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Bourgeois parisiens en révolution 1790-1792

p. 71-88


Texte intégral

1Cette communication a pour objet de présenter les premiers résultats d’une enquête menée sous forme de mémoires de maîtrise et poursuivie depuis trois ans dans le cadre de l’institut d’Histoire de la Révolution Française, de l’Université de Paris-I, sous la direction de Michel Vovelle.

2Cette enquête dont j’ai la responsabilité concerne l’étude sociale et politique de la bourgeoisie de la capitale à travers celle de ses électeurs de 1790 à 1792. Son intérêt, son objectif et sa stratégie ont été définis, le 7 décembre 1985, lors de la rencontre qui s’est tenue à 1’1. H.R.F. et qui s’inscrivait précisément dans la préparation de ce colloque. Les actes de cette rencontre ayant été publiés dans les Annales Historiques de la Révolution Française (n° 263, janv.-mars 1986), il suffit donc de rappeler brièvement l’ampleur et les limites de ce chantier.

3En 1790, F Assemblée électorale parisienne se composait de 781 électeurs, agés au moins de 25 ans, domiciliés depuis un an dans la capitale, payant une contribution directe de 10 livres, et répartis dans les 48 sections de la ville. En 1791 plus de la moitié des électeurs fut changée : 444 étaient nouvellement élus sur les 829 qui composaient la nouvelle assemblée. En septembre 1792, après la chute du trône, le corps électoral parisien fut renouvelé, cette fois au suffrage universel masculin, dans des proportions encore plus considérables. Sur les 849 électeurs, 692 étaient des hommes nouveaux, plus de 80 % de l’effectif.

4L’électorat parisien de 1790 à 1792 se ramène donc à 1917 électeurs, si l’on écarte ceux qui l’ont été pendant plusieurs années successives. L’enquête en cours s’efforce de préciser l’identité de chacun de ces électeurs, de déterminer la nature de sa profession et son niveau dans la hiérarchie sociale des fortunes, enfin de retrouver les fonctions publiques qu’il a pu exercer.

5En ce qui concerne l’électorat de 1790, compte tenu de l’ampleur des effectifs confiés à chaque chercheur (environ 130 électeurs), en dépit de la qualité de ces chercheurs et malgré la collecte d’informations précieuses, les résultats obtenus ne peuvent être considérés comme très satisfaisants. La décision de ramener à 30 électeurs l’effectif à traiter, a permis au cours des deux années suivantes d’étudier convenablement sur le plan politique et social, 83 électeurs de 1790 dans 4 nouvelles sections de la rive gauche, 409 électeurs de 1791 dans 44 sections et 185 électeurs de 1792 dans 12 sections.

6A cette étape de la recherche, les résultats sont naturellement partiels ou inégaux, mais, néanmoins, ils permettent déjà de mieux connaître les différentes catégories de la bourgeoisie parisienne, engagées dans la Révolution avant et après le 10 août et de répondre provisoirement à un certain nombre d’interrogations.

7Et d’abord, quel était l’age de l’électorat parisien ? Le tableau de la pyramide des ages (le seul d’ailleurs qui concerne la quasi totalité des trois corps électoraux de la capitale) permet un certain nombre d’observations.

8En 1790 et en 1791, l’age moyen du corps électoral parisien s’établit à 47 ans contre 43 ans en 1792. L’électeur de la période censitaire serait plutôt un quinquagénaire et celui de 1792 plutôt un quadragénaire. Mais ces moyennes masquent des disparités plus importantes. En octobre 1790 et en août 1791, les plus de 40 ans constituent près des 3/4 de l’électorat alors qu’en septembre 1792, les moins de 40 ans constituent un peu plus des 2/5 de l’effectif (41,60 %). Le déséquilibre s’accentue si l’on considère le groupe des moins de 35 ans : il représente 11 à 12 % en 1790-91, mais plus de 23 % en 1792, c’est à dire environ le 1/4 de cet électorat. L’électorat parisien en 1792 n’a donc pas été seulement presque entièrement renouvelé, il a été aussi profondément rajeuni. C’est un moment unique dans l’histoire de l’électorat de la capitale pendant la Révolution. En l’an IV, la moyenne de l’age de l’Assemblée électorale remonte de nouveau à environ 48 ans.

9D’où venaient ces Parisiens ? Sur ce point, les résultats sont sans surprise et confirment ce que l’on savait déjà. Les électeurs nés à Paris représentent environ 45 % de l’ensemble, ceux qui sont nés en province 52 % et 2 % étaient originaires de l’étranger ou de l’outre-mer. La plus grande partie des provinciaux (71 %) venaient de la France au nord d’une ligne qui va de Saint-Malo au lac de Genève. La région parisienne, le Nord, la Champagne et la Bourgogne, la Normandie fournissent les plus gros contingents. Phénomène bien connu, c’est la moitié nord de la France qui a le plus contribué à l’accroissement de la population parisienne. Les 2/3 de ces provinciaux avaient gagné la capitale entre 14 et 25 ans. L’enracinement dans la capitale était donc, dans l’ensemble, plus récent pour les électeurs de 1792 que pour ceux de la période censitaire.

10Quelle était la structure professionnelle de ces corps électoraux ? Il faut rappeler qu’il s’agit ici d’un dépouillement partiel et distinguer la période censitaire de l’année 1792. En 1790, le groupe des hommes de loi et des officiers ministériels est proportionnellement le plus important, avec près d’un tiers de l’effectif. En 1791, il en constitue encore près d’un cinquième. Celui des banquiers, négociants et marchands oscille, pendant la même période, entre le 1/5 et le 1/4 du total. Bien après se situe la catégorie des entrepreneurs, fabricants et artisans, assez stable, autour de 15 % en 1790 comme en 1791.

11En 1792, dans les 12 sections étudiées, ces proportions sont totalement bouleversées. Les hommes de loi ne sont plus que 6 %, mais en revanche, les fabricants et artisans font une apparition massive avec plus de 47 % du total. Les négociants et les marchands sont un peu plus de 18 %. Par conséquent, dans ces 12 sections, deux électeurs sur trois relèvent de l’entreprise ou de l’échoppe, du négoce ou de la boutique.

12Mais il doit être clair que l’appartenance à une même profession n’a jamais reflété l’appartenance à un même groupe social et que ces catégories professionnelles recouvrent des réalités sociales foncièrement différentes. C’est pourquoi, à partir des archives notariales et de l’enregistrement, les chercheurs ont tenté de replacer les effectifs de ces groupes dans leurs hiérarchies socio-économiques respectives.

13La richesse de l’information recueillie a été exceptionnelle : contrats de mariage, inventaires après décès, liquidations de successions, achats et ventes de biens immobiliers ou fonciers, valeur des loyers, montant des traitements, successions recueillies par les conjoints, montant des emprunts et des créances actives, des dots consenties aux enfants, participations aux grandes affaires, actes de constitution de sociétés, états de faillite.

14Mais aujourd’hui, s’agissant de présenter les premiers résultats d’une enquête qui n’est pas terminée, il a été jugé préférable de s’en tenir à deux indicateurs : les fortunes au mariage et au décès des électeurs de 1791 et 1792.

15Pour les 409 électeurs de 1791, la recherche a permis de retrouver 183 contrats de mariage (concernant 167 électeurs, certains s’étant mariés plusieurs fois) soit un taux de succès de 45 % et 272 successions, soit un peu plus de 66 % de l’ensemble. Pour les 185 électeurs de 1792, 56 contrats de mariage ont été retrouvés, concernant 54 électeurs, soit un taux de 30 % et 84 successions, soit 45,4 % du total. Nous disposons donc pour cette étude réellement socio-professionnelle de 239 contrats de mariage et de 356 succesions.

16En ce qui concerne la fortune au mariage des électeurs de 1791, une analyse globale permet une première répartition sommaire : le tiers de la fortune conjugale se situe entre moins de 1000 et 15000 L, mais 15 % des électeurs disposaient d’une fortune égale ou inférieure à 5000 L. Un quart d’entre eux possédaient entre 15 000 et 35 000 L. Environ 15 % entre 35 000 et 50 000 L et près de 27 % se groupent dans les tranches qui vont de 50 000 à 100 000 L, les plus de 100 000 L représentant 12,5 %.

17Les variations sont naturellement considérables dans chaque catégorie professionnelle. Si l’on considère ceux qui sont classés dans la première rubrique (administration, juridictions financières, agents des services publics), plusieurs niveaux sociaux se différencient nettement. Pierre François Missonnier de la section de l’Hôtel-de-ville, qui s’intitule glorieusement banquier sur la liste électorale et qui n’est en réalité qu’un commis aux Finances, Jean-Baptiste Harger de la section du Temple, employé à la Trésorerie nationale, Jacques Fourcade de la rue Beaubourg, commis à l’intérieur, n’ont disposé à leur mariage que de 2000 à 9 000 L.A un niveau supérieur, Louis Picard, venu de la Ferme générale et futur directeur de la Caisse d’escompte possédait 27 000 L, Jacques Barnier de la section du Roule et commis principal à la Marine, 52 000 L. Ces fortunes conjugales paraissant pourtant bien médiocres comparées à celles de Jean-Joseph Hurel de la section des Enfants-Rouges, payeur des rentes, qui s’élevait à 775 000 L.

18La différenciation sociale n’est pas moindre dans le monde des hommes de loi et des officiers ministériels. La moitié d’entre eux se groupe dans la tranche des 2 000 – 30 000 L et le tiers entre 65 000 et plus de 100 000 L. Le contraste est saisissant entre les apports au mariage des avocats Legagneur-Delalande (4000 L), Dupuis (6 000 L) et ceux de Petit de Lafosse, ci-devant avocat aux conseils (85 000 L) ou de Louis Michaux, ci-devant conseiller au Chatelet (226 000 L).

19Si les banquiers Bidermann (36 000 L), Boscary (50 000 L) ou Charles-Gabriel Rousseau (317 000 L) figurent, comme on pouvait s’y attendre, dans les catégories supérieures de la fortune conjugale, la plus grande diversité se retrouve chez les négociants et les marchands. La tranche des 1 000 – 20 000 L groupe vingt d’entre eux, celle des 20 000 – 45 000, 18 et celle des 55 000 – 100 000 L, 9. Sept disposent de plus de 100 000 L. Ce sont les merciers drapiers et les épiciers qui fournissent plus de la moitié des contrats retrouvés. Mais si Pierre Bernier, mercier du Marché-des-Innocents, a disposé de plus de 100 000 L, Jean-Baptiste Guerrier, mercier du Jardin-des-Plantes, n’avait que 5 700 L. Même écart chez les marchands épiciers, qui va des 11 200 L de Pierre Dufour des Enfants-Rouges aux 80 000 L de François Toullet du Roi-de-Sicile.

20Entrepreneurs, fabricants et artisans de 1791 semblent avoir été moins fortunés. Pour plus de la moitié d’entre eux, l’apport au mariage se situe entre 1 000 et 10 000 L. Le quart de l’effectif se groupe dans la tranche des 10 000 – 30 000 L. Ces deux tranches de fortune totalisent 78 % de leur effectif contre 53 % pour les négociants et les marchands. Un orfèvre et un entrepreneur de menuiserie dépassent la barre des 100 000 L, mais c’est le milieu de la fabrique ou de l’artisanat qui fournit le plus grand nombre de contrats compris en 1 000 et 2 000 L.

21Les rentiers dont nous connaissons les contrats de mariage appartiennent en majorité au monde des anciens officiers de finance et de judicature, de la Ferme générale ou à celui du personnel attaché au service du roi et des princes. Ce sont les plus fortunés. Sept contrats seulement concernent d’anciens entrepreneurs ou marchands. Ils vont de 5 000 à 40 000 L.

22C’est un paysage social très différent que nous découvrons avec la fortune au mariage des électeurs de 1792. Le tassement dans les catégories inférieures de la fortune est très nettement perceptible. Les deux tiers des contrats connus se situent dans la tranche des 1 000 – 15 000 L contre un tiers en 1791. Un peu moins de 11 % dépasse la limite des 50 000 L contre 27 % en 1791.

23Négociants et marchands, entrepreneurs et artisans fournissent plus de 71 % des contrats retrouvés. Dans l’ensemble, comme en 1791, ce sont les négociants et les marchands qui paraissent relativement les plus aisés. Compte tenu des sections étudiées, ce sont les marchands de vin qui sont non seulement les plus nombreux (très regroupés dans la section Jardin-des-Plantes), mais aussi les plus riches. Seul Joseph Faitot des Quinze-Vingts disposait à son mariage de 1 000 L. La plus grosse fortune est celle de Jacques Jalaguier, négociant en vin du Jardin-des-Plantes et futur membre du comité révolutionnaire de sa section pendant la Terreur, avec 62 000 L. Pour les autres, c’est la dispersion habituelle des apports conjugaux, des 200 L du traiteur François Orceyre des Gravilliers qui, à l’époque de son mariage, était gagne-denier, aux 55 000 L du marchand quincaillier Antoine-Pierre Damoye, futur jacobin et administrateur du département de Paris en 1793, dénoncé comme ancien terroriste en l’an III.

24La situation des artisans et entrepreneurs de 1792 semble avoir été plus modeste. La fortune au mariage de la moitié d’entre eux se situe entre moins de 1 000 et 5 000 L. La quasi totalité de l’effectif ne va pas au delà de 20 000. En 1791, ils n’étaient que 63 % dans cette situation. On note une seule grosse fortune, celle du menuisier Jean-Claude Robineau des Gravilliers avec 53 000 L.

25L’éventail du montant des successions est aussi largement ouvert que celui des contrats de mariage. Sur les 272 successions des électeurs de 1791, 207 indiquent la valeur totale du patrimoine immobilier ou foncier. Pour 65 électeurs, ce patrimoine n’a pu être complètement évalué. Nous ne connaissons que le montant de la prisée et des valeurs mobilières et parfois l’estimation d’une partie des biens immobiliers. D’où les deux tableaux qui figurent en annexe.

26Ces successions vont de l’indigence à l’opulence. Toutes les catégories socio-professionnelles sont concernées sauf celle des banquiers. Si l’avocat Jacques Canuel de la Place-Vendôme laisse à son décès 398 000 F, la succession de son collègue Lapourielle, ci-devant conseiller à l’Election de Paris, s’élève à 379 F ; celle de Jean-Joseph Courtin marchand commissionnaire en quincaillerie est de 498 000 F, mais celle de Buisson, marchand mercier des Lombards qui possédait à son mariage 36 000 L se réduit à une garde-robe prisée 177 F. Le menuisier Nizard, du Temple, dont la fortune conjugale s’élevait à 28 000 L laisse un héritage de 135 000 F, mais le maître-maçon Charpentier, de Bonne-Nouvelle, qui disposait pourtant à son mariage de 52 000 L finit dans la misère à l’Hospice des ménages.

27Près de 18 % de ces électeurs terminent leur vie dans l’indigence ou avec moins de 1 000 F. Ils sont encore 13,5 % dans la tranche des 1 000 – 5 000 F. Un peu plus du quart se groupe dans celle des 5 000 – 35 000 F. Mais au-delà des 40 000 F, ils sont 42 %, les successions de plus de 100 000 F constituant environ le quart de l’ensemble.

28Le tableau des successions partiellement connues devrait certainement conduire à minorer le pourcentage des catégories inférieures de la fortune au décès et à majorer celui des catégories supérieures. L’aisance ou la richesse de la majorité de cet électorat semble indiscutable. Pour 165 électeurs il a été possible de comparer la fortune au mariage et au décès. L’enrichissement est certain pour 123, c’est-à-dire près des trois quarts. Pour les 42 autres, la succession est très nettement inférieure à la fortune conjugale ou nulle. C’est toujours le patrimoine immobilier ou foncier qui constitue l’essentiel des successions, surtout celles des plus importantes. Il n’a été trouvé que cinq exceptions à cette règle, comme celle de l’apothicaire Boudet, des Quatre-Nations, dont la succession (120 000 F) se compose uniquement de créances actives. 109 électeurs souvent déjà propriétaires ont acquis des biens immobiliers ou fonciers pendant la Révolution, dont 41 des biens nationaux.

29Comparées à celles des électeurs de 1791, les successions des électeurs de 1792 sont dans l’ensemble plus modestes. Sur les 84 successions retrouvées, la valeur totale du patrimoine n’est connue que pour 74 d’entre elles, les dix autres n’ont pu être totalement évaluées. Les deux tiers des successions connues complètement sont égales ou inférieures à 20 000 F (contre 46 % en 1791) et un tiers se situe entre moins de 1 000 et 2 000 F (contre 23 % en 1791). Le petit nombre des successions partiellement connues ne paraît pas devoir sensiblement modifier cette répartition.

30Environ la moitié des marchands et artisans, la majorité des professions intellectuelles ou artistiques, la totalité des prêtres mariés ou non, ne dépassent pas la limite des 10 000F. Au-delà de 40 000 F, ils sont un peu plus de 32 % contre 42 % en 1791. Ce sont les grosses fortunes (plus de 100 000 F), comme celle du marchand de couleurs La Clef, du Luxembourg (146 000 F), du marchand de vin Leblond, du Jardin-des-Plantes (118 000 F) ou de l’apothicaire Porcher, des Gravilliers (224 000 F) qui sont les moins nombreuses : 8 % en 1792 contre 23 % en 1791. Mais si les successions sont moins considérables, elles ne signifient pas pour autant une régression de la fortune au cours de la vie. La comparaison est possible pour 41 électeurs : 33 (soit plus de 80 %) se sont enrichis entre le mariage et le décès, comme le menuisier Tricardeau du Jardin-des-Plantes qui possédait 2 600 L à son mariage et laisse un héritage de 60 000 F dont une maison. Huit électeurs au contraire se sont appauvris ou ont sombré dans l’indigence, comme le doreur Pierre Saint Martin, des Amis-de-la-Patrie, qui disposait au mariage de 16 000 L et ne laisse qu’un mobilier évalué à 986 F.

31En 1792 comme en 1791, c’est l’immobilier ou le foncier qui constitue l’essentiel de la succession. Il n’a été trouvé que quatre exceptions à cette règle, comme celle du peintre Pierre Cietty, de la section de Montreuil, qui laisse 90 000 F de créances actives et de rentes sur l’Etat sur un héritage de 97 000 F. 21 électeurs ont acquis des biens au cours de la Révolution dont cinq des biens nationaux.

32La participation des électeurs à la vie publique ne concernera dans cette présentation que les années 1789 -1795 réparties dans leurs quatre grandes périodes classiques : constitutionnelle, girondine, montagnarde et thermidorienne. Pour mesurer l’engagement, la désaffection ou l’indifférence politiques, les critères retenus relèvent de l’appartenance aux différents personnels de la Révolution : ceux du district et de la section, des clubs et des sociétés, de la municipalité et du département, des tribunaux, des Assemblées nationales. D’autre part, il a été tenu compte également de la collaboration vérifiée avec les autorités sectionnaires ou gouvernementales et de la présence attestée au bureau des assemblées générales sectionnaires à des dates ou pendant des périodes significatives. Plus de 84 % des électeurs de 1791 et de 1792 ont assumé des charges civiques, exercé des fonctions publiques au cours de ces sept années. Seuls 65 électeurs de 1791 et 29 électeurs de 1792 n’ont apparemment été qu’électeurs et n’ont laissé aucune trace vérifiable d’une quelconque activité politique. Naturellement, la participation à la vie publique a été très variable selon les époques. Les deux tableaux à double entrée indiquent les périodes au cours desquelles les électeurs ont eu des responsabilités publiques. On s’est efforcé d’être attentif à la permanence, aux interruptions et aux réapparitions dans l’exercice des fonctions publiques. La continuité, les éclipses ou les ruptures traduisent aussi bien les convictions et les engagements que les hostilités ou les refus à chaque étape de la Révolution.

33C’est dès 1789 que la majorité de l’électorat de 1791 a joué un rôle public. Mais 168 électeurs (près de 49 %) se retirent de toute activité politique après le 10 août, 137 (40 %) définitivement, et 31 (9 %) provisoirement pour réapparaître après la chute du gouvernement révolutionnaire. Les journées du 31 mai et 2 juin 1793 sont la cause d’un éloignement de la vie publique pour 70 électeurs (20 %) dont 12 seulement reviendront à la vie publique après le 9 thermidor. C’est une très petite minorité qui fait son entrée sur la scène politique après la chute du trône : 18 électeurs, soit 5 %. Mais 97 électeurs (28 %) dont les activités politiques remontaient à mai 1789, au 10 août 1792 ou à juin 1793, ont collaboré avec les autorités constituées en l’an II ou après le 9 thermidor. Si 42 d’entre eux sont passés sans difficulté de la période montagnarde à la période thermidorienne, 55 (environ 14 %) semblent avoir cessé toute activité publique après le 9 thermidor.

34L’électorat de 1792 est politiquement très différent. Moins du quart des électeurs (36) a eu un rôle public dès le début de la Révolution. Six seulement de ces électeurs cessent toute activité politique ou publique après le 10 août, 8 après la chute de la Gironde et 17 après le 9 thermidor. Cinq électeurs, toutefois, se maintiennent pendant la période thermidorienne.

35En revanche, c’est avec la chute de la Monarchie que la majorité de cet électorat accède massivement aux fonctions et aux responsabilités publiques : 118 électeurs, c’est-à-dire plus de 75 %, entrent en politique, de façon vérifiable, à partir de cette date. Si 17 disparaissent après la chute de la Gironde, ils sont encore une centaine à exercer des responsabilités en l’an II, 80 sont éliminés après le 9 thermidor et 21 seulement se maintiendront pendant la période thermidorienne.

36Il ne faudrait pourtant pas opposer trop rigoureusement, sur le plan politique, l’électorat censitaire et celui de 1792. De ce point de vue, le tableau de la répression avant et après Thermidor est très significatif. 23 % des 1258 électeurs de 1790, 1791 et 1792 ont été mis en arrestation, 4 % ont été exécutés au cours de la Révolution. Mais 38 % des arrestations et 37 % des exécutions ont concerné les électeurs démocrates ou les patriotes prononcés de ces trois assemblées électorales. Il existait donc une minorité avancée pendant la période censitaire que la majorité démocrate issue du suffrage universel a rejointe après le 10 août.

37Tels sont donc quelques-uns des principaux résultats de cette grande enquête sur la bourgeoisie parisienne pendant la Révolution, la première à ce jour, et dont je n’ai pu donner ici qu’une faible idée de la richesse. Ces résultats provisoires seront élargis et complétés, mais tels qu’ils se présentent actuellement, j’ai jugé qu’ils n’étaient pas indignes de retenir votre attention.

Note

38Cette communication repose sur le dépouillement des mémoires de maîtrise préparés dans le cadre de l’Université de Paris-I, sous la direction de M. Vovelle et E. Ducoudray, et rédigés par les chercheurs dont les noms suivent (par ordre alphabétique) :

39Thierry Ancejo, Nathalie Augustyniak, Isabelle Ayache, Philippe Bertholet, Christine Bertrand, Laurence Briche, Angelo Celeri, Anne-Claude Chaminas, Anne Cheneau, Valérie Coudert, Elisabeth Desjeux, Christine Duchesne-Reboul, Catherine Dupuy, Sophie Faguay, Hélène Farandjis-Ricciardi, Frédérick Génevée, Isabelle Guigon, Olga Guillem, Pascale Iltis, Viviane Le Bec, Myriam Levy, Paule Libermann, Sandra Manor-Mandelawi, Pascal Maillet, Frédérique Mallea, Agnès Marconnet, Moncilo Markovic, Chantal Pinteaux, Isabelle Rouchaud, Michel Sicsic.

La Structure professionnelle du corps électoral parisien

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1. cultivateurs 2. maraîchers, jardiniers, employé tenuer de livre 3. vérificateur des domaines nationaux, employés à la Trésorerie, à la liquidation, à la Guerre... 4. maraîchers, employé à la Halle.

Origine géographique des électeurs parisiens

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Taille des entreprises des électeurs de 1792 (d’après la série F30)

40Plus de 200 ouvriers : (1)

MARLIN, manufacturier de couvertures (Jardin des Plantes)

200-250

41De 21 à 50 ouvriers : (4)

DUVIVIER, Doreur (Ponceau)

40

JONQUOY, éventailliste (Gravilliers)

30-50

TRICADEAU. menuisier (Jardin des Plantes)

28

SAUTOT, maître-maçon (Jardin des Planters

25-20-36-20-38-20-25

42De 10 à 20 ouvriers : (9)

CHAUVIN, chapelier (Montreuil)

10

FELIX, charron-voiturier (Jardin des Plantes)

10

MAJOR, fondeur (Montreuil)

12

CAUMONT, ébéniste (Quinze-Vints)

12-15

GIRARDIN, éventailliste (Gravilliers)

6-16-6

LACLEF, marchand de couleurs (Luxembourg)

12-20

JULLIEN, peintre en porcelaine (Poplincourt)

20

BARBOT, éventailliste (Gravilliers)

20

BOULLY, menuisier (Luxembourg)

5-20

43Moins de 10 ouvriers : (4)

IMBAULT, brodeur (Ponceau)

7

DUCLOS, sculpteur (Quinze-Vingts)

3

PETIT, éventailliste (Gravilliers)

2

CREPIN, menuisier (Gravilliers)

2

Fortune au mariage (1791)

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Fortune au mariage (1792)

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SUCCESSIONS 1791 (patrimoine évalué)

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Successions 1792 (patrimoine évalué)

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Succession 1791 (patrimoine partiellement ou non évalué)

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Successions 1792 (patrimoine partiellement ou non évalué)

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Les électeurs et la répression

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1. dont un cordelier et 1 marchand accusé de fournitures défectueuses à l’administration.
2. dont 2 Cordeliers et 1 dantoniste. Le curé Colofnbart, arrêté pendant la Terreur et poursuivi en l’an III, Dufourny poursuivi en l’an III, Grandmaison, membre d’un comité révolutionnaire, arrêté pendant la Terreur et en l’an III, Hu, traduit devant le Tribunal révolutionnaire en pluviôse an II et poursuivi en l ’an III, ont été comptés deux fois.
3. Lullier
4. dont un marchand pour mauvaises fournitures.
5. dont 1 Girondin, 2 Cordeliers, 1 dantoniste. Cailleux, arrêté en l’an II et en l’an III a été compté deux fois.
6. J. Roux
7. dont un administrateur de police de l’an II, 1 cordelier, et Davesne, exécuté après le 9 Thermidor, mais pour une affaire de prévarication dans la fabrique de piques qui date d’avant le 9 Thermidor

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