Visiteurs et résidents britanniques dans le Paris révolutionnaire de 1789 à 1799
p. 335-351
Texte intégral
1A partir de mai 1789, l’événement révolutionnaire en France et notamment dans la capitale suscite Outre-Manche comme dans d’autres nations européennes1, beaucoup de curiosité et même d’enthousiasme. Il se crée à Londres et dans un certain nombre de villes anglaises des clubs et sociétés prorévolutionnaires ; pamphlétaires, poètes et journalistes célèbrent l’aube d’une ère nouvelle2 ; des visiteurs affluent également dans la capitale française pour vivre l’événement au jour le jour ou en observer les péripéties.
2De cette présence critique ou de cette sympathie agissante, témoignent récits, souvenirs, journaux intimes laissés à la postérité par un certain nombre d’hommes et de femmes venus ou quelques jours ou quelques semaines, plusieurs mois ou même plusieurs années dans le Paris révolutionnaire3. C’est à partir de ces sources diverses et d’intérêt assez inégal ainsi que d’études biographiques que l’on peut tenter de cerner l’interprétation contrastée et fluctuante des visiteurs britanniques entre 1789 et 17994.
Nature et dimensions de la présence britannique à Paris.
3A la veille de la Révolution, il existe à Paris une présence britannique déjà importante et fort contrastée. L’on peut ainsi évoquer diverses communautés religieuses dont la fondation est ancienne, remontant en général au XVIIe siècle et même parfois au XVIe siècle5. Il s’agit des trois couvents de "filles anglaises" sis rue de Charenton (religieuses de l’immaculée conception) rue Saint-Victor et faubourg Saint-Marcel (Augustines et Bénédictines). L’on compte également trois séminaires (l’un anglais, l’autre écossais et le troisième irlandais) ainsi qu’une communauté d’hommes (Bénédictins). Les séminaires et collèges britanniques accueillent des pensionnaires pour la plupart destinés à la prêtrise, les couvents de religieuses ont également des pensionnaires. En 1789, le nombre global de religieux, religieuses, prêtres, pensionnaires et séminaristes est de l’ordre de 350 à 400 personnes de tous ages et de conditions diverses.
4Parmi les britanniques établis à Paris, apparaissent également quelques manufacturiers et négociants, des artisans et boutiquiers, des banquiers et hommes d’affaires6. L’on recense même palefreniers, valets et femmes de chambre, ouvriers, soldats des régiments irlandais, escrocs et voleurs, débiteurs insolvables échappés à la justice anglaise.
5Mieux connus sont les résidents de condition plus élevée par leur fortune ou leur origine aristocratique comme ce Quentin Craufurd établi à Paris depuis 17807 dont la compagne est Eleonora Sullivan, ancienne maîtresse du duc de Wurtemberg et de Joseph II, lady Hervey ou Lady Knight. S’y ajoutent quelques familles franco-britanniques issues de l’émigration jacobite comme les Dillon et les Walsh.
6Autour de l’ambassade d’Angleterre dont le duc de Dorset (John Frederick Sackville) a la direction depuis 17878 gravitent une partie de la colonie britannique et maints visiteurs de passage dans la capitale. Car le séjour ou le voyage en France, notamment à Paris est devenu dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle et en particulier dans les cercles aristocratiques londoniens comme dans la bourgeoisie éclairée une obligation quasi incontournable. Cette obligation s’insère elle-même dans une tradition beaucoup plus ancienne dite du Grand Tour s’imposant depuis des générations aux jeunes lords à l’entrée de leur vie adulte9.
7Il apparaît difficile d’évaluer très précisément l’ampleur annuelle de cette migration d’Outre-Manche, En 1789, il serait de l’ordre de 5 000 personnes mais nous sommes déjà entrés dans la Révolution. Dans les années 1780, le nombre moyen des visiteurs de marque, représentant en particulier la haute aristocratie se réduit à deux ou trois dizaines de voyageurs (soit avec leur suite de domestiques, précepteurs et secrétaires de cent à deux-cents visiteurs)10.
8Si l’anglomanie dans les années qui précèdent la Révolution, garde encore une certaine importance dans les milieux intellectuels français et une partie de la grande noblesse (à la Cour et dans la capitale), un courant anglophobe fortifié par les conflits coloniaux et la guerre d’Amérique acquiert une vigueur inédite notamment dans les couches populaires11. Les tensions ultérieures entre l’Angleterre et la Révolution ne feront qu’aggraver cette inflexion des mentalités collectives. La France et en particulier la capitale n’en continuent pas moins à attirer des visiteurs d’Outre-Manche. Le voyage de Londres à Paris est plus rapide et plus sûr, l’accueil hôtelier est globalement considéré comme satisfaisant, le coût de la vie est moins élevé qu’en Grande- Bretagne12, les relations mondaines sont plus faciles, plus variées et Paris a réussi à sauvegarder un décor monumental si imposant et si rare !
9A partir de mai-juin 1789, lorsque sont mieux connus les événements révolutionnaires à Paris et en province, les visiteurs deviennent plus nombreux et leur nombre augmente encore semble-t-il jusqu’en août 1792. Au delà, un reflux s’esquisse et se poursuit jusqu’en octobre 1793, date à laquelle les sujets britanniques encore présents sur le territoire de la République sont arrêtés (à quelques exceptions près) et leurs biens séquestrés13.
10L’ambassade dont Robert Fitzgerald14 assume la direction par intérim après le départ du duc de Dorset jusqu’en mai 1790 va cesser d’être un recours et une structure d’accueil après le retour en Angleterre du nouvel ambassadeur Earl Gower arrivé à Paris le 20 juin 179015. Il ne reste plus sur place qu’un chargé d’affaires officieux, le colonel George Monro16, dénoncé d’ailleurs comme agent du ministre Pitt. Le personnel de l’ambassade revient en Grande-Bretagne ou persiste à demeurer à Paris ; c’est notamment le cas du médecin, Richard Gem, arrêté et emprisonné par la suite. Cette présence diplomatique, si écourtée soit-elle, est néanmoins précieuse dans la mesure où elle s’inscrit dans une série abondante et détaillée de dépêches officielles, source documentaire non dénuée d’intérêt17.
11Mais les témoignages "privés" de nombreux visiteurs sont sans nul doute plus suggestifs. Ils n’expriment il est vrai qu’un point de vue en général très personnel ; il reste dans l’ombre les réactions de la majeure partie des témoins des révolutions parisiennes et pourtant leurs destins individuels furent souvent dramatiques et dignes d’attention. En effet, entre juillet 1789 et octobre 1793, pour quelques prisonniers britanniques détenus18 à la Bastille et délivrés lors de l’assaut bien connu de cette prison d’Etat, bien d’autres britanniques apparaissent avoir été les victimes involontaires de l’événement révolutionnaire. Ainsi dès 1790, les communautés religieuses sont touchées par le décret de l’Assemblée constituante qui ordonne la dissolution de toutes les congrégations religieuses et place leurs biens sous séquestre. A peu près à la même date, les trois régiments irlandais, forts de 5 000 hommes sont dissous et leurs officiers et soldats rendus à la vie civile ou invités à entrer dans la nouvelle armée de la Révolution. A partir d’août-septembre 1792, la pression policière se resserre sur les étrangers : perquisitions, arrestations et contraintes diverses suscitent le trouble et l’inquiétude dans la colonie britannique notamment dans le cours de l’année 1793 lorsque se définit autour de la Grande-Bretagne la Première coalition.
12Cette méfiance grandissante des autorités politiques et administratives, avivée par un nouvel accès d’anglophobie ne refroidit guère l’enthousiasme prorévolutionnaire d’une partie non négligeable des visiteurs. Se détachent de ces "compagnons de route" quelques personnalités comme Thomas Paine19, élu député de la Convention, le chimiste Priestley, Watt junior, Helen-Maria Williams20, le leader irlandais Wolfe Tone ou des poètes comme Swinburne et Wordsworth (dont l’enthousiasme s’effondra assez vite)21. Moins connus mais peut être plus actifs sont les membres d’un club britannique créé à Paris22 ou les militants des Irlandais-Unis. Des hommes comme les frères Pigott, Cooper, Jones, Burns, Gay, Anderson, John Hurfurd Stone, John Oswald, des femmes telles Mrs Freeman, Lydia Kirkham, MaryWollstonecraft23 constituent un groupe de britanniques prorévolutionnaires, notamment auteurs d’adresses et de pétitions aux assemblées révolutionnaires. Ils sont les correspondants des clubs et sociétés prorévolutionnaires créés Outre-Manche et certains ont été délégués auprès de la Législative et de la Convention par ces mêmes sociétés. L’on retrouve parmi eux quelques agents de la Terreur à l’oeuvre entre 1793 et 179424.
13Beaucoup plus nombreux sont les visiteurs et résidents, simples curieux ou observateurs critiques. Ils appartiennent à des milieux sociaux fort différents les uns des autres. L’on compte parmi eux quelques représentants de l’aristocratie britannique comme John Villiers, comte de Clarendon ou Henry Temple, vicomte Palmerston, lord Sheffield ou lord Lauerdale. Apparaissent des membres des professions libérales, avocats et médecins, des officiers comme le lieutenant colonel Keating et le général Money, quelques savants et professeurs, des écrivains, journalistes. L’on rencontre aussi à Paris, des propriétaires fonciers passionnés d’agronomie comme le docteur Rigby (l’agronome Arthur Young séjourne en France au début de la Révolution), géologues, botanistes sans oublier des membres du Parlement. Il s’y mêle un nombre non négligeable d’oisifs, rentiers de leur état, voyageurs impénitents qui ont déjà parcouru une partie de l’Europe. Les hommes sont les plus nombreux (si l’on en juge par leur taux de participations aux relations de voyage) mais les voyageuses sont également présentes telles Mrs Shepherd, Lady Knight, Grace Eliot Dalrymple.
14La durée et l’époque de leurs séjours parisiens interfèrent dans la nature de leur interprétation de l’événement révolutionnaire. Les uns se bornent à un passage de quelques jours avant de gagner la Suisse ou l’Italie, d’autres prolongent leur visite pendant plusieurs semaines ou se transforment en résidents jusqu’au delà de l’année 1793. De plus, si les trois premières années de la Révolution se révèlent riches en promesses et en mesures heureuses, il n’en est plus de même par la suite avec les tensions croissantes entre la Cour et la Révolution, le durcissement jacobin et l’établissement de la Terreur. La prise des Tuileries, l’emprisonnement de la famille royale, les massacres de septembre 1792 marquent le début des désillusions, de l’ère des ruptures et des rejets.
15Une autre variante non négligeable s’insère dans la qualité des témoignages. La plupart des visiteurs se limitent à une observation trop extérieure de l’événement. Si l’on se réfère à leurs souvenirs, outre l’évocation des principaux monuments de la capitale, leur attention s’attarde sur quelques événements comme la prise de la Bastille, la fête de la Fédération, l’écho des journées de juin et d’août 1792. Les plus curieux assistent à des séances des assemblées (de la Constituante à la Convention), se glissent au club des Jacobins ou dans celui des Cordeliers. Ils relatent également quelques propos entendus dans les cafés ou les restaurants dans le quartier du Palais-Royal. Ils ont peu de contacts réels avec la population elle-même et moins encore avec les milieux politiques.
16Mais, il est vrai, toute une frange de visiteurs plus politisée ou disposant de lettres de recommandation et d’une ouverture mondaine fonde ses propos et réflexions sur une reconnaissance plus intime du fait révolutionnaire parisien. Thomas Paine est lié à la plupart des leaders révolutionnaires entre 1789 et 1793. Helen Maria Williams, bénéficiant d’une certaine notoriété littéraire et d’une démarche prorévolutionnaire est introduite dans les milieux girondins et devient une amie très proche de Madame Roland qu’elle évoque longuement. Le riche Craufurd, établi dans la capitale avant 1789 est par contre en relations étroites avec les milieux de la Cour des Tuileries et notamment avec le comte de Fersen. Grace Eliot Dalrymple fréquente les cercles orléanistes et le duc d’Orléans lui-même. Le poète John Moore s’introduit dans les milieux intellectuels et à l’occasion de rencontrer quelques hommes politiques comme Marat et Robespierre.
17Dans les mois qui suivent les massacres de septembre, la sécurité des biens et des personnes apparaît moins sûre à maints touristes britanniques. Les retours se font plus nombreux, le flux migratoire se tarit entre Londres et Paris. Les menaces s’aggravent dans le courant de l’année 1793 : le général Arthur Dillon est exécuté ; des officiers irlandais au service de la France sont arrêtés et traduits devant le Tribunal révolutionnaire25. Miss Williams, trop proche du milieu des députés girondins, Grace Eliot Dalrymple dénoncée comme une amie intime du duc d’Orléans sont victimes de visites domiciliaires, des perquisitions et d’arrestation temporaire.
18Au delà de septembre 1793, la mise en oeuvre de la législation d’exception décrétée par la Convention à l’encontre des étrangers, sujets des nations en guerre contre la République atteint les britanniques encore présents dans la capitale. Religieux et religieuses, laïcs de toute condition sociale, jeunes et vieux sont arrêtés à leur domicile dans les divers quartiers ou sections de la capitale et répartis entre plusieurs prisons dont la Conciergerie et le couvent des "filles anglaises", rue de Charenton. Les biens immobiliers sont saisis et mis sous séquestre, notamment ceux des communautés religieuses. Entre le 10 et le 14 octobre 1793 deux cent cinquante britanniques sont ainsi emprisonnés. Quelques-uns comme miss Williams et Stone grace à leurs relations politiques sont promptement relachés mais la plupart des autres demeurent en état d’arrestation jusqu’en thermidor an II. La colonie britannique se désagrège. Rares sont ceux qui ont réussi à échapper à la proscription et à gagner l’Angleterre à partir d’Ostende puisque les ports de Calais et de Boulogne sont fermés depuis mai 1793. Il ne reste plus en liberté (plus ou moins surveillée) dans la capitale que des britanniques prorévolutionnaires encore fidèles à leurs convictions, des officiers britanniques, prisonniers sur parole et bénéficiaires d’un titre de séjour provisoire, des artisans et ouvriers spécialisés et quelques notables appartenant à la bourgeoisie ou même à la noblesse. La Terreur n’est guère marquée par des exécutions de sujets britanniques, tout au plus une dizaine dont deux généraux irlandais O’Moran et O’Brennan passés au service de la France.
19Désormais la présence britannique devient fantomatique. L’état de guerre persiste et s’aggrave entre la France et la Grande-Bretagne au delà de 1795. Le voyage en France ne peut plus être que clandestin et hérissé d’obstacles et de danger. Seules sont reçues dans la capitale les missions diplomatiques envoyées pour négocier des échanges de prisonniers de guerre comme celle que dirige lord Malmesbury sous le Directoire. L’on peut évoquer également les séjours de leaders de l’indépendance irlandaise comme Wolfe Tone arrivé à Paris en 1796. En mai 1798, le plus illustre des prisonniers de guerre anglais, l’amiral Sidney Smith, réussit à s’évader de sa prison du Temple et à regagner l’Angleterre (il devait être échangé contre plusieurs milliers de prisonniers de guerre français). Même les sujets britanniques encore favorables à la Révolution comme l’industriel et imprimeur Stone, Miss Williams et autres militants se taisent et préfèrent se faire oublier.
20En une dizaine d’années, les témoins britanniques de la révolution parisienne ont vu leur nombre s’amenuiser d’année en année. Beaucoup ont réussi à revenir en Grande-Bretagne avant 1793 ; d’autres arrêtés et emprisonnés profitent de la réaction thermidorienne, notamment des ecclésiastiques et des religieuses pour à leur tour abandonner la capitale. Reste un petit groupe de sympathisants révolutionnaires dont le dynamisme idéologique s’est singulièrement relaché.
Une mémoire contrastée
21Le corpus des relations et souvenirs de voyage si divers soit-il dans ses enthousiasmes, ses incompréhensions, ses méfiances ou ses rejets verse dans une certaine banalité descriptive ; il permet néanmoins de distinguer des centres d’intérêt plus ou moins convergents et d’esquisser une approche globale du fait révolutionnaire parisien par les touristes d’Outre-Manche.
22La plupart d’entre eux sont sensibles très tôt à l’importance et au caractère souvent dramatique des "journées parisiennes". L’ambassadeur, le duc de Dorset a assisté à la prise de la Bastille ; dans sa dépêche en date du 16 juillet son enthousiasme déborde après une narration suggestive des faits "the gréa-test révolution… with the loss of very few lives… " affirme-t-il... L’agronome Rigby de son côté note avec espoir l’heureuse issue du coup de force populaire. L’on passe en général sous silence les journées d’octobre 1789 bien que certains visiteurs s’inquiètent de la nature du cortège qui se rend à Versailles26. Mais l’enthousiasme et la surprise renaissent avec la célébration de la fête de la Fédération. Helen Maria Williams laisse éclater sa joie devant le caractère grandiose et serein de la cérémonie et l’attitude patriotique de la famille royale.
23L’année 1791 est surtout marquée par la fuite à Varennes, du moins pour la plupart des britanniques. Lors du retour humiliant du roi et de la reine, l’avenir de la Révolution s’obscurcit si l’on tient compte de l’attitude de la populace. Le désenchantement l’emporte dans le cours de l’année suivante avec les échos de la journée du 20 juin et surtout avec la prise des Tuileries et l’emprisonnement de la famille royale. Aucun visiteur ne semble avoir assisté ou participé à l’événement mais quelques-uns notent les échos de la canonnade, le passage de citoyens en armes, la chasse aux soldats et officiers suisses dans les rues avoisinant leur hôtel27. L’on se hasarde même les jours suivants à se rendre au chateau et à relever les traces de l’assaut des sectionnaires parisiens et des fédérés. Quelques semaine plus tard, les massacres dans les prisons parisiennes provoquent chez la plupart des observateurs un trouble beaucoup plus profond. L’événement sanglant connu par ouï dire ou par une reconnaissance aventureuse sur les lieux même des crimes apparaît comme un temps de rupture28. Les plus prudents ou les plus pessimistes reprennent la route de Calais ou de Boulogne.
24Au delà des "journées" de 1792, les notations événementielles s’espacent ; elles se font plus sommaires et sans grand relief... Thermidor... le coup d’Etat du 18 fructidor... le coup d’Etat de Brumaire. Pour ceux et celles qui sont restés dans la capitale l’événementiel est désormais personnel et quotidien. Le sentiment d’insécurité marque le récit. Beaucoup se retrouvent en prison. Grace Eliot Dalrymple évoque ses rencontres avec le général Hoche "beau jeune homme... d’un air très militaire, très gai et très galant ainsi que la compagnie de mesdames de Beauharnais (l’une des dames les plus accomplies et les plus aimables qu’elle ait rencontrées) et de Jarnac. L’accent est mis sur la promiscuité des cellules, l’indigence des repas, l’inconfort des nuits, le départ des prisonniers pour l’échafaud. Au delà de Thermidor, les craintes s’apaisent ; la vie reprend son cours, quelques salons comme celui de miss Williams se rouvrent. L’événementiel dramatique a cessé d’être présent et le souvenir des mauvais jours s’estompe.
25A travers les récits et souvenirs laissés par les visiteurs, s’inscrit progressivement un certain détachement. Les événements auxquels l’on s’était au départ volontiers intéressé apparaissent plus lointains et comme "étrangers".
26Plus important que l’événement lui-même apparaît le rôle que joue le plus souvent le peuple parisien. L’attention des voyageurs s’attarde sur ses comportements, ses enthousiasmes comme sur ses accès de colère et ses débordements sanguinaires.
27Maints visiteurs se plaisent à souligner les qualités foncières des Parisiens. Ils ne sont ni frivoles ni ignorants comme on l’affirme trop souvent Outre-Manche. La capitale reste un lieu de séjour fort agréable au milieu d’un "bon peuple", aimable qui de surcroît aime les Anglais. Cette foule que l’on côtoie chaque jour est, semble-t-il, mieux nourrie et mieux vêtue qu’avant 1789 ; elle explose de joie lors de la Prise de la Bastille, encombre, détendue et pleine d’allégresse, le Palais-Royal. On la voit sur le Champ-de-Mars à la veille de la fête de la Fédération en 1790 participer avec ardeur et enthousiasme aux préparatifs de la cérémonie. Par la suite, cette opinion optimiste s’effrite ; seuls émergent encore les actes de courage, de bonté et dévouement individuels. Mais à quoi tient ce changement sinon au rôle néfaste joué dès les premiers mois de la Révolution par les meneurs, les provocateurs (notamment à la solde du duc d’Orléans), les politiciens (pretended politicians), les orateurs de club et surtout toute une propagande démagogique excitant à la haine et à la démesure par le biais de journaux, libelles et pamphlets.
28Car cette foule parisienne se révèle aussi inquiétante et dangereuse. Elle est volontiers grossière, usant d’un langage le plus bas, multipliant les injures et les menaces, d’une tenue inqualifiable dans les lieux publics comme les théatres, bruyante, tapageuse (groaning and claping...). Les femmes suscitent l’indignation la plus vertueuse... femmes perdues coiffées du bonnet rouge en compagnie de députés, "poissardes" d’octobre 1789 formant une "female army” au départ de Paris. Les hommes ne valent guère mieux, trop souvent ivres, sans respect pour l’étranger ; il suffit d’évoquer les sans-culottes débraillés ramenant le Roi et sa famille à Paris après les journées d’octobre.
29Cette violence et cette grossièreté dégénèrent trop souvent en démesure physique : l’on passe des menaces aux voies de fait : rudesse des visites domiciliaires, vols fréquents, pillages des Tuileries. Grace Dalrymple et ses compagnons, arrêtés par le municipalité de Sèvres et entassés dans une charrette qui les conduit à Paris, sont poursuivis par la foule qui leur jette de la boue, des chats morts et de vieilles savates... Rigby et ses amis qui tentent de quitter la capitale se fraient vers les barrières un passage difficile... Les menaces pleuvent... leur voiture est souillée de crachats. Une sorte de folie s’est emparée de la populace revenue à l’état sauvage (savage mob...).
30Cette folie peut devenir souvent sanguinaire. Dès le 14 juillet 1789, les combattants promènent les têtes sanglantes de Launay et de Flesselles. L’invasion du Chateau de Versailles en octobre 1789 s’accompagne d’assassinats de gardes du corps dont l’on ramène les têtes au bout de piques dans le sinistre cortège qui revient dans la capitale. Lors de l’assaut du chateau des Tuileries en août 1792, la foule s’en prend aux gardes suisses fait une boucherie de ces soldats sans défense (the mob butchered the defenceless Swiss...) et les poursuit dans les rues et les maisons voisines. Mais le carnage est encore plus terrible en septembre... la foule est devenue enragée (enraged populace...) sa barbarie est sans commune mesure et sa fureur sans limite. Pour William Lindsay, la violence était devenue telle (too shocking) qu’il lui est impossible de la décrire.
31Un certain nombre de visiteurs ne se sont pas bornés à observer les événements de l’extérieur, ils ont aussi eu l’occasion d’approcher et même de fréquenter des personnalités politiques. Leur témoignage est loin d’être dépourvu d’intérêt.
32Plusieurs assistent aux séances des assemblées dès mai-juin 1789. Arthur Young le premier décrit la salle des séances des Etats généraux ; l’ambassadeur, le duc de Dorset, s’inquiète déjà de la violence verbale dont fait preuve le Tiers à l’encontre de la noblesse et du clergé. De son côté, en juin 1789, William Taylor a consacré neuf jours à écouter la majeure partie des orateurs les plus éminents. Son témoignage est élogieux : sagesse, tact, talent oratoire, ton élevé des débats. Mais en septembre 1791 William Whindham29, à l’Assemblée nationale note que si le Roi a été accueilli avec respect et des applaudissements nourris, il a cessé d’être le seul souverain : le président ose lui disputer la préséance. Un mois plus tard, Mr Wollaston se rend à l’assemblée Législative, entend le discours royal mais constate que l’ancienne noblesse (gentry) n’est plus présente dans l’assemblée à quelques exceptions près et que les nouveaux députés se révèlent de mauvais orateurs (unused to speaking…). Par la suite, l’on retrouve quelques observateurs à la Convention. C’est d’ailleurs à cette assemblée qu’est élu en 1792, Thomas Paine (le chimiste Priestley élu dans l’Oise refuse de siéger). Les séances des clubs révolutionnaires piquent quelques curiosités. Arthur Young est reçu au club des Jacobins et en décrit le fonctionnement.
33Mais les témoignages sont plus nombreux et plus nuancés et divers à propos d’un certain nombre de personnalités. Et tout d’abord le Roi et la Reine. L’on souligne fréquemment le rôle néfaste de la Cour de Versailles (puis celle des Tuileries) ; l’on reconnaît les qualités foncières du souverain... sa bonté, sa fermeté lors de la journée du 20 juin 1792, sa dignité tout au cours de son procès et son courage sur l’échafaud mais en définitive Louis XVI est presqu’entièrement responsable de son destin tragique et de la chute de la Monarchie. Il n’a pas su profiter de la confiance que lui accordait le peuple en multipliant les maladresses, parmi lesquelles sa fuite à Varennes ; il a fait constamment preuve de faiblesse, d’absence de décision, d’un manque regrettable de volonté. En juillet 1791, le nouvel ambassadeur, le comte Gower est sévère à son propos..."Blunder upon blunder, inconséquence upon inconséquence, a total want of energy of mind, accompagnied with personnal cowardice… " La reine, par contre, est mieux jugée. Mrs Swinburne avant son départ pour l’Angleterre en 1789 lui rend visite ; elle note la bonté et le tact de la souveraine mais aussi sa tristesse. Le retour forcé à Paris en 1789 aggrave encore cet état d’esprit. Arthur Young note que la reine semble très affectée et qu’elle le montre sur son visage. Emprisonnée au lendemain du 10 août, jugée et condamnée à mort, Marie-Antoinette apparaît somme toute comme l’innocente victime (et martyre) d’événements dont elle présageait l’issue mais qu’elle ne pouvait maîtriser.
34Il est vrai que la famille royale a été bien mal entourée et conseillée. Il y a tout d’abord le duc d’Orléans dont les intrigues dès le début des événements apparaissent douteuses... N’aurait-il pas encouragé le pillage des armureries et la prise de la Bastille, ne l’accuse-t-on pas de vouloir assassiner le Roi pour lui succéder ? Son appui aux factions les plus ardentes, sa démagogie le conduisent d’ailleurs au déshonneur (il vote pour la mort de Louis XVI) et à la mort. Grace Elliott Dalrymple qui est devenue une amie très proche du futur Philippe Egalité tente en vain de le disculper de tous ces vilains bruits. Les inconséquences du duc d’Orléans seraient dues à son entourage ; lui-même est un homme de plaisir, plus attaché à ses conquêtes amoureuses (Madame de Buffon en particulier) qu’au démon de la politique. Mais son avocate doit reconnaître par la suite la conduite jugée inqualifiable de son ami au cours du procès du Roi.
35Le marquis de La Fayette est traité avec moins de sévérité. L’on note en effet son courage lors des journées d’octobre, son rôle important à la tête de la garde nationale, sa participation exemplaire à la fête de la Fédération. Mais Grace Dalrymple lui reproche son attitude en mai-juin 1789 (son ralliement au Tiers-Etat) ; il devient l’idole de la multitude souligne un autre observateur et le voici engagé dans les intrigues politiques, jouant les arbitres entre la Cour et l’Assemblée. Par la suite, sa trahison apparaîtra comme l’aboutissement logique d’une conduite inconséquente et ambiguë.
36Mais c’est sans doute Mirabeau qui encourt le plus de reproches. W.A. Miles30, en avril 1791, considère qu’il aurait pu sauver la monarchie mais qu’il s’est laissé acheter par le plus offrant ("he was mercenary… ready to sell himself to any party..."). Son image très positive au début de la Révolution s’obscurcit presque totalement et il est rendu responsable de l’erreur que fut la fuite à Varennes.
37Dans les cercles politiques de la capitale entre 1792 et 1794 ce sont les Girondins qui sont considérés avec le plus de sympathie. Ils incarnent l’idéal d’une révolution modérée soucieuse de légalisme, hostile à toute démagogie. Quelques visiteurs ont l’occasion de fréquenter leurs principaux leaders. C’est le cas en particulier d’Helen-Maria Williams qui revenue à Paris en août 1792 fait la connaissance de madame Roland, est admise dans son entourage et élargit son cercle de relations politiques et mondaines à Vergniaud, Brissot, Bancal des Issarts et Marie Joseph Chénier. Dans l’hiver 1792-1793, elle ouvre son propre salon à ces nouveaux amis, et suit du point de vue girondin le déroulement du procès du Roi. Mais en juin 1793, tout s’effondre. Les députés girondins sont arrêtés ou doivent s’enfuir pour échapper à la justice révolutionnaire. Miss Williams rend visite à madame Roland emprisonnée à Sainte-Pélagie. C’est pour elle l’occasion de célébrer la culture et l’intelligence de son amie, sa bonté et sa sérénité dans les épreuves comme d’ailleurs son élégance et son charme physique (the charms of the most élégant manners… her full dark eyes beamed with the brightest rays of the intelligence... (sa silhouette) tall and well shaped…). Cet attachement pour les Girondins, encore fortifié par leur fin tragique (en particulier le suicide de Roland) est partagé par d’autres visiteurs comme John Moore31 qui voit en Roland un pur et vertueux républicain, timide et modeste mais ferme dans ses convictions ; il l’oppose à l’ambitieux Danton, orateur doué, s’imposant au public par ses façons rudes et résolues et son volume sonore (his voice of Stentor)... Même Dumouriez avant sa trahison bénéficie d’un jugement plutôt sympathique. John Moore l’évoque dans la Convention avec son intelligence aiguë, son extraordinaire vivacité d’esprit et son entourage inébranlable (unshaken courage...).
38Le point de vue des visiteurs britanniques apparaît plus nuancé lorsqu’il s’agit de chefs montagnards. Marat saisi à la tribune du club des jacobins paraît assez ridicule avec sa solennité affectée et son ton de voix (a hollow and croaking voice). Danton est considéré par Millingen32, sauvage et féroce (à cause de son regard et de sa voix puissante). Sa chevelure en désordre fait de lui une bête sauvage encore enlaidie par les traces de petite vérole. Barère par contre est d’une politesse exquise et il a le mérite (assez rare) de parler anglais assez bien (tolerably well).
39Mais l’intérêt s’attarde sur la personne et le rôle de Robespierre. En 1791, l’ambassadeur Gower note qu’il est devenu avec Pethion (sic) un héros national. Vers la même époque, W.A. Miles souligne son sang-froid, son sens de la mesure et sa résolution ; il est un vrai républicain qui se refuse à toute démagogie (honestly so not to pay court to the multitude...) ; ses principes sont rigides et il méprise la richesse ; il ne peut être qu’incorruptible et n’a rien de la légèreté du Français ordinaire. Un an plus tard l’image de Robespierre se dégrade. John Moore l’a suivi au club des Jacobins où son influence est devenue considérable en août 1792 ; deux mois plus tard, en octobre, ce même John Moore en dresse un portrait déjà très critique, notant son attitude désagréable, sa petite taille, sa méchanceté et la violence de ses propos. Ses invectives contre les tyrans et les aristocrates témoignent d’une passion et d’une haine particulières. Millingen est encore plus sévère. C’est sans doute un homme extraordinaire mais il a quelque chose de démoniaque et de sarcastique (sardonic and demoniac...) et apparaît comme un oiseau de proie, un vautour avec ses yeux de couleur fauve... Son rôle lors du procès du Roi est jugé sévèrement... Ses partisans à la Convention ont multiplié les menaces physiques, troublé la sérénité des débats et contribué à la condamnation sans appel du souverain. Millingen qui lui rend visite chez le menuisier Duplay est frappé par la violence de ses propos et sa dénonciation passionnée des agissements de Pitt et des hommes corrompus par l’or anglais. Au delà du 2 juin 1793, l’image de Robespierre s’obscurcit encore. N’est-il pas responsable du régime de la Terreur, de la condamnation et de l’exécution de ses anciens amis comme Danton ou Camille Desmoulins. Sa défaite et sa mort en Thermidor sont saluées avec soulagement et son sort tragique apparaît amplement justifié.
40Sans doute faut-il voir dans ces jugements et témoignages de voyageurs britanniques présents dans la capitale dans la dernière décennie du XVIIIe siècle parfois beaucoup trop de passion et d’incompréhension. Il ne s’agit d’autre part que d’un nombre limité de personnes et l’on se doit d’évoquer une majorité silencieuse qui réussit à regagner l’Angleterre avant octobre 1793 ou qui fut emprisonnée pendant plusieurs mois dans les prisons parisiennes. Mais, en dépit de ces réserves nécessaires, l’on voit se dessiner d’un témoignage à l’autre une appréciation relativement globale du fait révolutionnaire parisien.
Une interprétation globale
41Tous les observateurs britanniques présents en juin-juillet 1789 s’accordent pour considérer la révolte parisienne avec sympathie. L’accent est mis sur les responsabilités de la Cour et des ordres privilégiés. La Révolution était inévitable et l’Ancien régime avec ses tares et ses faiblesses ne pouvait que s’effondrer Les Français sont en train de devenir un peuple libre à l’image du peuple anglais. Cet état d’esprit est encore fortifié par l’accueil que font les individus et la population aux britanniques dans les rues et les lieux publics. De cette fascination prorévolutionnaire sont issus directement les clubs et sociétés de pensée qui se créent en Grande-Bretagne comme aussi le réveil de l’Irlande.
42Mais la dérive du fait révolutionnaire vers la chute de la Monarchie, les massacres de septembre, la mort du Roi, les contraintes et les angoisses liées à la Terreur, les visites domiciliaires et les arrestations arbitraires contribuent à désagréger le courant de sympathie originel. Les témoignages se font de plus en plus nuancés et plus critiques. Somme toute, la Révolution a manqué son but. Il s’agissait au départ de construire un ordre social et politique nouveau fondé sur l’égalité et la liberté. La confusion, l’anarchie et la corruption ont eu raison de cet idéal auquel l’on ne pouvait que souscrire en juillet 1789. Mal maîtrisé, le fait révolutionnaire a engendré les pires passions et les excès les plus grands. Le désenchantement l’emporte même chez ceux qui avaient milité pour la Révolution. Les "radicaux anglais" venus à Paris se dispersent, se taisent ou regagnent l’Angleterre. Seuls les leaders de l’Irlande indépendante comme Wolfe Tone persistent à souhaiter que la République du Directoire puisse débarquer un corps expéditionnaire sur les rivages de l’ile. Mais Helen Maria Williams a été profondément troublée par la disparition tragique de ses amis girondins. Thomas Paine lui-même jeté en prison en décembre 1793 maudit ceux qui ont modifié si profondément le caractère de la Révolution pour imposer un système politique dans lequel la liberté a disparu... il est rempli de désespoir lorsqu’il pense au sort tragique de ses amis33.
43Au delà de 1794, les témoignages se font rares et se révèlent comme assez indifférents vis-à-vis de la politique du Directoire. La Révolution a perdu son caractère dramatique ; elle s’épuise à restaurer un certain ordre financier et un relatif équilibre entre les factions. L’avènement du Consulat ne provoque pas de surprise particulière. Il faudra attendre la paix d’Amiens pour que reviennent voyageurs et résidents britanniques avides de connaître ou de retrouver une capitale marquée par dix ans de Révolution34.
44Le fait révolutionnaire parisien n’a pas laissé indifférents voyageurs et résidents britanniques. Leur nombre s’est accru dans les premières années de la Révolution et une minorité de "radicaux" venus d’Outre-Manche a même voulu jouer un rôle militant pour pouvoir élargir aux îles britanniques le modèle révolutionnaire français. La capitale de son côté s’est montrée accueillante a tous ces étrangers accourus pour combattre dans les rangs révolutionnaires ou suivre les péripéties de la lutte contre l’ Ancien régime et la Monarchie. Mais au consensus originel, s’oppose le temps des ruptures... des retours dans la Mère Patrie, les désenchantements et les rejets passionnels. Le discours de Burke et la politique de William Pitt contribuent à semer le doute et à enraciner l’incompréhension. La France révolutionnaire se fait plus lointaine, plus étrangère et aussi plus dangereuse.
Notes de fin
1 L’influence des idées révolutionnaires a été considérable dans diverses nations étrangères. Les études qui y sont consacrées sont nombreuses. A titre d’exemple citons Droz J., L’Allemagne et la révolution française, Paris, 1949. Boucher M., La Révolution de 1789, vue par les écrivains allemands, ses contemporains, Paris, 1954. Chapuisat E., La Suisse et la Révolution française, Genève, 1945. Hazard P., La révolution française et les lettres italiennes, Lyon, 1914…
2 Parmi ces sociétés prorévolutionnaires, The Corresponding society (animée par Thomas Hardy), The Révolution society, the society of the Friends of the People... cf Alger (The englishmen in the French Révolution ; et Smith Ed., The story of English Jacobins...’). Il existe aussi des société ou des filiales en province à Birmingham (le chimiste Priestley) à Manchester (Th. Walker) voir aussi Chardon A., Fox et la Révolution française, Paris, 1920.
3 Thompson M. a regroupé 130 extraits de relations de voyage, de souvenirs et correspondances de visiteurs ou résidents britanniques dans son ouvrage Witnesses of the French Révolution, 1938... voir aussi Répertoire des relations de voyage, souvenirs correspondances de voyageurs britanniques en France et voyageurs français en Grande Bretagne publié par le Cridaf (Centre de Recherches sur les Relations Interculturelles entre les aires anglophones et francophones, université Paris-Nord, 1988…) Parmi les relations de voyage citons à titre d’exemple : A fifteen days tour to Paris... by an Englishman of veracity just retourned…, London, 1789 ; A residence in France during the years 1792-1793-1795 (traduction française par H. Taine). A trip to Paris in July and August 1792, London, 1793 (anonyme)… Rigby E., Letters from France in 1789 ; Weston S., Letters from Paris during ther summer of 1792, London, 1793. ; voir également Maxwell Constantia, The english Traveller in France 1698- 1815, London, 1932 et Lacombe P., Bibliographie parisienne, 1890.
4 Mathiez, La Révolution et les étrangers, Paris, 1918 et surtout Alger J.-C., Englishmen in the French Révolution, London, 1889 ; du même auteur in English Historical Review, 1898 "Sur la colonie britannique à Paris en 1792-1793". Des informations diverses dans quelques études biographiques consacrées à Paine, Helen Maria Williams, Mary Wollstonecraft.
5 Daumet G., Notices sur les établissements religieux anglais, écossais et irlandais fondés à Paris avant la Révolution, Paris, 1912. Cedoz, Un couvent de religieuses anglaises à Paris, Paris, 1891. Boyle P., The Irish College in Paris, from 1578 to 1901, London, 1901.
6 In Alger, op. cit., récession nominative des résidents et visiteurs arrêtés et emprisonnés en octobre 1793 voir aussi Fortolis, Des cachots de la Terreur aux prisons de l’Empire... Parmi les personnes arrêtées figurent des hommes d’affaires établis à Paris (le manufacturier Stone), des négociants dont les biens sont séquestrés – le banquier Walter Boyd réussit à regagner l’Angleterre en sept. 1792.
7 Quintin Craufurd (1743-1819) pourtant proche de la Cour et établi à Paris bien avant 1789 après avoir fait fortune aux Philippines, échappe aux proscriptions. En 1819 il publiera ses notices sur Marie Stuart et Marie Antoinette. Deux autres résidentes Lady Knight (Letters 1776-1795) et Mary Hervey (Letters publiées en 1821) ont laissé des témoignages sur leur séjour dans la capitale.
8 Cf. Dictionary of National Biography à Sackville John Frédéric, 3rd Duke of Dorset 1745-1799, p. 92. Appartenant à une illustre famille britannique, le duc de Dorset fut élu membre de la Chambre des Communes en 1768 et un an plus tard, il entra à la Chambre des Lords. Il est nommé ambassadeur extraordinaire à Paris en décembre 1783 et revient en Angleterre le 8 août 1789.
9 A propos de ce périple européen intitulé le Grand Tour voir Mead W.E., The Grand Tour, London, 1914 et Nugent Th. (1ère édition 1749), The Grand Tour or a journey through the Netherlands, Germany, Italy and France (en quatre volumes).
10 Lockitt, The relations of French and English Society, 1763-1793 (l’auteur recense en particulier les visiteurs de marque britanniques dans la capitale avant 1789. A propos des visiteurs britanniques à Paris avant la Révolution de nombreuses études comme celle de Paul Yvon sur Horace Walpole, thèse Lettres, Paris, 1930).
11 Acomb F., Anglophohia in France 1763-1789, 1950 ; voir aussi Flammermont J., A propos des correspondances d’agents diplomatiques, in Extraits des archives des missions scientifiques, t. 8, Paris, 1898.
12 Les voyageurs disposent de guides de voyage en France (et sur le continent) comme le Gentleman’s guide (1770 et diverses rééditions), Letters to a young Gentleman, 1784 by J. Andrews) ou Thciknesse, Useful Hints to those who make a tout of France, London, 1768 et Thiery, Guide des amateurs et étrangers voyageant à Paris, Paris, 1780... Les visiteurs évoquent leurs hôtels... Hôtels d’Espagne, de Moscovie, d’Orléans.
13 La Révolution parisienne tout d’abord accueillante aux visiteurs étrangers (notamment britanniques et aux réfugiés politiques et sympathisants de la Révolution (cf les "jacobins" anglais et les irlandais "indépendantistes") se montre plus hostile et plus méfiante à partir de 1793. La Convention met en oeuvre une réglementation dès mars 1793 (Décret du 21 mars sur le rapport de Jean Debry... déclaration d’état-civil certifié par six témoins auprès des municipalités ou sections de quartier) ; cette réglementation trouve son aboutissement dans les décrets du 10 et 18 octobre 1793 qui décident de l’arrestation de tous les étrangers présents sur le territoire de la République (à l’exception des enfants de moins de douze ans et des femmes mariées à des citoyens français). A partir de 1793, du fait de la guerre ouverte entre les deux nations, des prisonniers britanniques victimes de la guerre de course dans l’Atlantique ou la Méditerranée ou des opérations terrestres (le corps expéditionnaire du duc d’York dans les Flandres – le siège de Toulon) sont retenus en France (sur parole pour les officiers ou dans des dépôts en province).
14 Robert Fitzgerald simple chargé d’affaires intérimaire ne doit pas être confondu avec Edward Fitzgerald, opposant irlandais, réfugié à Paris, membre du club britannique, marié à Pamela, fille naturelle du duc d’Orléans, né en 1765 et décédé dans la prison de Newgate en Angleterre après l’échec de la rébellion dont il était le chef en Irlande.
15 In D. of National Biography, p. 146, Leveson Gower George Granville, premier duc de Sutherland 1758-1833... Après avoir appris la langue française à Auxerre et avoir été étudiant à Oxford (au Christ College en 1775) . Il voyage en Europe entre 1780 et 1788. Dès 1778 il est élu aux Communes et devient Ambassadeur à Paris en 1790 jusqu’en août 1792 (cf sa correspondance diplomatique publiée en 1885). Il s’était marié en 1785 avec Elizabeth Sutherland d’où son titre ultérieur de duc de Sutherland).
16 Kerner G., Briefe, geschrieben auf einer Reise von Paris nach del Niederlanden, Ibid
17 Une partie de la correspondance diplomatique a été publiée pour l’ambassade du duc Dorset (Camden Third series by Daniel Hailes chargé d’affaires 1784- 1790 ) et surtout The despatches of Earl Gower… to which are added the despatches of Mr Lindsay and Mr Monro and the diary of Viscount Palmerston en France during july and august 1791, Cambridge 1885.
18 Cf Alger, op. cit. (à propos de Lord Massareene et du capitain White).
19 Voir Biographie Universelle, Michaud, D. of National Biography et diverses Biographies, Cobett (1796), Gould (1925) et Skerwin. Thomas Paine est l’auteur de divers écrits (The Rights of the Man, 1791) de discours, proclamations, adresses à la Convention, correspondance (qui ont fait l’objet de publications). Thomas Paine est emprisonné de décembre 1793 à novembre 1794.
20 A propos de Helen Maria Williams, L.D. Woodward, Une adhérente anglaise à la Révolution France, H.M. Williams et ses amis, thèse, lettres, Paris, 1930. H.M. Williams apparue comme femme de lettres en Grande Bretagne avant 1789 se rend à Paris en 1790 (Letters written in France in the summer of 1790), regagne l’Angleterre puis revient à Paris pour s’y établir définitivement (elle publie divers ouvrages sur la Révolution et des traductions d’auteurs français...) La Révolution suscite l’enthousiasme d’autres femmes de lettres comme Mary Wollstonecraft, Mrs Barbaul, Charlotte Smith, Mary Hays, Ann Yearsley.
21 A propos de l’influence de la Révolution sur les poètes anglais voir F. Cestre, "La Révolution et les poètes anglais", Revue Bourguignone, 1906… L’événement marque Coleridge, Southey, Blake, Robert Burns, Wordsworth, cf Legouis, La jeunesse de Wordsworth 1779-1798. Annales de l’Université de Lyon, 1896)… plus généralement Dowden, The French Révolution and English Literature, New York, 1897.
22 Sur le Club britannique à Paris, Alger in English Historical Review, vol. 13, p. 672 oct., 1898… L’adresse à la Convention est du 28 nov. 1792 (elle est signée par une centaine d’adhérents dont la moitié sont des Britanniques). Le club disparaît en févr. 1793.
23 Cf D. of National Biography à Goldwin (Mrs Wollstonecraft 1759-1797), Femme de Lettres et traductrice d’auteurs français se rend à Paris en déc. 1792 (elle est déjà connue par la traduction de son pamphlet Vindication of the rights of Women) est introduite auprès de Miss Williams publie son Historical and Moral View of the French Révolution en 1794 et revient en Angleterre en 1795, cf C. Kegan Paul, Mary Wollstonecraft, 1879.
24 Dans la colonie britannique, des agents de la Commune comme Georg Grieve, James Arthur, Kavanagh réputés comme "terroristes". Il y a aussi des réfugiés échappés d’Angleterre ou d’Irlande comme Vaughan, Thomas Muir, Sampson Perry.
25 Hayes R., Ireland and Irishmen in the French Révolution, London, 1932, voir aussi Life and adventures of Theobald Wolfe Tone, Glasgow, 1876.
26 Diverses informations sur les journées d’octobre 1789 dans les souvenirs de Th. Blaikie (The diary of a scotch gardener…) de Mrs Swinburne (citée par Thompson in English Witnesses, op. cit ; et Grace Dalrymple (Journal of my life during the Révolution., et Hiles D. Chargé d’affaires (in Correspondance diplomatique…).
27 Cf Dalrymple, op. cit.... elle cache plusieurs soldats suisses et le gouverneur des Tuileries se réfugie chez elle.
28 Sur la prise des Tuileries et les massacres de septembre, témoignages in Lindsay, Monro.
29 W. Windham, Life and correspondence 1750-1810, London, 1913.
30 W.A. Miles The Correspondence of W. A. Miles on the French Révolution, London, 1890... il apparaît être en mission officieuse à Paris en 1790 (plus ou moins mandaté par le ministère anglais). Il mourra à Paris, 1807.
31 John Moore (1729-1802) fut médecin et écrivain ; il vient compléter ses études de médecine à Paris dans les années 1750 et il est nommé médecin de l’ambassade d’Angleterre (l’ambassadeur étant le comte d’Albermarle), revient en Ecosse puis voyage en Europe (avec le duc de Hamilton. En 1779 il publie son ouvrage View of society and manners in France, Switzerland Germany ; il est de nouveau à Paris en 1792 avec le comte de Lauderdale (d’où sa relation de séjour A journal during a résidence in France in 1792).
32 James Millingen se rend en France avec sa famille en 1790, rentre avec elle en 1792 pour revenir à Paris peu après. Il obtient un poste à l’Hôtel des Monnaies, acquiert une certaine notoriété comme numismate et auteur de divers traités de numismatique. Il est emprisonné entre 1792 et 1794 et s’établit par la suite en Italie où il meurt en 1845.
33 Thomas Paine dans une lettre à Danton le 6 mai 1793 exhale son mécontentement : I am exceedingly disturbed at the jealousies, discontents and uneasiness that reign among us and which if they continue will bring ruin and disgrace on the Republic.
34 A. Babeau, Les Anglais à Paris après la paix d’Amiens, Paris, 1898, et Boutet de Monvel, Les anglais à Paris (1800-1850), Paris 1911.
Auteur
Univ. de Paris Nord
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