Les difficultés de l’attribution
Nouvelles recherches sur la problématique de l’identification de l’espace culturel de Chypre au xiiie siècle
p. 55-65
Résumé
During the 13th century Cyprus was a hotbed for local artistic workshops. The geographical distribution of a large corpus of 13th century cypriot icons, recently recovered and restored, within different regions of the island has allowed us to retrace the activities of various local workshops. These workshops, shaped by the particular conditions in each region, produced work of diverse artistic tendencies, experimenting with their craft not only in terms of style but also in the manner with which local artists treated iconography.
Entrées d’index
Mots-clés : Chypre, icônes, peinture byzantine, ateliers locaux
Index chronologique : XIIIe siècle
Keywords : Cyprus, icons, byzantine painting, local workshops
Texte intégral
La polyvalence de l’art chypriote du xiiie siècle
1À Chypre, ces dernières années, une initiative très importante prise par l’Église a favorisé la mise au jour, en vue de leur restauration et leur exposition dans des petits musées, d’un grand nombre d’icônes du xiiie siècle1, inconnues jusqu’à maintenant, parfois oubliées dans les tribunes des petites églises des villages de montagne. La grande majorité d’entre elles a été localisée dans les églises dispersées sur les flancs du mont Troodos, dans trois grandes vallées, celles de Marathassa, de Pitsilia et de Soléa, tandis que dans les autres régions, les icônes du xiiie siècle découvertes sont en nombre limité et de caractère disparate.
2La mise au jour de ce grand ensemble d’icônes du xiiie siècle démontre que, pendant cette période, Chypre a été un terrain fertile pour la floraison de nombreux ateliers locaux (Spanou 2002 A : 21-57 et fig. 1-35 ; Spanou 2002 B : 104 ; Spanou 2001 A : 353 ; Spanou 2001 B : 109-124). Ceci, en fonction de conditions propres à chaque région, a généré des tendances artistiques diverses dans lesquelles les artistes expriment leur propre vocabulaire. La distribution géographique de ces trouvailles sur les différents territoires de l’île nous a conduits à retracer l’activité des différents ateliers. Elle nous a permis aussi de mettre en évidence leur polyvalence, qui se reconnaît dans leur travail centré non seulement sur des programmes de peinture monumentale, mais aussi sur des icônes. Nos recherches couplées sur des icônes et des fresques vont ainsi contribuer à définir la marque de différents ateliers, tout aussi bien que celle de peintres individuels qui composent ces ateliers. La définition des ateliers est le résultat d’une recherche détaillée qui tient compte du style mais aussi des aspects techniques de chaque œuvre, c’est-à-dire la matière utilisée pour la préparation de la planche de l’icône, l’utilisation ou non de plâtre en relief dans la décoration de certaines parties de l’icône, le décor du revers mais aussi la palette et la composition des couleurs et des dorures.
3Le sujet de l’art du xiiie siècle de Chypre (Mouriki 1984 : 173-213, pl. 72-90, Hatfield Young 1983 ; Weyl Carr 1991 ; Weyl Carr 1995 A : 339-359 ; Weyl Carr 1995 B : 239-274 ; Pace 1985 : 259-298 ; Pace 1982 : 181-191 ; Pace 1984 : 291-305), un art en apparence homogène, mais en réalité à facettes multiples, est un sujet complexe et s’intègre dans une problématique plus large sur le xiiie siècle dans son ensemble et sur la production artistique dans les divers territoires d’un empire en crise, qui manque d’un centre coordonnateur et lutte pour son existence tout en essayant d’affirmer son identité et de s’orienter dans cette situation nouvelle. La place de Chypre à l’extrémité sud-est du bassin méditerranéen l’implique dans les mécanismes qui s’opèrent dans une région de tumultes et de fortes transformations : le Levant.
4En ce qui concerne l’art de Chypre au xiiie siècle, certains chercheurs distinguent une « réorientation géographique des sources d’inspiration vers l’Orient » (Weyl Carr 1991 : 90-91), tandis que d’autres ont soutenu l’idée de l’existence d’un idiome local purement byzantin, qu’on a appelé maniera cypria (Mouriki 1985-1986 : 76), et qui montre une préférence manifeste pour la schématisation et la linéarité. Mais la peinture du xiiie siècle à Chypre est un sujet plus complexe qui ne peut faire l’objet d’une définition d’ensemble. C’est un art polymorphe, doté à la fois de traits communs mais aussi de très nombreuses particularités.
Les deux axes principaux
5Essayons cependant de distinguer certaines tendances picturales représentatives des différents ateliers actifs sur l’île au xiiie siècle, en nous servant du témoignage des icônes. Nous allons nous centrer plus particulièrement sur la seconde moitié du xiiie siècle, où l’idiome artistique particulier de Chypre a pris une forme définitive en dégageant un certain nombre de traits caractéristiques généraux, qui ne se limitent pas seulement au style mais touchent aussi à la manière dont les artistes locaux traitent l’iconographie.
6Nous pouvons distinguer deux axes principaux, c’est-à-dire deux grands courants picturaux. Le premier concerne le monde rural, les régions isolées où l’activité artistique se limite à des productions à petite échelle, réalisées par des petits ateliers locaux, qui ne dépassent pas les limites étroites de leur région. Il s’agit d’un art empreint d’un caractère personnel qui utilise un répertoire restreint de modèles. Nous avons à faire à un art coupé des grands mouvements artistiques, qui n’a pas à faire preuve d’une très haute qualité et qui traduit une évolution lente, de caractère endogène. Le caractère local de ces ateliers est aussi à l’origine de leur style à facettes multiples. Un exemple de cette catégorie est l’atelier qui peint les icônes du templon de l’église de la Vierge Kivotos au village de Saint-Théodore d’Agros, attribuables au même artiste. Il s’agit de l’icône de la Vierge Kivotos (Sophocleous 1994 : 149, fig. 22) de l’Ascension du Prophète élie (Sophocleous 1994 : 145, fig. 19) et du Christ (ill. 12).
7Malgré le mauvais état de conservation de la figure du Christ, les lettres, la bordure, le relief en plâtre et d’autres caractéristiques techniques nous autorisent à l’inclure dans le groupe précédent. La simplification des moyens d’expression et la schématisation de ces œuvres sont apparentes. Intéressant est le décor du revers de l’icône de l’Ascension d’élie, qui consiste en des coups de pinceaux qui forment une succession de pois rouges (ill. 2).
8Trois autres icônes, que nous pouvons inclure dans ce premier axe artistique, viennent de trois régions voisines, celle de Tembria, celle d’Eurychou et celle de Kalopanagiotis. Les trois œuvres, décorées de représentations d’archanges, révèlent un style proche attribuable à un même atelier (ill. 3-4-5). L’icône de l’archange de Tempria porte aussi un motif intéressant sur son revers. Il s’agit d’une croix avec la formule victorieuse abrégée.
9D’autres œuvres qui appartiennent à ce premier axe artistique et qui proviennent d’églises dispersées et ne peuvent pas être attribuées à des ateliers spécifiques sont les icônes de la Vierge du village de Lophou (ill. 6), celle de saint Basile du musée de Kykkos (Papageorghiou 1992 : 46, fig. 30) et l’icône des saints Timothée et Mavra (Sophocleous 1994 : 147, fig. 21). La dernière icône porte un décor de revers très particulier (Sophocleous 1994 : 148), comme cela est le cas du revers de l’icône non restaurée de la Vierge Hodigitria avec des saints sur la bordure, comme par exemple saint Euplous, du village de Platanistasa (ill. 7-8).
10Le deuxième axe comprend un courant qui se forme dans des régions plus développées de l’île, habitées par une population aux origines diverses. Cet art est l’œuvre d’ateliers organisés, qui manifestent une très grande productivité et qui travaillent au service de donateurs importants. Une de ces régions est le versant sud-est du mont Troodos et plus particulièrement la vallée de Marathassa, qui semble avoir attiré très tôt l’élément franc de Chypre. Les Lusignan y sont devenus de grands propriétaires terriens et leurs armoiries, peintes sur le templon du catholicon de Saint-Jean Lampadistes à Kalopanagiotis datant de la fin de xiiie siècle, témoignent de la relation étroite de la famille royale avec cette région. Le nombre d’icônes conservées du dernier quart du xiiie siècle dans la vallée de Marathassa et les ensembles peints de deux églises voisines, la Vierge de Moutoullas et le catholicon de Saint-Jean Lampadistes, traduisent une très forte activité artistique. Les ateliers qui ont réalisé la décoration de ces deux derniers monuments révèlent un style différent, qui s’explique en partie par leur écart chronologique. Mais, si l’on juge des éléments épars, quoique fréquents, empruntés à l’Occident et à l’art chrétien des Syriens et du caractère assez particulier de l’ensemble de ces peintures, on pourrait avancer que ces ateliers ont subi des influences communes3.
11Un premier exemple provient du catholicon de Saint-Jean Lampadistes à Kalopanagiotis. Il s’agit d’un épistyle très important composé de sept scènes christologiques (Ιερά Μητρόπολις Μόρφου 2000 : 257). Il semble appartenir à l’activité de l’atelier qui a décoré les murs du catholicon dans la deuxième moitié du xiiie siècle, comme nous le constatons par exemple en examinant la figure d’Abraham (Mouriki 1985-1986 : 93, fig. 21). Les similarités stylistiques entre les deux œuvres sont frappantes.
12Un autre épistyle décoré d’un cycle mariologique, qui a récemment été porté à notre attention, présente un style tellement proche du précédent qu’il nous semble possible de le considérer comme la seconde partie du même épistyle, qui a vraisemblablement appartenu à l’iconostase du catholicon4.
L’atelier de Moutoullas
13Nous allons cependant nous concentrer sur l’atelier de Moutoullas, qui, à notre avis, a exercé une activité intense vers la fin du xiiie siècle. Certaines différences dans le rendu des diverses figures de l’église de la Vierge (1280), comme par exemple entre les deux représentations du Christ de la même église – l’une dans le naos et l’autre dans l’exonarthex – suggèrent d’identifier deux peintres principaux (Mouriki 1984 : fig. 29-30). L’atelier de Moutoullas est également présent dans la décoration de l’église du Sauveur à Sotira, près de Famagouste, qui montre des parentés très étroites avec l’église de la Vierge (ill. 9-10), tout comme dans le décor de l’icône du Christ provenant de la même église à Sotira (ill. 11). Par ailleurs, un nombre important d’icônes récemment restaurées peut également être attribué avec certitude au même atelier, dont le travail manifeste encore une fois la présence de deux artistes différents. En rapprochant l’icône bien connue du Christ de Moutoullas (Papageorghiou 1992 : 47, fig. 28), qui a déjà été attribuée à l’atelier en question (Mouriki 1984 : 205), de l’icône du Christ de Sotira (ill. 11) nous constatons qu’il s’agit du même peintre. Nous retrouvons la même manière dans le modelé du visage, un rendu similaire des yeux, du cou, et le même type de nimbe en plâtre. L’icône de sainte Marina de Pedoulas (Papageorghiou 1992 : 56, fig. 34) mais aussi la Vierge d’Asinou (Papageorghiou 1992 : 57, fig. 35) semblent appartenir aussi au même peintre, auquel nous pouvons également attribuer l’icône de la Vierge Hodigitria d’Eurychou (ill. 12), mais aussi l’icône de saint Jean Lampadistes avec des scènes de sa vie à Kalopanagiotis (Ιερά Μητρόπολις Μόρφου 2000 : 253). Ces icônes se distinguent par un modelé souple obtenu par la superposition de différents tons de couleurs sur le proplasmos de couleur verte, des lumières linéaires blanches, une grande qualité dans le dessin, et une certaine plasticité malgré une schématisation manifeste. Tous ces éléments nous conduisent à attribuer ces icônes au même artiste, qui fut aussi peut-être le maître de l’atelier de Moutoullas.
14Les deux dernières icônes présentent, par ailleurs, une similarité dans le décor de leurs revers, fait de lignes vertes et rouges parallèles qui s’alternent (ill. 13). Un décor similaire sur le revers s’observe aussi dans une seconde icône de saint Jean Lampadistes conservée à Kalopanagiotis (Ιερά Μητρόπολις Μόρφου 2000 : 251). Bien qu’elle ait été repeinte sur sa face principale, cette icône conserve son décor original dans les scènes de la bordure, stylistiquement proche de celles de la précédente.
15Les scènes miniaturisées de la bordure de l’icône de la Vierge Kallionitissa appartiennent aussi au même groupe d’icônes (Ιερά Μητρόπολις Μόρφου 2000 : 249).
16Une autre icône très intéressante, qui semble aussi appartenir au même atelier, et très probablement au même peintre, est l’icône de l’Ascension avec des scènes de la Passion dans la bordure, conservée à Pedoulas (ill. 14). Le sujet est novateur pour une icône portable et cette combinaison iconographique n’a pas, à notre connaissance, de précédent. On la rencontre néanmoins principalement sur des croix en bois peintes italiennes à partir de la fin du xiie siècle. L’icône comporte un revers avec des lignes vertes et rouges ondulées, comme sur les icônes précédentes. Ce motif caractéristique du revers n’est pas attesté sur d’autres œuvres.
17En passant à un autre groupe d’icônes du même atelier, mais qui peuvent être attribuées au second peintre qui présente une habileté plus restreinte, nous trouvons l’icône de la Vierge ‘Vorini’ à Pedoulas (Ιερά Μητρόπολις Μόρφου 2000 : 267) dont la ressemblance avec la fresque de la Vierge de l’église de Moutoullas est marquante (Mouriki 1984 : fig. 10). Elle présente un modelé plus plat, une palette plus limitée de couleurs, le regard plus terne et le dessin plus linéaire. Nous pouvons attribuer au même artiste l’icône de la Vierge Hodigitria de l’évêché de Morphou (ill. 15), ainsi que l’icône de la Vierge Hodigitria de Kalopanagiotis (ill. 16), qui présente aussi un décor de revers similaire à celui de la Vierge Vorini de Pedoulas. L’icône de la Présentation au Temple de la Vierge de Moutoullas, peut être incluse au même groupe (ill. 17). Il est important de noter ici que les icônes précédentes, que nous attribuons au second peintre de l’atelier de Moutoullas, ont aussi une décoration commune sur le revers, composée cette fois uniquement de lignes rouges parallèles, comme par exemple sur le revers de l’icône de la Présentation au Temple de la Vierge. Cet élément caractéristique, qui avait surtout la fonction technique de raccorder les planches de l’icône, était aussi, peut-être, une sorte de marque d’atelier ou encore une « signature » des peintres chypriotes de l’époque. Enfin, la parenté étroite entre, par exemple, l’icône de la Présentation au Temple et le détail des moines carmélites de la fameuse icône de la Vierge trônante de Saint-Kassianos à Nicosie (Papageorghiou 1992 : 51, fig. 31) nous conduisent à des conclusions intéressantes, non seulement sur l’ampleur d’un atelier comme celui de Moutoullas, mais aussi sur les mécanismes de production artistique à Chypre au xiiie siècle en général.
18De ce qui précède nous observons donc deux courants principaux qui dominent la peinture chypriote au xiiie siècle. Le premier, qui représente le côté byzantin classique de l’art de l’île, semble dépendre de cette tradition et surtout de l’art tardocomnène. Le caractère particulier de cette première tendance artistique diffère du style qu’on a appelé auparavant maniera cypria et perpétue des formes et modèles de l’art byzantin local, sans attrait particulier pour l’originalité ni pour des expérimentations de modèles nouveaux. Elle est caractérisée par un style calme, classique et fidèle à la tradition. Il s’agit d’une conception statique de l’art, qui s’intéresse au naturalisme et à une certaine monumentalité dans les formes, au rendu d’un certain volume et peut-être aussi à une certaine expression de sentiments. On remarque une tendance conservatrice, qui puise dans les formes de l’art tardocomnène de Chypre.
19D’autre part, dans le deuxième courant nous avons à faire à un art byzantin bien ancré dans la tradition chypriote de la fin du xiie siècle, mais d’un rendu sensiblement différent du précédent. Ce courant combine une schématisation plus accentuée, une linéarité plus développée, des éléments naïfs, ainsi qu’un regard intense et vide. Des détails syriens et occidentaux s’observent tant dans l’iconographie que dans le style (Mouriki 1984 : 209 ; Christoforaki 1996 : 215-255).
Le caractère commun, mais non homogène, de l’art chypriote
20Le caractère commun, qui relie les deux tendances que nous avons distinguées, ne doit pas nous conduire pour autant à confondre une affinité commune que présente l’art de Chypre du xiiie siècle dans son ensemble avec une généralisation et une égalisation de toutes les tendances différentes, par des termes génériques comme maniera cypria. Il y a une distinction à faire entre le caractère commun d’un art et les traits caractéristiques qui sont communs par endroits. Un art peut présenter un caractère commun mais se caractériser aussi par des particularités qui lui enlèvent une homogénéité générale, mais qui malgré cela lui confèrent une universalité dans ses traits généraux. Et c’est en cela que réside la différence des deux courants que nous avons étudiés.
21Dans le cas de Moutoullas – qui représente le deuxième grand courant artistique – il est clair qu’il s’agit d’un grand atelier renommé et organisé, avec une production importante d’icônes de qualité et une activité intense qu’on localise dans trois zones importantes de l’île à cette époque : Marathassa, Famagouste et Nicosie. La particularité de ces régions avec une composition multiforme de la population et la présence intense des Francs a favorisé la floraison d’un art aux traits distinctifs. Il semble être patronné par les Francs qui montrent une prédilection pour ce dernier en vue de satisfaire leurs besoins dévotionnels, comme le suggèrent les deux grandes icônes avec donateurs occidentaux au musée de Nicosie (Papageorghiou 1992 : 51-53, fig. 31, 32a et 32b), mais aussi la fresque de saint Nicolas, datée de la fin du xiie siècle, dans l’église homonyme du saint à Kakopetria. Les armoiries des Lusignan peintes sur le templon du catholicon de Saint-Jean Lampadistes à Kalopanagiotis, comme celles qui apparaissent sur les bois de charpente de l’église de Sainte-Anne à Kalliana de la fin du xiiie siècle et de nombreuses autres donations franques du siècle suivant démontrent le rapport que les francs nouent avec l’art byzantin de l’île et les artisans qui exercent cet art.
22Des commandes analogues s’observent aussi chez les Chypriotes vraisemblablement issus des classes aisées. Un exemple caractéristique est Jean Moutoullas, donateur de l’église de la Vierge de Moutoullas, qui, soulignons-le, montre une préférence pour le même courant artistique de l’époque que l’aristocratie franque, ce qui à notre avis n’est pas fortuit5. Ce phénomène est vraisemblablement lié à la particularité de Chypre, comme il en va aussi pour Naxos au xiiie siècle, d’avoir des familles franques puissantes qui gouvernent, et non pas un état occidental comme par exemple à Rhodes ou plus tard encore en Crète, sous domination vénitienne. Dans notre cas il n’existe pas une séparation nette entre l’aristocratie locale et franque, car le facteur de l’argent et des échanges commerciaux dans une économie libre favorisent la création des liens et même de collaboration entre les classes supérieures des deux communautés.
23La composition particulière de la population dans les régions où prédomine le second courant peut avoir été un facteur déterminant dans l’orientation de cet art, de même que le contexte multiculturel des artistes eux-mêmes et la composition des ateliers. Les ressemblances observées avec des œuvres occidentales contemporaines témoignent de la connaissance et des contacts avec les mouvements artistiques de l’époque. Il s’agit d’un courant artistique qui dépasse un caractère purement local et suit des tendances plus internationales, dont les sources d’inspiration à cette époque sont principalement les états croisés du Levant avec lesquels l’île entrait en contact quotidien par le commerce et l’affluence continue des populations dès le xiie siècle. L’insistance sur des modèles et procédés purement byzantins est cependant un choix délibéré, qui semble avoir été accepté et adopté par l’élément franc6.
Bibliographie
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Annexe
Fig.1. Saint Théodore d’Agros, église de la Vierge « Kivotos », Christ, icône, 95 X 55 cm

Fig.2. Saint Théodore d’Agros, église de la Vierge « Kivotos », Prophète Élie, icône, revers, détail, 91,5 X 59 cm

Fig.3. Tembria, Archange, icône, 75 X 50 cm

Fig.4. Eurychou, Saint-Kyriakos, Archanges, icône, détail, 30 X 40 cm

Fig.5. Kalopanagiotis, Archange, icône, détail, 100 X 65 cm

Fig.6. Lophou, église de l’Annonciation, Vierge Hodigitria, icône, détail, 120 X 70 cm

Fig.7. Platanistasa, Vierge Hodigitria, icône, saint Euplous, bordure, détail, 30 X 22 cm

Fig.8. Platanistasa, Vierge Hodigitria, icône, revers, détail, 30 X 22 cm

Fig.9. Sotira, église du Saint-Sauveur, donateur, fresque, détail

Fig.10. Moutoullas, .glise de la Vierge, Nativit., fresque, détail

Fig.11. Sotira, Christ, icône, détail, 70 X 45 cm

Fig.12. Kalopanagiotis, Mus.e, Vierge Hodigitria, icône, détail, 99 X 66 cm

Fig.13. Kalopanagiotis, Musée, saint Jean Lampadistes, icône, revers, 116 X 74 cm

Fig.14. Pedoulas, Ascension, icône, détail, 110 X 70 cm

Fig.15. Morphou, Vierge Hodigitria, icône, détail, 105 X 65 cm

Fig.16. Kalopanagiotis, Musée, Vierge Hodigitria, icône, détail, 45 X 35 cm

Fig.17. Moutoullas,Sainte-Paraskevi, la Présentation de la Vierge au Temple, icône, détail, 110 X 70 cm

Notes de bas de page
1 Les icônes chypriotes du xiiie siècle constituent le sujet de notre thèse de doctorat préparée à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, dirigée par C. Jolivet-Lévy, avec pour titre « Le xiiie siècle à Chypre et la production artistique locale : le témoignage des icônes ». Sur la peinture d’icônes à Chypre durant le xiiie siècle, voir l’étude fondamentale de D. Mouriki (Mouriki 1985-1986).
2 Les illustrations de cet article sont reproduites dans le cahier couleurs situé à la fin de l’ouvrage.
3 Sur les fresques de l’église de Moutoullas, voir Mouriki 1984.
4 L’œuvre a été restaurée aux ateliers de restauration du monastère de Kykkos et n’a pas encore été publiée.
5 L’apprentissage du latin et, dans certains cas, du français était une nécessité pour l’élite éduquée chypriote (Mouriki 1985-1986 : 76). Il est connu aussi que des Grecs fréquentaient les mêmes écoles que les Latins (Richard 1962 : 11-15).
6 Sur ce sujet, voir Weyl Carr 1998-1999 : 59-80 et Konnari 1993 : 311-328.
Auteur
Doctorante, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne – EA Histoire culturelle et sociale de l’art (HiCSA). Sujet : Le xiiie siècle à Chypre et la production artistique locale : le témoignage des icônes, sous la direction de Catherine Jolivet-Lévy.
Soutenance prévue en 2009.
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