Psychiatrie et désobéissance Écrire à l’asile : la France, la Grande-Bretagne et l’exception écossaise (xixe siècle)
p. 393-407
Résumés
Un siècle avant les antipsychiatres, les antialiénistes s’interrogeaient déjà sur la nature de la médecine mentale, étonnés de ce que les fous n’aient pas semblé guérir dans les asiles. Plutôt que d’entendre le discours des aliénistes, ils recherchèrent celui les aliénés, jugeant qu’il fallait les écouter pour y voir plus clair. Or, autant les historiens se sont intéressés au « pouvoir psychiatrique », autant cette question du désordre psychiatrique et de la désobéissance des patients a moins attiré l’attention. C’est donc la notion de dérèglement asilaire que cette contribution vise à éclairer, en explorant tout d’abord les éléments communs de la contestation antialiéniste dans les pays leaders du xixe siècle en matière psychiatrique (la France et la Grande-Bretagne) et en s’attardant ensuite sur le cas de l’Écosse. En effet, au lieu de rejeter les critiques comme leurs confrères, les médecins écossais choisirent plutôt de les écouter et allèrent même jusqu’à diffuser des journaux écrits par leurs malades. La psychiatrie prit alors un autre visage en Écosse : l’asile y était conçu comme un espace thérapeutique à définir avec les patients, un espace qu’il fallait aussi ouvrir (un tiers des malades écossais faisant déjà l’objet d’une prise en charge hors les murs en 1870). Le cas écossais montre ainsi que la transformation de l’asile en « institution totale » n’était pas inéluctable et qu’il y eut, parfois, de la place pour le dérèglement d’une certaine parole aliénée.
One century before the surge of anti-psychiatry, British and French anti-alienists of the 1860s were already questioning the nature of the medicine for the mind. Seeing that the creation of state-funded asylums had in fact led to the increase of mental cases, these challengers pondered the relevance of the system. To get another perspective, they thus decided to listen to the other actors of the asylum: the patients. Yet, if many historians have studied the “psychiatric power”, few have investigated this aspect and sought to examine how patients might have contravened said power in the past. This article therefore aims at exploring this issue of asylum disorders and patients’ disobedience, by shedding light on the 19th-century anti-alienist battles that took place in Britain and France, and then focusing on the case of Scotland. For contrarily to their colleagues, Scottish alienists did not reject critics; they chose to hear them and even went so far as to edit newspapers, where the mad could vent to the public. Not surprisingly then, psychiatry took another turn in Scotland, where alienists began to associate patients to the definition of their treatments and allowed them, whenever possible, to leave asylums, one third of Scottish patients being already treated ‘outdoor’ in the 1870s. The Scottish case thus shows that asylums were not necessarily fated to become “total institutions”, at least not when physicians agreed to leave some room for the disorder of mad voices.
Texte intégral
« Les gens du monde extérieur pourraient, nous le pensons, être amusés de voir comment nous jugeons ces fumistes qui prétendent être sains d’esprit, nous, qui, bien sûr, n’avons aucune prétention de la sorte1. »
1Une institution hospitalière est particulièrement concernée par la problématique de la règle : l’asile, la mission même de l’hôpital psychiatrique, telle que définie par ses fondateurs, consistant précisément à devoir soigner le dérèglement de la folie par… la règle, l’ordre asilaire étant censé s’imposer sur le désordre du délire. De Michel Foucault2 à Roy Porter3, tous ceux qui ont étudié les asiles ont ainsi souligné la minutie obsessionnelle de leurs règlements, chaque aspect de l’existence – de l’heure des repas jusqu’à la taille des fenêtres – s’y trouvant scrupuleusement défini. Selon les pionniers de la psychiatrie, ce n’était en effet qu’à ce prix, en contrôlant tout, absolument tout, que les asiles seraient des « instruments de guérison4 », la soumission à la règle devant permettre aux esprits troublés de retrouver, par osmose et contrainte, le chemin de leur propre règle intérieure.
2L’idée était belle, peut-être. Mais, malheureusement pour les aliénistes, elle se révéla n’être qu’un rêve, vite démenti par la réalité. Car, en fait d’« instruments de guérison », les asiles s’avérèrent à l’usage être plutôt des « fabriques de folie5 », le paradoxe étant qu’il n’y eut jamais autant de fous6 qu’à partir du moment où les médecins entreprirent de les soigner. Si l’on quittait en effet rarement les institutions psychiatriques européennes au xixe siècle (les taux de sortie y atteignant à peine 5 % en moyenne7), on y entrait en revanche assez facilement. Dès lors, puisqu’on internait chaque jour des patients sans en faire sortir aucun ou presque, les malades s’entassèrent bientôt par dizaines, par centaines, puis par milliers dans les établissements. Dans ce contexte, plutôt que d’ordre, c’est bien de désordre qu’il fut souvent question, les patients en surnombre se plaignant, parfois violemment, de leurs conditions de vie. Et s’ils trouvèrent peu à redire à la taille des fenêtres, ils s’attaquèrent en revanche à la pertinence des sacro-saintes règles asilaires.
3Or, autant on s’est intéressé au « pouvoir psychiatrique8 » et à ses traits coercitifs, autant cette dernière question – celle de la désobéissance des usagers, du « désordre psychiatrique9 » et de sa gestion – a moins attiré l’attention. C’est donc cette notion de dérèglement asilaire que cette contribution cherchera à éclairer, en examinant d’abord les éléments communs de la contestation antialiéniste10 dans les pays leaders du xixe siècle en matière psychiatrique (la France et la Grande-Bretagne) et en s’attardant, ensuite, sur le cas particulier d’une région : l’Écosse. Car, plutôt que de refuser d’écouter ceux qui les critiquaient, comme le firent souvent leurs confrères, les aliénistes écossais choisirent au contraire de prendre en compte l’avis de leurs patients, les encourageant même à écrire dans des revues publiques. En donnant quelques indications sur le cas écossais, cette contribution montrera ainsi que la transformation de l’asile en « institution totale11 » n’était pas inéluctable et qu’il y eut, parfois, de la place pour le dérèglement d’une certaine parole aliénée.
De l’espoir aliéniste au malaise asilaire
Les limites de la médecine mentale
4Dès l’Antiquité, si ce n’est même avant, qu’ils soient guérisseurs, chamans ou, enfin, docteurs, les spécialistes de la santé firent preuve d’une grande imagination pour tenter de soigner la déraison, utilisant saignées, trépanations, bains et quantité d’autres remèdes dans l’espoir de mettre fin aux désordres de l’esprit. Toutefois, quoique les médecins aient donc toujours eu affaire aux fous et vice versa, c’est bien au xixe siècle que l’aliénisme se distingua pour devenir une branche spéciale de la médecine, dotée de ses institutions propres. Or, de ce point de vue, deux pays se disputèrent longtemps la paternité de la psychiatrie : la France et la Grande-Bretagne, deux pays qui méritent dès lors d’être comparés, compte tenu de l’antériorité de leurs systèmes asilaires, mais également de la permanence de leur rivalité, les deux ennemies héréditaires ayant continûment jaugé leurs réussites à l’aune de celles de l’autre. En l’occurrence, pour les Français, Philippe Pinel, qui « libéra12 » les insensés de Bicêtre en 1793, apparut comme le vrai fondateur de la psychiatrie, tandis que les Britanniques lui préférèrent Francis Willis qui « guérit13 » le roi George III en 1789. On ne tranchera pas ici cette querelle mais, quoi qu’il en soit, Britanniques et Français choisirent donc des images similaires pour décrire les débuts de la médecine mentale, Pinel et Willis faisant tous deux figure d’hommes providentiels qui, en calmant le peuple (Pinel) ou le roi (Willis), assuraient surtout le retour à l’ordre. La sincérité de ces premiers psychiatres fut dans ces conditions souvent discutée, certains estimant que l’intention thérapeutique de Pinel et Willis relevait au mieux de la publicité, au pire du mensonge, l’objectif réel de l’aliénisme – aider l’État à contrôler les déviants en contrepartie de fonds publics – se trouvant chez ces icônes à peine masqué d’un voile philanthropique14.
5Mais si les intentions de Pinel et Willis étaient effectivement ambiguës, tous deux reconnaissant vouloir comprendre et maîtriser la folie (avec toute l’ambivalence accompagnant le second terme), il demeure malgré tout que la médecine mentale suscita une vague d’espoir sans précédent au début du xixe siècle. En Grande-Bretagne, la rémission de George III fut ainsi vue comme une preuve spectaculaire de l’efficacité aliéniste, et c’est pour répondre à la demande qu’une multitude de cliniques ouvrirent ensuite dans le pays. En France, de même, c’est en toute confiance que certains entrèrent initialement chez les médecins de fous, à l’image d’Auguste Comte, hospitalisé chez Étienne Esquirol en 182615. Que les autorités aient par la suite décidé d’accorder des sommes faramineuses aux pionniers de la psychiatrie ne peut ainsi pleinement se comprendre qu’en tenant aussi compte de cet aspect : à cette époque, une partie des élites croyaient vraiment que les aliénistes avaient la clef de la déraison. Par le « traitement moral », par le retrait hors du monde (l’« isolement thérapeutique ») et par l’influence bénéfique de l’autorité aliéniste et de l’ordre institutionnel, la médecine rayerait enfin la folie de la liste des afflictions humaines.
6Dès lors, quand il s’avéra que les médecins n’opéraient pas le miracle escompté, la désillusion fut à la hauteur des espérances initiales, elle fut grande, massive et profonde. Et elle fut, là aussi, d’abord sensible dans les deux contrées d’origine de la psychiatrie où, suivant l’engouement des élites, les autorités s’étaient montrées particulièrement prodigues. En 1838, la France décida en effet d’obliger tous ses départements à s’équiper en asiles et à payer pour l’hospitalisation des malades sans ressources, une politique que la Grande-Bretagne adopta également en 1845, devenant alors l’autre pionnière du financement étatique du secteur psychiatrique16. Mais, dans aucun des deux cas, le législateur ne pensa à fixer de limite au nombre de personnes pouvant être internées, ni, par conséquent, au budget que les médecins avaient le droit de réclamer. Or le problème fut que, à partir du moment où l’État prit l’aliénisme à sa charge, les statistiques s’emballèrent. On a dit en introduction que les taux de sortie des asiles publics, très faibles au xixe siècle, ne permirent pas de compenser l’afflux des arrivants. Il est sans doute utile de livrer quelques chiffres. En France, rien qu’en deux décennies (de 1838 à la fin des années 1860), le nombre d’internés fut ainsi multiplié par près de 250 %, une croissance qui ne cessa ensuite de se poursuivre, au point qu’il y eut dans l’Hexagone jusqu’à huit fois plus de personnes enfermées dans les asiles que dans les prisons17. Si le phénomène s’étendit ensuite à tous les pays qui se dotèrent d’un système asilaire similaire, seule la Grande-Bretagne connut initialement des statistiques équivalentes. Il suffira de noter que, entre 1800 et 1900, le nombre d’aliénés du secteur public y passa d’environ 10000 à plus de 10000018, pour comprendre que notre voisin n’eut rien à nous envier.
Antialiénistes et écrits de fous
7Le propos n’est pas ici de cerner les raisons objectives de cet accroissement de population, mais de saisir comment celui-ci fut perçu en son époque. En l’occurrence, les élites, qui avaient plutôt accueilli favorablement la politique asilaire au début du xixe siècle, commencèrent ensuite à douter de sa pertinence et à se demander pourquoi l’on devait continuer de payer les aliénistes si ceux-ci ne parvenaient pas à guérir les patients. Or, comme les asiles s’étaient d’abord développés en France et en Grande-Bretagne, ce fut là aussi qu’ils furent d’abord critiqués.
8Contrairement à ce qu’on peut penser, il ne fallut ainsi pas attendre les années 1960 pour voir une première vague d’antipsychiatrie. À dire vrai, dès que la médecine mentale eut ses promoteurs, elle eut aussi ses détracteurs, psychiatrie et antipsychiatrie s’étant en somme construites ensemble, selon des phases successives de flux et reflux. Du temps de Pinel et Willis, d’aucuns contestèrent déjà la pertinence de l’aliénisme, à commencer par les malades, premiers à critiquer les méthodes des médecins. Toutefois, ce n’est que lorsqu’on eut le recul suffisant pour juger de l’efficacité des asiles que leurs remarques trouvèrent vraiment audience. En France et en Grande-Bretagne, lorsqu’il devint clair, dans les années 1860, que la guérison asilaire n’était qu’un mirage, certains jugèrent ainsi qu’il était temps d’écouter cette autre version des faits. Car si les aliénistes ne guérissaient pas les fous dans les asiles, qu’y faisaient-ils alors ? Pourquoi les payait-on ? Et, à défaut de guérir les malades, les traitaient-ils au moins correctement ? En toute logique, la perte de confiance dans le pouvoir médical se traduisit donc par une plus grande attention portée aux patients, a priori les mieux placés pour répondre à ces questions.
9Des années 1860 jusqu’à la fin du siècle, il ne fut ainsi pas rare des deux côtés de la Manche de voir des romanciers, des journalistes ou des hommes politiques se poser en porte-parole des fous et braver le courroux médical pour aller recueillir les plaintes des malades à l’intérieur des asiles19. Suivant le même principe, la presse et les éditeurs décidèrent également de publier des témoignages d’aliénés (libres ou toujours internés), certains patients renégats – Raymond Seillière20, Hersilie Rouy21, Georgina Weldon22, Louisa Lowe23… – devenant même de véritables célébrités, ridiculisant les médecins dans les journaux et les cours de justice.
10Pour le dire autrement, la parole aliénée n’était pas totalement « inaudible24 » au temps des asiles, la crise antialiéniste permettant à certains patients de faire porter leur voix hors de l’espace médical. Or, bien sûr, leur avis n’était pas propre à rassurer les inquiets. À en croire les aliénistes, en effet, si le bilan asilaire était décevant, cela tenait surtout à ce que la folie était moins facile à soigner que prévu, la plupart des malades s’avérant être en fait des « dégénérés héréditaires », déjà « avariés » de naissance. La médecine ne pouvait donc guérir les malades… parce qu’ils étaient inguérissables. Les patients, eux, n’interprétèrent évidemment pas l’échec asilaire de la même manière. Pour eux, la responsabilité n’était pas du côté des malades mais des médecins, qui refusaient d’admettre que l’approche par l’« isolement thérapeutique » était inadaptée. Pourtant, loin d’être des lieux de repos bénéfique, les asiles, par leurs routines artificielles, leurs règles absurdes et leur fermeture, exerçaient au contraire un effet déprimant sur les esprits, quand ils n’étaient pas des geôles, des « nouvelles Bastilles25 », où l’on s’occupait surtout de maltraiter les fous et de séquestrer « arbitrairement » les sains d’esprit. Il était urgent de bousculer les pratiques médicales et de réformer les institutions.
Écouter les patients ?
Différences franco-britanniques
11Sans aller jusqu’à dire que les aliénistes perdirent toute légitimité face aux malades dans la seconde moitié du xixe siècle, il est cependant clair que l’ère du soupçon antialiéniste ouvrit alors un certain espace d’expression pour les patients. Mais, si la France et la Grande-Bretagne partagèrent donc ce courant critique, celui-ci eut toutefois une influence plus prononcée outre-Manche, où les pourfendeurs de l’aliénisme surent mieux s’organiser. Ainsi, en France, même si quelques tentatives furent faites au xixe siècle pour unifier la parole aliénée, aucune association de patients ne réussit cependant à émerger avant les années 196026. Par contraste, la Grande-Bretagne fut le premier pays à voir naître des associations de ce type, The Society for the Alleged Lunatics27 y ayant été fondée dès 1845 par John Perceval28. Il faut cependant surtout mentionner The Lunacy Law Reform Association de Louisa Lowe créée en 187429. Car, si Perceval attira l’attention des politiques, Lowe alla, quant à elle, beaucoup plus loin, puisque, à la suite de son lobbying, Westminster finit par céder : en 1890, la loi fut revue et l’on offrit de meilleures garanties aux patients30 (en comparaison, la loi française de 1838, pourtant très décriée, ne fut modifiée qu’en 1990).
12La Grande-Bretagne ne devint pas pour autant un paradis des fous à cette date : les patients obtinrent certes gain de cause sur certaines de leurs revendications en 1890, mais ce changement législatif ne remédia ni au surpeuplement asilaire ni à la dégradation des conditions hospitalières. Ceci étant, il n’en reste pas moins que le discours des malades eut donc de facto une visibilité et, surtout, une effectivité sur la scène politique britannique qu’il n’eut jamais en France. Quant à la scène médicale, force est de constater que, sur ce plan aussi, les Britanniques, et parmi eux surtout les Écossais, se distinguèrent. Car, s’il faut rendre justice aux quelques médecins français qui s’efforcèrent d’écouter les critiques31, ils furent cependant minoritaires, la profession médicale se contentant dans son ensemble de tourner en dérision les attaques des « écrivaillons », « journaleux » et autres aliénés « persécuteurs ». On voulait bien convenir que les asiles étaient surpeuplés, qu’il fallait revoir quelques points des règlements, mais on réclama surtout plus de moyens, la Société médico-psychologique (l’association professionnelle aliéniste) refusant obstinément de reconnaître la faillite de l’institution. Côté britannique, la vie de la Medico-Psychological Association fut, elle, plus tourmentée, les partisans des asiles fermés, souvent anglais, ayant dû y batailler ferme pour contenir les réformateurs venus du Nord.
Le cas écossais
13On l’a compris, les considérations nationalistes tinrent une part importante dans l’évolution des théories et des pratiques psychiatriques. Si Britanniques et Français se disputèrent ainsi l’invention aliéniste à ses débuts, quand les asiles tombèrent en disgrâce, l’argument patriotique joua également, y compris au sein de la Grande-Bretagne. On n’insistera pas ici sur la répugnance séculaire des Écossais à l’égard des Anglais, mais on notera simplement à ce sujet que l’Écosse bénéficiait encore d’un certain reliquat de liberté législative au xixe siècle, qui lui permettait notamment de prendre ses propres décisions en matière de santé publique. On ne sera alors pas étonné d’apprendre que, quand l’Angleterre vota la loi asilaire en 1845, l’Écosse prit un malin plaisir à ne pas suivre. Comme on ne sera pas non plus surpris de savoir que les aliénistes écossais, qui n’aimaient pas plus leurs voisins que les politiques, ambitionnèrent très tôt de se différencier. Dans ces conditions, les Écossais ouvrirent donc bien des asiles dans les années 1840, mais ils ne montrèrent pas le même enthousiasme que leurs voisins à bâtir ces structures et ils continuèrent à chercher d’autres voies thérapeutiques pour venir en aide aux aliénés. Quand les institutions anglaises et françaises furent mises sur la sellette, ils furent confortés dans cette opinion : l’« isolement thérapeutique » n’était peut-être pas la meilleure solution.
14S’inspirant du modèle séculaire d’hébergement familial des fous qui existait à Gheel en Belgique32, en plus du réseau asilaire, l’Écosse décida alors de créer une autre structure, parallèle, de prise en charge des malades : le boarding out system33. Prévu dans les dispositions de la loi adoptée en 1857, le boarding out system consistait à confier des patients (de un à quatre) à des familles d’accueil, payées et contrôlées par des médecins chargés de suivre les progrès des malades. Initialement expérimentale, cette procédure se développa rapidement jusqu’à concerner un tiers des aliénés, 30 % des malades mentaux écossais faisant ainsi l’objet d’une prise en charge hors les murs34, cent ans avant l’invention de la politique dite de « secteur35 ».
15Quelques aliénistes rechignèrent au début à laisser de la sorte les fous échapper à leur contrôle quotidien. Ils changèrent cependant vite d’avis, car le boarding out system ne distinguait pas seulement l’Écosse des autres nations (on l’appelait d’ailleurs le « système écossais »), il atténuait aussi les préjugés. Habitués à côtoyer des aliénés et des aliénistes, les Écossais furent en effet moins sensibles aux images de fous furieux et de psychiatres encore plus fous, venues de la littérature gothique, qui rendaient difficile l’exercice du métier d’aliéniste outre-Manche. À dire vrai, si rares furent les premiers volontaires qui acceptèrent, en 1857, d’héberger des aliénés et de travailler avec des médecins, dans les années 1880, le système était devenu si populaire qu’il y avait trop de postulants. L’expérience démontra donc aux aliénistes écossais que, plutôt que de se retrancher derrière les murs des asiles comme leurs confrères étrangers, ils avaient tout à gagner à se rapprocher des populations et des patients. Par conséquent, à partir des années 1860, ils ne promurent pas seulement le boarding out system, ils entreprirent également de réformer leurs asiles selon ce principe en cherchant : 1) à prendre en compte les demandes des malades ; 2) à créer du lien entre l’institution et l’extérieur. C’est dans ce contexte qu’ils eurent l’idée d’éditer des journaux écrits tout ou partie par les malades de leurs services.
Du défouloir à la négociation, les ambiguïtés des revues asilaires
Montrer le patient sans décrédibiliser le médecin
16J’ai recensé à ce jour huit revues conçues dans les asiles écossais et distribuées auprès du grand public sur la période 1857-1914. Plus de la moitié (quatre sur sept) des grands asiles d’Écosse (les asiles « royaux ») ont ainsi eu leur journal, auxquels s’ajoutent quatre asiles de district (sur vingt). Certaines de ces feuilles n’ont eu qu’une vie limitée, comme The Chronicle of the Cloister de Glasgow, dont il n’existe que quelques exemplaires36. D’autres prospérèrent, tels The Excelsior de l’asile de Murray à Perth, tiré de 1857 à 1878 et de 1891 à 1918, ou The Morningside Mirror37 de l’asile d’Édimbourg, qui fut diffusé à travers tout le royaume pendant plus d’un siècle (1845-1948). Devant cet engouement, quelques Anglais tentèrent de suivre, avec moins de bonheur cependant, l’Angleterre n’ayant donné naissance qu’à cinq revues de ce type, alors qu’elle concentrait plus de 85 % des aliénés britanniques. Ce fut toutefois toujours plus qu’en France, où il n’exista rien d’équivalent, car si des aliénés purent parfois jouer aux journalistes à l’intérieur des asiles français38, ils ne furent en revanche jamais autorisés à s’adresser au monde extérieur.
17Or c’est bien sur ce point que les journaux asilaires d’Écosse étonnent. Car, on l’a vu, que ce soit en France ou en Grande-Bretagne, les témoignages d’aliénés étaient surtout utilisés à charge dans les polémiques antialiénistes. D’où le réflexe de beaucoup d’aliénistes qui se hâtèrent alors de renforcer le contrôle de l’écriture des patients : en interne, en durcissant l’encadrement des correspondances, et à l’extérieur, en déniant toute valeur aux témoignages déjà publiés. Les Écossais, eux, firent un autre pari, jugeant au contraire qu’il valait mieux ouvrir un espace de défoulement aux aliénés, quitte à souffrir quelques soufflets, plutôt que de voir proliférer anarchiquement leurs écrits dans la presse. Les revues asilaires se virent dès lors assigner plusieurs buts, souvent contradictoires : il s’agissait d’offrir un exutoire aux patients, de donner au public une image moins noire des asiles, tout en montrant que les médecins demeuraient malgré tout maîtres des établissements. Autrement dit, les textes ne devaient être ni trop lénifiants (sinon, l’on aurait encore accusé les aliénistes de museler les malades), ni trop violents (pour ne pas choquer le corps médical), ni trop délirants (pour ne pas effrayer le lecteur), le tout en conservant un aspect suffisamment ludique pour que les patients veuillent participer. Pour résumer, les revues asilaires écossaises ne furent pas des lieux d’écriture libre, mais bien des espaces de négociation, où les médecins – qui devaient laisser filtrer l’éventuel ressentiment des malades tout en gardant la face – durent se plier à l’art du compromis. Quant aux malades, également tiraillés entre les limites de l’acceptable et l’envie de valoriser leur avis, ils optèrent souvent pour l’humour, comme dans l’exemple suivant, assez représentatif, où le ton a permis de faire passer ce qui est en réalité une critique acerbe des procédures d’internement d’office :
« 1. Il est établi que tout magistrat, officier ou inspecteur de n’importe quel comté de Grande-Bretagne et d’Irlande est fondé en droit à examiner tout poisson vivant ou mort, dans n’importe quel marché, gare de triage, véhicule de transport, dans une poissonnerie, un magasin, un logement […] ; si après examen il ou ils arrivent à la conclusion qu’un poisson vivant ou mort est fou ou dérangé, ils ont le droit de le confisquer […].
3. Il est décidé qu’aucun poisson une fois reconnu fou ne pourra être exposé pour être vendu, sauf pour servir de fumier [… ]39. »
18Il ne faut donc pas idéaliser l’expérience écossaise. Les journaux asilaires étaient contrôlés, et les aliénistes visaient, en les autorisant, à préserver l’ordre. Mais, en ouvrant un espace, même quadrillé, d’expression pour les malades, les aliénistes écossais introduisirent un biais dans la relation patients/médecins/public qui modifia profondément la nature de leur pratique. Le projet asilaire, on l’a vu, était porté par l’idée d’« isolement thérapeutique » : selon ses théoriciens, les fous devaient être totalement coupés de l’extérieur et abandonnés aux médecins pour que la règle de l’asile puisse impressionner leurs esprits. Il n’était alors absolument pas question d’instaurer de contacts entre la population et les malades. « Ouvrir l’asile » n’avait aucun sens dans la logique aliéniste classique, c’était même à l’inverse une hérésie. Quant à prendre en compte l’avis des patients, la notion était tout aussi incongrue, surtout pour ceux qui estimaient que les fous étaient pour l’essentiel des dégénérés. Si l’on devait recueillir leurs paroles, leurs dessins ou leurs écrits, c’était uniquement à titre clinique. Ces productions devaient être traitées sous l’angle du symptôme, comme des indices permettant d’identifier les lésions de cerveaux imparfaits, et certainement pas comme des « témoignages » dont il s’agirait de s’inspirer ou, pire, de faire la promotion40, les « aliénistes classiques41 » cherchant bien à limiter la fuite des écrits aliénés dans le circuit éditorial public.
Vers une autre psychiatrie
19À partir du moment où les Écossais permirent aux patients de toucher le public, ils s’opposèrent à leurs confrères étrangers, pour qui cette velléité d’ouverture était à la fois absurde et dangereuse. Or, en ouvrant, en pratique, la voie à la parole aliénée, les Écossais changèrent aussi, en théorie, le sens de la médecine mentale. À force de lire les malades, les aliénistes d’Écosse finirent en effet par penser que ceux-ci détenaient une autre forme de savoir, légitime, sur la genèse des troubles psychiques. Dès lors, loin d’être un symptôme de « graphomanie », l’élan créateur des patients était au contraire considéré comme un élément positif qu’il fallait encourager, l’écriture leur permettant de donner sens à leurs maux tout en aidant leur entourage à mieux les comprendre. Quand ailleurs les médecins qualifiaient les témoignages d’aliénés de « malades », bataillaient contre leurs éditeurs et fustigeaient ceux qui leur prêtaient attention, les aliénistes écossais se félicitaient au contraire de leur parution. Pour le Dr William Lauder Lindsay42, les « médecins » « accueillaient ainsi [ces textes] avec plaisir », sachant que les « malades auto-biographes » pouvaient, à partir de leur vécu, « déduire les mêmes leçons » que les spécialistes43. The Philosophy of Insanity44, un ouvrage de 1860 où un ancien patient de l’asile de Glasgow livrait une interprétation très personnelle du sens de la folie, fut, par exemple, reçu chaleureusement par les aliénistes écossais qui en recommandèrent la lecture, le placèrent sur les rayonnages des bibliothèques asilaires et contribuèrent de la sorte à son succès, tandis qu’en France les ouvrages similaires étaient bannis des enceintes asilaires45.
20Les aliénistes écossais jugèrent en somme qu’ils n’étaient que des coexperts de la folie, celle-ci devant être pensée et traitée en partenariat avec les malades. Les revues asilaires, qui avaient initialement surtout servi un but pratique – offrir un exutoire aux patients et répondre aux attaques de la presse –, finirent ainsi, comme le boarding out system, par modifier la vision médicale. À la fin du siècle, alors que la médecine mentale devenait de plus en plus organiciste – Valentin Magnan, Henry Maudsley puis Emil Kraepelin46 estimant que l’aliéniste devait distinguer des « types » de maladies à partir de signes cliniques sans se soucier du sens personnel des délires –, les Écossais optèrent pour un autre point de vue. Pour Lauder Lindsay ou Adam R. Turnbull47, entre autres, la mission du psychiatre devait être au contraire de guider les patients dans leurs parcours individuels, ceux-ci vivant l’aliénation comme une expérience, parfois libératrice, parfois douloureuse, mais une expérience qu’il fallait en tout cas accompagner et non pas mettre de côté ou considérer uniquement sous le rapport du pathologique. Le malade primait, pas la maladie.
21Vu sous cet angle, le psychiatre changeait donc de fonction, l’asile aussi, car si la folie était une expérience à intégrer dans un itinéraire de vie plutôt qu’une dégénérescence incurable, il fallait tenter de réinsérer les malades, et non les isoler. Dès 1867, l’Écosse fut ainsi la première à ouvrir des consultations externes et à permettre à des patients d’intégrer librement les services48, le but étant d’associer les malades au traitement et de casser l’image carcérale de l’asile. L’asile, ensuite, devait être un pont entre les aliénés et l’extérieur, et aider les premiers à se (ré) acclimater aux règles du jeu social via un système progressif de sorties à l’essai, culminant dans le boarding out system, et via, aussi, un ensemble d’activités incitant inversement le public à venir fréquenter les patients (bals, tournois, etc.). À ce principe général, s’ajoutèrent de nombreuses autres innovations, comme, notamment, la pratique de l’artthérapie, un point méconnu qui mériterait à lui seul une étude. On aura toutefois ici saisi l’essentiel : la philosophie de l’asile défendue en Écosse à la fin du xixe siècle était foncièrement iconoclaste. Il ne s’agissait plus d’y imposer un ordre, mais bien, à l’inverse, d’y définir un espace thérapeutique avec les malades. Dans ces conditions, rien d’étonnant à ce que les Écossais, encensés par les réformateurs, se soient heurtés aux « aliénistes classiques », dont ils ne partageaient ni les objectifs ni les méthodes49.
22L’asile est souvent présenté comme une institution monolithique, sans histoire et sans nationalité, un système qui se serait perpétué presque partout à l’identique, du milieu du xixe siècle jusqu’à sa remise en cause drastique dans les années 1960. Pourtant, comme toutes les autres institutions retenant des individus contre leur gré, l’asile connut en fait des dissensions et ce, dès ses débuts, la vague antialiéniste des années 1860-1880 révélant au grand jour l’ampleur du ressentiment accumulé depuis l’installation de la médecine mentale. Or il me semble que la façon dont les médecins réagirent à ces premiers dérèglements joua un rôle crucial dans la détermination de la suite de l’histoire. Car, si la fermeté des aliénistes français explique que la France se soit prêtée assez bien à une analyse en termes de « pouvoir psychiatrique », tous les corps médicaux ne suivirent pas cette règle. Les Écossais, eux, firent une place à la voix des patients et admirent que la psychiatrie devait s’écrire avec et non contre eux. La prise en charge de la folie prit alors chez eux un autre visage. Pour citer William Jones et Harriet Sturdy, si en France le développement de l’aliénisme se traduisit ainsi peut-être par une « diminution de la tolérance envers les déviants dans les communautés », « cet argument ne tient pas en Écosse » où 30 % des malades furent placés à l’extérieur des murs dès le xixe siècle, avec l’aide des populations et des médecins50. Certes, l’Écosse est une exception, mais elle démontre donc malgré tout qu’il faut se garder d’avoir une vision unilatérale du passé psychiatrique : les chemins empruntés par la médecine mentale ne furent pas partout les mêmes, et il y aurait sans doute encore beaucoup à apprendre aujourd’hui de l’exemple écossais.
Notes de bas de page
1 Motley, « Motley’s Reflections on the Magazines », The Excelsior, 23, 1866, p. 1. L’auteur, un patient de l’asile de Murray à Perth en Écosse, oppose ici les fumistes de la presse normale aux fous irrévérencieux de la presse asilaire.
2 Michel Foucault, L’histoire de la folie à l’âge classique, Paris, Gallimard, 1976 (j’utilise ici la réédition de 1998) ; Le pouvoir psychiatrique : cours au Collège de France, 1973-1974, Paris, Gallimard, 2003.
3 Roy Porter (1946-2002) est considéré comme l’historien de référence du champ dans les pays de langue anglaise. Entre autres ouvrages, on signalera ce titre princeps : Roy Porter, Mind-forg’d Manacles : A History of Madness in England from the Restoration to the Regency, Londres, Athlone, 1987.
4 J. B. Parchappe, « Extraits du discours prononcé à l’inauguration de la statue d’Esquirol le 22 novembre 1862 », Annales médico-psychologiques, 1, 1863, p. 7.
5 Thomas S. Szasz, The Manufacture of Madness : A Comparative Study of the Inquisition and the Mental Health Movement, New York, Harper & Row, 1977.
6 J’utilise les mots de fou, malade, aliéné, etc. sans porter de jugement et uniquement à titre social et historique. Le fou est ici celui qui a été étiqueté comme tel à son époque, sans qu’il soit question pour moi de discuter de la « réalité » médicale des diagnostics.
7 Voir note 17 ainsi que : E. Fuller Torrey, Judy Miller, The Invisible Plague. The Rise of Mental Illness from 1750 to the Present, New Brunswick/New Jersey/Londres, Rutgers University Press.
8 Michel Foucault, Le pouvoir psychiatrique, op. cit.
9 Marcel Jaeger, Le désordre psychiatrique. Des politiques de la santé mentale en France, Paris, Payot, 1981. Dans ce livre, Marcel Jaeger, infirmier psychiatrique, pointe les lacunes de l’analyse du sociologue Robert Castel en ce sens (Robert Castel, L’ordre psychiatrique, l’âge d’or de l’aliénisme, Paris, Éditions de Minuit, 1976).
10 Le terme anti-aliéniste (ou antialiéniste) est attesté en France depuis au moins 1893.
11 Erving Goffman, Asylums. Essays on the Social Situation of Mental Patients and Other Inmates, New York, Doubleday & Co, 1961.
12 Cet épisode mythique ne s’est en fait jamais produit, les fers n’ayant été ôtés que peu à peu et à l’instigation initiale, en outre, du concierge de Bicêtre et non de Pinel : Dora Weiner, « Le geste de Pinel : Psychiatric Myth », dans Mark S. Micale, Roy Porter (dir.), Discovering the History of Psychiatry, Oxford, Oxford University Press, 1994, p. 232-247.
13 La guérison de George III ne dura pas. Son comportement redevint erratique dans les années 1810 et il fut écarté du pouvoir.
14 C’est notamment la thèse de Michel Foucault (L’histoire de la folie à l’âge classique, op. cit. ; Le pouvoir psychiatrique, op. cit.). Côté britannique, quoiqu’il s’en soit pris aux simplifications de l’analyse foucaldienne, l’historien Andrew Scull a néanmoins aussi pointé les collusions entre aliénisme et politique : Andrew Scull, The Most Solitary of Afflictions : Madness and Society in Britain 1700-1900, Londres, Yale University Press, 1993.
15 Auguste Comte, Cours de philosophie positive, Paris, Bachelier, 1842, p. XII.
16 La France et la Grande-Bretagne furent les seuls États de grande taille à adopter ce type de dispositif dans la première moitié du xixe siècle, puisque seuls le canton de Genève (1838), la ville de Neuchâtel (1843) et les Pays-Bas (1841) votèrent des législations asilaires équivalentes avant 1850.
17 À l’ouverture du réseau asilaire public (1838), les asiles français retenaient environ 10000 personnes, 34919 en 1864, 58699 en 1894, 110000 en 1939 (contre 18000 détenus) : François Chapireau, « Évolution du recours à l’hospitalisation psychiatrique au xxe siècle », dans Magali Codelfy (dir.), La prise en charge de la santé mentale en France. Recueil d’études statistiques, Paris, La Documentation française, 2007, p. 127-143 ; Aude Fauvel, « Madness : A “Female Malady” ? Women and Psychiatric Institutionalisation in France », dans Patrice Bourdelais, John Chircop (dir.), Vulnerabilities, Social Inequalities and Health in Perspective, Évora, Ediçoes Colibri, 2010, p. 61-75.
18 Andrew T. Scull, « The Insanity of Place », History of Psychiatry, 15, 4, 2004, p. 417-436.
19 Michel Foucault, L’histoire de la folie à l’âge classique, op. cit., p. 656.
20 Aude Fauvel, « A World-Famous Lunatic. Baron Raymond Seillière (1845-1911) and the Patient’s View in Transnational Perspective », dans Waltraud Ernst, Thomas Mueller (dir.), Transnational Psychiatries. Social & Cultural Histories of Psychiatry in Comparative Perspective c. 1800- 2000, Newcastle, Cambridge Scholars Publishing, 2010, p. 200-228.
21 Yannick Ripa, L’affaire Rouy : une femme contre l’asile au xixe siècle, Paris, Tallandier, 2010.
22 Judith R. Walkowitz, City of Dreadful Delight : Narratives of Sexual Danger in Late-Victorian London, Chicago, University of Chicago Press, 1992, p. 171-189.
23 Aude Fauvel, « Cerveaux fous et sexes faibles. Grande-Bretagne, 1860-1914 », Clio, 37, 2013, p. 41-64.
24 Michel Foucault, L’histoire de la folie à l’âge classique, op. cit., p. 656.
25 L’expression était commune des deux côtés de la Manche, voir par exemple Jules Manier, Les Bastilles modernes, mystères des asiles d’aliénés, Paris/Bruxelles, M. Carré/M Manceaux, 1887 ; Louisa Lowe, The Bastilles of England, Londres, Crookenden, 1883.
26 En 1963 apparut notamment en France l’« Union nationale des familles et anciens malades mentaux ». On notera que la mention des patients a depuis disparu, l’UNAFAM étant aujourd’hui l’« Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques ».
27 La « Société des soi-disant fous ».
28 Nicholas Hervey, « Advocacy or Folly : The Alleged Lunatics’ Friend Society, 1845-1863 », Medical History, 30, 1986, p. 245-275.
29 L’« Association pour la réforme de la loi sur la folie », sur la campagne de Lowe, voir Aude Fauvel, « Cerveaux fous et sexes faibles… », art. cité.
30 La loi de 1890 accentua les contrôles sur les procédures d’internement, ouvrit de nouvelles voies de recours pour les patients s’estimant hospitalisés à tort et renforça le pouvoir des commissioners in lunacy chargés de l’inspection des asiles. Les aliénistes anglais furent ainsi placés sous une surveillance administrative et judiciaire plus importante que leurs homologues français.
31 Aude Fauvel, « Aliénistes contre psychiatres. La médecine mentale en crise (1890-1914) », Psychologie clinique, 17, 2004, p. 61-76.
32 William L. Parry-Jones, « The Model of the Geel Lunatic Colony and its Influence on the 19th-Century Asylum System in Britain », dans Andrew T. Scull (dir.), Madhouses, Mad-Doctors, and Madmen. The Social History of Psychiatry in the Victorian Era, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 1981, p. 201-217.
33 On peut traduire cette expression par « système de prise en charge externalisée ».
34 William L. Parry-Jones, Harriet Sturdy, « Boarding-out Insane Patients. The Significance of the Scottish System, 1857-1913 », dans Peter Bartlett, David Wright (dir.), Outside the Walls of the Asylum : The History of Care in the Community, 1750-2000, Londres, Athlone Press, 1999, p. 86-114.
35 Adoptée en 1960 en France, la politique de secteur est toujours au cœur de la pratique psychiatrique. Il s’agit, par zone géographique d’environ 70000 habitants (le « secteur »), d’éviter autant que faire se peut l’hospitalisation des malades mentaux en développant leur prise en charge de jour dans des structures ouvertes et en favorisant leur insertion dans la communauté dans le cadre, notamment, d’« appartements thérapeutiques ».
36 « Les chroniques du cloître ».
37 « Le miroir du matin ».
38 À ce jour, on ne connaît que deux exemples de ce type : Le glaneur de Madopolis de Charenton qui aurait été écrit à la main dans les années 1860 (il n’en existe de traces que par sources interposées) et L’antialiéniste de Bicêtre (1893, ronéotypé).
39 H. C. de L., « It’d Be a Parody ? Extracts from Insane and Lunatic Fish and Shell Fish Regulation Bill », Loose Leaves, 1 (1902), p. 3-4 (ma traduction). Loose Leaves fut édité dans une clinique anglaise, mais qui avait été fondée par un Écossais, lequel y transplanta les méthodes de sa région.
40 Sur la façon dont les aliénistes considérèrent l’art et l’écriture aliénés, comme permettant, à travers les formes et les contenus, d’identifier des types de maladies, voir notamment : Frédéric Gros, Création et folie. Une histoire du jugement psychiatrique, Paris, PUF, 1997 ; Philippe Artières, Clinique de l’écriture : une histoire du regard médical sur l’écriture, Le Plessis-Robinson, Synthélabo, 1998.
41 L’expression est d’époque, voir Aude Fauvel, « Aliénistes contre psychiatres… », art. cité.
42 Lauder Lindsay (1829-1880) dirigea l’asile royal de Murray, qui éditait The Excelsior, pendant vingt-cinq ans.
43 The Excelsior, no 10/11/12 (1871), p. 5-6.
44 Anonyme, The Philosophy of Insanity, Édimbourg/Londres/Glasgow, Maclachlan & Stewart/ Houlston & Wright/William Love, 1860 (« La philosophie de la folie »).
45 La cité des fous de Marc Stéphane (Parc de Neuilly, Le Cabinet du Pamphlétaire, 1905) fut par exemple interdit dans les asiles français.
46 Magnan (1835-1916) et Maudsley (1835-1918), théoriciens de la dégénérescence, ont été crédités d’avoir posé les bases de l’observation psychiatrique moderne et ouvert la voie au travail clinique de l’Allemand Emil Kraepelin (1856-1926).
47 Turnbull (1853/4 ?-1916), défenseur convaincu du boarding out system, administra le soin des aliénés dans les districts de Kinross et Fife.
48 En Angleterre et en France, il fallut attendre l’entre-deux-guerres pour voir le développement de systèmes comparables de consultations libres. Quant aux internements, les lois de 1838 et 1845 ne prévoyaient que des procédures sous contrainte, l’internement dit « volontaire » désignant en fait, dans la loi de 1838, un placement opéré à la demande de la famille (l’« involontaire » étant requis par les autorités).
49 Les Écossais s’en prirent par exemple aux Anglais et à leur vision fermée de la psychiatrie lors de débats sur les faibles d’esprit : Janet Saunders, « Quarantining the Weak-Minded : Psychiatric Definitions of Degeneracy and the Late-Victorian Asylum », dans William F. Bynum, Roy Porter, Michael Shepherd (dir.), The Anatomy of Madness, vol. III, Londres/New York, Routledge, 1988, p. 273-296.
50 Parry-Jones, Sturdy, « Boarding-out insane patients… », art. cité, p. 110.
Auteur
Université de Lausanne
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