Peintures rupestres et cultures pastorales dans le Sahara égyptien
p. 17-53
Résumés
L’auteur aborde l’étude des images rupestres de l’abri WG 35 (Gilf el-Kebir, sud-ouest de l’Égypte) en utilisant la méthode stratigraphique. Un phasage et des marqueurs de datation (termini ante/post quem) permettent de proposer une correspondance des principales phases de peintures avec la fin de l’intervalle humide de l’Holocène1. L’hypothèse est établie qu’un type de représentation de grands troupeaux de bovins à collier pourrait être le témoignage de cultures pastorales présentes également sur les sites du nord du Jebel ‘Uweinât, où sont enregistrées des peintures très similaires. Les choix de représentation des troupeaux dans l’abri WG 35 se révèlent cohérents avec des stratégies de gestion du bétail bien attestées chez des groupes de pasteurs subactuels de l’Afrique orientale. Les données archéozoologiques étant encore sporadiques et pas totalement représentatives, les images permettent de caractériser les activités pastorales préhistoriques du Gilf el-Kebir mieux que ne l’autorisent les autres vestiges archéologiques et d’approcher les modalités de fonctionnement de l’univers symbolique de ce type des sociétés.
The author studies the rock art images of WG 35 shelter (Gilf el-Kebir, south-western Egypt) within the scope of the archaeological set of tools, especially the principles of stratigraphy. The general sequence and some dating boundaries (termini ante/post quem) allow concluding that main paint layers correspond to the end of the Holocene Humid Interval. The hypothesis is proposed, that a specific type of large bovids with collar could be the testimony of pastoralist cultures, directly linked with campsites of the north of the Jebel ‘Uweinât, where very similar paintings are recorded. The author also notes some similarities between the choices of cattle representation in WG 35 shelter and some herding strategies used by subpresent pastors of Eastern Africa. The archaeozoological record being still sporadic and in debate in the region, paintings allow characterizing pastoral activities better than archaeological data may and approaching the symbolic world of these societies.
Entrées d’index
Mots-clés : désert Libyque, Gilf el-Kebir, peintures rupestres, bovins, holocène, pastoralisme
Keywords : Libyan Desert, Gilf el-Kebir, rock art, cattle, pastoralism
Remerciements
Ma plus sincère gratitude s’adresse à feu Serge Cleuziou, Luc Bachelot et à l’équipe organisatrice de la Journée doctorale 2008. Je remercie aussi particulièrement Fekri Hassan, András Zboray, Duncan Caldwell, Bruno Rayer, Luc Watrin et Alexandre Amans pour les éclairages indispensables qu’ils ont bien voulu m’apporter.
Texte intégral
Introduction
1Dans le Désert Libyque, la savane de l’Holocène humide est aujourd’hui devenue l’un des déserts les plus arides du monde : la pluviométrie moyenne y est inférieure à 2 mm de précipitations par an. De la même façon, en raison de son éloignement des zones peuplées, le champ d’études scientifiques qu’offre le Sahara Oriental reste relativement désert. En l’absence de tout programme de fouille archéologique sur le plateau d’Abu Ras (sud-ouest de l’Égypte, plateau nord-ouest du massif du Gilf el-Kebir2), les nombreux sites de peintures et de gravures rupestres qui y sont enregistrés sont d’un grand secours pour l’appréhension des cultures préhistoriques. Une micro-région située au nord-ouest, le Wadi Sūra (vallée des images), est particulièrement intéressante à ce titre, puisque 93,3 % des sites de peintures rupestres connus dans l’ensemble du Gilf el-Kebir3 s’y concentrent (fig. 1). Près de 55 % des sites ont été découverts après 2001 et la grande majorité attend encore d’être étudiée en détail.
2Niché sous la paroi de grès d’une de ces vallées sèches autour du Wadi Sūra, l’abri WG 35 (fig. 1) a été signalé pour la première fois en 2002 par András Zboray, sous la forme d’une notice dans un article faisant état de plusieurs sites rupestres nouvellement découverts dans le Gilf el-Kebir et le Jebel ‘Uweinât (Zboray, 2003)4. Lors d’une expédition géologique sur le terrain en 2006, nous avons pu constater que la conservation des peintures était excellente (fig. 5), en partie grâce aux paramètres physiques de la paroi peinte : il s’agit du plafond de l’abri, situé seulement à environ 60 cm du sol, protégé des radiations solaires, des pluies et des vents. Bien que la roche surplombante – une accumulation de grès du Jurassique et du Tertiaire – soit poreuse, son épaisseur d’environ 20 mètres a protégé les peintures des infiltrations d’eau.
Étude stratigraphique et chronologique des peintures de l’abri WG 35, ou l’archéologie au secours des images
Étude stratigraphique
Protocole
3Les peintures de WG 35 sont particulièrement propices à une étude stratigraphique. Les motifs se répartissent sur une surface réduite (environ 5 m2), en plusieurs couches successives, avec de nombreux points de superposition. András Zboray signale au moins cinq couches de peintures (Zboray, 2003, p. 124-125), et accompagne ses relevés de quelques remarques de chronologie relative. Il est possible de compléter ces premières observations par une étude plus approfondie et de proposer une stratigraphie générale.
4Dans le cadre de cette étude, un protocole en six étapes a été défini (tabl. 1). L’observation des superpositions est l’étape la plus complexe. Alfred Muzzolini rapporte plusieurs cas où, observant les mêmes superpositions, des chercheurs en ont proposé une chronologie différente (1986, p. 35). La difficulté de lecture est imputable à la fois aux réactions chimiques entre les différents mélanges et à leur conservation différentielle. WG 35 échappe en partie à cet écueil : près de la moitié des relations stratigraphiques entre unités ont pu être déduites grâce à l’observation d’au moins deux points de superposition. En théorie, plus le nombre de points de superposition est élevé, moins le risque d’erreur est important. Il n’en reste pas moins que les relations décrites ici, fondées sur des observations sur place et d‘après photographie, demeurent partiellement hypothétiques.
5Le protocole a permis d’individualiser vingt et une unités stratigraphiques et de décrire vingt-deux relations entre unités, établies à partir d’un nombre supérieur de superpositions (fig. 2). Dans l’ensemble des peintures rupestres sahariennes, un tel nombre est extrêmement rare. Pour établir la chronologie interne du style dit des « têtes rondes », Alfred Muzzolini n’a pu utiliser que dix superpositions au total sur toute l’étendue du Tassili et de l’Acacus (1986, p. 34). De ce point de vue, WG 35 apparaît donc comme un site tout à fait exceptionnel, voire unique. Une seule unité n’a pu être attachée à la matrice, l’unité stratigraphique 12 (ou U.S. 12), composée de cinq girafes rouges et blanches isolées sur un panneau à droite de l’abri.
Résultats de chronologie relative : le phasage
6Les U.S. 4, 6, 9 et 10 (tabl. 2) ont été regroupées en une « phase ancienne » car elles sont uniformément composées de peintures en aplat à l’ocre rouge. Les formes sont pleines et sans détail interne. Le contour, qui seul permet d’identifier les formes, a d’abord été tracé au pinceau, puis l’intérieur a été coloré en aplat. Quelques comparaisons avec d’autres peintures de la région sont possibles. Les girafes de l’U.S. 4, très différentes de celles de l’U.S. 12, se rapprochent de celles de l’abri WG 31A ; et les personnages de l’U.S. 6 (fig. 3) sont représentés de la même façon qu’un petit personnage peint dans l’abri WG 21 (cf. fig. 1)5.
Tableau 1 : Protocole de l’étude stratigraphique
Étape | Opération | Critères |
1 | Individualisation et numérotation de chaque figure | Délimitation graphique et cohérence interneNumérotation aléatoire |
2 | Regroupement des figures en unités stratigraphiques | 1. Unité stylistique |
3 | Étude des superpositions des figures deux-à-deux | Sur terrain et sur photo. Prise en compte des réactions physico-chimiques |
4 | Établissement des superpositions d’unités | Vérifications et validation si cohérence |
5 | Réalisation du diagramme stratigraphique | Matrice de Harris |
6 | Phasage | 1. Parenté stylistique |
© E. Honoré.
7Les unités regroupées dans la « phase intermédiaire » sont composées majoritairement de figures de bovins (fig. 4) ou d’humains en aplat comportant quelques détails : pagne, carquois, etc. Deux couleurs sont utilisées, le blanc et le rouge, mais les effets de bichromie restent limités à la figuration des accessoires. L’U.S. 3 n’utilise pas la technique de l’aplat (contrairement à l’U.S. 7, qui lui ressemble), car elle est composée de bétail de couleur blanche à la panse recouverte de lignes parallèles et perpendiculaires.
8Les unités regroupées dans la « phase récente » (phase III), sont relativement homogènes et comprennent des compositions polychromes élaborées. Le style et la technique diffèrent des précédentes (tabl. 3). Les peintures de la phase récente représentent majoritairement de larges bovinés bicolores avec des robes à motifs, parfois dans des poses dynamiques, ce qui est rare dans la région. L’ensemble des techniques picturales employées dans cette phase est relativement abouti : toutes les unités témoignent d’une parfaite maîtrise des effets de polychromie, et d’un souci esthétique qui se manifeste surtout dans le dessin de robes à pois fantaisistes pour les bovins. Le nombre d’unités est beaucoup plus important dans cette phase, dû à la multiplication des petits groupes d’humains, qu’on ne peut pas toujours relier avec assurance à un groupe de bétail.
Commentaires généraux sur la stratigraphie et l’évolution des peintures
Conservation des peintures et espace de représentation
9L’étude de la stratigraphie permet de dégager quelques tendances et d’observer des évolutions. Tout d’abord, la conservation différentielle des peintures est généralement associée à l’ancienneté de leur réalisation telle qu’elle peut être établie par la stratigraphie. Même s’il existe des exceptions, les peintures des unités anciennes semblent souvent plus estompées que les peintures les plus récentes. Par ailleurs, les peintures situées sur le pourtour de l’abri, à l’extérieur, semblent avoir été plus altérées que les autres.
Tableau 2 : Description des unités stratigraphiques
Numéro d’US | Sujet | Nombre de figures | Couleur(s) | Technique | Position dans l’abri, par rapport à l’orientation dominante | Numéro A. Zboray | Phase E. H. |
4 | Girafes | 3 | Rouge | Aplat | Centre | Layer 1 | I |
6 | Humains | 2 groupes (environ 20 + 45) | Rouge | Traits de pinceau | En bas, centre et gauche | Layer 1 ? | I |
9 | Caprins | 4 | Rouge | Aplat et traits de pinceau | En bas à gauche | Layer 2 | I |
10 | Humains | 4, dont 1 avec un arc | Rouge | Aplat et traits de pinceau | En bas à gauche | Layer 1 ? | I |
3 | Bovins | 15 | Blanc clair | Pinceau | Grande emprise sur bas/droite | Layer 5 | II |
7 | Bovins | 20 | Blanc passé | Pinceau | Grande emprise sur bas/droite | Layer 5 | II |
5 | Humains | 9 | Rouge et blanc | Pinceau/Aplat (qq détails) | En bas, sur largeur | Layer 4 | II |
17 | Bovins | 8 | Rouge | Pinceau/Aplat | En bas, sur largeur | Layer 4 | II |
20 | Archers avec arcs bandés | 3 | Rouge | Pinceau | En haut à gauche | II | |
1 | Bovins à robe tâchetée | 4 | Jaune (rouge ?) et blanc | Mixte | En bas à droite | Layer 8 | III |
2 | Bovins à robe tâchetée | 4 | Jaune (rouge ?) et blanc | Mixte | En haut à droite | Layer 8 | III |
8 | Bovins à robe tachetée + archer | 3 + 1 | Blanc et rouge, dominante blanc | Mixte | En haut à droite | Layer 7 | III |
11 | Grands bovins + archers ? | 3 | Rouge et blanc | Mixte | En haut à gauche | Layer 3 | III |
13 | Bovins à robe tachetée + humains bicolores | 2 | Rouge et blanc, dominante rouge | Mixte | En haut à droite | Layer 6 | III |
14 | Humains en virgule | 3 | Rouge et blanc | Traits de pinceau | En haut au milieu | III | |
15 | Bovins tâchetés ou non, contours moins précis | 5 | Rouge | Mixte | En haut au milieu | III | |
16 | Bovin + personnages à l’arrière-train | 1 bovin + 3 personnages | Rouge et blanc | Pinceau/Aplat | En haut au milieu | III | |
18 | Bovins rouges à pois + personnages | 4 bovins + 2 personnages | Rouge à pois blanc/rouge | Mixte | En haut au centre | III | |
19 | Grands bovins | 2 | Blanc | Pinceau/Aplat | En haut au centre | III | |
12 | Girafes | 4 | Rouge et blanc | Pinceau/Aplat | Isolées sur panneau à droite | Ø |
© E. Honoré.
10La disposition des peintures répond à un schéma centrifuge. Les premiers motifs ont tous été placés au milieu du panneau ou en bas, sur un espace relativement restreint. Les figures de la phase intermédiaire les recouvrent mais occupent un espace beaucoup plus large, tandis que les représentations les plus récentes se répartissent préférentiellement sur les bords, et particulièrement vers l’extérieur de l’abri.
Les sujets représentés
11Les deux sujets les plus fréquents sont le bétail – principalement bovin – montrant des signes de domestication (colliers autour du cou), et les humains. La plupart des figures humaines portent un arc, des flèches et parfois un carquois. Tous les personnages portent leur matériel à la main, sauf un groupe de trois humains, constituant l’U.S. 20, qui est en train de bander les arcs vers le haut.
12Quelques unités sont atypiques du point de vue des sujets représentés, dont l’U.S. 4, qui comprend trois girafes, et l’U.S. 6, constituée de deux groupes d’humains apparemment non-organisés. Dans l’U.S. 5, six des huit humains visibles sont groupés par deux (cf. 3.2.1.).
Échelle, technique, style
13La taille des représentations animales augmente sensiblement avec le temps. Les quadrupèdes de la phase ancienne (entre 5 et 12 cm environ de largeur) sont de plus petite taille que ceux de la phase intermédiaire (entre 10 et 16 cm environ), eux-mêmes nettement plus petits que ceux de la phase récente (entre 16 et 25 cm environ).
14Toutes les peintures semblent avoir été réalisées au pinceau, même s’il est difficile de préciser la nature exacte de l’outil. La terminaison effilée des traits pourrait indiquer un pinceau fait de fibres fines et souples, tels des poils, des cheveux ou des plumes. Le phasage permet d’observer une évolution technique continue : chaque phase reprend les acquis de la précédente pour l’amener à un degré d’élaboration supérieur. La diversification des couleurs est progressive : seul le rouge est utilisé dans la première phase, à la seconde phase le blanc est aussi employé et le jaune est ajouté pendant la phase récente (tabl. 3).
Tableau 3 : Synthèse des évolutions des peintures de l’abri WG 35 (© E. Honoré).
Chronologie relative | Couleurs | Type de décor | Espèces animales |
Phase ancienne | Rouge | Formes pleines | Capra Hircus |
Phase intermédiaire | Rouge et blanc | Formes ajourées | Bos |
Phase récente | Rouge, blanc et jaune | Formes décorées | Bos |
15Suivant la même évolution, le dessin est constitué du seul contour pendant la phase ancienne, et l’intérieur des formes est rempli d’un aplat de couleur uniforme. À la phase intermédiaire, le remplissage est le plus souvent partiel ou ajouré, faisant apparaître des motifs de lignes sur la robe des bêtes. La technique de réalisation de ce motif n’est pas liée au choix de l’une ou l’autre couleur. Enfin, la phase récente regroupe des compositions polychromes élaborées qui révèlent un souci du détail. Les figures humaines sont représentées avec leurs chausses, coiffe et ornements corporels. Les robes des grandes vaches sont soit décorées de tâches ou de pois d’une couleur différente, soit décorées d’un aplat blanc sur la panse.
Cadres chronologiques
16Quelles lectures peut-on proposer des ensembles complexes de peintures de l’abri WG 35, groupant humains et animaux ? Sont-ils issus du souvenir de la rencontre – au moins visuelle – du groupe de peintres avec un autre groupe pratiquant l’élevage, comme le propose K. Nicoll pour les représentations rupestres du sud-ouest de l’Égypte (2004, p. 566) ? Le soin apporté aux détails et la répétition du thème (gardiennage de troupeaux) sur plusieurs couches successives semble dériver davantage d’une fréquentation coutumière que d’une rencontre occasionnelle. Ainsi, les peintures de troupeaux à collier conduits par des humains attestent de la connaissance de la domestication, de l’existence de la propriété d’animaux – marquée par les colliers – et enfin, de l’existence d’une pratique du gardiennage de troupeaux. Ces critères étant les trois principales caractéristiques du mode de vie pastoral, la question sera posée quant à la pertinence d’une évocation du pastoralisme à partir des peintures de l’abri WG 35.
L’intervalle humide de l’Holocène
17L’occupation du Gilf el-Kebir par l’Homme est conditionnée par des facteurs environnementaux6. Les possibilités qu’un écosystème permette à une population de se maintenir en fonction de la disponibilité en ressources sont regroupées sous le concept de carrying capacity, selon l’acception retenue par les géographes (Sayre, 2008), et que l’on pourrait traduire en français par « potentiel biotique 7». Une partie de l’histoire sociotechnique et culturelle de l’Homme consiste à intervenir sur ce potentiel biotique en vue de l’accroître, pour le développement ou le maintien de groupes humains dans certaines régions.
18Les analyses paléo-environnementales menées dès les années 1960 ont permis d’établir que le potentiel biotique de l’Homme pendant l’épisode hyperaride du Pléistocène est inférieur à l’actuel dans le Sahara Oriental, séparant ainsi le Paléolithique moyen du Paléolithique final par l’impossibilité de toute installation correspondant au Paléolithique supérieur (Wendorf et Schild, 1980, p. 234). Ces données permettent de situer avec une forte probabilité la réalisation des peintures de WG 35 pendant l’intervalle humide de l’Holocène, dont les limites chronologiques sont autour de 10000 av. J.-C. et 3500 av. J.-C.
Datation des peintures de l’abri WG 35, chronologie relative interne et termini
19En l’absence de datation physico-chimique, la chronologie relative peut être précisée au moyen de marqueurs chronologiques. Trois types d’animaux sont représentés : des caprins et des bovins montrant des signes de domestication non-équivoques, ainsi que des girafes. La présence de ces animaux dans le Désert Libyque en général et dans le Gilf el-Kebir en particulier fournit des éléments de datation pour les peintures, sous la forme de termini ante quem et post quem.
• Girafes
20Dans l’hypothèse où les girafes étaient physiquement présentes dans la région au moment de leur représentation, les deux unités de girafes (U.S. 4 et 12) ont pour terminus ante quem la disparition de cet animal du Gilf el-Kebir. Un os de girafe découvert dans la région de Abu-Ballas sur le site de Mudpans 83/39, datant de 7200 av. J.-C. (Kuper, 1993, p. 215), indique que la girafe était présente au moins dès la fin du viiie millénaire av. J.-C. dans le Désert Libyque. D’autres ossements de girafe ont été trouvés dans le Wadi el-Akhdar pour la période du Gilf C (vers 4300-3500 av. J.-C.) (Gehlen et al., 2002, p. 104). La date de disparition de la girafe indiquée par les données archéozoologiques dans le plateau sud-est se trouve donc être assez basse, laissant toutes les possibilités ouvertes jusqu’à 3500 avant J.-C. pour la datation de la phase ancienne de WG 35.
21Beaucoup plus proche de WG 35, à moins de 2 km au sud, un vaste site d’habitat a pu être identifié en 2006, occupant tout l’espace d’un wadi ouvert. Les parois du wadi sont décorées de girafes peintes (WG 31A) et gravées (WG 31B). Un groupe de trois girafes peintes à l’ocre rouge et légèrement estompées (WG 31A), s’apparente au groupe de trois girafes de la phase ancienne de WG 35. L’inclinaison du cou est la même ; seul le tracé de la ligne de dos diverge pour la première des trois girafes de WG 35. La céramique du site d’habitat porte un décor discret incisé sur la lèvre, qui pourrait la rattacher à l’unité Gilf B (Luc Watrin, comm. pers., 2008) qui se situe entre 6500 et 4300 av. J.-C. dans la périodisation du Gilf oriental (Linstädter, 2005, fig. 4). Des modèles similaires de céramique ont aussi été enregistrés au Djebel Kamil (Kuper, 1995, p. 129-131), dans un contexte datant des environs de 5500 av. J.-C. (site 85/58 : Hahn, 1993, p. 228). En conclusion, les affinités thématique, technique et stylistique de l’U.S. 4 de WG 35 avec les peintures du site de WG 31 pourraient peut-être permettre de situer la phase ancienne de WG 35 pendant la période d’occupation du site WG 31, soit entre 6500 et 4300 avant J.-C.
• Caprins
22La phase ancienne de WG 35 comprend également un groupe de quatre chèvres domestiques, qui se situe stratigraphiquement entre le groupe des trois girafes et les premières représentations de bovins. L’origine proche-orientale des chèvres domestiques d’Afrique fait quasiment l’unanimité8. Les plus anciennes attestations archéozoologiques de caprins domestiques dans le Désert Occidental Égyptien se situent toutes autour de 6000 av. J.-C. (Riemer, 2007, tab. 1). Dans le Gilf el-Kebir, des ossements collectés par la Combined Prehistoric Expedition dans le Wadi Bakht pourraient dater de 5900 av. J.-C. (Wendorf et Schild, 1980, p. 219) mais les ovi-caprins sont attestés de manière certaine dans la région seulement pendant la période du Gilf C (Gehlen et al., 2002, p. 108), entre 4300 et 3500 av. J.-C. En attendant des donnés plus complètes, l’U.S. 9 de l’abri WG 35 peut être située dans cette espace chronologique de façon indicative.
• Bovins
23Les troupeaux de bovins sont le sujet le plus récurrent des peintures de l’abri WG 35. Ils sont représentés à partir de la phase intermédiaire, qui a ainsi pour terminus post quem la première présence du bovin domestiqué dans le Gilf el-Kebir et les régions périphériques.
24La chronologie très ancienne (entre 9000 et 7500 av. J.-C.) de domestication du Bos avancée pour la région de Nabta Playa/Bir Kiseiba d’après des arguments écologiques (Gautier, 1980, p. 337 ; Gautier, 1990, p. 229 ; Gautier, 2001, p. 628-629) ne peut plus retenue (Smith, 1992a, p. 43-44 ; Payne et Hodges, 1997, p. 50 ; Kuper, 2003, p. 15 ; Riemer, 2007, p. 106-107) tant qu’un nouvel examen des données archéozoologiques du site n’aura pas été réalisé. Dans le Gilf el-Kebir, l’équipe de la Combined Prehistoric Expedition a ramassé en surface du Wadi Bakht des ossements de bovins qu’elle a datés de 6000 av. J.-C. (Wendorf et Schild, 1980, p. 219 et 341) mais la chronologie du dépôt est contestée (Riemer, 2005, p. 61). La présence de bovins domestiques est fortement supposée à la période du Gilf C (4300-3500 av. J.-C.)9, même si elle n’a pas été définitivement établie (Gehlen et al., 2002, p. 108 ; Fäder, 2005, p. 210). En général, dans le Désert Occidental Égyptien, les plus anciennes attestations probables remontent pour l’instant à l’extrême fin du vie millénaire av. J.-C. (Riemer, 2007, tab. 1), ce qui fait situer les débuts de l’élevage bovin, en l’état des connaissances, vers la fin du vie millénaire av. J.-C. (Kuper, 2003, p. 15) ou au milieu du ve millénaire av. J.-C. (Gehlen et al., 2002, p. 108).
25La chronologie interne obtenue par l’étude stratigraphique des peintures de l’abri WG 35 répond sensiblement au schéma apporté par les données archéozoologiques enregistrées à ce jour dans la région du plateau sud-est. Sur les peintures de l’abri, les caprins domestiqués apparaissent avant les bovins et les représentations de ces deux espèces pourraient, comme les girafes de l’U.S. 4, vraisemblablement appartenir à une période correspondant au Gilf C du plateau sud-est (entre 4300 et 3500 av. J.-C.). Un positionnement des phases intermédiaire et récente au niveau du Gilf D (3300-2700 av. J.-C.) est aussi possible, même si les choix de représentation évoquent une relative opulence plutôt que le stress qui pourrait être généré par un contexte de péjoration des conditions paléo-environnementales.
Des animaux et des hommes : les images de pasteurs-peintres ?
Arguments pour l’identification zoologique des quadrupèdes
26Chacune des trois phases de peinture de l’abri WG 35 comporte la représentation de quadrupèdes. Les girafes de l’U.S. 4 (fig. 6) sont reconnaissables sans équivoque. Les autres espèces appellent quant à elles à une étude plus approfondie.
Caprins de la phase ancienne
27Dans la phase ancienne, les quadrupèdes de l’U.S. 9 sont au nombre de trois adultes et un petit. Leur allure générale est gracile mais n’est pas réellement distinctive. Néanmoins il semble qu’ils soient représentés avec une queue très courte et relevée, ce qui pourrait permettre de les identifier à des caprinés. Le cou relativement court ne plaide pas en faveur des antilopinae. Les cornes ne sont pas incurvées vers le bas et sont de petite taille, ce qui semble écarter la possibilité de caprinés sauvages endémiques au nord de l’Afrique, ou mouflon à manchettes, dont les cornes descendent en un long arc de cercle (Osborn et Osbornová 1998, p. 189-192). Les cornes des quadrupèdes de l’U.S. 9 sont plutôt courtes, dressées vers le haut et légèrement spiralées. Chez Ammotragus Lervia, la queue est relativement longue puisqu’elle tombe généralement au niveau du milieu du tibia de la patte postérieure et l’attitude de la queue relevée est relativement rare. L’un des individus adultes de l’U.S. 9 porte un pis et l’autre une barbe. Chez Ammotragus Lervia, les femelles portent aussi la barbe. La possibilité de caprinés sauvages est donc à exclure. L’U.S. 9 représente donc vraisemblablement quatre caprins domestiques (capra hircus), dont un bouc (à barbe et sans pis), une chèvre (à pis et sans barbe) et un chevreau (de petite taille). La quatrième figure est difficilement lisible car elle se trouve sous une représentation d’archer et sa tête est peinte sur un défaut de la roche.
Bovins des phases intermédiaire et récente
28Les figures animales des phases intermédiaire et récente ont le plus souvent une queue longue à floche tridentée (fig. 6). Alain Rodrigue indique que, dans l’art rupestre saharien, ce détail permet d’identifier invariablement un bovin (1999, p. 60). En réalité, plusieurs animaux peuvent être représentés avec une floche (éléphants ou lions), mais la floche constitue un critère de distinction au sein de la famille des bovidés, entre bovinés et autres sous-familles.
29Dans la phase intermédiaire, les bovidés peints en blanc de l’U.S. 3 ont une allure générale très différente de ceux de l’U.S. 7. Les silhouettes sont plus élancées au sein de l’U.S. 3, les panses arrondies (fig. 4) ; tandis que les anatomies de l’U.S. 7 paraissent plus massives, avec une ligne de panse droite. La tête n’est pas la partie la plus soignée de la composition, et il est difficile d’y discerner quelque élément distinctif. Si la moitié de chacune de ces deux unités ne portait pas de floche tridentée, on pourrait être tenté de distinguer deux espèces différentes dans ces deux groupes. Les variations décrites doivent donc trouver d’autres explications, tel un peintre différent. Enfin, l’U.S. 5 comprend quelques figures animales de petite taille dont la morphologie n’évoque pas spécifiquement les caractéristiques bovines. Les proportions anatomiques pourraient évoquer le chien. La floche tridentée indique toutefois qu’il s’agit de veaux.
Contributions des différents types de données à l’étude du pastoralisme dans le Sahara oriental
L’apport des données archéozoologiques à l’étude du pastoralisme
30La pratique du pastoralisme à l’Holocène humide dans le Gilf el-Kebir a déjà été avancée à partir des données archéozoologiques. Pour Heiko Riemer, la très faible fréquence des ossements d’animaux domestiques et la grande proportion de pointes de flèches dans les assemblages lithiques attestent tous deux du rôle mineur du pastoralisme (Riemer, 2005, p. 134). Cette remarque est en effet pertinente si l’on prend en compte la viande comme élément central des stratégies alimentaires. En réalité, la fréquence élevée des ossements d’animaux sauvages et des pointes de flèches témoigne de l’importance de la chasse sans pour autant démontrer la faiblesse du pastoralisme. Au sujet des restes osseux, il importe de noter que la sous-représentation des bovins dans les assemblages archéozoologiques des cultures pastorales est observée comme une constante sur les sites du Sahara Central, les échantillonnages étant le plus souvent réalisés dans les foyers. D’après Ginette Aumassip (Aumassip, 2006, p. 422), « ce contraste trouve une justification dans l’hypothèse du troupeau capital et d’une consommation de lait plutôt que de viande, celle-ci provenant des produits de chasse ». En effet, dans de nombreuses économies pastorales, et à plus forte raison en milieu semi-aride, les sous-produits du bétail sont une ressource privilégiée par rapport à la viande elle-même car ils sont l’assurance d’un apport de protéines constant permettant de faire face aux conséquences des variations climatiques saisonnières. Et d’ajouter : « Il pose la question majeure de l’identification du pastoralisme dans nombre d’habitats » (Aumassip, 2006, p. 422).
31D’autre part, l’ethnographie offre de nombreux exemples de groupes qui élèvent des bêtes uniquement pour leurs sous-produits (produits dérivés du lait et autres), l’abattage ou la consommation de leur viande étant concernée par un tabou (Smith, 1984, p. 99 ; à propos des groupes de pasteurs indiens : Gourou, 1982, p. 282). Les Karimojong, en Ouganda, ne mangent la viande de leur bétail qu’en cas de famine extrême ou pour marquer des occasions spéciales (R. Dyson-Hudson et N. Dyson-Hudson, 1969, p. 76). L’absence d’ossements de bovins domestiques dans les foyers ne signifie donc pas forcément absence d’élevage. À l’inverse, chez les Gabbra Boran (nord du Kenya), la viande issue de la chasse n’est jamais ramenée au campement de base, de peur des épidémies éventuelles qui pourraient affecter les troupeaux. Aucun ossement d’animal sauvage ne serait alors archéologiquement retrouvé, alors que la consommation en est effective (Smith, 1992 b, p. 133)10. Ces quelques exemples montrent que les données archéozoologiques – bien qu’elles soient fréquemment considérées comme très fiables, dans la perspective positiviste actuelle – ne sont pas systématiquement le meilleur indicateur des stratégies alimentaires. Chaque type d’objet archéologique subit différentes sortes de contraintes et déformations ; on ne peut donc appréhender un phénomène dans son ensemble qu’en étudiant les artefacts de toute nature susceptibles d’en témoigner.
Peut-on parler d’un pastoralisme à partir des peintures de l’abri WG 35 ?
32Il a été objecté à l’hypothèse du pastoralisme élaborée à partir des représentations de l’abri WG 35 que les peintures ne représentent pas une réalité écologique et qu’elles répondent le plus souvent à des préoccupations d’ordre symbolique (J. Polet, 2008, comm. pers.). Partant de cette remarque, il convient donc de réaliser une étude de détail de la composition et des modes de représentation des troupeaux. Les observations permettent d’évaluer la pertinence des rapprochements des représentations avec la gestion économique et écologique des troupeaux.
33Les données archéozoologiques ne sont pas les seuls indices pour évaluer le phénomène du pastoralisme autour du massif du Gilf el-Kebir : d’importantes séries de pierres d’entrave préhistoriques d’environ 50 cm de longueur et 20 cm de diamètre ont été retrouvées en grand nombre à l’extrémité sud de la Grande Mer de Sable, à une distance comprise entre 50 et 100 kilomètres maximum de WG 35, et attestent indubitablement d’une activité de gardiennage de troupeaux (Pachur et Röper, 1984). Quant à la lecture écologique ou économique des manifestations rupestres, il est en effet clair que les peintures de l’abri WG 35 ne sont pas une reproduction à l’identique d’un état du groupe et de son troupeau. Mais à partir du moment où elles représentent des objets observés depuis le monde vécu, elles représentent une réalité, telle qu’elle est conçue (ou imaginée) dans l’esprit du peintre11 (fig. 7). Les peintures de l’abri WG 35 permettent donc d’appréhender les représentations intellectuelles que les pasteurs élaborent de leur environnement (naturel, socio-économique, culturel, etc.). La représentation mentale que se fait un groupe de ses propres activités et de son mode de vie ne correspond pas toujours exactement à leur existence concrète. L’écart qui existe entre les deux a été précisément observé et quantifié chez plusieurs groupes de Karimajong, au nord-est de l’Ouganda (R. Dyson-Hudson, 1972). Dans ce groupe de pasteurs, les déformations intervenant entre l’état concret des troupeaux et territoires et la description qu’ils en donnent sont surtout de l’ordre de l’amplification. Il est donc ici considéré que les images en dévoilant des aspects relevant de la représentation mentale complètent avantageusement les données fournies par les autres sources archéologiques.
34© E. Honoré.
Les peintures de l’abri WG 35 témoignent-elles des stratégies de gestion des troupeaux adoptées par les pasteurs ?
Étude de la composition des troupeaux (phases intermédiaire et récente)
35Parmi les bovidés peints de l’abri WG 35, la majorité est représentée avec des attributs femelles – un pis – clairement identifiables (fig. 8). L’autre moitié ne possède aucun attribut visible, tandis que les attributs mâles ne sont clairement figurés que sur un seul individu, dans la phase intermédiaire. Que penser des bêtes sans attribut visible ? D’autres représentations holocènes de la région ne témoignent pas d’une réticence quelconque à représenter une bête avec un sexe mâle, comme c’est le cas dans l’abri WG 21 (Watrin, Honoré, Saad, sous presse). Une hypothèse possible est que les bovidés de l’abri WG 35 sans attribut clairement mâle ou femelle pourraient représenter des mâles châtrés. Un nombre minimal de mâles en capacité de reproduction suffit pour assurer la pérennité d’un troupeau12. La castration peut répondre à deux fonctions : rendre l’animal plus docile et/ou produire une viande plus tendre (Smith, 1992a, p. 109). De manière générale, dans les économies d’élevage (incluant le pastoralisme), les bêtes prélevées du troupeau pour la viande sont en priorité les mâles, tandis qu’on conserve préférentiellement les femelles pour la production laitière et la reproduction (Dahl et Hjort, 1976). Les bœufs peuvent ainsi constituer une réserve de viande sur pattes appréciable lors des saisons sèches (Dahl et Hjort, 1976, p. 29). Une seconde hypothèse pourrait résider dans le fait que l’on a simplement cherché à figurer l’animal sans distinction de sexe. La présence d’attributs sexuels serait alors plus significative que son absence. Chez les individus à pis, les pattes postérieures se trouvent souvent considérablement écartées13. La déformation intentionnelle des proportions sur le profil de l’animal profite à la représentation du pis. L’accentuation cet élément anatomique semble indiquer l’importance accordée aux femelles au sein des troupeaux, voire des ressources issues du pis. Cette différence implique donc nécessairement une sélection, au moins en termes de représentation (filtre culturel), si ce n’est en termes réels (stratégies de subsistance).
Sur-représentation des éléments femelles et disproportion des pis
36L’importance des sous-produits laitiers dans les sociétés pastorales a déjà été étudiée, à la fois en terme quantitatifs et qualitatifs. À partir de la synthèse de données zootechniques et ethnographiques, Gudrun Dahl et Anders Hjort (1976) ont élaboré des modèles de développement et de productivité des troupeaux. Les chiffres qui en sont issus montrent la nécessité de privilégier les femelles dans les troupeaux de bovins plus que chez toute autre espèce (les comparaisons sont surtout établies avec les caprins), à cause des contraintes de reproduction (Spooner, 1973, p. 40-41) et aussi en fonction des rendements laitiers14. Dans un troupeau de caprins, le nombre de femelles fertiles peut doubler en 3 ans, tandis qu’il faut 21 ans et demi pour le même résultat dans un troupeau de bovins (Dahl et Hjort, 1976, p. 64). D’autre part, la production laitière est beaucoup plus importante dans un troupeau de bovins que de caprins, non seulement en termes de quantité, mais aussi et surtout en termes de périodicité. Étant données les fréquences et les durées de lactation, sur une période de six ans, une vache produit du lait pendant environ 16 mois au total (Dahl et Hjort, 1976, p. 36 ; p. 114), tandis qu’une chèvre en produit pendant environ 9 mois (Dahl et Hjort, 1976, p. 92 ; p. 211). La sur-représentation des éléments femelles sur les peintures de l’abri WG 35 et l’exagération de leur pis pourraient correspondre à une gestion de troupeau déterminée par l’optimisation des apports alimentaires qu’ils soient issus des sous-produits ou de la viande. L’élevage, sous sa forme pastorale, est fondamentalement une stratégie de sécurité alimentaire qui implique une réelle gestion du troupeau et des prélèvements de viande.
Nécessités et possibilités de développement du pastoralisme dans le Gilf el-Kebir à l’Holocène humide
37Les données paléoenvironnementales permettent d’estimer que la pluviométrie moyenne annuelle à l’Holocène humide n’a jamais dépassé 100 à 150 millimètres dans le Gilf el-Kebir (Kröpelin, 1987). Dès les années 1970, une étude des sédiments lacustres du Wadi Wassa a révélé une alternance de sédiments d’apport éolien et fluviatile, indice d’une différenciation marquée entre saison sèche et saison humide dans le Gilf el-Kebir (Pachur et Braun, 1980). Les travaux de l’équipe allemande confirment ces résultats : pendant l’intervalle humide de l’Holocène, le régime des pluies du Gilf el-Kebir est saisonnier : jusqu’à 5500 av. J.-C. il est principalement constitué des moussons d’été et, de façon marginale, des pluies méditerranéennes ; tandis qu’entre 5500 et 3300 avant J.-C. environ, il est constitué de pluies d’hiver (Linstädter et Kröpelin, 2004, p. 775). D’après Rudolph Kuper (2006, p. 413), les occupations de cette seconde période se caractérisent par un retrait des zones désertiques vers des niches écologiques disposant de ressources permanentes ou quasi-permanentes en eau comme le plateau du Gilf el-Kebir. C’est à ce moment-là que prendrait place un pastoralisme de gros bétail spécialisé tel qu’il est illustré par les expressions rupestres du Gilf el-Kebir et du Jebel ‘Uweinât. Les peintures de l’abri WG 35 indiquent qu’il faut aussi envisager l’élevage de petit bétail (caprins).
38L’apparition de conditions écologiques particulières dues à la modification du régime des pluies explique sans doute en grande partie l’adoption du pastoralisme comme stratégie complémentaire. L’élevage permet une moindre dépendance au caractère aléatoire de la chasse, en garantissant une source constante de protéines (lait et produits dérivés du lait) et la possibilité de prélèvements de viande. Le caractère mobile de l’élevage s’impose dans toutes les régions marquées par une saisonnalité du régime des pluies (R. Dyson-Hudson et N. Dyson-Hudson, 1980, p. 17)15. Dans ce milieu semi-aride, les gardiens de troupeaux devaient ainsi, avec leur bétail, aller chercher de façon opportuniste les ressources en eau et en végétaux. Plusieurs auteurs, parfois tributaires des grandes divisions archéologiques européennes entre Paléolithique et Néolithique (Garcea, 2006, p. 203), ont insisté sur les oppositions fondamentales qui existent entre chasse/collecte et pastoralisme (Schapera, 1930, p. 321 ; Smith, 1992a, p. 32-37 ; Riemer, 2003, p. 411). Mais sur le terrain, le mode de vie pastoral fondé sur les déplacements vers les ressources n’est pas foncièrement incompatible avec une activité de chasse (Smith, 1992b, p. 135-136) : la chasse implique aussi de se déplacer, pour accéder aux concentrations faunistiques. Les zones recherchées pour la chasse ou pour le pastoralisme possèdent un grand nombre de caractéristiques communes, puisque les animaux sauvages convergent à proximité des points d’eau, des étendues d’herbages et des zones de végétation.
39Malgré leurs natures différentes, images et restes archéologiques issus des fouilles sont complémentaires et leur lecture conjointe offre des éclairages inédits pour une compréhension globale. Les données (archéométriques et artefactuelles) issues des fouilles sur le plateau sud-est du Gilf el-Kebir ont permis de préciser les cadres chronologiques et de comprendre l’environnement écologique et économique des groupes à l’origine des peintures. Mais les images recèlent également des informations dont l’enregistrement archéologique ne peut témoigner : une approche socio-culturelle peut donc être envisagée par l’étude de la composition interne de quelques unités, des détails et des accessoires.
Approche socio-culturelle, ou les images au secours de l’archéologie
Les bovins sans tête, l’écho de pratiques sahariennes ?
40Les deux unités constituées du plus grand nombre de bovins sont les U.S. 3 et 7 de la phase intermédiaire, proches en style et technique. La moitié des bovins de ces deux unités a la particularité remarquable de figurer sans tête visible.
41Les têtes ont-elles été peintes, puis intentionnellement effacées ou dégradées par un processus de conservation différentielle ? Certaines des têtes, en effet, ont pu être peintes avec une préparation ou une couleur plus fragile, aujourd’hui disparue. Dans la région, les peintures des abris WG 45A et WG 34 semblent avoir subi une altération de ce type. À l’inverse, on peut aussi penser que les têtes n’ont jamais été peintes. La volonté de peindre une bête sans sa tête est affichée dans plusieurs autres abris holocènes de la région, sous la forme de la bête sans tête, dont la majorité des représentations connues se trouve dans l’abri WG 21. Contrairement à la bête sans tête, le dessin des bovins de l’abri WG 35 reproduit de façon réaliste certaines caractéristiques de l’animal, hormis l’acéphalie (Watrin, Honoré, Saad, sous presse). Dans cette hypothèse, comment comprendre la représentation de bovins acéphales ?
42Dès le vie millénaire avant J.-C., parallèlement à l’avènement du pastoralisme, une pratique semble se développer dans le Sahara : l’enterrement des bovins. Le cimetière de Mankhor dans le Sahara Central (Ferhat et al., 1996) a révélé une trentaine de sépultures de bovins enterrés sans crâne, ce dernier ayant été systématiquement prélevé. Les sépultures datent de 5500 à 4300 cal BC (Aumassip, 2006, p. 422). Les peintures de l’abri WG 35 font-elles référence à ce type de pratique ? Les comptages effectués dans l’abri WG 35 montrent qu’il existe une nette tendance statistique à l’association entre pis et tête (fig. 9). Les vaches ont le plus souvent une tête, et la grande majorité des bovins sans pis n’a pas de tête. Parallèlement, plusieurs études sur le culte des bovins au Sahara ont fait ressortir que les pouvoirs symboliques sont le plus souvent associés aux éléments mâles (cf. Hassan, 2002, p. 17 ; Di Lernia, 2006, p. 61).
43Dans cette hypothèse, le peintre aurait représenté son troupeau en y incluant les bêtes qu’il a abattues, précisant les usages respectifs des bêtes, soit par le dessin d’un pis démesuré (vache laitière), soit par l’absence de tête signifiant l’abattage (bœuf à viande, ou sacrifice ?). Bruno Rayer (comm. pers., 2008) indique qu’on pourrait éventuellement voir dans les lignes tracées sur la panse des trois bovins centraux de l’U.S. 3 l’indication des meilleurs quartiers, en adéquation avec des schémas de découpe souvent utilisées. Néanmoins, le même motif de lignes sur la panse apparait aussi sur certaines gravures rupestres sahariennes de bovins, où il est souvent interprété comme l’indication de changement de teintes de la robe (e. g. Lhote, 1975, p. 56 et p. 94 ; e. g. sites KT 23/I et KT 23/J dans le Jebel ‘Uweinât ; Rodrigue, 1999, p. 60-61). En conclusion, l’importance du capital dans les économies pastorales pourrait expliquer que les bovins acéphales, s’ils représentent des bêtes abattues, celles-ci se voient au milieu du troupeau dans la même attitude que les autres animaux. Il faut d’ailleurs noter que le collier – symbole de propriété de l’animal – est plus fréquemment associé aux bovins acéphales qu’aux bovins à tête.
Représentations de l’homme et de la société
Activités de gardiennage et organisation sociale du travail
44Sur les peintures de la phase intermédiaire de l’abri WG 35 (U.S. 5), les personnages qui gardent les troupeaux apparaissent par groupes de deux. Tous les personnages regardent vers la droite, comme les bovins. Le modèle de couple est stéréotypé : le personnage de droite tient un arc, et le second, à gauche, le suit en lui tenant la main. Les deux personnages portent un pagne d’apparence différente, et le second accuse toujours une stéatopygie plus prononcée. Le souci de différencier les deux figures est systématique. Leurs attributs sont peut-être les marqueurs d’une différenciation sexuelle : l’arc indiquant un homme et la stéatopygie, une femme. Si l’on admet que la différence systématique marquée par les attributs entre les deux personnages de chaque binôme est un indice de leur sexe, alors ces groupes représentent des couples homme/femme. La représentation de couples homme/femme gardant les troupeaux est-elle l’indice d’un type spécifique d’organisation sociale du travail ?
45Dans les sociétés pastorales attachées à une installation pérenne, qui développent presque invariablement des économies multi-ressources (économies à stratégies complémentaires, qui vivent de différents produits à côté de ceux issus du pastoralisme, cf. Salzman, 1972, p. 67), les moyens humains alloués au gardiennage des troupeaux se réduit souvent au minimum nécessaire (Abdi, 2003, p. 400-404). Les activités sont nombreuses et une partie du groupe doit s’occuper du bon fonctionnement de l’installation pérenne. Dans ces économies aux productions diversifiées, même si les rôles sont alloués différemment aux individus en fonction des sociétés, les exemples ethnographiques semblent montrer la division sexuelle des tâches comme une constante (R. Dyson-Hudson, 1972, p. 41 ; R. Dyson-Hudson et N. Dyson-Hudson, 1980, p. 20-25 ; Hodgson ed., 2000)16. Ce mode de production ne semble pas être celui évoqué par les peintures de l’abri WG 35, qui semblent plutôt figurer des travaux en commun : gardiennage journalier, transhumance saisonnière, déplacement quotidien du groupe ou représentation générique ?
46Même si aucune autre activité que le gardiennage de troupeau n’est représentée sur les peintures de l’abri WG 3517, les indices dans les peintures ne permet de savoir s’il s’agit d’un pastoralisme pur tel qu’il est décrit par Alan Jacobs (1965, p. 146). Dans les enregistrements archéozoologiques du plateau sud-est, cette activité est toujours couplée à la chasse, ce que la représentation des arcs à l’épaule des pasteurs de l’abri WG 35 pourrait confirmer. La représentation de couples homme / femme dans l’activité de gardiennage du troupeau pourrait donc évoquer soit un travail communautaire, soit un degré de mobilité élevé, c’est-à-dire un pastoralisme nomade au sens propre du terme, impliquant le déplacement ordinaire de l’ensemble du groupe avec les animaux (Abdi, 2003, p. 404), voire l’association des deux.
Activités connexes au pastoralisme
47Dans les trois phases de peinture, tous les personnages (ou couples) gardant des troupeaux sont munis d’arcs et de flèches. La figure de l’U.S. 8 porte également un objet perpendiculaire au buste et attaché aux épaules, décrit par András Zboray comme un objet énigmatique (2003, p. 124), qui est sans aucun doute identifiable à un carquois (fig. 10). Les arcs et flèches peuvent être utilisés de trois manières : pour la chasse, la défense (contre les animaux ou les humains) ou la guerre. Raids et vols de troupeaux sont le corollaire des activités pastorales (R. Dyson-Hudson et N. Dyson-Hudson, 1980, p. 44-46). Des exemples en ont été représentés dans le Jebel ‘Uweinât (fig. 11). La position des porteurs d’arcs de l’abri WG 35 semble répondre à une attitude de protection du troupeau ; et même si tous les types d’activités sont envisageables, il semble que les peintres ont résolument voulu mettre l’accent sur le gardiennage et la protection du troupeau.
Des signes d’appartenance tribale ?
48Enfin, les peintures détaillent nettement les accessoires de certains personnages. Outre un ornement pectoral (collier ?) et des chausses blanches, le personnage de l’U.S. 8 est peint avec un trait au-dessus de la tête (fig. 10). Cet accessoire, qu’il soit une plume, une tresse ou un autre objet, Chez les Okiek du Kenya, une tige ornée de perles est portée sur la tête par les femmes en indication de leur statut matrimonial (Kratz, 1988). Mais une scène de bataille du Jebel ‘Uweinât (fig. 11) indique clairement que cet attribut se présente comme un signe d’appartenance tribale : tous les personnages du groupe de gauche, qui semblent défendre un bovin, portent un seul trait sur la tête, tandis que les personnages du groupe de droite en portent tous trois.
Les particularités du contexte topo-géographique
Des relations inter-régionales ?
49Le bétail de la phase récente trouve des comparaisons avec quelques ensembles de peintures du Jebel ‘Uweinât. Des bovins à robe tachetée rouge et blanche très similaires à ceux de l’U.S. 8 sont peints sur les parois de l’abri KT 92/B, dans le Karkur el-Talh (Zboray, 2005). La ressemblance n’est pas une coïncidence car le décor de leur robe est très particulier. Le bovin bicolore de l’U.S. 16 trouve aussi des comparaisons avec des peintures de la partie septentrionale du Jebel ‘Uweinât (site KT 95/D par exemple). Des rapprochements entre les peintures rupestres du Gilf el-Kebir et celles situées dans les massifs montagneux au sud ont déjà été proposés (Almasy, 1936, pl. XVI). Les similitudes stylistiques et iconographiques indiquent-elles des déplacements, des contacts ? En théorie, la distance séparant la vallée du site WG 35 du nord du Jebel ‘Uweinât, soit un peu moins de 200 kilomètres, peut être parcourue par un groupe de pasteurs et son troupeau, même dans des conditions difficiles d’accès à l’eau (le transport d’eau dans des outres pouvant servir à assurer une grande partie du ravitaillement) : un déplacement saisonnier entre les deux massifs ne peut être exclu. Chez les Karimajong, Rada Dyson-Hudson a calculé que les bovins du campement de Pulukol pâturaient sur 1 507 miles carrés, soit environ 3 903 km2 (Dyson-Hudson, 1972, p. 32). Avec son potentiel biotique supérieur à celui plateau du Gilf el-Kebir, les montagnes du Jebel ‘Uweinât et leurs sources d’eau pérennes ont pu constituer l’un des refuges possibles lors de la grande phase de développement du pastoralisme de gros bétail après 5500 av. J.-C.
Le choix de la difficulté, à quelles fins ?
50Si quelques-unes des peintures de WG 35 peuvent être ponctuellement rapprochées d’autres peintures des vallées adjacentes ou du Jebel ‘Uweinât, l’abri constitue néanmoins un ensemble unique et soulève des interrogations inédites. À côté d’une mise en scène remarquable des peintures18, on distingue d’emblée la superposition des différentes couches. Les sites propices à recevoir un décor peint dans les environs immédiats de l’abri sont nombreux. Les couches de peintures ont pourtant été peintes les unes sur les autres, sans aucun effacement préalable. Ceci laisse entrevoir une réelle volonté de peindre à cet endroit précisément. Par ailleurs, les caractères progressif et parallèle des évolutions techniques et stylistiques ne peuvent guère être le fait d’une juxtaposition aléatoire de productions dues à des groupes différents : ils sont le résultat d’une réelle continuité.
51Les peintures ont été appliquées sur un plafond qui ne se trouve qu’à environ 60 cm du sol, obligeant à ramper pour y accéder. La station debout est impossible, et la station assise pénible – même pour une personne de petite taille – voire impossible. D’autres abris peints de la région répondent à une configuration comparable : WG 33A, WG 42 et WG 48. Le sol de l’abri WG 35 est constitué de la roche, ce qui rend impossible la caractérisation de toute autre éventuelle activité. L’inaccessibilité visuelle des peintures permet d’écarter la décoration ou l’ostentation (notamment le marquage du territoire, étudié par Holl, 1998) comme fins premières et fait plutôt envisager une fonction interne au groupe : culte, commémoration, propitiation ou initiation / éducation.
Conclusion
52Ces données favorisent le scénario d’un site fréquenté par un même groupe à différents étages chronologiques (plusieurs générations ?) pendant l’Holocène moyen. La localisation précise en était sûrement connue par la transmission et – peut-être – par l’établissement d’itinéraires de pâturages coutumiers. Dans l’abri WG 35, la tradition s’exprime à la fois dans le capital technique acquis et ré-exploité, mais aussi dans la permanence du lieu, particulièrement significative pour un groupe caractérisé par la mobilité. Les motivations de ces peintres-pasteurs sont difficiles à appréhender, mais l’étude ici menée a soulevé quelques constantes symptomatiques. On a pu repérer une nette insistance sur les marques de propriété : colliers, présence systématique de l’homme conduisant le troupeau. La composition du troupeau telle qu’elle est représentée est cohérente avec toutes les caractéristiques des meilleures stratégies écologiques de sécurité alimentaire traditionnellement adoptées par les pasteurs en milieu semi-aride, en termes de gestion des sous-produits, de prélèvements de viande et de reproduction du troupeau. En ce sens, les peintures de l’abri WG 35 pourraient correspondre à l’état d’un troupeau à un moment donné, ou tout au moins à un état de ce qu’on savait de lui. En objectivant la représentation mentale du troupeau, leur peinture avait-elle pour objectif de pérenniser cet état optimal, face aux aléas environnementaux ?
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Notes de bas de page
1 Les périodes paléo-climatiques sont utilisées à défaut d’une périodisation archéologique de la région, non-encore établie. Pour quelques vues sur les problèmes terminologiques de l’archéologie africaine de la période Holocène, cf. Sinclair et al., 1993, p. 4-8.
2 Les seuls programmes de fouilles archéologiques dans le Gilf el-Kebir ont été réalisés par l’université de Cologne dans deux wadis du plateau Kemal el-Din, au sud-est, à une centaine de kilomètres du Wadi Sūra (Schön, 1996) (Kuper, 2005).
3 Pourcentage calculé à partir de l’inventaire des sites rupestres du Gilf el-Kebir dressé par András Zboray en 2005 (Zboray, 2005).
4 La numérotation primitivement proposée par András Zboray était WG 45 (Zboray, 2003, 123), signifiant « cinquième site de la zone 4 du Western Gilf ». Dans sa nouvelle numérotation (Zboray, 2005), l’auteur renomme ce site en WG 35.
5 Pour une publication plus complète de la stratigraphie et des relevés, consulter Honoré (en préparation).
6 Elle n’est pas déterminée mais conditionnée, c’est-à-dire que les modalités d’occupation de l’Homme varient en fonction de l’équation qui s’opère entre, d’une part, le degré de contrainte exercé par l’environnement et, d’autre part, les adaptations réalisées par l’Homme.
7 Une critique argumentée du concept de « carrying capacity » pourra être lue dans Glassow, 1978.
8 L’origine orientale des chèvres domestiques d’Afrique serait confirmée par l’absence d’ascendant sauvage en Afrique (Gautier, 1980, p. 336-337). Mais Alfred Muzzolini conteste cette argumentation et envisage la possibilité d’une origine locale pour le Sahara occidental (Muzzolini, 1989, p. 151).
9 Heiko Riemer écrit que le rapport sur le site 82/22 du Wadi Bakht mentionne la présence de bovins domestiques dans l’intervalle entre 6400 et 4900 av. J.-C., pendant la période du Gilf B (2007, tab. 1). Or le rapport cité par H. Riemer mentionne seulement la possibilité de la présence de bovins domestiques pour la période du Gilf C, et pas pour la période du Gilf B (Fäder, 2005, p. 210).
10 Andrew Smith rapporte aussi que les chasseurs Wak se font parfois donner une tête de bétail par un groupe de pasteurs voisin. Il ajoute, non sans quelque ironie : « Robertshaw […] les considérerait comme des ‘pasteurs pauvres’essayant de redévelopper leur troupeau après de lourdes pertes » (Smith, 1992b, p. 133).
11 Pour une classification de la réalité (vécue, imaginée ou imaginaire) dans la création picturale, on peut se reporter à Legros, 1996, p. 18-19. À propos de la « réalité vécue », Luc Bachelot (comm. pers.) considère la désignation de cette catégorie comme tautologique voire redondante étant donné que la notion même de réalité n’est ni absolue, ni objective, mais nécessairement tributaire de l’expérience telle que l’exprime la phénoménologie husserlienne.
12 Smith signale qu’un ratio de 50 vaches pour un taureau n’est pas rare (Smith, 1992b, p. 107).
13 L’écartement exagéré des pattes postérieures, au profit de la représentation du pis, est aussi observé sur de nombreux sites rupestres de peintures pastorales dans le Jebel ‘Uweinât (Le Quellec, 1998, p. 69 et 71).
14 Tous les autres sous-produits (peau, urine, sang, bouse, cornes, ossements, moelle, tendons, etc.) sont à la fois disponibles chez le mâle et la femelle.
15 R. Dyson-Hudson et N. Dyson-Hudson mentionnent également d’autres facteurs conduisant à la mobilité des élevages : éviter les hasards de l’environnement physique et social, les maladies et insectes, réduire la compétition inter-groupes, échapper au contrôle d’autorités potentielles, etc. (R. Dyson-Hudson et N. Dyson-Hudson, 1980, p. 17-18).
16 Au sujet de la division sexuelle des tâches, il existe plusieurs écoles : l’une envisage cette distinction comme naturelle (Engels, 1974, p. 167) et l’autre, comme socio-culturelle, impliquant la notion de sexe social (Godelier, 2004, p. 439).
17 Les personnages bandant un arc de l’U.S. 20 pourraient être en train de chasser, même si aucune proie n’a été représentée.
18 Si elles sont plus fréquentes dans le Désert Libyque que dans les autres régions sahariennes (Rodrigue, 1999, p. 61), les mises en situation incluant des bovins et des hommes restent des configurations remarquables par leur relative rareté.
Auteur
Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, UMR 7041 équipe Du village à l’État au Proche et Moyen Orient. emmanuelle.honore@gmail.com.
Sujet de thèse : L’appropriation de la nature par l’Homme dans le Sahara Oriental (Gilf el-Kebir, Égypte) à l’Holocène Humide.
Thèse commencée avec feu Serge Cleuziou. Directeur Sylvie Amblard-Pison.
Date de soutenance prévue : fin 2012.
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Appréhension et qualification des espaces au sein du site archéologique
Antoine Bourrouilh, Paris Pierre-Emmanuel et Nairusz Haidar Vela (dir.)
2016
Des vestiges aux sociétés
Regards croisés sur le passage des données archéologiques à la société sous-jacente
Jeanne Brancier, Caroline Rémeaud et Thibault Vallette (dir.)
2015
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2014
Les images : regards sur les sociétés
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2011
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De la culture matérielle à l’espace culturel
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Biais, hiatus et absences en archéologie
Elisa Caron-Laviolette, Nanouchka Matomou-Adzo, Clara Millot-Richard et al. (dir.)
2019