Une maison pour vivre ?
p. 39-64
Texte intégral
1 Avant d’être un espace pour vivre, la maison peut se définir comme un espace construit, modelé par des exigences matérielles, sans négliger pour autant les usages et les coutumes locales. Les règles de la construction d’un lieu habitable doivent satisfaire les besoins d’une population en mouvement continuel, tout en étant soumis à des limitations techniques, économiques ou juridiques, mouvantes elles-mêmes. Au milieu du XIXe siècle et jusqu’à l’Entre deux guerres, le constructeur tient compte des possibilités du site – voire la cave d’habitation creusée dans le roc qui s’adapte parfaitement à son environnement naturel –, des contraintes économiques – une exploitation agricole organise son bâti sur un axe horizontal alors que les locaux de travail ou de détente s’intègrent au rez-de-chaussée de la maison du bourg, des contraintes démographiques, selon la taille et la structure du groupe résident, des contraintes socio-culturelles moins saisissables par les documents écrits mais tout aussi primordiales – les manières de vivre et de “ménager” son espace –.
2D’autres ethnologues ont montré que la maison est beaucoup plus que l’habitat, c’est “le domaine”, un territoire, “la terre”, un groupe qui l’exploite, “la famille”, un emploi du temps. C’est un excellent indicateur des différences entre les groupes socio-économiques. Les modes de vie d’un commerçant, d’un artisan, d’un agriculteur ou d’un notable sont dissemblables. Existe-t’il des règles et quelles sont elles ? Toute étude sur ce point est limitée par le fait qu’un logement et ce qui l’entoure sont des biens durables, se fabriquant et se consommant lentement, se modifiant au fur et à mesure des événements imposés au groupe résident. Essayer de reconnaître les seuils critiques et optimaux de l’aménagement de l’espace, le nécessaire et le superflu, les ruptures dues au passage de la cuisine à l’âtre à l’emploi de la cuisinière, la part des objets utilitaires et des objets souvenirs sont quelques-unes des pistes à suivre qui ne peuvent pas être saisies sans une connaissance préalable de l’architecture locale.
1. Les contraintes d’espace
3La diversité de l’espace rural tourangeau a toujours frappé les observateurs. Dans sa présentation des populations agricoles, Baudrillard signalait que La Touraine est par excellence la terre des cultures variées1. En analysant les découpages anciens, il est possible d’imaginer la genèse des régions agricoles actuelles et d’entrevoir les grands changements dans l’utilisation du sol. En 1722, Piganiol de la Force dans la Nouvelle description de la France distingua six ensembles2.
4la Gâtine, païs sec dont les terres sont difficiles à cultiver,
5les Varennes, de part et d’autre de la Loire, apportant du seigle, de l’orge, du miel, des légumes pour la province,
6le Véron, à l’ouest de la Touraine, où on cultive les bleds, du vin et de très bons fruits,
7les coteaux de la Loire et du Cher chargés de vins,
8la Champeigne, entre le Cher et l’Indre, dont les terres sont grasses et fertiles en bled,
9la Brenne, terre humide, marécageuse et pleine d’étangs.
10Auguste Chauvigné réalisa à partir de 1890 plusieurs monographies sur les différents pays de la Touraine avant 1789. Le découpage reprit les six unités traditionnelles3. Quant aux études sur la Touraine de Chevalier et Charlot en 1858, elles mirent l’accent sur l’opposition des plateaux et des vallées4.
11Le problème de délimitation en régions agricoles apparaît comme très complexe, les agronomes ne sont pas tous d’accord sur la question. Le sol et le terroir varient dans chaque région parfois dans une même commune5.
12Le folkloriste Arnold Van Gennep inclue la Gâtine tourangelle et le Val de Loire dans sa longue liste des pays traditionnels6. La Touraine septentrionale est comprise dans ces deux régions naturelles : la Gâtine et le Val de Loire.
13La Gâtine tourangelle, vaste plateau situé entre le Loir et les coteaux de la rive droite de la Loire, embrasse un tiers de la superficie totale. Limitée à l’est par la rivière de la Brenne, à l’ouest, par les vallées de la Bresne et du Fare, elle s’étend sur les cantons de Château-Renault, Neuvy-le-Roi, Neuillé-Pont-Pierre et la partie nord de Château-la-Vallière. Elle a depuis longtemps auprès des agronomes, une réputation de terre particulièrement humide, parsemée d’étangs, couverte de landes et de bois.
14De nombreux auteurs ont protesté contre le vieux préjugé qui ne persiste à ne voir, au nord de la Touraine, que des terres incultes et stériles, en dehors de la riche lisière des coteaux7. Ils ont continué de l’appeler basse Touraine par opposition au sud de la Loire. Le géographe, Adolphe Joanne, la décrit au XIXe siècle comme une contrée peu favorisée où la rareté des ruisseaux et des sources, les terres vagues (...), beaucoup de champs en friche, des bois multipliés témoignent d’un sol pauvre et insuffisamment peuplé 8. A la fin du siècle dernier, les bois couvrent largement la région, le reste est occupé par des cultures difficiles et aléatoires. Des prairies naturelles et artificielles permettent l’entretien d’un cheptel, les plantes sarclées sont en proportion faible et la vigne se rencontre uniquement dans l’extrême nord, à Neuvy-le-Roi. Le paysage dépeint par Piganiol de la Force s’applique imparfaitement à la Gâtine des XIXe et XXe siècles qui demeure, après les profondes modifications du paysage, une région parsemée d’étangs et de landes. Daniel Schweitz a relevé, de façon pertinente, les traits caractéristiques de cette forêt gâtée9.
15Le Val de Loire, traversant le département d’Est en Ouest, a depuis toujours une originalité certaine en raison de la présence du fleuve. L’existence de la petite propriété est la caractéristique commune de toute la vallée et s’accompagne d’une population dense. Le sol convient aux prairies, aux plantes sarclées et aux immenses étendues de vignes (Montlouis, Vouvray). Dans la partie basse, les varennes10 sont destinées aux cultures maraîchères, haricots et asperges, et aux prairies. La production céréalière n’atteint pas les mêmes proportions qu’ailleurs surtout si on la compare aux plateaux. Les collines, hautes de 80 à 120 mètres, aux pentes raides, forment des falaises à Vouvray, Rochecorbon et Saint-Cyr-sur-Loire.
16La région reste toujours dans la mémoire populaire le jardin de la France. Le bâti traditionnel subit des influences de chacune des zones traversées puis est mêlé d’éléments appartenant à la zone suivante. Il ne peut y avoir de véritable unité architecturale mais une variété et une complexité de l’architecture vernaculaire.
Les caractéristiques du département (Fig. 5)
Superficie : 610 950 ha, soit le 44e département sous le rapport de l’étendue.
Population : 316 000 hts (recensement de 1851). Elle s’élève en 1911 à 341 205 hts pour retomber à 327 743 hts en 1921. Le département compte en 1931 335 226 hts.
Densité de la population : 51,2 hts/km2 en 1851. Après diverses fluctuations, la densité est de 55 en 1886 puis en 1911. En 1921, elle enregistre 53 contre 71 pour la moyenne française et 54 hts/ km2 en 1931.
Population urbaine/population rurale : Les chiffres attestent la forte ruralité du département. En 1846, première année où la distinction est faite, la population rurale est de 82,2 % du chiffre de la population totale. En 1926, elle sera de 67,5 %. Ce phénomène d’urbanisation touche essentiellement la ville de Tours puis Chinon et Saint-Pierre-des-Corps.
Circonscriptions administratives : 3 arrondissements (Tours, Chinon, Loches), 24 cantons, 282 communes.
Données géographiques : En 1790, l’Indre-et-Loire est formée au 9/10e de la Touraine, ajoutée de quelques communes de l’Anjou (canton de Château-la-Vallière et Bourgueil), du Poitou (Richelieu) et de l’Orléanais. Le département est limité au nord, de l’est à l’ouest par le Loir-et-Cher, la Sarthe et le Maine-et-Loire, au sud, de l’ouest à l’est, par la Vienne et l’Indre. Il appartient au bassin parisien. Son relief se caractérise par son uniformité. Région de convergence fluviale, il est traversé par la Loire qui reçoit trois grands affluents. Un climat doux et modéré y règne.
Données économiques : En 1866, pour l’ensemble du territoire français, on compte 48 % de la population totale vivant de l’agriculture, 32,7 % de l’industrie et du commerce ; en Indre-et-Loire, respectivement 58,8 % et 30,3 %. Ces chiffres soulignent la part importante de l’agriculture et le relatif désintérêt pour toutes les activités industrielles et commerciales.
Les possibilités du site
17Les études des professionnels en architecture, de la Direction Régionale de l’Équipement et de la Direction Régionale de l’Architecture et de l’Environnement, s’accordent à montrer que la répartition de l’habitat est plus dense dans les vallées, plus clairsemée sur les plateaux bien que les zones d’architecture ne soient jamais très typées et homogènes. Les bourgs les plus importants occupent le centre du plateau, par exemple Saint-Laurent-en-Gâtine, ils sont parfois implantés au carrefour des voies de communication comme à Neuvy-le-Roi. Le Val de Loire, zone géographique et historique importante, est occupé par un habitat regroupé du fait d’une plus forte densité démographique. L’ensemble est commandé par la présence de la falaise creusée de caves11.
18Toutes les expositions sont rencontrées et seule, la situation topographique est recherchée. L’organisation des bâtiments d’exploitation répond à des règles de regroupement et d’éloignement, et elle se traduit par un ordonnancement plus ou moins géométrique. C’est ainsi que la grange est à portée de l’étable, de l’écurie et de la bergerie, c’est-à-dire à portée des animaux qui consomment la paille comme fourrage ou l’emploient comme litière. La règle d’éloignement des locaux à hauts risques d’incendie, l’habitation et le fournil, n’est pas toujours suivie et pour économiser un pignon, la grange peut être accolée au conduit de la cheminée.
19La disposition des bâtiments est une seconde lecture de l’habitat vernaculaire.
20– la juxtaposition de l’habitation et des bâtiments d’exploitation
21Cette disposition est fréquente dans les petites exploitations en faire-valoir direct des vallées. En Val de Loire, les exploitations agricoles sont des fermes moyennes de polyculture-élevage, des petites exploitations horticoles ou vigneronnes. Entre cour et jardin, la maison bloc est composée d’une juxtaposition de bâtiments identiques, telle que le groupement de maisons d’ouvriers agricoles à la périphérie du bourg, avec façade sur la rue, ou telle que la petite ferme du val des maraîchers avec son habitation et les bâtiments agricoles en ligne. Située à la sortie des bourgs ou dans les zones agglomérées, l’habitation et les dépendances sont installées sous le même faîte selon un ordre donné : logis, grange, étable, cellier, hangar moderne. La longueur du bâtiment atteint entre dix et quinze mètres avec une grange de cinq à dix mètres. Cette juxtaposition des cellules a pour principal inconvénient qu’en cas d’incendie, la destruction totale de toute la récolte s’accompagne de celle de toute la propriété. L’avantage reconnue est l’économie d’un mur pignon mais les dimensions restent modestes et ne peuvent pas être modifiées. Le bâtiment est soit parallèle à la voie, soit perpendiculaire ; parfois un second bâtiment servant de fournil, porcherie et poulailler limite une cour.
22– l’exploitation agricole disposée autour d’une cour ouverte
23Le domaine est souvent isolé au milieu des terres. Implantés en ordre dispersé autour d’une cour ouvrant sur le chemin ou sur la route, les bâtiments se regroupent par affinité mais aussi en fonction de l’exploitation. Selon la forme de la cour, les facilités offertes par le terrain et aussi les aléas de toutes sortes, les différents corps de bâtiments sont disposés parallèlement ou en retour d’équerre. Ce dispositif limite la propagation des incendies : les produits de la récolte, le matériel agricole et le bétail sont écartés de l’habitation et situés dans des bâtiments distincts, non contigus. La grange forme un corps de bâtiment isolé, susceptible d’agrandissement en longueur, par l’ajout d’une ou plusieurs fermes. A ce bâtiment est souvent juxtaposé des volumes plus petits, porcherie et poulailler, soit en pignon, soit sur la façade arrière. En Gâtine du nord, la grange est généralement parallèle à l’habitation, en Val de Loire et à la périphérie des bourgs, la grange est placée en retour d’équerre. La grange bien isolée des autres bâtiments est une disposition courante dans les petites exploitations de polyculture-élevage, en fermage ou en faire-valoir direct12.
24– l’exploitation agricole autour d’une cour fermée
25La disposition autour d’une cour fermée traduit une volonté de marquage du territoire. Quelques exemples de bâtiments organisés autour d’une cour fermée dont la façade postérieure ou le pignon aveugle tient lieu de clôture sont visibles dans la région viticole de Vouvray. L’habitation ne fait pas généralement face à l’entrée de l’exploitation. Tous les bâtiments nécessaires au fonctionnement de l’exploitation sont disposés avec une logique d’ordre économique et pratique : grange pour le stockage des récoltes, étable, écurie, porcherie, poulailler, hangar, atelier pour ranger le gros et le petit matériel. Les espaces non bâtis sont consacrés aussi au stockage : mare, fumier, silos à grains, bois de chauffage.
26Là encore apparaît la distinction entre plateau et vallée. Sur le plateau relativement ouvert et laissant très visible les différentes constructions, les volumes bâtis sont de taille assez importante puisqu’il s’agit de moyennes ou grosses exploitations en écarts ou en village. Dans la vallée, la végétation plus dense dissimule les bâtiments de plus petites dimensions. Les caves, habitées ou non, creusées dans le calcaire, sont très nombreuses et ont souvent conduit à un développement linéaire d’un bâtiment composé avec le coteau.
Les matériaux et les techniques de construction
27L’examen des matériaux de construction et de couverture révèle l’étroite association entre le bâti et le terroir local qui le porte. La pierre, extraite des carrières locales, reste le matériau le plus courant. Les différences dans la solidité par suite de l’obligation d’enduire, dans la facilité de taille, dans les couleurs contribuent dans une certaine mesure à donner à l’habitat de tel ou tel pays son aspect particulier. Cette hétérogénéité de l’habitat vernaculaire est accentuée au sein d’un même village par les distorsions sociales. Cependant, le recours aux sources d’approvisionnement les plus proches donne un semblant d’unité. Jusqu’à l’apparition du chemin de fer, le transport des matériaux s’effectuait par bateaux remontant ou descendant le réseau fluvial ou par charrois sur de mauvais chemins. L’acheminement lent et coûteux des matériaux nécessitait d’exploiter le sous-sol existant.
28Adolphe Joanne avait répertorié plus de 630 exploitations en Indre-et-Loire. Vers 1850, différentes qualités de craie tuffeau sont utilisées comme pierre de taille, elle est tendre (analogue au Bourré) à Noizay, Reugny, Cinq-Mars-la-Pile et Rochecorbon, et exportée à moindre coût par la Loire ; elle est semi-dure ou dure à Beaumont-la-Ronce, Semblançay, les Hermites, Limeray, Cangey, Saint-Aubin-le-Dépeint, Vernou, et Monthodon ; elle est très dure à Charentilly et à Saint-Paterne-Racan. Cette craie, lorsqu’elle est très dure, comme à Langeais, est qualifiée improprement de grès et utilisée comme moellons et pavés13. A Saint-Paterne-Racan, plus de vingt-cinq carrières de pierre ont été recensées en 1858. Plus de 80 000 quartiers de pierre extraits par an étaient exportés par le chemin de fer et les deux routes importantes qui traversent la commune14. En 1866, une gare de bifurcation est demandée à la Membrolle pour exporter entre autres, les pierres dures extraites des carrières de Pernay, Semblançay et Charentilly.
29Au XIXe siècle, la construction en pans de bois, réservée au second oeuvre ou aux dépendances, est en voie de disparition. L’essentiel de la pierre employée pour la construction est le tuffeau, appelé pierre de bourrée du nom de la carrière où il est extrait, pierre tendre, poreuse et légère. L’exploitation se faisait dans des petites carrières, situées dans le coteau, près du bourg, à ciel ouvert comme aux Hermites15. Lorsque la pierre ne pouvait pas être taillée, on en faisait des moellons durs, ou de la chaux grasse dans les trois fours de cette même localité. Avec le développement des moyens d’extraction mécaniques et de transport, l’exploitation s’effectue dans de grandes exploitations. Certains sites en Gâtine étaient plus recherchés que d’autres tels que Charentilly, Semblançay et surtout Saint-Paterne-Racan.
30Dans la vallée de Courtineau, près de Noyant, les dernières exploitations de pierres semi-dures ont fermées vers 1910. A ciel ouvert, après avoir enlevé cinq à six mètres de terre, la pierre sur douze mètres de profondeur est enlevée par banc. Dans chaque banc, sont cassés les blocs de pierre. Une légère saignée est effectuée à l’aide d’un pic pour placer des coins tous les vingt centimètres. On frappait sur les coins à l’aide d’un maillet en fer16. Dans les carrières ouvertes en plaine, les carriers sont obligés de forer un long couloir d’accès s’enfonçant dans le sol jusqu’au niveau du banc. Jusqu’en 1910 l’exploitation se fait à la main, puis de 1910 à 1920 à la dynamite avant d’être totalement abandonnée.
31Le tuffeau constitue le socle de toute la Touraine et le bournais argilo-silicieux qui le recouvre font que tout naturellement les constructions sont en pierres de taille et moellons de tuffeau réunis par un mortier de terre de bournais, crépies ou non à la chaux et à sable extérieurement. Les divers matériaux de gros oeuvre – pierres de taille, moellons, briques – sont utilisés seuls ou combinés, apparents ou enduits.
32Généralement, les fondations sont en pierres dures, toujours bien appareillées, reposant sur le sous-sol calcaire très proche de la surface du sol, peu profonde, au maximum à 0 m 50. Les bâtiments sont construits en moellons de tuffeau mélangés avec des rognons de silex, enduits à la chaux avec des renforts en pierre de taille aux endroits les plus faibles : la base des murs, les chaînages d’angle, les jambes harpées de raidissement au milieu des pignons ou des murs gouttereaux, les encadrements de baies, les rampants des pignons et les comiches.
33Les constructions, dans la région de Monnaie, ayant de mauvaises fondations en pierre tendre, prennent l’humidité et s’abîment à leur base alors qu’elles sont saines quand la précaution est prise d’utiliser la pierre dure. La pierre de taille en façade principale – appareillée et jointoyée avec un mortier à chaux et à sable – se généralise au XVIIIe siècle et se développe à partir de la vallée de la Loire. Les moellons peuvent être jointoyés à la terre, au mieux au sable et à la chaux. Les linteaux sont le plus souvent en chêne ou en pierre dure monolithe lorsque le franchissement de la baie est peu important. Le pan de bois est peu à peu remplacé par des moellons enduits ou apparents, la pierre de taille en Gâtine et la brique à Château-Renault. Les principales essences sont le chêne et le châtaignier.
34La brique est utilisée comme matériau de gros oeuvre dans le secteur de la Gâtine proche du Vendômois (les Hermites, Auzouer, le Boulay). La brique, épaisse contenant des impuretés, comme matériau d’accompagnement et de décoration est utilisée en combinaison avec la pierre pour les encadrements de baies ou de chaînages d’angle, seule ou en appareil mixte. La rareté de la pierre de construction peut expliquer sa généralisation. Des motifs décoratifs sont obtenus grâce à une alternance de briques de plusieurs couleurs. Entre les régions de Monnaie et de Château-Renault, les constructions les plus anciennes dépendent strictement de la nature du sol. A Monnaie, les murs sont en moellons calcaires ; à Château-Renault, les pignons sont réalisés en pans de bois soit en totalité, soit dans la partie supérieure. Le remplissage est fait d’un mélange de cailloux de silex et d’argile, ou bien de briques. Des planches, des tavillons ou des ardoises protègent les pignons des aléas climatiques. L’accès aux combles se fait par une ouverture en pignon à l’aide d’une échelle amovible, plus rarement par un escalier.
35Les matériaux de construction comme ceux de couverture tiennent une place prépondérante dans la formation des paysages d’habitat.
36Le chaume, le jonc et la brande couvraient les toits au XVIIIe siècle. Les maisons du bourg de Saint Paterne Racan qui brûlent lors du grand incendie de 1768 sont en torchis couvert de chaume (...) trente-huit maisons sur les quelques cent vingt du bourg brûlent complètement, les dommages sont estimés ultérieurement à 66930 livres pour les bâtiments et 35952 livres pour le mobilier et ustensiles (...). On subordonna l’octroi de toute aide aux sinistrés à l’engagement de ne plus couvrir en chaume mais en dur. A une époque où les économies étaient minces, voire inexistantes, les assurances contre l’incendie inconnues, de longues années durent être nécessaires pour surmonter cette épreuve17. Jusqu’au XIXe siècle, le matériau de couverture est encore en grande majorité végétal, paille de seigle ou de blé, ayant des qualités thermiques, une simplicité de pose et un faible coût18. Des normes administratives et juridiques en vigueur en ville, sont appliquées dans les campagnes à partir de 1850. La souscription d’assurances contre l’incendie passe par le remplacement des toits couverts de matériaux inflammables. Ces couvertures végétales nécessitaient une charpente à forte pente, environ 60°, et la présence d’un pignon saillant destiné à empêcher la propagation d’éventuels incendies. Jacques-Marie Rougé remarquait encore vers 1900 l’emploi de chaume ou de jonc réuni en bottes par des liens de paille et formant des bourrelets de faîtage solides et bon marché. Les vestiges de loges de bûcherons, petites constructions entièrement végétales destinées à abriter du matériel, témoignent de ce passé révolu. Ce sont de simples armatures de perches, fichées obliquement dans le sol et disposées en cercles ou sur deux rangées parallèles sur lesquelles on fixe des chevrons, le tout couvert d’un matériau végétal19.
37Les carreaux, briques et tuiles sont fabriqués un peu partout dans le département : Chemillé-sur-Dême, Louestault, La Ferrière, Saint-Paterne-Racan mais aussi à Langeais, Souvigné-en-Touraine et Villiers-au-Bouin20. La production est considérable dans le canton de Château-Renault, notamment aux Hermites, à Auzouer, au Boulay et à Neuville. Ces produits, connus sous le nom de Château-Renault, sont exportés au loin, à Paris, à Nantes, en Angleterre21. Les tuiles sont posées sur une charpente à faible pente de 45° fixée à une volige grâce à des chevilles de bois, puis des clous, enfoncées dans deux perforations prévues à la partie supérieure. La pente du toit est adoucie à la base par des “coyaux” qui rejettent les eaux de pluie loin de la base des murs et freinent le ruissellement. Il n’y a pas de gouttière avant 1914, et le prolongement de la toiture obtenue grâce aux “coyaux” permettent d’abriter les murs des eaux de pluies ruisselant du toit. Le faîtage est réalisé avec des tuiles rondes scellées. Seule, la rangée d’égoût est maçonnée à la chaux grasse pour résister au vent. Hervé Fillipetti note la particularité de la pose des tuiles plates dans la Gâtine tourangelle. Ici, les tuiles ne sont pas accrochées aux liteaux en rangées continues et jointives mais avec un espacement important entre deux éléments successifs, le tout formant un maillage très large du plus curieux effet 22.
38Par suite de la fermeture de nombreuses tuileries et du poids de la charpente, l’ardoise a tendance à remplacer la tuile plate. Provenant du bassin d’Angers, elle est transportée par chalands sur la Loire. Avec le chemin de fer, les coûts de transport diminuent et l’ardoise devient accessible et très présente tout au long du fleuve et dans les bourgs importants. La productivité dans les ardoisières d’Anjou passe de cinq ardoises à l’heure en 1780 à quarante en 193523. Les parties basses sont réparées en ardoises qui se mélangent aux tuiles en Gâtine du nord, ou même se sont entièrement substituées à elles dans le Val de Loire et entre la Vienne et l’Indre. Elle s’accompagne d’une très faible pente du toit, environ 30° et améliore l’étanchéité de l’ensemble. Actuellement, la tôle ondulée semble devenir le principal matériau de remplacement, moins coûteux et plus facile de pose. Durant cette période, la pente du toit s’est progressivement réduite avec l’évolution des matériaux de couverture. Les plus anciennes atteignent 60°, celles avec des tuiles ou des ardoises 45° à 50°. Cette toiture à deux versants est rarement percée d’une lucarne.
39La souche de cheminée est en pierre de taille dans les constructions les plus anciennes et dans le Val de Loire, ailleurs en brique ou moitié-brique, moitié-pierre. Avec sa souche rectangulaire, la cheminée est à l’aplomb des pignons décalée du faîtage pour le passage de la panne faîtière – située près du faîtage contre le pignon –. Elle peut être en brique, prolongeant un conduit réalisé dans le même matériau, en pierre de taille, la brique ne subsiste alors que pour les derniers rangs du sommet de la souche (bassin de Neuvy-le-Roi)24.
Un logement à dimension historique
40Produit de l’histoire comme le rappelle Suzanne Roux25, la maison s’intègre au mouvement socio-économique du XIXe siècle, période très faste pour la culture et la viticulture avec une monnaie stable. Mais il faut tout de même nuancer, l’habitat est un des domaines les plus lents à évoluer dans le monde rural. Pour les agriculteurs, la priorité n’est pas la maison mais la terre. Ces agriculteurs sont très souvent propriétaires de leur maison d’habitation, patrimoine transmis de génération en génération. Les transformations sont réalisées au cours du temps par retouches, redistribution, adjonction d’éléments nouveaux.
41La construction répond, entre autres, à un souci d’adapter le patrimoine immobilier aux besoins de la population. La ville de Tours et les communes environnantes connaissent un essor considérable à partir des années cinquante. Les communes rurales de la Gâtine tourangelle ont virtuellement terminé la constitution de leur patrimoine immobilier.
42En 1948, environ 62 % des unités d’habitation en milieu rural ont plus de 100 ans et l’âge moyen est évalué à 114 ans. A l’intérieur des 30 % d’immeubles construits entre 1850 et 1914, il faut tenir compte de la création des stations ferroviaires, des écoles primaires, d’édifices municipaux ou religieux26 .
L’entretien et l’amélioration du logement
43Entre 1850 et 1930, le nombre des établissements liés au bâtiment va plus que doubler : il passe de 64 en 1899 à 150 en 191427. Comment expliquer ce développement industriel alors que la période de construction la plus favorable au cours du XIXe siècle est passée depuis plusieurs décennies. Il serait alors question non pas d’accroissement des biens immobiliers mais d’entretien.
44Puisque les priorités émanent surtout de l’entretien et de l’amélioration des bâtiments d’exploitation, les activités les plus représentées, dans les villages, sont liées à la charpenterie, la couverture, la maçonnerie et la serrurerie ; alors que la plâtrerie ou la peinture-vitrerie sont localisées dans des zones géographiques précises. Par exemple, le plâtrier est installé dans la région du Val de Loire, à Vouvray, à Reugny ou à Vernou, plus sensible aux problèmes d’amélioration du confort domestique. La création des entreprises en bâtiments, vers 1880, dans la plupart des communes tourangelles (les Hermites, Saint-Paterne-Racan, Saint-Laurent-en-Gâtine, Beaumont-la-Ronce, Sonzay, Reugny, Vouvray) met partiellement en péril le petit artisanat, mais l’intervention de l’architecte ne s’inscrit toujours pas dans le développement du bâti villageois. Ce “penseur du bâti” est présent en 1910 dans un seul village, Nouzilly, ce qui renvoie sans doute à son lieu de résidence plus qu’à son lieu de travail.
45L’insuffisance des ressources agricoles, la valeur vénale très faible des bâtiments ne venant qu’après les terres, le coût de la construction élevé, le morcellement de la propriété foncière, la législation de l’héritage, sans oublier les usages ruraux sont les principaux freins à toute amélioration significative.
46Le milieu agricole n’est pas le seul touché par le défaut d’entretien. Une délibération du conseil municipal de Vouvray, le 29 novembre 1910, précise les réparations à effectuer dans l’appartement de l’instituteur communal.
47Vérifier la toiture au-dessus de la salle à manger de l’instituteur, le plafond est mouillé. Raccords d’enduits aux scellements des tuyaux de descente des gouttières. Vérifier et compléter le collage de la tapisserie dans plusieurs pièces. Réparer les disjonctions existant entre les cloisons et les plafonds dans les chambres du premier étage. Réparer le plafond de la cuisine de l’instituteur et le gonflement à une cloison, réparer la plaque de marbre devant la cheminée de la chambre, garnissage du dormant de la porte ouvrant sur le perron après scellement qui doit être refait. Vérification du jeu à donner aux parquets ou au bas des portes de la plupart des chambres.
48Les réparations sont, de natures diverses, à l’extérieur, concernant la gouttière, comme à l’intérieur : peinture, platrerie, cheminée, menuiserie. A travers les propos transcrits, de graves insuffisances sont décelables, une humidité excessive et une vétusté certaine.
Le statut du logement
49La propriété du sol et des bâtiments donne un droit et un pouvoir sur les utilisateurs qui les rend dépendants. Jeanne Bouzereau souligne la distance existant entre les attitudes et les mentalités du propriétaire et celles du locataire pour le département de l’Indre-et-Loire.
50Les propriétaires faisant valoir bâtissent peu à peu ce qui leur manque, les propriétaires exploitant par métayer suivent le mouvement d’un peu plus loin, mais celui qui a un fermier ne veut généralement rien envisager pour les améliorations et les réfections des bâtiments28.
51L’enquête des contributions sur la révision de la propriété bâtie, publiée en 1948, donne les résultats suivants : 57 % du total des immeubles sont occupés par des propriétaires et 31 % par des locataires, la différence à 100 est justifiée par les cas d’occupation mixte. Dans notre échantillon, environ 45 % des logements appartiennent à des ménages soucieux de posséder un patrimoine immobilier et ce pourcentage est encore plus élevé dans la région vouvrillonne, à dominante viticole. La possession en terres, même de superficie réduite, s’accompagne généralement d’une possession immobilière, et par conséquent, d’une baisse significative de mobilité géographique.
52Pays de petite et moyenne propriétés, la Touraine est aussi un pays de petite et moyenne cultures où le faire-valoir domine. De manière générale, les petits propriétaires, exploitants eux-mêmes habitent surtout le Val de Loire et les coteaux consacrés au vignoble ; les plateaux sont plutôt dévolus aux fermiers et aux métayers. Selon Baudrillart, l’exploitation directe se confond avec la moyenne propriété et toujours avec la petite propriété qui réunit dans un seul possesseur la rente du sol, le fermage et le salaire. Les fermiers forment des catégories plus inégales, riches et possédant des terres, aisés dans leurs manières de vivre mais disposant de peu d’avances. Toutes les orientations productives sont représentées : viticulture, horticulture, élevage ou cultures.
53La différence dans le titre juridique d’occupation du sol avec le degré de stabilité ou de mobilité qui en résulte, conduit à des structures et à des comportements sociologiques qui ne sont pas identiques.
54L’individu qui est propriétaire de sa maison ou celui qui en est le locataire n’ont pas la même représentation de leur espace logement, n’y attachent pas les mêmes valeurs, n ’éprouvent pas les mêmes sentiments 29.
55Confirmant une fois encore sa forte extension, le fait d’être propriétaire a peu de rapport avec le niveau de fortune puisqu’on observe un pourcentage similaire sur l’ensemble des quatre catégories, environ 45 % entre 1850 et 1930. En revanche, cela influe sur la capacité d’aménagement. Plus on gravit l’échelle de la fortune domestique, plus la proportion de propriétaire s’accroît : 60 % des individus possédant une fortune mobilière de 1000 à 2000 francs sont propriétaires de leur logement. L’opposition propriétaire et locataire porte, en particulier, sur l’évaluation du mobilier qui n’excède pas 450 francs pour un fermier.
56L’accession à la propriété s’effectue sous diverses formes : dot, héritage, achat, à des étapes différentes du cycle de la vie familiale. Elle se trouve quelquefois en être le point de départ, comme pour cette jeune femme qui reçoit dans sa corbeille de mariage :
57(...) au lieu-dit de la C. situé commune du Boulay consistant en une chambre à cheminée, grenier au-dessus, couvert en tuiles, une écurie, grenier dessus, une grange, comble dessus, un cellier et un toit à porc, combles sur ces derniers objets, le toit couvert en tuiles (...) 30.
58Le second mode d’occupation, la location se règle soit verbalement, soit par un acte sous seing privé, accompagné ou non des conseils du notaire. Parfois, dans le but de s’assurer des bonnes dispositions du preneur, le propriétaire fait intervenir l’autorité juridique, représentée par le notaire, pour rédiger, suivant les circonstances, un état des lieux, un bail, une résiliation ou une caution31.
59Le bénéfice d’une location introduit de nouveaux mécanismes socio-économiques ; le rentier, individu vivant de ses placements tant immobiliers que mobiliers, installé le plus souvent dans la ville la plus proche, recherche le maximum de profit en réduisant les dépenses d’entretien de la chose louée. Les obligations du bailleur et du preneur soulignent l’inertie des deux parties en présence et l’absence de toute décision propre au déclenchement d’un processus d’amélioration de la location.
60D’après le code du locataire32 :
61art.2 le bail à loyer, contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouir l’autre d’une maison ou d’une portion de maison pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s’oblige à payer. (...)
62art.5 le bailleur peut, pendant la durée du bail (neuf années consécutives) changer la forme de la chose louée. (...)
63art. 12 si le bail n’est pas fait par acte authentique, ou n’a pas de date certaine, l’acquéreur est tenu d’aucuns dommages et intérêts. (...)
64art. 38 s’il a été fait un état des lieux entre le bailleur et le preneur, celui-ci doit rendre la chose telle qu’il l’a reçue, suivant cet état, excepté ce qui a péri ou a été dégradé par vétusté ou force majeure.
65S’il existe une contestation à la fin d’un bail, d’une durée de six ou neuf années consécutives, l’une des parties prenantes peut exiger l’établissement d’un état des lieux. Ce document contient les réparations locatives que nécessitent les bâtiments et les dégradations dues à la force majeure et à la vétusté dont le propriétaire s’est rendu responsable. Les expressions telles que les carreaux usés, le bas de la porte pourri ou l’échelle d’accès au grenier faisant défaut reviennent souvent à la lecture de cet acte passé devant le notaire. Y sont signalés :
66– l’état de délabrement de la principale cheminée
67(...) les briques sont brûlées et usées de vétusté, tous les joints manquent d’enduit, il y a dans le devant de la cheminée, treize trous creusés dans les pierres. Les jambages sont troués, écornés et arrondis, la tablette est un peu écornée. L’âtre est carrelé en carreaux dont quelques-uns sont cassés et crevassés 33.
68– le défaut de carreaux dans la pièce
69(...) en face de la cheminée, il y a dans la largeur de la dite maison deux mètres de sol carrelé dont une partie des carreaux cassés et usés de vétusté. Le surplus de l’aire est en terre battue dans le plus mauvais état et à recharger en entier 34.
70– l’usure des portes de l’annexe
71Les portes de la cave entièrement usées de vétusté 35.
72La maison a un fort mauvais aspect ; la vétusté, l’humidité du sol et des murs sont les causes principales de dégradations, dont l’ouvrier agricole s’accommode facilement du fait de la modicité du loyer qui lui est consenti.
73Si la durée et les conditions de location ne favorisent pas les transformations de la maison, d’autres éléments interviennent comme les affinités de goût, le statut social des occupants et surtout les frais engagés. A ce sujet, l’exemple du fermier est intéressant : d’après les statistiques agricoles de 1898, le prix du fermage d’un hectare se situe entre 85 et 124 francs suivant la nature des terres : cultures, prés ou vignes ; le bail d’une exploitation agricole sur la commune de Vouvray en 1893 est de 285 francs. Le fermier détient en moyenne 450 francs de biens mobiliers, il semble improbable qu’il puisse apporter des modifications à son logement ou accroître son capital mobilier alors que son fermage annuel équivaut à plus de la moitié de ses possessions.
74En Touraine, l’usage de blanchir les murs n’est pas une obligation, aussi le fermier ne le fait-il que rarement. Par contre un cafetier, se rapprochant de l’attitude d’un propriétaire par sa profession et soucieux de son bien-être, a blanchi vers 1900, les murs de la salle à manger et d’une des chambres du premier étage, a plâtré le plafond d’un cabinet et a monté un placard dans la cuisine36. A Monnaie, dans les années quarante, les murs en cloisons de plâtre reçoivent régulièrement une couche de badigeon37. Cela démontre un net progrès dans le domaine de l’entretien et du confort de l’habitat.
Les rites de construction
75La maison n’est pas un lieu neutre, il s’y accomplit des rites de marquage et de sacralisation.
76Le futur propriétaire devait participer à la construction.
77Ainsi, le propriétaire devait “cogner” la première cheville de la charpente. La cheville était apprêtée, quelquefois ornée de rubans. Le propriétaire devait aux charpentiers autant de bouteilles qu’il avait frappé de coups pour enfoncer la cheville. Quand les charpentiers “chaulaient” une lucarne, c’est-à-dire scellaient au mortier les faîteaux et les tuiles des rives, ils faisaient une croix en mortier “pour que le diable n ’emporte pas la lucarne”.
78Il devait déposer un objet personnel ou des pièces de monnaie, une bouteille scellée pouvant contenir un papier indiquant son nom et celui des membres de sa famille.
79On devait placer des monnaies dans les fondations des maisons. La dernière bouteille bue par les ouvriers devait être posée sur la cheminée avec un bouquet dans le goulot. Une bouteille cassée pouvait être placée sur la cheminée pour indiquer que le travail était fini 38.
80Léon Pineau, érudit local, remarque que presque partout il était d’usage de faire bénir par le curé les nouvelles bâtisses : maisons, granges, écuries. Mais en beaucoup d’endroits, cette cérémonie est précédée d’une autre, plus païenne, l’égorgement d’un coq ou d’un lapin, dont le sang est répandu dans toutes les pièces.
81A Mareuil, on tue un animal, de préférence une poule, qu’on jette sous la principale chambre de la nouvelle maison, et on la laisse se débattre et mourir.
82A Langeais, à Bourgueil, avant d’habiter une maison neuve, il faut promener dans toutes les pièces une poule morte ; sinon, il mourait quelqu’un dans la famille dans le courant de l’année.
83A Savigny, on se contente de mettre une poule noire couchée dans la maison.
84A Courçay, il fallait qu’il y eut du sang répandu dans toutes les chambres39.
2. Les genres de maisons rurales
85Les récits des voyageurs de la fin du XIXe siècle ont longuement évoqué les paysages des bords de Loire, dédaignant ou même ignorant les autres aspects moins pittoresques. Auguste Chauvigné s’est intéressé à l’habitat tourangeau :
86Au long des vallées qui se creusent en pente sur la Loire, on trouve de ces caves piochées dans le tuf tendre avec une extrême facilité (...). A côté, enchevêtrées dans un désordre plaisant, et souvent même avec une hardiesse inouïe, les maisons construites depuis deux cents ans offrent leurs façades blanches, et leurs toits d’ardoises (...). Sur les plateaux, les constructions, fermes et closeries, sont plus banales (...) 40.
87Dans un ouvrage plusieurs fois réédité, Le folklore de Touraine, Jacques-Marie Rougé énumère les différentes formes prises par l’habitat ; son travail fut repris in extenso dans l’enquête de la Société des Nations, publiée en 1939. Ses remarques sont confirmées et précisées par des recherches récentes, notamment celles de Denis Jeanson, et par les enquêtes du Chantier d’architecture rurale, entreprises dans les années quarante41. Il n’en demeure pas moins que toute étude renvoie à la lecture des travaux de ce folkloriste :
88En Touraine, “la maison” varie d’aspect suivant les différents “types”. On y rencontre :
- Les troglodytes anciens, abris sous roche, encore frustement habités (vallée de la Loire : Marmoutier, Rochecorbon, Vouvray ; du Cher : Saint-Avertin, Véretz ; de l’Indre : Loches, Beaulieu.
- Les troglodytes modernes, la maison montre une façade en pierre de tuffeau (pierre de bourré). L’arrière est l’abri sous roche, primitif creusé et aménagé. L’eau s’écoule en-dehors de la grotte par un canal fait de main d’homme et appelé “gironde" (Vallée de la Loire, de l’Indre et du Cher).
- Les chaumières, évolution de huttes gauloises, avec maison basse en pierre et parfois en terre battue mélangée de paille et soutenue par des croisillons de bois (plateau de Bossée). Les toits sont en joncs fixés en petites bottes (Saint Branchs, le Louroux). Les chaumières disparaissent rapidement, depuis 1920 surtout.
- Les logis à colombages, avec pierre, terre battue et briques, pignon pointu et parfois tourelle d’escalier, coiffée d’ardoises (vallée de la Loire et de la Vienne).
- Les maisons rustiques en pierre, habitations basses, couvertes de tuiles avec escalier extérieur montant à un étage (le Grand Pressigny, la Guerche, bords de la Creuse).
- Les logis à pignon, maisons couvertes de tuiles et d’ardoises, avec grenier et haute lucarne portant poulie extérieure (Ligueil, région de Loches).
- Les annexes ou servitudes. Les granges ont encore des auvents dans les fermes (Montrésor, Loches, Preuilly).
89Dans la Touraine du nord (Château-la-Vallière) les hangars sont entièrement en bruyère (...).
90Dans les fermes, l’emploi des tuiles est plus fréquent que celui des ardoises, la tuile étant généralement faite dans la région (...)
91Dans les vallées, la maison gaie, avenante, fleurie, enguirlandée le plus souvent de ceps de vignes, au “bois tortu”, est formée d’un rez-de-chaussée, d’un premier étage parfois et d’un grenier.
92Au contraire, sur les plateaux, le logis paysan n’a qu’un rez-de-chaussée et qu’un grenier. La place est carrelée, jadis, elle était en terre battue. La “chambre" est à la fois dortoir, réfectoire et cuisine. On trouve parfois dans la cheminée, un four aujourd’hui à peu près condamné. On n’y cuit plus le pain, mais on y fait encore cuire quelquefois les poires et les prunes sur des “rondeaux" 42.
93Trois principales formes de l’habitat tourangeau sont retenues : la maison troglodytique, la maison paysanne et la maison de bourg.
La maison troglodytique
94L’habitation troglodytique émane du milieu naturel : réemploi d’anciennes carrières d’où a été extrait le tuffeau nécessaire à la construction de la coquette maison tourangelle, ou volonté de créer un habitat permanent excavé. Avec l’Anjou et le Poitou, la Touraine forme le plus grand centre troglodytique de notre territoire national. De nombreuses publications lui sont consacrées43.
95Étroitement soumises aux particularités géologiques, sans programme préétabli et sans normes fixées, les cavités modifiées par la main de l’homme peuvent être, soit profondes avec une ou plusieurs pièces en enfilade, séparées par la roche elle-même ou par une cloison maçonnée, soit parallèles à la paroi et composées de cellules indépendantes les unes des autres.
96La superposition de deux ou trois niveaux, très exceptionnelle, accentue la fragilité de la structure et exige des zones d’accès et de circulation comme un escalier. Sur les vingt-quatre maisons troglodytiques, relevées dans les inventaires après décès, une seule comporte un aménagement complexe sur deux niveaux ; elle appartient à un propriétaire vigneron habitant un petit hameau de la commune de Vouvray, vers 1850 :
97une cave haute à cheminée ayant vue au midi et entrée du même côté sur une cage d’escalier (...) dans le vestibule, une cage d’escalier qui précède la chambre (...) un cabinet à côté de la cage d’escalier (...) une autre cave au-dessus de la précédente servant de grenier (...) un grenier en appentis au-dessus de la seconde cave (...) une petite boulangerie construite en appentis ayant entrée au levant de la cour (...) une étable avec une entrée au couchant sur la cour (...) un petit grenier au-dessus de l’étable (...) une cave à vin avec cheminée (...) une autre cave servant de grange (...) un toit à porcs 44.
98Commandées par les besoins en matériaux de construction, les caves sont creusées dans le tuffeau des coteaux de la Loire : Savonnières, Berthenay, Fondettes, Rochecorbon, Vouvray, Noizay, et du plateau de la Gâtine tourangelle : Beaumont-la-Ronce, Saint-Christophe-sur-le-Nais, Saint-Paterne-Racan.
99Le ciel de la carrière est converti en plafond et les parois verticales conservent les traces des coups de pic. Suivant la qualité de résistance du tuffeau, la profondeur varie de cinq à quinze mètres, mais la largeur et la hauteur sont à peu près constantes. Le sol en terre battue est revêtu d’un carrelage dans les pièces d’habitation.
100La fragilité de la construction, la menace permanente d’écroulement, l’éclairage réduit, la température basse et constante sont autant de caractéristiques qui tendent à limiter son usage aux plus pauvres et aux plus marginaux de la société rurale tourangelle. A partir d’un échantillon de 266 inventaires après décès, répartis sur toute la région septentrionale de la Touraine, seulement 8 % des ménages logent dans une habitation troglodytique, le plus souvent située en dehors du bourg.
101La maison troglodytique disparaît progressivement pour être remplacée par une maison mixte constituée d’une construction en pierre de tuffeau, avec des annexes creusées dans le roc pouvant communiquer entre elles. Très souvent, ces dernières ont d’abord servi d’habitation avant d’être abandonnées, par la suite, pour un logement plus conforme aux normes sanitaires ou tout simplement plus commode.
102Martin Marteau, auteur du Paradis délicieux de Touraine au milieu du XVIIe siècle, citait parmi les charmes de la province les échos qui la plupart sortent des cavernes et des roches habitées de plusieurs personnes 45. Cette forme d’habitat a suscité l’inspiration de nombreux auteurs tout au long des XIXe et XXe siècles.
103En l’évoquant dans Les promenades en Touraine, Alexis de Monteils nous en fournit une description assez pittoresque :
104(...) chaîne de rochers excavés, vitrés, habités. Vous voyez des portes, des fenêtres, des cheminées, vous ne voyez pas de maisons. Dans les flancs de ces rochers, vous entendez le bruit des ménages, les cris des animaux, le vagissement des enfants (...), vous entrez dans ces habitations si extraordinaires. Elles sont taillées dans le roc vif (...). Cette ligne d’excavations a devant elle en plusieurs endroits, une autre ligne de maisons petites et pauvres, dont les matériaux ont été extraits de fouilles du rocher. C’est le contenant, c’est le contenu, c’est la montagne qui a enfanté 46.
105Baudrillart y fait référence dans sa description des campagnes tourangelles :
106Le roc est habité en plus d’un endroit de la Touraine. Nous sommes frappé de cette particularité à la porte d’Amboise, le long de la route. Elle reparaît sur plusieurs points de la Touraine et dans d’autres régions des provinces voisines. Des villages entiers sont creusés dans des rochers de tuf à Montlouis, à Rochecorbon, à Saint-Antoine-du-Rocher, à Loches, au faubourg Saint-Jacques à Villaines47.
107Un des éléments de son architecture, le conduit de la cheminée, a suscité l’étonnement de nombreux voyageurs. Parfois, dans la campagne, vous remarquez, une mince fumée qui sort des terres. Des herbes qu’on fait brûler ? Nullement. Vous vous approchez et vous distinguez avec étonnement une cheminée à ras de sol ; une maison est sous vos pieds48.
La maison paysanne
108D’aspect moins original que l’habitat troglodytique, la maison tourangelle n’a jamais été un sujet d’inspiration pour les romanciers. Selon Adolphe Joanne, l’habitat de la Gâtine tourangelle, dispersé, typique d’un pays de petite culture, est composé de fermes isolées à cour ouverte. Les différents bâtiments sont séparés par la cour et le jardin. Plus regroupé est l’habitat situé le long des vallées des affluents de la Loire.
109Baudrillart dresse un tableau, quelque peu idyllique, d’une exploitation parvenue à son stade de modernité.
110La masse de la population est réunie dans l’agglomération où les maisons ont été construites dans le but d’être utilisables pour le commerce et l’industrie. Les murs sont blancs, construits avec la pierre tendre dite de bourré et les toits couverts d’ardoises. Tout en bas de la côte et dans les vallées secondaires, au long du rocher, s’espacent entre les grosses propriétés, se loge toute une classe de travailleurs et de petits propriétaires. Certains d’entre eux habitent encore dans le rocher, dans ces caves où des générations ont passé (...). Peu à peu, les classes nouvelles quittent ces logements qui semblent arriérés, la vie sort de ce roc et s’étage sur les pentes. (...) Dans les fermes des plateaux, à côté du logis de maître qui affecte la ferme banale des propriétés campagnardes s’étendent, rasant terre, avec des petits murs et de grands toits, les bâtiments des exploitations et les logements des fermiers qui attendent une reconstruction plus moderne. Quelques uns sont entrés dans cette voie, des granges et des écuries neuves, toutes blanches au soleil, où les foins sont en sécurité, où les bestiaux respirent librement, où les cours sont plus saines et où des fosses recueillent le purin sans qu’il séjourne à l’air libre, ou qu’il se perde dans les chemins49.
111Les exemples suivants sont tirés d’une Enquête d’Architecture Rurale lancée par le Musée national des arts et traditions populaires, sous la direction de Georges-Henri Rivière, sous le sigle E.A.R. Le terrain, la distribution des bâtiments, les matériaux, les techniques de construction, l’utilisation des bâtiments sont précisément décrits50. La collection “L’architecture rurale française. Corpus des genres, des types et des variantes” a permis la diffusion des résultats auprès d’un large public51.
112La présentation de ces quelques exploitations agricoles tient compte des types de culture.
113– région à dominante viticole et horticole
114La closerie, louée par un vigneron à un ouvrier agricole, comprend la maison et le jardin cultivé par lui. Le closier est, en général, un vigneron qui prend la tâche annuelle de façonner les vignes d’un propriétaire. Il est logé sur la propriété, lui et sa famille, il est libre de son temps et n’a d’ordre à recevoir que pour la direction des travaux ou leur bonne exécution.
115Construite à usage de gentilhommière, l’exploitation est inscrite sur le cadastre napoléonien, et visitée en 1945 ; elle a disparu aujourd’hui. Cette closerie, d’une étendue de vingt hectares était occupée par moitié de vignes, par moitié de céréales (blé, luzerne, avoine) pour les besoins personnels de l’exploitant, située à l’extrémité de la Vallée coquette, perpendiculaire à la Loire. La cour est partiellement fermée par une clôture ou un grillage et par les dénivellations formant une limite naturelle. Orientée sud/sud-est, l’habitation est dans le prolongement de l’écurie, la grange et le cellier. A une vingtaine de mètres dans le prolongement du bâtiment, côté habitation, la cave avec son entrée s’enfonce dans le rocher du sous-sol. En face, sont installés le puits, la porcherie et la plate-forme du fumier. Les murs sont montés en moellons calcaires liés avec du mortier de chaux et recouverts d’un enduit de chaux et sable de la Loire. Les chaînages d’angle et les piédroits de la porte charretière sont en pierre de taille appareillée en harpe. Le toit à deux rampants symétriques est couvert de tuiles plates avec une pente de 64°, adoucie par des coyaux fixés à la base des chevrons, suggérant une ancienne couverture de chaume. La charpente en châtaignier est composée de fermes-chevrons espacées de 0 m 60. Il n’existe que les pannes sablière et faîtière. L’ensemble du bâtiment s’apparente aux caractéristiques des constructions des XVe et XVIe siècles52.
116Autre exemple extrait de l’enquête de l’E.A.R., une petite propriété de deux hectares, occupée par la culture potagère, le vignoble et les céréales, combine les différentes activités, notamment céréalière et viticole, qui se traduise par la présence d’un pressoir dans la grange. L’habitation et les dépendances (grange, écurie, étable) sont groupées sous le même toit ; de construction plus récente, le fournil-cellier se trouve en face du premier bâtiment. Le propriétaire-exploitant a fait peu de transformations : installation d’un hangar en charpente face au bâtiment principal en 1941 et construction d’un garage en parpaing, perpendiculaire à la grange. Il possède deux chevaux, quatre vaches et deux chèvres et n’emploie pas de personnel. Les soubassements et les fondations du bâtiment sont en pierre et moellons durs. Les murs en moellons sont recouverts d’un crépi de sable ou de chaux ; les piédroits et les chaînages sont en pierre de taille, appareillée en harpe. La pente du toit à deux rampants symétriques atteint 55°. L’ancienne couverture en tuile plate est remplacée par de l’ardoise. Chaque ferme est composée d’un faux-entrait, d’un blochet qui vient s’appuyer sur la sablière, deux arbalétriers assemblés avec l’entrait situé au-dessus des solives. Il n’y a aucune liaison avec ces dernières. La ferme est placée près du mur pignon, l’allégeant de la presque totalité du poids de la charpente. Une corniche parcourt tout le haut du mur “basse-goutte”53.
117Aujourd’hui disparue, une exploitation, considérée comme une moyenne propriété, comptait soixante-dix hectares de pépinière. Les bâtiments étaient répartis autour d’une cour ouverte, les plus récents étant en-dehors, mais toujours à proximité. Le bâtiment d’habitation était orienté au sud avec des dépendances ouvertes à l’est, regroupant la laiterie, la cave, la buanderie, l’écurie, l’étable. Les fondations et les soubassements étaient en pierre dure, les murs en moellons recouverts d’un enduit de sable et chaux, les jambages des portes et fenêtres en pierre de taille. Le toit était couvert de tuiles plates, avec les réparations faites en ardoises54.
118– région à dominante polyculture-élevage
119En faire-valoir direct, le propriétaire dirige lui-même sa culture en blé et avoine, engageant des domestiques à gages ou des journaliers. Les bâtiments sont groupés autour d’une cour s’ouvrant sur la route. Les fondations sont en pierres et moellons durs à 0 m 30 ou 0 m 40 de profondeur, les murs en maçonnerie de moellons calcaires mélangés aux cailloux de silex avec un crépi de sable et chaux, les jambages des baies et angles des murs en pierre appareillée et les linteaux, en bois puis en brique. Des constructions en brique du milieu du XIXe siècle voisinent aux habitations à pans de bois avec remplissage de cailloux de silex et d’argile. La toiture à deux versants est en tuiles plates. La brique sert de matériau de remplacement pour les jambages, les angles des murs et même pour toute la construction. Par manque de tuileries, et du fait du poids de la charpente, la tuile est remplacée par l’ardoise55.
120L’exemple de cette monographie de la région de Château-Renault est intéressante. D’après le cadastre de 1837, le bâtiment d’habitation comprend une salle commune avec un four, une laiterie en appentis, une écurie, une étable et une porcherie. Vers 1880, époque de la transformation de la culture, c’est l’agrandissement de l’habitation avec la construction des chambres et l’aménagement des baies définitives. En 1930, est construit un hangar métallique pour loger les pailles et fourrages avec un abri provisoire pour les voitures au long de la grange. L’année 1941 voit la construction d’une chambre supplémentaire destinée à loger le domestique. La route de Château-Renault à Amboise passe devant l’exploitation et un chemin de terre permet d’y accéder. Une cour ouverte donne sur le chemin, des ouvertures sont percées au midi, un puits installé à proximité, une mare éloignée de la maison et le fumier entassé de l’autre côté du chemin complètent l’exploitation.
La maison du bourg56
121Construite avec les matériaux du pays, la maison du bourg se rapproche de la maison urbaine par sa composition, mais s’en distingue par l’intégration des locaux de travail : atelier, bureau, boutique, salle de café dans l’espace purement domestique, et par une disposition sur trois niveaux. L’organisation verticale du bâti, bien différente des bâtiments accolés ou séparés des exploitations agricoles, comporte un rez-de-chaussée avec les pièces destinées à un travail rémunéré, la cuisine ou la salle commune, la salle à manger ; un premier étage, avec la ou les chambres à coucher, au-dessus, les combles. La grange ou la remise, l’écurie sont construites dans la petite cour, derrière la maison, avec la cave creusée dans le rocher.
122Les fondations et les soubassements sont en pierre dure, les murs en pierre tendre de taille ou moellons avec crépi, en pierre de taille sur toute la hauteur de la façade ou jusqu’au niveau du premier étage, la partie supérieure étant en pans de bois, avec un remplissage de torchis. Les murs sont en pierre dure du pays jusqu’aux troisième et quatrième assises puis en pierre tendre ou en moellons de calcaire maçonnés à la terre de bournais et crépis au mortier de chaux et de sable. Les encadrements des ouvertures, l’entablement qui, éventuellement, court sous la corniche, sont presque toujours montés avec soin, parfois même décorés de motifs architecturaux .
123La Touraine demeure un pays de petite et moyenne exploitations, de faire-valoir direct en même temps qu’un pays d’exploitations agricoles familiales. Ceci explique le nombre relativement considérable de bâtiments agricoles et la place prépondérante du logement rural.
Notes de bas de page
1 Henri, B audrillart, Les populations agricoles de la France, Paris, Hachette, 1888, t. 2, 645 p., p. 128.
2 Jean-Aymar, Piganiol de la Force, Nouvelle description de la France dans laquelle on voit le gouvernement général de ce royaume, Paris, Florentin Delaulnes, 1722, 7 vol., t. VII. p. 3.
3 Auguste, Chauvigné, La région de Touraine. Étude géographique, historique, économique. Tours, la Revue économique française, 1923, 24 p.. “Étude comparative des différents pays de Touraine”, Bulletin de géographie historique et descriptive, 1902, 8 p., Géographie historique et descriptive de la Gâtine tourangelle, Paris, E. Leroux, 1893, 8 p.
4 C., Chevalier, Abbé, et G. Charlot, Étude sur la Touraine, hydrographie, géologie, agronomie, statistique, Tours, Guilland-Verger, 1858, 391 p.
5 F., Louault, Définition et délimitation des régions agricoles : exemple de l’Indre-et-Loire, Université de Tours, Thèse de troisième cycle, 1979, 505 p., Monographies agricoles départementales : Indre-et-Loire, 1960, 107 p., Gustave, Constant, L’agriculture du département de l’Indre-et-Loire, Bourges, Office régionale agricole du Centre, 1933, 288 p., p. 44-59.
6 Arnold, Van Gennep, Manuel de folklore français contemporain, Paris, A et J. Picard, 1937- 1958,7 vol., 1937, t. 3, p. 72, 77, 87.
7 Chevalier et Charlot, op. cit., 1858, p. 354.
8 Adolphe, Joanne, Géographie du département d’Indre-et-Loire, Paris, Hachette, 1898, 70 p., p. 5
9 Daniel, Schweitz, “Une forêt gâtée pour pays : l’identité traditionnelle de la Gâtine tourangelle XIe-XIXe siècle”, Bulletin de la Société archéologique de Touraine, XLIII, 1993, p. 931-950.
10 La varenne, ou les varennes, est un long et étroit ruban d’alluvions qui s’allonge entre le Cher et la Loire (Joanne, Adolphe, Dictionnaire géographique et administratif de la France, Paris, Hachette, 1905, 6 vol., VII, p. 5115.
11 Direction Régionale à l’Architecture et à l’environnement, Diagnostic sur l’architecture et les paysages ruraux de l’Indre-et-Loire, rapport du Ministère de l’Équipement, s. d., s. p.
Direction Régionale de l’Équipement et Direction Régionale à l’architecture et à L’Environnement, Étude sur l’habitat rural de la région Centre, Paris, SEPRA, 1980, 9 fasc., s. p.
12 Arlette Schweitz. op. cit., 1986, 47 p.
13 Chevalier et Charlot, op. cit., 1858, p. 189 et 362.
14 Maurice, Robert, “Saint-Paterne-Racan, un village, un poète”, suppl. Journal de l’École de Saint-Paterne, 1983, 133 p., p. 79.
15 Chevalier et Charlot, op. cit., 1858, p. 340.
16 Mono. E.A.R. n° 31, Noyant, Sainte-Maure, artisan carrier.
17 Robert, op. cit., 1983, p. 48, 54 et 56.
18 Hervé, Fillipetti, “Les maisons paysannes”, Guide du patrimoine architectural en région Centre, Paris, Conseil régional du Centre, Les Guides bleus Hachette. 1988, p. 74-90, p. 81.
19 Claire, Billon, “L’infraconstruction : régions du Centre et Pays de la Loire”, Revue de l’Art, n° 65, 1984.
20 Chevalier et Charlot, op. cit., 1858, p. 335 et 362.
21 Chevalier et Charlot, op. cit., 1858, p. 343.
22 Fillilpetti, op. cit., 1988, p. 82.
23 Rewerski. Gilbert, Le monde souterrain de l’Anjou, Tours, éd. Nouvelle République, 1986, p. 159, p. 106.
24 D.R.E., op. cit., sd.
25 Roux, op. cit., 1976.
26 Insee, Données statistiques sur l’agglomération de Tours et la zone industrielle, INSEE, 1954, s. p.
27 Chauvigné, op. cit., 1923, p. 16.
28 Jeanne, Bouzereau, Le logement rural, Le Mans, imp. Laboureur et cie, 1940, 168 p., p. 38.
29 Paul, Chombart de lauwe, “Appropriation de l’espace et changement social”. Cahier international de sociologie, 1979, n° 66, p. 141-150, p. 142.
30 Co. 3, 1853.
31 Résiliation : action d’annuler un acte, spécialement un bail, sans anéantir ses effets pour le passé, Block, op. cit., 1877, p. 1619.
caution : présenter quelqu’un qui consente à répondre, en votre lieu et place, de l’exécution de l’engagement que vous contractez, Block, op. cit., 1877, p. 355.
bail : contrat par lequel on cède la jouissance d’une chose pour un prix et un temps, Littré, 1878, I, p. 279.
32 C-A., Couturier, Le code du locataire contenant les usages de Tours en matière de louage de maisons, Tours, librairie Sorin, 1852, 77 p.
33 Ét. 2, 1876.
34 Ét. 2, 1876.
35 Ét. 1, 1859.
36 Ét. 3, 1908.
37 Mono. E.A.R. n° 57, Auzouer, Cerisay.
38 Rougé, op. cit., 1931, p. 175.
39 Léon. Pineau, “En Touraine”, Revue des traditions populaires, XVIII, 1903, p. 387.
40 Auguste, Chauvigné, Monographie de la commune de Vouvray et de son vignoble, Dactylogramme, 1908, 192 p. (A.D. Indre-et-Loire), p. 75.
41 Denis, Jeanson, Sites et monuments du Val de Loire, Tours, imp. Gibert Clarey, 1976, 384 p., Tours, D. Jeanson, 1984, 384 p. Les rapports de l’Enquête sur l’Architecture rurale en Indre-et-Loire ont été rédigés par Jean Baudin.
42 Rougé, op. cit., 1931, p. 25-27.
43 Camille et Jeanne, Fraysse, Les troglodytes en Anjou à travers les âges, Cholet, imp. Farré et fils, 1963-1964, 3 vol., A., Sarrazin et D., Jeanson, Maisons rurales du Val de Loire. Touraine. Blésois, Orléanais, Sologne, Paris, SERG, 1976, 119 p., Nicole, Charneau et Jean-Charles, Trebbi, Maisons creusées-maisons enterrées, Paris, éd. Alternatives, 1981, 215 p., collection An-Architecture, Christine, Toulier, “L’architecture rurale”, Chinon/Architecture, Orléans, Inventaire général des richesses artistiques de la France, Cahier de l’inventaire 1, Mémoire de la Société archéologique de Touraine, XI, 1983, p. 49-52, Jean-Louis, Viguier, “La Touraine troglodytique, une architecture sans architecte”, Magazine de la Touraine, 13. janvier 1985, p. 11-15, Arlette, Schweitz, “L’habitation troglodytique. Abri naturel et espace de vie marginal en Touraine”, Ethnologie française, 3, 1985, p. 265-274.
44 Inv. 129, 1854.
45 Cité par André-Raoul, de Croy, Études statistiques, historiques et scientifiques sur le département de l’Indre-et-Loire, Tours, Moisy, 1838, 315 p., p. 7.
46 Alexis de Monteils, Promenades dans la Touraine, Tours, A. Marne, 1861, 208 p., p. 7.
47 Baudrillart, op. cit., 1888, p. 148.
48 Henri, Guerlin, La Touraine. Paris, Laurens, 193, 231 p., p. 11.
49 Baudrillart, op. cit., 1888. p. 158-159.
50 Henri, Raulin, “L’enquête d’architecture rurale”, Ethnologie française, 1-2, 1973, p. 33-42.
51 Jean, Cuisenier, “Le corpus d’architecture rurale : logique sociale et composition architecturale”, Habitat et espace dans le monde rural, Paris, éd. Maison des Sciences de l’Homme, cahier n° 3, 1988, p. 41-52.
Jean. Guibal et Henri, Raulin, Languedoc-Roussillon. L’architecture rurale française. Corpus des genres, des types et des variantes, Die, A. Die, 1994, 307 p.
52 Mono. E.A.R. n° 8, Vouvray, Le Gué d’Amont.
53 Mono. E.A.R. n° 11 , Bourgueil, Santenay.
54 Mono. E.A.R. n° 10, Saint Symphorien, la Milletière.
55 Mono. E.A.R. n° 57, Auzouer, Cerisay.
56 Denis, Jeanson, La maison seigneuriale du Val de Loire, Paris, Garnier frères, 1981, 359 p.
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