Introduction
p. VII-XI
Texte intégral
1Ce colloque organisé en avril 1989 par l’institut d’Histoire de la Révolution française à la Sorbonne sur le thème "Paris et la Révolution" est le troisième d’un cycle de trois rencontres scientifiques qui forment une des contributions de cette institution à la commémoration du bicentenaire de la Révolution française. En 1985 s’était tenu un colloque sur l’iconographie sous le titre "Les Images de la Révolution", en 1987 l’une des seules contributions à l’histoire sociale révolutionnaire sous forme d’une mise au point sur "La Révolution Française et les paysans". Ces deux colloques ont fait l’objet de publications (par les Publications de la Sorbonne pour le premier en 1988, par le Comité des Travaux historiques et l’institut National de la Recherche Agronomique pour le second en 1989).
2Entre autres activités suscitées par le grand rendez-vous du bicentenaire, l’Institut d’Histoire de la Révolution française a été coorganisateur, et en fait la cheville ouvrière du grand Congrès mondial des historiens tenu du 6 au 12 juillet 1989 sur le thème de l’image de la Révolution française et dans l’intense activité du bicentenaire, dont le Congrès était le point d’orgue, il pouvait paraître faire preuve d’une ambition démesurée, en organisant en outre la même année un colloque sur un thème aussi important que "Paris et la Révolution".
3Responsables et chercheurs de l’institut s’en sont cependant fait un devoir, persuadés qu’en cette année du bicentenaire, il s’imposait de rappeler par une manifestation scientifque de haut niveau, non seulement l’importance de la capitale dans l’événement révolutionnaire, mais aussi le lien ancien qui unit l’enseignement de l’histoire de la Révolution à la Sorbonne à l’histoire de Paris.
4On n’ignore pas que c’est à l’approche du premier centenaire, en 1886, que la ville de Paris créa à la Sorbonne un enseignement d’histoire de la Révolution française confié à Alphonse Aulard à titre de chargé de cours. Cet enseignement devait être transformé en chaire magistrale cinq ans plus tard. Aulard en fut titulaire jusqu’à sa retraite en 1920, à l’age de 71 ans. C’est à cette occasion qu’il adressa une lettre à la ville de Paris qui constitue non seulement le bilan de 35 ans d’enseignement, mais un véritable testament pédagogique :
5"J’ai honoré la Révolution comme le voulait le Conseil municipal, c’est-à-dire par la vérité. J’ai contribué par l’application de la méthode historique à faire passer la Révolution française dans l’histoire. J’ai eu à la Sorbonne des élèves : ils ont professé à leur tour... On n’ose plus écrire sur la Révolution même pour la décrier sans produire de textes et sans citer ses sources". Le Conseil municipal de Paris, destinataire de ce texte, répondra à cet appel à peine voilé, quoique plein de dignité en votant une motion de remerciements le 27 novembre 1922 : "Le Conseil adresse à Monsieur Aulard l’expression reconnaissante du Paris Républicain et le félicite du long et consciencieux effort accompli à la Sorbonne pour la diffusion des principes de la Grande Révolution."
6Si ce dernier échange reflète une situation changée depuis 1886, il convient malgré tout de rappeler l’importance de l’effort déployé par la ville de Paris dans la grande campagne de publications de textes et de documents, menée au moins jusqu’à la première Guerre mondiale, et si caractéristique des ambitions de l’érudition positiviste de réaliser d’ambitieux corpus.
7La "Collection de Documents relatifs à l’histoire de Paris pendant la Révolution française et l’époque contemporaine" s’est honorée de la publication de séries aussi importantes que "La Société des Jacobins. Recueil de documents pour l’histoire du Club des Jacobins", dirigée par Alphonse Aulard au même titre que les cinq volumes du "Paris pendant la réaction thermidorienne et le Directoire". Mais on n’oubliera pas de rappeler également les publications de Casenave sur les tribunaux civils de Paris pendant la Révolution, de Challamel sur les clubs contre-révolutionnaires, de Charavay sur les assemblées électorales de Paris... Cependant que Chassin passait de la publication des cahiers parisiens en 1789 à l’étude des volontaires nationaux, Sébastien Lacroix éditait les Actes de la Commune de Paris pendant la Révolution, Robinet des documents relatifs au mouvement religieux à Paris, et Robiquet une étude du personnel municipal de Paris pendant la période constitutionnelle...
8 On mesure à cette énumération rapide l’importance du corpus des sources documentaires parisiennes qui a été constitué à "l’horizon 1900”.
9Parallèlement, la collection de la ville de Paris de « Publications relatives à la Révolution française », sans négliger les chantiers propres à la capitale (A. Tuetey : « L’Assistance publique à Paris pendant la Révolution française ») élaborait des documents d’historiographie révolutionnaire nationale, tels que les ouvrages de Constant Pierre sur la musique révolutionnaire.
10Certes, en cette période d’intense activité éditoriale érudite la Ville de Paris n’était point seule à se pencher ainsi sur sa propre histoire et c’est la Société d’Histoire de la Révolution Française qui publiait le recueil de Mellié sur les sections de Paris sous la Révolution. Mais si progressivement, la participation de la Ville s’est faite plus discrète, à la fois du fait de conditions politiques et du relais pris par les grandes collections étatiques de la Commission Jaurès, le lien privilégié qui unit la chaire d’Histoire de la Révolution à la Sorbonne à l’histoire de Paris ne s’est pas relaché pour autant. Créé en 1939 à la veille de la guerre, dans le contexte de la célébration du cent-cinquantenaire de la Révolution, l’institut d’Histoire de la Révolution française animé par Georges Lefebvre a consacré au chantier parisien une part importante de ses activités ; la tradition n’a pas été perdue depuis lors.
11On doit rappeler cet age d’or des années cinquante, où Georges Lefebvre dans son active retraite inspirait des recherches aussi importantes que celles de Soboul sur les sans-culottes de l’an II, de Rudé sur les foules parisiennes ou de Tonnesson sur la fin du mouvement populaire en l’an III.
12A partir de 1958 Marcel Reinhard, titulaire de la chaire d’histoire de la Révolution, devait donner au chantier parisien une impulsion significative ; l’un des promoteurs de la démographie historique, il eut le mérite de lancer des équipes d’étudiants et de chercheurs sur l’exploitation des cartes de sûreté, riche fonds documentaire qui permet par une suite d’études monographiques une couverture poussée de l’espace parisien tant dans ses structures sociales que démographiques. Par ailleurs Marcel Reinhard dans sa remarquable contribution à l’Histoire de Paris présentait une synthèse à ce jour inégalée des travaux en cours de l’Histoire de la capitale sous la Révolution.
13Son successeur Albert Soboul, sur un chantier qu’il maîtrisait parfaitement par sa propre recherche devait élargir cette prise en compte du mouvement parisien dans une optique différente mais complémentaire. Une série de maîtrises mais aussi de thèses importantes ont été consacrées sous sa direction à l’étude du mouvement sectionnaire de l’an II, et plus largement de l’engagement politique des masses populaires parisiennes sous la Révolution. Du faubourg Saint-Antoine au faubourg Saint-Marcel, les travaux entre autres de Raymonde Monnier et de Haïm Burstin témoignent de la fécondité de cette recherche. Fruit de cette recherche l’ouvrage d’Albert Soboul et de Raymonde Monnier, "Répertoire du personnel sectionnaire parisien en l’an II" représente un outil de travail fondamental.
14Au rang des travaux commencés sous la direction l’Albert Soboul, achevés depuis lors, on doit ranger les thèses d’Emile Ducoudray sur les électeurs parisiens de l’an IV ouvrant les voies d’une prosopographie des élites et de la bourgeoisie, celle de Dominique Godineau sur les femmes et leur participation à la Révolution parisienne, publiée sous le titre "Citoyennes tricoteuses", ou de Jean-Louis Matharan sur les suspects.
15Depuis 1983 cette prospection élargie à de nouveaux chantiers ne s’est pas relachée, il s’en faut. J’ai eu à coeur de poursuivre et de compléter l’oeuvre entreprise tant par Marcel Reinhard que par Albert Soboul, et partiellement inachevée, en orientant des chercheurs en maîtrise comme en doctorat sur la sociologie et la démographie des aires non prospectées, comme sur le mouvement sectionnaire. La couverture de l’espace parisien dans ces différentes directions sera bientôt complète, dans les limites des sources disponibles.
16Par ailleurs Monsieur Emile Ducoudray, dans l’axe de ses recherches a bien voulu se charger de coordonner et de diriger sous ma responsabilité une vaste enquête sur la prosopographie des élites à partir de l’étude des électeurs parisiens depuis 1790. Depuis quatre ans des dizaines de maîtrises – 28 ont été soutenues à ce jour – approfondissent ce chantier qui devrait conduire à une synthèse collective en 1991. Tels travaux doivent contribuer à enrichir une synthèse générale dont la contribution à l’Atlas Historique de la Révolution Française, entrepris à l’initiative conjointe de l’EHESS et de l’institut d’Histoire de la Révolution française sera l’expression. Un fascicule particulier a été prévu sur l’histoire de Paris. Un travail de prospection préparatoire est d’ores et déjà mené par M. Le Guillois qui présente les premiers résultats de cette synthèse en cours à partir de la riche documentation accumulée par les travaux réalisés aussi bien par l’institut d’Histoire de la Révolution que par différents chercheurs. Le corpus est ample : dans le répertoire des thèses et maîtrises sur la Révolution française actuellement préparé par Paule Miraval, pour être édité à la fin de 1989, une part non négligeable – le sixième – des travaux recensés portent sur l’histoire de Paris sous la Révolution.
17Dans ce contexte, le colloque de 1989 sur "Paris et la Révolution" prend toute sa signification : il se présente comme une synthèse en marche, et l’annonce de nouvelles mises au point. Le nombre des chercheurs français et étrangers qui y apportent leur contribution témoigne de la vitalité d’un chantier dont le dynamisme ne s’est pas démenti.
18Depuis un siècle l’enseignement de la Révolution française, et la recherche qui l’accompagne, dans le domaine parisien, a surmonté toutes les turbulences et déjoué toutes les prédictions. On peut se remémorer Aulard, et les conseils qu’il recevait : "Si vous êtes sage vous déplairez au Conseil Municipal, si vous n’êtes pas sage vous déplairez à l’administration, dans les deux cas on vous supprimera". Aulard a réussi non seulement à survivre mais à s’imposer durablement dans cette Sorbonne qu’il souhaitait moderne, raillant les traditionalistes et ceux qu’il appelait les ignorantins. Le temps passe et les choses ont changé, mais la recherche suit son chemin. On peut regretter que la Municipalité de Paris, conviée à patronner cette rencontre n’ait pas donné réponse, et que la demande de soutien, sollicitée de longue date dans le cadre des célébrations du bicentenaire n’ait pas reçu de réponse favorable. A dire vrai, point n’est besoin de satisfecit ni de remerciements lorsqu’on a conscience d’avoir rempli sa tache.
19Le recueil des actes que nous publions témoigne pour lui-même. Nous sommes en droit d’espérer qu’il restera une contribution notable à la célébration du bicentenaire, et un rappel de l’importance de Paris dans la Grande Révolution.
Auteur
Directeur de l’institut d’Histoire de la Révolution Française.
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