Occupation de l’espace et exploitation territoriale sur la façade littorale de Guyane
p. 119-153
Résumé
The Pre-Colombian settlement on French Guiana’s coastal front is the subject of an archaeo-environmental study which suggested a spatial analysis of raised fields built on French Guiana’s coastal plain. This agricultural system reveals a particular pattern of land usage. Although it is determined by the coastal environmental pressures, its characteristics seem at first to convey food strategies, and cultural habits, deliberately centered around the exploitation of coastal and maritime resources.
On the basis of these observations, this paper sets out to analyze the occupation of space as reflection of the different ways the land has been exploited. So, with the help of disciplines related to archaeology, this study throws light on the economic practices and probable evolution of subsistence’s strategies which would have ensured permanence and allowed the development of Pre-Colombian societies on French Guiana’s coastal area.
Entrées d’index
Mots-clés : Guyane, interactions sociétés/environnement, implantation précolombienne, occupation et aménagement de l’espace, ressources, stratégies alimentaires, pratiques économiques
Keywords : French Guiana, societies/environment interactions, space occupation and landscaping, pre-Colombian settlement, resources, food strategies, economic practices
Remerciements
Mes remerciements s’adressent à Madame Brigitte Faugère et Monsieur Stéphen Rostain (UMR 8096) pour leurs observations relatives à cette étude, pour leurs relectures attentives ; de nombreux échanges ont ainsi contribué à enrichir cette réflexion. Je remercie les archéologues de l’équipe INRAP de Guyane pour avoir partagé des discussions qui ont ici permis de développer la réflexion critique sous-jacente à ce travail.
Texte intégral
1Très tôt qualifié de « désert humide » ou d’« enfer vert » selon que l’on évoqua la plaine côtière ou la forêt de l’intérieur, l’environnement de Guyane a ceci de particulier qu’il fut longtemps considéré comme un milieu hostile, inapproprié à une quelconque occupation humaine.
2Les récits de voyages des premiers colons, empreints de l’effroi que suscita la découverte de ces terres d’Amazonie, expliquent en partie cette perception du milieu guyanais. Si les raisons d’une telle représentation sont étroitement liées aux considérations psychologiques et croyances de l’époque, il est certes indéniable que les caractéristiques de cet environnement se révèlent relativement contraignantes dans le cadre d’une installation humaine. Toutefois, quand bien même ces difficultés auraient nécessité la mise en place de « stratégies » d’occupation singulières, adaptées aux impératifs de ce milieu, elles n’ont en aucun cas constitué un frein à l’implantation des groupes précolombiens au sein des différents environnements de Guyane. Ceux-ci ont distinctement occupé la plaine littorale, les berges des fleuves et la forêt de l’intérieur (fig. 1 et 2). Du fait de propriétés géographiques et physiques spécifiques, ces milieux sont très différents les uns des autres ; à chacun correspond donc un mode d’installation et d’exploitation territoriale particulier qui, parce qu’il répond à ces paramètres environnementaux, a permis le développement des groupes qui les ont investis. Les distinctions dans l’établissement de sociétés au sein de milieux qui leur sont « propres » participent ainsi largement des différences culturelles qui les définissent.
3Ces problématiques relatives aux modes d’implantations précolombiennes sur la façade littorale de Guyane font l’objet de recherches réalisées dans le cadre d’un doctorat d’archéologie environnementale. L’occupation de l’espace par ces sociétés amérindiennes y est abordée au travers d’une étude archéogéographique dont l’objectif est d’analyser ces implantations en regard des caractéristiques environnementales qui ont influé sur l’organisation du territoire. L’enjeu est alors d’appréhender les modalités d’occupation de l’espace afin de comprendre le fonctionnement de ces communautés dans leur environnement (aménagement et gestion du territoire, exploitation des ressources, stratégies de subsistance, facteurs culturels et choix alimentaires, etc.), aider ainsi à une meilleure connaissance de ces groupes.
4Ces études archéo-environnementales ont initié une approche nouvelle du système agricole de champs surélevés édifiés sur la plaine côtière de Guyane. Étudiées à plusieurs reprises par S. Rostain (Rostain et Frenay, 1991 ; Rostain, 1991 ; 1994 ; 1995), ces structures ont ici fait l’objet d’une analyse spatiale en vue de déterminer si leur implantation relevait de paramètres environnementaux spécifiques (Clerc, 2006). Il s’agissait donc d’identifier et d’étudier l’exercice d’une possible influence environnementale sur l’aménagement agricole de la plaine côtière ; au-delà, évaluer son impact sur l’occupation et l’exploitation du territoire par les sociétés du littoral guyanais.
5Le territoire est ici compris, en premier lieu, dans sa forme la plus « classique » : un espace singulier caractérisé par un environnement et des paysages propres. Dans le cadre d’une problématique relative à l’occupation et l’exploitation territoriales, cette définition introduit d’autres représentations liées au phénomène d’anthropisation ; le territoire est alors appréhendé en tant qu’espace approprié et géré par des collectivités humaines lui affectant des usages en fonction de leur besoin (Di Meo, 2001). Il représente un espace peuplé, aménagé, artificialisé et exploité (Bertrand et Bertrand, 1992). Dans ce contexte, l’environnement est tout autant gisement de ressources qu’agencement de lieu de vie, justifiant par là même l’importance de déterminer le rôle des milieux dans l’occupation du territoire. Ce dernier s’apparente ainsi à un espace de subsistance et de développement, perçu en terme d’« apport » potentiel de richesses pour ces communautés. Cette dimension économique en fait également un espace de relations et d’échanges qui, s’ils organisent le maillage de ce territoire, contribuent aussi à son élargissement ; différentes échelles d’analyse sont donc nécessaires à son observation : échelle locale, régionale, continentale, etc.
6La question des stratégies alimentaires des sociétés qui ont « construit » ce territoire est, de fait, inhérente à cette notion de territoire. Par conséquent, une étude relative à l’occupation de l’espace et l’exploitation territoriale sur la façade littorale de Guyane, fondée sur cette définition du territoire, traite également des pratiques économiques des communautés précolombiennes.
7Ce travail repose sur un ensemble de données archéologiques issues des différentes investigations (CNRS, ministère de la Culture, AFAN, INRAP, etc.) menées en Guyane à ce jour. Celles-ci concernent les sites d’habitat, sites spécialisés, gisements divers, structures d’aménagement de l’espace et, enfin, ensembles de champs surélevés édifiés sur la plaine côtière. Elle fait également appel à d’importantes données environnementales provenant de programmes de recherches développés par plusieurs organismes (ORSTOM, IRD, BRGM, etc.).
8L’analyse spatiale réalisée à partir de ces éléments met en évidence, sur la plaine côtière, un schéma d’aménagement agricole et d’organisation territoriale très particulier, concentré sur la partie septentrionale. Elle porte un regard nouveau sur ces données en terme d’occupation et d’exploitation territoriales, invitant à articuler notre réflexion autour de questions fondamentales pour ces recherches :
En quoi ces modalités d’occupation du territoire constituent-elles une réponse aux contraintes de cet environnement ; ainsi, en quoi sont-elles représentatives des impératifs qu’il pose mais également des besoins et des priorités définis par ces sociétés ?
Face à d’importants bouleversements sociaux et démographiques, comment ces communautés auraient-elles organisé leur territoire et adapté leur habitat afin d’assurer leur pérennité et satisfaire simultanément à ces exigences environnementales et culturelles ?
9Sur la base de ces observations, cet article tente d’appréhender, dans une perspective diachronique, le mécanisme des stratégies alimentaires qui auraient permis de répondre à l’augmentation des besoins, garantissant la pérennité et, au-delà, l’essor de ces groupes côtiers. Ces pratiques économiques auraient effectivement tenu un rôle prépondérant au sein de la dynamique de développement et d’expansion territoriale de ces populations sur la façade littorale de Guyane. Ainsi, il conviendra de s’interroger sur le fonctionnement et l’évolution d’un modèle économique qui repose sur une exploitation complémentaire des ressources des différents biotopes de la plaine côtière, combinant activités de prédation et production agricole. Cette étude permettra, en outre, d’aborder la question des déterminismes écologiques et culturels des modes de subsistance ; ils sembleraient ici expliquer les moyens mis en œuvre par ces communautés afin d’assurer la prédominance des ressources maritimes et côtières au sein leur économie, et ce, dans le cadre d’une restructuration de cette dernière.
10À ce jour, ces recherches offrent donc d’avancer certaines hypothèses relatives aux stratégies d’occupation et d’exploitation territoriales développées à l’échelle locale, sur la plaine côtière, mais également à l’échelle régionale de la façade littorale. Elles résultent de travaux réalisés dans le cadre d’un DEA d’archéologie environnementale (Clerc, 2006). Elles s’inscrivent, par ailleurs, dans le programme de recherche de l’ACR « Préhistoire de la côte occidentale de Guyane »1 et reposent sur une coopération avec l’INRAP.
11Il importe de signaler que l’archéologie en Guyane souffre d’un développement très récent2 : nombre de difficultés, concernant particulièrement l’analyse des faits archéologiques, sont strictement dues à l’insuffisance des données actuellement disponibles. L’impossibilité d’établir les comparaisons nécessaires à leur identification limite encore considérablement la portée de certaines études. Ainsi, si ces recherches livrent des résultats probants, leur interprétation requiert autant de prudence qu’une nécessaire confrontation à des données complémentaires. Loin d’être le fruit d’un travail achevé, elles attendent encore beaucoup des investigations en cours et à venir ; celles-ci permettront notamment de vérifier et compléter les résultats initiaux.
12L’étude archéo-environnementale proprement dite fera suite à une synthèse des connaissances géographiques et archéologiques sur lesquelles se fondent nos observations. L’analyse spatiale permettra, dans un premier temps, d’examiner les caractéristiques environnementales de l’aménagement agricole sur la plaine côtière, livrant par elles-mêmes des données relativement intéressantes. Cet article s’attachera, dans un second temps, à analyser ces particularités de l’aménagement côtier en terme de pratiques économiques et d’exploitation territoriale. Ici, une mise en parallèle de ces résultats avec l’ensemble des données concernant les groupes précolombiens de Guyane offrira d’approfondir cette réflexion et d’émettre des hypothèses complémentaires. Dans la perspective du développement de ces recherches, il conviendra enfin d’appréhender cette problématique à l’échelle de la façade littorale. L’étude des différents aspects de l’économie des sociétés précolombiennes de Guyane dans un cadre spatio-temporel élargi permettra, entre autre, d’identifier les axes de recherches à investir lors de futurs travaux afin de parfaire nos connaissances actuelles.
Synthèse des connaissances
13Ces recherches font appel aux travaux antérieurs ayant eu pour objectif d’étudier le cadre géographique et archéologique de Guyane et dont les données sont aujourd’hui nécessaires à notre analyse. La présentation qui en est ici faite repose sur différentes investigations menées dans des disciplines complémentaires3.
Contexte géographique
14L’immense forêt amazonienne occupe plus de 90 % du territoire guyanais. Au nord, seule la façade littorale s’affranchit quelque peu de cette chape forestière ; elle présente ainsi des environnements différents (fig. 2).
15La plaine côtière, bordée par l’océan Atlantique, définit un milieu ouvert constitué de savanes et de marais. Sa végétation caractéristique des zones humides offre une grande diversité d’espèces distribuées de façon plus ou moins linéaire le long du rivage. À la mangrove de front de mer succède une alternance de groupements végétaux, variant selon la nature, la salinité et les conditions de drainage du sol : marais subcôtiers dominés par une végétation herbacée plus ou moins parsemés d’arbrisseaux (également qualifiés de « savanes humides » ou « savanes mouillées » du fait de leur inondation permanente), tourbières, marécages boisés, savanes basses de petites herbes en touffe, savanes hautes herbeuses denses et élevées, savanes hautes arbustives abritant buissons et petits arbres et, enfin, îlots de végétation des forêts marécageuses et pinotières déterminent les paysages côtiers.
16Au sud, ils laissent place à l’imposante forêt équatoriale qui déploie ici les prémices de sa dense couverture sempervirente. Un enchevêtrement de plus de 5 000 espèces d’arbres, arbustes, lianes, etc. garnit les collines typiques de cet environnement forestier. Plus complexe et diversifié à mesure que l’on gagne l’intérieur des terres, cet épais manteau vert lui a valu le qualificatif de forêt « impénétrable ».
17Les fleuves enfin parcourent ces différents espaces. Du massif forestier où ils prennent naissance, ils courent à l’océan, représentant actuellement les seules voies de pénétration vers l’intérieur depuis la côte. Au sein des différents milieux qu’elles sillonnent, ces grandes artères fluviales s’accompagnent d’un environnement particulier. L’influence de la marée se fait ressentir très haut en amont des cours d’eau. Ainsi, des formations de mangrove colonisent les rives des estuaires et les berges du cours inférieur des fleuves et rivières. Plus à l’intérieur des terres, le paysage fluvial se distingue encore du milieu environnant par la présence de forêts ripicoles (espèces des forêts marécageuses et pinotières) inféodées aux cours moyens des rivières et fleuves périodiquement soumis aux inondations. Nombre de vallons élémentaires et petites rivières, appelés « criques », rythment les différents milieux de la façade littorale. Particularité majeure de la plaine côtière, une multitude de petits ruisseaux et cours d’eau temporaires contribuent à alimenter les nappes d’eau stagnante de ses marais.
18Le présent article fait part de travaux effectués, dans un premier temps, sur la plaine côtière. Les caractéristiques géographiques de ce milieu ont largement influé sur les modalités de son occupation et de son exploitation. Par conséquent, l’examen de ces paramètres environnementaux est indispensable à l’analyse de ce phénomène.
19La particularité de la plaine côtière est avant tout celle de sa faible altitude de par laquelle elle est directement exposée aux différentes dynamiques littorales. Soumise, de fait, aux balancements intermittents des marées, elle est également soumise, au grès de la migration des bancs de vase, à la pénétration plus ou moins conséquente de l’eau de mer à l’intérieur des terres.4 Le littoral guyanais correspond ainsi à un milieu humide et marécageux, caractérisé par la succession de terrains immergés et de terres inondables.
20La plaine côtière de Guyane est constituée de terrains sédimentaires dont la formation résulte des dépôts accumulés lors des fluctuations du niveau marin qui ont rythmé le Quaternaire (Brinkman et Pons, 1968 ; Prost et al., 1985 ; Prost 1990 ; 1992 ; Grimaldi et al., 1992). L’histoire des rivages guyanais fut principalement marquée par deux maximums transgressifs, l’un pléistocène et l’autre holocène. Ces évènements marins sont à l’origine des deux unités morpho-sédimentaires qui, aujourd’hui encore, définissent le paysage littoral : une haute plaine côtière (ou plaine côtière ancienne), au sud de cet espace, et une basse plaine côtière (ou plaine côtière récente), au nord (fig. 3).
21Daté de 120 000 BP, le haut niveau marin pléistocène, baptisé transgression coswine, donna naissance à une plaine côtière ancienne dont l’altitude est comprise entre 5 et 15 m au dessus du niveau de la mer (Prost et al., 1985 ; Prost 1990, ; Grimaldi et al., 1992). Cet épisode coswine déposa des argiles puis des sables qui façonnent, parfois sur plusieurs kilomètres, de longs cordons plus ou moins parallèles au rivage. Désignés par le terme spécifique de barres prélittorales, ces reliefs sableux, larges en moyenne de 400 à 600 m pour une hauteur maximale de 15 m, confèrent à cette plaine pléistocène un paysage légèrement ondulé (fig. 3). Caractérisée par ce modelé atypique, la haute plaine est davantage « préservée » des dynamiques littorales que la basse plaine ; elle présente donc une alternance de terrains inondables, mais le plus souvent exondés, et de terres émergées.
22La transgression demerara, haut niveau marin holocène culminant à 6000/5000 BP, est à l’origine de la formation d’une basse plaine d’altitude inférieure à 4-5 m (Brinkman et Pons, 1968 ; Prost et al., 1985 ; Prost, 1990). Elle mit en place des argiles ainsi que des dépôts sableux particuliers : les cheniers. Ces formations, d’étroits cordons littoraux disposés de manière relativement parallèle au rivage, ne dépassent pas 200 m de largeur pour une hauteur moyenne de 2 à 4 m tandis qu’elles courent parfois également sur plusieurs kilomètres de long. Elles correspondent aux vestiges d’anciennes plages, témoignant des variations du niveau marin (fig. 3). Du fait de sa faible altitude et de sa position immédiate en front de mer, cette basse plaine est bien davantage contrainte par les différents mouvements marins. Elle est ainsi composée de terrains marécageux et de marais évoluant, au fur et à mesure que l’on s’éloigne du rivage, de conditions d’eau salée à des eaux saumâtres puis douces. Seuls les cheniers émergent légèrement de ces sols inondés en permanence.
Contexte archéologique
23Bien que constituée de terrains inondables à priori peu favorables à une installation humaine, la plaine côtière de Guyane définit un lieu d’occupation privilégié pour d’importants groupes précolombiens. Si ces terres marécageuses furent longtemps supposées impropres à l’agriculture5, l’aménagement d’un système de champs surélevés représenta néanmoins un efficace moyen de mise en culture, offrant de « transformer » cet environnement en un milieu propice au développement de ces communautés.
24Cette technique agricole fut attribuée par S. Rostain (1991, 1994) aux populations arauquinoïdes originaires du moyen Orénoque. Les travaux réalisés par S. Rostain et A. Versteeg (2004) indiquent que ces communautés ont gagné le delta du fleuve Berbice (actuel Guyana) aux alentours de 650 de notre ère. Elles se seraient ensuite installées progressivement le long des côtes des Guyanes au fur et à mesure de leur migration vers l’ouest, jusqu’à l’île de Cayenne, introduisant cette technique culturale par la construction de champs surélevés sur de vastes surfaces inondées et inondables (fig. 4). Leur arrivée dans l’ouest de la Guyane est estimée au xe siècle et leur présence semble y avoir perduré jusqu’au xve siècle6. La mise en culture de ces champs, quant à elle, aurait essentiellement été pratiquée jusqu’au xiie siècle (Rostain, 1994 ; Rostain et Versteeg, 2004).
25Ce mode d’agriculture consiste à cultiver des champs élevés au dessus de l’eau des marais, sous forme de buttes circulaires ou de billons allongés (fig. 5). Grâce au creusement de fossés et canaux destinés à contrôler le niveau et la circulation de l’eau, ces structures ont été édifiées par amas de terre présente à la surface des sols. Si cette technique de surélévation aurait évité l’inondation des cultures, elle aurait également permis d’augmenter le potentiel fertile de ces terrains (aération de la terre, réduction de l’acidité et des gaz nuisibles, accumulation de matière organique, apports possibles d’amendements organiques, etc.) (Rostain, 1995). Ce savoir-faire, adéquat pour la culture des tubercules, semble ici avoir majoritairement été utilisé pour la production de maïs et de manioc7.
26Les sociétés ayant pratiqué cette agriculture semblent principalement avoir installé leur habitat sur d’anciennes plages sableuses ; celles-ci abritent de nombreux vestiges de sites d’habitat de plein air ainsi que de probables sites de production spécialisée (Rostain, 2006). Face à des indices archéologiques en faveur d’une occupation et d’une exploitation relativement intenses de l’espace côtier, des estimations de l’ordre de 50 habitants au km2 ont été proposées8. Si une évaluation démographique demeure difficile, la réalisation de ce système agricole, de par la contribution qu’elle implique et l’importante production agricole qu’elle traduit, est signe d’une densité humaine élevée ; elle témoigne, par ailleurs, de l’existence de communautés suffisamment structurées pour mener à bien une telle entreprise (Rostain, 1994).
27Cette synthèse laisse place désormais à l’analyse et l’interprétation archéogéographiques réalisées sur la base de ces connaissances. L’observation cartographique, dans un premier temps, puis une mise en perspective avec les disciplines connexes à l’archéologie, dans un second temps, offriront d’examiner les caractéristiques de l’occupation et l’exploitation territoriales en regard des mutations sociales et économiques des sociétés précolombiennes de Guyane.
Environnement et organisation spatiale de la plaine côtière : quelle exploitation des ressources littorales ?
Spécificité du schéma d’aménagement agricole
28À partir d’observations cartographiques réalisées entre le fleuve Kourou et la crique Karouabo, l’implantation des champs surélevés sur la plaine côtière guyanaise a fait l’objet d’une étude archéogéographique reposant à la fois sur ces paramètres environnementaux et anthropiques (Clerc, 2006, à paraître). La confrontation de ces données en vue de caractériser la répartition de ces structures a nécessité la mise en place d’une méthode d’analyse particulière adaptée aux éléments qui entrent en jeu dans le cadre d’un aménagement agricole. Celle-ci devait permettre d’observer d’éventuelles correspondances entre l’emplacement des champs surélevés et les différentes propriétés des terrains qu’ils occupent, étudier ainsi l’organisation spatiale de ces aménagements en fonction des caractéristiques du milieu. Pour ce faire, cette étude impliquait la réalisation d’un Système d’information géographique (SIG) auquel intégrer des cartes environnementales spécialisées (cartes topographique, géologique, lithologique, pédologique, botanique, etc.) ainsi que la carte des champs surélevés. Une lecture croisée de l’ensemble de ces éléments a permis d’identifier effectivement des caractéristiques environnementales et spatiales propres au schéma d’aménagement des champs surélevés, donc d’appréhender, au-delà, les modalités d’occupation et d’exploitation de ce territoire.
29L’étude des propriétés géographiques de cet espace côtier constituait un préalable indispensable à l’examen de son aménagement agricole. Ainsi, l’analyse spatiale fut articulée en deux temps : une approche strictement environnementale, suivie d’une observation combinée des facteurs géographiques et anthropiques (Clerc, 2006, à paraître).
30Les données environnementales ont indiqué l’existence de barres prélittorales sur la partie centrale de ce secteur côtier, entre le Kourou et la Karouabo, et dont le profil pédologique est parfaitement représentatif des différents stades d’évolution physique des sols de la haute plaine. Trois classes de sols définissent ces formations :
des sols podzoliques (sols sableux dont l’hydromorphie concerne les seuls horizons superficiels, caractérisés par l’absence de matière organique brute en surface),
des sols ferrallitiques (sols dont la couche superficielle est riche en matière organique, témoignant d’une certaine capacité de rétention d’eau),
des sols hydromorphes (sols soumis à un engorgement temporaire ou permanent de tout ou partie de leur profil favorisant la formation de sols à horizon humique, riches en matière organique) (Turenne, 1977 ; Andrieux, 1992 ; Grimaldi et al., 1992).
Elles sont ici réparties de la manière suivante, selon l’altitude et leur positionnement vis-à-vis du modelé de la plaine côtière :
les sols podzoliques, au sommet des barres prélittorales, occupent le centre de cet espace,
les sols ferrallitiques, en rupture de pente, occupent les flancs nord et sud de ces reliefs,
les sols hydromorphes, à l’aval de ces reliefs, occupent les bas-fonds au sud.
31Au nord, au devant de ce relief des barres prélittorales, les sols de la basse plaine correspondent, quant à eux, aux sols hydromorphes des marais subcôtiers (sols minéraux dont la particularité réside dans la formation d’une couche de matière organique brute en surface) (Turenne, 1977 ; Prost et al., 1985) (fig. 6).
32Cette cartographie croisée avec les données archéologiques disponibles, intégrées au sein de cet espace géographique, a mis en évidence un schéma d’aménagement agricole particulier, régi par des facteurs environnementaux précis (fig. 7).
33Sur cette partie du littoral guyanais, l’analyse spatiale a permis d’observer que les champs surélevés ont spécifiquement été construits sur les sols ferrallitiques des flancs des barres prélittorales, sur les sols hydromorphes des parties basses de ces reliefs et sur les sols des marais (Clerc, 2006, à paraître). Or, seules ces trois catégories de sols réunissent précisément les conditions de base nécessaires à une mise en culture : leur teneur en minéraux et matière organique (éléments nutritifs) associée à leur hydromorphie soutenue assurent ainsi fertilité et alimentation en eau. Du fait de ces propriétés, les sols hydromorphes au sud de ce secteur, les sols des marais, au nord, et enfin les sols ferrallitiques sur les « versants » sud et nord des barres prélittorales définissent les terrains les plus propices à une exploitation agricole. La partie centrale de cet espace sur laquelle se développent les sols podzoliques au très faible potentiel fertile ne constitue pas un secteur favorable à cette activité9 (fig. 7, 8).
34L’emplacement de ces terrains a donc dicté l’aménagement des champs surélevés sur des aires spécifiques de la plaine côtière, de part et d’autre du relief central des barres prélittorales, permettant de conclure à l’exercice d’une réelle influence environnementale sur le schéma d’exploitation agricole du littoral.
35Toutefois, il apparaît clairement que les principaux ensembles de champs surélevés sont concentrés sur la partie septentrionale de ce secteur, sur la basse plaine (fig. 7). Cette organisation territoriale singulière traduit ici une exploitation préférentielle du secteur nord. Cependant, le privilège qui lui est accordé dans le cadre d’une mise en culture peut surprendre lorsque l’on sait que ces basses terres septentrionales, en front de mer, sont inondées en permanence et directement exposées aux dynamiques littorales. Cette préférence peut paraître d’autant plus étonnante que les sols ferrallitiques et hydromorphes au sud de ce secteur présentent l’avantage d’être propices à une exploitation agricole sans toutefois être affectés par ces différents mouvements marins. Cette constatation laisse entendre que d’autres considérations, d’autres « utilisations » de ce territoire, ont été engagées dans le choix d’une mise en culture préférentielle de terrains exposés à de telles contraintes.
36La confrontation des résultats de cette analyse archéogéographique à l’ensemble des données relatives aux sociétés précolombiennes de Guyane devait ensuite aider à comprendre la particularité de ce schéma d’aménagement agricole. Elle devait permettre ainsi de mieux percevoir quelle fut l’exploitation de ce territoire par ces communautés amérindiennes et, au-delà, d’identifier les pratiques économiques ayant assuré leur développement.
Un nouveau mode d’exploitation agricole : bouleversements sociaux et économiques
37À ce jour, différents travaux concernant les groupes amérindiens de Guyane s’accordent à signaler que l’économie « originelle » des communautés vivant sur la plaine côtière, avant l’apparition de la culture de champs surélevés, reposait simultanément sur la collecte des ressources naturelles et sur la culture itinérante sur brûlis (Gillin, 1948 ; Mattioni, 1975 ; Grenand, 1981 ; Hurault, 1989 ; Rostain, 1994).
38Combinant des environnements d’eau salée, d’eau saumâtre et d’eau douce, les ressources naturelles de la plaine côtière sont riches et diversifiées. Ainsi, l’économie de prédation de ces communautés précolombiennes s’articulait autour d’activités complémentaires telles que la chasse d’animaux terrestres, la pêche en eau salée, saumâtre et douce, la cueillette de fruits et de graines ou encore le ramassage de coquillages, d’œufs et de larves, leur permettant de jouir des différents produits de chacun de ces biotopes (fig. 9).
39Parallèlement, les cordons sableux de la plaine côtière, seules terres fermes émergeant des marais, offraient une possibilité de mise en culture. Si ces terrains, très pauvres, sont initialement peu propices à l’agriculture, l’épandage des cendres après abattage et brûlis de la couverture forestière qui s’y développe leur concède une certaine fertilité (fig. 10). La régénération de ces sols n’en autorise toutefois qu’une mise en culture temporaire, impliquant un déplacement régulier des cultures. Ce mode agricole, encore largement pratiquée en Guyane, aurait sensiblement permis de cultiver les mêmes espèces10 que celles que l’on observe aujourd’hui encore dans les abattis amérindiens : manioc et igname essentiellement (Hurault, 1965 ; Mattioni, 1975 ; Hurault, 1989 ; Grenand, 1980).
40La stratégie économique instaurée entre exploitation des ressources naturelles et mise en culture d’abattis aurait assuré jusqu’alors les ressources nécessaires au maintien de ces communautés. L’arrivée des populations originaires du moyen Orénoque provoqua un accroissement démographique, suivi d’une augmentation des besoins alimentaires à laquelle ne pouvaient toutefois répondre ces pratiques (Rostain, 1994). Du fait de la rotation régulière des cultures qu’elle suppose, et de rendements restreints dans ce milieu, l’agriculture itinérante sur brûlis est inadaptée pour des communautés importantes. Qui plus est, lorsque ces nouveaux groupes gagnèrent la plaine côtière, d’intenses pluies provoquaient alors l’inondation des basses terres amazoniennes11, réduisant la surface des rares terrains exondés sur lesquels pratiquer l’essartage.
41La nécessaire augmentation des ressources, conjuguée à l’ennoiement d’une partie des sols cultivables, contraignit ces communautés à acquérir de nouvelles surfaces agricoles. La conception d’un système de champs surélevés, permettant de cultiver des terres submergées jusqu’alors inexploitables, aurait représenté la seule alternative pour subvenir aux besoins croissants des communautés côtières12 (Rostain, 1994). L’ethnographie témoigne également de ce procédé agricole comme d’un recours face à l’augmentation des populations : plus récemment, les groupes palikur13 de Guyane édifièrent des champs surélevés suite à une importante croissance de leur communauté (Grenand, 1981).
42L’aménagement de ce système agricole se présente comme la résultante de pressions démographiques et météorologiques. Il aurait ainsi été dicté par la nécessité d’adaptation du mode de subsistance face à des facteurs nouveaux perturbant la stratégie économique qui garantissait jusqu’alors la pérennité des communautés de la plaine côtière guyanaise. Il témoigne en cela d’une réorganisation de l’économie face à des pratiques n’assurant plus leur équilibre alimentaire. L’introduction de cette technique agricole traduit donc une évolution des modes d’exploitation territoriale.
43Les caractéristiques du schéma d’aménagement des champs surélevés, confrontées à ce qui s’apparente à d’autres particularités de l’organisation spatiale du littoral, offrent de formuler certaines hypothèses concernant la place de la production agricole au sein des ressources de ces communautés et, par conséquent, concernant l’orientation donnée à cette restructuration de l’économie côtière.
Des caractéristiques spatiales révélatrices des stratégies d’exploitation territoriale ?
44Le schéma suivant lequel un territoire est occupé reflète la façon dont les communautés « vivent » cet espace ; qui plus est, les impératifs d’exploitation territoriale conditionnent en partie ce modèle d’occupation. Dans ce contexte, les caractéristiques de l’organisation spatiale sont, de fait, l’expression des « pratiques » faites de cet espace, y compris des différents modes d’exploitation des ressources.
45L’implantation privilégiée des champs surélevés au nord de ce secteur côtier évoque d’autres particularismes de l’occupation littorale par les groupes précolombiens.
46À ce jour, l’ensemble des sites d’habitat que les travaux réalisés par S. Rostain ont permis d’associer à ces installations agricoles (Rostain et Frenay, 1991 ; Rostain, 1994) témoigne d’une implantation spécifique : à l’instar des sites de Léonard et Bois Diable présents sur notre secteur d’étude, ils sont systématiquement localisés au nord, sur la basse plaine, au sommet de cordons sableux de faible altitude (généralement des cheniers holocènes, quelques fois aussi des « résidus » de sédimentation pléistocène), situés à proximité immédiate du rivage (fig. 11). Installés sur les seules terres émergées de la basse plaine, les sites d’habitat présentent la particularité d’être méthodiquement situés au nord des principaux ensembles de champs surélevés (fig. 11). Ce modèle d’installation de l’habitat semble ainsi pouvoir définir un trait culturel des sociétés ayant édifié ces structures agricoles. En outre, il signale également une attirance certaine pour la partie septentrionale de la plaine côtière.
47Si l’établissement de l’habitat au sommet de ces petits reliefs était strictement dû à la recherche de terrains exondés, il pourrait paraître surprenant, une fois encore, que les sommets des barres prélittorales ne leur aient pas été préférés : parce que plus élevées et plus éloignées au sud à l’intérieur des terres, sur la haute plaine, celles-ci, contrairement aux cordons littoraux, ne sont ni ceinturées de marécages inondés en permanence ni affectées (ou très exceptionnellement et aux travers de répercussions indirectes) par les dynamiques littorales. Elles représentent en cela un lieu d’installation plus approprié. De plus, le drainage vertical de ces formations permettant l’évacuation de l’eau pendant la saison des pluies en font un lieu de vie relativement sain (Turenne, communication personnelle).
48Par ailleurs, bien que les données soient encore peu nombreuses, il paraît à ce jour que les autres structures d’aménagement de la plaine côtière (canaux, chemins, voies de navigation) (Rostain et Frenay, 1991 ; Rostain, 1994) ont essentiellement été construites sur cette même partie septentrionale.
49Le privilège accordé au nord de la plaine côtière dans le cadre de l’exploitation agricole serait ainsi vérifié dans le cadre de l’installation de l’habitat. Cette organisation territoriale indiquerait clairement une occupation préférentielle de la partie septentrionale de cet espace côtier. La question soulevée concerne dès lors les facteurs impliqués dans ce choix : alimentaires, écologiques, culturels, sociaux, etc. ?
50Au sein de ce schéma d’aménagement territorial, les sites d’habitat jouissent d’un emplacement stratégique. Pour ce qu’il est possible d’en connaître, ce modèle d’organisation spatiale positionne l’habitat à une distance minimale du rivage (certains des cordons sableux ont probablement été côtiers lors de leur occupation, d’autres auraient été reliés à la côte par des chemins et des canaux) (Rostain, 1994), assurant proximité et facilité d’accès aux ressources maritimes et côtières. Il place également ces sites d’habitat à proximité des principaux ensembles de champs surélevés, vraisemblablement accessibles par des voies de communication (Rostain, 1994), garantissant, dans ce cas, proximité et facilité d’accès aux cultures vivrières (fig. 12). Ces caractéristiques seraient le signe d’une volonté manifeste de concentrer sur un espace défini, alentour des villages, l’essentiel des différentes ressources : ressources des milieux d’eau salée, d’eau saumâtre, d’eau douce et ressources agricoles.
51La faveur concédée au nord de la plaine côtière pour l’édification des champs surélevés, en dépit d’importantes contraintes hydriques, s’expliquerait ainsi par le souhait, si ce n’est la nécessité, de pratiquer l’agriculture sans compromettre une exploitation aisée et directe des produits maritimes et côtiers.
52Face à la croissance démographique, l’espace forestier qui se développe au sud de la plaine côtière offrait d’autres alternatives pour répondre à l’augmentation des besoins. En l’état actuel, ce schéma d’aménagement territorial, centralisé sur la partie nord du littoral, semble toutefois indiquer que la restructuration de l’économie côtière n’a pas concerné de manière significative l’exploitation des ressources sylvicoles. S’il n’exclut pas, bien entendu, l’accès aux produits de la forêt, en revanche, il semble prouver que le modèle économique n’a pas été réorganisé au profit d’une exploitation première ou majeure du milieu forestier. Cette évolution de l’économie n’aurait donc pas engendré un nouveau mode d’exploitation du territoire recentré sur l’espace sylvestre ; elle aurait consisté en une augmentation de la production agricole associée à la continuité de l’exploitation des produits maritimes et côtiers. Autrement dit, le système qui préexistait, associant agriculture vivrière et exploitation des ressources maritimes et côtières, aurait été maintenu. Cependant, l’adoption d’une nouvelle technique de mise en culture serait l’expression d’importantes modifications des pratiques économiques, caractérisées par la transformation des moyens de production agricole en vue d’accroître ses rendements ; preuve d’une transition évidente vers une agriculture « intensive ».
53De la même façon qu’elle aide à mieux appréhender les raisons probables d’un modèle d’implantation septentrionale, l’étude des propriétés du milieu côtier met en évidence une autre alternative d’occupation de la plaine côtière, orientée sur la partie méridionale. Au regard des critères d’installation évoqués précédemment, l’environnement côtier paraît effectivement avoir été propice à l’établissement des groupes sur la haute plaine, au sud de cet espace. Celui-ci permettait d’installer les sites d’habitat au sommet des barres prélittorales et également de concentrer alentour de ces villages différentes ressources alimentaires : la mise en culture de champs surélevés sur les sols ferrallitiques et hydromorphes des flancs et bas-fonds des barres prélittorales, conjuguée à l’exploitation du milieu forestier, auraient ainsi assuré proximité et facilité d’accès à différents produits, sans interdire l’exploitation, dans une certaine mesure, des ressources maritimes et côtières (fig. 13). De plus, comme ce fut expliqué précédemment, ce schéma d’implantation sur la haute plaine sécurisait bien davantage l’habitat et les cultures.
54Quand bien même de telles suppositions appellent à être complétées et vérifiées lors de futures investigations, à ce jour, les témoignages archéologiques de l’organisation territoriale de ces groupes précolombiens de Guyane, observés en quasi-totalité au nord de la plaine côtière, tendent donc à démontrer que ces communautés n’ont pas fait le choix de cet autre mode d’occupation méridionale. De nouvelles données concernant la présence amérindienne plus à l’intérieur des terres côtières justifient néanmoins que l’on s’interroge plus précisément sur l’implantation éventuelle de ces communautés au sud de ce territoire (Rostain, communication personnelle). Toutefois, celle-ci semblerait davantage s’inscrire dans la dynamique de développement et d’expansion territoriale de groupes initialement établis sur la partie nord. Cette hypothèse sera exposée plus bas.
55Si ces communautés ont alors préféré une installation septentrionale à une installation méridionale moins contraignante, plus sécurisée et permettant d’associer également agriculture vivrière et exploitation des ressources naturelles, cette particularité exprimerait, de toute évidence, l’identité, le caractère fondamentalement côtier de ces groupes. La proximité des milieux marin et côtier, l’accès aux produits de leurs différents biotopes auraient ainsi défini une priorité, relevant probablement de choix culturels, et ce, même face à d’importants bouleversements démographiques et sociaux. Ceci expliquerait alors que l’économie et donc la production agricole de ces groupes furent spécifiquement organisées autour d’une exploitation complémentaire des milieux d’eau salée, d’eau saumâtre et d’eau douce.
56La particularité d’un schéma d’aménagement agricole concentré sur la partie nord de la plaine côtière serait le signe d’une adaptation du mode de subsistance reposant sur l’introduction de nouveaux procédés de mise en culture compatibles avec le maintien d’une exploitation « traditionnelle » des produits maritimes et côtiers. Une telle stratégie aurait permis de répondre à des besoins croissants sans nécessiter une réorientation significative de l’économie vers le milieu forestier. Elle aurait ainsi assuré la permanence mais également l’essor de ces groupes amérindiens en instaurant un équilibre différent visant à assurer une part plus importante des ressources par l’agriculture vivrière.
Évolution des pratiques économiques : pérennité et développement des sociétés côtières ?
57De par cette évolution, l’économie côtière aurait garanti la pérennité de ces communautés lors d’importantes pressions démographiques. Mais, plus qu’une simple économie de subsistance, elle aurait également largement participé à leur développement.
58Car si, dans un premier temps, elle leur permit de poursuivre leur migration jusqu’à l’île de Cayenne, il semblerait qu’elle ait ensuite favorisé, dans un deuxième temps, la dynamique démographique engagée avec l’arrivée des populations du moyen Orénoque : l’augmentation de la production agricole ainsi que l’investissement nécessaire à l’élaboration des champs surélevés auraient conduit à une sédentarisation des groupes (Rostain, 1994) d’autant plus propice à leur essor. Certaines données tendent à démontrer que ce double phénomène de sédentarité et croissance des groupes engendra une réorganisation de ces sociétés ; celle-ci aurait généré l’apparition de structures communautaires et sociales (Rostain, 1994) favorisant leur développement. D’autre part, la réorganisation de l’économie par l’adoption de l’agriculture sur champs surélevés aurait permis un excédent de production. Ce surplus aurait tenu un rôle prépondérant dans la mise en place de réseaux d’échanges entre les différentes communautés de la façade littorale de Guyane, soutenant leur dynamique de développement par le biais de leur expansion territoriale (Rostain, 2006). En cela, cette économie côtière représente également une économie de croissance.
De la plaine côtière à la façade littorale, essor d’une économie régionale et perspectives d’étude
59Si ces premiers travaux d’archéologie environnementale réalisés à l’échelle de la plaine côtière nous renseignent sur le modèle économique de ces groupes côtiers, les investigations futures ont pour objectif de traiter cette problématique à l’échelle de la façade littorale. Ces attentes constituent une part importante des recherches envisagées dans le cadre de ce doctorat d’archéologie environnementale.
60Les groupes établis sur la plaine côtière de Guyane auraient ainsi initié leur expansion territoriale en parallèle d’activités commerciales développées avec les communautés forestières. Plusieurs indices archéologiques semblent démontrer que certains d’entre eux auraient migré vers le sud de la plaine côtière. Ils se seraient installés plus en amont sur les cours d’eau afin de se spécialiser dans le commerce avec les groupes de l’intérieur (Rostain, 1994, 2006 ; Rostain et Versteeg, 2004). Cette possible évolution des communautés côtières invite à une reconsidération des données relatives aux différents schémas d’organisation territoriale évoqués précédemment. Car si les stratégies économiques ont intégré ultérieurement des échanges avec les populations de l’intérieur, il est fort probable alors que le mode d’occupation de la plaine côtière fut adapté à ces pratiques nouvelles. La poursuite de cette étude archéogéographique doit permettre de déterminer si les caractéristiques de l’organisation spatiale révélées par ces premiers travaux se vérifient sur l’ensemble de la plaine côtière ; en d’autres termes, si l’occupation et l’aménagement préférentiels de la basse plaine septentrionale définissent effectivement un « marqueur culturel » propre aux communautés ayant cultivé les champs surélevés. Parallèlement, ces recherches doivent apporter des précisions concernant une éventuelle installation de certains groupes sur la partie méridionale de cet espace littoral.
61La présence de champs surélevés au sud de la plaine côtière (fig. 7 et 11), bien que moins significative et variable d’un secteur à l’autre, ainsi que l’existence de sites d’habitat sur les barres prélittorales de la haute plaine pourraient effectivement traduire un schéma d’occupation méridionale du littoral guyanais (fig. 13). Ce modèle d’implantation au sud de la plaine côtière, tel qu’il fut évoqué précédemment, pourrait correspondre au développement de pratiques économiques davantage orientées sur l’exploitation des ressources forestières, et ce, par l’intermédiaire d’échanges avec les groupes de l’intérieur. Car, sans que l’on soit toutefois en mesure d’appréhender parfaitement le mécanisme de cette mutation, il est certain que les communautés côtières ont observé une évolution progressive vers une exploitation notable des ressources forestières, celle-ci devant les conduire, à terme, à un système économique intégrant ces produits à part entière.
62Ces contacts entre communautés garantissaient l’échange de marchandises propres à chacun de ces biotopes et que certains groupes semblent avoir exploitées ou produites spécifiquement à cette fin (Rostain, 2006). La diversité des ressources des environnements côtiers, fluviaux et forestiers aurait assuré la complémentarité des systèmes économiques des différentes communautés. L’exploitation des milieux d’eau salée, d’eau saumâtre et d’eau douce associée à la production agricole des sociétés côtières ainsi que l’exploitation des ressources forestières (notamment du gibier) (fig. 14) des sociétés de l’intérieur auraient participé d’un système économique régional garantissant, en grande partie, l’équilibre alimentaire des divers groupes amérindiens de Guyane.
63Si l’échange de biens de subsistance occupait vraisemblablement une place prépondérante au sein de ce commerce, celui-ci servit également à la circulation de matières premières. Il semble notamment que l’absence, sur le littoral, de gisement de roches adéquates pour la fabrication d’outils ait engendré la mise en place d’un réseau d’approvisionnement depuis l’intérieur (Rostain, 2006 ; Rostain et Versteeg, 2004). Cet apport aurait principalement été dicté par l’augmentation de la production agricole suite à la mise en culture des champs surélevés : un rendement accru impliquait effectivement de disposer d’outils suffisamment nombreux et appropriés pour la culture, la récolte et la préparation de quantités plus importantes (dents de râpes à manioc, percuteurs, meules, molettes, etc.). Si certains groupes de l’intérieur, notamment les groupes Koriabo14, se seraient installés spécifiquement sur les berges des cours d’eau afin de contrôler ces échanges commerciaux, d’autres se seraient spécialisés dans l’extraction, la manufacture et la diffusion de roches et d’outils lithiques (essentiellement des lames de haches) destinés aux communautés côtières (Rostain, 2006).
64D’autres matières premières encore, produits « de luxe » réservés à la confection d’objets de prestige, ont alimenté ces réseaux. La diffusion de matériaux périssables, tels le bois, les plumes, les coquillages, est, de fait, très peu documentée. En revanche, la circulation de produits durables, à l’instar des amulettes en pierre verte caractéristiques de l’aire amazonienne, est davantage renseignée (Boomert, 1987 ; Rostain, 2006), ainsi propice à l’étude des contacts entre communautés.
65S’il existe actuellement plusieurs données concernant les circuits commerciaux organisés entre les différentes communautés précolombiennes de Guyane, d’importantes investigations sont indispensables afin de comprendre le mécanisme de ce qui pourrait avoir constitué un système économique régional, développé à l’échelle de la façade littorale.
66Un important travail d’identification culturelle et chronologique des différentes traces de la présence amérindienne sur la côte guyanaise est nécessaire afin de vérifier les hypothèses ici présentées et mieux appréhender les stratégies adaptées à cet espace côtier. Celui-ci repose à la fois sur l’acquisition de données nouvelles et sur une analyse comparative des données disponibles à ce jour. Il devrait permettre également de définir plus précisément le rôle des groupes côtiers au sein des réseaux d’échanges entre littoral et intérieur et, par conséquent, participer d’une meilleure connaissance de ces circuits commerciaux.
67Les recherches à poursuivre impliquent donc de compléter ces résultats et replacer les données locales de la plaine côtière au sein de la problématique plus générale des échanges instaurés sur la façade littorale de Guyane. L’étude de ces éléments à une échelle spatiale et chronologique plus importante doit permettre d’analyser ce modèle côtier en tant que composant d’un réseau d’interactions entre les communautés côtières, fluviales et forestières. Il s’agit ainsi d’aborder diverses problématiques concernant les modes d’occupation et d’exploitation des différents biotopes, le fonctionnement et la complémentarité des modèles économiques, la spécialisation des groupes ou encore leur développement et expansion territoriale ; ainsi comprendre au mieux l’appropriation de ce territoire guyanais par les communautés précolombiennes.
Conclusion
68Dès lors que l’on s’intéresse aux interactions sociétés/milieux dans l’aire amazonienne, l’imposant système de champs surélevés de la plaine côtière guyanaise représente un objet d’étude incontournable. Une analyse archéogéographique en a ainsi été réalisée en vue d’identifier les facteurs environnementaux ayant agi sur cette entreprise anthropique. Les résultats obtenus ont mis en évidence un schéma d’aménagement très particulier, concentré sur un secteur septentrional affecté par d’importantes dynamiques littorales. S’il fut en grande partie contraint par les propriétés géographiques de la côte, il ne répond toutefois pas strictement aux impératifs que ce milieu lui aurait dictés. Reposant sur le postulat selon lequel l’occupation de l’espace reflète, dans une certaine mesure, les modes d’exploitation territoriale, qui plus est lorsqu’il s’agit d’un aménagement agricole, il apparaissait que ce phénomène puisse nous aider à comprendre les activités de subsistance des communautés côtières.
69Les résultats de l’analyse archéogéographique, soutenus dans un second temps par divers apports de disciplines connexes, ont permis d’observer différents modes d’exploitation des ressources et de formuler plusieurs hypothèses concernant les stratégies alimentaires instaurées sur la façade littorale de Guyane. En l’état actuel de nos connaissances, il semblerait que le passage du premier au deuxième millénaire, période charnière marquée par l’installation de nouveaux groupes sur le littoral, fut témoin d’une importante évolution des pratiques économiques.
70Des pressions démographiques et météorologiques seraient à l’origine d’une restructuration de l’économie. Face à l’augmentation des besoins, celle-ci présenterait la particularité de ne pas s’être orientée significativement sur l’acquisition d’autres produits disponibles dans cet environnement. Il n’y aurait pas eu de changement des stratégies économiques ; le schéma conjuguant agriculture vivrière et exploitation des ressources maritimes et côtières aurait perduré, à la différence près que la production agricole y aurait tenu une place beaucoup plus conséquente. L’introduction d’une nouvelle technique de mise en culture aurait permis de multiplier les rendements, expliquant vraisemblablement que les besoins croissants des populations n’aient toutefois pas engendré un développement notoire de l’exploitation du milieu forestier. En outre, des choix culturels semblent également avoir été engagés dans la préférence d’une occupation septentrionale garantissant un accès direct aux ressources maritimes et côtières.
71Ainsi, dans un contexte où les groupes amérindiens de Guyane ont précisément adapté leurs modes alimentaires aux ressources propres à chaque biotope que chacun d’eux a occupé spécifiquement, l’apparition de réseaux d’échanges entre communautés revêt une importance toute particulière. Si ces interactions ont permis d’assurer un équilibre alimentaire reposant sur la complémentarité des modèles économiques, elles initièrent également l’expansion territoriale de ces populations parallèlement à l’essor de circuits commerciaux diversifiés.
72Cette étude met en évidence certains faits à partir desquels plusieurs hypothèses sont émises. L’on espère beaucoup des futures investigations afin de compléter, vérifier et développer ces données. Ces problématiques relatives aux fonctionnements des groupes amérindiens dans leur milieu naturel illustrent tout l’intérêt qu’il y a à encourager davantage une collaboration étroite avec les sciences susceptibles de relayer l’archéologie en difficulté. L’étude de sociétés pas ou peu déculturées du bassin amazonien (Grenand et Grenand, 1996) peut manifestement lui venir en aide lorsqu’il est question de déterminismes écologiques et culturels des choix alimentaires. À l’instar des travaux de P. Grenand (1996), certaines observations actuelles concernant les « pratiques » de l’environnement, stratégies alimentaires et modes d’exploitation territoriale, permettent de précieuses confrontations avec l’archéologie ; elles l’aident ainsi à la compréhension de faits dont elle seule ne peut obtenir qu’une connaissance partielle.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Action collective de recherche ; projet dirigé par S. Rostain, note de recherche publiée dans le Journal de la Société des Américanistes, n° 89.
2 Les premières fouilles archéologiques en Guyane furent réalisées à partir de 1968. Divers organismes furent ensuite créés afin d’offrir un cadre institutionnel à ces travaux. Toutefois, jusqu’au milieu des années 1980, ceux-ci ne dépassèrent que rarement le stade des ramassages de surface et simples inventaires de sites. Depuis une vingtaine d’années seulement des fouilles d’envergure et prospections systématiques sont réalisées : la mise en place de programmes de recherche, les travaux réalisés par le CNRS, le SRA, l’IRD, l’AFAN et aujourd’hui l’INRAP ont récemment permis un réel essor de l’archéologie en Guyane.
3 Depuis plusieurs décennies, d’importantes études réalisées dans différentes disciplines des sciences de la Terre ont été consacrées aux littoraux guyanais. L’analyse ici faite de l’environnement côtier repose sur les résultats de ces investigations effectuées, pour la plupart, dans le cadre de programmes de recherche développés par divers organismes tels que le BRGM, l’ORSTOM (actuel IRD) ou l’IGN. Elle s’appuie, entre autre, sur les travaux de P. Blancaneaux (1981), R. Brinkman et L. J. Pons (1968), G. Cremers (1990), J. J. de Granville (1986), M. Grimaldi et al. (1992), E. Palvadeau (1999), M.-T. Prost (1990, 1992), M.-T. Prost et al. (1985), J. F. Turenne (1977). Les données archéologiques exposées dans cette synthèse des connaissances résultent, quant à elles, des différentes investigations menées par P. Frenay, S. Rostain et A. Versteeg.
4 Le terme générique « dynamiques littorales » fait ici référence à l’ensemble des mouvements marins qui affectent le littoral, qu’il s’agisse de processus à très courts termes, tels que les marées, ou de processus à moyens termes, tels que le déplacement des bancs de vase. Dictée par divers facteurs atmosphériques et océaniques, la migration des vases le long des côtes guyanaises provoque l’envasement et le désenvasement alternatif de la bande côtière. La présence ou l’absence de ces bancs de vase, auxquelles répond l’avancée ou le recul de la ligne de rivage, explique la pénétration des eaux de mer, plus ou moins conséquente, à l’intérieur des terres. À l’échelle de plusieurs dizaines d’années, le trait de côte est, de fait, en perpétuel mouvement (Prost et al., 1985 ; Prost, 1990 ; 1992).
5 La réalisation de polders au xviiie siècle par les colons fut longtemps considérée comme la première mise en culture de ces terrains marécageux.
6 Au vu de certaines datations 14C plus récentes encore, il semble que quelques survivances de ces groupes se soient maintenues jusqu’au xviie siècle (Rostain, 1994).
7 Pour une explication détaillée concernant l’élaboration et la mise en culture de ces structures, consulter S. Rostain et P. Frenay (1991) ainsi que S. Rostain (1991, 1994).
8 Ces estimations reposent sur les travaux réalisés par J. Hurault dans différentes régions tropicales (Rostain, 1994).
9 Les champs surélevés sont significativement absents des sols podzoliques. Si de très rares structures y ont été observées, leur localisation témoigne de plusieurs particularités ayant fort probablement permis d’améliorer les propriétés de ces sols ou, du moins, d’en limiter les désagréments (Clerc, 2006 ; à paraître).
10 Hors espèces introduites lors de la période coloniale.
11 Ce phénomène serait dû à des conditions météorologiques particulières, extrêmement humides, qui s’exercèrent entre 1300 et 800 BP (Colinvaux et Miller, 1985).
12 La mise en culture de champs surélevés n’est toutefois pas nécessairement synonyme d’un abandon de l’agriculture sur brûlis ; ces deux pratiques semblent avoir pu être utilisées parallèlement (Rostain, 1994).
13 Les Palikurs sont l’un des groupes amérindiens vivant actuellement en Guyane, principalement installés à l’embouchure de l’Oyapock. Constituant probablement la plus ancienne communauté amérindienne de Guyane, ils seraient les héritiers d’une culture précolombienne originaire du moyen Amazone (Mattioni, 1975 ; Rostain, 1994).
14 L’apparition de la culture Koriabo est datée aux environs du xiie siècle. La présence de ces groupes précolombiens dont l’origine demeure douteuse (moyen Amazone ou centre des Guyanes) est attestée sur l’ensemble des Guyanes, caractérisée par l’implantation de sites sur les berges des principales artères fluviales. Leur progression vers l’aval des fleuves leur aurait permis de gagner progressivement la région côtière où cette culture semble avoir perduré jusqu’au xviiie siècle (Rostain, 1994 ; Versteeg, 2003).
Auteur
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne – UMR 8096 : Archéologie des Amériques. Sujet de thèse : Habitats, sociétés et occupation de l’espace sur la façade littorale de Guyane à l’époque précolombienne.
Directeur : B. Faugère.
Date de soutenance prévue : 2012.
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Appréhension et qualification des espaces au sein du site archéologique
Antoine Bourrouilh, Paris Pierre-Emmanuel et Nairusz Haidar Vela (dir.)
2016
Des vestiges aux sociétés
Regards croisés sur le passage des données archéologiques à la société sous-jacente
Jeanne Brancier, Caroline Rémeaud et Thibault Vallette (dir.)
2015
Matières premières et gestion des ressources
Sarra Ferjani, Amélie Le Bihan, Marylise Onfray et al. (dir.)
2014
Les images : regards sur les sociétés
Théophane Nicolas, Aurélie Salavert et Charlotte Leduc (dir.)
2011
Objets et symboles
De la culture matérielle à l’espace culturel
Laurent Dhennequin, Guillaume Gernez et Jessica Giraud (dir.)
2009
Révolutions
L’archéologie face aux renouvellements des sociétés
Clara Filet, Svenja Höltkemeier, Capucine Perriot et al. (dir.)
2017
Biais, hiatus et absences en archéologie
Elisa Caron-Laviolette, Nanouchka Matomou-Adzo, Clara Millot-Richard et al. (dir.)
2019