Chapitre XII. Vers une centralité des faibles ?
Le travail sur l’horizon d’attente des Provençaux
p. 349-368
Texte intégral
1Un dernier champ de stratégies de communication mérite d’être exploré. Parce que la Provence est convoitée par diverses puissances, les Provençaux, acteurs nouveaux projetés sur la scène internationale, sont la cible de stratégies de communication spécifiques. Celles-ci n’entrent plus dans la logique du rappel à l’ordre, mais au contraire visent à satisfaire l’horizon d’attente des Provençaux. Passons sur les « practiques » individuelles dont font l’objet certains acteurs, et notamment les personnages clés ; d’un point de vue formel – entretiens secrets, versement de pensions, offres de promotion individuelle –, elles se situent en continuité avec ce qui est observable en temps ordinaire1.
2Intéressons-nous au langage politique à destination collective, qui, lui, résulte d’un fait nouveau et propre à l’internationalisation de la crise : le surgissement des municipalités, des États et du parlement comme acteurs internationaux. Le besoin de s’attacher la bienveillance, la fidélité, voire l’obéissance des solliciteurs, la volonté de les séduire, amènent certains princes à élaborer une communication politique complaisante à leur égard. Quelles en sont les formes, les spécificités en fonction des divers acteurs, les éventuels apprentissages ? Ici, les évolutions nous semblant moins linéaires qu’en ce qui concerne les stratégies de sollicitation, nous avons eu recours à une démarche à la fois chronologique et thématique. De même, signalons d’emblée que les différents registres que nous allons évoquer sont souvent mobilisés de manière concomitante, contribuant à composer des discours volontairement ambigus et polysémiques.
Les Savoyards en 1590 : double discours et « piège de l’appétit »
3Les premiers à se poser la question de l’horizon d’attente collectif des Provençaux, on ne s’en étonnera pas, sont Charles-Emmanuel et ses conseillers. Le premier axe de leur communication à l’adresse des Provençaux consiste à proclamer leur désintéressement politique. Eobjectif pour le prince est de rassurer ceux des interlocuteurs qui pourraient s’inquiéter de ses ambitions politiques, mais également de rassurer d’éventuels observateurs extérieurs, inquiets eux aussi.
4Fabrègues rapporte les assurances que le duc de Savoie, au printemps 1590, donne à la députation provençale présente à Turin : « Il nous disoit toujours qu’il ne prétendoit que secourir la Provence, d’en estre le gouverneur jusqu’à l’élection d’un roy catholique2. » Dans une lettre au parlement en mars 1590, Charles-Emmanuel écrit : « Je n’ay autre intention que le seul zelle de la réligion catholique apostolique et romaine, conjoint au service que je désire faire à Sa Majesté Très Chrétienne de luy conserver soubs son obéissence et de l’Estat et couronne de France une province si remarquable3. » Dans une lettre du 3 août 1590, le comte Martinengo, général de la cavalerie savoyarde, prend bien soin de refuser le commandement des troupes provençales remis par le parlement : « Chose que je ne puis accepter, d’aultant que j’ay esté mandé pour seulement obéir, et ne veulx prendre aucthorité que sur les trouppes italliennes4. »
5Mais durant cette séquence de la première partie de l’année 1590, ces assurances sont données dans le cadre d’un double discours. Parallèlement aux proclamations officielles de désintéressement, les Savoyards, sur un versant plus officieux, déploient une communication bien plus subversive. On se souvient, dans les mémoires de Fabrègues, des offres diverses faites par le duc de Savoie aux députés des États, à Turin, en mars 1590 : « Il nous excitoit à penser à nous tirer de servitude et de nous mettre en liberté5. » Il s’agit là du second versant de ce double discours : parallèlement aux proclamations sur leur volonté de servir la couronne de France, Charles-Emmanuel et son entourage évoquent la possibilité de faire de la Provence une terre d’Empire avec le duc de Savoie comme vicaire impérial, ou encore de transformer la Provence en république, sur les modèles hollandais ou vénitien, avec pour Charles-Emmanuel une charge correspondant à celle du stadhouder ou du doge6.
6Même s’il s’agit de la part du duc d’une reconfiguration possible de son projet politique, il y a aussi dans ces offres un usage du « piège de l’appétit », pour reprendre la terminologie de Contugi mentionnée plus haut : les Savoyards cherchent à répondre à ce qu’ils supposent être l’horizon d’attente des Provençaux en matière d’autonomisme municipal, de nostalgie de l’époque impériale, voire de républicanisme. Le fait de proposer l’exemple vénitien témoigne, de la part des Savoyards, d’une réflexion sur ce qui pouvait, aux yeux de leurs interlocuteurs, représenter le modèle idéal, en termes de liberté et de puissance7. Le duc fait tout pour se présenter comme l’adjuvant des désirs provençaux de liberté.
7Les flatteries publiques faites aux mêmes députés sont pensées pour répondre explicitement à cet horizon d’attente de liberté. Si l’on en croit une dépêche de l’ambassadeur vénitien à Turin, en date du 12 mars 1590, les envoyés des États sont « exactement traités de la manière dont les ambassadeurs extraordinaires des princes ont l’habitude de l’être ; car ils sont […] servis par les gentilshommes destinés au service des étrangers8 ». Par une lettre du 15 mars, du même diplomate, on apprend que les Provençaux, à la messe, se sont vus attribuer la place « qui fut déjà accordée aux ambassadeurs ordinaires des princes, qui se trouvent en cette cour9 ». Les mises en scène flattent clairement un éventuel désir de voir les États provinciaux comme un pouvoir souverain. On devine la réflexion minutieuse à laquelle Charles-Emmanuel et ses conseillers ont dû se livrer pour adapter leur communication à ce qu’ils supposaient être les attentes politiques de leurs interlocuteurs.
Entre proclamations de désintéressement et offres de domination (Savoie, Lorraine, Espagne)
8Mais ce mode de communication – le double discours – est rapidement abandonné, dès le courant de l’année 1590, au moment de l’entrée en Provence, au profit d’un langage politique beaucoup plus complexe et ambigu, que Charles-Emmanuel n’est d’ailleurs pas le seul à mettre en œuvre.
9D’abord, la proclamation de désintéressement reste un axe majeur de la communication savoyarde. Le lendemain de son entrée dans Aix, le 19 novembre 1590, Charles-Emmanuel refuse le titre de protecteur que veulent lui décerner les procureurs du pays, marquant ainsi sa volonté de ne pas froisser ceux qui jugent ce lien politique trop subversif10. Et il donne encore une grande marque d’humilité le 23 novembre 1590, lors de sa réception au parlement : « Il s’assit en la place du gouverneur, quoyque le conseiller du Castellar qui présidoit le pressât fort de prendre le siège du roy11. » Lors de la harangue prononcée devant les États provinciaux en janvier 1591, le duc prend encore bien soin de dissiper d’éventuels soupçons : « Ayant esté instamment requis de venir en Provence, il protestoit n’y estre venu que sous la couronne de France. » Puis il fait allusion à la geste du supposé aïeul saxon des ducs de Savoie : « Béral, son illustre et premier ancêtre […] avoit si fidellement gouvernée [la Provence] lorsqu’elle estoit sous les sceptres des roys d’Arles, qu’on ne debvoit point doubler qu’il deut ny voulut moins faire que suivre les héroïques traces de ceux dont il estoit yssu. » Eallusion peut sonner comme une marque de désintéressement, car Béral (ou Bérold) était le gouverneur de la Provence, au service du carolingien, comme Charles-Emmanuel entend servir la couronne de France. Et plus loin : « Il ne prétendoit subjuguer personne12. » Et lorsqu’il évoque devant les mêmes États la prise de certaines places aux royalistes, il spécifie que ces gains ne se font pas au bénéfice de la Savoie : ainsi, il rappelle qu’il a « prins le lieu de Montz et remis à l’hobéissance de l’Estat royal et coronne de France13 ». En quittant Arles en octobre 1591, Charles-Emmanuel prend bien soin de faire spécifier que son autorité sur la ville s’exerce au nom de la couronne de France. La déclaration que le premier consul d’Arles signe le 6 octobre est claire à ce sujet : « Je jure et prometz à Son Altesse de garder et conserver laditte ville d’Arles à son obéissance, soubz l’État royal et corone de France et party cattolicque14. »
10Mais toutes ces marques de désintéressement sont articulées, de manière très subtile et ambiguë, à un autre registre de communication, que nous appellerons offre de domination. Il s’agit de la mise en scène plus ou moins évidente par un prince de son charisme15, et de l’option politique qu’il incarne. Cette offre ne vise pas tant à flatter l’interlocuteur qu’à répondre à son supposé besoin de souverain, dans un contexte où, étant donné la situation d’interrègne, les ligueurs n’ont pas de roi. La nécessité de ne pas dévoiler ouvertement ses ambitions amène alors le prince à faire ces offres de manière détournée.
11Ainsi, Charles-Emmanuel insiste fortement sur les liens anciens qui l’unissent personnellement à la Provence. Outre l’allusion à Bérold déjà citée, lors de la harangue prononcée devant les États en janvier 1591, la référence est encore mobilisée en septembre 1591 durant son séjour à Arles. Un mémoire nous apprend que le 25 de ce mois, le duc de Savoie alla « à Sainct-Honoré ouyr messe, où ayant treuvé ung tombeau d’un de ses ayeulx, il dict qu’il y ferait faire une chapelle16 ». Même si, dans le premier cas, la référence est suscitée par une proclamation de désintéressement, de telles allusions pourraient témoigner de la volonté de Charles-Emmanuel de se rattacher aux yeux de ses interlocuteurs, de manière subliminale, à une légitimité politique plus ancienne que la souveraineté française sur la Provence : l’appartenance au royaume d’Arles. Il suggérerait ainsi une issue politique possible : l’incorporation de la Provence à l’État piémontais.
12Mais son horizon d’attente principal, l’élection à la couronne de France, produit sa propre communication, plus ou moins explicite. Dans la harangue aux États de janvier 1591, le duc de Savoie évoque son respect pour « la couronne de France, dont il avoit l’honneur d’avoir tiré sa naissance » ; peu après, il mentionne la situation générale du royaume, évoquant le fait que la province « se trouvant assaillie de tant de loups, au moyen de l’interrègne ne pouvoit tramer que beaucoup de troubles et de malheurs17 ». Eallusion dynastique, combinée à la situation de vacance de la couronne, permet de convoquer une source supplémentaire de légitimité, ainsi qu’une issue politique pour mettre fin aux troubles : son élection comme roi de France. Les mémoires du sieur de Michaelis rapportent un essai de mise en scène plus explicite, de cette possibilité politique :
Le jour de saint Sébastien, nonobstant le mauvais temps, il s’alla joindre à la procession générale à la porte de Nostre-Dame où il prit le premier rang […] devant les consuls, avec un cierge à la main. Il estoit vestu d’un grand manteau de velours de feuille morte en broderie d’argent et disoit à aucuns de ceux d’autour de luy de voir comme les habillemens à la françoise luy sieroient bien18.
13À coté de cette orchestration évidente – et un peu maladroite – autour d’un symbole de la souveraineté française, Charles-Emmanuel envoie des signaux plus discrets, sans doute par prudence, et également plus vagues : des signaux qui le mettent en scène comme souverain possible de la Provence, mais sans référence explicite ni au royaume d’Arles, ni à la couronne de France. Par exemple, dans sa lettre au parlement du 18 mars 1591, il consacre quasiment toute la dépêche à faire part aux magistrats du « contentement que j’ay heu d’entendre de bonnes nouvelles de l’infante et qu’elle soit accouchée d’une fille, m’en voulant bien resjouir avec vous19 ». On peut supposer que, dans l’esprit du duc, il s’agit d’un usage performatif de l’événement. En liant les autorités provençales au destin de sa famille, il se comporte de manière subliminale comme s’il était déjà leur souverain. Le traité élaboré lors de l’éphémère et inabouti projet de réconciliation entre Charles-Emmanuel et la comtesse de Sault, probablement durant l’hiver 1591-1592, donne un autre exemple d’une mise en scène performative d’une éventuelle souveraineté du duc de Savoie sur la Provence. Il commence en effet par ces considérations : « Il appartient aux princes, vrais soleilh du monde, de chasser les nuages qui peuvent obscurcir et rendre douteuse la bonne volonté qu’ilz ont, non seulement vers les gentilzhommes et seigneurs qui les adcistent de leur service, mais encore des peuples desquels ilz sont les pères et deffanceurs20. » En se présentant, par le détour de la généralité, comme le « père » des Provençaux, le duc de Savoie convoque une représentation qui, du point de vue discursif, fait déjà de lui leur souverain.
14Cette articulation entre proclamations de désintéressement et offres de domination peut être observée dans la communication d’autres princes s’adressant aux Provençaux.
15Évoquons d’abord les discours de la sphère florentine-lorraine à l’égard de Marseille, suite à l’intervention au château d’If en juillet 1591. Tout est fait pour laver le grand-duc et son épouse du soupçon d’ambitions politiques et stratégiques. Dans sa lettre aux consuls du 8 août 1591, Christine de Lorraine ne laisse pas de clamer son « devoir envers la couronne de France et volonté que i’ay de votre conservation sous un roy Très Chrétien21 ». Les marques d’attention données à Bausset par Ferdinand à la même époque sont également, sans nul doute, à destination collective : dans une lettre du 29 août 1591, en faisant de Bausset « le chef de tous nos hommes et soldats [florentins] » au château d’if, Ferdinand met publiquement en scène son désintéressement. Il ne manque pas de spécifier dans la même lettre que son intervention a pour but de maintenir « cette place pour un roi de France catholique », précisant que « Madame, comme fille de France, et nous, comme ancien ami de cette couronne l’avons fait sans autre prétention22 ». Dans une lettre adressée à Casaulx le 7 mai 1595, Christine rappelle son souci du « service de la couronne de France », puis elle prend la peine de spécifier que son aide aux Marseillais se fait « sans aucune fin d’aucun intérêt particulier ni de gain, ni pour Son Altesse [le grand-duc] ni pour moi23 ».
16La monarchie espagnole n’est pas en reste dans ces efforts de mise en scène du désintéressement lorsqu’elle communique avec les Provençaux. Par exemple, l’ambassadeur vénitien à Madrid, Agostino Nani, nous en rapporte un exemple dans sa dépêche du 3 janvier 1596. Les ministres espagnols, lorsqu’ils négocient avec la députation marseillaise venue réclamer le secours de Philippe II, affirment ne pas vouloir qu’on remette au roi un fort de la ville, « pour ne pas donner soupçon de vouloir à présent dominer absolument24 ». Nani est bien conscient du fait qu’il s’agit d’une stratégie de communication, d’une mise en scène du désintéressement.
17Mais ces mêmes princes ne manquent pas de faire aux Provençaux des offres de domination, sous les formes les plus variées. Dans le champ de l’implicite, les Lorrains s’y livrent très certainement, de manière concomitante avec les proclamations de désintéressement. Comment ne pas penser qu’il s’agit du message subliminal dissimulé derrière l’offre de secours du duc de Lorraine, présentée par son secrétaire devant les municipalités marseillaise et arlésienne au printemps 159025 ? Charles III n’offre pas seulement son secours : il rappelle aux Provençaux les anciennes prétentions lorraines sur la Provence, prétentions que la situation catastrophique du royaume pourrait réactualiser.
18Il en va sans doute de même lorsque sa fille, la grande-duchesse de Toscane, Christine, écrit le 8 août 1591 aux consuls de Marseille pour justifier l’intervention florentine au château d’If. Elle rappelle qu’elle est « fille du duc de Lorraine, nourrie comme fille de France et mariée comme telle26 ». Peut-être joue-t-elle ainsi sur deux offres implicites : le rappel des prétentions de sa maison sur la Provence et la candidature de Charles III à la couronne de France, comme un moyen d’établir une connivence autour de diverses issues politiques possibles. Cette connivence, on l’a vu, est par la suite entretenue par Casaulx ; et Christine, de son côté, ne manque pas de renouveler l’offre de domination. Dans une lettre adressée à l’homme fort de Marseille le 7 mai 1595, la grande-duchesse, juste après des protestations sur sa volonté de rendre service à la couronne de France, rappelle encore ses liens avec la Provence, écrivant que sa « maison [de lorraine] a particulièrement toujours aimé et désiré le repos et la félicité de cette province27 » : cet amour n’appelle-t-il pas implicitement à des retrouvailles entre les Lorrains et la Provence ? Du moins, une porte est laissée entrouverte.
19De manière bien plus directe, Philippe II, lors de la présence de la députation provençale à Madrid au printemps 1591, n’aurait pas manqué, lui non plus, de faire une offre de domination ; du moins si on en croit le récit donné par le magistrat Guillaume du Vair d’après le témoignage d’un parlementaire provençal : « [Philippe II] leur dit qu’à la vérité, le royaume de France estoit le pavois de la Chrestienté, et qu’à quelque fin ce fust il le falloit préserver de l’hérésie ; que pour luy, bien que son aage le rendoit un peu pesant, néantmoins s’il y estoit appellé il y iroit avecque tout ce qu’il y avoit de moyens28. » La puissance et la posture de Philippe II, en tant que chef politique de la Chrétienté29, sont sans doute les raisons qui expliquent la clarté de cette offre, alors que Charles-Emmanuel et Charles III, dans des situations plus incertaines, sont contraints au louvoiement et à la prudence. Par ailleurs, l’offre du roi, au-delà d’un hypothétique projet politique30, correspond sans doute à une volonté de fidéliser les catholiques français aux intérêts espagnols, en répondant positivement au piège de l’appétit tendu par la harangue provençale qui appelait de ses vœux l’arrivée de Philippe II sur le trône de France31.
20Ces offres de domination, et leur articulation avec les proclamations de désintéressement, permettent déjà de mesurer combien la prise en compte de l’horizon d’attente des Provençaux amène certains de leurs interlocuteurs à élaborer une communication politique de circonstance, qui, en fonction des objectifs et des configurations du moment, est plus ou moins ambiguë.
Flatter les aspirations politiques provençales
21La mise au travail sur l’horizon d’attente des Provençaux est cependant plus diversifiée que cette dichotomie entre proclamations de désintéressement et offres de domination. Dans la continuité des « pièges de l’appétit » que nous avons vu Charles-Emmanuel tendre en 1590, les divers interlocuteurs des Provençaux cherchent à les flatter ou à se montrer complaisants à l’égard de leurs supposés désirs politiques.
Charles-Emmanuel et le respect du parlement
22Le duc de Savoie montre une propension certaine à dispenser de telles flatteries. Les vertus des parlementaires sont constamment mises en avant dans les lettres qu’il adresse à la cour souveraine aixoise. Dans une première lettre, en mars 1590, il écrit espérer « que ensemblement et suivant vos bons conseils les affaires conduiront au bien désiré, y conservant la religion catholique, apostolique et romaine, et y rétablissant la paix et repos public, lesquelz j’espère soubz vostre authorité et prudence fleuriront plus que jamais en cest Estat-là32 ». Les formulations sont à mi-chemin entre le piège de la fantaisie (l’exaltation des vertus des magistrats) et celui de l’appétit (complaisance à l’égard de leur supposée prétention au gouvernement). Il en va de même dans sa lettre du 22 avril 1590, flattant l’idée de la participation des magistrats à la puissance souveraine33 : « Mais je n’y veux rien entreprendre sans vous, Messieurs, qui aves l’hautorité du roy, que je veux conserver et soubstenir, et tousiours accompagné de voz bons et prudentz advis et conseils34. »
23Dans sa lettre du 6 décembre 1590, Charles-Emmanuel pousse la complaisance jusqu’à servir aux parlementaires la métaphore patriarcale, « et pour ma part, oultre l’honneur que je vous doibs, je vous tiens encores comme mes pères, me voulant conduire en touttes choses comme vous l’aures agréable35 ». Un courrier, en avril 1591, depuis Madrid, au sujet de la défaite d’Esparron, est encore l’occasion pour le Savoyard d’exalter les compétences des magistrats : « Vous aves, Messieurs, faict paroistre tant de constance en plus grandes affaires que je me promes que vous y prendrez une bonne resollution et parerez à cest orage jusques à mon retour36. »
24Évidemment, tous ces procédés sont pour le duc de Savoie un nouveau moyen détourné de faire campagne en faveur de ses ambitions politiques : la mise en scène de son respect à l’égard du parlement participe de la construction de son image de prince idéal.
Charles-Emmanuel et la mise en scène des vertus princières
25En effet, le duc de Savoie, du fait de sa présence prolongée en Provence, déploie une stratégie de communication tout à fait spécifique. Dans un mémoire rédigé durant l’été 1590, l’évêque d’Asti, Panigarola, écrivait : « Les bons comportementz en Provence lèveront les calomnies de Saleuce37. » Suivant ce conseil, Charles-Emmanuel s’emploie à faire de l’intervention en Provence la vitrine de ses vertus princières, comme une forme détournée de l’offre de domination. Il s’agit de montrer non seulement aux Provençaux, mais aussi à tous les Français, qu’il est à la hauteur de ce qu’on pourrait attendre d’un roi38. La politique de représentation va alors consister en une « intensification de présence », pour reprendre une expression de Louis Marin : un déploiement de signes autour de la personne du prince, destinés à instituer et légitimer sa domination39. Il n’est d’ailleurs pas du tout exclu que le duc de Savoie, même s’il force le trait pour convaincre, soit lui-même convaincu par sa propre mise en scène, et qu’elle corresponde à son idéal de gouvernement princier. Une fois de plus, rappelons que la mise au point d’une stratégie de communication n’est pas forcément une preuve d’hypocrisie.
26L’arrière-plan théorique de cette mise en scène se rattache très certainement à la « raison d’État antimachiavélienne » fort présente dans l’Italie de la fin du xvie siècle, soucieuse de concilier morale et efficacité politique40. Lucinge, dans De la naissance, durée et chute des États, en 1588, écrivait : « On ne peut sainement nier que le fondement plus solide de toute principauté ne soit la renommée et bonne réputation, tant à l’endroit des siens qu’envers les estrangers41. » Mentionnons aussi la possible influence de la réflexion de Giovanni Botero, qui vient de publier, en 1589, sa Ragion di Stato. L’auteur insiste sur la nécessité pour le prince de s’attirer l’amour du peuple en cultivant l’art du paraître, même s’il se démarque de Machiavel par un souci de moralisation de cette réputation, qui ne doit pas être de pure façade42.
27Nous insisterons ici sur un aspect crucial de la stratégie de communication de Charles-Emmanuel : la volonté d’apparaître en prince de douceur, de concorde et de conciliation, afin de ne pas être accusé de tyrannie, par un excès de violence ou de partialité43. Dans le contexte très particulier de la séduction politique qu’il doit mener, Charles-Emmanuel ne peut se permettre de suivre à la lettre Machiavel – non contredit sur ce point par Botero –, qui affirme que dans la réputation, la crainte est plus importante que l’amour44. Cependant, le duc de Savoie n’échappe pas à la pratique duale du pouvoir, telle que la conçoit la culture princière de l’époque45 : comme on va le voir au fil de la chronologie, sa posture conciliatrice est occasionnellement contrebalancée, en fonction des aléas de la situation, par la nécessité de recourir, de manière mesurée et justifiée, à la violence, que ce soit directement ou indirectement.
28La plus évidente des composantes de cette figure du prince de concorde, c’est la volonté du duc de se placer au-dessus de la violence politique des factions nobiliaires et urbaines. À propos de la Journée du Palais, en mars 1590, au cours de laquelle les antisavoyards ont été arrêtés à Aix, Fabrègues nous apprend que Charles-Emmanuel déclare « qu’il serait pourtant bien aise qu’on ne fit plus de violence pour son intérest46 ». En juin 1590, le comte Martinengo se rend en Provence pour y diriger les troupes catholiques en attendant la venue du duc. Charles-Emmanuel lui commande de veiller à « maintenir en bonne union les chefs provençaux qui commandent aux troupes47 ». Cette volonté de conciliation se manifeste également à l’égard des royalistes, comme par exemple au moment de la prise d’Antibes, en octobre 1590, peu de temps après l’entrée du duc en Provence. Cette ville tenue par les royalistes capitule devant Charles-Emmanuel. Or, un mémoire nous apprend :
Au siège de Antibo, […] la capitulation porta que Le Merle du Dauphiné, lequel y commandoit auparavant, sortirait avec la vie et bagues sauves […]. Que quand ledit Le Merle sortist, Son Altesse le voulust voir et luy fit tout plein d’honneurs, et luy fist donner un fort beau cheval pour s’en aller48.
29Naturellement, la violence à l’égard des royalistes, alliés des hérétiques, n’est pas totalement exclue, mais Charles-Emmanuel prend soin de l’exercer de manière mesurée et contrôlée. La même source nous en donne un exemple avec la prise d’un autre heu royaliste, quelques jours après celle d’Antibes :
A Monts, ayant pris le village, Son Altesse avoit commandé qu’il en fust pendu un ou deux des principaux, pour faire terreur. Le Du Gaut, fils du sieur de Monts, qui vouloit se vanger de ses suiects, en faisoit pendre tout de suitte, sans aucun choix, autant qu’il en pouvoit trouver ; et y en avoit desjà dix ou douze de pendus ; enfin on vint dire à Son Altesse qu’on pendoit tout, de sorte qu’il fallut que Son Altesse y en voiast en dilligence pour faire cesser la penderie49.
30En février 1591, on peut observer une inflexion significative de l’attitude de Charles-Emmanuel à l’égard des luttes de factions. Suite au coup de main manqué des Carcistes à Marseille, le duc de Savoie, plutôt que de rester au-dessus des divisions provençales, modifie sa stratégie et sollicite lui-même la répression du parlement contre les Carcistes : « Son Altesse est venue en la chambre » et informe les magistrats de la « sédition et esmotion » advenues à Marseille, et afin d’y « establir quelque bon ordre, police et repos », il est nécessaire d’« informer de ladite sédition et esmotion et instruyre le procès50 ». Au regard de l’enjeu stratégique et politique que représente Marseille, Charles-Emmanuel abandonne momentanément sa posture de conciliateur et prend part au conflit. Il réitère d’ailleurs la démarche quelques mois plus tard, dans une lettre adressée au parlement le 28 juillet 1591, priant la cour de « vouloir accéler le jugemant dudit procèz51 » des Carcistes marseillais. Mais la prise de risque, quant à l’image que le duc de Savoie donne de lui, est limitée : la violence a été initiée par l’adversaire, le duc agit sous couvert de la justice, par l’intermédiaire du parlement ; on est loin d’une éventuelle tendance arbitraire ; la probabilité d’être suspecté de tyrannie est donc faible52.
31Cependant, lorsque cela ne contredit pas l’efficacité politique, la mise en scène de l’œuvre conciliatrice se poursuit. Les rivalités et les tensions entre Arles et Marseille font aussi partie du champ d’action de Charles-Emmanuel. En témoigne une ordonnance rendue par le duc au mois d’août 1591, dans laquelle il évoque « plusieurs grandz différantz entre ces deux villes, jusques à uzer de reprézailles » en raison d’un détournement d’un convoi de blé arlésien par des frégates marseillaises. C’est là que le duc intervient : « Nous avons mandé aux consulz desdittes villes [de] depputer vers nous personnes d’honneurs pour nous fère enthandre leurs pleintes et différantz, avec pouvoir de nous en remettre la désision à l’amiable, ce qu’ilz auroyent vollontairement fait. » Charles-Emmanuel déclare vouloir « en bonne amitié assoupir touttes choses passées que en pourroyent altérer le repos ». Par conséquent, avec le « consentemant desditz depputtés », il ordonne que les haines entre les deux villes « seront du tout assoupies, sans en estre faict à l’advenir aucune recherche d’une part ne d’autre53 ». En se montrant non seulement impartial, mais aussi soucieux de faire participer les représentants des deux municipalités à sa décision, le duc de Savoie construit encore l’image d’un prince aux vertus exemplaires. Évidemment, cette conciliation a aussi une vocation d’efficacité politique : la province est plus aisée à gouverner si l’entente règne entre ces deux grandes villes.
32La prise de Berre, à la fin du même mois d’août 1591, donne à Charles-Emmanuel une nouvelle occasion de se mettre en scène dans le registre de la magnanimité et de la justice. Le journal du procureur aixois Sobolis nous apprend que non seulement le duc de Savoie autorise à rester à Berre les royalistes qui le désirent, mais qu’en plus il fait escorter ceux qui veulent partir jusqu’au Puy-Sainte-Réparade, une place tenue par les royalistes54. La démonstration de magnanimité est éclatante. Les consuls de la ville prise sont remplacés, mais « [1]’Altesse prince a faict venir au-devant luy tous ceulx de Berre qui vouloient demurer et ceulx qu’estoient absents et qui vouloient rentrer, a prins le baston de viguier [juge royal] et l’a remis aux mains du viguier du dict lieu, les a admonesté demurer en paix, disant “Je vous laisse la paix et la justice”55 ». La mise en scène d’une œuvre de concorde est évidente.
33Quelques semaines plus tard, le séjour arlésien met à l’épreuve la cohérence de l’image que Charles-Emmanuel veut donner de lui-même. La ville est alors divisée par la lutte entre le lieutenant Biord et ses opposants. Le duc de Savoie y est sollicité par les amis des Arlésiens emprisonnés par Biord : ils « avoyent prins coeur et haleine de la venue de Son Altesse, espérant avoir justice. Et dès lors, tous leurs amys furent employéz pour leur dellivrance ». Charles-Emmanuel, bien loin de s’appuyer sur une faction au détriment d’une autre, a pour première réaction, dans une logique de concorde, de vouloir « eslargir lesdictz prisonniers et leur faire ambrasser avec ledict sieur lieutenant, lequel il tascha d’en disposer par tous moyens56 ». Mais sa mésentente avec Biord pousse le duc à changer de stratégie ; le 3 octobre 1591, Charles Emmanuel, en faisant arrêter l’homme fort d’Arles, fait preuve d’un autoritarisme inédit depuis son arrivée en Provence. Cependant le risque de passer pour un tyran est maîtrisé, dans le sens où Biord lui-même tyrannisait la ville. La possibilité est donc offerte à Charles-Emmanuel de se présenter comme un libérateur. Lorsqu’il se justifie devant les notables de la ville, le duc de Savoie prend soin de se disculper de tout soupçon d’arbitraire : « Il fist entendre les occasions qu’il avoit heu de se saisir dudit lieutenant et de ses complices, qu’il espérait que la ville en serait beaucoup soulagée en repos. Car il leur avoit osté une mauvaise herbe57. » Ainsi, une fois encore, le duc de Savoie parvient à concilier l’efficacité politique et la mise en scène de soi. D’une part il peut désormais contrôler Arles en promouvant La Rivière, le rival de Biord, et en laissant une garnison savoyarde dans la ville58 ; d’autre part il reste dans ce qu’il suppose être l’horizon d’attente des Provençaux d’un prince juste et conciliant.
34De la même manière, à la suite de l’arrestation de la comtesse de Sault, le 15 octobre 1591, Charles-Emmanuel travaille son attitude pour ne pas s’écarter d’une posture moralement acceptable. Le lendemain même, il fait justifier l’événement devant le conseil de ville d’Aix par Honoré de Laurens : « Monsieur l’advocat général a remonstré que la vollanté de Son Altesse a esté de restablir la justice et régler la pollisse de ceste ville59. » De même, lorsque le 29 octobre 1591, les parlementaires carcistes, revenus à Aix, se présentent devant la cour pour y être réintégrés, ils déclarent s’être entretenus auparavant avec le duc, qui leur a dit qu’il « ne demandoit autre chose si n’est de remettre en son entier la justice et officiers d’icelle60 ». Étant donné les offenses subies par les cours souveraines durant le « règne » de Chrétienne d’Aguerre (notamment la Journée du Palais et l’emprisonnement de quatre conseillers), l’argument du « rétablissement de la justice » est cohérent. En outre, dans la répression à mener contre les Comtins, Charles-Emmanuel prend bien soin d’agir par l’intermédiaire du parlement : la condamnation de la comtesse de Sault et de ses partisans est prononcée par un arrêt en bonne et due forme, rendu par la cour le 7 novembre 1591. Toute mention au duc de Savoie y est gommée, afin de donner l’impression que tout se règle exclusivement par une justice provençale non manipulée par Charles-Emmanuel61. Pour parfaire la mise en scène vertueuse, une lettre du duc de Savoie à son épouse, datée du 18 octobre 1591, est publiée et diffusée en Provence : le duc y évoque la « mauvaise volonté » de la comtesse de Sault, le fait que son intention était « de se servir de moi pour faire ses affaires et avoir toujours la possibilité de me chasser de cette province, […] usant de tous les artifices […] que l’on pouvait imaginer62 ». Le duc peut ainsi se présenter comme la victime d’un complot contre lequel il n’a fait que se défendre.
35Ainsi, s’il adopte en partie la méthodologie des princes tyranniques de la Renaissance italienne – dénonciation systématique du complot, utilisation de la justice à des fins politiques, idée d’un « mal nécessaire »–, Charles-Emmanuel, sans doute lui-même convaincu de sa propre vertu, prend soin de travailler son image pour se tenir éloigné d’accusations de tyrannie : l’arbitraire et la terreur sont exclus de sa pratique63. Le fait de s’attaquer à des personnages eux-mêmes puissants et autoritaires – Biord et la comtesse de Sault – facilite également la justification : cela lui permet de se présenter lui-même non seulement comme un ennemi de la tyrannie, mais encore comme un prince de justice, capable de déterminer quand un coup est nécessaire pour le bien du peuple.
36Par ailleurs, notons que dans ce travail des postures, le glissement du prince de concorde vers le prince de justice, plus autoritaire, n’a rien d’irréversible. En témoigne le texte du projet de réconciliation entre le duc de Savoie et la comtesse de Sault, durant l’hiver 1591-1592. Le vocabulaire utilisé dans leur déclaration commune montre la volonté de Charles-Emmanuel d’afficher magnanimité et esprit de concorde : le duc « promet à foy de prince d’oublier touttes choses passées ». Il entend « estre le noeu de tous les liens et le centre de touttes les circumférances d’amittié, réconcilliation et société », embrassant la comtesse et Besaudun « d’un béser de réunion et de paix indisoluble64 ». Une fois encore, dans ce projet, Charles-Emmanuel entend concilier construction d’une image idéale et efficacité politique. En effet, le comte de Carcès étant compris dans la déclaration de paix, la réconciliation permettrait à Charles-Emmanuel de réunir tous les catholiques de Provence sous son autorité, avec les effets politiques et militaires que l’on pourrait en espérer.
37Entre concorde et justice, une dernière oscillation mérite d’être relevée, même si elle survient après la sortie du duc de Savoie de la province. Dans le mémoire d’instructions que Charles-Emmanuel dresse à Nice, en avril 1592, pour ce qu’il veut faire dire aux parlementaires aixois, figurent les lignes suivantes :
Son Altesse a entendu que les prisonniers leur ont présanté resqueste aux fins d’estre eslargis ; et d’aultant qu’ilz sont emprisonnés par authorité et comandement de Son Altesse, qu’Elle les prie de vouloyr sursoyer tel eslargissement jusques à son retour. Car ladite cour sçayt très bien qu’elle a asseuré Son Altesse de ne faire sur ce aulcune procédure jusques à sondit retour65.
38Les prisonniers dont il est question sont très certainement des Comtins arrêtés le 15 octobre 1591, peut-être Fabrègues et Guiran. Ici, le duc de Savoie abandonne la posture de réconciliation pour en revenir à une figure de justice plus sévère. Et, comme au lendemain de l’arrestation de Biord, le duc de Savoie se met en scène comme la seule mesure de cette justice, récusant ici la compétence souveraine du parlement, alors que depuis la rupture avec les Comtins, sa stratégie consistait à se mettre en retrait par rapport à l’action judiciaire de la cour. L’inflexion vient sans doute d’une réaction de fierté princière et de l’inquiétude de voir des opposants remis en liberté.
39Toutes les oscillations que nous venons d’observer montrent bien la complexité de la réflexion du duc de Savoie sur ses stratégies de communication pendant son intervention en Provence. Pour concilier efficacité politique, exigences morales et mise en scène de soi, Charles-Emmanuel a dû élaborer une ligne de conduite non exclusive et extrêmement délicate. Parmi les princes étrangers impliqués dans les affaires de Provence, Charles-Emmanuel est sans doute le seul pour lequel elles ont constitué une école du pouvoir.
Mayenne et la rhétorique pseudo-monarchomaque
40Dans sa volonté de conserver, tout au long de la période de sa lieutenance générale, la fidélité du personnel politique de la province, Mayenne doit aussi apprendre à flatter l’horizon d’attente des Provençaux. L’axe principal de sa communication consiste à se présenter comme un chef non absolu, respectueux des prérogatives des pouvoirs locaux. Pour le chef de la Ligue, c’est d’abord un moyen de faire campagne en vue de ses ambitions royales. Mais c’est aussi un moyen de relégitimer aux yeux des Provençaux le lien avec la couronne, face au risque de dissolution de ce lien que pourraient présenter leurs relations avec Charles-Emmanuel66. Sa correspondance nous en donne de nombreux exemples.
41La première remarque que l’on peut faire, c’est que Mayenne cherche à donner l’impression d’une certaine horizontalité politique dans le lien qui l’unit aux pouvoirs locaux. Dans sa lettre aux consuls marseillais du 20 novembre 1590, évoquant les royalistes, il ne dit jamais « mes ennemis », comme le ferait Henri IV à propos des ligueurs, mais « nos ennemis », comme si Mayenne se plaçait au même niveau que ses interlocuteurs ; dans le même document, il parle plus loin de « nos affaires67 ». Cette formule, « nos ennemis », est encore présente dans une lettre aux Marseillais en janvier 159168, et une autre adressée à la comtesse de Sault, le 8 février 159169. Contrairement à un monarque normal, Mayenne ne se met pas en scène comme étant au-dessus des sujets : il appartient à l’Union dont il est le chef.
42Comme Charles-Emmanuel, Mayenne ne manque pas de flatter les vertus politiques de ses interlocuteurs. Le 24 avril 1590, il loue les parlementaires aixois de « la prudence que vous faictes paroistre en la conduitte des affaires de votre province70 ». Aux consuls de Marseille en avril 1591, il écrit « louer beaucoup voz bons et sages advis en la conduite de vostre dict ville71 ». À l’égard de l’homme fort d’Arles, Pierre Biord, il exprime, le 30 avril 1591, « le contentement que j’ay que vous ayez procédé aux affaires qui se sont passée de la façon que vous avez faict72 ».
43D’autres procédés sont destinés à flatter plus explicitement l’aspiration supposée de ses interlocuteurs à une participation politique élargie. Lorsqu’il écrit à Mourad III le 20 novembre 1590 pour défendre la cause des Marseillais, Mayenne sait que sa lettre sera lue devant le conseil municipal de Marseille. Et c’est bien à l’adresse de ce lectorat qu’il évoque la future élection royale « du consentement de tout le peuple catholique73 », se positionnant en cela dans ce qu’il suppose être l’horizon d’attente monarchomaque de la municipalité74. À l’égard du parlement, le chef de la Ligue n’est pas sans complaisance sur le thème de la majesté des magistrats et de leur participation à la souveraineté monarchique75 : le 18 mai 1591, écrivant à la cour, il évoque « dignité de vostre sénat76 ». Ainsi, Mayenne offre à ses interlocuteurs l’assimilation du parlement au sénat, poncif des représentations dont s’enorgueillissent les cours souveraines pour justifier leurs prétentions politiques délibératives77. La volonté de flatter l’horizon d’attente des dirigeants aixois ne saurait être plus sensible.
Le pape, le roi d’Espagne et les « républicanismes » provençaux
44Dans un horizon plus large, le pape et le roi d’Espagne, même s’ils en ont moins souvent l’occasion que Mayenne ou Charles-Emmanuel, tâchent aussi de flatter les attentes supposées de leurs interlocuteurs provençaux, et particulièrement des Marseillais. Depuis Rome, entre le pontificat de Sixte Quint et celui de Clément VIII, on constate un affinement de ce travail sur l’horizon d’attente de la municipalité. Le 2 octobre 1589, la lettre du pape adressée aux consuls, les encourageant à persévérer dans l’engagement ligueur, avait pour adresse : Dilectis filiis consulibus massiliensibus78. Au printemps 1592, une autre lettre du pape, Clément VIII cette fois, débute par l’adresse suivante : Dilectis filiis consulibus et administratoribus civitatis et respublicae massiliensis79.
45L’irruption de cette notion de « république » est loin d’être anodine. Entre ces deux moments, la curie a accru sa sensibilité à la manière dont les dirigeants marseillais se conçoivent comme les chefs d’une cité, sinon indépendante, du moins libre, une république urbaine80. Cette évolution est sans doute d’ailleurs favorisée par la manière dont les Marseillais, à partir de 1592, mettent en avant cette liberté, dans leurs démarches sur la scène internationale81. L’adaptation du pouvoir pontifical à cette revendication, même si ce n’est que flatterie, sonne bien pour les Marseillais comme une victoire, sinon politique, du moins symbolique : par leur activisme et l’importance stratégique qu’on leur prête, les Marseillais parviennent à promouvoir les représentations qui leur sont chères.
46Ce souci d’adaptation aux attentes provençales est également présent à l’égard du parlement, du moins de la part du marquis délia Corgna, général des troupes pontificales dans l’État d’Avignon. Dans une lettre du 12 mars 1593, il explique au cardinal Aldobrandini que pour adresser un bref au parlement de Provence, le pape devrait utiliser l’adresse suivante : senatori o senato d’Aix o di Provenza82. Comme Mayenne dans l’exemple ci-dessus, le ministre pontifical, pour obtenir ce qu’il veut – un arrêt de la cour pour empêcher les courses provençales dans le Comtat –, cherche à se plier aux représentations dont s’enorgueillissent les parlements autour de l’assimilation au sénat83.
47Philippe II, lui aussi, cherche à flatter les Provençaux, dans le cadre des négociations autour de sa protection sur Marseille en décembre 1595-janvier 1596. D’abord, un mémoire rapportant la réception des députés marseillais, nous apprend : « Le roy leur envoya le carrosse de… avecque deux chevaux (qui est le privilège des ambassadeurs) », et plus loin : « Ils furent tellement honnoréz qu’en cérémonie on les faisoit s’asseoir parmy les grands seigneurs84. » Le miroir de la fantaisie se mêle ici à celui de l’appétit, car en accordant aux députés des honneurs normalement décernés aux ambassadeurs, le roi d’Espagne utilise le même procédé que celui expérimenté en 1590 par son gendre à Turin : il met en scène la reconnaissance de la municipalité marseillaise comme pouvoir souverain.
48Ce n’est pas tout : par une dépêche de l’ambassadeur vénitien à Madrid, on apprend qu’une fois la protection accordée, dans sa lettre adressée aux consuls, le roi d’Espagne a qualifié ces derniers d’« amis confédérés85 ». Cette intitulation n’est pas innocente : c’est celle que les rois de France adressent aux cantons suisses ou aux sénateurs de la république de Venise ; c’est celle que le Roi Catholique adresse aux sénateurs génois. L’« amitié et confédération » est par ailleurs le lien qui unit deux princes alliés, d’égal à égal86. Philippe II use sans modération du piège de l’appétit, laissant espérer que sa protection sur Marseille sera pour la ville une expérience de liberté républicaine, voire une expérience de la souveraineté ! Complaisant par stratégie avec les prétentions de la Ligue à élire un roi87, Philippe II peut aussi l’être à l’égard de ce qu’il suppose être l’horizon d’attente républicain des Marseillais.
Permissivité et réception des flatteries
49La construction de pièges, qu’ils relèvent de la pure flatterie, ou qu’ils laissent espérer à l’autre la réalisation de ses aspirations politiques, n’est donc pas une pratique exclusivement limitée aux acteurs en position de faiblesse. Certes, c’est une ressource qui, dans la structure des rapports de force et des cultures politiques de l’époque, relève de l’effort de sollicitation. Mais la situation de crise fait bouger ces frontières bien définies des registres de la communication politique. Les princes qui coopèrent avec les Provençaux, parce que la réalisation de leurs projets dépend en partie de l’adhésion de ces Provençaux, sont également obligés de chercher à les séduire. Ils utilisent pour cela des procédés qui ne sont plus ceux du « courtisan rusé », pour reprendre l’expression de Louis Marin, mais celui du puissant qui cherche à entretenir des fidélités.
50Cette mise au travail européenne, autour de l’horizon d’attente des Provençaux, est une nouvelle manifestation de la manière dont l’irruption de ces nouveaux acteurs sur la scène internationale induit un effort de reconfiguration des pratiques politiques. Par ailleurs, il faut constater que les stratégies de communication adressées aux Provençaux sont d’une très grande complaisance. Les offres qui leur sont faites, les flatteries qui leur sont adressées, vont dans le sens de leurs aspirations supposées à la liberté politique. Même Charles-Emmanuel, dont la stratégie spécifique est essentiellement tournée vers la mise en scène de soi, ne peut que se représenter comme un prince respectueux des libertés. Les stratégies de communication mises en œuvre par ces princes contribuent donc aux processus de délégitimation induits par la situation de crise : ils encouragent les Provençaux dans la voie d’une certaine permissivité politique.
51Comme nous l’avons fait pour les « pièges » rhétoriques adressés aux puissants, il est nécessaire de s’interroger sur la lucidité des Provençaux à l’égard des stratégies de communication qui leur sont adressées. La littérature de l’époque leur donne en théorie les moyens de n’être pas dupes : Machiavel, et à sa suite Lucinge et Botero, en mettant l’accent sur le rôle de la réputation dans l’art de gouverner88, donnent par là des clés de lecture à ceux qui pourraient être visés par une stratégie de communication de la part d’un prince mettant en scène ses vertus. Pourtant, dans son journal, le procureur aixois Sobolis, qui détaille certains épisodes des mises en scène de Charles-Emmanuel, ne semble pas avoir de distance critique particulière ; et même, on le sent céder par moments à la fascination. Ainsi, au sujet de la démonstration de magnanimité du duc lors de la prise de Berre, Sobolis qualifie « Son Altesse » de « prince begnin89 ». La mise en scène semble d’une certaine efficacité, même sur ce magistrat que l’on peut supposer posséder un bagage intellectuel non négligeable.
52Mais les acteurs politiques plus expérimentés – personnel municipal, nobles, parlementaires –, eux-mêmes élaborateurs de stratégies de communication, n’ont-ils pas davantage de recul ? Pour ce qui est de la comtesse de Sault et de son entourage, qu’on a vus enclins à essayer de manipuler Charles-Emmanuel, on peut difficilement croire qu’ils puissent tomber dans les pièges des mises en scène du duc. Dans un mémoire relatant les confidences du parlementaire Michaelis sur la période de la Ligue, il est écrit que le duc de Savoie organisait des festivités à Aix « pour se rendre plus populaire90 ». L’expression témoigne d’un sens critique évident sur la stratégie de communication observée. Même si l’analyse se fait a posteriori, on peut supposer que certains, sur le moment même, sont capables de déceler les mises en scène du duc de Savoie.
53Ainsi, à l’image de ce que nous avons vu sur les « pièges » tendus aux puissants, il est fort probable que les Provençaux reçoivent de la même manière les stratégies de communication qui leur sont adressées : comme les éléments d’un rituel de complaisance, rendant possible la coopération politique ; un piège rhétorique dans lequel on accepte de tomber, en pariant sur une évolution future favorable.
54Au terme de notre propos sur les stratégies de communication, la compétition politique apparaît dans toute son acuité et dans tout son foisonnement. Pour influencer l’autre, la règle semble être de faire feu de tout bois, d’utiliser toutes les ressources envisageables afin d’emporter la conviction.
55Un axe, cependant, semble structurant, qui s’inscrit dans les relations entre solliciteurs et sollicités : la nécessité de dissimuler, de flatter et d’appâter semble davantage du côté des premiers, tandis que les seconds, plus libres de leur parole, sont plus à même de rompre le théâtre de la caresse et de proférer des menaces. Mais cette règle, reflétant la hiérarchie ordinaire, connaît de nombreuses exceptions, liées au contexte de permissivité et d’ouverture des possibles. Dans tous les cas, nous avons pu clairement observer des dynamiques d’innovation et d’apprentissage. Plus que jamais, le désordre européen amène à un dépassement des manières habituelles de communiquer ; on cherche à s’adapter de plus en plus précisément à la complexité et aux ambiguités de la situation politique.
Notes de bas de page
1 Xavier Le Person, « Practiques » et « practiqueurs »…, op. cit.
2 Louis de Fabrègues, Mémoires…, op. cit., p. 155.
3 Charles-Emmanuel au parlement, mars 1590, Bibl. Méjanes, ms. 781, p. 455.
4 Martinengo au parlement, 3 août 1590, ibid., p. 360.
5 Louis de Fabrègues, Mémoires…, op. cit., p. 155.
6 Ibid., p. 156, 229.
7 Martin van Gelderen, Quentin Skinner (dir.), Republicanism…, op. cit. Quentin Skinner, Les fondements de la pensée politique moderne…, op. cit., p. 206-216.
8 Foscarini au sénat, 12 mars 1590, ASVe, Dispacci degli ambasciatori, Savoia, filza 11, f°5.
9 Id., 15 mars 1590, ibid., f° 6.
10 Journalier sommaire pour servir de mémoires en ma charge d’assesseur d’Aix, J. Barcillon, sieur de Mauvans, Bibl. Méjanes, ms. 786, p. 161 : « Et à l’instant sommes aller prier Son Altesse prendre ladite autorité et nom de protecteur, qui a répondu qu’il le fairoit de fait et non de nom. »
11 Jean-François de Gaufridi, Histoire de Provence…, op. cit., p. 705.
12 César de Nostredame, Histoire et chronique de Provence…, op. cit., p. 898.
13 États de Provence, délibérations du 23 janvier 1591, AD BdR, C5, f° 195r.
14 Déclaration de La Rivière, premier consul d’Arles, 6 octobre 1591, ASTo, Lettere duchi, 17, n° 1107.
15 Michel Dobry, Sociologie des crises politiques…, op. cit., p. 228.
16 Véritable discours de tout ce que s’est passé dans Arles durant le temps que Monsieur le duc de Savoyey a esté, où est particullièrement exprimée son entrée en ladite ville, sa magnificence, la prinse et emprisonnement du lieutenant et de ses adhérons, BnF, Dupuy, 656, f° 65v.
17 César de Nostredame, Histoire et chronique de Provence…, op. cit., p. 898.
18 Ludovic Lalanne (éd.), Mémoires de Marguerite de Valois…, op. cit., p. 273.
19 Charles-Emmanuel au parlement, 18 mars 1591, Bouc, Bibl. Méjanes, ms. 781, p. 466.
20 Déclaration commune du duc de Savoie et de la comtesse de Sault, ibid., p. 318-319.
21 Christine de Lorraine aux consuls de Marseille, 8 août 1591, AGS, Estado, 1269, n° 262.
22 Ferdinand de Médicis à Bausset, 29 août 1591, ASFi, Med. princ., 6055, f° 141r : Per un re cattolico di Francia […] bastandoci solo che Madama, come figlia di Francia, et noi, come antico amico di quella corona, le habbianw fatto questo commodo, senza altra pretensione.
23 Christine de Lorraine à Casaulx, 7 mai 1595, ibid., 6056, f° 8r.
24 Nani au sénat, 3 janvier 1596, ASVe, Dispacci degli ambasciatori al senato, Spagna, filza 27, f° 64.
25 Conseil de ville de Marseille, délibération du 15 avril 1590, AM Marseille, BB51, f° 74v. Conseil de ville d’Arles, délibération du 27 avril 1590, AM Arles, BB18, f° 70r.
26 Christine de Lorraine aux consuls de Marseille, 8 août 1591, AGS, Estado, 1269, n° 262.
27 Id. à Casaulx, 7 mai 1595, ASFi, Med. princ., 6056, f° 8r : La casa mia ha particularissimamente sempre amata et desiderata la quiete et la felicita di cotesta villa et della provincia tutta.
28 Ludovic Lalanne (éd.), Mémoires de Marguerite de Valois…, op. cit., p. 278.
29 Sylvène Édouard, L’empire imaginaire de Philippe II…, op. cit.
30 Valentin Vasquez de Prada, Felipe II y Francia…, op. cit., p. 338-346.
31 Remontrances des députés des États de Provence au roi d’Espagne, avril 1591, ASTo, Corti straniere, Francia, mazzo 1, fasc. 47 : « Ce sera le comble de tous nous désirs s’il plaist à Dieu nous randre si heureux, que d’apeller Votre Magesté à ceste couronne. »
32 Charles-Emmanuel au parlement, mars 1590, Bibl. Méjanes, ms. 781, p. 455.
33 Francesco Di Donato, « La puissance cachée de la robe. L’idéologie du jurisconsulte moderne et le problème du rapport entre pouvoir judiciaire et pouvoir politique », dans Olivier Cayla, Marie-France Renoux-Zagamé (dir.), L’office du juge : part de souveraineté ou puissance nulle ?, Paris, LGDJ, 2002, p. 89-116.
34 Charles-Emmanuel au parlement, 22 avril 1590, Bibl. Méjanes, ms. 781, p. 455.
35 Id., 6 décembre 1590, Ibid, p. 463.
36 Id., 28 avril 1591, ibid., p. 469.
37 Discours sur les affaires de France, BnF, Colbert, 31, f° 170r.
38 Stéphane Gal, Charles-Emmanuel…, op. cit., p. 337.
39 Louis Marin, Politiques de la représentation, Paris, Kimé, 2005, p. 73.
40 Artemio Enzo Baldini, Anna Maria Battista, « Il dibattito politico nell’Italia della Controriforma : Ragion di Stato, tacitismo, machiavellismo, utopia », Il pensiero politico, 30, 3, 1997, p. 393-439. Michel Senellart, « La raison d’État antimachiavélienne », art. cité.
41 René de Lucinge, De la naissance, durée et chute des Estats…, op. cit., p. 87.
42 Romain Descendre, L’étal du monde…, op. cit., p. 102-106. Yves-Charles Zarka, « Raison d’État et figure du prince… », art. cité.
43 Sur l’idéal de concorde dans la morale princière de la Renaissance, voir Denis Crouzet, Le haut cœur de Catherine de Médicis…, op. cit. Mark Greengrass, Goveming Passions…, op. cit. Sur les discours concernant la tyrannie, voir Renaud Villard, Du bien commun au mal nécessaire…, op. cit.
44 Romain Descendre, L’état du monde…, op. cit., p. 107-108.
45 Robert Bireley, The Counter-Reformation Prince…, op. cit., p. 52-56. Denis Crouzet, Le haut cœur de Catherine de Médicis…, op. cit., p. 25-26.
46 Louis de Fabrègues, Mémoires…, op. cit., p. 155.
47 Instruction de Charles-Emmanuel à Martinengo, juin 1590, ASTo, Negoziazioni colla corte di Francia, mazzo 5, fasc. 2 : Vedera di mantenar […] in una bona unione li cappi provenzali che comandano alle trappe.
48 Ludovic Lalanne (éd.), Mémoires de Marguerite de Valois…, op. cit., p. 262-263.
49 Ibid., p. 263.
50 Parlement, délibération du 22 février 1591, AD BdR, B3658, f° 480r.
51 Charles-Emmanuel au parlement, du camp de Berre, 28 juillet 1591, Bibl. Méjanes, ms. 781, p. 472.
52 Renaud Villard, Du bien commun au mal nécessaire…, op. cit., p. 743.
53 Ordonnance de Charles-Emmanuel, août 1591, AM Marseille, BB52, f° 133v.
54 Foulquet Sobolis, Histoire en forme de journal de ce qui s’est passé en Provence depuis l’an 1562 jusqu’en l’an 1607, Aix-en-Provence, François Chavernac, 1894, p. 104.
55 Ibid.
56 Véritable discours de tout ce que s’est passé dans Arles…, op. cit., BnF, Dupuy, 656, f° 67r.
57 Ibid., f°70v.
58 Gustave Lambert, Histoire des guerres de Religion en Provence…, op. cit., t. 2, p. 240.
59 Conseil de ville d’Aix, délibération du 16 octobre 1591, AM Aix, BB90, f° 87r.
60 Parlement, délibération du 29 octobre 1591, AD BdR, B3658, f° 501 v.
61 Parlement, arrêt du 7 novembre 1591, ibid., B5474.
62 Charles-Emmanuel à Catherine d’Autriche, 18 octobre 1591, ASTo, Lettere dei duchi, 17, n° 1124B. La diffusion en Provence est attestée par Honoré-Louis de Besaudun, Apologie…, op. cit., p. 4.
63 Renaud Villard, Du bien commun au mal nécessaire…, op. cit., p. 326, 343.
64 Déclaration commune du duc de Savoie et de la comtesse de Sault, s. d., Bibl. Méjanes, ms. 781, p. 318-319.
65 Charles-Emmanuel au sieur de La Molle, instructions pour parler aux Aixois, 30 avril 1592, ASTo, Negoziazioni colla corte di Francia, mazzo 5, fasc. 21.
66 Michel Dobry Sociologie des crises politiques…, op. cit., p. 211.
67 Mayenne aux consuls de Marseille, dans Charles Loriquet (éd.), Correspondance du duc de Mayenne…, op. cit., t. 1, p. 23-24 : « Ceulx des vostres qui, par les artifices de noz ennemys, ont esté arrestéz. »
68 Id., janvier 1591, ibid., p. 490-491 : « Messieurs, il y a déjà quelque temps que, ayant esté adverty des pratiques de noz ennemys avec les Vénitiens. »
69 Id. à la comtesse de Sault, 8 février 1591, ibid., t. 2, p. 9-10 : « Vous sçaurez ce qui s’est passé à Paris et la saincte résolution en laquelle se confirme ce peuple de plus en plus, de ne tomber jamais soubz la domination de noz ennemis. »
70 Id. au parlement, 24 avril 1590, AD BdR, B3658, f° 441v.
71 Id., avril 1591, dans Charles Loriquet (éd.), Correspondance du duc de Mayenne…, op. cit., t. 2, p. 143-144.
72 Id. à Biord, ibid., p. 176-177.
73 Id. à Mourad III, ibid., t. 1, p. 18-21.
74 Sur la place de l’élection royale dans les théories monarchomaques reprises par les ligueurs, Paul-Alexis Mellet, Les traités monarchomaques…, op. cit., p. 328, 376.
75 Jacques Krynen, « Qu’est-ce qu’un Parlement qui représente le roi ? », dans Bernard Durand, Laurent Mayali (dir.), Excerpiones juris : Studies in Honor of André Gouron, Berkeley, Robbins Collection, 2000, p. 353-366.
76 Mayenne au parlement, 18 mars 1591, dans Charles Loriquet (éd.), Correspondance du duc de Mayenne…, op. cit., t. 2, p. 239-240.
77 Marie Houllemare, Politiques de la parole…, op. cit., p. 385-437. Jacques Krynen, « Une assimilation fondamentale. Le Parlement “Sénat de France” », dans Domenico Maffei (dir.), A Ennio Cortese, Rome, Il Cigno, 2001, t. 2, p. 208-223.
78 Louis-Antoine de Ruffi, Histoire de la ville de Marseille…, op. cit., p. 79-80.
79 Clément VIII aux consuls de Marseille, s. d., BnF, Dupuy 656, f° 240r.
80 Yves Durand, « Les républiques urbaines… », art. cité. Éric Gojosso, Le concept de république…, op. cit., p. 218-219.
81 Mutti à Charles-Emmanuel, 14 février 1592, ASTo, Lettere ministri Roma, mazzo 13 : l’ambassadeur savoyard rapporte qu’un député marseillais, s’adressant au pape, a mis en avant la tradition républicaine de Marseille et la volonté des habitants de s’y maintenir.
82 Della Corgna à Aldobrandini, 12 mars 1593, ASVat, Segretaria di Stato, Avignone, 21, f° 98.
83 Jacques Krynen, « Une assimilation fondamentale… », art. cité.
84 Ceux de Marseille traitent avec le roi d’Espagne, BnF, Dupuy 661, f° 77.
85 Nani au sénat, 12 février 1596, ASVe, Dispacci degli ambasciatori, Spagna, filza 27, f° 73.
86 Bertrand Haan, L’amitié entre princes…, op. cit.
87 José Javier Ruiz Ibáñez, « Théories et pratiques de la souveraineté dans la monarchie hispanique… », art. cité.
88 Romain Descendre, L’état du monde…, op. cit., p. 106. René de Lucinge, De la naissance, durée et chute des Estats…, op. cit., p. 87. Corrado Vivanti, Machiavel…, op. cit., p. 70.
89 Foulquet Sobolis, Histoire en forme de journal…, op. cit., p. 104 : « L’Altesse, prince begnin, a remontré à ceulx qui s’en alloient de Berre retourner à leurs maisons et vivroient en paix. »
90 Ludovic Lalanne (éd.), Mémoires de Marguerite de Valois…, op. cit., p. 273.
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