La régulation de la ferveur
Discipliner les pénitences des carmélites déchaussées (Espagne, ca 1560-ca 1630)
p. 239-252
Résumés
La réforme du Carmel menée par Thérèse d’Avila à partir de 1562 s’appuie sur une revendication d’obéissance quasi servile au texte de la règle. Mais les constitutions qui la complètent, les cérémoniaux et les manuels ne forment pas un ensemble de normes cohérentes. Leur rédaction laborieuse porte le poids des tensions internes qui ont jalonné la constitution de l’ordre, et leurs inévitables lacunes autorisent un jeu bien conscient avec la norme. Ce jeu est indissociable de la double contrainte qui pèse sur les religieuses : elles doivent être à la fois les plus observantes et les plus réglées possible, tout en étant les plus zélées. Les normes écrites ou coutumières qui règlent la vie des carmélites offrent des opportunités pour contourner la règle tout en prétendant la servir. L’exemple des pratiques de mortification des religieuses, étudiées à partir des chroniques conventuelles et de l’hagiographie, démontre que la vie communautaire permet d’arbitrer entre ces contradictions. À partir de l’exemple de leurs supérieures, certaines religieuses négocient un rapport et un écart acceptable à la norme. Cette régulation sociale de la ferveur est remise en cause à partir de la fin des années 1580, quand la branche masculine de l’ordre entreprend d’encadrer plus rigoureusement les inventions pénitentielles des religieuses.
This article analyses the way conventual chronicles enhance self-flogging and mortification in the first two generations of the discalced Carmelite order, whose reform was led by Teresa de Ávila from the 1560s to the 1580’s. Her monastic reform was built in the same time on a very strict obedience to rule and the new Constitutions and on an urging call for a more zealous mortification. In hagiographical writing processes as well as in everyday life, mortification is a double binding duty and desire which is supposed to be simultaneously zealous and moderate, secret and edifying for the others. Even though they obviously raise fears and scruples among the nuns, these tensions and the changing meaning they give of the same penitential behavior, once condemned and once praised, are a key factor to understand the struggle for power inside the community and the way the nuns used to circumvent and get over the contradictions of the rule. At the end of the sixteenth century, the taste for bloody and harsh penance which singled out some of the most prominent nuns of the order had to be moderated by their masculine superiors.
Texte intégral
1Cet article propose une réflexion sur l’interprétation des normes supposées régir la vie des carmélites entre la réforme initiée par Thérèse de Jésus à partir de 1562 et le début du xviie siècle, époque à laquelle le Carmel déchaussé a définitivement été érigé en ordre autonome par rapport au Carmel. Il s’intéresse aux situations dans lesquelles les religieuses se retrouvent quand elles tentent de satisfaire à toutes les exigences qui se dégagent non seulement de la règle – dans sa version de 1247 pour les carmélites déchaussées –, des constitutions qui la complètent, des manuels et cérémoniels, mais également des figures hagiographiques qui leur sont proposées comme modèles.
2Ces normes, entendues dans un sens volontairement très large comme tout ce qui est destiné à encadrer la vie des religieuses, sont loin de former un ensemble homogène et cohérent, de sorte qu’on peut parler d’injonctions contradictoires, à savoir l’énoncé simultané de plusieurs exigences dont les unes ne peuvent être satisfaites en respectant les autres1. Ces contradictions sont nombreuses et se ramènent toutes à une tension typique de l’institution conventuelle, dont le désir est de produire des saintes, tout en soumettant l’ensemble des religieuses à une règle commune. Elles sont dépassées par une herméneutique constante qui n’est pas, pour l’essentiel, un travail intellectuel, mais une pratique de la norme dans le cadre de la vie communautaire. Cet article étudie les stratégies des religieuses pour surmonter cette tension, dans un domaine où elles sont particulièrement saillantes : celui des pénitences, pour lesquelles il faut faire preuve dans le même temps de modération et du plus grand zèle, ce qui suppose souvent d’aller au-delà des recommandations communes.
3Il ne s’agira pas de détailler les raisons spirituelles qui poussent les religieuses à châtier leur corps. Celles-ci peuvent être ramenées à trois discours portant sur la mortification, la pénitence et l’imitatio christi. Ils légitiment le déchaînement de la violence contre la chair et trouvent un écho particulièrement favorable en Espagne au xvie siècle, alors que les confréries de pénitents se propagent dans toute la Péninsule depuis les années 15202. Le contexte de tension et d’angoisse eschatologique du milieu du siècle et des années 1580, deux moments clés dans la constitution de l’ordre du Carmel, alimente la culpabilité et les angoisses de chacune, et invite à reporter les douleurs du péché sur le corps. Par ailleurs, les pénitences et les mortifications, sans être aucunement propres aux religieuses, prennent une place centrale dans leur quête de sanctification, en raison de leur exclusion des carrières sacerdotale et universitaire3. Il semble acquis que, pour les religieuses, le châtiment du corps est une voie éprouvée et éprouvante pour faire son propre salut comme celui des autres, et il justifie qu’on se concentre sur leur cas.
4Cette recherche s’appuie principalement sur les écrits des religieuses : vies de carmélites, récits de fondations, obituaires édifiants, chroniques de la vie au couvent. Ces sources sont rédigées massivement à la demande des confesseurs ou des supérieurs à partir de la fin du xvie siècle, pour aider à la rédaction des chroniques, vies et histoires officielles de la réforme carmélitaine. Ces sources, de nature hagiographique, sont redécouvertes depuis une quinzaine d’années par les gender studies et l’histoire monastique, et commencent à être exploitées pour faire l’histoire des pratiques pénitentielles4. Il va de soi que l’hagiographie est hautement suspecte. S’il n’existait pas, par ailleurs, de traces matérielles de la pénitence (disciplines, semelles en métal hérissées de pointes, cilices et haires, couronnes métalliques de mortification), on serait tenté de mettre de côté ces pratiques dont la violence inouïe, à lire certains textes, heurte si profondément la sensibilité et les convictions d’aujourd’hui. Pourtant, il faut accorder un minimum de crédit aux témoignages de l’hagiographie, qui reste indispensable pour qui veut saisir la vie conventuelle et son rapport à la norme, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, ces chroniques, très informatives et stéréotypées, très peu travaillées d’un point de vue littéraire, parfois rédigées collectivement, constituent les seuls témoignages directs de ce qui se passe à l’intérieur du couvent. S’il est évident qu’elles manipulent la mémoire communautaire, comme l’a montré Isabel Morujão pour le carmel5, elles ne sont pas tant appliquées à travestir les événements du passé qu’à les réinterpréter à la lumière du plan divin. La sainteté ne doit pas être démontrée ou prouvée, elle est le point de départ de l’écriture, et tout événement peut être présenté comme un signe de sainteté. Le genre « illustre une signification acquise6 », selon une formule de Michel de Certeau, et a besoin de s’appuyer sur des faits présentés comme réels et sur une rhétorique de la preuve7. Surtout, les excès, l’exagération même de ces textes et leurs emprunts continuels à la tradition sont signifiants. La violence est la mesure d’une démesure, celle du péché et de la faute, qu’il faut conjurer. Elle est à la fois le signe d’une tension avec les normes de la vie conventuelle et l’indice d’un attachement à celles-ci, dans la mesure où l’un de ses moteurs est précisément une contradiction, interne aux normes de vie des religieuses, entre zèle et pénitence. Il faut considérer l’hagiographie non comme un récit, même outré et hyperbolique, des excès de la vie conventuelle, mais comme la mise en scène d’un rapport aux autres règles de vie, une norme narrée, qui aide à en surmonter les difficultés.
Un appel à la violence bridé
Modèles sanglants
5Commençons donc par le plus évident : les modèles qui régissent la pratique pénitentielle. Le Carmel déchaussé prétend revenir à ses origines, noyées assez indistinctement dans la tradition érémitique, qu’on fait remonter pour l’occasion à Élie, fondateur mythique du Carmel8. On sait à quel point cette tradition est vivace au XVIe siècle dans la péninsule Ibérique9. Dans l’entourage des premières carmélites, une figure incarne particulièrement cette aspiration : Catalina Cardona, qu’un de ses hagiographes rebaptise saint « Héliota », en référence à Élie10 et dont l’exemple n’incite pas franchement à la modération. Entre autres exploits, cette fille illégitime d’un grand aristocrate a fui les palais pour se reclure dans une grotte de la Mancha, travestie pour se cacher et correspondre au modèle de la femme virile11. Elle est supposée s’abrutir de disciplines et porter des cilices de crin et de chaînes dont les pointes lui râpent et lui coupent le corps12. Elle se nourrit d’herbes sauvages13, et son régime est si austère qu’Isabel de San Francisco, une novice du couvent de Tolède, note que son visage biffé de cicatrices et rayé par les larmes est semblable aux racines des arbres14. À l’exception notable et significative de Thérèse d’Avila qui s’avoue impressionnée mais rappelle que les excès en la matière sont dommageables15, toutes les références à Catalina sont admiratives.
6Les vierges martyres constituent également un repère essentiel dans la Castille du temps et pour les premières religieuses16, ce qui est patent si l’on s’intéresse à leurs noms de religion. Là aussi, si le désir du martyre est nécessairement frustré chez elles, comme le rappelle un passage fameux du Libro de Vida de Thérèse d’Avila17, sa sublimation passe par un châtiment du corps dont on cherche à tester la résistance. Dans certains cas, la parenté entre les pénitences des religieuses et les souffrances des vierges martyres est évidente. À Barcelone, Catalina de Cristo, capable de tenir des braises ardentes dans ses mains, invite ses religieuses à la même pratique afin de voir laquelle d’entre elles tient le plus longtemps18. Catalina de Jesús, la fondatrice du Carmel de Beas, plonge ses mains dans l’eau bouillante19, tout comme Ana de San Bartolomé20. Au-delà de la nécessité de se mortifier et d’expier ses péchés, les religieuses sont donc appelées à se conformer à des modèles douloureux. L’hagiographe du Carmel de Saragosse, Miguel Bautista de Lanuza, décrit leurs exercices de pénitence comme étant les mêmes que ceux des hommes, en les comparant aux ermites du désert des premiers temps :
« Le châtiment de leurs corps était si rigoureux que quiconque les aurait vues […] aurait d’abord cru qu’il s’agissait d’homme forts, imitateurs des anciens anachorètes, et non de faibles femmes, dépendantes de leur faiblesse et de leur délicatesse naturelle21. »
Régler les pénitences
7Mais, en pleine réforme tridentine, la tentation du désert ne saurait constituer un modèle de vie complètement viable pour les femmes. Dans le même temps, la réforme du Carmel entreprend de frustrer les ardeurs des religieuses. La vie communautaire cloîtrée est une exigence ancienne, reprise par le concile de Trente et anticipée par Thérèse d’Avila qui choisit un moyen terme entre ces modèles débridés et la nécessité d’avoir une vie réglée. Sur le chapitre des disciplines, les constitutions de 1567 rédigées par la réformatrice s’inspirent du cérémonial de 1544, destiné aux hommes22. Thérèse entend alourdir les pénitences communautaires des religieuses par rapport aux constitutions des carmélites de la Encarnación d’Avila, son couvent d’origine. Trois flagellations hebdomadaires et collectives sont prévues : lundi, mercredi et vendredi, sauf si ces jours correspondent à des jours de fête23. Surtout, les constitutions ménagent pour la prieure la possibilité d’infliger des pénitences surérogatoires, soit qu’elle use de son droit et de son devoir de correction, soit qu’elle accorde des autorisations orales aux plus zélées. Deux autres personnes sont susceptibles d’autoriser des mortifications dites « extraordinaires » : la maîtresse des novices, vis-à-vis de ces dernières, et le confesseur qui, à l’époque, est choisi par la prieure. Pour satisfaire à l’idéal érémitique en dépit des contraintes de la clôture, des ermitages sont aménagés dans les jardins du couvent. Ils sont dotés de leur propre règlement, les disciplines y sont quotidiennes et le jeûne est renforcé24. Là encore, c’est la prieure qui détient le pouvoir d’y envoyer les volontaires.
8Tout un discours sur la nécessaire modération dans la discipline vient soutenir cet encadrement très relatif de la pénitence. Il est exposé très explicitement dans la prose de Thérèse de Jésus, qui explique ses réticences vis-à-vis de Catalina Cardona. Les religieuses qui s’adonnent trop à la pénitence sont déréglées. Au-delà d’un certain point, les pratiques de mortification, théoriquement destinées à lutter contre les mauvais mouvements de la chair, sont considérées comme un désir de les assouvir. L’extrême faiblesse du corps empêche d’accomplir son office et risque d’engendrer de fausses extases ou des crises de mélancolie25. La bonne religieuse, toute pénitente qu’elle soit, doit donc veiller sur sa santé, et les constitutions rappellent que, au moment d’accepter une novice, il faut être attentif à ce que son corps puisse supporter les austérités de l’ordre sans flancher26. Un modèle invitant à réguler le zèle des pénitentes se superpose donc aux exploits ascétiques des premiers carmes et vient contredire l’intense exigence de purification qui semble animer certaines religieuses tourmentées. La possibilité de surenchérir sur le modèle pénitentiel minimal des constitutions est donc, en théorie, entre les mains des autorités du couvent.
La régulation communautaire de la ferveur
Une culture de l’excès
9Dans les premiers temps, force est de constater que, à lire l’hagiographie, la règle semble le dépassement de la règle elle-même. Il ne faut pas être dupe de la modération qui se dégage des textes de Thérèse d’Avila et qui colle assez improprement à son image depuis lors. En jouant sur la durée des pénitences ou sur ses instruments – lanières de cuirs munies de rosettes d’argent, d’objets métalliques27 ou d’aiguilles tordues28, de morceaux de verre29, de ronces ou d’orties30 –, beaucoup vont très au-delà du minimum exigé. L’hagiographie décrit laconiquement mais systématiquement la grande rigueur des pénitences et la grande quantité de sang répandue par les plus saintes. Celles qui tombent malades par excès de pénitence, comme Catalina de Jesús à Beas, semblent forcer l’admiration31. Par le truchement des licences accordées par la prieure, forcément imprécises, les pénitences les plus extrêmes deviennent licites. Jusque vers la fin des années 1580, la contradiction entre zèle et modération trouve donc sa résolution dans la vie communautaire elle-même, via le jeu des autorisations de se mortifier et des réprimandes quand une religieuse va trop loin. L’accumulation des unes et des autres définit une forme d’excès toléré, coutumier et régulé, propre à la communauté au sein de laquelle chacune est appelée à ajuster son comportement en la matière par rapport à celui des autres. L’exemple et le ton sont donnés en premier lieu par les pénitences de la prieure elle-même, qui, tirant parti de la plasticité des recommandations officielles, s’illustre rarement par sa modération. La prieure de Pastrana, Isabel de Santo Domingo, au-delà des cilices, râpes, chaînes de fer, disciplines32 qu’elle s’imposait dans les années 1570, aurait pris l’habitude, au nom de l’imitatio christi, d’ordonner qu’on l’attache à un poteau et que les religieuses la fouettent jusqu’à ce qu’elle soit tout entière baignée de sang. Puisque la décence imposait qu’on fasse cet exercice dans l’obscurité, les coups de fouet lui blessaient fréquemment le visage. Thérèse d’Avila finit par interdire cette pratique à la demande d’autres prieures et parce qu’elle effrayait les sœurs. Cet exemple rappelle que, au-delà des pères du désert et des martyrs, la Passion constitue elle-même un modèle dont la violence est indépassable. Il n’est pas pour autant exceptionnel. À Valladolid et vers la même époque, sœur Catalina Evangelista aurait demandé à avoir les mains attachées à une colonne pour être flagellée par ses consœurs, avec une autorisation de la supérieure33. Cette identification aux souffrances du Christ s’inspire explicitement des processions qui envahissent périodiquement les rues des villes espagnoles. Elles constituent un spectacle dont les religieuses sont friandes34, au point que le cérémonial recommande de les reproduire dans le couvent lui-même35. Les chroniques décrivent des religieuses en larmes, portant de lourdes croix et des habits déchirés36. Ce spectacle édifiant, toléré à l’intérieur de la clôture, reste impensable pour les femmes vivant à l’extérieur. De ce point de vue, l’enfermement crée paradoxalement un espace de (relative) liberté féminine, bien mis en évidence par l’historiographie quand il s’agit de souligner les activités littéraires ou artistiques des religieuses, mais tout aussi évident lorsqu’on s’intéresse à la question moins flatteuse de leurs pénitences. À l’abri des murs du couvent, le désordre visible des pénitences est caché. Car cette régulation communautaire donne une grande importance à la publicisation de la violence, au risque que la religieuse paraisse orgueilleuse. Cette visibilité est inévitable, compte tenu du fait que les premières communautés s’installent souvent dans des bâtiments inadaptés. À Medina del Campo, il n’y a pas de cellules ; réfectoire et dortoir (commun) sont installés dans la même salle37. À Saragosse, pour se constituer des ermitages individuels, les religieuses se nichent dans les coins de leur bâtiment et tapissent les murs de nattes38. Difficile, dans ces conditions, de cacher ses excès pénitentiels. Autant le fait d’être vue par quelqu’un d’autre peut être considéré comme un surcroît d’humiliation, autant les pratiques trop ostentatoires peuvent être considérées comme un signe de vanité ou une volonté condamnable de passer pour une sainte. La vraie sainteté suppose la discrétion et la modestie, ce qui constitue une difficulté de plus. Les chroniques valorisent celles qui arrivent à s’infliger des disciplines violentes tout en se dissimulant. Les cicatrices, le cilice qu’on devine sous les vêtements, les claquements du fouet étouffés par l’épaisseur des murs ou les traces de sang laissées sur les murs ou sur le sol39 sont décrits comme des signes qui trahissent une pénitence discrète. Ce jeu dénote l’importance pour les religieuses des stratégies de présentation de leurs pénitences à leurs consœurs. Elles leur permettent de les rendre publiques sans tomber dans l’ostentation, un art délicat mais crucial pour construire aux yeux des autres une réputation de sainteté qui passe nécessairement par une grande ardeur pénitentielle. Dans la cellule de Juliana de la Madre de Dios, qui fut prieure de Séville au début du XVIIe siècle, on découvre des éclaboussures de sang sur les murs qui portent encore les traces des doigts de la religieuse : par discrétion, elle a tenté de les effacer40. L’interprétation que chacune peut faire des mortifications des autres dépend de ces techniques de présentation du corps autant que de la place que chacune tient dans la communauté. À ce jeu, les plus anciennes, celles qui détiennent le plus de pouvoir et sont rompues à la pratique pénitentielle communautaire, ont toutes les chances d’être plus valorisées que les jeunes ou les novices. Le lieu commun de la mélancolie de la novice, incapable de soutenir la rigueur de l’ordre, a beaucoup à voir avec les contradictions de la norme qui s’abattent sur elle tant qu’elle n’a pas su ajuster son comportement à celui de ses coreligionnaires.
10Cette régulation communautaire des usages de la norme n’est pensable que parce que les constitutions n’offrent qu’un cadre très peu contraignant. Thérèse d’Avila elle-même se plaint que, en faisant copier le texte des constitutions pour les nouvelles fondations, certaines prieures retranchent ou changent certains passages41. Beaucoup plus tardivement, en 1622, la préface au cérémonial invoque encore les coutumes et les variations propres à chaque couvent pour justifier qu’on uniformise les pratiques au sein de l’ordre42, tant les choses étaient dispersées au temps des fondations, jusqu’aux années 1580 environ. À Medina del Campo, les religieuses prenaient des disciplines deux fois par jour, et certaines trois, selon Francisco de Santa María43. À Malagón, les religieuses ajoutaient fréquemment des disciplines extraordinaires, avec des pointes et des orties44. Dans une lettre de 1576, Thérèse d’Avila se plaignait déjà de l’habitude prise par les religieuses du couvent de Malagón de se gifler et de se pincer à tour de rôle, là encore à l’initiative de la prieure45. En l’absence de véritables supérieurs qui auraient pu contrôler les établissements, l’harmonie d’un couvent à l’autre n’était assurée que par le jeu des conseils épistolaires adressés par certaines religieuses à d’autres : ils n’étaient contraignants qu’en vertu du pouvoir charismatique des prieures.
Genre et maîtrise de la violence
11La situation évolue quelque peu après la mort de Thérèse d’Avila en 1582. En 1588, les constitutions sont remaniées à l’initiative du provincial Nicolas Doria, ce qui suscite une virulente opposition de quelques-unes des prieures les plus illustres. Au nom de la défense de l’héritage thérésien, celles-ci en appellent avec succès au pape Sixte V (bref Salvatoris, juin 1590) pour qu’il refuse les changements introduits par Doria. Mais, dès 1592, leur résistance est vaincue. Les prieures récalcitrantes sont déplacées et/ou recluses46. Le conflit ne porte pas directement sur la pénitence elle-même, mais Doria limite considérablement le pouvoir des prieures, clé de voûte du système précédent : les réélections consécutives ne sont plus possibles, et les prieures ne peuvent plus choisir les confesseurs. Le définitoire, autorité suprême de l’ordre carmélitain nouveau, est en mesure d’imposer de nouvelles règles. La hiérarchie des normes, très floue, voire inexistante jusqu’aux années 1590, est réaffirmée : priment désormais l’obéissance aux supérieurs, le respect étroit de leurs recommandations et des constitutions. La limitation du pouvoir des prieures, de ce point de vue, est une conséquence nécessaire de l’institutionnalisation de l’ordre, dont l’autonomie est reconnue le 20 décembre 1593 par la bulle Pastoralis Officii. Derrière ce rapport de force, il y a une conception différente du rapport à la normalisation de la pénitence. L’extravagance pénitentielle des premiers temps est pour le provincial insuffisamment réglée, d’autant que cette austérité extrême s’accompagne, dans d’autres domaines, d’un laxisme insupportable. Dès 1585, Doria se distingue en interdisant les œufs les jours de jeûne, puis décide de combattre la récréation. La lutte contre les excès pénitentiels est donc paradoxalement menée au nom d’une perception genrée de l’austérité : elle se fonde sur la faiblesse des femmes et sur leur nécessaire soumission à leurs supérieurs masculins, en parfaite harmonie avec les recommandations conciliaires. Ainsi, si le modèle érémitique demeure très valorisé, on interdit aux femmes de fonder des « déserts » explicitement dédiés à la vie érémitique, alors que, dès 1592, le premier désert masculin est créé. Le désert féminin d’Alcalá de Henares, fondé grâce à l’influence et l’insistance d’une aristocrate, malgré les réticences des carmes, ne fait pas long feu puisque les religieuses sont opportunément décimées par la peste47. Le rythme des disciplines communautaires est changé. La régularité des disciplines – trois fois par semaine, sauf les jours de fêtes dans les constitutions initiales – dépend du bréviaire qui fixe le nombre de fêtes. Or le bréviaire traditionnel du carmel en comprenait un très grand nombre : il se réduit dès lors qu’on l’aligne sur les recommandations romaines après la publication, en 1568, du Breviarum Romanum dans la foulée du concile. Pour éviter l’inflation des pénitences qui résulterait d’une diminution du nombre de fêtes, les constitutions de Doria imposent une flagellation hebdomadaire, le vendredi. Dans une lettre à la prieure de Cordoue, Jean de la Croix confirme qu’il s’agit bien d’une diminution du rythme des disciplines48. Au-delà du signe que cette régulation des flagellations communautaires constitue, les pénitences de sang sont interdites, tout comme les semelles de métal hérissées de pointes que certaines religieuses utilisaient pour se mortifier la plante des pieds49. Certains textes se souviennent des premiers temps comme d’une époque héroïque, telle cette chronique tolédane difficile à dater précisément mais rédigée bien après la mort de Thérèse d’Avila :
« De leur pénitence aux débuts de la réforme, on dit de grandes choses et notamment qu’elles s’attachaient chacune en tout point à en faire plus que les autres. On dit de plusieurs d’entre elles qu’elles prenaient des disciplines de sang tous les jours, qu’elles portaient des haires en crin et des ronces, et plein de cilices, qu’elles avaient des draps entiers en crin […]. [Elles rivalisaient] d’inventions et ne cherchaient qu’à maltraiter leur corps par des mortifications remarquables50. »
12C’est un monde héroïque et perdu que décrit la chroniqueuse, qui semble envier la grande liberté laissée aux religieuses au temps des origines de la réforme de l’ordre. De la même manière, en décrivant les pénitences de Mariana de Jesús, une religieuse de Barcelone, la chronique manuscrite des couvents de Catalogne (1707) énumère les pénitences très fréquentes à cette époque51 : porter des croix pointues sur les épaules et la poitrine, mettre des rosetas dans les disciplines, ou porter des cilices renforcés avec des plaques métalliques. Selon ce texte, la caisse destinée aux disciplines dotées de rosetas est vidée au nom de l’obéissance vers le début du xviie siècle. Autre signe de la disciplinarisation de la discipline, entreprise par Doria et poursuivie par ses successeurs, la limitation des pénitences est inscrite dans le cérémonial rédigé pour les religieuses en 1622. Il précise qu’elles s’appliquent la discipline avec leur propre ceinture52, ce qui implique d’exclure d’autres instruments, plus excentriques.
13La question qui se pose est évidemment de savoir si cette reprise en main a des conséquences réelles sur les pratiques des religieuses. Celles-ci ne peuvent être surveillées en permanence, ne serait-ce qu’à cause de la clôture qui, de ce point de vue, les protège, et les prieures gardent toujours le droit d’administrer des pénitences surérogatoires. Si la violence reflue, le modèle sanglant et pénitentiel demeure cependant très valorisé. Dans l’hagiographie, le fait qu’une religieuse ait été réfrénée dans ses pénitences par ses supérieures est toujours un signe de sainteté, ce qui illustre bien la primauté de la pénitence sur l’obéissance. Être rappelée à l’ordre, ce n’est pas être punie pour avoir eu des pratiques déréglées, mais ajouter à des pénitences distinctives – si elles sont modérées, c’est bien qu’elles étaient exceptionnelles – le contentement de satisfaire, in fine, à l’obéissance. Mieux vaut avoir été réduite à l’obéissance que d’être restée dans la tiédeur. Cette modération forcée est rapportée pour la majorité des religieuses qui ont acquis dans leur communauté une réputation de sainteté solide. Ainsi, Ana de San Bartolomé demande à ce qu’on l’autorise à se pincer et confesse que, si elle avait pu, elle aurait fait des folies (disparates)53 à ses débuts, du temps où elle était l’infirmière de Thérèse d’Avila. Juliana de la Madre de Dios, au début du xviie siècle, prenait des disciplines avec des aiguilles, au point qu’on dut la réfréner parce qu’elle ignorait que, par cette pratique, elle contrevenait à l’obéissance54, signe que les temps avaient certes changé, mais que ces pratiques perduraient néanmoins. En 1646, une prieure du Carmel de Guadalajara, Francisca Bautista, serait morte, quant à elle, des suites d’une discipline trop rigoureuse55. Ces religieuses furent glorifiées parce qu’elles furent excessives. Même après la réforme de Doria, leurs pratiques pénitentielles peuvent être considérées autant comme le signe d’une résistance sourde (et peut-être à peine consciente) au modèle de soumission mis en place à la fin du xvie siècle que comme la preuve qu’il portait bien ses fruits. En d’autres termes, ce ne serait pas tant le degré de violence des pratiques pénitentielles de certaines religieuses qui serait devenu moindre que la violence à l’intérieur des couvents en général qui aurait reflué.
14Les pratiques pénitentielles ne mettent pas en évidence un écart, somme toute très banal, entre les normes et les pratiques, mais des usages différenciés de la règle, qui peuvent être contradictoires les uns avec les autres. Le dérèglement n’est pas nécessairement un comportement qui scinde la communauté en deux, en renvoyant dos à dos les bonnes élèves qui respectent la règle et les mauvaises qui s’en affranchissent. Insuffisances et contradictions de la norme elle-même donnent naissance à ces écarts qui, à des degrés divers, concernent toutes les religieuses de la communauté, suivant l’interprétation de la norme qu’elles choisissent. Cela signifie que les normes de comportement, notamment celles que proposent les modèles de sainteté et les constitutions, ne représentent qu’une contrainte limitée tant qu’elles ne s’incarnent pas dans la communauté. Dans une certaine mesure, ce n’est pas l’individu qui s’adapte à la règle, mais la règle qui est une ressource pour l’individu. Sans ces utilisations de la règle et les rapports de force qui les sous-tendent, la règle n’est qu’une coquille vide. Cette régulation sociale de la norme pénitentielle est centrale au Carmel jusqu’aux années 1580. Avec l’institutionnalisation de l’ordre, la branche masculine tente de réduire la marge d’interprétation dont disposent les communautés féminines, ce qui se traduit par une réduction du pouvoir des prieures et par une inflation réglementaire sur la question des pénitences. Cette régulation verticale et autoritaire des pénitences se heurte parfois de front à l’obéissance due à la prieure, sans faire disparaître pour autant la régulation communautaire imposée par la règle. Les chroniques conventuelles elles-mêmes, rédigées à partir des années 1590 dans la foulée de la reprise en main de la branche féminine par les supérieurs masculins de l’ordre, sont partie prenante de cette entreprise. Pensées comme un réservoir de vies saintes présentées aux nouvelles recrues pour éviter que la réforme ne se relâche56, elles décrivent des accommodements et un degré de violence pénitentiel légitimes qui doivent permettre de dépasser la tension entre, d’une part, l’appel du désert et l’expiation personnelle du péché et, d’autre part, la modération et la réglementation de la pénitence. Mais, au-delà du dépassement de cette tension, en mettant en scène des religieuses sanglantes, semblables aux anachorètes, louées en dépit de leurs excès dans des pratiques qui désormais ne sont plus tolérées parmi les nouvelles recrues, les chroniques conventuelles et l’hagiographie constituent un formidable levier pour consolider le pouvoir des religieuses les plus anciennes, qui ont connu l’exaltation du temps des fondations.
Notes de bas de page
1 Carlos E. Sluzki, Eliseo Verón, « La double contrainte comme situation pathogène universelle (1971) », dans Paul Watzlawick, John H. Weakland (dir.), Sur l’interaction : travaux du Mental Research Institute, Palo Alto, 1965-1974, Paris, Seuil, 1981, p. 336-353.
2 William A. Christian, Local Religion in Sixteenth-Century Spain, Princeton, Princeton University Press, 1981, p. 186.
3 C’est en particulier ce qui ressort des travaux de Caroline W. Bynum, notamment Fragmentation and Redemption : Essays on Gender and the Human Body in Medieval Religion, New York, Zone Books, 1991 ; Holy Feast and Holy Fast : The Religious Significance of Food to Medieval Women, Berkeley, University of California Press, 1987.
4 Leonardo Coutinho, « “Por meio da santa vida, se segue glorioza muerte” : práticas ascética no Convento de Jesus de Setúbal (séculos XV a XVII) », Revista de História, 1, 2009, p. 3-28 ; Olivier Christin, Marion Richard, Soumission et dévotion féminines dans le catholicisme moderne, Paris, Le Manuscrit, 2012 ; Gwénaël Murphy, « La dévotion corporelle dans les couvents de femmes (xviie-xixe siècles) », Cahiers du Gerhico, 4, 2003, p. 63-76 ; Claudie Vanasse, Les saintes cruautés. La mortification corporelle dans le catholicisme français moderne (xvie-xviie siècles), thèse dactylographiée, Clermont-Ferrand, 2005.
5 Isabel Morujão, « Entre duas memórias : María de San José (Salazar) O.C.D., fundadora do primeiro Carmelo descalço feminino em Portugal », Peninsula, revista de estudios ibéricos, 0, 2003, p. 241-260.
6 Michel de Certeau, L’écriture de l’histoire, Paris, Gallimard, 1975, p. 274.
7 Axelle Guillausseau, « Les récits de miracles d’Ignace de Loyola. Un exemple du renouvellement des pratiques hagiographiques à la fin du xvie siècle et au début du xviie siècle », Mélanges de la Casa de Velázquez, 36, 2, 2006, p. 233-254.
8 Francisco de Santa María, Historia Profetica de la orden de nuestra señora del Carmen fundada en el Monte carmelo por el Grande Elias, Biblioteca Nacional de España (BNE), ms. 8690-8692, 1618-1624.
9 Isabelle Poutrin, « Ascèse et désert en Espagne (1560-1600) : autour de la réforme carmélitaine », Mélanges de la Casa de Velázquez, 25, 1989, p. 145-159.
10 Angel de San Gabriel, De la buena muger Catalina Cardona, BNE, ms. 4213. fol. 9.
11 Angel de la Presentación, Vidas y milagros de la bienaventurada Catalina Cardona ermitaña, y cartas sobre esta relacion, BNE, ms. 3537, fol. 344 ; Pedro de los Apostoles, De la Madre Catalina Cardona, BNE, ms. 4213, fol. 248 ; Tomas de Jesús, Primera parte de la vida y milagros de la bienaventurada Catalina Cardona ermitaña, BNE, ms. 3537, fol. 328v.
12 Angel de San Gabriel, De la buena muger, op. cit., fol. 30.
13 Pero de los Apostoles, De la Madre, op. cit., fol. 49, 240 ; Francisco de Salazar, Vida de la Madre Catalina Cardona por su confesor Jesuita, BNE, ms. 4213, fol. 6v ; Pedro de Jesús María, Caso milagroso de la translacion del cuerpo de la santa Madre Catalina Cardona, BNE, ms. 3537, fol. 146v.
14 Eufrasia de San José, Fundación del conbento de Arenas y traslación del a la ciudad de Guadalajara (1634), BNE, ms. 7018, fol. 309v.
15 Thérèse d’Avila, Œuvres complètes, Paris, Cerf, 1995, p. 400, 611-615.
16 Cécile Vincent-Cassy, Les saintes vierges et martyres dans l’Espagne du XVIIe siècle, culte et image, Madrid, Casa de Velázquez, 2011.
17 Thérèse d’Avila, Œuvres complètes, op. cit., p. 18.
18 Leonor de la Misericordia, Relacion de la vida de la venerable Catalina de Cristo, BNE, ms. 6621, fol. 173v.
19 Informaciones sobre Catalina de Jesús, BNE, ms. 5807, fol. 154v, 167v.
20 Ana de San Bartolomé, Obras completas, Burgos, Monte Carmelo, 1998, p. 339.
21 Miguel Bautista de Lanuza, Vida de la bendita Madre Isabel de Santo Domingo, Madrid, Imprenta del Reino, 1638, p. 31 : Era el castigo de sus cuerpos tan riguroso, que quien las viera en estos exercicios de penitencia, primero las juzgara como varones fuertes, imitadores de los antiguos anachoretas, que por mugeres flacas, sugetas a su natural delicadeza, y debilida.
22 Ordinale divinorum officiorum Sacrae Religionis Carmelitarum, Venise, Nicolo de Bascarinis, 1544.
23 Thérèse d’Avila, op. cit., p. 1192.
24 Miguel Bautista de Lanuza, Fundacion y excelencias del Conuento de S. Ioseph de Carmelitas descalzas de Çaragoça, Saragosse, hériters de Pedro Lanaja y Lamarca, 1659, p. 115.
25 Ana de San Bartolomé, Obras completas, op. cit., p. 366 ; Breve compendio de la vida de trece religiosas, Archivo Silveriano de Burgos (ASB), ms. 16 F, fol. 9v.
26 Thérèse d’Avila, Œuvres complètes, op. cit., p. 1175.
27 Brianda de San José, Relaciones sobre el convento de Malagón, BNE, ms. 7018, fol. 412v-413 ; Belchior de Santa Ana, Chronica de carmelitas desclaços particular do Reyno de Portugal e provincia de Sam Felipe, Lisboa, Enrique Valente de Oliveira, 1657, p. 700 ; Lo que Beatriz de San José dejó escrito sobre la Madre María de Jesús, BNE, ms. 8693, fol. 165.
28 Miguel Bautista de Lanuza, Virtudes de la V. M. Teresa de Jesus, carmelita descalza del convento de Valladolid, 1657, p. 13 ; Nicolás de San Cirilo, Vida de las Venerables Maria de Jesús e Isabel de Jesús, religiosas de Beas, BNE, ms. 7737, fol. 521.
29 Josef de Santa Teresa, Reforma de los descalzos de Nuestra Señora del Carmen, Madrid, Julian de Paredes, 1684, p. 125 ; Miguel Bautista de Lanuza, Virtudes de la V. M. Teresa de Jesus, carmelita descalza del convento de Valladolid, Saragosse, Juan de Lanaja y Lamarca, 1657, p. 105
30 Silverio de Santa Teresa, Procesos de beatificación y de canonización de Santa Teresa de Jesús, Burgos, El Monte Carmelo, 1934, vol. I, p. 194 ; Informaciones sobre Catalina de Jesús, BNE, ms. 5807, fol. 149v ; Francisco de Santa María, Reforma de los descalzos de Nuestra Señora del Carmen, Madrid, 1644, vol. I, p. 245 ; Petronila de San José, Vida de Cecilia del Nacimiento, ASB, ms. 80-B, p. 7 ; Relación sobre la madre Elvira del Nacimiento, llamada la « pastora » del convento de Medina del Campo, BNE, ms. 12958/62, fol. 6 ; Andrès de Cristo, Tratado de la santidad y virtudes de la venerable madre Ana de San Agustin, religiosa carmelita descalza, Biblioteca universitaria de Barcelona (BUB), ms. 515, fol. 112 ; Declaraciones sobre la Madre María de Jesús, BNE, ms. 8693, fol. 150v ; Isabel de San Francisco, Isabel de San Jeronimo, Testimonios sobre Catalina Cardona ermitaña, BNE, ms. 3537, fol. 367v ; Breve compendio de la vida de trece religiosas, ASB, ms. 16 F, fol. 22v.
31 Apuntes sobre Catalina de Jesús, BNE, ms. 5807, fol. 133 ; Fundación y religiosas del convento de Consuegra, BNE, ms. 7018, fol. 187v.
32 Miguel Bautista de Lanuza, Vida de la bendita Madre Isabel de Santo Domingo, op. cit., p. 354.
33 Miguel Bautista de Lanuza, Virtudes…, op. cit., p. 178.
34 Francisco de Santa María, Reforma…, op. cit., vol. II, p. 63.
35 Manual o procesionario de las religiosas descalzas de la orden de Nuestra Señora la Virgen Maria del Monte Carmelo, segun el missale y ceremonial romano reformado, Uclès, 1623, p. 2.
36 Santas costumbres del monasterio del carmen descalzo de Segovia, ASB, ms. 57 D/1o, fol. 7v ; Annales de la provincia de San José (1707), BUB, ms. 991, p. 64.
37 Francisco de Santa María, Reforma…, op. cit., vol. I, p. 225.
38 Miguel Bautista de Lanuza, Vida de la Venerable Madre Feliciana…, op. cit., p. 314.
39 Vida de la Madre Catalina de Jesús, BNE, ms. 5807, fol. 381 ; Miguel Bautista de Lanuza, Virtudes…, op. cit., p. 12 ; Isabel de San José, Fundación deste convento de San Josef de carmelitas descalças desta ciudad de Cuenca, BNE, ms. 7018, fol. 143.
40 Vida de la Madre Juliana de la Madre de Dios, BNE, ms. 5807, fol. 59.
41 Thérèse d’Avila, Œuvres complètes, op. cit., p. 2123.
42 Ordinario o ceremonial de las religiosas descalzas carmelitas conforme a los costumbres antiguas de su religion, Alcalá de Henares, por la viuda de Juan Gracián, 1622, prologue.
43 Francisco de Santa María, Reforma…, op. cit., p. 225.
44 Ibid., p. 245.
45 Thérèse d’Avila, Œuvres complètes, op. cit., p. 1655.
46 Sur ce conflit, voir Alyson Weber, « Spiritual Administration : Gender and Disorder in the Carmelite Reform », Sixteenth Century Journal, 31, 1, 2000, p. 123-147 ; Ildefonso Moriones, Ana de Jesús y la herencia teresiana : humanismo cristiano o rigor primitivo, Rome, Teresianum, 1968.
47 Relación sobre el convento de Alcalà y las religiosas que en el murieron, BNE, ms. 7018, fol. 376-402.
48 Cité par Teodoro Sierra, « Las constituciones de las carmelitas descalças promulgadas en 1592 », Teresianum, 41, 1, 1990, p. 212.
49 Brianda de San José, Relaciones sobre el convento de Malagón, BNE, ms. 7018, fol. 412.
50 Relación de algunas virtudes particulares de las monjas de Toledo, BNE, ms. 7018, fol. 222, De la penitencia que a sido en sus principios dice tanto en general que se ejercitaron en cada una mui por menudo adelantarse a la otra no solo de una sino de algunas dice que tomauan disciplinas de sangre cada dia vestidas de cardas y de cerdas y llenas de cilicios sauanas enteras de cerda […] el amor que a aser lo las movia no se satisfacia sin ynvenciones solo se trataba de cuidar como maltratar su cuerpo.
51 Anales de la provincia de san José (1707), BUB, ms. 991, fol. 72.
52 Ordinario o ceremonial…, op. cit., fol. 28v.
53 Ana de San Bartolomé, Obras completas, op. cit., p. 338.
54 Vida de la Madre Juliana…, op. cit., fol. 57v.
55 Josef de Santa Teresa, Reforma de los descalzos…, op. cit., p. 11.
56 Carta de Juan de Jesús María, BNE, ms. 3537, fol. 113.
Auteur
Fondation Thiers/université Paris-Sorbonne, centre Roland-Mousnier
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