Épaves et espace culturel
L’exemple de l’épave du xvie siècle Arade 1 (Algarve, Portugal) et des traditions architecturales Ibériques : une première approche
p. 115-130
Résumé
Found during the dredging operations of the mouth of the Arade River in 1970, the Arade 1 shipwreck was surveyed and excavated by a team of Centro Nacional de Arqueologia Náutica e Subaquática (National Centre for Nautical and Underwater Archaeology) between 2001 and 2005. The data study attested several similar architectural characteristics between the Arade 1 shipwreck and the Iberian ship treatises (Portugal and Spain) of the XVI and XVII centuries on one hand, and between the Arade 1 shipwreck and a set of Iberian-Atlantic tradition shipwrecks from the same historical period on the other hand. Nevertheless, the Arade 1 shipwreck presents some primary architectural characteristics that are original concerning the written and archaeological sources and that may correspond to regional constructive techniques. In fact, naval architectural treatises establish general rules that may not be followed in every shipyards of the kingdom, as private shipyards directed to the construction of commercial ships. The differences between the theorycal principles (conception process and construction methods) descript by the treatises and the practice of the shipyards of that period attested through the shipwrecks can allow the identification in the Iberian-Atlantic architectural space of cultural spaces particulars to regional architectural traditions.
Entrées d’index
Mots-clés : Arade 1, construction navale, chantier naval, traité, processus de conception, méthode de construction
Keywords : Arade 1, naval construction, shipyard, treatise, conception process, construction methods
Texte intégral
Historique
1Le fleuve Arade a été l’une des voies de pénétration les plus importantes à l’intérieur de l’Algarve depuis la préhistoire jusqu’au début du xxe siècle. Il n’est donc pas étonnant que, pendant les dragages des années 1970, des vestiges d’épaves en bois aient été découverts et que d’innombrables objets archéologiques aient été trouvés parmi les sédiments dragués et déposés sur les plages de Portimão.
2L’épave Arade 1 a été découverte pendant ces dragages, en septembre 1970 (fig. 1-2). Cet ensemble a été exploré, peu après sa découverte, par des plongeurs amateurs qui en ont effectué l’enregistrement préliminaire (Farrajota 1970) et ont attiré l’attention de la communauté scientifique portugaise sur l’existence d’un important ensemble archéologique présent sur la côte et dans les fleuves du pays. Cependant, le site s’est à nouveau envasé, sans qu’aucune intervention ne soit réalisée – situation favorisée par l’absence d’une entité scientifique officielle responsable de la gestion du patrimoine nautique et subaquatique.
Fig.1. Localisation de l’embouchure du fleuve Arade et de l’épave Arade 1

Fig.2. Reconstitution de l’épave Arade 1 élaborée par J. Albuquerque en 1970

Dessin J. Albuquerque.
3En 1983, la zone de découverte de l’épave a été classée comme Patrimoine immeuble d’intérêt public (Alves 1999 : 33). Cependant, les dragages se sont poursuivis périodiquement, sans aucun accompagnement archéologique, jusqu’à la fin des années 1990, date qui correspond à la création du CNANS et à la promulgation d’une législation spécifique relative à la protection du patrimoine culturel nautique et subaquatique. En 2001, le CNANS réalisa une campagne de prospection dans le fleuve Arade dont l’objectif était de reconnaître différents secteurs archéologiquement sensibles, déjà repérés, et de relocaliser l’épave Arade 1. C’est au cours de cette opération que fut localisée une épave en bois à franc-bord, qui a tout de suite été associée au site Arade 1 de 1970 (Alves et al. 2002 : 3-4).
4Les vestiges ont été fouillés, entre 2001 et 2002 (Castro 2002 ; Castro 2003 ; Castro 2003a), et, dans un souci de protection du patrimoine, démontés en 2003 (Rieth et al. 2004) et conservés, dans l’attente de leur traitement dans des bassins d’eau douce au CNANS à Lisbonne. Pendant l’intervention archéologique de 2002, a été découvert, à quelques mètres de l’aire déjà explorée, un second ensemble architectural, correspondant à la zone centrale du navire. Celle-ci a été fouillée en 2004 (Loureiro et al. 2005) et démontée en 2005 (Loureiro et al. 2006). Au fond du fleuve Arade, reposent encore des pièces architecturales isolées qui font partie de l’extrémité arrière du navire. Ces pièces, surtout des varangues acculées, des accotars et des planches du bordé et du vaigrage, seront le but de la prochaine fouille archéologique, programmée pour l’été 2007.
Le navire
5L’épave1 se trouvait brisée en deux parties (fig. 3), reliées l’une à l’autre par quelques bordages. La partie démontée en 2003, correspondant à l’extrémité avant du bâtiment, reposait à l’horizontal, à 6 mètres de profondeur, et occupait une aire d’environ 21 m2. La quille, d’environ 6 mètres de long, sur laquelle étaient fixées 18 varangues, était encore reliée à l’étrave. Le côté de l’épave le mieux conservé, à tribord, présentait 17 genoux, ainsi qu’une grande partie du bordé. Le vaigrage, existant seulement à tribord de la quille, couvrait une aire d’à peu près 4 m2.
Fig.3. Plan de détail du navire Arade 1

Plan : V. Loureiro et J. Alves.
6Le deuxième ensemble structural de l’épave Arade 1, démonté en 2005, s’enfonçait profondément dans la vase, selon une inclinaison d’environ 35 degrés. Mieux conservé que l’extrémité avant, cette partie occupait une aire de 32 m2. Les varangues étaient préservées, de même que les genoux des deux côtés de l’épave et les allonges de bâbord. Le bordé était conservé jusqu’à la hauteur des allonges et le vaigrage, comprenant des serres avec leurs accotars in situ, jusqu’au niveau de la liaison entre les varangues et les genoux. Une grande partie de la carlingue (près de 5 mètres de long), dont les dimensions dans la zone de l’emplanture du mât correspondent parfaitement à celles des croquis de 1970, a été aussi récupérée.
Conception/construction : une première approche pour l’étude de l’architecture navale
7Contrôler la forme d’un navire a toujours demandé la connaissance de quelques normes basiques, « a mixture of “by eye” and “by drawing/calculation” » selon les mots de Sean McGrail (McGrail 2003 : 130). À partir de l’observation et de l’analyse d’un ensemble de pièces de charpente, il est possible de restituer les méthodes de conception et les séquences de construction.
8Le navire Arade 1 a été conçu selon le principe de construction « membrure-première », la cohésion de la structure étant assurée par les éléments longitudinaux du navire. La structure transversale est composée de deux ensembles de varangues, distincts par leur forme et leur fonction : les varangues de remplissage, qui comblent et ferment les extrémités du navire, et les varangues prédéterminées, qui définissent la forme de la partie centrale de la carène. Ces varangues présentent, sur la face postérieure, des marques gravées qui servaient de référence à certains procédés de construction (fig. 4). La face postérieure, tournée vers la maîtresse varangue, assume donc la fonction d’une sorte de carte d’identité contenant toute l’information sur la conception de la pièce.
Fig.4. Marques de construction entaillées sur les varangues prédéterminées

Schéma V. Loureiro.
9Les premières références écrites relatives à ces marques gravées apparaissent dans les traités ibériques de construction navale du xviie siècle – Livro Primeiro da Architectura Naval (1608-1616), Arte de Fabricar Reales (1687-1691) – et français – Traité de la construction des galères (1691). Ces marques de construction sont attestées archéologiquement dans des bâtiments de datation antérieure, comme l’épave Culip VI (Espagne) de la fin du xiiie siècle/début du xive siècle (Palou et al. 1998 : 37) ou Sorres X de la seconde moitié du xive siècle (Raurich et al. 1992 : 36-37).
10La conception du bâtiment, à partir de la figure géométrique de la maîtresse varangue, était une pratique courante dans la Péninsule Ibérique à la fin du Moyen Âge et au début de l’époque moderne, époque pendant laquelle la construction navale ibérique a connu un développement spectaculaire. Les conditions de la navigation atlantique ont favorisé la construction de navires à voile qui, dans la péninsule Ibérique, réunissaient des caractéristiques déjà attestées dans le contexte architectural méditerranéen, et une série d’innovations, fondant ainsi une tradition de construction navale qui sera désignée sous le vocable d’ibérique ou d’ibéro-atlantique (Oertling 2001 : 233-240).
11Mais comment déterminer si un navire appartient ou non à la tradition de construction Ibéro-Atlantique ? L’étude approfondie des épaves de quinze navires ibériques, construits entre les xive et xvie siècles, a permis de dégager douze caractéristiques communes (fig. 5).
Fig.5. Relation entre les caractéristiques de construction liées à la tradition ibéro-atlantique et l’épave Arade 1
Caractéristiques liées à la tradition | Navire Arade 1 | |
1 | Varangues centrales fixées aux genoux, avant leur pose sur la quille, par des tenons en queue d’aronde, des chevilles en bois et des clous – les chevilles et les clous sont orientés transversalement. | Oui Cependant, les liaisons entre les varangues et les genoux ne sont assurées que par des chevilles en bois. |
2 | Bordé à franc-bord fixé à la charpente par un mélange régulier de clous et de chevilles. | Oui Les bordages sont fixés sur chaque varangue par 2 gournables. Les clous ne sont utilisés que pour fixer les extrémités des bordages. |
3 | Talon relié à l’étambot par l’écart. | ♦ |
4 | Courbe d’étambot renforçant la liaison entre le talon et l’étambot et offrant, simultanément, une surface de fixation pour les bordages du fond de l’épave et de support pour les fourcats. | ♦ |
5 | Fourcats fixés par des lisses à la courbe d’étambot (les lisses ne supportent les varangues que jusqu’à la pose du bordé). | ♦ |
6 | Carlingue endentée encastrée sur la face supérieure des varangues. | Oui |
7 | Emplanture du mât formé par un élargissement de la carlingue (découpée pour l’ouverture du puits de la pompe). | Oui |
8 | Emplanture du mât supportée par des taquets et des serres. | ♦ |
9 | Vaigrage recouvrant toute la surface des varangues – la dernière vaigre disposant de concavités dans lesquelles s’emboîtent les accotars. | Oui |
10 | Moques en forme de « larmes» et supportant les haubans. | ♦ |
11 | Tableau arrière plat. | ♦ |
12 | Galbord taillé dans une planche en bois plus épaisse que les autres bordages. | Oui |
12L’intégration de l’épave Arade 1 dans la famille des navires ibéro-atlantiques repose d’une part, sur la concordance entre ses procédés de conception et les normes fixées dans les traités des xvie et xviie siècles et d’autre part, sur l’origine géographique des essences utilisées dans sa construction. Bien que l’épave se situe à l’opposé des recommandations figurant dans les traités portugais de construction navale – qui indiquent que la structure des navires devait faire appel à du chêne-liège et le bordé à du pin – le navire Arade 1 a été majoritairement construit en chêne portugais2 (Quercus faginea), une essence caractéristique de la péninsule Ibérique.
13Conceptuellement, l’épave Arade 1 se rapproche des procédés décrits dans le Livro Primeiro da Architectura Naval et le Liuro da Fabrica das Naos. À cet égard, il est intéressant de noter que la structure transversale de la coque semble se baser sur la circonférence, comme le propose le Père Fernando Oliveira (Oliveira 1580 : 107-108) – c’est-à-dire que la varangue et ses genoux s’inscrivent dans un même cercle (fig. 6-7).
Fig.6. Conception de la structure transversale selon F. Oliveira

Oliveira 1580/1991 : 107.
Fig.7. Le couple 10 de l’épave Arade 1

Schéma V. Loureiro.
14La distribution des varangues prédéterminées sur l’axe de la quille semble suivre le modèle défini par le cosmographe principal du royaume João Baptista Lavanha (fig. 8). Seul un petit nombre de varangues, les plus centrales, sont déterminées selon les proportions géométriques du graminho ; les autres varangues prédéterminées résultent de la courbe des lisses, fortes lattes fixées aux varangues gabariées, à l’étambot et à l’étrave, et qui donnent la courbure de la carène (Lavanha 1608/1616 : 52).
Fig.8. Répartition des varangues prédéterminées et de remplissage dans la structure longitudinale d’après João Baptista Lavanha

Schéma V. Loureiro.
15Les études de la structure de l’épave Arade 1 ne sont pas encore terminées. Toutefois, l’analyse dimensionnelle préliminaire, en relation avec les traités des xvie et xviie siècles, permet de lui accorder, à titre d’hypothèse, 8,5 rumos de quille (13 m environ) et 3 rumos de creux (près de 4 m). Ce modèle dimensionnel a été élaboré à partir de deux hypothèses, qui ne sont pas encore confirmées – la varangue C20 a été identifiée comme la probable maîtresse varangue et il existe treize varangues prédéterminées réparties entre celle-ci et la dernière varangue de remplissage plate. Cette analyse préliminaire permet de reconstituer deux navires aux structures distinctes : l’Arade 1 relevant de la conception selon João Baptista Lavanha serait plus haut et plus large, de forme plus ovoïde, et aurait une plus grande capacité de charge que l’Arade 1 conçu selon Fernando Oliveira (fig. 9).
Fig.9. Le modèle dimensionnel du navire Arade 1 d’après le Liuro da Fabrica das Naos et le Livro Primeiro da Architectura Naval
Modèle dimensionnel | Liuro da Fabrica das Naos F. Oliveira | Livro Primeiro da Architectura Naval J. B. Lavanha | |||
[cm] | [rumos] | [cm] | [rumos] | ||
Longueur de la quille | Q | 1309,0 | 8,5 | 1309,0 | 8,5 |
Distance de la moitié de la quille à la maîtresse varangue | DqM | 93,2 | 0,60 | 223,3 | 1,45 |
Distance de la varangue du couple de balancement avant au début de la quille | Cbq | 125,0 | 0,81 | 178,6 | 1,16 |
Hauteur | H | 436,3 | 2,83 | 523,6 | 3,4 |
Largeur | Lmax | 581,8 | 3,78 | 616,0 | 4,0 |
Longueur du plat de la maîtresse varangue | LM | 212,1 | 1,38 | 244,6 | 1,6 |
Longueur du plat de la varangue du couple de balancement avant | LCb | --- 123,7 | --- 0,80 | 221,8 111,9 | 1,44 1 0,72 2 |
Distance de la maîtresse varangue à la varangue du couple de balancement avant | MCb | 436,3 | 2,83 | 257,2 | 1,67 |
Largeur de la paire varangue/genou | LVG | 31,2 | 0,20 | 31,2 | 0,20 |
Acculement total à la poupe | APo | 36,4 | 0,24 | 45,2 | 0,29 3 |
Acculement total à la proue | APr | 15,2 | 0,10 | 18,5 | 0,12 4 |
Diminution totale de la longueur du plat à la poupe | DPo | 44,2 | 0,29 | 67,7 | 0,44 |
Diminution totale de la longueur du plat à la proue | DPr | 44,2 | 0,29 | 49,1 | 0,32 |
1. Valeur de la dernière varangue gabariée, selon João Baptista Lavanha.
2. Valeur de la dernière varangue ouverte, selon João Baptista Lavanha.
3. Compte tenu de l’acculement de la dernière ouverte d’arrière.
4. Compte tenu de l’acculement de la dernière varangue ouverte d’avant.
16Si, par certains aspects de sa conception, le navire Arade 1 se rapproche des traités de construction navale ibériques, il présente deux différences fondamentales au niveau de sa construction. D’un côté, le bâtiment se singularise par l’absence d’écart en queue d’aronde dans les liaisons entre les varangues et les genoux, un des principaux indices de la tradition ibéro-atlantique. De l’autre, et en contradiction avec toute la documentation écrite, les liaisons entre les divers éléments structuraux sont assurées uniquement par des chevilles en bois. Bien que Fernando Oliveira et João Baptista Lavanha recommandent l’utilisation de clous en fer (Lavanha 1608/1616 : 33 ; Oliveira 1580 : 72, 117), les découvertes archéologiques montrent que les gournables étaient régulièrement utilisées dans l’espace ibérique, surtout au niveau des liaisons varangue/genou et de la fixation du bordé et du vaigrage. Cependant, jamais en aussi grand nombre que dans le navire Arade 1.
17En effet, la particularité du système d’assemblage du navire Arade 1 a contribué, au départ, à envisager l’hypothèse de son affiliation aux traditions de construction du nord de l’Europe. La question demeure sur le fait de savoir jusqu’à quel point l’utilisation de gournables ou de clous dans la liaison des différents éléments d’un navire correspond à un principe structurel d’une quelconque tradition de construction.
Conclusion
18Indépendamment des temps, des typologies ou des fonctions, un navire s’insère toujours dans un environnement techno-économique spécifique. C’est cet environnement, conditionné par la présence de bois spécifiques de la région, par la capacité d’approvisionnement des chantiers, par la formation et le savoir-faire des ressources humaines, par les contacts commerciaux et par les échanges technologiques, qui détermine la façon dont un bâtiment était conçu et construit.
19La péninsule Ibérique de la fin du Moyen Âge et de l’époque moderne était marquée par de fortes différences économiques et sociales régionales. Ces différences se reflétaient, dans le cas spécifique de la construction navale, dans la capacité de construction des différents chantiers, dans les conditions d’accès aux ressources technologiques et aux matières premières et dans la spécialisation de la construction. En fait, tous les chantiers ibériques des xve et xvie siècles n’étaient pas des machines préindustrielles complexes, dotées d’un corps permanent d’ouvriers spécialisés et divers, comme la Ribeira das Naus, à Lisbonne (Costa 1997 : 253-300). Ce type de chantier, construit pour répondre aux nécessités royales, constituait une exception dans le panorama ibérique.
20L’hypothèse d’intégration de l’épave Arade 1 dans la famille des navires ibéro-atlantiques soulève donc de multiples questions. Conceptuellement, cette épave converge vers certaines des recommandations des traités ibériques de construction navale et ses caractéristiques primaires suivent une ligne similaire à celle identifiée dans des navires reconnus comme appartenant à cette tradition3. C’est au niveau du processus de construction que l’épave Arade 1 s’individualise – situation commune à certaines des épaves analysées par T. Oertling, qui présentent aussi des solutions s’éloignant de la « matrice ibéro-atlantique »4 (Oertling 2001 : 234).
21Ainsi, est-il probable que les caractéristiques qui individualisent l’épave Arade 1 soient le reflet de son propre environnement techno-économique ? Bien que les traités de construction navale recommandent que la charpente des navires soit construite en chêne-liège, la rareté de cette espèce dans les royaumes ibériques est un fait déjà documenté dès le xvie siècle (à tel point qu’au Portugal, il a été promulgué une loi limitant l’abattage de chêne-liège) (Costa 1997 : 307-333). Il n’est donc pas anormal que les chantiers régionaux aient recours aux espèces arborescentes de leurs aires enveloppantes.
22D’autre part, dans le Portugal du xvie siècle, la transformation du fer était très coûteuse et celui-ci de mauvaise qualité, ce qui obligeait les charpentiers navals à faire appel aux clous de Biscaye. Cette importation augmentait les coûts de production, ce qui n’était probablement pas supportable pour les chantiers de petites dimensions. L’entretien du chevillage en bois (dans les liaisons architecturales où les clous en fer n’étaient pas indispensables) rendait la construction d’un navire plus économique. De la même façon, l’utilisation des tenons en queue d’aronde constituait une solution technique permettant d’économiser le bois, mais qui exigeait une connaissance que tous les charpentiers ne possédaient pas. Dans un petit chantier traditionnel et de dimension familiale, replié sur lui-même, les innovations pénétraient lentement.
23L’étude d’une épave ne se limite pas à la description de chacune des pièces architecturales. Le navire, en tant que produit de l’homme, est le reflet de l’époque, du lieu et de celui qui l’a construit. L’intégration d’un navire dans son espace culturel original est le défi majeur qui se pose à l’archéologue ou à l’historien naval.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Des datations au radiocarbone ont remis le navire Arade 1 à des intervalles compris entre 320 ± 40 BP et 420 ± 50 BP. L’observation de ces différents intervalles montre que les valeurs extrêmes encadrent une période plus probable, située autour de la seconde moitié du xve siècle et la première moitié du xviie siècle. (Cabral 1993 ; Hood 2003)
2 Cherchant à compléter ces informations chronologiques, dix-neuf échantillons de bois, provenant de différentes parties de la structure de l’Arade 1, ont été envoyés au Centre de recherche en paléoécologie humaine et archéosciences pour l’identification des espèces arborescentes. Dix-sept échantillons ont été identifiés comme appartenant au genre Quercus et à l’espèce Quercus faginea, connue aussi sous le nom chêne cerquinho ou chêne portugais ; deux échantillons appartiennent au genre Quercus et à l’espèce Quercus suber, chêne-liège ; et un échantillon, aussi du genre Quercus, n’a pas été identifié au niveau de l’espèce (Queirós, Oliveira et Pereira 2005 : 2-5).
3 L’étude approfondie, conduite par T. Oertling, des épaves de quinze bâtiments ibériques a intégré les navires de Rye A (xviie siècle), Cattewater (xviie siècle) et Studland Bay (xviie siècle), naufragés sur la côte anglaise, San Juan (xvie siècle), San Esteban (xviie siècle) et Molasses Reef (xviie siècle), découverts, respectivement, au large du Canada, Padre Island et Turks & Caicos Islands, Highborn Cay (xviie siècle) et St. John’s Bahamas (xviie siècle), découverts aux Bahamas, Emanuel Point à Pensacola Bay (xve siècle), Western Ledge Reef aux Bermudes (xviie siècle), Angra D aux Azores (xviie siècle), Ria de Aveiro A à Aveiro (xviie siècle) et Nossa Senhora dos Mártires (xviie siècle), Cais do Sodré (xviie siècle) et Corpo Santo (xive siècle) dans la région de Lisbonne.
4 Par exemple, le navire d’Emanuel Point n’a pas de tableau lisse, la nef Nossa Senhora dos Mártires n’a pas de moques en forme de « larmes » pour supporter les haubans et, sur les navires de Cattewater et Ria de Aveiro A, le galbord n’est pas plus mince que les autres bordages (Oertling 2001 : 234).
Auteur
Doctorante, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne – UMR 8589 : Laboratoire de médiévistique occidentale de Paris. Boursière de doctorat de la Fundação para a Ciência e Tecnologia – Ministério da Cultura, Portugal.
Sujet : L’influence des chantiers régionaux sur la tradition de construction navale ibéro-atlantique, sous la direction d’Éric Rieth.
Soutenance prévue en 2009.
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Appréhension et qualification des espaces au sein du site archéologique
Antoine Bourrouilh, Paris Pierre-Emmanuel et Nairusz Haidar Vela (dir.)
2016
Des vestiges aux sociétés
Regards croisés sur le passage des données archéologiques à la société sous-jacente
Jeanne Brancier, Caroline Rémeaud et Thibault Vallette (dir.)
2015
Matières premières et gestion des ressources
Sarra Ferjani, Amélie Le Bihan, Marylise Onfray et al. (dir.)
2014
Les images : regards sur les sociétés
Théophane Nicolas, Aurélie Salavert et Charlotte Leduc (dir.)
2011
Objets et symboles
De la culture matérielle à l’espace culturel
Laurent Dhennequin, Guillaume Gernez et Jessica Giraud (dir.)
2009
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Clara Filet, Svenja Höltkemeier, Capucine Perriot et al. (dir.)
2017
Biais, hiatus et absences en archéologie
Elisa Caron-Laviolette, Nanouchka Matomou-Adzo, Clara Millot-Richard et al. (dir.)
2019