Conclusion
Bilan de la deuxième Journée doctorale d’archéologie
p. 265-268
Texte intégral
1L’École doctorale Archéologie de l’université Paris1 Panthéon-Sorbonne organise chaque année, depuis 2006, une Journée doctorale. L’objectif de cette manifestation est de fédérer les doctorants en leur donnant l’occasion de présenter une communication en rapport avec un thème choisi de manière collégiale. À l’instar de la première Journée doctorale d’archéologie (2006), cette deuxième journée se voulait révélatrice de la diversité des problématiques de recherche menées, au sein de l’École doctorale, par les doctorants dont les travaux de recherche couvrent un champ d’investigation très large, tant du point de vue chronologique (de la Préhistoire à l’époque moderne) que géographique (Europe, Asie, Afrique, Amérique, Océanie). La journée a donné lieu à une dizaine de communications, qui sont regroupées dans ce volume, autour de la thématique « Territoires et économies ».
2Avec les concepts de « culture archéologique » et d’« aire culturelle » celui de « territoire » est au cœur des problématiques de la recherche archéologique. Les différentes acceptions de la notion de « territoire » imposent au préalable que l’on définisse ce concept : il désigne usuellement un espace géographique occupé par un groupe d’individus ; néanmoins la notion de territoire peut couvrir plusieurs échelles (aire d’approvisionnement, aire d’échanges, aire culturelle). La thématique choisie pour cette journée invitait à définir les caractéristiques économiques d’un territoire et ce à travers différents médias (culture matérielle, environnement, données historiques...).
3Les différentes communications présentées autour de ce thème couvrent une grande variété d’aires chrono-culturelles : l’Europe (1), l’Afrique (1), la Polynésie (1), la Nouvelle-Calédonie (1), le Mexique (4) et le Pérou (1) de la préhistoire à la période moderne. Ces exposés, d’excellente qualité pour la plupart, ont souvent été suivis de discussions enrichissantes qui ont compté pour autant dans le succès de la journée.
4Dans l’introduction P. Brun propose une synthèse sur la notion de territoire en insistant sur le caractère polysémique de la notion. Ce faisant, il dresse ainsi ce qui doit être le dénominateur commun aux divers articles qui suivent.
5L’article de C. Carlier « La pêche dans les sociétés préhistoriques polynésiennes. Analyses d’hameçons et étude ethnoarchéologique » illustre la possibilité d’une démarche ethno-archéologique en Polynésie. Il permet d’aborder la question des choix technologiques en fonction des contraintes et des possibilités naturelles comme des habitudes culturelles.
6La contribution de C. Leduc est consacrée à l’étude des « stratégies d’acquisition et d’exploitation des ressources animales à partir d’un habitat maglemosien (Mésolithique ancien d’Europe du nord) en contexte lacustre à Mullerup (Sjaelland, Danemark) ». L’auteur montre que le choix d’exploitation est défini en fonction de l’espèce chassée mais aussi des besoins, quantifiés au préalable, des mésolithiques.
7Ensuite, S. Bortot nous présente « les structures de stockage du massif du Barajas. Un regard sur l’économie de subsistance d’une population du Centre-Nord du Mexique à l’Épiclassique (650-900 apr. J.-C.) », tentative pour reconstituer les denrées alimentaires stockées dans ces structures par les populations locales.
8L’article de V. Wright porte sur la « circulation des pigments sur le territoire Mochica, côte nord du Pérou (ie-ixe siècle apr. J.-C.), l’apport de l’analyse physico-chimique à la compréhension de l’organisation sociale ». Cette synthèse préliminaire des analyses et des études sur les peintures murales, par-delà les problèmes de conservation, permet d’aborder des perspectives anthropologiques, comme l’identification d’une catégorie socio-économique d’artisans, ou la localisation potentielle d’ateliers.
9Suit l’étude de L. Clerc sur l’« occupation de l’espace et exploitation territoriale sur la façade littorale de Guyane : stratégies économiques des communautés précolombiennes (xe-xiie siècles apr. J.-C.) ». À travers une approche géoarchéologique, l’auteur essaie de déterminer la complémentarité entre les milieux côtier et forestier de la façade littorale de Guyane et dresse ici une première synthèse sur les stratégies économiques de ces populations.
10L’article d’É. Dotte nous présente les « modes d’exploitation et d’intégration au sein des territoires Kanak précoloniaux des ressources végétales forestières (IIe millénaire apr. J.-C). Approche ethno-archéo-anthracologique en Nouvelle-Calédonie », article dans lequel l’auteur explore la place de la forêt dans la vie matérielle et idéelle des Kanak à travers des approches anthracologiques et ethno-archéologiques pionnières.
11Sont ensuite présentés, par M. Sergheraert, les « impacts de l’expansion territoriale mexica sur l’économie des cités soumises (Mexique central, 1430-1520 apr. J.-C.) ». Par le biais d’études de cas systématiquement examinées, les données archéologiques pourraient confirmer la mise en place de tributs dans les cités soumises, par ailleurs connues par les textes. L’auteur montre l’utilité de la mise en parallèle des sources ethno-historiques et archéologiques.
12La contribution de K. Lefebvre sur « Acámbaro (Guanajuato, Mexique) : stratégies territoriales au Postclassique récent et au début de la colonisation espagnole (xve-xvie siècles). Un exemple de l’exploitation économique d’une région » tente de montrer comment se manifestent les modifications introduites dans les stratégies territoriales, notamment sur l’extraction des métaux précieux, l’introduction de l’élevage ou celle de nouvelles espèces végétales.
13Pour clore le volume T. Vallette se pose la question suivante : « lors de la dernière aridification du Sahara (4500-2000 BP), les vastes concentrations humaines des marges du désert ont-elles été un indice pertinent d’une économie de (dé)croissance ? » L’auteur tente, à partir d’une étude technologique des productions lithiques individuelles corrélée à celle de l’évolution du milieu, de discuter de phénomènes sociaux. Il montre ainsi qu’un lien existait entre le climat s’aridifiant, la position topographique et l’extension de l’habitat.
14Les économies dites de prédation – les pêcheurs de Tahiti (C. Carlier) ou encore les chasseurs du Danemark (C. Leduc) – côtoient les économies dites de production – les Tarasques de la région d’Acámbaro (K. Lefebvre) ou les Kanaks de Nouvelle-Calédonie (É. Dotte). De plus, les matériels à partir desquels les doctorants développent leur travail de recherche sont variés, témoignant ainsi de la richesse des approches possibles pour appréhender la problématique des territoires et des économies : les pigments (V. Wright), les tributs (M. Sergheraert), les structures de stockage (S. Bortot), l’outillage lithique (T. Vallette), les systèmes agricoles (L. Clerc)…
15Les différentes interventions montrent toute la difficulté que l’on a à appréhender les questions relatives aux définitions des territoires et ce quelle que soit l’aire chrono-culturelle étudiée. Il semble que l’analyse d’un territoire repose certes sur la définition de ses limites géographiques mais aussi sur l’étude de ses structures politiques, religieuses ou encore socio-économiques. Si les analyses techno-typologiques montrent encore une fois toute leur pertinence (Vallette, Carlier), d’autres approches développées ici, comme l’analyse des matériaux, apparaissent également convaincantes et susceptibles de rendre perceptible des éléments de la dynamique structurelle d’un territoire.
16Pour conclure, l’un des apports les plus nets de cette journée est que toutes ces approches ne sont véritablement opérationnelles que lorsqu’elles sont étroitement combinées et associées ; la démonstration en a été donnée par un certain nombre de communications proposant une approche régionale que l’on qualifiera d’intégrée ; approche la mieux à même de déboucher sur une véritable modélisation des territoires.
17Dans les actes de cette journée, en plus d’une documentation archéologique fort riche et le plus souvent inédite, glanée sur les cinq continents, les lecteurs trouveront matière à alimenter la réflexion sur les liens entre économie et territoire dans les sociétés du passé. Une réflexion stimulante qui fait espérer que ces rencontres thématiques deviendront un rendez-vous incontournable de l’École doctorale Archéologie.
Auteurs
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne – UMR 7041 : Archéologie et sciences de l’Antiquité
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne – UMR 7041 : Archéologie et sciences de l’Antiquité
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Appréhension et qualification des espaces au sein du site archéologique
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2016
Des vestiges aux sociétés
Regards croisés sur le passage des données archéologiques à la société sous-jacente
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2015
Matières premières et gestion des ressources
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2014
Les images : regards sur les sociétés
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2011
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De la culture matérielle à l’espace culturel
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2009
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L’archéologie face aux renouvellements des sociétés
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2017
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2019