Modes d’exploitation et d’intégration au sein des territoires Kanak précoloniaux des ressources végétales forestières (IIe millénaire ap. J.-C.)
Approche ethno-archéo-anthracologique en Nouvelle-Calédonie
p. 155-189
Résumé
This paper aims to explore models for the territorial management of forest and for the subsistence system in precolonial Kanak societies. The study is part of a broader project using anthracology to examine vegetation changes linked to precolonial settlement patterns and management of wood resources. Archaeological field survey was combined with botanical recording and ethnobotanical observations. These data, together with information from the ethnological, archaeological, botanical and ethnobotanical literature, are used to redefine the precolonial horticultural system and to suggest a territorial pattern for tree species and forests, in which three kinds of area are distinguished, on the basis of their diversity and degree of “domestication”.
Entrées d’index
Mots-clés : espace, domestication, système horticole, forêt, ethno-archéo-anthracologie
Keywords : space, forest, domestication, horticultural system, ethno-archaeo-anthracology
Remerciements
Je tiens à remercier en premier lieu mon tuteur Christophe Sand, ainsi que toute l’équipe du département Archéologie de Nouvelle-Calédonie pour leur soutien et conseils précieux pendant les phases de terrain, tout particulièrement John André Ouetcho, Jacques Bolé et David Baret. Ce travail n’a pu être réalisé que grâce à leur collaboration.
Les missions de terrain botaniques ont pu être menées grâce à la participation et aux connaissances de Daniel et Irène Létocart que je souhaite remercier tout particulièrement, Baptiste Poinri à la Tchamba, Christian Papineau et Jean-Paul Butin du Programme Forêt Sèche de Nouvelle-Calédonie, et enfin Jérôme Munzinger et le Département de Botanique de l’IRD de Nouvelle-Calédonie. Le travail de constitution de la collection de référence a également bénéficié de l’aide de Jean-Yves Meyer (Délégation à la Recherche, Polynésie Française), d’Eli, de Jacques Florence (MNHN Paris), de Darren Crayn (National Herbarium of NSW, Sydney Botanical Garden, Australia) et de Catherine Orliac (MNHN Paris), ainsi que du Microscopy Unit de l’Australian National University.
Nous avons pu réaliser l’ensemble des travaux de terrain grâce aux autorisations accordées par la Province Nord de Nouvelle-Calédonie, les conseils coutumiers de Bopope et de Pombéi, et l’accueil des familles qui nous ont hébergés ou laissé travailler sur leur terrain dans la Tiwaka.
Notre recherche a également bénéficié du soutien financier accordé par le French Embassy in Australia Cotutelle fellowship (2007) et par le GDR 2834 du CNRS (2007).
Merci à Éric Conte, Stéphanie Thiébault et Christelle Carlier pour leurs relectures attentives et précises !
Texte intégral
Introduction
1L’application de l’anthracologie en Nouvelle-Calédonie est un moyen de participer au nécessaire enrichissement des données paléoenvironnementales dans l’archipel et dans le Pacifique en général. Cependant, il apparaît qu’au-delà de cet aspect, la place particulière des arbres et tubercules dans les sociétés austronésiennes fait que ce type d’études a des implications jusque dans la définition des pratiques de culture. Ce thème est abordé à travers des analyses préliminaires qui ont été réalisées dans le cadre d’une recherche portant notamment sur la gestion humaine des ressources ligneuses et des espaces forestiers. Cette recherche consiste à développer une approche à la fois paléoenvironnementale et archéologique, principalement axée sur des analyses anthracologiques, mais intégrant aussi des données socioculturelles. Il s’agit aussi d’essayer pour la première fois d’appliquer en Nouvelle-Calédonie les méthodes et les problématiques de l’anthracologie, à travers une étude de cas menée dans une vallée alluviale de la côte nord-est de la Grande Terre, et de tester le potentiel de cette approche pour le Pacifique sud-ouest.
2La mise en place de cette démarche nécessitait la réalisation d’une collection de référence et d’une base de données anatomiques, ethnobotaniques et écologiques. Les relevés botaniques de terrain et le travail bibliographique connexe ont généré un premier ensemble de constats et d’hypothèses sur la gestion des ressources ligneuses ou forestières et sur leur rôle dans l’histoire des sociétés précoloniales de Nouvelle-Calédonie. Ces analyses abordent aussi des problématiques plus générales, relatives aux questions d’économie de subsistance et de diffusion des espèces végétales à travers l’ensemble de l’aire Indo-Pacifique.
3Nous exposons ici les résultats préliminaires de ce travail. Pour commencer, nous présenterons la Nouvelle-Calédonie et sa place au sein du modèle général de peuplement de l’Océanie, lié à la diffusion des espèces végétales et des pratiques d’exploitation du milieu. Les connaissances actuelles sur les dynamiques territoriales de la période précoloniale – et plus précisément « pré-contacts », c’est-à-dire avant même la période de contacts occidentaux précédant la colonisation – et sur les modes de subsistance seront ensuite développées. Nous présenterons alors les données rassemblées au cours des travaux de terrain et de synthèse bibliographique qui ont été menés en rapport avec la première phase du travail de thèse. Celles-ci nous amèneront à proposer des hypothèses pour préciser les modèles actuels sur les modes d’exploitation des espèces ligneuses et des formations forestières, puis à en discuter les implications à un niveau archéologique plus général.
La Nouvelle-Calédonie
Données environnementales
4La Nouvelle-Calédonie constitue l’archipel le plus méridional de l’ensemble géographique de Mélanésie, qui rassemble les îles du Pacifique sud-ouest. L’île principale, à laquelle nous nous intéressons plus particulièrement, est appelée la Grande Terre, et s’étend dans un axe nord-ouest/sud-est sur 400 km de long pour 40 à 70 km de large. Elle est entièrement entourée par un récif corallien qui délimite un large lagon (24 000 km²) (fig. 1).
5L’île est partagée dans le sens de la longueur par une chaîne montagneuse (dont le plus haut sommet atteint 1 628 m) qui sépare nettement les versants au vent (côte est) et sous le vent (côte ouest). Le relief dessine des plaines relativement étendues et des embouchures deltaïques sur la côte ouest, puis des vallées encaissées avec des tombants abrupts sur les côtes de l’est. La Grande Terre, ancien fragment du Gondwana, est caractérisée par une histoire géologique mouvementée dont résulte une très grande variété géologique (Cappechi, 1994).
6À cette diversité géomorphologique s’ajoutent des conditions climatiques très différenciées, selon les saisons et les années ou les zones de la Grande Terre. Au sein d’un climat global tropical à subtropical (températures moyennes annuelles minimale à 17 °C et maximale à 29 °C), le sud et la côte est (au vent) présentent un climat tropical humide avec plus de 2 000 mm/an alors que le nord et la côte ouest (sous le vent) disposent d’un climat tropical sec. De plus, le régime des précipitations de la Nouvelle-Calédonie est marqué par une forte irrégularité annuelle et est fortement influencé par les manifestations d’El Niño Southern Oscillation (Timbal et al., 2004).
7De par la diversité de ses conditions climatiques et de son environnement physique, la complexité de son histoire géologique, son ancienneté et son isolement jusqu’à l’arrivée des hommes à la fin de l’Holocène, la flore de la Nouvelle-Calédonie est l’une des plus riches au monde, par rapport à sa superficie. L’archipel, avec plus de 3 200 espèces connues de plantes vasculaires (ptéridophytes et phanérogames) dont 77 % sont endémiques, constitue à lui seul une des régions floristiques mondiales (Jaffré et al., 2001). Parmi les sept formations végétales définies par les botanistes, la formation la plus riche est celle de la forêt dense humide sempervirente, avec plus de 2 000 espèces de végétaux vasculaires ; elle recouvre aujourd’hui près de 1/5 de la surface terrestre de l’archipel (principalement dans les zones montagneuses de la côte est et de la Chaîne Centrale). La forêt sclérophylle, ou forêt sèche, est supposée avoir recouvert presque toute la côte ouest entre 0 et 300 m d’altitude avant l’arrivée de l’homme et n’occupe plus que 350 des 19 000 km² de l’archipel. Les formations les plus répandues aujourd’hui sont la savane (espèces indigènes), les fourrés secondaires et la végétation rudérale (espèces invasives introduites à la période coloniale).
Le modèle général de peuplement du Pacifique
8Sur la proposition de R. Green (1991), les archéologues du Pacifique distinguent deux grandes aires géographiques correspondant à deux dynamiques de peuplement à travers l’Océanie (fig. 2). L’« Océanie proche » a été peuplée durant le Pléistocène, il y a 60 000 à 40 000 ans, par des migrations successives de groupes de chasseurs-cueilleurs nomades, en provenance du continent asiatique (Lilley, 2006). Des populations issues de ces premières vagues de peuplement occupent ensuite les îles des archipels Bismarck et Salomon du Nord, peut-être dès 33 000 ans et, plus régulièrement, à partir de 18 000 ans avant notre ère (Kirch, 2000). Ces groupes sont, nécessairement, déjà des navigateurs hauturiers, mais leur mode de subsistance semble avoir été particulièrement adapté au milieu des forêts tropicales humides et principalement basé sur l’exploitation de ses ressources, animales (notamment des espèces de petits marsupiaux) et végétales (tubercules sauvages, fruits et graines) (Denham, 2004 ; Leavesley, 2006).
9Après la remontée des niveaux marins, au début de l’Holocène, une deuxième dynamique de peuplement et d’exploration maritime se met en place, vers la région dite de l’« Océanie lointaine » (fig. 2). Les traces archéologiques marquent une progression d’ouest en est, par sauts irréguliers, archipels après archipels. Des groupes humains abordent les premières îles inhabitées d’Océanie lointaine – à partir du Vanuatu – dès 1200-1100 avant notre ère, date à laquelle ils arrivent aussi en Nouvelle-Calédonie (Sand, 2007). Les dernières migrations de peuplement atteignent finalement l’île de Pâques et la Nouvelle-Zélande respectivement vers 1200 et peut être seulement 1300 de notre ère (Kirch, 2000 ; Anderson, 2003 ; Anderson & O’Connor, 2008). Cette expansion ne se fait néanmoins pas d’un seul front mais apparaît de plus en plus comme le résultat de multiples mouvements migratoires réalisés, tout au long des derniers 6 000 ans, à travers l’ensemble de l’aire Indo-Pacifique par des groupes aux origines variées (voir, entre autres, Oppenheimer 2003 ; Terrell 2004 ; Matisoo-Smith & Robins, 2004 ; et pour une synthèse récente, Anderson & O’Connor, 2008).
10La Nouvelle-Calédonie a été peuplée au cours du premier mouvement migratoire qui passe les frontières entre Océanie proche et lointaine. Celui-ci est caractérisé par une culture matérielle relativement homogène, dont l’élément le plus remarquable est le type céramique « Lapita » qui est diffusé le long de l’arc mélanésien jusqu’en Polynésie occidentale sur moins 400 ans et perdure près de 800 ans (fig. 2) (Kirch, 2000 ; Anderson, 2003 ; Lilley, 2006). Le phénomène Lapita est perçu par de nombreux chercheurs comme un véritable complexe culturel néolithique dont les porteurs sont des locuteurs austronésiens (famille rassemblant les langues du Sud-Est asiatique et des îles d’Océanie en dehors des langues papoues) (Green, 2003). Ce complexe apparaît dans les Bismarck, mais il est interprété comme le résultat de l’installation en Océanie de migrants originaires d’Asie du Sud-Est (Green, 2003). On a longtemps considéré que les principaux éléments de ce complexe néolithique représentaient des introductions « austronésiennes » en Océanie, à partir de développements réalisés en Asie du Sud-Est, voire en Chine (Bell-wood, 1978, 2005 ; Kirch, 1997 ; Spriggs, 1997) : céramique, pratiques horticoles et espèces végétales cultivées (tubercules et arbres fruitiers), animaux domestiques (poulet, chien, cochon), mode de vie relativement sédentaire (villages côtiers), bien que lié à la navigation hauturière et à l’exploitation des ressources marines (Kirch 1997, 2000 ; Green, 2003). Néanmoins, les études menées depuis les années 90 ont introduit les idées d’innovation locale dans les îles des Bismarck et de syncrétisme socioculturel entre les groupes de migrants et les groupes locaux (Green, 2000 ; 2003). Les recherches relatives aux pratiques d’horticulture, de domestication végétale et d’exploitation des ressources forestières, tendent de plus en plus à montrer la contribution importante de savoir-faire développés en Papouasie-Nouvelle-Guinée dans les modes de subsistance diffusés à travers le Pacifique. Ces études mettent notamment l’accent sur les pratiques d’arboriculture liées au système horticole (notamment : Barrau, 1962 ; 1965 ; Yen, 1974 ; 1994 ; 1995 ; Lepofsky et al., 1998 ; Walter & Sam, 1999 ; Kyle Latinis, 2000 ; Blench, 2002 ; Lebot, 2002 ; Denham, 2004 ; Petersen, 2006).
Dynamiques territoriales et économie de subsistance pré-contacts
11Le « complexe culturel kanak traditionnel » de Nouvelle-Calédonie (Sand, 1995, p. 180) paraît émerger entre la fin du premier millénaire et le début du second millénaire de notre ère (Sand et al., 2000). Il s’est pérennisé jusqu’aux premiers contacts avec les navigateurs occidentaux, à la fin du xviiie siècle, qui signent l’entrée dans une période de bouleversements de près d’un siècle, avant que ne débute vraiment la colonisation après 1854 (Sand et al., 2000). Les sociétés kanak émergent de dynamiques millénaires d’adaptation au milieu calédonien et de diversification socioculturelle qui se sont mises en place dès l’implantation initiale Lapita (Sand et al., 2000). Leur essor entraîne une occupation humaine extensive de l’espace, associée à une intensification des modes d’exploitation des ressources et de l’anthropisation des paysages. Ces évolutions semblent liées, selon les données archéologiques et ethnohistoriques, à une augmentation démographique ainsi qu’au développement de chefferies à pouvoir autoritaire et de processus de territorialisation (Sand, 2002).
Le système territorial d’habitat
12Sur la Grande Terre, le système d’habitat apparaît avoir été organisé selon un emboîtement d’unités spatiales, sociales et économiques, fonctionnant selon certaines formes d’itinérance au sein d’un cadre territorial sédentaire, dit « Pays » dans les langues kanak (Saussol, 1990 ; Sand et al., 2000 ; Dotte et al., sous presse). Ce territoire, qui correspondait idéalement à une vallée alluviale, était lié, selon les études ethnologiques, à une chefferie (polyclanique ou simple) ainsi qu’à un groupe de parenté élargi de type « maison »1 (Bensa & Rivierre, 1982, p. 32-33).
13Les sites d’habitat kanak pré-contacts se manifestent en surface comme des regroupements de tertres ronds sur lesquels étaient érigées les cases de chaque famille nucléaire (Sand, 1997). L’unité d’habitat minimale, appelée « allée » dans certaines régions, rassemblait un groupe de descendance patrilinéaire commune, en général une lignée ou un segment de lignage (Bensa & Rivierre, 1982). Les données archéologiques montrent que l’habitat était toujours organisé par rapport à une Grande Case (caractérisée par un tertre plus haut et plus large que les autres), qui correspond dans les données ethnologiques à l’habitation de l’aîné du groupe de parenté patrilinéaire rassemblé (c’est-à-dire le premier fils du grand-père ou arrière-grand-père commun, cf. Bensa & Rivierre, 1982). En effet, l’organisation spatiale de l’« allée » est vue, dans le système de représentation kanak, comme la matérialisation des liens généalogiques et des relations hiérarchiques (Leenhardt, 1953 ; Bensa & Rivierre, 1982 ; Boulay, 1990). Autour de ces constantes, plusieurs variétés de plans avaient été développées, en fonction de stratégies d’adaptation aux lieux d’implantation (Sand 1997, 2002), telles que l’élaboration de terrasses artificielles pour la construction des tertres de case le long de pentes. Sur la côte est, dans la région centre-nord de la Grande Terre, où a été réalisée une synthèse des études ethnologiques et archéologiques, il apparaît que le plan le plus répandu est celui dit de l’« Allée centrale » (Dotte et al., sous presse) (fig. 3). En raison de son organisation spatiale, ce type de plan est particulièrement adapté aux implantations le long de lignes de crête, mais peut aussi se trouver, pour quelques cas, en plaine alluviale (où l’on trouve plutôt des sites adoptant des plans plus diffus). Les sites sur plates-formes permettaient pour leur part d’occuper les pans de montagnes et les sommets ou promontoires. Le système d’habitat kanak pré-contacts est ainsi marqué par une occupation importante des zones situées en altitude, généralement occupées par des forêts humides sempervirentes. Ce mode d’occupation du paysage pose donc la question de la gestion des espaces forestiers au sein du système territorial, sur un mode à la fois spatial, symbolique, mais aussi économique.
Le système horticole
14La plupart des sites d’habitat identifiés par l’archéologie sur la Grande Terre sont en relation avec des surfaces horticoles, voire même intégrés à celles-ci (fig. 4). Ces sites se divisent en deux types de structures, qui correspondent aux modes de gestion des ressources en eau adaptés aux cultures pratiquées : drainage ou irrigation. Cette division du paysage entre espaces secs et espaces humides correspond à un modèle largement répandu en Océanie (Barrau, 1962 ; 1965 ; Kirch, 1994). Pour les cultures sèches, principalement les ignames (de très nombreuses variétés locales de Dioscorea alata et Dioscorea esculenta), étaient érigés des ensembles de billons, disposés à la suite ou en parallèle, selon différents plans adaptés à la topographie (fig. 3 et 4) (Barrau, 1956). Ces structures occupaient parfois de façon extensive les plaines alluviales, où elles pouvaient être traversées par des canaux de drainage et de déviation des creeks2. De plus, on pouvait trouver sur les billons, après un cycle de culture d’ignames, des plantations de patate douce (Ipomoea batatas), introduite depuis l’Amérique du Sud à travers la Polynésie et le Pacifique Ouest, à la fin de la période pré-contacts (Ballard et al., 2005).
15Sur les pentes, étaient construites des terrasses irriguées, utilisées pour les cultures humides (fig. 4). Les descriptions indiquent principalement des taros (plusieurs variétés de Colocasia esculenta), associés à des pieds de canne à sucre (Saccharum officinarum) et de bananiers (Musa spp. ). Ces aménagements étaient aussi basés sur des systèmes de canalisation et de déviation des creeks, mais, cette fois, dans un but d’irrigation (Barrau, 1956). Les récits ethnohistoriques rapportent l’existence de vastes étendues recouvertes de tarodières en culture (Glaumont, 1897 ; cf. aussi Sand 1995 ; Dotte et al., sous presse), mais ces structures restent difficiles à identifier dans le paysage archéologique. En effet, elles sont actuellement souvent recouvertes par des forêts secondaires touffues et peuvent être relativement éloignées des sites d’habitat. Des structures irriguées adaptées à d’autres types d’implantations ont aussi été décrites (Barrau, 1956) mais sont peu observées en archéologie.
16Dans l’état actuel des connaissances, il semble que les structures horticoles et leur réseau de canalisations furent développés à la fin du premier millénaire, à partir de savoir-faire anciens, et multipliés durant le second millénaire apr. J.-C. (Sand, 2002). Ces aménagements sont considérés comme une manière de gérer les effets de l’intensification progressive des pratiques agricoles sur brûlis, enregistrés par les sols sur les trois millénaires de présence humaine. Ce phénomène est visible dans l’augmentation des dépôts de charbons à travers les stratigraphies de la fin du premier millénaire (Sand, 2002), ainsi que dans les résultats d’analyses palynologiques montrant, en certains points de la Grande Terre, une ouverture de la végétation dans les siècles suivant l’arrivée des hommes au cours du premier millénaire av. J.-C. (Sémah, 1998 ; Stevenson, 1999).
17Enfin, les études ethnobotaniques, menées par J. Barrau, sur l’économie de subsistance précoloniale, ont permis de mettre en évidence l’exploitation annexe de plantes de forêts, soit – rarement – par plantation de quelques individus dans les jardins accolés aux cases, soit par cueillette régulière ou occasionnelle (espèces de disette). Il s’agissait de plusieurs types de graminées ou brassicacées (variétés locales de choux et cœurs de bambous), de ptéridophytes (consommation des pousses de fougères) et de très nombreuses plantes ligneuses locales ou introduites (consommation des tubercules, des feuilles, des fruits, graines et amandes) (Barrau, 1962 ; Leenhardt, 1953). Ces pratiques, considérées comme une forme de survivance des modes de subsistance pré-agricoles, étaient présentées comme secondaires. Excepté la culture du cocotier et celle, plus rare, de l’arbre à pain (Artocarpus altilis), l’exploitation des arbres semblait alors principalement réalisée par cueillette en forêt et aucune forme de gestion de ces ressources n’a été détaillée pour la Nouvelle-Calédonie (Barrau, 1956 ; 1962).
Les espèces ligneuses au sein du système territorial kanak : enquête de terrain et données bibliographiques
18Dans le contexte qui vient d’être présenté, notre recherche vise deux objectifs généraux. D’une part, elle doit s’attacher à mieux définir l’impact sur les forêts de l’expansion humaine à travers la Grande Terre, durant la période pré-contacts. D’autre part, elle tente de comprendre les modes d’exploitation des ressources forestières par les hommes, leur place au sein du système horticole et d’organisation territoriale pré-contacts.
19La première étape de ce projet a été de constituer une collection de référence des bois de Nouvelle-Calédonie, associée à une base de données qui rassemble, pour chaque espèce, sa description anatomique une fois carbonisée ainsi que les données écologiques et ethnobotaniques disponibles. La récolte de ces données a été réalisée grâce à des relevés botaniques, effectués pendant les prospections archéologiques, pour caractériser les types de végétation associés aux sites (Dotte & Ouetcho, 2006). Des relevés systématiques ont été réalisés sur et aux abords de six sites différents localisés dans une même vallée.
20Ce travail de terrain a été couplé à une étude des sources bibliographiques botaniques (statut introduit ou indigène, distribution régionale des espèces), ethnobotaniques ou archéobotaniques (diffusion, exploitation, rôle des espèces ligneuses dans les sociétés océaniennes). L’analyse croisée de ces données permet de distinguer deux aspects de la gestion des espèces ligneuses par les sociétés kanak précoloniales dans notre région : leurs caractéristiques botaniques et écologiques ainsi que leur répartition spatiale.
Caractéristiques botaniques et écologiques des arbres associés aux sites archéologiques précoloniaux
21Ce travail de terrain a permis de lister vingt espèces ligneuses ou à port arboré3 associées aux anciennes zones d’occupation kanak sur la Grande Terre. Bien qu’il n’y ait jamais eu de travail de synthèse réalisé dans une perspective archéologique sur ce thème, beaucoup de ces espèces étaient déjà connues pour leur symbolique et/ou leur utilité au sein du système spatial kanak, principalement grâce aux travaux d’ethnologie (Leenhardt, 1953 ; Guiart, 1956 ; Boulay, 1990).
22Les espèces relevées à plusieurs reprises sur ou à proximité immédiate des sites peuvent être classées en trois ensembles et appartiennent exclusivement aux espèces considérées comme « indigènes » ou « endémiques » par les botanistes4 (Jaffré et al., 2001). De plus, on classe à part trois espèces fruitières introduites par les européens, retrouvées sur des sites dont la dernière occupation remonte au xixe siècle (tabl. 1).
23D’une part, on trouve des espèces plantées par individu sur les sites ou à proximité immédiate, transposées hors de leur milieu naturel. Les deux principales espèces connues pour leur association fondamentale avec les sites d’habitat kanak, le pin colonnaire (Araucaria columnaris) et le cocotier (Cocos nucifera), sont des espèces côtières plantées sur les sites pour remplir un rôle esthétique et symbolique d’organisation de l’espace (Leenhardt, 1953 ; Boulay, 1990). Le cocotier, répandu et cultivé à travers toute l’aire Indo-Pacifique, représente aussi une des principales ressources en eau et lipides pour toutes les sociétés océaniennes. La présence en altitude et à l’intérieur des terres de ces deux espèces est presque toujours indicatrice d’un site archéologique kanak, quand elle n’est pas tout simplement associée à une tribu actuelle (fig. 5).
24Poussant naturellement en zones humides et sur berges de rivière, de grands bambous (Dendrocalamus spp. ) et de petits peuplements de bourrao (Hibiscus tiliaceus, appelé purao en Polynésie) peuvent aussi être associés aux zones d’occupation humaine pré-contacts. Les bouquets de bambous peuvent avoir rempli un rôle esthétique, d’ombrage pour les jardins, ou tout simplement alimentaire. Rapidement invasifs, ils se retrouvent parfois sur les tertres abandonnés, mais peuvent aussi être liés à la présence de sites funéraires, selon la tradition orale kanak. Les pieds de bourrao ont tendance à être associés à la présence de creeks ou de canalisations, près desquels il est dit qu’ils étaient plantés pour fixer l’humidité. Cette espèce est aussi très utilisée, à travers tout le Pacifique, pour ses fibres (notamment pour les cordages) et pour son bois (pirogues et habitat) (Barrau, 1962 ; Florence, 2004). Malgré tout, comme le cocotier, le bourrao est considéré comme une espèce indigène en Nouvelle-Calédonie et dans l’ensemble des îles du Pacifique sud-ouest. Également invasifs, ils peuvent former la base de végétations secondaires, mais ce phénomène s’observe beaucoup plus en Polynésie (Florence, 2004), où les conditions climatiques sont plus humides, qu’en Nouvelle-Calédonie.
25D’autre part, les sites peuvent être recouverts par des peuplements d’espèces indigènes pionnières ou de savane, comme le niaouli (Melaleuca quinquenervia). L’extension des savanes à niaoulis est favorisée par les incendies puisque cette espèce, originellement adaptée aux marais, est résistante au feu. Sa présence est ainsi souvent synonyme d’espace anthropisé. Pour leur part, le Guioa villosa et le Pagiantha serifera, souvent retrouvés sur les sites de l’intérieur en altitude, ou à leurs abords immédiats, représentent le premier front de reconquête de la forêt humide sur une zone ayant subi une déforestation. Le nom donné au premier en langue paicî (en région Centre-Nord de la Grande Terre), fait d’ailleurs référence à ce rôle d’espèce pionnière : niä-mötö, « la plante qu’on voit en premier » (Létocart, comm. pers. ; Rivierre, 1983). Les Casuarina spp. , dont on retrouve parfois quelques individus près des sites, sont considérés comme un genre caractéristique des espaces perturbés en Océanie, à profil ubiquiste (Florence 2004 ; Hope & Haberle 2005).
26Le dernier type d’arbres relevés aux abords immédiats des sites, rassemble des espèces qui sont rattachées à la forêt humide, toutes classées comme indigènes ou endémiques au niveau botanique. Parmi elles, sept espèces présentent la particularité d’être à la fois caractéristiques des forêts humides et des forêts sclérophylles (tabl. 1). La plupart des espèces de forêt sèche présentent ce double rattachement mais, à l’inverse, celles-ci représentent une minorité au sein des espèces de forêt humides (Jaffré et al., 2001). Étant donné que des prospections archéologiques précédentes avaient noté une association entre formations sclérophylles probables et sites d’habitat pré-contacts (Guillaud & Forestier, 1996 ; Sand, comm. pers.), il apparaît intéressant de relever la présence de ces espèces à double statut.
27De plus, quatre de celles-ci sont aussi classées comme rudérales par les botanistes (tabl. 1). La comparaison de ces faits avec les données ethnobotaniques montre de son côté que les sept espèces en question sont toutes utilisées par les hommes à travers l’ensemble de l’Océanie. Certaines d’entre elles sont même considérées comme introduites, au cours de migrations pré-contacts, dans la plupart des îles du Pacifique (Barrau, 1962 ; Walter & Sam, 1999 ; Kyle Latinis, 2000 ; Blench, 2004). C’est le cas notamment du bancoulier (Aleurites moluccana), dont la noix peut être consommée, l’huile brûlée ou utilisée dans la fabrication de colorant noir et le bois servir dans les constructions, ainsi que de certaines espèces de Pandanus, exploitées, voire cultivées, pour leur graines, leurs fruits et l’utilisation des feuilles dans le tressage des nattes (toits et parois des habitations, voiles de pirogues, nattes de sol, usage vestimentaire, etc.) (Barrau, 1962 ; Boulay, 1990 ; Walter & Sam, 1999). C’est aussi le cas de la Cordyline, aux multiples usages alimentaires et symboliques à travers l’aire Indo-Pacifique, espèce qui avait de plus été classée parmi les plantes introduites aux périodes pré-contacts par le botaniste Mc Kee (1985). Le cerisier bleu (Elaeocarpus angustifolius) et les espèces variées de Ficus sont utilisés en Océanie comme ressources alimentaires. Le bois du cerisier bleu est de plus reconnu pour ses qualités de bois d’œuvre (Boulay, 1990). De même, le Fagraea berteroana (« bois tabou » ou « bois pétrole », pua en Polynésie) est utilisé à travers l’ensemble du Pacifique pour ses fleurs et son bois, et il jouit d’un statut symbolique important dans la plupart des îles. En Nouvelle-Calédonie, il est ainsi utilisé pour les sculptures de chambranles (visages d’ancêtres disposés à l’entrée des cases) (Barrau, 1962 ; Boulay, 1990) et peut être planté près des sites funéraires. Le banian (Ficus prolixa), présent à travers toute l’Océanie, remplit lui aussi un rôle symbolique dans l’ensemble de la région, où il peut être associé aux espaces rituels (Polynésie, Vanuatu) et, comme en Nouvelle-Calédonie, aux dépôts des morts dans les zones de forêts (Sand, 1995).
28Enfin, un arbre endémique et non perçu comme rudéral, le Geissois racemosa (« faux tamanou »), caractéristique de la forêt humide, a été relevé à plusieurs reprises aux abords d’anciens sites d’habitat (Dotte & Ouetcho, 2006). Dans le travail de R. Boulay sur l’habitat kanak, le faux tamanou est cité comme bois d’œuvre pour les constructions de cases (Boulay, 1990), ce qui pouvait lui conférer un rôle important, voire un statut d’espèce protégée ou entretenue. De plus, l’espèce est à chaque fois représentée par deux individus côte à côte et à peu près de même âge, positionnés en limite de la zone d’habitat ou en bordure de sentier. Il pourrait donc s’agir d’arbres plantés, mais il est difficile de dire s’ils remplissaient une fonction spécifique au vu du peu d’informations que nous avons trouvé sur le rôle de cette espèce.
Arbres et forêts au sein de l’organisation spatiale du territoire
29L’association entre prospections archéologiques et relevés botaniques a permis de mettre en valeur un second point, touchant à l’organisation spatiale liée aux espèces ligneuses. En intégrant à l’analyse des données bibliographiques plus générales, nous pouvons proposer l’existence de trois espaces contigus au sein d’un territoire, correspondant à des manières différentes de gérer les ressources ligneuses et d’occuper l’espace. Ce découpage est basé sur des observations et des données relatives aux zones de l’intérieur des vallées de la Grande Terre, les espaces côtiers étant plus marqués par les activités de la période coloniale.
30En premier lieu, on trouve un espace domestique, défriché puis replanté d’arbres ou de plantes à port arboré, distribués de façon stricte, selon leur fonction précise, alimentaire ou symbolique (tabl. 2). Quelques espèces ont été observées directement sur les sites, lors de nos prospections archéologiques et par des études ethnobotaniques : cocotiers, pins colonnaires, cordyline, peuplier kanak (Erythrina variegata) connues pour leur rôle symbolique, mais aussi des arbres fruitiers. Ces derniers ont en effet été observés sur les sites archéologiques (même isolés), sous la forme d’individus ou de petits peuplements d’espèces introduites après les contacts occidentaux (manguiers, goyaviers, jameloniers). En recoupant cette observation avec des données ethnobotaniques fondées sur les descriptions des premiers contacts, il est permis de penser que cette pratique venait de l’habitude, dans les sociétés kanak pré-contacts, de planter près des habitations quelques individus d’espèces fruitières, locales ou diffusées par les populations d’Océanie, notamment l’arbre à pain (Barrau, 1956 ; McKee, 1985). Néanmoins, il semble que l’espace de l’habitat était réservé au social et au rituel (Leenhardt, 1953 ; Guiart, 1956 ; Bensa & Rivierre, 1982 ; Boulay, 1990). Ainsi, les espèces rassemblées dans des bosquets à l’arrière d’habitations (principalement herbeuses exceptée la cordyline), les peupliers kanak ou les allées de cocotiers et d’Araucaria sur les sites, remplissent une fonction strictement symbolique. Les données ethnobotaniques nous permettent d’ajouter à cette liste une espèce d’arbre qui, selon J. Barrau (1962), était plantée lors des fêtes sur l’espace social (Dysoxilum machrantum, tabl. 2).
31Les jardins pouvant contenir des espèces à vocation alimentaires étaient séparés de l’espace social de l’habitat et, parfois, placés légèrement en contrebas, où se trouvent actuellement les espèces fruitières (tabl. 2). À leur suite, on trouve les espaces occupés par les anciennes structures horticoles. Comme il a été présenté plus haut, celles-ci accueillaient d’une part les cultures intensives de tubercules, mais aussi quelques plantations associées (bananiers, canne à sucre). McKee ou Barrau notent certains arbres comme étant « cultivés » par les sociétés kanak de manière traditionnelle, mais dont la culture paraissait rare ou restreinte à quelques individus (McKee, 1985 ; Barrau, 1956 ; 1962). C’est le cas du châtaigner tahitien (Inocarpus fagifer) à graines comestibles, cultivé en Mélanésie et en Polynésie, du Pandanus tectorius, lui aussi cultivé en Mélanésie, en Polynésie, mais aussi en Micronésie, pour ses graines et ses feuilles, puis finalement du Broussonetia papyfera ou « arbre à tapa », qui était cultivé dans toute l’aire Indo-Pacifique pour l’utilisation de son écorce dans la fabrication de tissus (tapa). Compte tenu de leur statut de plantes cultivées, on peut penser que ces espèces ont pu se trouver dans les zones de jardin ou de plantation, bien que de façon irrégulière si l’on en croit les écrits ethnobotaniques (notamment l’Inocarpus et le Broussonetia). Ce type d’organisation spatiale est encore observé dans certains villages du Vanuatu (Walter & Sam, 1999 ; Walter & Lebot, 2003), où il faut noter la présence remarquable du « pommier kanak » (Syzygium malaccense), arbre que l’on sait avoir été exploité par les sociétés kanak et régulièrement relevé aux alentours des sites archéologiques.
32Le regroupement d’espèces ligneuses utiles ou symboliques à la limite de l’espace occupé semble ensuite dessiner une zone frontalière entre espace domestique et forêt. En effet, des formations secondaires qui, à première vue, semblent constituer les abords d’une forêt humide classique, ont été observées en bordure de plusieurs sites. Néanmoins, bien que chacune des espèces rassemblées puisse être rattachée à ce type de végétation, il apparaît qu’elles ont toutes, dans les sociétés kanak et océaniennes, un rôle fonctionnel varié (symbolique, alimentaire, matériel, écologique, médicinal) (tabl. 3). Il semble possible qu’il s’agisse de rejets, ayant évolué en peuplements spontanés, à partir d’individus plantés en bordure de l’espace domestique pour remplir deux types de rôle en particulier. D’une part, certaines espèces présentes sont généralement associées aux dépôts funéraires ou, au moins, aux ancêtres. Par exemple, une formation comportant ce types d’espèces (Fagraea berteroana et Ficus prolixa) s’est révélée recouvrir un site funéraire placé en bordure d’un site d’habitat, découvert lors des prospections (Pwadaunu, cf. Dotte & Ouetcho, 2006). D’autre part, certaines des espèces présentes produisent des noix ou fruits comestibles (tabl. 3). Par comparaison avec les pratiques traditionnelles encore en cours au Vanuatu (Walter & Sam, 1999 ; Walter & Lebot, 2003), on peut penser que ces arbres étaient plantés autour de l’espace domestique pour un usage alimentaire d’appoint, selon les pratiques de « grignotage » quotidien, pour reprendre les termes de Walter et Sam, entre les repas principaux du matin et du soir (Walter & Sam, 1999, p. 50). Enfin, plusieurs de ces espèces ne sont pas classées avec certitude par les botanistes en tant que plantes indigènes dans les autres îles d’Océanie : par exemple, le bancoulier est considéré comme une introduction pré-contacts dans la plupart des îles (Blench, 2004 ; Florence, 2004), alors que pour la Polynésie, J. Florence (2004) précise que le purao a pu être introduit sous la forme de divers cultivars et que l’indigénat du banian reste incertain.
33Après la zone frontalière commence l’espace de la forêt humide, où l’on peut également discerner des traces de l’action humaine sur le végétal. Si l’on se base sur les données des traditions orales et de l’ethnographie, cet espace représente le domaine de l’« inculte », plus que du « sauvage », au sens occidental du terme (Haudricourt, 1964). Il s’agit d’une zone habitée par les esprits des ancêtres, où se trouvent les sites d’habitat abandonnés et les structures horticoles en jachère : autant d’éléments ayant quitté le monde « cultivé » par l’action humaine, pour un temps. Cet espace est d’autant moins pensé comme sauvage qu’il était régulièrement visité par les hommes, le long des sentiers reliant les différents sites d’habitat entre eux, avec les tarodières isolées, ou utilisés pour la chasse. Ces déplacements, mais aussi des sorties spécialisées, permettaient de se procurer les fruits, noix et graines, de nombreux arbres, ainsi que du bois d’œuvre (Leenhardt, 1953 ; Barrau, 1962). S’il existe beaucoup d’espèces endémiques produisant ce type de ressources, il faut remarquer que parmi les espèces citées, plus d’une vingtaine ont une large aire de répartition et sont aussi utilisées par les autres sociétés d’Océanie (tabl. 4, double page suivante). Pour les régions où l’on dispose de données ethnobotaniques sur ces pratiques, il apparaît que la plupart des arbres utiles sont précisément localisés dans la forêt par les hommes, puis entretenus ou protégés (élagage, isolement lors des brûlis) (Walter & Sam, 1999 ; Kyle Latinis, 2000 ; Walter & Lebot, 2003). On sait, de même, que pour la construction d’un poteau central de case ou d’une coque de pirogue, des individus d’espèces spécifiques (Montrouziera cauliflora/houp, Agathis spp. /kaori) étaient repérés puis entretenus jusqu’à atteindre la taille suffisante pour être abattus. Aujourd’hui encore, pendant la période de renouvellement des couvertures de case (écorce de niaoulis), des petits peuplements de savanes au milieu de zones forestières sont repérés, marqués, puis exploités.
34De plus, A. Walter note qu’au Vanuatu il existe des pratiques consistant à planter des rejets dans des zones de forêt où l’espèce exploitée ne pousse pas de manière spontanée, de façon à élargir son aire de répartition ou de la rapprocher des espaces domestiques. La présence d’individus isolés qui appartiennent à des espèces soit situées hors de leur habitat de prédilection, soit connues pour leur exploitation, a ainsi été remarquée lors de nos prospections dans les forêts attenantes aux sites (notamment le Syzygium malaccense ou le cocotier). L’auteur note aussi la pratique de planter les espèces fruitières les plus rafraîchissantes le long des sentiers. Ce phénomène est également observé actuellement en Nouvelle-Calédonie, avec des espèces introduites récemment (Citrus maxima et Citrus spp. /pamplemousse, Psidium guajava/goyave). Cette pratique a donc pu exister aussi dans les sociétés kanak pré-contacts. Ce dernier espace, celui de la forêt humide perçue comme symbole même du sauvage en Occident, est donc bien le domaine de l’« inculte » dans le sens du « non cultivé » et non du « naturel ». Ces forêts ont pu être remaniées en profondeur dans leur constitution et leur occupation spatiale. La gestion des ressources ligneuses (combustible, aliments, bois d’œuvre, rituel) passait par des pratiques mixtes, entre culture et cueillette, ni déforestation massive, ni préservation d’une nature vierge.
Conclusions et discussion
Implications botaniques et archéologiques
35L’application de l’anthracologie en Nouvelle-Calédonie nécessite un ensemble d’études préliminaires dont une partie a été présentée ici. Les résultats d’une enquête de terrain associant prospections archéologiques, relevés botaniques et observations ethnobotaniques, ont été analysés à la lumière des sources botaniques et ethnobotaniques. Ce travail a permis de mettre en évidence plusieurs points relatifs à la place des arbres, ou espèces végétales proches, au sein du système territorial kanak pré-contacts. Il confirme l’association fondamentale qui existe entre l’occupation humaine et les arbres dans le système socio-spatial kanak. Depuis les travaux des ethnologues (Leenhardt, 1953 ; Bensa & Rivierre, 1982 ; Boulay, 1990 ; Guiart, 1956), l’omniprésence et les multiples fonctions du végétal, plus particulièrement des espèces ligneuses, au sein des sociétés océaniennes, sont généralement prises pour acquises. Ces aspects peuvent pourtant être facilement négligés dans les études archéologiques qui traitent des modes d’occupation spatiale et des relations entre les sociétés pré-contacts et leur milieu. Leur prise en compte nécessite d’unir plusieurs points de vue : archéologique, ethnologique et botanique.
36L’étude plus précise de cette association nous a permis de lister les vingt espèces les plus souvent observées sur les anciens sites d’occupation kanak. Celles-ci peuvent représenter un indicateur de la présence de sites archéologiques dans le paysage, et parfois même de leur période d’abandon (pré ou post-contacts selon la répartition des espèces) (Dotte & Ouetcho, 2006). Leur répartition spatiale, comparée à leurs fonctions utilitaires et/ou symboliques connues, nous a poussés à distinguer trois espaces successifs, voire emboîtés, qui correspondent à des espèces particulières, en fonction de leur rôle et de leur mode d’exploitation.
37L’espace domestique des sites d’habitat et des sites horticoles, contigus ou non, représente un espace cultivé, dans tous les sens du terme, où l’on trouve des espèces spécifiques, strictement réparties selon leurs rôles précis. Il s’agit d’anciennes zones de forêts, qui sont défrichées dans un premier temps, mais pour être ensuite replantées d’espèces cultivées et à valeur sociale. Cet espace domestique est lui-même divisé en deux : un espace strictement social où ne se trouvent que des arbres ou plantes remplissant un rôle symbolique (pin colonnaire, cocotier, Cordyline, bambou), et un espace économique horticole où se trouvent les plantes alimentaires, au nombre desquelles quelques espèces arborées peuvent être comptées en plus des tubercules et graminées de base (arbre à pain, pommier kanak, bananier).
38Le regroupement d’arbres probablement plantés et constituant par la suite des petites formations secondaires crée un espace frontalier, situé aux abords immédiats des sites d’habitat. Il rassemble des arbres fruitiers ou produisant des noix comestibles, d’autres pouvant remplir un rôle écologique, rituel et utilitaire, ou peut-être aussi esthétique, plusieurs fonctions étant souvent rassemblées en un seul arbre (cf. le bourrao ou le bois tabou). De plus, on peut penser que cette symbolique de frontière, ou de passage entre le domaine cultivé et le domaine inculte, est confirmée par la présence de ce type de formation végétale sur des sites funéraires, qu’ils soient accolés ou non à un ancien site d’habitat.
39En effet, on entre ensuite dans le domaine de la forêt : l’espace perçu comme non cultivé, fréquenté et exploité par les hommes mais habité par les esprits des morts (précisément retournés au monde de l’inculte) (Haudricourt, 1964), dont les crânes étaient parfois déposés entre les racines des grands banians. Néanmoins, cet espace n’en constitue pas moins une portion du territoire gérée et manipulée par les groupes sociaux. Le croisement des observations de terrain et de données ethnobotaniques régionales tend à montrer que de nombreux arbres utiles (ressource alimentaire, médicinale, matérielle et combustible) ont pu être protégés, entretenus ou même introduits par les hommes et plantés dans des zones stratégiques, au sein même des forêts dites « naturelles ». Enfin, même si le cadre territorial maximal fonctionnait sur un mode sédentaire, l’habitat et les structures horticoles évoluaient selon une relative itinérance, sur des rythmes variables de plusieurs années ou dizaines d’années (Saussol, 1990 ; Dotte et al., sous presse). Ce fonctionnement incluait des retours sur d’anciens lieux « cultivés », une fois un temps de jachère passé (sites horticoles comme sites d’habitat). Cette dynamique territoriale intégrait donc la régénération et la manipulation des espaces forestiers, qui a dû entraîner une anthropisation profonde mais contrôlée des paysages végétaux (voir pour l’analyse de dynamiques semblables au Vanuatu, Walter & Lebot, 2003).
40Ces analyses entraînent des implications, d’ordre archéologique et archéobotanique, dans la façon de se représenter les pratiques de culture et les modes de subsistance dans les îles de l’aire Indo-Pacifique.
41Elles touchent d’abord à l’existence d’un véritable système de gestion et d’exploitation des ressources ligneuses par les sociétés kanak pré-contacts. Il apparaît que l’importance de ces ressources dans l’économie de subsistance pré-contacts pourrait être réévaluée, à la condition de disposer de nouvelles données de terrain (ethnobotaniques, botaniques et archéobotaniques). Une longue histoire de pratiques liées à l’exploitation des arbres et à la gestion de l’espace forestier paraît être un héritage commun à travers l’océan Pacifique et ses marges (Kyle-Latinis, 2000 ; Blench, 2004). De nombreuses sociétés de l’aire Indo-Pacifique semblent aussi partager un mode d’occupation de ces milieux forestiers fonctionnant sur l’application de brûlis circonscrits, de périodes de jachère et de régénération (pouvant être importante en milieu tropical, Michon, 2005), avec des réutilisations de structures pérennes (habitat et horticulture). L’existence de telles pratiques a pu entraîner une évolution particulière des forêts calédoniennes. Sans nier l’impact anthropique sur l’équilibre environnemental qui s’était mis en place avant l’arrivée des hommes sur l’île, il faut peut-être considérer celui-ci plus sous la forme de manipulations que de déforestations irrémédiables, avec par exemple la possibilité que quelques espèces utiles, maintenant associées aux forêts calédoniennes, aient pu être introduites aux périodes pré-contacts et s’être naturalisées.
42Cette transformation des forêts semble être passée par des pratiques variées de plantation, translocation, entretien ou simple protection de différentes espèces d’arbres, parfois introduites, traitées à l’échelle de l’individu et souvent en forêt. Ce mode de culture est justement la base même du système horticole : un modèle de production où chaque plante est traitée individuellement et ponctuellement, basé sur la diversité selon le modèle d’un écosystème, où l’humain joue un rôle occasionnel, mais déterminant (Haudricourt & Hédin, 1943 ; Barrau, 1956 ; Michon, 2005). En ce sens, on peut parler d’une véritable arboriculture, comme partie prenante du système horticole. Celui-ci est d’ailleurs élaboré à partir de l’exploitation des ressources forestières végétales, principalement les tubercules (Kyle Latinis, 2000). Dans ce modèle de production, même dans un système intensif, les plantes continuent d’être multipliées par bouturage, clonage et rejet.
43Le concept de domestication, basé sur les modes d’agriculture céréalière des zones tempérées ou arides, et associé à une transformation morphologique des grains, est donc difficile à appliquer tel quel à l’horticulture ou à l’arboriculture. Plutôt que de considérer ces modes de production comme une étape pré-agricole, plusieurs auteurs ont insisté sur le fait que la domestication végétale ait pu être développée selon deux voies, dépendantes des conditions environnementales et des modes de vie développés par les sociétés (Michon, 2005, Haudricourt & Hédin, 1943 ; Geertz, 1966 ; Barrau, 1970). D’une part, des systèmes basés sur le « grain », impliquant une distinction nette entre l’espace et les plantes « sauvages » d’un côté et l’espace agricole avec les variétés domestiquées de l’autre, « ecological simplicity supported by technical complexity, high control and massive inputs » (Michon, 2005, p. 71). D’autre part, des systèmes basés sur le « jardin », « ecological complexity supporting technical simplicity, minimal intervention and fluent production » (ibid.). L’apparence naturelle de nombreux milieux tropicaux est donc à relativiser et le concept de domestication à moduler pour le rendre applicable aux forêts et aux arbres tropicaux.
Perspectives : une petite graine, de longues ramifications…
44Il paraît nécessaire d’approfondir nos connaissances sur l’arboriculture en Nouvelle-Calédonie, en relation avec les recherches en cours sur les pratiques de domestication des forêts tropicales à travers l’ensemble de l’aire Indo-Pacifique. Le fait de préciser les centres d’origine, de domestication et de diversification, puis les routes et chronologies de diffusion des espèces, permettrait de mieux définir les statuts botaniques de nombreuses espèces (introductions pré-contacts ou espèces indigènes). En effet, beaucoup des espèces citées dans cette étude sont répertoriées pour leur usage et leur large répartition en Océanie. Certaines se révèlent même porter des statuts contradictoires (indigène, introduction pré ou post-contacts), selon les approches de type ethnobotanique ou botanique. L’analyse de ces aspects présente deux types d’implication : d’une part, elle questionne les statuts botaniques de nombreuses espèces utiles de Nouvelle-Calédonie, question peut-être liée à un manque de transdisciplinarité entre archéologie, ethnobotanique et botanique ; d’autre part, elle peut offrir un regard différent sur l’histoire et les routes des mouvements humains à travers l’Océan Pacifique aux périodes pré-contacts. En effet, l’étude comparée des valeurs ou de l’utilisation des espèces végétales entre les diverses sociétés du Pacifique, par rapport à leurs centres probables de domestication et/ou de diversification, et leurs routes de diffusion apparentes (prenant en compte les espèces à statut incertain pour la Nouvelle-Calédonie), dévoile quelques constantes qui semblent plus en accord avec les modèles complexes de peuplement de l’Océanie (Dotte et al., soumis).
45Néanmoins, l’ensemble de ces hypothèses, ainsi que le modèle de gestion économique et territoriale développé ici, nécessite de multiplier les données archéobotaniques. La première tentative d’application de l’anthracologie en Nouvelle-Calédonie souhaite s’inscrire dans cet effort, pour permettre d’accumuler des données sur l’évolution du couvert végétal en relation avec les changements de l’occupation humaine sur la Grande Terre. Les résultats de l’analyse des premiers prélèvements effectués ont aussi la potentialité de dater et repérer la présence d’espèces utiles autour des sites d’occupation pré-contacts. Si cette démarche s’avère efficace pour la Nouvelle-Calédonie, alors on pourra songer à la développer dans la région dans un but comparatiste, et l’associer aux autres approches archéobotaniques, qui doivent également être approfondies en Océanie (Fairbairn, 2005).
Bibliographie
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10.1017/S0003598X00082375 :Notes de bas de page
1 Selon Claude Lévi-Strauss : « quelque chose d’essentiel se passe quand des groupes de descendance se scindent et que leurs segments se soudent avec des segments d’autres groupes, pour donner naissance à des unités d’un nouveau type résultant de ces recombinaisons. C’est à ce type d’unité qu’il y a quelques années j’ai proposé d’appliquer le terme de maison. Celle-ci se perpétue en transmettant son nom, sa fortune et ses titres en ligne directe ou fictive […] » (Lamaison, 1987).
2 En Nouvelle-Calédonie, on désigne par « creeks » les très nombreux petits ruisseaux de montagne, dont le débit est soumis à l’importante irrégularité des régimes de précipitation (variabilité anuelle et décennale).
3 Une espèce ligneuse est une plante dont la tige produit du bois (croissance en hauteur et en largeur). Une espèce non ligneuse, ne produisant pas de bois, ne peut être un arbre à proprement parler. Néanmoins, en région tropicale, de nombreuses plantes prennent des ports arborés ou des tailles très élevées, et produisent des tiges qui durcissent. Par exemple, les fougères arborescentes, ou les monocotylédones comme le cocotier (palmacée), la cordyline (agavacée), le bambou et la canne à sucre (graminées).
4 « Indigène » : espèce dont l’aire de distribution naturelle dépasse les limites de l’ensemble géographique considéré, ici l’archipel calédonien, et ne résulte pas du transport de l’homme ; « endémique » : espèce indigène dont l’aire de distribution naturelle est restreinte à l’ensemble géographique considéré, ici l’archipel calédonien. De plus, en Nouvelle-Calédonie, certaines espèces se révèlent endémiques à une région, voire à une vallée. Celles-ci n’apparaissent pas dans notre étude.
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