Manquements et dérèglements dans l’ordre Teutonique (xiie-xve siècle)
p. 353-373
Résumés
Les teutoniques constituent un cas très particulier d’une communauté qui, tout en étant un ordre religieux, vivait dans un espace « semi-clos ». La communication propose quelques considérations sur le rapport entre les normes et la réalité quotidienne des teutoniques, et sur l’efficacité des actes normatifs de l’ordre, afin de comprendre dans quelle mesure une règle ou des statuts peuvent préserver l’intégrité d’une communauté religieuse fortement influencée par le monde laïc. Dans une première partie, est présenté le corpus normatif de l’ordre, composé de la règle, des « lois », des coutumes et de quelques textes normatifs supplémentaires. Par la suite, il s’agit d’étudier ces normes afin de percevoir comment la législation fut adaptée aux exigences de la vie quotidienne des teutoniques, en partant notamment du cas du chapitre « Des frères qui vont en chemin ». Dans la partie centrale de la communication, sont analysés les transgressions et les châtiments prévus par les textes normatifs teutoniques, inspirés par les constitutions des prêcheurs. Enfin, une dernière partie observe l’application de ces normes à partir de l’exemple des possessions de l’ordre dans la péninsule Italienne. Les statuts teutoniques constituent un exemple très perfectionné de la législation statutaire médiévale, qui cherche à s’adapter à la multiplicité des activités exercées par l’ordre et à concilier les principes de l’obéissance et de la discipline avec les principes de collégialité et de solidarité entre les frères. Toutefois, comme l’indique la comparaison avec les actes de la pratique, ces textes normatifs n’étaient pas suffisants pour faire face aux transformations de l’ordre et à ses divisions internes.
The Teutonic Knights represent a very special case of members of a religious order, living in a “semi-closed” space. The paper proposes some considerations on the relationship between the normative acts and the daily reality of the Knights, willing to understand, to what extent a rule or statutes may preserve the integrity a religious community heavily influenced by the secular world. The first part presents the statutes of the Teutonic Order, consisting in rule, “laws”, customs and some additional standards. Subsequently, the question is to perceive how the Teutonic law was adapted to the necessities of everyday life of the Knights, examining first of all the chapter Des freres qui vont en chemin of their rule. The central part of the communication studies the transgressions and punishments provided by the Teutonic statutes, inspired by the constitutions of the Dominican Order. Finally, the last section looks at the application of these standards, starting from the example of the possessions of the Teutonic Order in the Italian peninsula. The statutes of the Teutonic Knights are a very sophisticated example of medieval statutory legislation, that seeks to adapt itself to the multiplicity of actions of the Knights and unites the concept of obedience and discipline with the principles of collegiality and solidarity. However, as indicated by the comparative sources, this was not enough to face the changes and difficulties of the Order and its internal divisions.
Texte intégral
1Depuis leurs origines, les teutoniques, tout comme les membres des autres ordres religieux militaires1, ne vivaient pas dans un espace clos. La nature même de leurs activités, c’est-à-dire l’assistance aux pauvres et aux infirmes, la guerre et la gestion économique du patrimoine, les obligeait à passer une grande partie de leur temps parmi les laïcs2. Dans le même temps, les couvents, lorsqu’ils existaient, pullulaient de familiers et serviteurs de l’ordre et, en Europe occidentale et méridionale, il n’est pas rare de trouver des commanderies comprenant seulement un ou deux teutoniques, complètement immergés dans le contexte local3. L’ordre Teutonique était certes grand, puissant et centralisé, mais les différences entre ses diverses maisons en Terre sainte, en Prusse, en Livonie, en Allemagne ou ailleurs étaient considérables4, et il n’était guère possible d’appliquer dans une petite commanderie sicilienne le plan aux cercles concentriques – l’habitat des teutoniques au milieu, celui des autres catégories disposé autour – d’un Marienbourg en Prusse ou d’un Fellin en Livonie. Nous avons donc affaire à un monde que l’on peut définir comme « semi-clos ».
2La fréquente classification des teutoniques dans la catégorie de « moines-soldats » me paraît très inexacte du fait qu’ils n’étaient ni moines ni soldats à temps complet. Mais leur vie se fondait tout de même sur des normes monastiques d’inspiration bénédictine et augustinienne, calquées sur l’exemple de la règle templière, avec des emprunts et influences pris également ailleurs, surtout dans les constitutions dominicaines, mais aussi dans les statuts de la confraternité de Santo Spirito in Sassia, la congrégation des Allemands de Rome5. Il est bien question d’un ordre religieux, et la vie quotidienne de ses membres était, au moins en théorie, assujettie à des prescriptions très sévères.
3Je proposerai quelques considérations sans doute trop rapides sur le rapport entre les normes et la réalité quotidienne des teutoniques, et sur l’efficacité des actes normatifs de l’ordre. Il s’agit de comprendre dans quelle mesure une règle ou des statuts peuvent préserver l’intégrité d’une communauté religieuse fortement influencée par le monde laïc et composée en grande partie d’hommes dont l’instruction religieuse se limitait au Credo, au Pater Noster et à l’Ave Maria6.
Les statuts
4Avant tout, il est nécessaire de préciser quelques termes de base. La règle de l’ordre Teutonique n’est que la partie liminaire d’un corpus normatif, l’Ordensbuch, ou statuts (Statuten en allemand), composé de trois blocs qui doivent être considérés ensemble. La première partie est constituée par la règle proprement dite. La deuxième, sans doute la plus intéressante, contient les « lois » (institutiones et iudicia), qui ont trait aux questions pratiques de la vie quotidienne. La troisième comprend les coutumes (consuetudines), mais, à la différence des coutumes de l’ordre de Saint-Jean7, il ne s’agit pas ici de normes sur la vie quotidienne, mais d’une description des structures, des hiérarchies et de l’organisation interne de l’ordre, à commencer par le cérémonial de l’élection du grand maître. À tout cela s’ajoutent des lois supplémentaires, promulguées par le chapitre de l’ordre et par ses grands maîtres, surtout après 1289, et qui présentent elles aussi un grand intérêt pour la thématique ici traitée.
5Ce corpus normatif a été presque exclusivement étudié par des historiens des xviiie et xixe siècles : la version latine a été publiée en 1727 par le chanoine autrichien Raymond Duellius8, le texte haut-allemand en 1806 par Ernst Hennig9 et en 1847 par le pasteur Ottmar Schönhuth10, et, enfin, la version en bas-allemand en 1857 par le baron d’Ablaing Van Giessenburg11. En 1807, Guillaume Eugène Joseph de Wal publie une première étude analytique sur la question, Recherches sur l’ancienne constitution de l’ordre Teutonique…12, qui se fonde sur un seul manuscrit, mais conserve encore aujourd’hui une grande partie de sa validité.
6L’apogée de la recherche est atteint en 1890, avec l’œuvre de l’historien et bibliothécaire Max Perlbach, Die Statuten des deutschen Ordens13, qui consiste en une publication commentée des versions latine, française, bas-allemande et haut-allemande du corpus, complétée par le calendrier liturgique de l’ordre Teutonique et quelques autres annexes (comme la chronique Narratio de primordiis ordinis theutonici), et qui se fonde sur les trente et un manuscrits médiévaux connus. La publication de Perlbach est un travail bien réalisé, en ce qui concerne aussi bien l’analyse du texte, dont il repère les sources et influences, que l’étude du contexte historique.
7Après 1890, les statuts des teutoniques n’ont été que peu étudiés : d’une part, parce que l’histoire de l’ordre Teutonique a relativement peu intéressé avant 1955 (ses aspects religieux et spirituels restent jusqu’à aujourd’hui moins connus que le reste14), d’autre part, parce qu’il était difficile de renouveler l’étude de Perlbach. Par ailleurs, à la différence de la règle des templiers, étudiée par Simonetta Cerrini qui a découvert de nouveaux manuscrits15, les sources à la disposition des historiens de la règle teutonique restent en substance les mêmes qu’en 1890.
8Une tentative de renouveau a été faite en 1969 par un historien américain d’origine lettonne, Indrikis Sterns, avec sa thèse, The Statutes of the Teutonic Knights16. Cette œuvre, dont les spécialistes de l’histoire teutonique soulignent quelques points faibles et quelques idées trop téméraires, comme celle de voir dans les textes normatifs teutoniques une influence de la Carta caritatis des cisterciens17, n’a jamais été publiée (la version manuscrite est disponible dans quelques bibliothèques), mais son contenu (corrigé sur certains points) a été exposé par l’auteur en 1982, dans un article intitulé « Crime and Punishment among the Teutonic Knights »18. Il s’agit de l’unique recherche innovatrice publiée sur la question depuis 1890. L’auteur y présente le contenu des statuts en se focalisant sur les passages (les lois et les ajouts postérieurs des grands maîtres) qui concernent les transgressions et leurs punitions, et en terminant par l’étude du cas du maître de Livonie Johann Wolthuss von Herse, destitué et arrêté en 147119. Toutefois, Sterns n’apporte pas de véritables nouveautés par rapport aux recherches de de Wal et Perlbach, et ne fournit finalement qu’une étude superficielle des statuts et de leurs transgressions.
9Une nouvelle étude du corpus normatif teutonique est vivement attendue mais, pour l’instant, personne n’y travaille et il faut se contenter des synthèses fournies par les historiens Udo Arnold20, Klaus Militzer21 et par l’actuel grand maître de l’ordre Teutonique, Bruno Platter22. Un état de la recherche très utile et approfondi a été réalisé en 2005 par Hubert Houben, dans la publication des actes du colloque organisé par Gert Melville sur les sources normatives des ordres religieux23.
10L’histoire des textes normatifs teutoniques commence avec la fondation de l’ordre en 1198, lorsque, d’après le prologue des statuts et d’après la chronique Narratio de primordiis ordinis theutonici, les teutoniques auraient reçu des mains du maître du Temple un exemplaire de la règle templière24. Toutefois ces deux sources ont été rédigées un demi-siècle après les événements qu’elles relatent, et elles cherchent visiblement à glorifier la fondation de l’ordre, ce qui oblige à considérer leurs affirmations avec prudence25.
11La Narratio parle uniquement de la règle et non du reste du corpus normatif (lois et coutumes), pourtant déjà présent : en 1196, la première congrégation hospitalière des teutoniques – qui n’est pas encore un ordre militaire – voit Célestin III reconnaître ses racionabiles consuetudines26. Klaus Militzer suppose que, outre ces consuetudines, il aurait aussi existé une première règle de la communauté, empruntée aux hospitaliers de Saint-Jean27 : il s’agit d’une théorie intéressante, car la règle hospitalière s’inspire de la tradition augustinienne, tandis que celle des templiers se fonde sur la règle de Benoît. Il s’agit donc de deux textes et deux traditions très distincts28. En février 1199, lorsque le pape Innocent III confirme la transformation de la première congrégation des teutoniques en un ordre militaire, il leur permet de suivre la règle du Temple mais également celle de l’Hôpital pour tout ce qui concerne les activités d’assistance29.
12Quelques années plus tard, en 1206, le pape confirme les consuetudines de l’ordre30, ce que fait également son successeur Honorius III en 1220 : il mentionne alors les consuetudines […] a vobis aliquanto tempore observatas et les instituta31, et cite l’année suivante le statutum de l’ordre32.
13S’appuyant sur le fait que les textes normatifs teutoniques33 mentionnent l’interdiction de combattre contre les chrétiens, alors que ceux des templiers ne le font pas, Hubert Houben suppose que les statuts de l’ordre Teutonique auraient différé de la tradition templière sur certains points34.
14Dans tous les cas, l’aspect originel des statuts teutoniques reste inconnu, car le manuscrit le plus ancien qui les contient date de 126435 et est postérieur à un travail de réécriture du corpus normatif entrepris par les teutoniques au milieu du XIIIe siècle. En effet, en 1244, Innocent IV autorise l’ordre à supprimer cinq chapitres de la règle36, repris de la règle templière, dont le plus important exigeait l’autorisation de l’évêque diocésain pour qui souhaitait entrer dans l’ordre Teutonique37. Les teutoniques interprètent la lettre du pape dans un sens large et considèrent qu’elle les autorise à modifier tous les statuts de leur propre gré, sans rien demander à personne. Par conséquent, entre 1244 et 1251, tout est revu et rédigé de nouveau38.
15Après cette période, ni l’abandon de la Terre sainte ni le déplacement des grands maîtres en Prusse ne sont accompagnés de modifications des statuts, qui restent pratiquement inchangés jusqu’à une grande réforme entreprise en 160639 : les grands maîtres se contentent alors d’ajouter des lois complémentaires à celles déjà existantes.
L’adaptation des normes
16L’unique révision médiévale des statuts, au milieu du xiiie siècle, a pour but d’adapter la législation teutonique, qui estoit confuse et oscure40, aux nécessités de la vie d’hommes qui, au moins depuis la cinquième croisade, mènent souvent une vie de soldats, loin de la tranquillité des murs conventuels41. Tout comme les templiers et les hospitaliers de Saint-Jean, les teutoniques introduisent dans le texte même de la règle une série de clauses spécifiques, destinées à ceux qui se trouvent en dehors des maisons de l’ordre. Ainsi, le chapitre 17 précise : « Que tous les frères, si cela est possible, dorment ensemble en un même lieu, si leur supérieur n’ordonne pas qu’ils ne dorment ailleurs pour les nécessités de leur office42. »
17Le chapitre le plus important de ce point de vue est le chapitre 28 de la règle, intitulé De itinerantibus ou, en version française, Des freres qui vont en chemin43. Il s’agit d’un long exposé sur le comportement des frères lorsqu’ils se trouvent hors de la maison : ils doivent montrer, par leurs gestes et leurs paroles, que Dieu est en eux ; éviter les lieux de mauvaise renommée et la compagnie des personnes malhonnêtes ; ne pas fréquenter les fêtes de mariage et les rassemblements similaires ; éviter les femmes, surtout si elles sont jeunes – ils ne sont pas même autorisés à embrasser leurs mères et sœurs ; ils doivent également éviter les excommuniés et ne peuvent devenir parrains. Cette dernière interdiction, destinée à éviter à l’ordre de contracter des obligations envers le monde laïc, ne vaut toutefois pas si l’enfant à baptiser se trouve en péril de mort. Enfin, si cela est possible, les teutoniques doivent dormir avec la lumière allumée et on leur accorde, durant leur voyage et immédiatement après leur retour (lorsqu’ils doivent se reposer de la fatigue du voyage), des libertés par rapport aux offices liturgiques.
18Comme l’a bien indiqué Perlbach, la moitié de ces prescriptions normatives sont tirées de la règle templière. La règle latine du Temple contient, en effet, un chapitre (le no 63 ou 64, selon les manuscrits) sur les frères en voyage44, très abrégé dans la version française de la règle45. On y trouve les mêmes recommandations sur le comportement à adopter46, sur la lumière allumée pendant la nuit et sur l’interdiction de fréquenter les excommuniés. Ce chapitre de la règle templière s’inspire du chapitre 67 de la règle de Benoît47, qui se limite toutefois à ordonner aux frères de prier pour ceux qui se trouvent en dehors du couvent et pour ceux qui en reviennent (afin de remédier aux fautes qu’ils auraient pu commettre durant le voyage), ainsi qu’à interdire aux frères de parler aux autres de ce qu’ils ont vu en dehors du monastère. Ce même chapitre de la règle bénédictine mentionne également l’interdiction de sortir du couvent sans la permission du supérieur, interdiction que les templiers ont placée dans un autre chapitre de leur règle48.
19L’une des clauses les plus intéressantes du chapitre 63 de la règle templière latine concerne les rapports des frères avec les excommuniés. L’interdiction de les fréquenter est répétée, avec plus de vigueur, dans le chapitre 6549. Au contraire, la règle française du Temple, rédigée une quinzaine d’années plus tard, incite les frères à entrer en contact avec les excommuniés : Là où vous saurez que sont assemblés des chevaliers excommuniés, nous vous commandons d’aller50. Cette évolution s’explique par la volonté de l’ordre d’intégrer des excommuniés à la recherche d’absolution51. Les teutoniques, pour leur part, ont résolu ce problème avec élégance, en ordonnant : « Qu’aucun frère n’ose fréquenter des excommuniés publiquement dénoncés », mais en ajoutant, tout de suite après, « dans les cas qui ne sont autorisés52 ».
20Le chapitre 28 de la règle teutonique, Des freres qui vont en chemin, est complété par d’autres clauses tirées d’autres chapitres de la règle du Temple, comme l’interdiction d’être parrain53, les libertés par rapport aux offices liturgiques54 et tout ce qui concerne le contact avec les femmes55. Ce dernier point est l’un des cas où la règle templière, qui, au moins dans sa version latine, n’est qu’une fidèle continuation de la règle de saint Benoît56, s’en écarte. En effet, la règle bénédictine reste vague en ce qui concerne les femmes, mais celle des templiers affirme avec vigueur que les frères ne doivent pas regarder les femmes en face57 et interdit la réception de celles-ci dans l’ordre58. Les teutoniques reprennent également l’interdiction d’échanger des paroles et des baisers avec les femmes, y compris avec sa propre mère ou sœur, mais n’excluent pas complètement l’adhésion des femmes à leur ordre et l’existence des couvents féminins. Sur ce point, il est intéressant de faire une comparaison avec les hospitaliers de Saint-Jean. S’inscrivant dans la tradition augustinienne, ils étaient moins stricts que les templiers et les teutoniques, d’inspiration bénédictine. Le quatrième chapitre de la règle de Raymond du Puy, Coment les freres aler et ester doivent59, précise les normes de conduite des hospitaliers en voyage. Il leur ordonne de faire preuve d’une bonne conduite60, de ne jamais se déplacer ou se loger seuls, mais d’être accompagnés d’un ou deux frères, et se limite à leur interdire que des femmes leur lavent les cheveux et les pieds ou qu’elles fassent leur lit61.
21Le chapitre de la règle teutonique, Des freres qui vont en chemin, reprend donc le chapitre 63 ou 64 de la règle templière tout en ajoutant à la source originale d’autres clauses, sans doute inspirées par les expériences de la vie pratique, comme celle d’éviter les lieux et les personnes « infâmes », et les occasions de rassemblement laïques, comme les fêtes de mariage. Comme nous l’avons vu, il s’agit d’une évolution de la tradition bénédictine vers plus de précision et de rigueur. Dans le même temps, on y décèle également les évolutions de la société qui ont eu lieu entre la rédaction des règles templière et hospitalière (dans leur première version) et celle des teutoniques, plus de cent ans après : la règle teutonique est beaucoup plus détaillée et « pratique » que les règles de ses prédécesseurs.
22Après la chute de Saint-Jean-d’Acre en 1291 et le déplacement du centre de l’ordre Teutonique en Prusse en 1309, les grands maîtres jugent nécessaire de préciser et compléter ces clauses. Ainsi, un frère ne peut sortir d’un couvent urbain que s’il est accompagné par un autre frère ; s’il s’agit d’un couvent situé dans la campagne, il peut sortir seul, mais pour une durée maximale de cinq jours62. Toutefois, en 1347, le grand maître Heinrich Dusemer accorde aux frères prussiens la possibilité de prendre un congé d’un mois en Sambie et dans le pays de Culm63, tout en leur conseillant d’éviter la ville d’Elbing qui ne jouit pas, semble-t-il, d’une bonne réputation64.
23Ce qui frappe à la lecture des statuts teutoniques, c’est que le respect des règlements est soumis aux circonstances dans lesquelles se trouve un frère ou à l’autorisation de ses supérieurs. Pour être plus explicite, prenons un exemple concret : sous quelles conditions peut-on consommer du vin au couvent ? Les lois interdisent de boire du vin en dehors des repas, mais précisent ensuite qu’on peut le faire après nones et lorsqu’on reçoit des hôtes. Par ailleurs, l’interdiction de manger et de boire hors de la maison ne vaut pas si l’on se trouve en compagnie de prélats et autres hommes de religion65. Les statuts ne disent, en revanche, rien de la consommation de bière dont on sait qu’elle est très importante dans les maisons teutoniques. Autre exemple : l’interdiction de chevaucher à deux le même cheval. Celle-ci n’est plus valable « lorsqu’il y a la nécessité de le faire », par exemple, pour traverser un fleuve66.
24L’application de la moitié des statuts est laissée à la libre appréciation des commandeurs. Certaines clauses sont conservées uniquement comme un instrument de contrôle à utiliser en cas de nécessité. Ainsi, alors même que les statuts interdisent aux prêtres teutoniques de fréquenter les écoles67, l’ordre envoie, aux xive et xve siècles, ses prêtres dans les universités d’Europe centrale, d’Allemagne et d’Italie, et recrute du personnel parmi les universitaires68. Par ailleurs, les hommes instruits de l’ordre font une carrière éclatante en son sein69.
Les transgressions et les châtiments
25On pourrait traiter encore longuement des aspects généraux des statuts de l’ordre Teutonique, mais il convient d’entrer dans le vif du sujet et d’aborder la thématique des manquements et des transgressions. Ces questions ont déjà été traitées par de Wal, Sterns et les monographies sur l’histoire générale de l’ordre, j’éviterai donc de dresser un tableau détaillé des crimes et châtiments, et je me limiterai à une présentation analytique du sujet.
26Avant tout, le premier chapitre de la règle rappelle les trois piliers de la vie des teutoniques, qui sont la chasteté, l’obéissance et la pauvreté. Personne, pas même le grand maître de l’ordre, ne peut les transgresser70. En réalité, ces trois piliers ne revêtent pas tous la même importance car, dans l’ordre Teutonique tout comme dans les autres ordres religieux militaires, le véritable pilier est l’obéissance71. L’obéissance, définie par la règle comme renuncemens de propre volenté72, implique, concrètement, que les ordres des supérieurs soient exécutés sans hésitation, mais également que l’on ne permette pas aux personnes extérieures d’intervenir dans les affaires de l’ordre.
27Les lois teutoniques (chap. 33-45) présentent une longue liste de fautes et de leurs châtiments, que l’on peut considérer comme l’une des parties les plus originales des statuts de l’ordre Teutonique. En effet, ni les templiers ni les hospitaliers n’élaborent de listes aussi détaillées. Par ailleurs, comme le note bien Klaus Militzer73, les teutoniques puisent dans les constitutions des prêcheurs, dans leur version « actualisée » du milieu du xiiie siècle74.
28Cette liste se concentre surtout sur la question de l’obéissance dans un sens large : les candidats à l’entrée dans l’ordre doivent être libres de toute dépendance envers le monde extérieur ; il est interdit de diffuser les « secrets » du grand maître, des commandeurs et du chapitre de l’ordre ; de conspirer contre ses propres supérieurs ou de fuir de l’ordre75. Tous ces cas sont considérés comme des « fautes graves ».
29Parmi les fautes légères, on trouve le fait d’avoir porté des lettres pour le compte de personnes extérieures à l’ordre, tout en en ignorant le contenu76. Comme le note Perlbach, cette clause est reprise des statuts de Santo Spirito in Sassia de Rome77 et elle n’existe pas chez les templiers. La règle de Benoît78 et celle du Temple79 mentionnent en revanche l’interdiction d’écrire et de recevoir des lettres sans l’autorisation du supérieur, interdiction reprise par les lois teutoniques, qui se bornent à interdire les lettres ou il ait laides machinacions80.
30Parmi les fautes « gravissimes », on trouve entre autres le fait d’entrer dans l’ordre par simonie ou en fournissant des informations mensongères sur son état, ainsi que le fait de fuir du champ de bataille. Seules deux transgressions sur six de cette catégorie, c’est-à-dire la sodomie et le fait de se rallier aux « apostats de l’Église81 », ne sont pas directement en lien avec l’obéissance. Bien d’autres clauses des statuts renvoient à l’obéissance : l’interdiction de recevoir la sainte communion des mains des prêtres extérieurs à l’ordre82, mais également celle faite aux commandeurs locaux de construire des églises ou des maisons en pierre sans l’autorisation du commandeur provincial83, ou encore l’interdiction d’apprendre à lire sans l’autorisation des supérieurs84.
31Les officiers de l’ordre ne sont pas non plus libres de leurs gestes. Tous, y compris le grand maître, sont contrôlés par leurs supérieurs et par les chapitres des commanderies, des bailliages et de l’ordre. Les coutumes définissent avec beaucoup de précision les tâches des officiers, limitant leur pouvoir et leur recommandant de toujours prendre en considération, lorsqu’ils doivent prendre une décision, « la qualité, le temps, la manière, le lieu et la capacité de faire, afin que tout soit réglé selon la raison85 ». Le grand maître doit lui aussi respecter l’opinion non pas de la majorité de son chapitre, mais de sa « partie saine », c’est-à-dire d’un groupe de frères les plus sages, honnêtes et discrets86. Sur ce point, on ne peut que noter la différence avec les franciscains et leur idée d’obéissance totale. Pour les teutoniques, savoir prendre des décisions est une qualité et un devoir, et, dans le même temps, les officiers de l’ordre n’ont jamais le pouvoir absolu : leurs ordres et leurs décisions peuvent être corrigés et adaptés. Les statuts teutoniques ne sont en aucun cas des règlements militaires.
32Le vœu de pauvreté est en grande partie lié à celui d’obéissance et est lui aussi très présent dans les statuts : les frères se voient interdire toute possession personnelle87 ; on limite les quantités d’argent de l’ordre que les frères, les commandeurs et même le grand maître peuvent manier sans solliciter d’autorisation88 ; on recommande à ceux qui gèrent les maisons de ne pas laisser les clefs des celliers à la portée des autres frères89.
33En revanche, les statuts insistent moins sur la chasteté : on essaye de prévenir les transgressions sexuelles, mais on ne les spécifie généralement pas. Parmi les fautes énumérées et considérées comme légères, on trouve le fait d’avoir accepté, durant le voyage, la compagnie de femmes « suspectes » ou d’avoir parlé avec d’autres frères de péchés lubriques90. Parmi les fautes graves, on trouve le fait de se loger dans les ostels mal renomés91 et, parmi les fautes « plus graves » mais pas « gravissimes », le péché charnel avec une femme92. Comme le note Indrikis Sterns, il pouvait y avoir un certain laxisme sur ce point, ce qui expliquerait l’intervention faite par le grand maître Konrad von Erlichshausen en 1442 contre la transgression de la chasteté93.
34La discipline interne de l’ordre s’appuie également sur quelques règles de base de la vie commune, comme l’interdiction de provoquer les autres frères, de leur donner des coups ou de les insulter. Les lois fournissent la liste des quatre insultes les plus fréquentes chez les teutoniques, soit proditor, renegatus, fetentus et filius meretricis, ou, dans la version française, renoié, puant et fis de fole feme (le « traître » y est omis)94. La procédure de la dénonciation d’un frère qui a commis des transgressions est, comme chez les templiers et hospitaliers, plutôt laborieuse95 car elle doit respecter à la fois le principe de l’obéissance et la solidarité interne de l’ordre96.
35Les punitions prévues par les statuts consistent en des périodes de pénitence de durées diverses (d’une journée à une année), pendant lesquelles le frère perd le droit de porter l’habit de l’ordre et mange avec les serviteurs. À cela s’ajoute, à partir de deux ou trois jours de pénitence, la « discipline corporelle », ou flagellation, reçue par les frères chevaliers dans l’église et par les frères prêtres, mieux traités, en privé. En cas de fautes « plus graves » ou « gravissimes », le frère peut être mis aux fers et détenu en prison. Comme le notait déjà de Wal, les statuts de l’ordre Teutonique restent cependant assez vagues en ce qui concerne les punitions, ce qui oblige le grand maître Winrich von Kniprode à préciser, dans la seconde moitié du xive siècle, ce que l’on entend exactement par la « discipline corporelle97 ».
L’application des statuts
36Voyons à présent comment le corpus normatif des teutoniques est appliqué au quotidien. Il faut se rappeler que les statuts de l’ordre Teutonique ne sont pas un texte symbolique, comme chez les templiers qui conservent les exemplaires de leur règle comme des objets sacrés et en limitent la diffusion98. Les statuts teutoniques sont lus aux frères tous les dimanches, de manière que l’on puisse écouter, à chaque fois, un passage de la règle, un des lois et un des coutumes99. Les lois se préoccupent également de la transcription des statuts qui est encouragée à la condition qu’elle soit bien réalisée100. Les statuts sont donc effectivement suivis par les teutoniques.
37Mais que faut-il entendre par « teutoniques » ? Les membres de l’ordre se divisent en plusieurs catégories dont seulement deux sont présentes dans toutes les maisons : les frères chevaliers et les frères prêtres. Les frères servants ou écuyers, attestés surtout en Terre sainte et en Prusse, se confondent ailleurs avec une vaste galaxie de personnes associées à l’ordre. Ces hommes et femmes peuvent être des confrères et consœurs des teutoniques, de simples familiers ou encore des employés et des serviteurs101, mais l’élément commun est qu’ils suivent tous les statuts de l’ordre Teutonique. Le corpus normatif de l’ordre ne s’adresse donc pas uniquement à ses membres et lorsque, au début du xive siècle, les rois angevins de Naples agissent contre les frères qui ont abandonné l’habit teutonique102, ils visent très probablement les confrères locaux et non les frères chevaliers ou prêtres. Dans des villes comme Danzig, Nuremberg ou Palerme103, on considère que des centaines de personnes sont soumises à la législation teutonique.
38Il n’est pas toujours aisé d’appréhender les transgressions commises à l’intérieur de l’ordre Teutonique, car on évite, lorsque c’est possible, de rendre publics les mauvais comportements des membres de l’ordre. Les fustigations publiques (la « discipline ») prévues par les lois sont en réalité rares. Les commandeurs teutoniques possèdent tous les moyens nécessaires pour punir eux-mêmes et en secret les frères coupables. Nous sommes mieux lotis lorsque nous possédons des sources extérieures à l’ordre, c’est-à-dire lorsque l’ordre est obligé de faire juger les coupables par les pouvoirs publics ou a besoin d’un mandat pour les faire arrêter.
39Le premier siècle de l’ordre Teutonique est plutôt avare en informations, à part celles sur les frictions entre les grands maîtres et le chapitre de l’ordre, et celles sur des problèmes disciplinaires mineurs. Un premier indice important date de 1292, lorsque le grand maître Konrad von Feuchtwangen ordonne à chaque commandeur provincial de construire une ou deux prisons dans son bailliage104. Cela indique sans équivoque qu’il y a assez de coupables de crimes suffisamment graves pour exiger qu’ils soient punis par une peine d’emprisonnement. L’existence de prisons est par la suite documentée dans diverses commanderies teutoniques105.
40Pour les xive et xve siècles, on peut suivre deux voies. Dans quelques régions, il est possible d’avoir recours aux sources produites par les pouvoirs publics. En Prusse et en Livonie, il faut en revanche se contenter des lois promulguées par les grands maîtres. Dans ce cas, on suppose que le fait de promulguer une loi pour lutter contre un problème confirme l’existence de celui-ci.
41Mis à part la liturgie et les clauses, comme celle qui précise que seul le grand maître peut posséder des faucons106 ou celles qui concernent l’habit et les armes107 (comme l’interdiction de porter des gants à l’intérieur du couvent108), la question la plus sérieuse à laquelle sont confrontés les dirigeants de l’ordre est la discipline interne. Ainsi, les grands maîtres doivent intervenir pour juger des transgressions telles que le non-respect de la chasteté ou le meurtre d’un frère de la part d’un autre109. À un siècle de distance, Winrich von Kniprode (1351-1382)110 et Konrad von Erlichshausen (1441-1449) interdisent les complots, conspirations et autres ligues à l’intérieur de l’ordre111. Ces mesures reflètent sans doute la position parfois fragile du grand maître, mais également l’existence de divisions internes, aggravées à cette époque par la montée de l’autonomie des branches livonienne et allemande de l’ordre.
42Comme l’indique l’exemple de Johann Wolthuss von Herse, étudié par Indrikis Sterns112, la question du respect de la hiérarchie et de la discipline va de pair avec le problème de la richesse personnelle : les commandeurs locaux aussi bien que le maître de la Livonie tentent en effet de se constituer des petits patrimoines particuliers113. On constate une individualisation des charges, qui accompagne la progressive transformation de l’ordre Teutonique en une corporation de la noblesse, et la perte de son caractère transnational114. Toutefois, les teutoniques n’arriveront jamais au niveau des hospitaliers de Saint-Jean, qui tolèrent la gestion des commanderies et même des prieurés comme des bénéfices personnels115.
43Prenons l’exemple de l’Italie qui m’est le plus familier et pour lequel les sources externes à l’ordre sont relativement abondantes. Depuis la seconde moitié du xiiie siècle, l’ordre est confronté au problème des frères et familiers teutoniques qui quittent l’ordre. Le premier exemple date de 1269 et concerne un certain « Henri le Loup » qui vit avec une concubine à Melfi116. Les nombreux statuts à ce sujet montrent que les fugitifs sont un sujet de préoccupation important pour les teutoniques. Lorsque les grands maîtres de l’ordre se déplacent en Prusse, en laissant les riches possessions italiennes sous l’administration d’une vingtaine ou une trentaine de frères, les problèmes s’aggravent. En septembre 1334, lorsque le commandeur teutonique des Pouilles se rend à Naples, un groupe de fratres insolentes et rebellis occupe avec violence la maison mère du bailliage à Barletta117. Ce conflit, comme celui qui entraîne la destitution du commandeur en Sicile en 1327118, s’explique, à mon avis, par les frictions existant entre deux principaux groupes de frères présents en Italie, les Rhénans et les Allemands du Sud. On retrouve ce type de tensions ailleurs, comme en Livonie, où les frères sont surtout des Rhénans et des Westphaliens119. Par ailleurs, fait curieux qui confirme la théorie de frictions internes, le principal coupable de l’agression à Barletta, le chevalier Nicolas de Cuesin, est seulement puni par un transfert dans un autre bailliage (en Sicile)120.
44Les transgressions peuvent donc être des indices de problèmes à plus grande échelle. Outre la régionalisation, l’ordre Teutonique souffre aussi de la montée de l’individualisme chez les frères. En 1366, le commandeur de la maison teutonique de Venise, le Suisse Johann Roliger, est jugé pour avoir vendu les trésors de sa maison, y compris les reliquaires et les bulles d’or conservés autrefois dans les archives de l’ordre en Terre sainte, à un usurier juif et au comte d’Oettingen, afin de se rendre à Ravenne avec quelques amis et des prostituées allemandes121. Ce genre de méfaits devient fréquent, surtout durant le XVe siècle, en raison des difficultés d’administration de l’ordre, de la division des compétences en Italie entre les grands maîtres et la nouvelle puissance en jeu, les maîtres d’Allemagne, ou encore en raison de l’intervention des pouvoirs externes dans les affaires de l’ordre.
45On arrive à une situation telle que, en 1492, les visiteurs, envoyés par l’ordre à Palerme, se retrouvent, à leur grande surprise, face à un chapitre du bailliage sicilien composé d’un commandeur provincial, père de plusieurs enfants conçus avec au moins six concubines, qui ne méprise pas non plus la compagnie des amants de sexe masculin, vit dans le luxe et se comporte comme un noble sicilien. Les autres frères ne sont pas en reste : l’un d’eux se trouve en prison pour vols et actes violents, un autre vit avec une femme, et un dernier a pour habitude d’abuser de l’alcool. Ces quelques cas sont seulement des extraits d’une liste de « péchés » beaucoup plus longue et pittoresque122.
46Cet exemple particulier révèle une série de problèmes fondamentaux qui provoquent un véritable dérèglement : tous les frères, à part le commandeur, sont des membres de la bonne société de Nuremberg qui ont été envoyés en Italie dans leur jeunesse, immédiatement après leur entrée dans l’ordre. Leurs activités ne sont pas contrôlées par les supérieurs de l’ordre Teutonique, affaibli depuis la défaite de Tannenberg en 1410. Il n’existe plus à Palerme, depuis le xiiie siècle au moins, de vie conventuelle véritable : les frères sur place sont peu nombreux (quatre ou cinq au maximum), et chaque frère réside dans sa propre chambre et non dans un dortoir. L’exemple sicilien montre également que, pour étudier les manquements et dérèglements chez les teutoniques, il ne suffit pas d’observer le corpus normatif et son application concrète. Il faut partir du contexte historique. On peut effectuer une comparaison avec les autres ordres religieux-militaires des xive et xve siècles ainsi qu’avec les hospitaliers, dont les membres font carrière en utilisant l’argent de l’ordre, ou encore avec les ordres ibériques qui, à cette époque, deviennent des appendices des cours royales123. De la même manière, il faut prendre en compte la situation de l’Italie méridionale durant et après le Grand Schisme. La région est dans une situation de décadence spirituelle telle que l’on considère les Siciliens, ainsi que le rappelle Salvatore Fodale, comme des « élèves de la perdition124 ».
Conclusion
47Pour Indrikis Sterns, « le code pénal sévère de l’ordre […] était visiblement plus une façade qu’un miroir de la vie intérieure de l’ordre ». Les privilèges pontificaux qui soustrayaient l’ordre Teutonique à la juridiction du clergé séculier l’auraient transformé en une « espèce de sanctuaire des pécheurs et des malfaiteurs125 ».
48L’interprétation des sources normatives est ambiguë, car l’existence d’une loi ou d’une norme laisse supposer l’existence d’un crime qu’elle réprime, sans pour autant en être une preuve définitive. De la même manière, lorsque les textes normatifs taisent certaines fautes, cela n’implique pas qu’elles ne sont pas commises. Il est donc indispensable de confronter ces sources à des exemples concrets de méfaits commis. Comme l’indique le cas italien, bien documenté de ce point de vue, de même que le cas livonien, illustré par Sterns, il n’est pas possible de parler d’un ordre Teutonique intrinsèquement corrompu depuis ses origines, et il existe visiblement une différence entre le xve siècle et l’époque précédente. À mon avis, il serait plus correct de penser que, à un certain moment, les statuts des teutoniques ont été moins appliqués, car un monde plus cynique et corrompu – ou, si l’on préfère, plus pragmatique et individualiste – s’est substitué à celui de l’époque de leur rédaction, au milieu du xiiie siècle.
49Mais il existe également un problème de départ, lié au corpus normatif teutonique qui, en substance, recherche la souplesse : les statuts de l’ordre ne se limitent pas à construire des hiérarchies stables et incontournables. Ils y ajoutent le principe de la collégialité et dotent les commandeurs locaux et autres officiers d’un pouvoir de décision autonome. Par conséquent, les grands maîtres des teutoniques n’exercent en aucun cas un pouvoir absolu et dépendent du chapitre de l’ordre. Pour ne prendre que les exemples du xiiie siècle, Hermann de Salza est réprimandé par le chapitre pour son absence de la Terre sainte126 ; en 1244, Gerhard von Malberg est contraint d’abandonner ses charges ; Heinrich von Hohenlohe (1244-1249) est contesté par une partie de l’ordre, et Burchard von Schwanden abandonne l’ordre en 1290 pour entrer chez les hospitaliers. De même, l’autonomie des commandeurs régionaux contribue au xive siècle à la division définitive de l’ordre Teutonique en trois branches géographiques (la Livonie, la Prusse et l’Allemagne avec les zones méditerranéennes).
50Le système, fondé sur la solidarité et la collégialité internes, et sur la capacité des membres de l’ordre à prendre leurs propres décisions, semble toutefois avoir fonctionné jusqu’au moment où les difficultés internes – provoquées par la progressive individualisation de l’ordre et sa transformation en une corporation nobiliaire –, couplées aux facteurs externes (comme la perte de crédibilité sur le plan idéologique, après la conversion de Jagellon et son couronnement comme roi de Pologne en 1386, les tensions en Prusse et en Livonie), finissent par remettre en cause les équilibres établis.
51Les statuts de l’ordre Teutonique constituent un exemple très perfectionné des actes normatifs émis au Moyen Âge. Ils cherchent à faire face à la multiplicité des activités des teutoniques, en conservant une certaine souplesse et en associant pyramide hiérarchique et solidarité interne. Toutefois, ils ne suffisent pas à maintenir l’esprit originel de l’ordre, car ces textes normatifs présentent les défauts qui caractérisent l’ensemble de la législation statutaire médiévale : l’anachronisme et une certaine confusion entre les détails mineurs et les problèmes importants.
52Une réforme de l’Ordensbuch aurait peut-être contribué à préserver la cohésion interne des teutoniques, mais leur aurait-elle permis d’affronter les conséquences de la transformation de l’ordre en une puissance territoriale, sa division en trois branches autonomes et la montée de l’esprit individuel de ses membres ? Les manquements et les dérèglements ne dérivent sans doute pas de la faiblesse des normes juridiques établies, et même la meilleure des lois peut toujours être transgressée.
Notes de bas de page
1 Sur les ordres religieux-militaires du Moyen Âge, voir Prier et combattre. Dictionnaire européen des ordres militaires au Moyen Âge, Nicole Bériou, Philippe Josserand (éd.), Paris, Fayard, 2009. Sur l’ordre Teutonique, voir Kristjan Toomaspoeg, Histoire des chevaliers teutoniques, Paris, Flammarion, 20032 ; Danielle Buschinger, Mathieu Olivier, Les chevaliers teutoniques, Paris, Ellipses, 2007 ; Sylvain Gougenheim, Les chevaliers Teutoniques, Paris, Tallandier, 2007.
2 À ces activités, il faut ajouter le service curial, souvent exercé par les frères des ordres militaires, voir Alain Demurger, « Service curial », dans Prier et combattre…, op. cit., p. 866-868.
3 Sur les effets de cette cohabitation, voir Kristjan Toomaspoeg, « Ultimi Teutonici di Sicilia (1491-1492) », dans Sacra Militia. Rivista di storia degli ordini militari, 2, 2001, p. 155-177.
4 Les différences entre les provinces (bailliages), commanderies et maisons se voient bien dans l’enquête sur le personnel de l’ordre réalisée par le grand maître Luwig von Erlichshausen en 1451 : Visitationen im deutschen Orden im Mittelalter, Marian Biskup, Irena Janosz-Biskupova (éd.), II, 1450-1519, Marbourg, Elwert, 2004, no 175, p. 119-138.
5 Sur les sources et inspirations des statuts des teutoniques, voir Die Statuten des deutschen Ordens nach den ältesten Handschriften, Max Perlbach (éd.), Halle, M. Niemeyer, 1890, p. xxxiii et xxxvi (et les indications dans le texte publié) ; Hubert Houben, « Regola, statuti e consuetudini dell’ordine teutonico. Status quaestionis », dans Regulae – consuetudines – statuta. Studi sulle fonti normative degli ordini religiosi nei secoli centrali del Medioevo, Cristina Andenna, Gert Melville (éd.), Münster, Lit, 2005, p. 375-385, ici p. 377. Sur les statuts de Santo Spirito in Sassia, voir Regula sive statuta Hospitalis Sancti Spiritus : la più antica regola Ospitaliera di Santo Spirito in Saxia, Pietro De Angelis (éd.), Rome, Tecnica grafica (Collana di studi storici sull’Ospedale di Santo Spirito in Saxia e sugli ospedali romani, 14), 1954.
6 « Lois II », Die Statuten des deutschen Ordens…, op. cit., p. 61 : Nous establissons que li frere novice apreignent lor paternostre et la credo et l’ave Maria dedens lor demi an, et s’il en sunt negligent de l’aprendre apres le demi an, facent iii jors penitance.
7 Kristjan Toomaspoeg, « I cavalieri templari e giovanniti », dans Regulae – consuetudines – statuta…, op. cit., p. 387-401.
8 Raymund Duellius, Historia ordinis equitum Teutonicorum, Vienne, Apud Petrum Conradum Monath, 1727.
9 Die Statuten des deutschen Ordens. Nach dem Original-Exemplar mit sinnerläuternden Anmerkungen, einigen historisch-diplomatischen Beylagen und einem vollständigen historisch-etymologischen Glossarium, Ernft Hennig (éd.), Königsberg, Nicolovius, 1806.
10 Das Ordensbuch der Brüder vom deutschen Hause St. Marien zu Jerusalem, Ottmar F. H. Schönhuth (éd.), Heilbronn, Ulr. Landherr, 1847.
11 De Duitsche Orde : Of Beknopte Geschiedenis, Indeeling En Statuten Der Broeders Van Het Duitsche Huis Van St. Marie Van Jeruzalem, William J. D’Ablaing Van Giessenburg (éd.), La Haye, M. Nijhoff, 1857.
12 Guillaume Eugène Joseph DE Wal, Recherches sur l’ancienne constitution de l’ordre Teutonique et sur ses usages comparés avec ceux des Templiers, Mergentheim, chez Jean George Thomm, imprimeur, 1807.
13 Die Statuten des deutschen Ordens…, op. cit.
14 Hubert Houben, « Regola, statuti e consuetudini… », art. cité, p. 375.
15 Simonetta Cerrini, Une expérience neuve au sein de la spiritualité médiévale : l’ordre du Temple (1120- 1314). Étude et édition des règles latines et françaises, thèse dirigée par Geneviève Hasenohr, université Paris-Sorbonne, 1998 ; Id., « A New Edition of the Latin and French Rule of the Temple », dans Helen Nicholson (éd.), The Military Orders, II, Welfare and Warfare, Aldershot, Ashgate, 1998, p. 207-215 ; Id., La révolution des Templiers. Une histoire perdue du XIIe siècle, Paris, Perrin, 2007.
16 Indrikis Sterns, The Statutes of the Teutonic Knights. A Study of Religious Chivalry, thèse dactylographiée, Philadelphie, University of Pennsylvania, 1969.
17 Udo Arnold, « Die Statuten des deutschen Ordens. Neue amerikanische Forschungsergebnisse », Mitteilungen des Instituts für Österreichische Geschichtsforschung, 83, 1975, p. 144-153.
18 Indrikis Sterns, « Crime and Punishment among the Teutonic Knights », Speculum, 57, 1982, p. 84-111. Voir aussi Id., « Care of the Sick Brothers by the Crusader Orders in the Holy Land », Bulletin of the History of Medicine Baltimore, 57/1, 1983, p. 43-69.
19 Oskar Stavenhagen, « Johann Wolthuss von Herse, 1470-71, Meister des deutschen Ordens in Livland », Mitteilungen aus dem Gebiete der Geschichte Liv-, Est- und Kurlands, 17, 1900, p. 1-88 ; Bernhart Jähnig, Verfassung und Verwaltung des deutschen Ordens und seiner Herrschaft in Livland, Berlin, Lit, 2011, p. 181.
20 Udo Arnold, « Deutschordensregeln und -statuten », dans Verfasserlexikon. Die deutsche Literatur des Mittelalters, II, Berlin/New York, W. de Gruyter, 19802, col. 71-74.
21 Klaus Militzer, Von Akkon zur Marienburg. Verfassung, Verwaltung und Sozialstruktur des deutschen Ordens 1190-1309, Marbourg, Elwert, 1999, p. 47-52.
22 Das Ordensbuch. Regeln und Statuten des deutschen Ordens, Bruno Platter (éd.), Vienne, Verlag des deutschen Ordens, 2007.
23 Hubert Houben, « Regola, statuti e consuetudini… », art. cité.
24 Narratio de primordiis ordinis Theutonici, Max Toeppen (éd.), dans Scriptores Rerum Prussicarum, I, Leipzig, Verlag von S. Hirzel, 1861, p. 220-225 ; Narratio de primordiis ordinis theutonici, Max Perlbach (éd.), dans Die Statuten des deutschen Ordens…, op. cit., p. 159-160.
25 Udo Arnold, « De primordiis ordinis theutonici narratio », dans Preußenland, 4, 1966, p. 17-30.
26 Hubert Houben, « Regola, statuti e consuetudini… », art. cité, p. 379.
27 Klaus Militzer, Von Akkon zur Marienburg, op. cit., p. 47.
28 Kristjan Toomaspoeg, « I cavalieri templari e giovanniti… », art. cité, p. 395-398.
29 Klaus Militzer, Von Akkon zur Marienburg…, op. cit., p. 47, source : Tabulae Ordinis Theutonici. Ex tabularii regii Berolinensis codice potissimum, Ernst Strehlke (éd.), Berlin, Apud Weidmannos, 1869, no 297, p. 266.
30 Klaus Militzer, Von Akkon zur Marienburg…, op. cit., p. 48, source : Tabulae Ordinis…, op. cit., no 298, p. 266-268.
31 Hubert Houben, « Regola, statuti e consuetudini… », art. cité, p. 379-380, source : Tabulae Ordinis…, op. cit., no 306, p. 276-277.
32 Hubert Houben, « Regola, statuti e consuetudini… », art. cité, p. 380.
33 Lois I, Die Statuten des deutschen Ordens…, op. cit., p. 58.
34 Ibid.
35 Ibid., p. xvi ; Militzer, Von Akkon zur Marienburg…, op. cit., p. 51 ; Hubert Houben, « Regola, statuti e consuetudini… », art. cité, p. 382.
36 Tabulae Ordinis…, op. cit., no 470, p. 356.
37 Hubert Houben, « Regola, statuti e consuetudini… », art. cité, p. 381.
38 Udo Arnold, « Regelentwicklung und Türkenkriege beim deutschen Orden », dans Ewald Volgger (éd.), Die Regeln des deutschen Ordens in Geschichte und Gegenwart, Lana, Deutschordens-Verlag, 1985, p. 125-146 ; Klaus Militzer, Von Akkon zur Marienburg…, op. cit., p. 49 ; Hubert Houben, « Regola, statuti e consuetudini… », art. cité, p. 380-383.
39 Ibid., p. 384.
40 « Prologue 5 », Die Statuten des deutschen Ordens…, op. cit., p. 26.
41 Le début des activités militaires des teutoniques est situé par Marie-Luise Favreau-Lilie dans les années 1208-1210 (Marie-Luise Favreau-Lilie, « L’Ordine Teutonico in Terrasanta (1198-1291) », dans Hubert Houben (éd.), L’Ordine Teutonico nel Mediterraneo, Galatina, Congedo, 2004, p. 53-72, ici p. 59-60), lorsque les pouvoirs du Royaume de Jérusalem reconnaissent à l’ordre sa fonction militaire, en lien avec l’élection de Hermann de Salza en tant que maître en 1209 ou 1210 (Helmuth Kluger, Hochmeister Hermann von Salza und Kaiser Friedrich II : ein Beitrag zur Frühgeschichte des deutschen Ordens, Marbourg, Elwert, 1987, p. 7 ; Klaus Militzer, Von Akkon zur Marienburg…, op. cit., p. 30). Le premier exemple documenté de la participation des teutoniques à la guerre est celui de l’expédition à Damiette. Andreas Kiesewetter s’est opposé à cette théorie, en rappelant la participation de l’ordre à la quatrième croisade (Andreas Kiesewetter, « L’Ordine Teutonico in Grecia e Armenia », dans L’Ordine Teutonico nel Mediterraneo, op. cit., p. 73-107, ici p. 79-81), mais rien ne permet d’affirmer que cette participation ait eu un caractère militaire.
42 Die Statuten des deutschen Ordens…, op. cit., p. 44 : Tuit li frère, si peut bonement estre fait, dorment en un leu ensemble, se par vaenture lor sovrains n’ordene, que il dorment aillors por la necessité de lor ofices.
43 Ibid., p. 50-51.
44 Die ursprüngliche Templerregel, Gustav Schnürer (éd.), Fribourg-en-Brisgau, Herder, 1903, p. 150 : De fratribus qui per diversas provincias diriguntur. J’utilise ici les éditions classiques de la règle templière par Gustav Schnürer et Henri de Curzon, qui seront caduques lorsque la thèse de Simonetta Cerrini aura été publiée.
45 « Règle française », chap. 37, La règle du Temple, Henri de Curzon (éd.), Paris, Renouard, 1886, p. 43-44.
46 Die ursprüngliche Templerregel…, op. cit., p. 150 : […] irreprehensibiliter vivant ; ut ab his qui foris sunt, bonum testimonium habeant […].
47 De fratribus in viam directis, voir La règle de saint Benoît, Adalbert de Vogüé, Jean Neufville (éd. et trad.), II, Paris, Cerf, 1972, p. 662-663.
48 Regula Latina, chap. 33, Die ursprüngliche Templerregel…, op. cit., p. 143.
49 Ibid., p. 148.
50 Chap. 12, La règle du Temple…, op. cit., p. 23-24.
51 Alain Demurger, Vie et mort de l’ordre du Temple, Paris, Seuil, 19932, p. 71-72.
52 Nus freres ne soit si hardis, qu’il ait participacion a escumeniez et apertement denunciz ens cas, qui ne sont otroiés : « Règle 28 », Die Statuten des deutschen Ordens…, op. cit., p. 50, dans la version latine : Excommunicatis vero et publice denuncciatis nullus fratrum communicare presumat in casibus non concessis (loc. cit.).
53 Regula Latina, chap. 67 ou 71 selon les manuscrits : Die ursprüngliche Templerregel…, op. cit., p. 153.
54 Chap. 18, ibid., p. 139-140.
55 Chap. 70, ibid., p. 153.
56 Simonetta Cerrini, Une expérience neuve…, op. cit., II, p. 550.
57 Die ursprüngliche Templerregel…, op. cit., p. 153 : Ne attendant vultum mulieris.
58 Regula Latina, chap. 54, ibid., p. 148.
59 Cartulaire générale de l’ordre des Hospitaliers de S. Jean de Jérusalem, Joseph M. A. Delaville Le Roulx (éd.), Paris, E. Leroux, 1894-1904, I, no 70, p. 62-68, ici p. 63.
60 Item nule chose soit faite en touz lor movemenz laquele offende le regart d’aucun, mais qui demoustre lor sainteté : loc. cit.
61 Loc. cit.
62 Die Statuten des deutschen Ordens…, op. cit., p. 149 ; Guillaume E. J. de Wal, Recherches…, op. cit., I, p. 133.
63 Die Statuten des deutschen Ordens, op. cit., p. 152 ; Guillaume E. J. de Wal, Recherches…, op. cit., I, p. 138-139.
64 Ibid., I, p. 139.
65 « Lois I », Die Statuten des deutschen Ordens…, op. cit., p. 57. Cette clause, comme le note Perlbach (loc. cit.), est issue du chapitre 15 des statuts de Santo Spirito in Sassia : Nichil omnino comedant extra illas domos, nisi Praelatus loci tenuerit vel invitaverit eos […], Codex regularum monasticarum et canonicarum, Lukas Holste (éd.), V, Augsbourg, T. Adami et F. A. Veith, 17592, p. 506.
66 « Lois I », ibid., p. 58.
67 « Lois III », ibid., p. 64, et dans une décision du chapitre de l’ordre du xiiie siècle qui spécifie qu’il s’agit des écoles supérieures (ibid., p. 136) ; Guillaume E. J. de Wal, Recherches…, op. cit., I, p. 52.
68 Klaus Militzer, « Die Beziehungen des deutschen Ordens zu den Universitäten, besonders zur Kölner Universität », dans Die Spiritualität der Ritterorden im Mittelalter, Zenon H. Nowak (éd.), Toruń, Uniwersytet Mikołaja Kopernika, 1993, p. 253-269.
69 Un bon exemple est celui des procurateurs généraux de l’ordre à Rome, en général pourvus d’une éducation universitaire, qui deviennent souvent prélats de l’Église dans les diocèses contrôlés par les teutoniques. Voir Jan-Erik Beuttel, Der Generalprokurator des deutschen Ordens an der römische Kurie. Amt, Funktionen, personelles Umfeld und Finanzierung, Marbourg, Elwert, 1999.
70 « Règle 1 », Die Statuten des deutschen Ordens…, op. cit., p. 29.
71 Kristjan Toomaspoeg, « I cavalieri templari e giovanniti… », art. cité, p. 398-399.
72 Die Statuten des deutschen Ordens…, op. cit., p. 29.
73 Klaus Militzer, Von Akkon zur Marienburg…, op. cit., p. 49. Indrikis Sterns, qui, dans sa thèse, supposait que les prêcheurs avaient emprunté ces clauses aux teutoniques (Indrikis Sterns, The Statutes…, op. cit., p. 98), a changé d’avis depuis : Id., « Crime and Punishment… », art. cité, p. 89.
74 Raymond Creytens, « Les constitutions des frères prêcheurs dans la rédaction de s. Raymond de Peñafort (1241) », Archivum fratrum Praedicatorum, 18, 1948, p. 5-68 ; Georgina Rosalie Galbraith, The Constitution of the Dominican Order, 1213-1360, Manchester, University Press, 1925, surtout p. 203-253.
75 Die Statuten des deutschen Ordens…, op. cit., p. 83-84.
76 « Lois 36 », ibid., p. 81. Il s’agit de la transgression d’une norme du premier chapitre des lois : ibid., p. 57.
77 Ibid., p. 57, il s’agit du chapitre 47 des statuts (Nullus litteras portet nisi prius audierit legere) : Codex regularum monasticarum, op. cit., p. 510.
78 Chapitre LIV.
79 « Règle latine », chap. 41 ou 42 selon les manuscrits, Die ursprüngliche Templerregel…, op. cit., p. 145.
80 « Lois 37 », Die Statuten des deutschen Ordens…, op. cit., p. 82.
81 Ibid., p. 86-87.
82 Cette condition est répétée deux fois : « Lois III » (ibid., p. 63) et « Lois 21 » (ibid., p. 72).
83 « Lois I », ibid., p. 58.
84 « Lois III », ibid., p. 64.
85 « Lois 26 », ibid., p. 74 : […] la qualité de la chose, le tens, la maniere et le liu et le pooir, que tout soit atempré selonc raison. Dans la version latine, […] qualitas, tempus, locus, modus, facultas, ut omnia moderacionem sapiant racionis.
86 « Coutumes 7 », ibid., p. 96 ; « Coutumes 9 », ibid., p. 97-98, voir Guillaume E. J. de Wal, Recherches…, op. cit., I, p. 40.
87 Par exemple « Lois 38 », Die Statuten des deutschen Ordens…, op. cit., p. 83. Le grand maître Winrich von Kniprode (1351-1382) dut répéter et expliciter cette condition, en interdisant, par exemple, aux frères de posséder des chiens : ibid., p. 154.
88 « Lois I », ibid., p. 57, « Lois 4 et 5 », ibid., p. 65-66.
89 « Lois III », ibid., p. 63 et « Lois 18 », ibid., p. 71.
90 « Lois 36 », ibid., p. 81.
91 « Lois 37 », ibid., p. 82.
92 « Lois 38 », ibid., p. 84.
93 Indrikis Sterns, « Crime and Punishment… », art. cité, p. 97.
94 « Lois I », Die Statuten des deutschen Ordens…, op. cit., p. 59.
95 « Lois 34 », ibid., p. 78-79.
96 Kristjan Toomaspoeg, « I Cavalieri templari e giovanniti… », art. cité, p. 398.
97 Die Statuten des deutschen Ordens…, op. cit., p. 154-155 ; Guillaume E. J. de Wal, Recherches…, op. cit., I, p. 8.
98 On arrive à cette conclusion en considérant à la fois le nombre réduit d’exemplaires de la règle conservés (voir Simonetta Cerrini, « A New Edition… », art. cité) et l’existence de compilations réalisées par les commandeurs templiers qui ne contiennent que quelques points de la règle nécessaires pour l’usage quotidien (un bon exemple en est fourni dans Judith Olivier, « The Rule of the Templars and a Courtly Ballade », Scriptorium, 35, 1981, p. 303-306 ; Keith Val Sinclair, « La traduction française de la règle du Temple : le manuscrit de Baltimore, sa chanson à refrain et le relevé de cinq exemplaires perdus », Studia Monastica, 39/1, 1997, p. 177-194 : voir Kristjan Toomaspoeg, « I cavalieri templari e giovanniti… », art. cité, p. 392-393).
99 Hubert Houben, « Regola, statuti e consuetudini… », art. cité, p. 381.
100 « Lois 27 », Die Statuten des deutschen Ordens…, op. cit., p. 74.
101 « Règles 30, 31, 32, 32 », ibid., p. 51-53 ; « Lois de Burchardt von Schwanden (1289) », ibid., p. 138-139 ; « Lois de Konrad von Feuchtwangen (1292) », ibid., p. 141-143.
102 6 juillet 1307, Vienne, Zentralarchiv des deutschen Ordens, Abteilung Welschland, 125/1, f. 378r-378v.
103 Le bailliage sicilien de l’ordre devait avoir au moins deux cents familiers permanents, d’après un censier rédigé aux alentours de 1460 : Vienne, Zentralarchiv des deutschen Ordens, Abteilung Welschland, 124/1, f. 1r-51v.
104 Die Statuten des deutschen Ordens…, op. cit., p. 140 ; Guillaume E. J. DE Wal, Recherches…, op. cit., I, p. 123.
105 Par exemple, à la Margana en Sicile : Kristjan Toomaspoeg, Les Teutoniques en Sicile (1197- 1492), Rome, École française de Rome, 2003, p. 403.
106 Guillaume E. J. de Wal, Recherches…, op. cit., I, p. 144.
107 Ibid., p. 263-298.
108 Die Statuten des deutschen Ordens…, op. cit., p. 137.
109 Indrikis Sterns, « Crime and Punishment… », art. cité, p. 99.
110 Die Statuten des deutschen Ordens…, op. cit., p. 154.
111 Guillaume E. J. DE Wal, Recherches…, op. cit., I, p. 155 ; Indrikis Sterns, « Crime and Punishment… », art. cité, p. 104.
112 Ibid., p. 106-111.
113 Ibid., p. 108.
114 Ibid., p. 111. La condition noble pour devenir frère chevalier de l’ordre Teutonique (sauf dans le cas d’une autorisation du grand maître) est exigée pour la première fois dans une décision capitulaire du XIIIe siècle (Die Statuten des deutschen Ordens…, op. cit., p. 136). Au siècle suivant, apparaissent les lettres de recommandation exigées des candidats et commencent à se diffuser les représentations des blasons des frères. À l’époque moderne, de véritables recherches généalogiques sont menées sur les origines des candidats.
115 Les exemples des chevaliers de Saint-Jean qui ont bâti leur carrière sur les ressources de leurs commanderies ne manquent pas : pour le cas du grand maître de l’hôpital, Juan Fernández de Heredia (1377-1396), voir Armand Jamme, « Juan Fernández de Heredia », dans Prier et combattre…, op. cit., p. 513-514 ; pour celui de Jean-Baptiste des Ursins (1467-1476), voir Jürgen Sarnowsky, « Giovan Battista Orsini », dans ibid., p. 390.
116 Hubert Houben, « Der deutsche Orden in Melfi. Urkunden (1231-1330) aus dem Nachlass Giustino Fortunato », dans Theo Kölzer et al. (éd.), De litteris, manuscriptis, inscriptionibus. Festschrift zum 65. Geburtstag von Walter Koch, Vienne/Cologne/Weimar, Böhlau, 2007, p. 113-134, ici p. 126.
117 Hubert Houben, « Zur Geschichte der Deutschordensballei Apulien. Abschriften und Regesten verlorener Urkunden aus Neapel in Graz und Wien », Mitteilungen des Instituts für österreichische Geschichtsforschung, 107, 1-2, 1999, p. 50-110, ici no 35, p. 104-106.
118 Kristjan Toomaspoeg, Les Teutoniques en Sicile…, op. cit., no 128, p. 470-471.
119 Jähnig, Verfassung…, op. cit., p. 126-159.
120 Kristjan Toomaspoeg, Les Teutoniques en Sicile…, op. cit., no 144, p. 472.
121 Le reliquie dell’archivio dell’ordine Teutonico in Venezia, Riccardo Predelli (éd.), Venise, Reale Istituto Veneto di scienze, lettere ed arti, 1905, p. 1403-1405 ; Henry Simonsfeld, Der Fondaco dei Tedeschi in Venedig und die deutsch-venezianische Handelsbeziehungen, Stuttgart, J. G. Cotta, 1887, II, p. 304-306, n. 31.
122 Visitationen, II, op. cit., no 210, p. 201-216, voir Kristjan Toomaspoeg, « Ultimi Teutonici… », art. cité.
123 Carlos DE Ayala Martínez, « Las Órdenes militares y los procesos de afirmación monárquica en Castilla y Portugal (1250-1350) », Revista de Faculdade de Letras, Universidade do Porto-Historia, 15, 2, 1998, p. 1279-1312 ; Philippe Josserand, Église et pouvoir dans la péninsule Ibérique. Les ordres militaires dans le royaume de Castille (1252-1369), Madrid, Casa de Velázquez, 2004, p. 463-647.
124 Salvatore Fodale, Alunni della perdizione. Chiesa e potere in Sicilia durante il grande scisma (1372- 1416), Rome, Istituto Storico Italiano per il Medioevo, 2008.
125 Indrikis Sterns, « Crime and Punishment… », art. cité, p. 105, n. 114.
126 Hubert Houben, « Ein Orden ohne Charismatiker. Bemerkungen zum deutschen (Ritter-) Orden im Mittelalter », dans Charisma und religiöse Gemeinschaften im Mittelalter, Giancarlo Andenna, Mirko Breitenstein, Gert Melville (éd.), Münster, Lit, 2005, p. 217-225.
Auteur
Università del Salento, Lecce
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