Un sermon sur la demeure des âmes croyantes sur le sein d’Abraham et sur le purgatoire des âmes séparées du corps (1523)
p. 47-54
Texte intégral
11. Pour moi, le sein d’Abraham est un lieu, un endroit où se trouve sa force d’engendrement et de rassemblement. Lorsque je songe à la force d’engendrement d’Abraham, je trouve qu’elle a été surnaturelle, conférée spécialement par Dieu, qu’Abraham l’a reçue par sa très forte foi, que tous les fils d’Abraham, eux aussi, sont appelés fils de la foi et de la promesse, et aussi que tous ceux qui reposent dans son sein sont nés fils de Dieu.
22. Abraham avait cent ans et sa femme Sara quatre-vingt-dix (Gn 17,19) lorsque Dieu lui promit son fils Isaac. Or, à cet âge, n’était-il pas trop stérile, trop dur, pour pouvoir procréer ? On peut donc, en vérité, le comparer à des pierres et dire qu’en vérité, Isaac est taillé dans un roc et que tous ceux qui reposent dans le sein d’Abraham sont issus d’un roc très dur (Es 51,1).
33. Donc, puisque c’est Dieu qui fait naître toutes les âmes (celles qui sont réconfortées dans le sein d’Abraham) et qu’elles sont filles de la promesse, il en résulte que le sein d’Abraham est une idée, un lieu pour le croyant et que seules les âmes croyantes, celles qui sont endormies en Christ, y reposent et y dorment.
44. Il en résulte aussi qu’elles sont réconfortées et bénies du fait de la postérité d’Abraham qui est Jésus Christ. Et il s’en résulte en outre que nous devons nous consoler avec les âmes consolées et nous réjouir avec les âmes gaies. Il en résulte encore qu’elles n’ont pas besoin de notre aide, de notre assistance, puisqu’elles sont remises à une sagesse supérieure et à une force beaucoup plus efficace que nous.
55. Il en résulte, de plus, que leur amour, leur justice, leur connaissance sont plus précis et ont moins d’imperfections que notre amour, notre justice et notre connaissance car elles ne sont pas embarrassées comme nous le sommes dans cette vie, par la chair, les tribulations ou encore les aléas (II Co 5,16) et leur vie étemelle (que Christ donne à tous les croyants) est plus riante et plus féconde que celle que nous pouvons connaître ici-bas.
66. Comment pourraient-elles alors nous demander à hauts cris aide, assistance et pitié ? Ceci conviendrait mieux aux âmes damnées ou folles, comme le montrent les paroles du riche (Le 16,24). Dans le sein fécond d’Abraham ne se trouvent que celles qui, indépendamment de toute force naturelle, sont nées de Dieu, qui ont reçu de lui, ici-bas, la vie. éternelle par la foi en Jésus Christ. C’est pourquoi elles ne sont pas mortes, mais vivantes ; c’est pourquoi elles dorment et reposent dans le réconfort qui a consolé le monde entier ; c’est pourquoi elles sont bienheureuses et à l’abri de la misère ; car c’est ainsi que l’on décrit le sein d’Abraham que Dieu commença à féconder lorsqu’Il dit à Abraham : « Regarde les étoiles du ciel, telle sera ta postérité » (Gn 15,5). Or, en fécondant le sein d’Abraham, bien plus que d’enfants, c’est de justice, de sagesse, d’amour et d’un désir passionné pour Dieu, qu’il l’a comblé. Tous ceux qui naissent du sein d’Abraham sont fils de la justice, de la sagesse, de l’amour de Dieu et, par-dessus tout, ils sont fils du désir, de la passion que l’on éprouve pour Lui.
77. De même, nulle âme ne va dans le sein d’Abraham si elle n’y a pas son origine. C’est ce que dit Christ : « Celui qui croit en moi ne mourra pas, car il a la vie étemelle », ou encore : « Je vous désaltère d’une eau qui jaillit vers la vie étemelle ». Et si l’on voulait se représenter le sein d’Abraham, en songeant que lui qui vit le jour de notre Seigneur Jésus Christ (Jn 8,56) et qu’il connut des jours de plénitude et de paix, on pourrait dire que les âmes qui reposent en son sein voient Christ à l’aurore, qu’elles connaissent la paix et la plénitude à jamais ; et on ne pourrait en conclure qu’une chose : que la demeure de ces âmes et leur vie sont meilleures, plus lumineuses, plus belles, plus nobles et plus spirituelles que notre demeure et que notre vie et, encore une fois, que notre vie est une vie de misère et de lamentations.
Du purgatoire des hommes et des âmes séparées du corps
88. On a coutume de dire que les âmes (qui ont quitté leur corps et sont endormies en Christ) sont au purgatoire, mais on ne fournit aucune justification dans l’Écriture prouvant qu’il en soit ainsi et l’histoire de Lazare, entre autres, démentit ceux qui tiennent de tels discours, puisque seules les âmes damnées vont dans les flammes, alors que les âmes croyantes vont dans le lieu de la consolation et de la justice dont j’ai déjà parlé1. Le fait qu’il y a deux lieux, deux demeures pour les âmes, et qu’on ne trouve pas de feu dans le sein d’Abraham les démentit également. Par conséquent, je ne crois pas que les âmes croyantes soient torturées dans les flammes ou dans un feu. Et surtout, j’ai peine à croire que les âmes doivent demeurer dans un feu matériel ou physique.
99. C’est pourquoi je me détourne de ces propos sans fondement. Cependant, je nie pas que le Saint-Esprit compare parfois le mauvais et le bon peuple à du bois et la parole de Dieu à un feu, comme il est dit dans Jérémie : « Écoute, je veux que ma parole soit un feu dans ta bouche et que le peuple soit du bois et que ce feu les consume » (Jr 5,14). Et Jérémie lui aussi se fit bois et la parole de Dieu, un feu brûlant en lui. La parole de Dieu devint en effet, dans le coeur de Jérémie, un feu flamboyant et rougeoyant et ce feu brûla Jérémie, le desséchant tellement que celui-ci ne put le supporter plus longtemps (Jr 20,9).
1010. La parole de Dieu brûle au-delà de toute mesure (He 4,12) et pénètre les os et la moelle et sépare l’esprit de l’âme lorsque, envoyée par Dieu, elle tombe dans le terreau des âmes et germe dans de bons champs ; si elle est reçue dans la foi, qu’est-elle en effet, sinon ce feu que Christ a envoyé pour brûler ? (Le 12,49). Elle engendre amour, passion, justice, sagesse et engendre un renouveau de l’homme ; ne devrait-elle donc pas brûler, embraser, nettoyer et purifier ? C’est pourquoi j’aimerais appeler feu purificateur ce désir de Dieu et cette passion dévorante pour Lui (qui proviennent de la parole vivante de Dieu), et dire que ce vif, cet ardent désir de Dieu brûle tout bois, tout foin, tout chaume dans les âmes, en élimine tous les défauts, toute la rouille, toutes les imperfections.
1111. Je crains que certaines âmes n’aient, après la mort, des défauts, des imperfections dans leur amour pour Dieu, dans leur justice et dans leur sagesse, qu’elles n’aiment pas Dieu de tout coeur et que leur justice soit encore trop mesquine, leur connaissance trop obscure, et qu’elle ne reste obscure tant qu’elles ne verront pas Dieu en plein midi. Leur coeur n’est peut-être pas parfaitement circoncis, ou peut-être est-il encore inexpérimenté dans la foi et leur regard n’est peut-être pas encore totalement purifié. Les impuretés qu’elles ont dans leurs yeux les empêchent ainsi de voir Dieu face à face.
1212. C’est pourquoi je crois qu’elles peuvent encore être chargées de quelques oeuvres, de quelques pensées ou quelques désirs qui contiennent du bois, du foin, du chaume, que le feu doit embraser et consumer, car la foi vivante et sa parole n’ont rien de commun avec le chaume, d’après ce qu’en dit Jérémie : « Qu’y a-t-il de commun entre le chaume et le feu (Jr 23,28-29) ? ». Il se peut qu’il y ait des âmes (et je crois qu’elles sont nombreuses) qui voient leur foi, leur amour, leur justice augmenter, croître, et qu’elles ont ceci en commun avec nous qu’elles aspirent à Dieu, désirent ardemment pouvoir voir Dieu d’un oeil purifié, pouvoir l’aimer du fond du coeur.
1313. Mais de tout ceci, rien ne se produit tant que l’on n’a pas frotté les yeux, qu’on ne les a pas nettoyés pour en ôter toutes les créatures, les ténèbres environnantes ou la grossièreté. Car lorsqu’un oeil est gêné par une poussière, il ne peut voir Dieu ; de même si quelque chose entrave le regard, on ne peut voir le soleil. Il en va de même de l’amour : personne ne peut aimer Dieu si ce n’est du fond du coeur, de toute son âme et de toutes ses forces. C’est cet amour que Dieu demande et pas un autre. Par conséquent, aucune âme ne peut aimer Dieu comme il se doit, du fait de l’amour qu’elle se porte à elle-même ou qui l’attache à d’autres créatures.
1414. Or, les âmes (celles qui sont mortes en Christ) aimeraient bien voir en plein midi et aimer de tout coeur, et souhaitent que Dieu les comble de sa plénitude. Voilà ce à quoi elles aspirent, ce qu’ardemment elles désirent ; ainsi elles s’abandonnent, impuissantes, et ce désir impuissant les fait ressembler à ces arbres abattus ou consumés dont le feuillage, la mousse, l’écorce, se détachent, dont les troncs se décortiquent et s’offrent, clairs et blancs, à la lumière ; car on ne peut en douter : cette passion ardente, fervente pour Dieu, est en nous comme un feu qui nous fait haïr, abhorrer notre propre âme, le monde et tout ce qui est du monde, au point que nos forces, notre sagesse, nos désirs et nos oeuvres nous deviennent autant d’ennemis que nous redoutons et que nous voulons sans cesse fuir. Ainsi, cette passion est en nous comme un feu purificateur qui, par la haine de notre propre âme, digère, réduit à néant tout ce qui est en nous.
1515. Mais ce feu est souvent étouffé dans notre triste vie, et il livre un combat permanent contre notre chair. C’est pourquoi il ne peut être aussi brûlant que dans les âmes qui ont retiré leurs tuniques, leurs vêtements et qui semblent dormir, mais dont le coeur veille et entend ce que l’esprit de Dieu leur dit et leur enseigne (Ct 5,1-3) ; et pour cette raison, elles sont mille et mille fois plus ardentes que nous dans leur désir de Dieu. C’est pourquoi j’appelle « feu purificateur » cette passion inquiète que les âmes ont pour Dieu, bien qu’elles soient consolées et jouissent d’une précieuse vie divine.
1616. Nous autres, pauvres gens, nous apercevons Christ dans les ténèbres, dans la nuit et il n’en résulte qu’une tiède passion. Les âmes voient le soleil, c’est-à-dire Christ, se lever tôt. C’est pour cette raison que leur passion est incommensurablement plus violente, plus impétueuse que la nôtre. Et les prêtres ne devraient ni étouffer, ni éteindre ce feu, car Christ veut que son feu brille, qu’il rougeoie, qu’il brûle sans cesse dans les âmes.
1717. Il veut aussi que ce feu purifie les âmes, les nettoie, les embellisse et fasse place nette pour le Saint-Esprit. Ainsi, ce feu purificateur doit dessiller les yeux, c’est-à-dire façonner un jugement et une connaissance purs, et conduire à une justice et à un amour parfaits ; c’est un terrain ensemencé qui n’a pas d’eau et lorsque la terre, c’est-à-dire l’esprit, est complètement desséchée et s’ouvre sous l’effet de ce souffle, Dieu ne l’abandonne pas, mais vient à elle, la comble de sa majesté et de sa gloire ; il l’emplit, la rassasie pleinement.
1818. Dès lors, vous comprenez pourquoi le désir ardent que l’on éprouve pour Dieu peut être appelé « feu purificateur », et comment ce feu rend sec et ardent, comment il attaque, brûle tout ce qui est bois, foin ou chaume, en particulier dans les âmes où une flamme vigoureuse brille en toute liberté. Il est clair aussi qu’un tel feu ne peut prendre que si l’âme éprouve de la haine pour elle-même et qu’elle rejette les bonnes oeuvres et que cela ne doit décourager personne, bien que cela tourmente les âmes.
1919. Il se peut que ce feu soit celui dont saint Paul dit qu’il juge toute oeuvre (1 Co 3,13). Or, s’il peut juger, il est donc doué de raison, d’esprit et de sagesse. Et de même que celui qui juge toutes choses est doué d’un esprit sage, qui lui fait peser les choses, prendre l’une et laisser l’autre, ainsi fait ce feu purificateur doué de raison, c’est-à-dire cette passion ardente pour ce roc qu’est Jésus, car ce désir ardent distingue entre les oeuvres et les oeuvres. Si elles sont de bois, de paille ou de chaume, ce feu les embrase et l’homme doit souffrir, c’est-à-dire endurer l’attente, persister dans ce désir impuissant jusqu’à ce que l’âme, son oeil, son coeur et ses oeuvres soient suffisamment propres, suffisamment purifiés et que, sous l’effet d’un tel souffle, elle soit véritablement ouverte et prête à accueillir Dieu dans sa majesté.
2020. Ce feu ne rend pas malheureux, mais bienheureux. Et il contient aussi le jour du Seigneur Jésus Christ en qui toutes les oeuvres seront révélées. Car c’est à l’aurore que Christ apparaît à ces âmes, avec ses trésors et ses dons qui nous demeurent en partie cachés. Ce dont je conclus à nouveau que nous ne devons pas nous inquiéter ni nous affliger pour nos amis morts en Christ, car s’ils ont bien en eux le feu purificateur spirituel que je viens de décrire, celui-ci, doué de raison, fera d’eux des bienheureux et ils s’approcheront plus près que nous du soleil de midi. Et, hormis ce feu, rien ne leur sera d’aucun secours. C’est pourquoi, de même que nous devrions souhaiter que notre foi, notre espérance, notre amour et notre passion pour Dieu s’affaiblissent, perdent de leur ardeur, nous ne devons pas vouloir les en sortir. De même, rien ne peut purifier l’âme et ses oeuvres que la haine qu’elle se porte à elle-même, et le désir qu’elle éprouve pour Dieu, c’est-à-dire une authentique passion pour Lui, comme le dit Christ : « Si le grain tombe dans la terre et meurt, il ne reste pas seul ». Ce que j’ai dit des âmes, à savoir qu’elles ressentent une ardente passion pour Dieu, un brûlant désir pour Lui, je le dis des âmes qui ont appris à connaître Christ ici-bas et qui sont endormies en Christ.
2121. Mais je n’ai rien dit des âmes qui songent peu à Dieu et qui n’ont pas bien connu Christ. Je pense cependant que dans l’au-delà elles doivent étudier et apprendre à reconnaître la vérité des jugements et sentences que Dieu veut qu’elles connaissent avant de les accepter au ciel. Comment pourraient-elles, autrement, parvenir à la béatitude ? Pour cette raison, les paroles du Christ : « Si je n’étais pas venu, ils n’auraient pas péché » [Jn 15,22], je les comprends avec les mots de Pierre : « Les morts, eux aussi devraient être évangélisés afin qu’il ne les juge pas » (1 P 4,6). Si Christ n’avait pas prêché aux morts, ni fait proclamer son message de consolation, il n’aurait pas pu les juger ; mais comme il est prêt à juger les vivants comme les morts, il est juste, équitable que Christ ait prêché ou fait prêcher aux morts que ceux qui sont morts dans la chair aux yeux des hommes, sont vivants en esprit devant Dieu. Tout cela, Pierre le dit des esprits qui vivent devant Dieu et il conclut que Dieu ne pouvait juger les morts s’ils n’étaient évangélisés, ce qui n’est pas très loin des paroles du Christ : « L’heure viendra où les morts, dans leurs tombes, entendront la voix du fils de Dieu ».[…]
2222. Donc, si Dieu ne veut pas juger, mais dit que les morts, dans leurs tombes, entendront la voix de Dieu, il s’ensuit que ce n’est pas aller à l’encontre de l’Écriture que de dire que les âmes ignorantes devront apprendre dans l’au-delà ce qu’elles ont négligé ici-bas. Mais une seule heure leur semblera plus pénible, plus éprouvante que bien des années ici-bas parce qu’elles feront tout, subiront tout, sans être embarrassées par les aléas, les souffrances et les oeuvres du corps. De même, elles seront subjuguées, pénétrées, tourmentées, avec une impétuosité inégalée par l’esprit de torpeur (celui qui s’infiltre partout et frappe toute chose d’impuissance et que l’on nomme spiritum compuctionnis et extasis) cet esprit dont parle Esaïe au chapitre 29, (Es 29,3) et qui a frappé David, qui dit : « Mon coeur s’est tourné et retourné en moi, comme quelqu’un qui souffre de vertige ou d’étourdissement, ma force m’a quitté, et la lumière de mes yeux n’est plus auprès de moi » (Ps 37,11).
2323. Il est possible (qui, mieux que Dieu, peut le savoir ?) que des âmes ignorantes errent parfois et que nombre d’entre elles, dans un tel émoi, saisies par l’angoisse que génère leur ignorance, se mettent à délirer, ne sachant pas si elles sont damnées ou non. Il peut aussi se faire que des âmes requièrent de leurs amis des messes, des aumônes, des bonnes oeuvres, des pèlerinages chez les saints et autres choses de ce genre (tout cela n’est qu’ignorance, celle qu’elles avaient ici-bas et qu’elles ont emportée avec elles) et qu’enfin, elles ne soient pas revenues, ayant compris que ni les messes, ni les aumônes, ni les oeuvres, ni les pèlerinages ne les avaient secourues.
2424. La même chose s’est produite ici avec les ignorants, et se produira tant qu’ils n’auront pas compris et retenu l’enseignement de Dieu, à savoir que les messes et les pèlerinages chez les saints sont contraires à la volonté de Dieu et que ce n’est pas avec des aumônes ou des oeuvres qu’on peut les secourir, les aider, mais par la sagesse divine. De même, les âmes folles, égarées demeureront dans leur prison, et leur conscience les maintiendra captives tant qu’elles n’auront pas appris l’enseignement de Dieu et reconnu la vérité de la parole de Dieu. Il est si fréquent que des âmes errent que je ne saurais les blâmer ni les rejeter. J’admets également qu’il arrive que le diable les déguise, leur donnant l’apparence d’un esprit métamorphosé, et réclame des messes, des aumônes, des cierges et autres choses de ce genre, pour conforter les prêtres dans leur erreur et voler aux laïcs leurs biens et leur vie.
2525. Mais je n’en pense pas moins qu’il est possible que des âmes errent et qu’à cause de leur ancienne erreur, elles continuent de désirer une aide fallacieuse et inutile, et ce, jusqu’à ce qu’elles aient compris l’enseignement de Dieu, qui plaît plus à Dieu que des aumônes (Os 6,6). Je n’accepte pas qu’elles nous exhortent à faire pénitence et à amender nos vies, ni qu’elles nous apparaissent dans ce but ; car nous avons Moïse et les prophètes, et si nous ne les croyons pas, nous croirons encore moins les âmes. Mais elles peuvent nous faire part de la détresse, de l’angoisse et des souffrances qui les accablent, tout comme l’homme riche a décrit ses souffrances et sa détresse au père Abraham (Le 16,24).
2626. Certaines de ces âmes sont frappées de stupeur ; elles ne connaissent pas la grande détresse de celles qu’a saisies l’esprit de torpeur, et les premières parviennent plus rapidement à la sagesse divine que les dernières. Mais celui qui ne veut pas ressentir la terrible angoisse que génère l’esprit de torpeur, qu’il songe à étudier ici-bas avec application, à bien comprendre la parole divine, qu’il la prenne en lui et la conserve, et ainsi, il sera protégé. Car rien ne le tirera de son ignorance sinon la sagesse divine. Hormis celle-ci, ni les oeuvres, ni la messe, ni l’argent, ni aucune autre chose quelle qu’elle soit, ne pourra le soutenir, le libérer de l’esprit de torpeur ou de la stupeur, et le conduire à la consolation, à la paix, à la sérénité.
2727. Telles sont les réflexions, opinions, indications que je vous soumets, en attendant que l’on dise mieux. A propos des paroles de Macchabée sanctum et salubre est exorare pro defunctis (2M 12,46), j’ai répondu dans un opuscule sur ces livres bibliques, bien qu’à mon avis, le rédacteur ait détourné les paroles et les actes de Judas et en ait fait mauvais usage. Il aurait en effet mieux valu qu’il confronte les histoires, les compare, ce qui aurait révélé son talent à utiliser l’histoire de Judas.
Notes de bas de page
1 Il nous faut d’emblée signaler l’un des problèmes majeurs de la traduction : certes, Fegfeuer signifie « purgatoire », mais le terme peut également se traduire littéralement par « feu purificateur ». Karlstadt joue constamment sur la confusion engendrée par ses deux acceptions possibles. Nous avons choisi d’employer tantôt l’une et tantôt l’autre expression, en gardant présent à l’esprit le fait que les contemporains de Karlstadt associent le mot Fegfeuer à l’idée de purgatoire.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Les Jacobins de l’Ouest
Sociabilité révolutionnaire et formes de politisation dans le Maine et la Basse-Normandie (1789-1799)
Christine Peyrard
1996
Une société provinciale face à son devenir : le Vendômois aux xviiie et xixe siècles
Jean Vassort
1996
Aux marges du royaume
Violence, justice et société en Picardie sous François Ier
Isabelle Paresys
1998
Pays ou circonscriptions
Les collectivités territoriales de la France du Sud-Ouest sous l’Ancien Régime
Anne Zink
2000
La permanence de l’extraordinaire
Fiscalité, pouvoirs et monde social en Allemagne aux xviie- xviiie siècles
Rachel Renault
2017
Un désordre européen
La compétition internationale autour des « affaires de Provence » (1580-1598)
Fabrice Micallef
2014
Entre croisades et révolutions
Princes, noblesses et nations au centre de l’Europe (xvie-xviiie siècles)
Claude Michaud
2010