Un compte de la ferme de Chilly au xviiie siècle
p. 37-46
Texte intégral
1Les comptes d’exploitation rurale pour la France de l’époque moderne sont des documents rares. Nous avons eu la chance d’en retrouver un pour une ferme du Hurepoix au XVIIIe siècle. Gisent en effet dans les archives de la principauté de Monaco deux mémoires anonymes, d’un même auteur, rédigés l’un en 1769 et l’autre entre 1771 et 1774, qui ont trait à la gestion de la seigneurie de Chilly1. Ces mémoires comprennent quatorze tableaux chiffrés tant sur les revenus seigneuriaux que sur les comptes d’exploitation de la ferme du château pour les années 1767, 1768, 1771 et 1774. Leur étude, qui relève de la micro-histoire, apporte quelques éclairages sur la production agricole dans le Hurepoix à la veille de la Révolution française, en particulier sur la production laitière, mais leur nature même exige une certaine prudence dans leur interprétation.
La seigneurie de Chilly
2En 1769, Chilly est un petit village de paysans et de vignerons à moins de vingt kilomètres au sud de Paris, d’une centaine de feux, un peu à l’écart du pavé royal qui relie la capitale à Orléans. Situé dans la partie orientale du Hurepoix, il est installé sur le rebord du riche plateau de Longboyau2.
3Depuis des temps immémoriaux, la seigneurie de Chilly est réunie à sa voisine, celle de Longjumeau. En 1624, le maréchal d’Effiat obtient, par lettres patentes du roi, leur érection en marquisat et, en 1627, il leur adjoint la baronnie de Massy qu’il achète au duc de Luxembourg. En 1719, à la mort du dernier Effiat, l’ensemble passe en héritage dans la famille Mazarin. En 1769, la marquise de Chilly est Louise-Jeanne de Durfort-Duras (1735-1781), duchesse de Mazarin, qui a épousé en 1747 le duc Louis-Marie d’Aumont3. Dès 1762, elle a obtenu la séparation d’avec son mari « quant aux biens » et le droit de gérer ses propriétés. L’intendant lui rend donc compte directement de la gestion de son patrimoine dont la seigneurie de Chilly est l’élément le plus proche de Paris.
Les fermes de Chilly
4La réserve du marquisat de Chilly et Longjumeau s’étend sur 710 arpents (240 ha environ). Au cœur de celle-ci les 300 arpents du parc de Chilly servent d’écrin au château construit au début du XVIIe siècle par le maréchal d’Effiat. L’entretien et la garde en sont confiés à un « capitaine » ou « concierge » qui y loge4. En 1769, ce poste est occupé par Frédéric Rumeau qui a succédé à son père, Etienne, décédé en 1748. Ce concierge fait aussi valoir, pour le compte de la duchesse, la ferme dite du château ou petite ferme de Chilly qui dispose de 169 arpents de terre labourable provenant du parc du château. Son exploitation se fait à partir des bâtiments de la « basse-cour » du dit château, c’est-à-dire des granges, écuries, « vacheries » et hangars5.
5Jusqu’en 1769, il existe une seconde ferme sur la réserve : la ferme seigneuriale, dite ferme de Chilly, mais indépendante du château. Ses bâtiments d’exploitation et d’habitation donnent sur la place de l’église, au centre du village. Elle dispose de 380 arpents de terre labourable et de 13 arpents de pré, soit de 135 hectares. Cette belle exploitation fait de son fermier un coq de village qui tire cependant sa véritable influence de son statut de receveur de la seigneurie. En effet, la ferme seigneuriale n’est qu’un élément du bail général des terres et seigneuries de Chilly et Longjumeau qui, depuis le début du XVIe siècle, assure aux seigneurs des revenus réguliers tout en les déchargeant du véritable casse-tête que représente la perception des droits seigneuriaux. Depuis décembre 1751, la ferme et la recette de la seigneurie sont aux mains de la famille Lamoureux6.
Raisons d’un audit
6Profitant de la fin prochaine de ce bail qui expire le 31 décembre 1769, la duchesse de Mazarin, ou plus vraisemblablement son intendant, décide, au cours de l’année 1769, d’examiner de près l’exploitation des fermes et de la seigneurie, d’une part pour étudier la rentabilité des exploitations et, d’autre part, pour chercher une solution à l’approvisionnement en grain et en paille des écuries de son hôtel parisien. Pour l’heure, les surfaces cultivées en faire-valoir direct à Chilly ne couvrent pas les besoins et la maison de la duchesse achète de grandes quantités d’avoine et de paille sur le marché parisien à un prix prohibitif pour un coût annuel de 8 000 livres.
7La duchesse demande donc une étude pour déterminer les conditions dans lesquelles les terres de Chilly pourraient combler ce déficit en grain et en paille sans remettre en cause les revenus en argent tirés du bail général. Opération délicate qui nous vaut ces mémoires successifs attribués, faute de mieux, au comptable de la duchesse.
Solutions envisagées
8Dans le premier mémoire, daté de 1769, le comptable étudie plusieurs solutions et chiffre chacune d’elles. Il fait d’abord l’état des lieux et annonce, d’après les comptes de 1767 et 1768, un bénéfice de 5 975 1. pour la seule ferme du château. Il calcule que, si ses terres étaient louées au détail, elles ne rapporteraient que 4 0101. par an. Le système actuel est donc le meilleur du point de vue de la rentabilité financière, mais reste la question de la nourriture des chevaux. D’où sa première proposition : pour fournir l’avoine nécessaire, « il faudrait faire exploiter toutes les terres de la ferme de Chilly en prenant un laboureur et cultivateur exprès et en montant une ferme en entier ». Selon ses estimations sur lesquelles nous reviendrons, les 381 arpents de la ferme seigneuriale de Chilly mise en faire-valoir direct fourniraient 31 muids et 61 setiers d’avoine : la consommation annuelle des 30 chevaux de la duchesse7. Les besoins de l’écurie seraient couverts, mais à condition de débourser les frais d’équipement de la ferme, jusque-là assumés par les fermiers-laboureurs, et les appointements du fermier. De plus – le comptable ne le précise pas – l’argent du bail général (6 000 1.) ne rentrerait plus dans les caisses de la duchesse8. On perdrait d’un côté ce que l’on gagnerait de l’autre. La seconde proposition consiste à prendre 150 arpents sur les 381 compris dans le bail de la ferme de Chilly. Ces terres, venant s’ajouter aux 169 arpents déjà en faire-valoir direct, feraient 319 arpents et permettraient d’avoir une sole des blés de 90 arpents, compte tenu des 49 arpents en luzerne. Année commune, cela donnerait 18 000 bottes de paille, soit à peu près les 21 000 bottes nécessaires aux chevaux9. Mais il faudrait équiper la ferme de trois chevaux de labour, d’une charrue et de dix vaches supplémentaires, pour fournir les fumiers et consommer les surplus de paille d’avoine. Sans compter, ce que ne relève pas le comptable, la diminution du prix du bail général, proportionnelle aux 150 arpents retirés.
9La seconde partie du mémoire de 1769 (Observations sur la régie de la terre de Chilly) reprend la seconde proposition et en avance une nouvelle : il s’agirait cette fois de passer de 34 à 50 arpents en culture de blé sans agrandir l’exploitation mais en faisant du « blé froissi » sur 10 arpents10. Ce qui permettrait de fournir 4 800 bottes de paille en plus et d’atteindre 15 000 bottes, soit près des trois quarts des besoins, sans frais supplémentaire et sans perte de revenu en argent. Le comptable ne choisit pas entre les différentes options qu’il se contente de commenter, en indiquant les conséquences techniques du choix de chacune d’elles. Cependant l’intérêt de ce mémoire réside dans l’élaboration des solutions, plus que dans leur présentation.
Les bases de calcul
10En effet, pour arriver à ces propositions, le comptable a dû estimer la production des terres de Chilly pour les différents produits envisagés (blé, avoine, seigle, pois, luzerne). Or il nous livre dans les mémoires le détail de ces estimations par produit sans toutefois nous indiquer ses sources. Mais il n’est pas interdit de penser qu’il s’appuie d’abord sur sa propre expérience. On remarque d’ailleurs qu’il s’exprime dans les termes habituels de l’économie rurale de l’époque, ce qui confirme une certaine compétence de sa part.
11Voici les rendements qu’il avance : « un arpent semé en bled doit produire année commune 5 septiers et 300 de paille » ou encore 250 gerbes sachant qu’un « cent de gerbes produit plus de deux septiers » (Mémoire 1769, p. 7), « un arpent de seigle produit 200 gerbes et six septiers et mine de grains » (p. 8), « l’arpent de terre (petite mesure de 18 pieds) produit ordinairement 3 septiers d’avoine et mine » (p. 8), « un arpent en poix, vesses doit rendre communément 300 bottes de bizaille et 4 septiers 3/4 de grains » (p. 9) et « on évalue ordinairement le produit d’un arpent de luzernes à 300 bottes » (p. 9). Ces chiffres, comparés à ceux trouvés par J. Jacquart, sont très élevés pour le blé (250 gerbes à l’arpent contre 100 et 150 gerbes vers 1650), un peu moins pour le seigle (200 gerbes contre environ 150 gerbes) et l’avoine (3 setiers et mine contre 2 setiers et demi)11.
12Comme les taux d’ensemencement pour le blé et l’avoine figurent dans le mémoire, on peut calculer les taux de rendement supposés par le comptable. Avec 9 boisseaux de blé semés à l’arpent, on en récolte 54, soit un rapport de 6 pour 1. Pour 8 boisseaux d’avoine semés à l’arpent, on obtient 63 boisseaux, soit un rapport de 7,85 pour 1. Ces taux considérés comme moyens par le comptable, sont de fait, et logiquement, plus élevés que ceux trouvés par J. Jacquart pour le plateau de Longboyau au XVIIe siècle et qui étaient d’environ 5 1/2 pour 1. Ils dépassent même les meilleurs, situés autour de 7 pour 112.
13Il faudrait donc conclure à une nette amélioration de la production agricole moyenne sur un siècle. Reste à évaluer leur valeur en les confrontant avec les comptes de 1768 et 1769.
Une production céréalière médiocre
14Dans son « observation » de 1769, le comptable indique dans la colonne de droite la production que l’on est en droit d’attendre de la ferme de Chilly d’après les superficies emblavées. Nous présentons ces évaluations dans le tableau 1 sous la rubrique « récolte théorique ». Elles sont cohérentes avec les taux de production analysés précédemment. Puis, et c’est le second intérêt du mémoire, il indique dans un seconde colonne, les chiffres de la production de la ferme d’après les comptes de 1768 et 1769. Nous faisons apparaître ces dernières données sous la rubrique « récolte réalisée ». Tous les chiffres des récoltes réalisées, sauf un, sont inférieurs à ceux de la récolte théorique. Selon ces chiffres, la production de blé à l’arpent n’est plus que de 2,75 setiers, soit la moitié de celle estimée par le comptable, et le rendement est alors de 3,7 pour 1. Pour l’avoine, il faut espérer 2 setiers à l’arpent et non plus 3. Et ce n’est plus que 3 setiers à l’arpent que produisent les pois au lieu des 4,75 escomptés. Nous sommes en présence de taux faibles et même très faibles pour le blé, bien inférieurs aux taux moyens définis par J. Jacquart pour la région. Si les estimations de l’intendant sont correctes, nous nous trouvons ici avec des récoltes de blé inférieures de moitié aux productions moyennes, comme aux temps difficiles13.
15Une confirmation de cette hypothèse peut se trouver dans les mercuriales du Bassin parisien. Celles du pays de France indiquent une hausse importante du prix du froment, de 1767 à 1776. Le prix du setier passe de 20 l. au début de l’année 1767 à 30 l. en fin d’année. Il atteint 38 l. en 1768 et en 1770, avec une moyenne de 30 l. pour 176914. Cette hausse importante et brutale marque une série de mauvaises récoltes et apparaît comme inversement proportionnelle à la baisse de la production ; comme si un équilibre s’installait entre quantité disponible sur le marché et prix. Les données du mémoire de 1769 pourraient donc être toutes exactes.
La production laitière
16Ce mémoire de 1769 contient également des données chiffrées sur la production laitière, ce qui est assez exceptionnel car cette production reste une des grandes inconnues du monde rural moderne, le lait, la crème et le beurre étant des produits périssables qui échappent aux inventaires. Le comptable nous apprend d’abord que le troupeau de la ferme compte vingt vaches puis il précise que l’on considère en général qu’une « vache rend 3 livres de beurre par semaine » et que « vingt vaches à 100 livres de beurre chacune doivent rendre 2 000 livres »15. Si l’on comprend qu’une vache rend 100 livres de beurre par an, à 3 livres par semaine, on doit en déduire qu’elle ne rend du beurre que 33 semaines par an. Ce qui n’est pas très loin des 40 semaines de lactation que les spécialistes de la fin du XIXe siècle considèrent comme un moyenne16. Si l’on considère qu’il faut en général 30 litres de lait pour obtenir 1 kg de beurre17, les vaches de Chilly devraient donner 45 litres de lait par semaine, soit une moyenne journalière de 6,4 litres en période de lactation. On serait alors très proche des 6,85 litres du XIXe siècle18. Le comptable ajoute qu’une vache rend 80 livres tournois par an19.
17Puis, il nous donne les chiffres de la production mensuelle de lait, de crème et de beurre pour l’année 1768 et la production annuelle pour l’année 1768 des 20 vaches de la ferme de Chilly, sous le titre « Aperçu du produit des 20 vaches pendant l’année 1767 »20.
Production laitière de la ferme de Chilly
18Seules sont complètes les données pour le beurre. La comparaison entre les deux productions de lait et de beurre nous laisse supposer que les pintes de lait (et de crème) figurant au compte n’ont pas servi à faire du beurre. Les 600 à 800 livres de beurre produites selon les années sont loin des 2 000 livres annoncées par le comptable. Ici le déficit serait plus grand encore que pour la production de céréales ; la ferme du château de Chilly n’ayant fourni qu’un tiers ou un peu plus des quantités moyennes. Les crises laitières amplifieraient donc les crises céréalières. Le lien entre les deux serait double : d’une part les aléas climatiques auraient des conséquences sur la qualité des prés et d’autre part le manque de céréales et de paille diminuerait la nourriture des bovins, sur la vaine pâture comme à l’étable.
19Pour juger de la fiabilité des chiffres de la production laitière de la ferme du château de Chilly et affiner nos conclusions dans un domaine où les éléments de référence sont rares, nous disposons d’un échantillon de comparaison à travers les comptes mensuels, et parfois journaliers, du prieuré voisin de Saint-Éloi-lès-Longjumeau.
La production laitière du prieuré Saint-Éloi
20Le comptable du prieuré prend en effet soin de noter chaque mois, ou à peu près, la somme d’argent retirée de la vente de lait. Nous ne possédons pas de données pour les années 1767 et 1768 mais nous savons ce qu’a rapporté la production de lait entre 1775 et 1784, ce qui permet de vérifier les variations saisonnières des deux productions et de juger en partie la cohérence de nos séries.
21Il apparaît que la vente du lait rapporte, en moyenne, 110 l. par mois au prieuré, ce qui est loin d’être négligeable puisque cela représente un peu plus de 8 % de sa recette mensuelle moyenne qui est d’environ 16 300 1. Il nous est cependant impossible de savoir combien rapporte chaque vache puisque, malgré un nombre important d’états et d’inventaires du prieuré, nous ne possédons pas de renseignements sur le nombre de bêtes qu’abrite l’étable21.
22On peut comparer les variations de la production de beurre de la ferme de Chilly et de la vente de lait du prieuré Saint-Éloi. Une première observation des deux courbes fait ressortir d’emblée une certaine synchronie. En effet, les deux courbes connaissent le même rythme saisonnier ternaire au cours duquel alternent périodes de forte production et périodes où, au contraire, on atteint des minima. Les trois phases de forte production correspondent aux mois durant lesquels les vaches sont dans les champs ou les prés : en mars, à la fin de l’hiver, mais surtout en juin et en septembre-octobre, à l’époque de la vaine pâture. A l’inverse, les trois phases de sous-production se situent pendant les périodes où l’accès à ces prés et champs est interdit aux animaux : en avril et mai, au moment de la soudure, quand l’herbe et les céréales poussent dans les champs à l’abri des herbivores, en juillet et en août, au moment des moissons et après la fenaison, et de novembre à février, quand les animaux sont à l’étable.
23Cette cohérence confirme que nous avons affaire à des données fiables. Les amplitudes différentes des deux courbes s’expliquent en bonne partie par le fait que celle de Saint-Éloi, plus lissée, est construite à partir de moyennes. On peut aussi se demander si d’éventuelles variations saisonnières du prix du lait ne viendraient pas renforcer l’effet statistique. Les comptes de la ferme comme les évaluations du comptable seraient alors dignes de foi.
La fraude
24Dans l’analyse de ces écarts entre estimations et réalités, on ne peut pas totalement écarter a priori l’hypothèse d’une fraude du fermier qui, déclarant moins qu’il ne produit, écoulerait une partie de la production à son compte. Un soupçon de fraude pourrait même être à l’origine de cette enquête minutieuse du comptable de la duchesse qui pourrait avoir à cœur de vérifier la véracité des comptes en les comparant à des données moyennes de production. Cependant le mémoire ne contient aucune mention d’un tel soupçon même si le comptable relève au passage certains frais d’exploitation surévalués22 et une erreur de 20 boisseaux à propos de la quantité de semences utilisée pour l’avoine23. Et surtout la solution choisie parmi les différentes propositions du comptable écarte tout soupçon de fraude.
Solution choisie
25En effet, l’on sait, d’après les pièces comptables de 1771 et 1774 qui forment le second mémoire et par d’autres documents notariaux, que la gestion de la terre de Chilly a subi de profondes modifications dans les mois qui ont suivi l’élaboration du premier mémoire. Cependant l’option prise ne figurait pas dans le mémoire ! Le bail général des seigneuries de Chilly et de Longjumeau comprenant la ferme seigneuriale et qui arrive à échéance en décembre 1769 n’est pas reconduit en faveur de Toussaint Lamoureux, qui quitte Chilly et va s’installer dans une autre ferme à Marolles-en-Hurepoix, plus au sud, tandis que la duchesse de Mazarin abandonne l’exploitation en faire-valoir direct de la ferme du château.
26Le nouveau système mis sur pied consiste à démanteler la ferme seigneuriale, à louer ses terres au détail aux habitants de Chilly et surtout de Longjumeau et la ferme du château avec l’ensemble des droits seigneuriaux de Chilly, Longjumeau et Massy à Frédéric Rumeau qui prend le titre de régisseur général des seigneuries. Il est fait allusion à un bail passé dans ce sens à Paris le 19 janvier 1774 entre la duchesse de Mazarin et le dit Rumeau24. Le bail général est donc prolongé mais a changé de nature. La duchesse a préféré, pour régler ses problèmes d’écurie, les revenus stables de la rente foncière à l’instabilité du produit du faire-valoir direct. Les perdants de l’opération sont les fermiers-laboureurs représentés par les Lamoureux tandis que Frédéric Rumeau devient l’homme fort du village. La Révolution en fera d’ailleurs le premier maire de Chilly.
Tableau 2 Production laitière de la ferme du château de Chilly
Mois | Lait (en pinte) | Crème (en pinte) | Beurre (en livre) |
Janvier | – | – | 59 |
Février | – | – | 60 |
Mars | – | – | 65 |
Avril | – | – | 33 |
Mai | 15 | 11 | 25 |
Juin | – | – | 93 |
Juillet | 14 | 12 | 35 |
Août | – | – | 37 |
Septembre | – | – | 80 |
Octobre | 28 | 15 | 65 |
Novembre | 49 | 40 | 38 |
Décembre | – | – | 41 |
Total an. 1767 | 106 | 78 | 631 |
Année 1768 | 143 | 138,5 | 803,5 |
Sources : Arch. Monaco, T 838, Mémoire 1769, p. 6.
Notes de bas de page
1 – Arch. Monaco, T 838, Mémoire 1769, 14 p., et Mémoires 1771-1774, 8 p. (Microfilmes aux Arch. dép. de l’Essonne et aux Arch. nat.). Nous les désignerons dans la suite de l’article sous les noms de Mémoire 1769 et Mémoire 1774.
2 – Chilly compte 98 feux taillables en 1768 selon les registres de taille (Cf Paroisses et communes de France, Région parisienne, Paris, 1974, p. 134). L’état de situation de 1784 dénombre 82 feux, 49 maisons, 9 commerçants, 8 artisans, 28 chevaux et 41 vaches pour 3 700 1. de taille (Arch. dép. Yvelines, C 12).
3 – Leur fille unique Louise-Félicité d’Aumont, duchesse de Mazarin et marquise de Chilly, épouse en 1777 Honoré Grimaldi. duc de Valentinois et futur prince Honoré IV de Monaco. C’est à la suite de ce mariage que les archives de la famille de Mazarin passent dans les archives de la principauté de Monaco.
4 – Sur le château de Chilly, voir P. Salin, Notice sur Chilly, Paris, 1867. Cet ouvrage comporte deux gravures représentant le château, reprises dans M.-J. Bautrait, Si Chilly m’était conté, Le Mée-sur-Seine, 1987, p. 53 et 56-57.
5 – Arch. Monaco, T 856, baux de la petite ferme de Chilly 1740, 1750 et 1754.
6 – Arch. Monaco, T 831, bail du 2 mai 1750 et Arch. nat., Minutier central, étude LXXXVIII (Bronod I), 651, bail du 27 avril 1759.
7 – Selon le comptable, un cheval d’écurie mange en moyenne entre 3/4 et un boisseau d’avoine par jour (Mémoire 1769, p. 2).
8 – D’après le bail du 27 avril 1759 passé entre Joseph Pialat, intendant du duc de Mazarin, et Toussaint Lamoureux à compter du 1er janvier 1761.
9 – Le comptable évalue la consommation de paille des chevaux d’écurie à deux bottes par jour. Il affirme que l’on peut remplacer une partie de la paille par de l’« ablence d’oison ». De son côté, un cheval de labour consomme 700 bottes de luzerne par an soit environ deux bottes par jour mais « comme on leur donne de la bizaille et des menües pailles dans les fermes, cela réduit leur consommation à une botte de luzerne par jour » (Mémoire 1769, p. 6, 9).
10 – Le comptable explique que « de 120 [arpents] en labour qui font 40 par sol, il doit toujours y en avoir 50 en bled passé la première année, et n’en rester que 30 en jachères. La 1re année, on en met 40 en bled, 40 en avoine et après le bled on en prend 10 sur les 40 semés en bled que l’on sème en poix et après les poix il est d’usage de resemer du bled et la 2e année et les suivantes on sème toujours 50 arpents en bled » (Mémoire 1769, p. 7).
11 – J. Jacquart, La crise rurale en Ile-de-France. 1550-1670, Paris, 1974, p. 303.
12 – J. Jacquart, op. cit., p. 363.
13 – Cf J. Jacquart, op. cit., p. 368.
14 – Cf J. Dupâquier, M. Lachiver, J. Meuvret, Mercuriales du pays de France et du Vexin français (1640-1792.), Paris, 1968, p. 196. Hausse confirmée par M. Baulant, « Prix des grains à Paris. 1431-1788 », Annales E.S.C., 1968, p. 520-536.
15 – Mémoire 1769, p. 9.
16 – Art. « Lait », Grand dictionnaire universel du XIXe s., Paris, Larousse, 1873.
17 – La Grande Encyclopédie (fin XIXe siècle), dans son article « beurre », indique qu’il faut 28 à 32 litres de lait à une température de 14° pour obtenir un kilo de beurre. Il en faut 34 à 36 si la température du lait est de 22°.
18 – C’est le chiffre avancé par le Grand dictionnaire universel.
19 – Ce produit ne doit concerner que le beurre car le même comptable, estime en 1771 la livre de beurre à 17 sols. Pour 100 livres de beurre, on devrait cependant obtenir 85 l.
20 – Mémoire 1769, p. 6.
21 – En 1771, le comptable de la duchesse de Mazarin évalue la pinte de lait à environ 6 sols. Pour une production moyenne de 6 litres de lait par jour et par vache, la quantité de lait vendue par le prieuré correspondrait à peu près à la production de 3 vaches.
22 – Il note dans l’article 7 de son « Observation » qu’il « est dit qu’on a payé le défrichement de 6 arpens et demi de luzerne à la pioche à raison de 20 lt l’arpent. Le défrichement à la pioche ne vaut rien. La meilleure façon serait à la charue et se paie 12 lt l’arpent » (Mémoire 1769, p. 9).
23 – Mémoire 1769, p. 8 : « Il ne pourrait y avoir erreur que de 20 boisseaux ».
24 – On lit en bas de « l’État des charges du marquisat de Chilly et Longjumeau et baronnie de Massy a acquité par le sr Rumeau en déduction du prix de son bail » : « arreté l’état des charges cy dessus pour être par luy payées en déduction du prix du bail que nous luy avons passé ce jour d’huy a Paris ce dix neuf janvier mil sept cent soixante et quatorze / la duchesse de Mazarin » (Mémoire 1774, p. 3). Ce bail n’a pu être retrouvé.
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Paris et ses campagnes sous l’Ancien Régime
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