Images de dieux, images d’ancêtres : aperçus sur la religion antique dans la cité des Bituriges cubes
p. 181-212
Résumés
Nous nous intéressons dans le cadre de cet article à deux types de représentations figurées : les personnages assis en tailleur et les bustes sur socle. Ces statues, aux traits jugés « indigènes », ont d’abord suscité l’intérêt des antiquisants. Elles ont fait récemment l’objet de nouvelles études par les spécialistes de la protohistoire. Parmi les cités de Gaule, la cité des Bituriges Cubi se distingue par le fait qu’elle concentre un grand nombre de ces figurations. Il s’agit de s’interroger sur la nature des cultes liés à ces représentations et plus largement sur l’évolution de l’iconographie religieuse en Gaule dans un contexte historique d’intégration à l’orbite romaine.
This article deals with two types of illustrated representations : characters sitting as a tailor, cross‒legged and busts on base. These statues, with features deemed “indigenous”, have initially aroused the interest of the archaeologists of the Antiquity and were recently the subject of new studies by the specialists in the protohistoric period. Among the cities of Gaul, the civitas of Bituriges Cubi distinguishes itself by the fact that it gathers many of these figurations. It is a question of wondering about the nature of the cults related to these representations and more widely on the evolution of religious iconography in Gaul in a historical context of integration into the Roman orbit.
Entrées d’index
Mots-clés : religion, Bituriges Cubi, divinités, ancêtre, sculptures, culte public, culte privé, laraire
Keywords : religion, Bituriges Cubi, gods, ancestor, sculptures, public cult, private cult, lararium
Texte intégral
1Le présent article s’inscrit dans le cadre d’une recherche menée en doctorat, sous la direction de F. Dumasy, intitulée : « Sanctuaires, cultes et pratiques rituelles : la religion dans la cité des Bituriges Cubes ».
2Le cadre géographique de notre recherche est celui du territoire d’un peuple celte de Gaule centrale intégré à l’Empire romain, à partir d’Auguste, au sein de la province d’Aquitaine1 (cf. fig. 1). Le cadre historique que nous retiendrons ici est nécessairement diachronique, couvrant les périodes laténienne et romaine, afin d’apprécier les continuités et les évolutions dans le domaine des manifestations religieuses. Conformément au thème proposé pour la journée de l’école doctorale, cette communication s’attache plus particulièrement aux données fournies par l’iconographie. Comme dans les autres cités, les images religieuses dans la cité des Bituriges Cubes sont constituées par des bas‒reliefs et des statues en ronde‒bosse en pierre ou en bronze représentant des entités divines anthropomorphes. Leur étude présente trois principaux écueils méthodologiques dont il n’est pas inutile de rappeler l’impact sur notre cadre interprétatif.
3En premier lieu, le contexte archéologique d’une statue est une clé essentielle de sa compréhension. Or, une grande partie des documents iconographiques de notre inventaire sont des trouvailles anciennes et nous ne disposons que d’informations lacunaires sur leur découverte. Deuxièmement, le contexte stratigraphique fait encore plus souvent défaut : la majorité des documents ne sont pas datés. Seules les analyses typo‒chronologique et stylistique permettent de proposer une classification. Les résultats fournis par ces méthodes ne doivent pas faire office de datation absolue puisqu’elles reposent sur une grande part de subjectivité. Ainsi, C. Nerzic restitue l’évolution stylistique de la sculpture sur pierre gallo‒romaine : d’un art jugé primitif, dérivé de la sculpture sur bois (qui semble avoir été privilégiée chez les Gaulois), vers des œuvres plus conformes aux canons romains (Nerzic, 1989). Les monuments les plus emblématiques sont considérés comme s’ils étaient les marqueurs d’étapes sur la voie de la romanisation. Troisièmement, l’absence de témoignage écrit antique grève les tentatives d’analyse et d’interprétation du symbolisme religieux gaulois et gallo‒romain. Cependant, tout en gardant à l’esprit les risques de surinterprétation2, il est possible de s’appuyer sur des comparaisons signifiantes, sélectionnées dans le monde gaulois comme dans le monde méditerranéen. C’est ainsi qu’il est possible d’approcher les mentalités religieuses antiques. Ainsi, bien qu’il faille les manier avec prudence, les sources iconographiques demeurent un matériau brut pour l’étude des religions antiques, constituant des témoins assez fiables des dévotions.
4Parmi le fond iconographique disponible dans la cité biturige, un ensemble de statues aux traits jugés proprement indigènes a plus particulièrement attiré l’attention des chercheurs. Cet ensemble a été divisé lors des recherches récentes en deux groupes, souvent rassemblés dans les publications en raison de la présence fréquente du torque (Deyts, 1998). Le premier groupe de sculptures en ronde‒bosse ou en bas‒relief présente un personnage de face dont la caractéristique principale est d’être assis, les jambes croisées devant lui et repliées l’une sur l’autre. Le second groupe rassemble des rondes‒bosses figurant sur un socle le buste d’un personnage, le tout formant une sorte de stèle.
5Nous tenterons d’analyser les représentations issues de la cité des Bituriges Cubes, en les décrivant, en précisant leur contexte archéologique et en les comparant. Nous ferons le point sur les informations qu’elles apportent à la compréhension des mentalités religieuses antiques.
6Comme beaucoup de thèmes liés à la religion en Gaule, ces deux types de représentations présentent un lourd passif historiographique. Leur caractère indigène, puisque celles‒ci sont totalement inconnues du répertoire iconographique romain, a fortement marqué l’esprit des chercheurs. Ces figurations ont longtemps été interprétées comme des divinités gauloises. Le personnage divin assis en tailleur est souvent identifié à Cernunnos dans les publications (par exemple Deyts, 1998, p. 78), même si certains avis divergent3. C’est le nom qui figure sur le pilier des Nautes4 : (C) ERNUNNOS. Il est admis que le théonyme désigne le dieu « coiffé, sommé (de bois) » pour ne pas dire cornu (Duval, 1993, p. 38). L’inscription accompagne une effigie en bas‒relief d’un personnage coiffé de bois de cerf mais dont on ne sait, en raison de l’absence de la partie basse de la représentation, s’il était présenté assis en tailleur. Les personnages représentés en buste ont suscité diverses interprétations : P. Lambrechts les intégrait dans son groupe des dieux‒têtes (Lambrechts, 1954, p. 67‒90) et F. Benoit pensait qu’il s’agissait de représentations de défunts héroïsés (Benoit, 1969, p. 44‒46). Il était assez communément admis, jusqu’à ces dernières années, que ces images étaient majoritairement attribuables à l’époque romaine, à l’exception des statues de Gaule méridionale (cf. infra). Les Gaulois n’auraient jamais représenté leurs dieux de manière anthropomorphe avant la période augustéenne ; ce postulat étant généralement illustré par le célèbre passage de Diodore de Sicile relatant le pillage du sanctuaire de Delphes par les Galates, au cours duquel leur chef, Brennus, « se prit à rire de ce que les dieux soient montrés avec une forme humaine et soient dressés là en bois ou en pierre » (Bibliothèque historique, Livre XXII, 9). Certains auteurs interprètent ces séries de statues comme l’illustration d’un certain conservatisme religieux gaulois face à la romanisation des croyances. Ainsi, pour C. Jullian, ces figures minoritaires dans l’imagerie gallo‒romaine possèdent « une dose d’inspiration originale, une part d’indigénat et de caractère national » (Jullian et Goudineau, 1993, t. 2, p. 141). Ce type de réflexion, révélatrice du contexte d’écriture de l’historien de la Gaule, se retrouve également dans des publications plus récentes. À l’exemple de S. Deyts qui parle de « nationalisme de la pose accroupie et du torque » dans un récent catalogue d’exposition, le torque étant considéré comme un « élément d’une véritable identité nationale » (Deyts, 1998, p. 18). C. Nerzic, dans sa synthèse sur la sculpture en Gaule romaine (Nerzic, 1989, p. 70), pense que « la perpétuation en pleine période romaine de ces statues sans grande recherche artistique paraît bien relever d’une attitude volontariste des druides tentant de sauvegarder contre l’autorité romaine, leurs prérogatives religieuses ».
7Nous allons voir que certaines recherches récentes incitent à reconsidérer ces représentations et à nuancer, voire réviser leur interprétation.
Les personnages assis en tailleur
8Dans la bibliographie, la posture assez singulière de ces personnages a été désignée par différents vocables : on parle de pose bouddhique (ce rapprochement avec le panthéon indien est dû aux historiens des religions du xixe siècle qui étaient à la recherche de témoignages de la religion originelle des Indo‒européens), de personnage accroupi ‒ce qui est physiologiquement faux– ou assis en tailleur. Nous retiendrons cette dernière formule plus juste et plus évocatrice.
9Nous avons recensé 65 figurations de personnages assis en tailleur dans l’ensemble de la Gaule (cf. fig. 2). Ce type de représentation correspond à une iconographie qui se développe au moins à partir de la fin du vie siècle avant notre ère, principalement en Gaule Méridionale5. 21 statues sont connues en Gaule Méridionale, concentrées principalement sur trois sites (cf. fig. 2) : Glanum (3), Roquepertuse (2) et Entremont (5). Ce groupe était daté jusque récemment du iie siècle avant notre ère, mais les travaux de P. Arcelin et A. Rapin (Arcelin et Rapin, 2003 ; Arcelin et Gruat, 2003) ont permis de réévaluer les chronologies : les statues de Glanum et Roquepertuse auraient été érigées à la fin vie ou au tout début du ve siècle avant notre ère et celles d’Entremont appartiendraient à une seconde phase attribuée à la fin du ive siècle ou au tout début du iiie siècle avant notre ère. La recherche actuelle tend à interpréter ces représentations comme les images de personnages défunts, guerriers ou ancêtres (l’un n’excluant pas l’autre) dont la mémoire était vénérée en raison de leur rôle dans la collectivité.
10La cité biturige présente une densité remarquable de représentations de personnages assis en tailleur : si on écarte le groupe de Gaule méridionale, elle est celle qui en a livré le plus grand nombre parmi les peuples de Gaule intérieure (cf. fig. 2). Le groupe est constitué de dix sculptures : neuf statues en ronde‒bosse et un bas‒relief (fig. 3). Toutefois, ces dernières représentent un nombre relativement faible par rapport à la totalité des représentations religieuses inventoriées (342 références relevées à ce jour).
11Hormis celle retrouvée sur la commune de Quinssaines6, toutes ces statues ont été découvertes dans des agglomérations antiques dites secondaires : Saint‒Marcel/Argentomagus, Néris‒les‒Bains/Neriomagus, Saint‒Ambroix/Ernodurum et Vendoeuvre‒en‒Brenne (cf. fig. 3). Il s’agit de petites villes qui présentent à la période romaine des traits urbains plus ou moins affirmés (Dumasy, 2001b, p. 83). Sur le plan religieux, ces villes apparaissent comme des centres importants du polythéisme antique puisqu’elles ont livré de nombreux vestiges de cultes à des divinités indigènes, romaines et orientales ainsi que les témoignages de dévotion privée au pouvoir impérial. Ces statues aux traits indigènes prennent donc place au sein de panthéons locaux variés ouverts aux influences extérieures. En ce sens, il semble qu’il faille nuancer l’idée d’affirmation identitaire que symboliseraient ces statues selon certains auteurs.
12Comme nous l’avons déjà évoqué plus haut, la posture est la caractéristique commune à toutes ces sculptures. Nous avons rassemblé dans un tableau (fig. 4) les principaux éléments descriptifs de ces statues. Malgré l’existence de ces caractéristiques, il est remarquable que ces statues présentent des styles et une iconographie variés, ce qui pose des problèmes d’identification et de datation. Leur posture, les objets, animaux ou personnages ou parèdre les accompagnant confèrent à ces figurations des traits originaux, propres à la religion gauloise et gallo‒romaine. La position « assis en tailleur » ainsi que le torque fréquemment représenté au cou ou dans une main du personnage constituent sans doute des marqueurs de majesté chez les Gaulois. Même si certains auteurs, s’appuyant sur le texte de Strabon (Géographie, 4, 4, 3), affirment que cette pose n’a rien de sacré, mais illustre plutôt le fait que les Gaulois avaient coutume de s’asseoir par terre (par exemple : Grenier, 2001, p. 397‒398). La majorité est vêtue d’un grand manteau ou tunique, ce qui selon S. Deyts est un « emprunt incontestable à l’imagerie de majesté divine chez les Romains7 ». Leur caractère hiératique est conforté par la présence d’attributs. La plus grande des statues d’Argentomagus, recueillie dans les niveaux de démolition du temple 1, porte sur son socle une inscription qui peut être restituée : […N] V [M (INI)]·AVG (VSTI)·E [T…]. Cette formule, hommage au pouvoir impérial, est traditionnellement suivie dans les dédicaces religieuses du nom d’une divinité qui est ici manquant. Cette inscription se poursuivait peut‒être sur une autre base de statue comme le pensait C. Merleau‒Ponty8.
Fig.4. Tableau descriptif des représentations de personnages assis en tailleur de la cité biturige
Lieu de découverte (commune, lieu-dit) | Contexte de découverte | Support du personnage | Vêtements | Attributs | Personnage ou animal | Dimensions | |
Néris-les-Bains, Les Crots | Nécropole d’époque romaine, hors contexte stratigraphique. | Aucun | Tunique sans manches | Torque au cou et bracelet à l’avant-bras droit. Le personnage tient un objet indéterminé dans les mains (guirlande, torque ouvert, serpent ?). | / | 0,57 m de largeur 0,91 m de hauteur | |
Néris-les-Bains, les Villates | Habitat gallo-romain (villa ?). | Coussin (?) | Indéterminé | Indéterminé | Sur un même socle le personnage assis en tailleur est accompagné d’un personnage féminin debout vêtu d’une longue robe drapée. | Inconnues. | |
Quinssaines, | Contexte archéologique inconnu. | Fauteuil à accoudoirs et haut dossier. | Manteau drapé | L’évasement de sa tunique au niveau des cuisses forme une corbeille contenant des fruits. | Un bélier se tient à sa droite ; il glisse sa tête sous la main du personnage et la tend vers les fruits. | 0,27 m de largeur 0,45 m de hauteur | |
Saint-Ambroix-sur-Arnon, la Pièce du Praslin | Habitat gallo-romain occupé de la seconde moitié du Ier siècle avant notre ère jusqu’au Ve siècle de notre ère. Contexte stratigraphique inconnu. | Coussin | Manteau drapé sur le buste fixé par une fibule. | Objet non identifié : sac, gâteau, fruit ? | Un serpent monte sur le côté gauche du personnage qui le tient de sa main gauche. | 0,28 m de hauteur | |
Saint-Marcel, les Mersans, Musée | Fouilles du musée, en place dans un laraire situé dans la cave d’une habitation du Ier siècle de notre ère et détruite au début du IIIe siècle. | Coussin | Blouse de couleur verte tenue par une fibule sur l’épaule droite et braie verte quadrillée de rouge, une étole sur l’épaule droite. | Torque au cou et bracelet au poignet droit. | Un serpent se trouve le long de la jambe et du bras gauches. Il est accompagné au sein du même édicule, par un autre personnage assis dans un fauteuil. | 0,49 m de hauteur | |
Saint-Marcel, les Mersans, Temple 1 | Sanctuaire d’époque romaine, dans les niveaux de destruction à l’extérieur du temple 1. | Le personnage est assis sur un coussin. La base de la statue sert de support à une inscription : […N] V [M (INI] AVG (VSTI) E [T…]. | Tunique courte serrée à la taille par une ceinture et manteau rejeté sur les épaules. | / | / | 0,40 m de largeur 0,52 m de hauteur | |
Saint-Marcel, les Mersans, Temple 3 | Sanctuaire d’époque romaine, temple 3, dans les niveaux d’abandon. | Personnage assis directement sur le socle. | Tunique courte fendue sur le côté, ceinture et pantalon, trace d’une éventuel protège-nuque d’un casque-capuche. | Torque au cou et bracelet à chaque bras. L’évasement de sa tunique au niveau des cuisses forme une sorte de corbeille. | / | 0,12 m de largeur 0,175 m de hauteur | |
Saint-Marcel, les Ripottes | Contexte archéologique inconnu. | Personnage directement assis sur le socle. | Manteau agrafé sur l’épaule droite. | / | / | 0,31 m de largeur 0,36 m de hauteur | |
Saint-Marcel, rue Hors les Murs | Contexte archéologique inconnu. | Personnage assis directement sur le socle. | Vêtement indéterminé (statue très abîmée). | Attribut non identifiable. | Une statuette de déesse-mère a été découverte au même endroit. | 0,54 m de largeur 0,56 m de hauteur | |
Vendœuvres, Église Saint-Étienne | Bloc réemployé dans les soubassements de l’église. | Aucun support figuré. | Blouse serrée à la taille par une ceinture et manteau fixé à l’épaule droite par une fibule. | Cornes de cerf sur la tête, torque tenu par un personnage secondaire, bourse posée entre ses deux jambes. | Encadré par deux petits personnages nus débout (génies ?), accompagnés de deux serpents. | 0,24 m de largeur 0,48 m de hauteur |
13L’hypothèse de la nature divine de ces personnages de la cité biturige nous semble donc la plus plausible9, d’autant que trois représentations d’Argentomagus ont été découvertes en contexte de sanctuaire (cf. tableau fig. 4). Reste à établir quelle(s) divinité(s) a (ont) le privilège de siéger « assis en tailleur ». Cette posture est‒elle réservée au dieu Cernunnos comme certains auteurs le pensent ? Cette divinité a été clairement identifiée sur la stèle de Vendoeuvres‒en‒Brenne par sa ramure de cervidé. Mais six statues sur neuf présentent entre autres mutilations une décollation de la tête empêchant de confirmer cette identification. Les trois statues ayant conservé leur tête ne sont pas ornées de bois de cerf comme c’est le cas pour une majeure partie des représentations de divinités assises en tailleur trouvées en Gaule : sur 65 représentations de personnages assis en tailleur, 22 ont conservé leur tête, 4 seulement portent des bois de cerf. La divinité cornue est par ailleurs illustrée par quelques statues qui le représentent dans des postures différentes.
14Le recensement des attributs et des compagnons représentés sur 33 sculptures de Gaule livre quelques informations sur les fonctions de la divinité. La bourse ou sac de monnaies (7 occurrences), la corbeille ou le plat (6 occurrences) parfois rempli de fruits ou de gâteaux, ou encore la corne d’abondance (2 occurrences) ou la patère (4 occurrences) évoquent l’abondance : sur les stèles de Reims et de Vendoeuvres‒en‒Brenne, le dieu semble même dispenser la richesse. Le serpent (10 occurrences dont 3 criocéphales), le cerf (1 occurrence) ou ses bois représentés sur la tête du dieu révèlent sans doute son lien avec le monde de l’Au‒delà. Ces deux animaux possèdent un rôle psychopompe dans la symbolique chtonienne antique ; grâce à leurs capacités régénératrices (la mue du serpent et le renouvellement annuel de la ramure du cerf), ils ont pu également constituer des symboles d’immortalité de l’âme10. La bourse, le serpent, ainsi que le bélier (3 occurrences) rapprochent clairement la divinité assise en tailleur des représentations du Mercure gallo‒romain. Une statuette découverte sur la commune du Pouy‒de‒Touges (Haute‒Garonne) illustre directement ce lien puisque Mercure, identifié par son pétase, siège assis en tailleur (CAG 31/1, p. 307). Les attributs et les compagnons de la divinité mêlent symbolisme gaulois et romain et révèlent une nature complexe. Il est intéressant de noter un rapprochement évident avec certaines statues figurant un dieu assis sur un fauteuil ou bien debout, parfois accompagné d’une parèdre, possédant les mêmes attributs, le serpent et la bourse étant les plus fréquemment représentés. Dans la cité biturige, les statues de Néris‒les‒Bains et de la Guerche‒sur‒Aubois sont ainsi à rapprocher des représentations d’assis en tailleur (cf. fig. 5 et 6).
15La série de statues trouvées à Saint‒Marcel/Argentomagus est emblématique des problèmes d’identification de la divinité représentée. La découverte de cinq exemplaires dans la même agglomération pourrait indiquer une vénération particulièrement forte d’une personnalité divine unique. Mais il est difficile de conforter cette hypothèse eu égard à la variété iconographique et stylistique de ces statues (cf. fig. 3). Le personnage trouvé dans le temple 3 du sanctuaire des Mersans illustre bien la difficulté d’interprétation. La présence d’anneaux de bras, d’un éventuel couvre nuque et son style iconographique distinguent cette statuette des autres représentations bituriges et également de l’ensemble des découvertes en Gaule intérieure. Ses caractéristiques (vêtements et parures) le rapprochent nettement des statues de guerriers découvertes en Gaule méridionale. S. Deyts y voit une copie en modèle réduit des guerriers, représentés en taille naturelle, de Glanum à Saint‒Rémy‒de‒Provence. Si le rapprochement stylistique est évident, l’écart chronologique entre les exemplaires du Sud de la France et celui d’Argentomagus pose le problème de l’évolution dans l’utilisation religieuse de ce type de représentation. Comme l’a remarqué S. Deyts (Coulon et al., 1992, p. 20), un détail vestimentaire l’apparente à la figure divine que l’on pense reconnaître dans les autres représentations bituriges : l’évasement de la tunique sur le devant forme une sorte de corbeille destinée à contenir des offrandes. Cet attribut est présent sur d’autres statues représentant un personnage assis en tailleur : celle de Quinssaines, chez les Bituriges, celle de Chassenon chez les Lémovices, celle d’Etang‒sur‒Arroux chez les Eduens. S. Deyts pense que la statue de Saint‒Marcel pourrait être un point de départ stylistique du ou des dieux assis en tailleur, élément de transition entre les guerriers héroïsés de Gaule méridionale et les dieux de Gaule centrale.
16J.‒P. Guillaumet, qui prend en compte une partie de la documentation disponible en Europe tempérée, classe les représentations en deux groupes selon la présence ou l’absence d’attribut (Guillaumet, 2003). Il date le premier ensemble, sans attribut, de La Tène A et B. Les statues qui présentent des offrandes ou des attributs apparaissent à la suite du premier groupe, à la Tène C. Parmi elles, il distingue : « les statues à la surface très lisse, sans doute peintes, sont considérées comme plus anciennes que celles dont les plis de vêtements, très marqués, sont plus représentatifs de la sculpture gallo‒romaine ». (Guillaumet, 2003, p. 181). Il est impossible de dater avec certitude la fabrication et l’utilisation religieuse de ces sculptures. Cependant l’iconographie du groupe biturige s’apparente, notamment avec les plis de vêtements très marqués, aux canons de la sculpture gallo‒romaine. Les contextes de découverte vont dans le sens de cette identification : l’ensemble des sculptures étant attribuables au Haut‒Empire (cf. tableau fig. 4). La statue de Néris, à la surface plus lisse, pourrait appartenir à un type i conographique légèrement plus ancien que certains auteurs datent de La Tène finale (Gomez de Soto et Milcent, 2002, p. 264 ; Krausz, 2008, p. 98 et 100). Ainsi, pour la Gaule centrale, cette hypothèse est attestée par la découverte d’une statue de personnage assis en tailleur trouvée sur l’oppidum des Châteliers à Amboise dans un contexte stratigraphique daté des années 70 à 30 avant notre ère (Peyrard, 1982). L’identification de ces personnages plus anciens fait encore l’objet de discussion. Certains tendent à penser que la nature divine de ces images n’apparait pas avant la période augustéenne (notamment Deyts 1998, p. 80), tandis que d’autres n’hésitent pas à dater l’apparition de ce phénomène religieux du ier siècle avant notre ère. Le point d’achoppement est constitué par l’identification et la datation de l’objet le plus connu du monde celtique : le chaudron de Gundestrup. Les recherches récentes concluent à l’identification d’un objet produit sans doute par des artisans thraces ou daces pour des Celtes orientaux au cours du IIe ou du Ier siècle avant notre ère (Megaw, 2005, p. 172 et Moscati, 1991). P.-M. Duval, à la suite du chercheur anglais P.P. Bober (Bober, 1951), considérait que l’origine de l’iconographie de Cernunnos était plus ancienne, mentionnant notamment son image gravée sur un rocher au Val Camonica en Italie au ive siècle avant notre ère (Duval, 1993, p. 21).
17L’iconographie des personnages assis en tailleur est donc marquée par une continuité entre les périodes laténienne et romaine, ce qui suggère un ancrage profond dans les mœurs religieuses des Gaulois. Mais la fonction de ces images évolue de figurations de personnages, notables et guerriers considérés comme des héros, à la fin du premier Âge du Fer et au début du second, à celles d’un personnage divin dont l’image prend forme à la Tène D et se développe à la période romaine. Le groupe biturige illustre un personnage divin protéiforme, dont les caractéristiques principales pourraient être son lien avec le monde de l’outre‒tombe et ses fonctions d’abondance. Son nom est-il Cernunnos ? La présence de bois de cerf ne pourrait être qu’un attribut illustrant un événement particulier de la mythologie de cette divinité. Sa place au sein du panthéon biturige est assurée seulement à la période romaine, comme le prouve la découverte de statues en contexte de sanctuaire public à Argentomagus. Cette divinité, absente jusqu’ici du chef‒lieu de cité biturige, n’a pas l’importance d’un dieu national comme le Mercure Dumias des Arvernes. Il ne semble pas être le vecteur d’une éventuelle « identité nationale11 ». Ses attributs l’ancrent plutôt concrètement dans la réalité de la religiosité de ses dévots. Il apparaît au sein de la cité biturige comme une divinité localement importante, comme à Argentomagus ou Neriomagus, au sein d’un panthéon très développé et ouvert aux influences.
Les bustes sur socle (fig. 4)
18Le second groupe de sculptures, plus restreint, est celui des bustes sur socle tel qu’il a été défini en 1999 par Y. Menez. Ces statues représentant des personnages en buste étaient destinées à être ancrées dans le sol ou sur un support. Elles sont composées de trois éléments de bas en haut : une base, un buste et une tête. Ce type de statuaire, diffusé dans une grande partie de la Gaule, était jusqu’à récemment daté de l’époque romaine. Les découvertes de Paule sur la commune de Saint‒Symphorien (Côtes d’Armor) ont remis en cause ce postulat. Quatre statues ont été trouvées sur ce site interprété comme une forteresse aristocratique, occupée durant toute la période laténienne (Menez et al., 1999). Trois d’entre elles ont été recueillies dans un remblai d’abandon daté du dernier tiers du iie siècle avant notre ère et la quatrième dans un dépotoir au sein du comblement du fossé d’enceinte daté de la première moitié du Ier siècle avant notre ère. Y. Menez propose d’interpréter ces sculptures comme des effigies de personnages défunts, des ancêtres auxquels était rendu un culte familial. L’auteur dresse un parallèle avec l’Italie républicaine où une coutume similaire, pratiquée par la noblesse romaine, est « illustrée par la présence d’autels des ancêtres dans plusieurs riches demeures, notamment la maison de Ménandre à Pompéi où quatre bustes, probablement en bois, ont été retrouvés dans une niche du péristyle bordant le jardin » (ibid., p. 404). Cette série de statues constituerait donc le reflet d’un lignage aristocratique gaulois destiné à conserver le souvenir des personnages illustres de la famille. L’auteur fait l’inventaire de ce type de figuration sur l’ensemble de l’espace géographique gaulois (ibid., p. 393-400).
19Quatre des statues recensés par celui-ci appartiennent à la cité biturige (voir fig. 7) : une à Châteaumeillant (Hugoniot et Gourvest, 1961), une à Levroux (Krausz et al., 1989), une à Orsennes (Coulon, 1990) et une à Perassay (ibid.). Deux autres statues sont susceptibles d’être intégrées à ce groupe : l’une découverte au sein du sanctuaire des Mersans à Saint‒Marcel/Argentomagus (cf. fig. 4 ; Picard, 1972, p. 327) et la seconde recueillie à Bourges (cf. Gomez de Soto et Milcent, 2002, p. 263 note 2). Il est possible d’insérer les exemplaires bituriges au sein d’un ensemble de la Gaule du Centre comme l’ont proposé G. Coulon (Coulon, 1990), et plus récemment P.‒Y. Milcent et J. Gomez de Soto (Gomez de Soto et Milcent, 2002). Ainsi, ces derniers recensent les statues de Paulmy (Indre et Loire), de Limoges (Haute‒Vienne), d’Ars (Creuse) et d’Aschères‒le‒Marché (Loiret).
20Plusieurs détails sont communs à ce groupe (fig. 7). Le visage est inexpressif. Une importance particulière est accordée à la tête qui est le seul élément figuré en ronde-bosse : on observe la figuration de moustaches et de chevelures complexes. Comme l’ont remarqué, J. Gomez de Soto et P.-Y. Milcent, les bras ramenés sur le corps de certains personnages accentuent leur hiératisme (Gomez de Soto et Milcent, 2002, p. 263). Le seul attribut qu’ils possèdent est le torque qu’ils portent autour du cou. Sur l’exemplaire de Levroux, aucun collier n’est sculpté, mais S. Krausz pense que « l’aspect particulièrement poli de la pierre (autour du cou) autorise à penser qu’elle pouvait porter un accessoire amovible » (Krausz, 2008, p. 101). Le torque est considéré comme un attribut symbolique de la noblesse gauloise, marqueur de majesté. Il est remarquable que les traits du visage et des cheveux aussi sommaires stylistiquement qu’ils puissent paraître, individualisent et caractérisent chacun de ses personnages.
21G. Coulon avait suggéré en 1990 d’interpréter ces statues comme des représentations de personnages défunts que la postérité avait élevés au statut de héros (Coulon, 1990). Dans leur synthèse, J. Gomez de Soto et P.-Y. Milcent datent l’ensemble des bustes sur socle de Gaule centrale du iie siècle avant notre ère comme le proposait déjà Y. Menez. Se référant à la démonstration de ce dernier, les auteurs identifient ces images comme des effigies d’ancêtres (Gomez de Soto et Milcent, 2002).
22Il convient à mon avis d’examiner de plus près le contexte archéologique des découvertes de Gaule centrale. Or, cinq statues proviennent de fouilles récentes :
À Levroux, la statuette se trouvait dans une fosse comblée de matériel de La Tène D1b (100‒80 av. J.‒C.). Au sein de la même fosse, mais dans une unité stratigraphique différente, une ramure de cervidé complète ainsi que deux polissoirs ont été mis au jour. Le reste du mobilier, céramiques et faune, était de nature purement détritique.
À Châteaumeillant, la statue a été recueillie dans le comblement supérieur d’un puits attribué aux années 30‒20 avant notre ère et surmontait une couche d’andouillers de cervidés.
La statuette de Limoges a été mise au jour près du sanctuaire augustéen, dans une fosse qualifiée de votive et comblée dans la première moitié du ier siècle de notre ère.
Le buste de Saint‒Marcel/Argentomagus a été trouvé dans les niveaux de destruction, datés de la fin du iiie siècle de notre ère, du temple 1 du sanctuaire.
23Les contextes d’abandon ainsi que l’état d’usure des statues de Levroux et de Châteaumeillant confirment les datations hautes proposées. Mais, la découverte des autres statues en contexte gallo‒romain pourraient inciter à nuancer l’hypothèse de la datation synchrone de ce groupe, étayée sur le critère, finalement assez subjectif, de leur homogénéité stylistique12. Il est notable, par ailleurs, qu’aucun des sites ne correspond à un habitat aristocratique clairement identifié comme à Paule. La découverte du terrain Rogier à Levroux, au sein d’un village à l’économie vouée essentiellement au commerce et à l’artisanat, pourrait signifier l’existence d’un culte similaire au sein d’une famille ou de tout autre groupe social plus modeste. En revanche, le dénominateur commun de ces découvertes pourrait être le caractère religieux ou du moins rituel du contexte archéologique. Ainsi, pour J. Gomez de Soto et P.-Y. Milcent, l’association à Levroux et à Châteaumeillant, au sein d’un même comblement, d’une statuette mutilée et de bois de cerf pourrait relever d’un geste d’offrande (Gomez de Soto et Milcent 2002, p. 264). Les inventeurs de la statue de Levroux rejettent l’interprétation de dépôt rituel, en raison de la nature détritique du comblement de la fosse, mais admettent que l’association d’objets remarquables révèle un dépôt volontaire dont la signification demeure inaccessible (Krausz et al., 1989, p. 90 ; Krausz, 2008, p. 101). A. Duceppe-Lamarre pense, qu’au vu du contexte archéologique particulier de la statue de Levroux, l’hypothèse du caractère divin du personnage représenté est à envisager (Duceppe-Lamarre, 2002, p. 294).
24Le caractère funéraire de l’iconographie de ces statues parait pourtant vraisemblable13 ; on pourrait d’ailleurs les rapprocher de certaines stèles funéraires gallo‒romaines représentant des personnages en buste (cf. fig. 8). Nous adhérons à l’hypothèse de représentations d’ancêtres formulée par Y. Menez. Mais il est tentant de penser que certaines statues ont pu être réutilisées au cours du ier siècle avant notre ère et peut‒être plus tardivement dans un cadre religieux communautaire.
25Ces statues sont donc les principaux témoignages de la vénération que les Gaulois portaient à leurs morts et plus particulièrement aux ancêtres qu’ils ont déifiés. Ce fait religieux semble désormais bien attesté pour la période laténienne et même antérieurement14. En revanche, aucune publication récente ne fait état de la survie de ce type de phénomène à la période romaine. Seul le culte des dieux Mânes dont la présence est scandée par les inscriptions funéraires pourrait évoquer des croyances proches. Mais il est difficile de savoir comment les provinciaux comprenaient ce concept bien romain. L’utilisation quasi systématique du terme Dis Manibus dans le formulaire funéraire de l’ensemble du monde romain semble tout à fait formelle ou, du moins, évoque une croyance universelle en l’idée très générale et assez vague de l’immortalité de l’âme. La formule est considérée par J.-A. Hild comme un hommage formel rendu aux morts considérés comme des êtres surnaturels (Hild, 1904b, p. 1572‒1574). La notion de Mânes est pour l’auteur « celle qui exprime le mieux la croyance à une certaine immortalité de l’âme après la dissolution du corps » (p. 1572), mais elle implique tous les morts d’une même famille et non un défunt en particulier.
Le laraire d’Argentomagus (fig. 6)
26Dans la cité biturige, une découverte pourrait évoquer un tel phénomène. Lors de la fouille préalable à la construction du musée d’Argentomagus, a été mis au jour un ensemble architectural, daté du milieu du IIe siècle et interprété comme une domus, comprenant « deux pièces en sous-sol, un rez-de-chaussée et au moins un étage » (Coulon, 1998, p. 3)15. L’abandon de cette construction, marqué principalement par le remblaiement des pièces en sous‒sol, intervient dans le courant du iiie siècle de notre ère (ibid., p. 4). Une de ces pièces abritait une sorte d’oratoire découvert in situ (fig. 9). Le contexte est domestique et donc révélateur d’une religiosité restreinte au cadre familial. Le monument est formé d’un petit édicule aux parois internes peintes. Il abrite deux statuettes de personnages assis ; une pierre symbolisant un phallus était placée entre eux ; au premier plan, une table d’offrandes. La figurine la plus grande est celle d’un dieu assis en tailleur que nous avons évoqué (fig. 3 et 4). L’autre personnage, plus petit, est assis dans un fauteuil, les mains sur les genoux, et tient une bourse dans sa main gauche (Coulon, 1996, p. 145).
27La structure s’apparente au laraire romain, autel privé des domus italiennes qui constitue « le temple miniature qu’habitent les divinités et qui abritent leurs figurines » (Santrot, 2007, p. 81). Pour G. Coulon, le monument d’Argentomagus se distingue de l’archétype du laraire par le fait qu’il se trouve dans une cave. L’auteur voit, dans cette particularité dont il répertorie plusieurs occurrences en Gaule, la survivance d’une tradition purement gauloise (Coulon, 1989). L’identification de la pièce où est localisé le laraire comme cave ne semble pourtant pas assurée, car elle ne paraît pas située en sous‒sol d’un bâtiment (information F. Dumasy).
28Plusieurs indices permettent de préciser la nature du culte rendu dans cette pièce. La petite table placée devant les personnages est probablement destinée à recevoir des offrandes. Le phallus, objet aux vertus apotropaïques, évoque la fécondité et donc la survie de la famille à travers sa descendance. La bourse est symbole d’abondance et de richesse. Le culte domestique renvoie à des préoccupations matérielles. La présence du personnage assis en tailleur, dieu dispensateur de richesse, dont l’importance à Argentomagus est attestée par la découverte de quatre autres statues, confirme cette impression. Mais, comme nous l’avons souligné plus haut, ce dieu marque également un lien avec le monde de l’au‒delà. Le serpent qu’il tient dans sa main est un animal appartenant à la symbolique chtonienne, dans laquelle il joue fréquemment un rôle psychopompe en guidant les êtres dans leur changement d’état.
29Un autre détail illustre ce lien avec l’au‒delà. La tête du personnage assis dans un fauteuil présente une particularité : « une sorte de calotte terminée par une queue ou une patte d’animal qui pend sur la nuque et le haut du dos » (Coulon, 1996, p. 145). Comme l’ont déjà noté différents auteurs16, le buste sur socle découvert sur la commune d’Orsennes, situé à une quinzaine de kilomètres au sud d’Argentomagus porte une coiffe sensiblement analogue que certains ont pu interpréter comme une toque à queue de renard (fig. 10)17. Ce détail est à rapprocher de nattes ou de mèches de cheveux retombant sur l’épaule, figurées sur quelques statues d’époque gauloise, dont notamment le buste sur socle de Bozouls (fig. 11), qu’Y. Menez avait inclus dans son groupe d’effigies d’ancêtres, le buste en bois découvert dans le fossé de l’oppidum d’Yverdon‒les‒Bains (Brunetti, 2001), une statue représentant la divinité assise en tailleur découverte sur l’oppidum des Châteliers à Amboise (Peyrard, 1982), ainsi que des effigies sur des monnaies gauloises des Rèmes (De la Tour et Fischer, 1992, pl. XXXII – potin 8124). La cité éduenne offre un parallèle intéressant dans la statuaire de l’époque romaine : il s’agit d’une figurine découverte sur la commune de Cosne‒sur‒Loire (Nièvre), à la limite entre les cités éduenne et biturige (cf. fig. 12). Le personnage est assis devant une petite table ronde à un seul pied et tient dans chaque main une patère à manche remplie d’offrandes. Il est coiffé de deux nattes sortant d’une sorte de bonnet. Le contexte de sa découverte n’est pas connu, mais on peut se demander si la statuette ne prenait pas place dans un laraire, tant sa ressemblance avec l’ensemble d’Argentomagus est frappante.
30Ainsi, il serait possible de reconnaître, dans l’ensemble des signes iconographiquement proches que nous avons énumérés, un symbole fort, la concrétisation d’une réalité abstraite. Cet élément identifiait probablement, pour ceux qui en connaissaient la signification, la nature et la fonction du personnage représenté. Une des pistes d’interprétation possible est donnée par Tacite qui rapporte que le peuple germain des Suèves avait comme particularité « de ramener leurs cheveux d’un côté en les nouant pour les fixer » afin notamment de se démarquer des autres Germains et de distinguer les hommes libres des esclaves (La Germanie, XXXVIII, 2). Dans le cadre interprétatif du culte des ancêtres, que nous adoptons, nous pensons que ce symbole n’était pas forcément lié au personnage représenté quand il était vivant, mais plutôt à son état ou à son rôle après la mort. À titre d’hypothèse, nous mentionnons l’interprétation des auteurs du Dictionnaire des symboles, qui voient dans la tresse de cheveux du personnage de Bozouls un lien entre le monde réel et l’au‒delà des morts (Chevalier et Gheerbrant, 1982, p. 529). F. Benoit a formulé une hypothèse similaire à propos d’une des statues d’Entremont : la natte, représentée de manière ostensible sur cette statue serait le « cheveu d’or qui rattache l’homme à la vie et que coupent les Parques dans les mythes antiques » (Benoit, 1969, p. 61). Dans la même lignée, la calotte se terminant par une queue d’animal, présente sur trois statuettes citées ci‒dessus, pourrait symboliser un animal passeur d’âmes. Le renard, par exemple, possède ce rôle psychopompe dans certaines légendes du monde celte (Chevalier et Gheerbrant, 1982, p. 643). Cet élément, tiré du folklore, est bien sûr à considérer comme une illustration et non comme une preuve d’une réalité antique.
31Si de telles hypothèses relèvent de la conjecture, il semble possible de constater que l’analogie iconographique entre les statues de Saint‒Marcel et d’Orsennes, géographiquement proches, mais sans doute chronologiquement éloignées, révèle une filiation idéologique rattachant vraisemblablement le personnage du laraire à l’ancien culte des ancêtres familiaux. Plusieurs détails notables les différencient néanmoins. La statue d’Argentomagus n’est pas une représentation en buste même si, dans son corps disproportionné, le buste et la tête constituent les éléments proéminents. Contrairement à l’ensemble des bustes sur socle de Gaule centrale, le personnage du laraire tient dans ses mains un attribut à l’instar de la figurine de Cosne‒sur‒Loire. La présence de ces objets constitue une évolution de la sculpture religieuse gallo‒romaine nourrie des concepts romains. Elle révèle la volonté d’illustrer, chez ces personnages, le rôle de bienfaiteur, de protecteur de la famille. C’est en ce sens qu’ils se confondent avec le culte domestique des Lares romains, et plus particulièrement celui du Lar familiaris18. Cette comparaison paraît évocatrice pour notre propos, d’autant que certains auteurs latins de la fin de la République et du début de l’Empire et, à leur suite, certains historiens de la religion romaine, identifient le Lar familiaris à un ancêtre déifié à l’origine de la gens, tenant le rôle de protecteur du lignage familial19. Un tel courant de pensée pourrait illustrer des conceptions religieuses romaines proches du culte des ancêtres chez les Gaulois. La fréquence de l’association de la représentation des Lares avec celles de serpents dans les laraires de Pompéï pourrait également abonder dans ce sens (Feugere, 2007, p. 3).
32La construction, au sein d’un édifice d’Argentomagus, d’un édicule destiné sans doute au culte domestique résulte de l’adaptation du modèle romain du laraire, mais la présence de personnages aux traits purement gaulois relève plutôt de la persistance d’une tradition familiale attachée au culte des ancêtres. Le personnage à la natte ou à la queue d’animal correspondrait à l’ancêtre, bienfaiteur de la famille, identifié ou non au Lar romain. Il serait accompagné du dieu chtonien assis en tailleur : le premier jouerait le rôle d’intercesseur pour les vivants auprès du second. Ces deux fonctions sont les caractéristiques principales du culte des ancêtres, tel qu’il a été identifié par les anthropologues chez de nombreux peuples20.
Conclusion
33Ces différents documents éclairent, en partie, la nature de la religion antique au sein de la cité biturige. La série des personnages assis en tailleur représente une divinité polyfonctionnelle et protéiforme qui pourrait s’apparenter localement à Mercure. La série des bustes sur socle et le laraire d’Argentomagus évoquent l’importance dans la cité des Bituriges et sans doute plus largement en Gaule, du culte des morts et des ancêtres divinisés, célébré dans un cadre privé de piété familiale, en dehors du cadre officiel. Les deux séries illustrent des croyances évoluant dans un contexte historique d’échanges économiques et culturels soutenus avec les civilisations méditerranéennes, puis d’intégration à l’Empire romain. Ainsi, la présence de représentations d’apparence indigène dans l’imagerie gallo‒romaine n’occulte pas l’influence des mœurs religieuses romaines à cette époque. L’étude du laraire d’Argentomagus a été l’occasion d’estimer les combinaisons qui s’opèrent entre éléments gaulois et apports romains. Celles‒ci manifestent bien l’originalité de cette culture religieuse provinciale.
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Notes de bas de page
1 Sur la restitution des limites antiques du territoire de la cité biturige : Dumasy, 2001a, p. 21-22.
2 On pense entre autres aux travaux de J.-J. Hatt qui a analysé l’imagerie religieuse gallo-romaine à partir des légendes celtiques de la littérature insulaire, irlandaise et galloise et proposé une restitution de la mythologie celte (Hatt, 1989).
3 À l’exemple de P.-M. Duval pour qui : « Il n’y a rien qui soit propre à Cernunnos dans sa pose favorite, assis les jambes croisées devant le corps, ce qui est probablement la coutume nationale » (Duval, 1993, p. 48) ; ou encore de J.-J. Hatt qui considérait que « l’une des formes les plus courantes des représentations d’Esus en Gaule est un dieu accroupi dans la pose bouddhique », estimant que Cernunnos n’est qu’une variante du dieu Esus (Hatt, 1989, p. 231).
4 Les auteurs du Répertoire des dieux gaulois signalent trois inscriptions qui évoqueraient également le théonyme : une en écriture grecque trouvée en Gaule méridionale mentionne Carnonos et les deux autres provenant de la cité trévire citent Cernunicus (Jufer Luginbühl, 2001, p. 12).
5 Néanmoins, pour J.-P. Guillaumet, l’exemplaire de personnage assis en tailleur le plus ancien serait une statue découverte à Mayence, en Allemagne, et qu’il attribue à la période de Halstatt (Guillaumet, 2003, p. 181).
6 Le site où a été trouvée la statue est mal caractérisé, mais une synthèse récente tend à prouver l’existence au lieu dit Savernat sur la commune de Quinssaines (Allier) d’un site antique important lié au passage d’un axe viaire (Vallat, 2002).
7 Deyts, 1998, p. 79. Dans une publication plus ancienne, le même auteur précisait que ce manteau « qu’on a pris l’habitude d’appeler de majesté car, agrafé sur l’épaule et ramené sur la poitrine, il n’est porté en Gaule que par les dieux. » Deyts, 1992, p. 37.
8 Merleau-Ponty, 1972, p. 52-56 : l’auteur observe en effet que la dédicace ne pouvait pas être placée complètement sur le socle de la statue.
9 Il semble que ce soit également le cas pour la grande majorité des représentations trouvées en Gaule intérieure et datables de la fin de l’Âge du Fer et de la période romaine. Ce n’est pas l’avis de J.-P. Guillaumet qui ne reconnaît pas l’identité divine des statues de cette époque : « Hiératiques, ils [les personnages assis en tailleur] deviennent, pendant la période de La Tène, des porteurs d’offrandes dont la fonction et la représentation continuent pendant l’époque romaine, témoins de pratiques religieuses encore énigmatiques ». (Guillaumet, 2003, p. 181).
10 Ces deux idées sont reprises par de nombreux auteur dont : Benoit, 1969, p 92 ; Deyts, 1992, p. 35-45 ; Duval, 1993, p. 39 et 47 ; Grenier, 2001, p. 398. Il est toutefois difficile de connaître les sources à l’origine de ces interprétations puisqu’elles ne sont jamais évoquées dans ses publications.
11 Comme le souligne P. Veyne, à propos de la religion romaine : « Les recettes religieuses n’avaient pas de patrie. À cette époque sans Églises, les dieux et les rites n’étaient pas le drapeau des résistances nationales ». (Veyne, 1989).
12 Pour G. Coulon, par exemple, la statue d’Orsennes n’est pas antérieure à la période augustéenne (dans Krausz, 2008, p. 100).
13 F. Benoit insiste par exemple sur la tradition méditerranéenne de représentation des défunts en buste dont il recense divers exemples : Benoit, 1969, p. 45-46.
14 Cf. notamment Arcelin et Brunaux, 2003 ; Chaume et al., 2000 et Nouvel, 2004.
15 Les résultats de ces recherches n’ont jamais été publiés, seules quelques courtes synthèses en font état (Coulon, 1986, 1988, 1996 et 1998).
16 Je remercie F. Dumasy qui a attiré mon attention sur cette analogie. G. Coulon et S. Deyts l’avaient également soulignée en s’abstenant de la commenter (Coulon, 1990, p. 69 et 1996, p. 145).
17 Le buste sur socle d’Ars (Creuse) porte également « une sorte de calotte qui s’achève sur le côté droit de la nuque par une queue enroulée en spirale ». (Coulon, 1990, p. 69).
18 Même si l’iconographie traditionnelle des Lares est très stéréotypée et ne ressemble en aucun point à nos figurations bituriges. On distingue en effet deux types principaux de figurations des Lares romains : les Lares « dansants » dits « de carrefour » tenant une patère et un rhyton (Lares compitales) et les Lares familiers : jeune homme debout souvent couronné de feuillage tenant une corne d’abondance et une patère (Lar familiaris) : cf. Santrot, 2007, p. 75-77.
19 Nous renvoyons sur ce thème à l’article consacré au Lar dans le Dictionnaire des Antiquités de Daremberg et Saglio (Hild, 1904a).
20 Cf. Eliade 2006, ainsi que le dossier « Traditions religieuses des peuples de l’Océanie » de la revue Religions et Histoire n° 9, juillet-août 2006.
Auteur
Université Paris 1-Panthéon-Sorbonne, Umr 7041, équipe Archéologie de la Gaule, structures économiques et sociales. s.girond@laposte.net.
Sujet de thèse : Sanctuaires, cultes et pratiques rituelles : la religion dans la cité des Bituriges Cubes.
Directeur : Françoise Dumasy.
Date de soutenance prévue : fin 2012.
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