâtel : 19 janvier 1876, A.D., Sarthe, IU 893.
25 Procès-verbal de gendarmerie de Langeac, s. d., 1888, Haute-Loire, 4U 203/2.
26 Procès-verbal de gendarmerie de Josselin : 29 mars 1911, A.D., Morbihan, U 5512.
27 Procès-verbal du juge d’instruction de Vendôme : 17 octobre 1872, A.D., Loir-et-Cher, 2U3 89.
28 Procès-verbal de gendarmerie de Cazals : 10 août 1931, A.D., Lot, tribunal correctionnel de Cahors, liasse 337.
29 Procès-verbal du juge d’instruction de la Seine : 20 février 1879, A.D., Seine, D2 U8 78.
30 Procès-verbal du juge d’instruction de la Seine : 21 septembre 1881, A.D., Seine, D2 U8 123.
31 Procès-verbal du juge d’instruction de la Seine : 30 août 1884, A.D., Seine, D2 U8 168.
32 Procès-verbal de police de la Flèche : 1er mars 1923, A.D., Sarthe, 2U 597.
33 Lettre du 13 mars 1917, A.D., Seine, D2 U6 197.
34 Lettre du juge de paix : 15 mars 1939, A.D., Haute-Vienne, 3U 871.
35 Procès-verbal du juge d’instruction de Draguignan : 21 février 1916, A.D., Var, 4U4 477.
36 Voir sur ce point A. Corbin, Histoire de la vie privée, op. cit., p. 513-517 et chapitre XII sur la sociabilité de l’avortement.
37 A.D., Nièvre, 3U5 2075.
38 Procès-verbal de gendarmerie d’Hucqueliers : 18 juin 1883, A.D., Pas-de-Calais, 3U4 959.
39 Procès-verbal du juge d’instruction de Saint-Mihiel : 27 juillet 1887, A.D., Meuse, 11U 15.
40 Acte d’accusation : 2 mars 1931, A.D., Bas-Rhin, AL 112, 1931.
41 101 dossiers pour être précis.
42 75 dossiers portent sur les citadins et un quart sur les seuls départements de la Seine et de la Seine-et-Oise. On compte 43 ouvriers, 20 commerçants, 13 employés et seulement 20 paysans.
43 Procès-verbal du juge d’instruction de la Seine : 23 juillet 1874, A.D., Seine, D2 U8 30.
44 Procès-verbal du juge d’instruction de Draguignan : 3 avril 1874, A.D., Var, 4U4 302.
45 Procès-verbal du juge d’instruction d’Auxerre : 30 décembre 1915, A.D., Yonne, 2U 279.
46 C’est là une rupture avec la sagesse paysanne et proverbiale qui conseille à la campagne de ne point être trop doux avec sa femme pour éviter qu’elle ne contracte de fâcheuses habitudes d’indépendance. Voir chapitre 10 et M. Segalen, « La femme, l’amour, le mariage dans les proverbes populaires français », Ethnologie française, 1975, t. 5 et 1976, t. 1.
47 Procès-verbal du juge d’instruction de Draguignan : 23 juin 1871, A.D., Var, 4U4 291.
48 Lettre du 10 décembre 1880, A.D., Seine, D2 U8 110.
49 Lettre au Procureur : 14 juillet 1897, A.D., Drôme, 16 U 36.
50 Procès-verbal du juge d’instruction de Marseille : 19 février 1915, A.D., Bouches-du-Rhône, 208 U 22/89.
51 Procès-verbal du juge d’instruction d’Alençon : 8 avril 1927, A.D., Orne, Assises, 1927.
52 Contre-enquête : 22 juillet 1885, A.D., Drôme, 15 U 51.
53 Procès-verbal de police de Strasbourg : 16 mai 1929, A.D., Bas-Rhin, AL 112/338.
54 Procès-verbal du juge d’instruction de Draguignan : 7 août 1876, A.D., Var, 4U4 312.
55 Voir C. Germain et C. de Panafieu, La mémoire des femmes, Paris, 1982, S. Messinger.
56 Procès-verbal du juge d’instruction de la Seine : 23 juillet 1874, A.D., Seine, D2 U8 30.
57 Procès-verbal du juge d’instruction de Joigny : 12 mai 1926, A.D., Yonne, 3U 205.
58 Paris rassemble 6 cas sur 27 et les ouvriers 11 sur 27.
59 32 hommes et 20 femmes.
60 Procès-verbal du juge d’instruction de Dunkerque : 12 septembre 1876, A.D., Nord, 2U 155/442.
61 Lettre du mari au juge : 11 décembre 1881, A.D., Pyrénées-Orientales, U 208.
62 Procès-verbal du juge d’instruction de Mortagne : 15 décembre 1887, A.D., Orne, Assises, 1888.
63 Procès-verbal du juge d’instruction de Marseille : 3 mai 1886, A.D., Bouches-du-Rhône, 208 U 22/62.
64 Acte d’accusation : 26 juillet 1874, A.D., Gard, 5U2 64.
65 Lettre du 8 novembre 1901, A.D., Indre, tribunal correctionnel de Châteauroux, juin-décembre 1901.
66 Lettre du 22 septembre 1910, A.D., Eure, 12 U 134.
67 Lettre du 2 septembre 1877, A.D., Seine, D2 U8 65.
68 Procès-verbal du juge d’instruction du Mans : 12 août 1916, A.D., Sarthe, 1U 1355.
69 Procès-verbal de gendarmerie d’Argenteuil : 6 mai 1925, A.D., Seine-et-Oise, Assises, session du 16 au 30 juillet 1925.
70 Lettre du 16 janvier 1923, A.D., Bas-Rhin, AL 112 p. 301.
71 13 hommes et 4 femmes sont dans ce cas. De plus, on compte 31 meurtres du mari par l’épouse infidèle ou par son amant. Voir sur ce point chapitre 13.
72 Voir chapitre 13.
73 Procès-verbal du juge d’instruction de Casablanca : 29 juin 1921, A.D., Oise, Assises, 3e trimestre 1921.
74 Collection privée A.-M. Sohn.
75 Procès-verbal du juge d’instruction de Beauvais : 19 octobre 1891, A.D., Oise, Assises, 4e trimestre 1891.
76 J’ai éliminé les cas douteux, les propos déformés par les rédacteurs de procès-verbaux, surtout judiciaires. Un tiers des 702 attentats à la pudeur est ainsi inexploitable.
77 Ce sont des adjectifs anciens, usités dès le xvie siècle. Voir P. Guiraud, Le langage de la sexualité, t. I : Dictionnaire historique, stylistique, rhétorique, étymologique de la littérature érotique, Paris, 1978, Payot.
78 Ce vocabulaire se serait fixé avant la IIIe République, au milieu du xixe siècle, selon le Trésor de la langue française, édité par l’Institut national de la Langue, Paris, C.N.R.S. puis Gallimard, 1971-1990.
79 Procès-verbal du juge d’instruction de Saint-Flour : 30 août 1878, A.D., Cantal, 38 U 247.
80 31 cas, surtout recensés dans les actes d’accusation.
81 Un seul exemple, la déposition d’un jardinier de Roanne, inculpé d’attentat à la pudeur, montre l’étendue de l’autocensure : « quand l’enfant a été partie, je me suis Mas... pour achever » (Procès-verbal du juge d’instruction de Saint-Etienne : 11 mai 1880, A.D., Loire, Assises, 2e trimestre 1885). Les injures les plus souvent abrégées sont putain, vache et salope.
82 40 cas.
83 Lettre au Procureur : 9 janvier 1883, A.D., Seine-et-Oise, 0437.
84 Procès-verbal du juge d’instruction du Havre : 16 février 1929, A.D., Seine-Inférieure, U 979.
85 Procès-verbal médical : 5 juillet 1926, A.D., Morbihan, U 5568.
86 21 campagnards pour 63 occurrences.
87 Procès-verbal du juge d’instruction de Nevers : 29 avril 1901, A.D., Nièvre, 3U5 1996.
88 Procès-verbal du juge d’instruction de Pontivy : 1er mars 1886, A.D., Morbihan, U 5370.
89 Notes d’audience : 25 mai 1921, A.D., Yonne, 3U5 1058.
90 Procès-verbal de gendarmerie des Hôpitaux-Neufs : 7 septembre 1874, A.D., Doubs, U 4616 et procès-verbal du juge d’instruction de Sainte-Menehould : 20 décembre 1875, A.D., Marne, 11 U 901.
91 Procès-verbal du juge d’instruction de la Seine : 12 août 1882, A.D., Seine, D2 U8 134.
92 Procès-verbal du juge d’instruction de Troyes : 25 janvier 1881, A.D., Aube, 5U 288.
93 Lettre du 27 janvier 1879, A.D., Seine, D2 U8 78.
94 On ne compte que 26 occurrences chez les adultes et les jeunes gens à partir de quinze ans, et deux seulement après 1914 (en 1915 et 1922).
95 Procès-verbal du juge d’instruction de Dieppe : 17 décembre 1888, Seine-Inférieure, U 2011.
96 Procès-verbal médical : 23 octobre 1912, A.D., Seine, D2 U6 181.
97 Lettre du juge de paix de Saint-Maximin au Procureur : 21 janvier 1879, A.D., Var, 4U4 322.
98 Sans m’interdire de signaler, à l’occasion, l’historique d’un mot ou d’une locution.
99 P. Guiraud distingue une période classique de 1450 à 1850 et une période moderne elle même subdivisée en deux époques : de 1850 à 1914 et de 1914 à nos jours.
100 Procès-verbal du juge d’instruction de Clamecy : 29 mars 1881, A.D., Nièvre, 2U 478.
101 Selon le Trésor de la langue française, le verbe date du xviie siècle. Ce verbe fait un retour dans l’entre-deux-guerres mais avec un sens misogyne. Ainsi un homme d’équipe bizontin qui après avoir violé une jeune fille, essaye, dit-il, de « la posséder encore une fois », et déclare, triomphant, « je l’ai prise », lui donne une fonction instrumentale et machiste (Procès-verbal de gendarmerie de Chaucenne : 17 juin 1926 et procès-verbal du juge d’instruction de Besançon : 18 juin 1926, A.D., U 3925).
102 Procès-verbal du juge d’instruction de Saint-Symphorien-de-Lay : 17 avril 1882, A.D., Loire, Assises, 3e trimestre 1882.
103 D’après les linguistes, le verbe est d’origine médiévale pour les uns et daterait du xviiie siècle seulement pour P. Guiraud, op. cit.
104 Procès-verbal de gendarmerie de Void : 6 janvier 1877, A.D., Meuse, 11 U 12.
105 Procès-verbal du juge de paix de Vallon : 28 mai 1884, A.D., Ardèche, 2U 386.
106 Procès-verbal du juge d’instruction de Cahors : 14 février 1885, A.D., Lot, tribunal correctionnel de Cahors, liasse 193.
107 La nature qui désigne au Moyen Age les organes génitaux des deux sexes, est réservée ensuite au seul sexe féminin.
108 Procès-verbal du juge d’instruction de Montbrison : 25 novembre 1895, A.D., Loire, 4U 315.
109 A. Corbin, Histoire de la vie privée, op. cit., p. 529.
110 Le Trésor de la langue française ne la mentionne plus pour le xxe siècle mais il ne s’appuie que sur les citations littéraires et non la langue parlée.
111 Procès-verbal du juge de paix de Moulins-Engilbert : 12 octobre 1871, A.D., Nièvre, 3U1 796.
112 Procès-verbal de police d’Arles : 30 juin 1919, A.D., Bouches-du-Rhône, 208 U 22/108.
113 Je n’ai retrouvé qu’un seul locuteur à l’utiliser en 1920 dans les Bouches-du-Rhône.
114 Procès-verbal du juge d’instruction de Forcalquier : 11 mai 1873, A.D., Bouches-du-Rhône, 208 U 6/12. P. Guiraud repère le verbe « se livrer » dès le Moyen Age alors que le Trésor de la langue française ne donne de citations que pour le xixe siècle. Pour « céder à ses désirs », le premier exemple de P. Guiraud remonte au xixe siècle mais l’expression est antérieure.
115 Procès-verbal du juge d’instruction de Joigny : 13 juillet 1891, A.D., Yonne, 2U 200.
116 Procès-verbal de gendarmerie de Grand Champ : 11 décembre 1930, A.D., Morbihan, U 5693. Il s’agit d’un ouvrier agricole.
117 Son apparition est datée du xvie siècle mais sa généralisation s’amorce seulement au xviie siècle. Voir P. Guiraud, op. cit.
118 Procès-verbal du juge d’instruction de la Seine : 7 décembre 1880, A.D., Seine, D2 U8 110. L’expression a été repérée douze fois.
119 34 occurrences. L’expression, au vu des citations du Trésor de la Langue française, ne semble pas antérieure au xixe siècle.
120 Procès-verbal de gendarmerie de Joigny : 17 juin 1871, A.D., Yonne, 2U 135.
121 Procès-verbal de police d’Agen : 24 juin 1939, A.D., Lot-et-Garonne, « infanticides-avortements (1934-1939) ».
122 13 occurrences. Tous les dictionnaires, de P. Guiraud au Dictionnaire de l’argot, Paris, 1990, Larousse, s’accordent sur sa datation : le xixe siècle. La première mention archivistique, dans la bouche d’un journalier agricole, remonte à 1881 en Seine-et-Oise (tribunal correctionnel de Pontoise, juillet 1881).
123 Procès-verbal du juge d’instruction de Mortagne : 15 décembre 1887, A.D., Orne, Assises, 1887. La première citation du verbe « branler » dans le Trésor de la langue française, imputée aux Concourt, date de 1894.
124 Procès-verbal de police de Beauvais : 3 mars 1922, A.D., Oise, tribunal correctionnel de Beauvais, 1er semestre 1922.
125 Les paroles sont textuelles et soulignées dans le texte d’un procès-verbal sans interprète du juge de Vannes : 19 mai 1871, A.D., Morbihan, U 5266.
126 11 occurrences. Signalé dès les xiie- xve siècles, le verbe ne se popularise qu’au xixe siècle comme l’atteste le Trésor de la langue française.
127 Procès-verbal du juge d’instruction d’Auxerre : 9 novembre 1892, A.D., Yonne, 2U 202. C’est dans ce département que la première mention en 1884 est repérée dans la bouche d’un négociant d’Auxerre.
128 Procès-verbal du juge d’instruction de Gap : 16 juillet 1926, A.D., Hautes-Alpes, 1U 27(1).
129 Rappelons que le mot remonte au Moyen Age.
130 1901, Nièvre, op. cit.
131 Quant à la « pine », P. Guiraud la désigne « comme une des plus anciennes et plus usuelles désignation du pénis » et la « bite » comme « un des principaux désignatifs du pénis dans l’usage populaire moderne ».
132 Procès-verbal du juge d’instruction de Château-Chinon : 1er juin 1891, A.D., Nièvre, 2U 537.
133 Procès-verbal de gendarmerie de Scaër : 10 février 1936, A.D., 14 U 6/3.
134 Procès-verbal du juge d’instruction de Quingey : 9 juin 1876, A.D., Doubs, U 4620.
135 « Je n’ai plus rien dans les couilles », écrit l’affichiste de Nolay. Nièvre, op. cit.
136 Le « con » n’est cité qu’une fois en 1891 par un vigneron de l’Aube (4U 316).
137 Procès-verbal du juge d’instruction de Nevers : 6 avril 1881, A.D., Nièvre, 2U 478. L’orthographe n’est pas encore fixée.
138 Lettre du 12 octobre 1939, A.D., Loir-et-Cher, 2U 175.
139 Lettre du juge de paix au Procureur : 21 janvier 1879 et procès-verbal du juge d’instruction de Brignoles : 8 mars 1879, A.D., Var, 4U4 322.
140 Seul le Dictionnaire de l’argot le mentionne avec une citation d’Esnault en 1890.
141 Procès-verbal du juge d’instruction d’Etampes : 29 avril 1925, A.D., Seine-et-Oise, Assises, session du 16 au 30 juillet 1925.
142 Procès-verbal du juge d’instruction de Lille : 11 mai 1929, A.D., Nord, 2U 155/592.
143 Procès-verbaux du juge d’instruction de Grasse : 27 avril et 5 janvier 1934, A.D., Alpes-Maritimes, 14 557.
144 Pour se limiter à l’exemple provençal et aux expressions retrouvées dans les archives des Bouches-du-Rhône, du Var et de Vaucluse, la « quiou » désigne la « queue », le « chichio » ou « cicio » désigne le pénis comme la « sinso », c’est-à-dire l’oiseau. Francisée déjà, la « quiquette » rime avec la « chichourlette ». Ces termes sont volontiers employés par les enfants mais il en est de plus crus comme le « vié ».
145 Procès-verbal de gendarmerie de Levroux : 18 octobre 1935, A.D., Indre, tribunal correctionnel de Châteauroux, octobre 1936.
146 A. Geaudrolet, Amours paysannes. Travaux et déboires sexuels d’une femme de la campagne, Paris, 1980, Stock, p. 98 et 184.
147 J’ai relevé 222 occurrences dont 59 seulement sont d’un emploi spontané. Les locuteurs sont pour deux-tiers des citadins, pour moitié des ouvriers, pour un quart seulement des paysans.
148 Procès-verbal de gendarmerie de Saint-Just-en-Chevalet : 30 septembre 1874, A.D., Loire, Assises, session du 16 décembre 1874. Ces propos ont peu de chances d’avoir été remaniés, les procès-verbaux de gendarmerie transcrivant le plus souvent intégralement les témoignages.
149 Procès-verbal du juge d’instruction de Versailles : 16 avril 1881, A.D., Seine-et-Oise, 0437.
150 Procès-verbal de police de Cavaillon : 24 juillet 1884, A.D., Vaucluse, 2U 537.
151 Deux occurrences seulement, dont une fois par un médecin varois en 1880.
152 Procès-verbal du juge d’instruction de Lyon : 8 janvier 1924, A.D., Rhône, tribunal correctionnel de Lyon, audience du 7 mars 1929.
153 Procès-verbal du juge d’instruction de Blois : 5 mai 1906, A.D., Loir-et-Cher, 2U3 131.
154 Procès-verbal du juge d’instruction de Troyes : 7 décembre 1910, A.D., Aube, versement 202, liasse 33 908.
155 Procès-verbal de police du Cateau : 5 septembre 1936, A.D., Nord, 3U2 405.
156 Exception, une journalière nancéenne, de dix-sept ans à peine, sait s’avorter en introduisant une canule dans le « col utérin » (1925, A.D., Meurthe-et-Moselle, WU 2153).
157 La pollution des médecins, plus ancienne, est tout aussi rarement employée.
158 Procès-verbal de police de Privas : 3 mars 1871, A.D., Ardèche, 1U 481 et procès-verbal de gendarmerie de Levroux : 18 octobre 1936, A.D., Indre, tribunal de Châteauroux, octobre 1936.
159 Procès-verbal du juge d’instruction de Die : 27 avril et 24 mai 1926, A.D., Drôme, 4U 517.
160 Procès-verbal de police de Châlons : 19 mai 1905, A.D., Marne, 8U 686. L’expression est utilisée par le Docteur L. Fiaux, Les femmes, le mariage, le divorce et citée par A. Corbin dans Les filles de noce, op. cit.
161 Cité par A.-M. Fugier, La bourgeoise, Paris, 1983, Grasset, p. 87.
162 Sur l’Eglise et la sexualité, voir J.T. Noonan, Contraception et mariage, Paris, 1969, Ed. du Cerf, et J.-L. Flandrin, L’Eglise et le contrôle des naissances, Paris, 1970, Flammarion. Sur les préceptes médicaux, voir Y. Knibiehler et C. Fouquet, La femme et les médecins, Paris, 1983, Hachette.
163 46,4 % des protagonistes appartiennent au monde ouvrier, 9 % à la boutique et 5 % sont issus de la domesticité. 60 %, enfin, sont des citadins.
164 40 % des protagonistes vivent dans une commune rurale mais 25,8 % seulement sont agriculteurs. Près de 15 % sont artisans, commerçants ou fonctionnaires au village.
165 On compte, outre les adultères, les avortements et les infanticides, 24 crimes passionnels dont 12 meurtres de la femme par le mari, 10 déchéances paternelles motivées par l’inconduite des parents, 15 outrages à la pudeur.
166 Ils fournissent près de deux dossiers sur trois, 62 % pour être précis, avec un viol pour six attentats à la pudeur sur mineurs. Sur les attentats à la pudeur, voir A.-M. Sohn, « Les attentats à la pudeur sur les fillettes et la sexualité quotidienne en France (1870- 1940) », Mentalités, Violences sexuelles, 1989, n° 3.
167 Selon la définition de M. Foucault, Histoire de la sexualité, t. I : La volonté de savoir, Paris, 1976, Gallimard.
168 74 cas : 3 cas d’homosexualité masculine, 13 cas d’homosexualité féminine, 12 cas de bestialité et 46 masturbations.
169 Voir chapitre 6.
170 46 dossiers, 24 pour les hommes, 22 pour les femmes.
171 Selon J.-L. Flandrin (« Mariage tardif et vie sexuelle. Discussions et hypothèses de recherche », Annales E.S.C., novembre-décembre 1972), la masturbation a permis, à l’époque moderne, d’attendre des noces tardives. Elle conserve sous la IIIe République le même rôle d’initiation et d’attente.
172 Procès-verbal du juge d’instruction de Clermont : 20 février 1874, A.D., Puy-de-Dôme, U 010826.
173 Procès-verbal de police de Houilles : 27 octobre 1919, A.D., Seine-et-Oise, Assises, mars 1920.
174 Procès-verbal du juge d’instruction de Bar-de-Duc : 24 février 1879, A.D., Meuse, 18 U 93.
175 A. Blasquez, Gaston Lucas, serrurier, Paris, 1976, Plon, p. 102.
176 On compte huit adultes pour quatre adolescents. Sur le lien entre attentats à la pudeur et bestialité, voire A.-M. Sohn : « Les attentats à la pudeur sur les fillettes », op. cit.
177 Procès-verbal du juge d’instruction de Thiers : 18 juin 1875, A.D., Puy-de-Dôme, U 010824.
178 Procès-verbal du juge d’instruction de Romorantin : 17 juillet 1901, A.D., Loir-et-Cher, 2U3 121.
179 Trois cas seulement, attentats à la pudeur exclus.
180 Acte d’accusation : 22 septembre 1930, A.D., Var, 4U4 539.
181 Voir J.-L. Flandrin, op. cit. Au vu des pénitentiels, elle est omniprésente et plus réprimée que la fornication mais elle passe pour un péché de jeunesse seulement.
182 13 dossiers. Le premier livre consacrée à l’homosexualité féminine en France étudie la vision de l’homosexualité plus que son impact. Voir Marie-Josée Bonnet, Le rôle des relations amoureuses entre femmes (xve-xxe siècles), Paris, 1981, Denoël.
183 Rapport médical : 7 août 1911, A.D., Seine, D2 U6 173.
184 Procès-verbal du juge d’instruction de Blois : 11 mars 1913, A.D., Loir-et-Cher, 2U3 141.
185 Procès-verbal du juge d’instruction de Strasbourg : 19 février 1923, A.D., Bas-Rhin, AL 112 p. 301.
186 Procès-verbal de police de Quimper : 6 août 1929 et procès-verbal du juge d’instruction de Quimper : 9 octobre 1929, A.D., Finistère, 16 U6 82.
187 Lettre au Procureur : 9 juillet 1931, A.D., Rhône, 3U 120.
188 Procès-verbal du juge d’instruction de Strasbourg, avec interprète : 10 avril 1025, A.D., Bas-Rhin, AL 112.
189 Voir Y. Knibiehler et C. Fouquet, La femme et les médecins, op. cit. Nicolas Venette dans son Tableau de l’amour (1687), pourtant libéral sur le plaisir conjugal, réprouve la sexualité de la femme âgée et conseille aux hommes l’abstinence à partir de soixante ans. Tous les médecins lui emboîtent le pas jusqu’au xixe siècle au moins.
190 Huit cas seulement dont six femmes.
191 Lettre au Parquet : 3 mars 1892, A.N., BB18 1873.
192 Procès-verbal du juge d’instruction du Havre : 20 janvier 1896, A.D., Seine-Inférieure, U 1110.
193 Procès-verbal de gendarmerie de Saint-Marcellin : 12 janvier 1896, A.D., Isère, 4U 687.
194 C. Germain et C. de Panafieu, op. cit., p. 39.
195 Nicolas Vennette y était déjà favorable mais, au xixe siècle, la prohibition devient générale. Voir Y. Knibiehler et C. Fouquet, op. cit. Pour l’Eglise, c’est un péché mortel mais au xviiie siècle, Albert le Grand l’accepte pour prévenir la fornication. Voir J.-L. Flandrin et J.T. Noonan, op. cit.
196 L’Ancien Testament et les théologiens médiévaux considèrent comme un péché mortel le coït pendant les règles de crainte que l’enfant ainsi conçu soit anormal. Voir J.T. Noonan, op. cit. J’ai recensé une vingtaine de cas dont 12 pour le xxe siècle, tirés de dossiers de mésentente conjugale et de crimes sexuels.
197 Résumé du Procureur, traduit : 14 février 1920, A.D., Bas-Rhin, AL 112.
198 Procès-verbal de gendarmerie de Montmorency : 29 octobre 1890, A.D., Seine-et-Oise, tribunal correctionnel de Pontoise, « meurtres et divers ».
199 Procès-verbal du juge d’instruction de Strasbourg : 26 mars 1931, A.D., Bas-Rhin, AL 112 p. 345.
200 Procès-verbal du juge d’instruction de Mamers : 29 mai 1907, A.D., Sarthe, 1U 917.
201 Rapport médical sur l’état mental de l’inculpé : 16 mai 1906, A.D., Loir-et-Cher, 2U3 131. L’inculpé a violé sa fille.
202 Procès-verbal du juge d’instruction de Tarascon : 5 juillet 1919, A.D., Bouches-du-Rhône, 208 U 22/108.
203 A. Geaudrolet, op. cit., P. 116.
204 « J’avais mes règles, il l’a “fait quand même” », se plaint la fille d’un journalier de Mantes (Procès-verbal du juge d’instruction de Versailles : 16 mars 1910, A.D., Seine-et-Oise, Assises, mai-juin 1910).
205 Procès-verbal du juge d’instruction de Saint-Dié (Vosges) : 17 janvier 1920, A.D., Meurthe-et-Moselle, 2U 841.
206 Procès-verbal de gendarmerie de Nevers : 22 février 1926, A.D., Nièvre, 3U2 1462.
207 Voir chapitre 6.
208 Procès-verbal du juge d’instruction de Roanne : 6 février 1872, A.D., Loire, Assises, 2e trimestre 1872.
209 Réquisitoire : 22 juillet 1877, A.D., Seine, D2 U6 43.
210 Lettre de la jeune fille au Procureur, s. d., 1892, A.D., Aube, 9U 199.
211 Rapport médical : 8 avril 1885, A.D., Seine, D2 U6 73.
212 Lettre au juge de Troyes : 28 janvier 1881, A.D., Aube, 5U 280.
213 Arrêt du tribunal civil du Rhône : 25 juillet 1935, A.D., Rhône, 3 UD 299.
214 Procès-verbal du juge d’instruction de Montélimar : 6 février 1915, A.D., Drôme, 4U 513.
215 Un exemple seulement. Un cultivateur de Volvic abuse d’une débile mentale à qui il impose ses volontés : « il m’enleva tous mes vêtements sauf les bas et mes sabots » (Procès-verbal du juge d’instruction de Riom : 5 décembre 1905, A.D., Puy-de-Dôme, U 010915).
216 Procès-verbal du juge d’instruction de Vendôme : 26 novembre 1912, A.D., Loir-et-Cher, 2U3 141.
217 Procès-verbal de police de Saint-Germain : 3 juin 1880, A.D., Seine-et-Oise, Assises, session du 13 au 17 novembre 1880.
218 Procès-verbal du juge d’instruction de Brignoles : 19 mars 1901, A.D., Var, 4U4 406/60.
219 Acte d’accusation : 11 septembre 1926, A.D., Gard, 5U2 313.
220 Procès-verbal du juge d’instruction de Draguignan : 22 juillet 1921, A.D., Var, 4U 500.
221 A. Goursaud, La société rurale traditionnelle en Limousin, Paris, 1976, Maisonneuve et Larose, p. 130.
222 R. Hoggart, La culture du pauvre, Paris, 1970, Minuit, p. 144.
223 F. Zonabend, Temps et histoire au village, Paris, 1980, PUF, p. 181.
224 Procès-verbaux du juge d’instruction de Vannes : 15 et 5 mai 1935, A.D., Morbihan, U 5693.
225 Procès-verbal de police de Valence : 1er février 1888, A.D., Drôme, 21 U 155.
226 Procès-verbal de police d’Herdin : 22 février 1908, A.D., Pas-de-Calais, 3U2 127.
227 Procès-verbal du juge d’instruction de Romorantin : 17 juillet 1900, A.D., Loir-et-Cher, 2U3 121.
228 Procès-verbal de police de Châlons : 19 mai 1905, A.D., Marne, 8U 686.
229 Procès-verbal du juge d’instruction de Lorient : 25 mai 1926, A.D., Morbihan, U 5567.
230 L’expression est textuellement employée par six protagonistes.
231 Procès-verbal du juge de paix de Vermenton : 29 juin 1875, A.D., Yonne, 2U 143.
232 Acte d’accusation : 24 juillet 1871, A.D., Morbihan, U 5267.
233 Procès-verbal du juge d’instruction de Draguignan : 30 octobre 1889, A.D., Var, 4U4 363.
234 E. Shorter, « Différences de classes et sentiment depuis 1750, l’exemple de la France », Annales E.S.C., juillet-août 1974, voit dans le maraîchinage un comportement moderne. Sur le sujet, voir aussi M. Segalen, Amours et mariages dans l’ancienne France, Paris, 1981, Berger-Levrault.
235 Procès-verbal du juge d’instruction de Gap : 15 septembre 1932, A.D., Hautes-Alpes, 3 UP 11.
236 « Cour d’Assises de la Loire. Assassinat Deschamps », Journal de Roanne, 13 mars 1879, A.D., Loire, Assises, Assises, 2e trimestre 1879.
237 Procès-verbal du juge d’instruction de Cahors : 22 juillet 1881, A.D., Lot, tribunal correctionnel de Cahors, liasse 186.
238 Lettres citées dans le compte-rendu de la séance du tribunal civil de Sainte-Menehould : 11 février 1897, A.D., Marne, 11 U 1046.
239 Lettre du 4 juillet 1901, A.D., Var, 8U 27/1.
240 Lettre du 15 février 1906, A.D., Oise, Assises, 1er trimestre 1906.
241 Arrêt du tribunal civil du Rhône : 25 juillet 1935, A.D., Rhône, 3 UD 299.
242 Lettre, s. d., 1920, A.D., Var, 4U 500.
243 Voir cartes de la Seine-Inférieure et du Bas-Rhin.
244 Conservée au Musée Forney.
245 Procès-verbal de gendarmerie de Tomblaine : 11 avril 1939, A.D., Meurthe-et-Moselle, WU 2131.
246 A. Geaudrollet, op. cit., p. 129.
247 J’ai recensé 29 fellations et 34 cunnilinctus.
248 Voir A.-M. Sohn, « Les attentats à la pudeur sur les fillettes », op. cit.
249 La moitié des cas sont antérieurs à 1890 et les trois-quarts à 1900.
250 Procès-verbal du juge d’instruction de Beauvais : 9 mai 1922, A.D., Oise, tribunal corrrectionnel de Beauvais, 1er semestre 1922.
251 Procès-verbal du juge d’instruction de Strasbourg : 8 décembre 1928, A.D., Bas-Rhin, AL 112, 1929.
252 Voir A. Corbin, Les filles de noces, op. cit.
253 Procès-verbal de gendarmerie de Neuilly-sur-Marne : 9 août 1886, Seine-et-Oise, tribunal de Pontoise, 1886(2).
254 Procès-verbal de gendarmerie de Berck : 20 juin 1892, A.D., Pas-de-Calais, 3U4 970.
255 Procès-verbal du juge d’instruction de Louviers : 24 février 1872, A.D., Eure, tribunal correctionnel de Louviers, 1871-1875. Sa mère, il est vrai, lui impose aussi des relations incestueuses.
256 Procès-verbal de police de Paris (la Roquette) : 14 juillet 1877, A.D., Seine, op. cit.
257 Lettre du juge de paix de Saint-Maximin au Procureur : 28 janvier 1879, A.D., Var, 4U4 322.
258 Lettre au Procureur, s. d., 1882, A.D., Seine, D2 U8 127.
259 Lettre à sa maîtresse : avril 1897, A.D., Marne, 11 U 1040.
260 Procès-verbal du juge d’instruction de Saint-Dié (Vosges) : 25 janvier 1920, A.D., Meurthe-et-Moselle, 2U 841.
261 Procès-verbal du juge d’instruction d’Orange : 23 décembre 1924, A.D., Vaucluse, 3U4 808.
262 Procès-verbal du juge de paix de Besse : 5 août 1882, A.D., Puy-de-Dôme, U 010851.
263 Procès-verbal du juge d’instruction d’Aubusson : 17 septembre 1875, A.D., Creuse, ZE/U 1061/1.
264 Procès-verbal du juge d’instruction de la Seine : 29 avril 1882, A.D., Seine, D2U8130.
265 Procès-verbal de police de Rosendaël : 19 février 1936 et procès-verbaux du juge d’instruction de Dunkerque : 1er avril et 18 mars 1936, A.D., Nord, 2U 75.
266 Procès-verbaux du juge d’instruction de Strasbourg, avec interprète : 4 novembre et 10 novembre 1925, A.D., Bas-Rhin, AL 112. Devant cette fin de non recevoir, le conjoint déçu expérimente alors son savoir tout neuf sur une fillette.
267 Procès-verbal du juge d’instruction de Nancy : 30 juin 1930, A.D., Meurthe-et-Moselle, WU 2131.
268 Procès-verbal de police de Vannes : 25 mars 1933, A.D., Morbihan, U 5604.
269 Comme en témoigne la formule stéréotypée des actes d’accusation : « il était allé jusqu’à porter ses lèvres aux parties sexuelles de sa fille et jusqu’à l’obliger à prêter sa bouche aux plus honteuses manœuvres » (Acte d’accusation : 18 avril 1876, A.D., Seine-Inférieure, U 1008).
270 Les hommes utilisent deux verbes : « sucer » et « lécher ». Un seul, un mouleur de Charleville, utilise un terme argotique : « viens tu me feras un pompier et tu verras qu’on s’amusera bien », dit-il à sa propre fille (Procès-verbal de gendarmerie de Charleville : 27 juin 1922, A.D., Ardennes, 3U 319/4). Quant à l’expression « faire minette », elle est datée du xixe siècle et le Trésor de la langue française situe sa première apparition en 1890 dans un texte des Concourt.
271 Procès-verbal du juge d’instruction de Troyes : 13 juillet 1936, A.D., Aube, versement 102, liasse 33 996.
272 12 agriculteurs seulement et presque toujours dans le cadre de crimes sexuels.
273 16 cas pour le Midi méditerranéen, 13 pour la Seine et la Seine-et-Oise, 25 pour le Bassin Parisien.
274 A. Geaudrollet, op. cit., p. 129.
275 Voir J.-L. Flandrin, L’Eglise et le contrôle des naissances, op. cit. Les pénitentiels la punissent de trois à quinze ans de pénitence comme le coït buccal.
276 Y. Knibiehler et C. Fouquet, op. cit. Dans les cas recensés, 4 sur 20 concernent Paris, 6 la côte provençale et 2 Marseille.
277 Procès-verbal du juge de paix de Luzy : 16 février 1876, A.D., Nièvre, 3U 1816. Le verbe « enculer » est souvent employé en lieu et place de faire l’amour.
278 On compte 6 attentats à la pudeur de cette nature sur des adolescentes principalement. Voir A.-M. Sohn, op. cit.
279 Un seul paysan a l’idée de sodomiser sa femme.
280 Acte d’accusation : 26 octobre 1912, A.D., Ardèche, 1U 560-55.
281 Procès-verbal du juge d’instruction de Romorantin : 1er avril 1871, A.D., Loir-et-Cher, 2U 389.
282 Procès-verbal du juge d’instruction de la Seine : 30 octobre 1872, A.D., Seine, D2 U8 14.
283 Procès-verbal du juge d’instruction de la Seine : 23 juillet 1891, A.D., Seine, D2 U8 231.
284 Procès-verbal du juge de paix de Tonnerre : 19 novembre 1936, A.D., Yonne, 3U1 1343.
285 Jugement du tribunal civil de Grasse : 16 avril 1934, A.D., Alpes-Maritimes, 14 578.
286 Acte d’accusation : 26 octobre 1912, A.D., Ardèche, op. cit.
287 « Eh ! bien, moi je sais, parce que je me suis renseigné depuis, que si une femme a des rapports comme ça, elle ne devient pas très âgée car c’est très mauvais pour elle » (A. Geaudrollet, op. cit., p. 141).
288 Voir Y. Knibiehler et C. Fouquet, La femme et les médecins, op. cit.
289 Je ne dispose donc, tous couples confondus, que de 20 dossiers.
290 Procès-verbal de police de Toulon : 16 mars 1921, A.D., Var, 4U 500.
291 A. Geaudrollet, op. cit., p. 141.
292 Procès-verbal du juge d’instruction de Guéret : 1er mars 1913, A.D., Creuse, ZE/ U 2657.
293 Procès-verbal du juge d’instruction de la Seine 15 avril 1891, A.D., Seine, D2 U8 272.
294 Ils sont postérieurs à 1911.
295 Procès-verbal du juge d’instruction de Nîmes : 15 juin 1900, A.D., Gard, 5U2 294.
296 Procès-verbal du juge d’instruction de Versailles : 19 septembre 1881, A.D., Seine-et-Oise, 0437.
297 Procès-verbal du juge d’instruction de Lyon : 7 janvier 1920, A.D., Rhône, tribunal correctionnel de Lyon, audience du 13 août 1921.
298 Procès-verbal du juge d’instruction de Mortagne : 15 décembre 1887, A.D., Assises, 1888.
299 Procès-verbal de gendarmerie de Muzillac : 10 novembre 1930, A.D., Morbihan, U 5693.
300 Gaston Lucas, serrurier, op. cit., p. 103.
301 A. Geaudrelet, op. cit., p. 141.
302 63 % des dossiers concernent les villes. 57 % se situent dans le Bassin parisien (37 % pour la seule Ile-de-France) et le Midi méditerranéen (20 %). L’Ouest et le Massif Central sont sous-représentés avec 17 dossiers chacun comme le Sud-Ouest défavorisé sur le plan archivistique. On compte 47 % d’ouvrières ou femmes d’ouvriers et artisans, en ville comme à la campagne, 24 % de paysannes, 10 % de commerçantes et femmes de commerçants, 8,5 % d’employées ou épouses d’employées et 5,5 % femmes de travailleurs indépendants. Notons qu’un tiers des campagnardes ne sont pas des agricultrices. 44,5 % des données sont fournies par les attentats à la pudeur et les viols, sans compter 9 outrages à la pudeur et 10 détournements de mineures. 40 % sont tirés de litiges inhérents au couple mais sans compter les avortements et infanticides (23 cas). En revanche, les distorsions chronologiques sont mineures puisque 37 % des données sont antérieures à 1890, 23,5 % se situent entre 1890 et 1914 et 39,5 % sont postérieures à 1914.
303 Procès-verbal du juge d’instruction de Strasbourg : 2 octobre 1929, A.D., Bas-Rhin, AL 112 p. 338.
304 Procès-verbal du juge d’instruction du Havre : 6 février 1929, A.D., Seine-Inférieure, U 979.
305 Procès-verbal du juge d’instruction de Lille : 16 mai 1929, A.D., Nord, 2 U 155/292.
306 Déclaration au Procureur de Saint-Flour : 27 mai 1915, A.D., Cantal, 123 U 32.
307 Procès-verbal du juge d’instruction de Cahors : 30 juillet 1921, A.D., Lot, tribunal correctionnel de Cahors, liasse 306.
308 Voir E. Claverie et P. Lamaison, L’impossible mariage. Violence et parenté en Gévaudan. xviie, xviiie et xixe siècles, Paris, 1982, Hachette.
309 Tous les milieux sont représentés : on compte 18 agricultrices, 18 ouvrières ou femmes d’ouvriers, 6 employées ou femmes d’employés, 2 domestiques, 5 commerçantes ou épouses de commerçants, etc. Deux cas sur trois sont urbains.
310 31 viols et attentats à la pudeur, dont 10 pour le seul Bas-Rhin, département très touché par la criminalité sexuelle. Voir A.-M. Sohn, « Les attentats à la pudeur », op. cit.
311 Procès-verbal du juge d’instruction de Roanne : 8 et 2 février 1872, 26 janvier 1872, A.D., Loire, Assises, 2e trimestre 1872. Dans le patois local, on « dense » si on ne dépasse pas les limites, on se « traîne » si on les dépasse.
312 Procès-verbal médical : 23 octobre 1911, A.D., Seine, D2 U6 181.
313 Procès-verbal de police de Marseille : 28 juin 1915, A.D., Bouches-du-Rhône, 208 U/167.
314 Baisers sur la bouche exclus.
315 Procès-verbal du juge d’instruction de Louviers : 10 juillet 1876, A.D., Eure, tribunal correctionnel de Louviers (1873,1874,1876).
316 Lettre, s. d., 1890, A.D., Creuse, ZE/U 1003/3.
317 Procès-verbal du juge de paix de Limogne : 21 octobre 1876, A.D., Lot, tribunal correctionnel de Cahors, liasse 173.
318 Procès-verbal du juge d’instruction de Marseille : 15 novembre 1880, A.D., Bouches-du-Rhône, 208 U 2/236.
319 Procès-verbal du juge d’instruction de Clamecy : 8 septembre 1873, A.D., Nièvre, 3U2 1266.
320 Procès-verbal du juge d’instruction du Blanc : 9 décembre 1885, A.D., Indre, tribunal correctionnel du Blanc, versement 106, liasse 337(2)
321 Procès-verbal de gendarmerie de Givet : 10 juin 1927, A.D., Ardennes, 6U 32/29.
322 Lettre du 31 janvier 1934, A.D., Loir-et-Cher, 2U 175.
323 Procès-verbal du juge d’instruction de Thiers : 17 juin 1882, A.D., Puy-de-Dôme, U 10850.
324 Lettre au Procureur du protagoniste, inculpé de détournement de mineure, s. d., 1882, A.D., Seine, D2 U8 127. La jeune fille dit avoir été enivrée et ne se rappelle que les attouchements aux parties sexuelles.
325 Procès-verbal de police de Paris (VIIe) : 5 mars 1891, A.D., Seine, D2 U8 272.
326 Procès-verbal du juge d’instruction de Strasbourg : 21 janvier 1922, A.D., Bas-Rhin, AL 112.
327 Procès-verbal de police de Saint-Servan (Ille-et-Vilaine) : 26 janvier 1938, A.D., Morbihan, U 5710.
328 Procès-verbal de police d’Agen : 26 juin 1939, A.D., Lot-et-Garonne, tribunal d’Agen, « infanticides-avortements 1934-1939 ».
329 Procès-verbal de gendarmerie de Carhaix : 6 juillet 1939, A.D., Finistère, 10 U6 71.
330 Procès-verbal de gendarmerie de la Petite Pierre : 16 mars 1926, A.D., Bas-Rhin, AL 112 p. 324.
331 Procès-verbal de gendarmerie de Monsols : 12 juillet 1932, A.D., Rhône, 3 U 1202.
332 Procès-verbal de police d’Alençon : 17 mai 1926, A.D., Orne, Assises, 1926.
333 Procès-verbal du juge d’instruction de Troyes : 21 janvier 1881, A.D., Aube, 5U 280.
334 Procès-verbal de police de Marseille : 24 septembre 1883, A.D., Bouches-du-Rhône, 406 U 151.
335 Procès-verbaux de police de Lens : 14 et 16 février 1906, A.D., Pas-de-Calais, 3U2 129.
336 Procès-verbal de police de Clermont-Ferrand : 7 mars 1935, A.D., Puy-de-Dôme, U 04964.
337 Procès-verbal de gendarmerie de Jumilhac-le-Grand : 12 juillet 1938, A.D., Dordogne, 2U 244.
338 Procès-verbal du juge d’instruction de Romorantin : 13 avril 1871, A.D., Loir-et-Cher, 2U 389.
339 Procès-verbal du juge de paix de Lamastre : 1er août 1882, A.D., Ardèche, 1U 529-530.
340 Procès-verbal du juge d’instruction de Mamers : 19 mai 1907, A.D., Sarthe, 1U 917.
341 Procès-verbal du juge d’instruction de Strasbourg : 8 novembre 1928, A.D., Bas-Rhin, Assises, 1929.
342 Jugement du tribunal civil de Châteauroux : 13 février 1936, A.D., Indre, tribunal correctionnel de Châteauroux, abandons de famille, 1936.
343 Procès-verbal de police d’Arles : 30 juin 1919, A.D., Bouches-du-Rhône, 208 U 22/108.
344 Procès-verbal du juge d’instruction de Joigny : 12 août 1915, A.D., Yonne, 2U 274.
345 Voir Y. Knibiehler et C. Fouquet, La femme et les médecins, op. cit.
346 Procès-verbal du juge d’instruction de Marseille : 15 novembre 1880, A.D., Bouches-du-Rhône, 208 U 2/236.
347 Procès-verbal médical : 23 octobre 1912, A.D., Seine, D2 U6 181.
348 Requête en divorce : 13 juin 1900, A.D., Gard, 6U14 305.
349 L. Wanderwielen, Lise du plat pays, Lille, 1983, P.U.L., p. 103.
350 Gaston Lucas, ouvrier serrurier, op. cit., p. 103 et 100-101.
351 Procès-verbal du juge d’instruction de Marseille : 1er février 1880, A.D., Bouches-du-Rhône, op. cit.
352 Mémoire du mari (qui tente de tuer sa femme), s. d., 1891, A.D., Seine, D2 U8 272.
353 Procès-verbal de police de Clamecy : 8 août 1873 et procès-verbal du Procureur : 8 août 1873, A.D., Nièvre, 3U2 1263.
354 Note confidentielle non datée et non signée, 1881, A.D., Yonne, 3U1 1266.
355 Procès-verbal du juge d’instruction de Joigny : 21 janvier 1891, A.D., Yonne, 3U3 946.
356 Acte d’accusation : 18 mai 1906, A.D., Morbihan, U 5488.
357 Procès-verbal du juge d’instruction de Largentière : 19 janvier 1871, A.D., Ardèche, 1U 483.
358 Mémoire de l’inculpé, 1891 et procès-verbal de police de Paris : 16 avril 1891, A.D., Seine, D2 U8 272.
359 Procès-verbal du juge d’instruction de Marseille : 6 février 1896, A.D., Bouches-du-Rhône, 208 U 22/83.
360 Rapport médical : 23 octobre 1912, A.D., Seine, op. cit.
361 Procès-verbal de gendarmerie de Toulon : 27 juillet 1930, A.D., Var, 4U4 539.
362 Procès-verbal du juge d’instruction de Lorient : 22 juillet 1931, A.D., Morbihan, U 5580.
363 Procès-verbal du juge d’instruction de la Seine : 16 mai 1891 et procès-verbal de police de Paris (XXe) : 16 avril 1891, A.D., Seine, D2 U8 274.
364 Réquisitoire : 7 juin 1896, A.D., Seine, D2 U6 108.
365 Procès-verbal du juge d’instruction de Mamers : 14 mai 1907, A.D., Sarthe, 1U 917.
366 Procès-verbal du juge d’instruction de Dunkerque : 18 mars 1936, A.D., Nord, 2U 75.
367 A. Geaudrolet, op. cit., p. 116.
368 Procès-verbal de gendarmerie de Void : 6 novembre 1877, A.D., Meuse, 11 U 12.
369 Procès-verbal du juge d’instruction d’Argentan : 18 juin 1887, A.D., Orne, Assises, 1887.
370 Lettre, s. d., 1933, A.D., Rhône, 3 ud. corr. 188.
371 Procès-verbal de gendarmerie de Cambrai : 30 mai 1906, A.D., Pas-de-Calais, 3U2 131.
372 Procès-verbal de gendarmerie d’Oissel : 31 juillet 1888, A.D., Seine-Inférieure, U 204.
373 Procès-verbal du juge d’instruction de Valenciennes : 28 juin 1895, A.D., Nord, 2 U 155/536.
374 Procès-verbal du juge d’instruction de Mamers : 14 mai 1907, A.D., Sarthe, 1U 917.
375 Rapport médico-légal : 18 août 1876, A.D., Seine-Inférieure, U 1089.
376 Procès-verbal du juge d’instruction du Mans : 18 novembre 1904, A.D., Sarthe, 1U 919.
377 Procès-verbal de police de Marseille : 30 mai 1876, A.D., Bouches-du-Rhône, 406 U 120.
378 Procès-verbal de gendarmerie de Neung-sur-Beuvron : 28 février 1927, A.D., Loir-et-Cher, 2U3 161.
379 Procès-verbal de gendarmerie de Vannes : 18 février 1931, A.D., Morbihan, U 5582.
380 Procès-verbal du juge d’instruction de Strasbourg : 8 septembre 1926, A.D., Bas-Rhin, AL 112 p. 326.
381 Procès-verbal du juge d’instruction de Corbeil : 21 février 1930, A.D., Seine-et-Oise, Assises, session du 26 au 31 mai 1926.
382 Procès-verbal du juge d’instruction de Versailles : 14 septembre 1881, A.D., Seine-et-Oise, U 0437.
383 Procès-verbal du juge d’instruction de Douai : 31 octobre 1890, A.D., Nord, 2U 155/500.
384 Procès-verbal du juge d’instruction de Strasbourg : 10 avril 1925, A.D., Bas-Rhin, AL 112.
385 Procès-verbal du juge de Draguignan : 16 mai 1871, A.D., Var, 4U4 291.
386 Procès-verbal du juge d’instruction de Saint-Etienne : 23 janvier 1885, A.D., Loire, 4U 256.
387 Lettre, s. d., 1903, A.D., Marne, 8U 289.
388 Procès-verbal de police de Paris (VIIe) : 5 mars 1891, A.D., Seine, D2 U8 272.
389 Procès-verbal de gendarmerie de Chaumont : 3 décembre 1925, A.D., Oise, tribunal correctionnel de Beauvais, 1er trimestre 1926.
390 Procès-verbal du juge d’instruction de Lille : 28 juin 1886, A.D., Nord, 2U 155/495.
391 Ordonnance du juge d’instruction de Douai : 18 novembre 1901, A.D., Nord, 2U 155/500.
392 Procès-verbal de gendarmerie de Panissières : 26 septembre 1895, A.D., Loire, 4U 315.
393 Rapport médical : 7 août 1911, A.D., Seine, D2 U6173.
394 Procès-verbal du juge d’instruction de Bergerac : 12 avril 1930, A.D., Dordogne, 2U 221.
395 Rapport médical : 30 octobre 1928, A.D., Orne, Assises, 1929.
396 Procès-verbal du juge d’instruction de Perpignan : 6 janvier 1935, A.D., Pyrénées-Orientales, U 3754.
397 Dont 7 meurtres ou tentatives de meurtres.
398 Les affaires relevées comptent 13 adultères pour 20 viols et attentats à la pudeur.
399 Plus d’un cas sur trois est localisé dans le Bassin parisien et près d’un quart dans le Midi méditerranéen.
400 On compte 39 épouses frustrées contre 65 dégoûtées. Pour deux-tiers, ce sont des citadines, ouvrières (16), domestiques (6), etc., contre 7 paysannes seulement. Les plus loquaces résident dans le Bassin parisien qui regroupe plus de la moitié des cas.
401 Procès-verbal de police de Limoges : 20 juin 1876, A.D., Haute-Vienne, 5U 257.
402 Rappelons que, découverte au xixe siècle, l’hystérie est considérée par Charcot comme une maladie de nerfs asexuée. Mais progressivement, l’assimilation de la femme au seul utérus fait de l’hystérie une maladie par nature féminine et sous-entend un dérèglement du désir insatisfait. D’où la confusion rapide chez les médecins entre hystérique et nymphomane. Voir Y. Knibiehler, « Le discours sur la femme. Constantes et ruptures » et G. Wajeman, « Psyché de la femme : note sur l’hystérique au xixe siècle », Romantisme, 1976, n° 13-14.
403 Ce petit sous-ensemble comporte autant de célibataires que d’épouses.
404 Procès-verbal du juge d’instruction de Mortagne : 21 juillet 1887, A.D., Orne, Assises, 1887.
405 Feuillets intitulés « Blanche » : 7 janvier 1885, A.D., Seine, D2 U6 73.
406 Procès-verbal de gendarmerie de Satillieu : 10 mars 1923, A.D., Ardèche, 1U 560/75.
407 Procès-verbal de gendarmerie de Carnac : 10 novembre 1930, A.D., Morbihan, U 5580.
408 Procès-verbal de gendarmerie d’Auxerre : 27 août 1936, A.D., Yonne, 3U1 1342.
409 Procès-verbal de la police judiciaire : 11 septembre 1925, A.D., Puy-de-Dôme, U 04853.
410 Lettre du 8 septembre 1934, A.D., Seine-et-Oise, 1161 W.
411 Procès-verbal du juge d’instruction de Saint-Etienne : 15 juin 1886, A.D., Loire, Assises, 3e trimestre 1886.
412 Procès-verbal du juge d’instruction d’Auxerre : 1er février 1896, A.D., Yonne, 2U 221.
413 Procès-verbal du juge d’instruction de Rouen : 27 octobre 1904, A.D., Seine-Inférieure, U 2638.
414 Procès-verbal du juge d’instruction de Saint-Etienne : 9 mars 1872, A.D., Loire, Assises, 2e trimestre 1872.
415 Lettre : 29 septembre, s. d., 1885 ?, A.D., Seine, D2 U6 72.
416 Procès-verbal du juge d’instruction de Troyes : 29 mai 1936, A.D., Aube, versement 106, liasse 33 996.
417 Procès-verbal de gendarmerie de Troyes : 13 juillet 1936, A.D., Aube, versement 106, liasse 33 996.
418 Lettre du 25 avril 1938, A.D., Marne, 9U 204.
419 Procès-verbal du juge d’instruction de la Seine : 1er mars 1884, A.D., Seine, D2 U8 156.
420 Procès-verbal du juge d’instruction de Compiègne : 16 avril 1891, Oise, Assises, 3e trimestre 1891.
421 Procès-verbal du juge d’instruction de Tournon : 14 mars 1912, A.D., Ardèche, 1U 560/33.
422 Procès-verbaux du juge d’instruction de la Seine : 31 août et 7 septembre 1886, A.D., Seine, D2 U8 207.
423 Procès-verbaux du juge d’instruction de Strasbourg : 8 et 11 décembre 1928, A.D., Bas-Rhin, Assises, 1929.
424 Procès-verbaux du juge d’instruction de Bergerac : 17 et 11 décembre 1938, A.D., Dordogne, 2U 243.
425 25 sur 39.
426 Lettre du commissaire de Sainte-Savine au juge d’instruction de Troyes : 16 janvier 1876, A.D., Aube, 4U 272.
427 Procès-verbal du juge d’instruction de Mortagne : 15 décembre 1887, A.D., Orne, Assises, 1888.
428 Procès-verbal du juge d’instruction de la Seine : 19 avril 1882 et procès-verbal du juge d’instruction de Nancy : 20 avril 1882, A.D., Seine, D2 U8 130. Les amants sont partis vivre à Paris.
429 Procès-verbal du juge d’instruction de la Seine : 14 février 1884, A.D., Seine, D2 U8 157.
430 Procès-verbal du juge de paix de Vallon : 28 mai 1884, A.D., Ardèche, 2U 386.
431 Procès-verbal du juge d’instruction de Vendôme : 26 novembre 1912, A.D., Loir-et-Cher, 2U3 141.
432 Procès-verbal du juge d’instruction de Valenciennes : 28 juin 1895, A.D., Nord, op. cit.
433 Procès-verbal du juge d’instruction de de Lyon : 28 décembre 1879, A.D., Rhône, tribunal correctionnel de Lyon, audience du 12 février 1880.
434 Procès-verbal de police de Châteauroux : 22 juillet 1931, A.D., Indre, tribunal correctionnel de Châteauroux, août-octobre 1931.
435 42 mentions.
436 Les célibataires déviants l’emportent avec plus de la moitié des cas et les citations avecs les trois-quarts des dossiers. J’ai décompté par ailleurs, 25 cas d’ouvriers et ouvrières sur 42.
437 24 cas sur 42.
438 Procès-verbal du juge d’instruction de Bourgoin : 9 juillet 1907, A.D., Isère, 4U 798.
439 Procès-verbal de police de Vichy : 17 septembre 1923, A.D., Puy-de-Dôme, U 010958.
440 Procès-verbal de police de Gagny : 19 février 1925, A.D., Seine-et-Oise, Assises, session du 17 mai 1925.
441 Procès-verbal du juge d’instruction de Draguignan : 19 juin 1871, A.D., Var, 4U4 291.
442 Procès-verbal du juge d’instruction de la Seine : 16 juin 1877, A.D., Seine, D2 U6 43.
443 Lettre, s. d., 1883, A.D., Seine, D2 U8 160.
444 Procès-verbal du juge d’instruction de Mortagne : 16 décembre 1887, A.D., Orne, Assises, 1888.
445 Procès-verbal du juge d’instruction de Prades : 27 juin 1896 et interrogatoire par ?, s. d., A.D., Pyrénées-Orientales, U 1573.
446 Rapport médical : 23 octobre 1912, A.D., Seine, op. cit.
447 Lettre, s. d., 1916, A.D., Cantal, 38 U 343.
448 Lettre, s. d., 1916, A.D., Meurthe-et-Moselle, 2U 841.
449 Procès-verbal du juge d’instruction de Tournon : 24 juillet 1895, A.D., Ardèche, 1U 560/10. Les parents portent plainte pour attentat à la pudeur.
450 Procès-verbal de police mobile de la 9e brigade de Marseille : 4 décembre 1924 et procès-verbal du juge d’instruction d’Orange : 4 décembre 1924, A.D., Vaucluse, 3U4 808.
451 Procès-verbal du juge d’instruction de Strasbourg : 19 décembre 1925, A.D., Bas-Rhin, AL 112.
452 Procès-verbal de gendarmerie de Jumilhac-le-Grand : 12 juillet 1938, A.D., Dordogne, 2U 244.
453 Procès-verbal de police d’Agen : 24 juin 1939, A.D., Lot-et-Garonne, « infanticides-avortements (1934-1939) ».
454 Procès-verbal du juge d’instruction de Valence : 27 octobre 1899, A.D., Drôme, 21 U 216.
455 Procès-verbal de gendarmerie de Grand-Champ : 12 mars 1937, A.D., Morbihan, U 5711.
456 Procès-verbal médical : 21 août 1926, A.D., Bas-Rhin, AL 112 p. 326.
457 Procès-verbal du juge d’instruction de Strasbourg : 16 avril 1923, A.D., Bas-Rhin, AL 112 p. 302.
458 Procès-verbal du juge d’instruction de Strasbourg : 20 mars 1925, A.D., Bas-Rhin, AL 112 p. 279.
459 Procès-verbal du juge d’instruction de Versailles : 10 février 1883, A.D., Seine-et-Oise, 0437.
460 Procès-verbal du juge d’instruction d’Avesnes : 25 septembre 1884, A.D., Nord, 2U 155/481.
461 Procès-verbal de gendarmerie d’Omans : 24 mai 1886, A.D., Doubs, U 3944.
462 Procès-verbal du juge d’instruction de Limoges : 20 juin 1876, A.D., Haute-Vienne, 5U 257.
463 Procès-verbal de police de Nancy : 18 mars 1926, A.D., Meurthe-et-Moselle, 2U 842.
464 Procès-verbal du juge d’instruction de Saint-Etienne : 6 mai 1899, A.D., Loire, 4U 332.
465 Soit 1,2 % des protagonistes de la base de données.
466 Procès-verbal de police de Marseille : 7 septembre 1920, A.D., Bouches-du-Rhône, 208 U 22/117.
467 Procès-verbaux de police d’Antibes : 3, 1er décembre et 21 octobre 1934,. A.D., Alpes-Maritimes, 14 552.
468 Célibataires et hommes mariés confondus, on compte 34 ouvriers, 10 commerçants, 9 employés, 6 travailleurs indépendants et 13 paysans.
469 Procès-verbal de gendarmerie d’Aubusson : 12 mai 1895, A.D., Creuse, ZE/U/1117/2.
470 Procès-verbal de gendarmerie d’Oucques : 2 septembre 1926, A.D., Loir-et-Cher, 2U 316.
471 Procès-verbal du juge d’instruction de Marseille : 1er février 1929, A.D., Bouches-du-Rhône, 208 U 6.
472 Procès-verbal de flagrant délit d’adultère : 1er septembre 1872, A.D., Bouches-du-Rhône, 406 U 102.
473 « Tu sais, j’ai une chaude-pisse ». Procès-verbal du juge d’instruction de Montpellier : 22 mars 1871, A.D., Hérault, U 8046.
474 Lettre au Procureur : 23 octobre 1883, A.D., Seine-Inférieure, U 2535 bis.
475 Voir chapitre 10.
476 Procès-verbal de police d’Auxerre : 15 octobre 1921, A.D., Yonne, 3U4 1311.
477 Nous disposons de 114 dossiers sur ce sujet. 9 conçoivent l’adultère en terme d’affront.
478 Procès-verbal du juge d’instruction de la Seine : 7 juillet 1883, A.D., Seine, D2 U8 148.
479 Procès-verbal du juge d’instruction de Saverne : 9 janvier 1926, A.D., Bas-Rhin, AL 112. Il a, de plus, comme maîtresse une voisine et est un violeur récidiviste.
480 Elles le sont moins pour les hommes. Voir chapitre 13.
481 Procès-verbal du juge d’instruction de la Seine : 3 juillet 1886, A.D., Seine, D2 U8 202.
482 Procès-verbal de police de Lyon : 3 août 1903, A.D., Rhône, Assises, session du 1er décembre 1903.
483 Lettre du 6 octobre 1913, A.D., Marne, 8U 289.
484 19,3 % quittent alors leur mari.
485 Procès-verbal de police de Lyon : 23 janvier 1925, A.D., Rhône, tribunal correctionnel de Lyon, audience du 7 mars 1925.
486 Voir chapitre 13.
487 7 homicides et tentatives sur le mari et 11 sur la rivale. Rappelons que ces crimes ne dépassent pas 15 cas par an pour la France entière.
488 Copies des lettres écrites à la maîtresse et envoyées par celle-ci à son amant et procès-verbal du juge d’instruction de Versailles : 8 mai 1934, A.D., Seine-et-Oise, Assises, audience du 11 au 25 février 1935.
489 Procès-verbal du juge d’instruction de la Seine : 19 décembre 1879, A.D., Seine, D2 U8 79.
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