Introduction
p. 9-28
Texte intégral
1Le colloque Règles et dérèglements en milieu clos, à l’origine de ce volume1, s’inscrit dans le projet, plus large, d’une histoire comparée des enfermements monastique et carcéral, entamée en 2009 avec le colloque Enfermements. Le cloître et la prison (vie-xviiie siècle)2 qui avait permis d’identifier quatre thèmes de réflexion : les règles et dérèglements, le genre3, les espaces4 et le travail. Ce projet vise à approfondir l’analogie entre enfermement répressif et enfermement volontaire, comme l’ont fait en leur temps Erving Goffman ou Michel Foucault, dans une perspective résolument historique et dans la longue durée, du très haut Moyen Âge jusqu’au xixe siècle inclus. Cette ample perspective chronologique entend embrasser les points de vue de l’histoire religieuse, de l’histoire sociale, de l’histoire – voire de la philosophie – du droit, en adoptant une « tactique comparative » qui rapproche des objets « totalement disparates moralement5 » : le cloître et la prison. L’association de ces deux termes est une manière un peu lapidaire, et donc nécessairement inexacte, de désigner notre terrain d’observation, puisque l’un comme l’autre recouvrent des réalités multiples. Par « cloître », il faut entendre les monastères mais également les couvents, maisons-Dieu et autres hôpitaux dans leur forme médiévale ou moderne, autrement dit, diverses formes d’établissements à caractère avant tout religieux, soumis à une règle ou un règlement – même si ce règlement ne se limite pas aux pratiques religieuses, dans le cas des hôpitaux, par exemple. Par « prison », il faut comprendre des lieux, eux aussi très divers, où l’on enferme des individus considérés comme défaillants, nuisibles, dangereux, coupables, criminels, délinquants, et où la vie des « enfermés », prisonniers et geôliers, est également soumise à des règles et règlements, empreints d’une dimension religieuse plus ou moins forte durant les périodes considérées6.
2Présenter ces deux lieux d’enfermement comme deux idéals-types au sens wébérien7 revient à s’abstraire du fait que de nombreuses institutions réunirent les caractéristiques du cloître et de la prison, notamment aux xviiie et xixe siècles (on songe, par exemple, aux nombreux établissements fermés de la protection de l’enfance et du traitement de la délinquance juvénile8) ; mais force est de constater que les évolutions du christianisme en Occident à partir du haut Moyen Âge ont conduit à assigner progressivement des valeurs censées être propres à la prison (pénitence personnelle) comme au cloître (louange de Dieu), de sorte que peu de chercheurs s’attachent à les considérer dans une approche comparative. Pourtant, des éléments communs existent bel et bien, comme, par exemple, et pour rester dans le registre de la foi chrétienne, celui de la recherche du salut de l’individu et de la société : cette dimension « salutaire » demeura longtemps essentielle dans toutes les institutions d’enfermement, qu’elles aient eu un caractère pieux, charitable ou bien répressif. Le colloque de 2009 a d’abord tenté de reconsidérer ensemble ces lieux emblématiques, mais apparemment très différents, de l’enfermement, leurs usages et significations durant les siècles médiévaux et modernes. À cet effet, il a exploré les conceptions, valeurs et objectifs qui furent associés à ces établissements, les particularités de la vie derrière leurs murs et enfin la sociologie des groupes exposés à ces types d’enfermement. La comparaison a permis de décrire le fonctionnement social de lieux et d’ensembles humains ayant pour caractère commun d’être plus ou moins clos, c’est-à-dire séparés du monde à la fois par des moyens physiques (murs, enceintes, portails, etc.), par un degré plus élevé de contrainte et de spiritualité, et par des règles de vie commune spécifiques qui les distinguent du reste de la société et permettent l’expression de formes de sociabilité propres.
3Dans le cadre de ce projet, nous avons fait le choix de parler de « lieux clos » ou de « milieux clos », même si ces expressions sont bien évidemment réductrices. En effet, l’enfermement, qu’il soit monastique, carcéral, hospitalier ou asilaire, n’est pas réductible au phénomène spatial de la clôture, comme l’ont suggéré des travaux récents de géographes9 : il inclut toujours d’autres effets spatiaux, liés à l’éloignement et à la séparation sociale, qu’il ne suffit pas de décrire par l’image du mur. Par ailleurs, la clôture, à quelque époque que ce soit, n’est jamais étanche, y compris dans les grandes institutions carcérales contemporaines. Entre le « dedans » et le « dehors », il existe, au contraire, un jeu complexe d’échanges et de transactions, matériels et sociaux, qui réduit la distance à première vue importante entre ce qui se passe à l’intérieur du lieu clos et la société qui l’environne10. Ces multiples porosités, si elles mettent sérieusement en doute l’idée d’une « clôture » effective, ne doivent pas non plus aveugler : il s’agit toujours de lieux où sont mis en œuvre des dispositifs, des moyens et des pratiques spécifiques, distincts à bien des égards de ceux observés en d’autres lieux de la vie sociale, mais qui constituent des élaborations sociopolitiques essentielles pour le fonctionnement ou le développement ultérieur des sociétés considérées. Ils organisent le temps et les activités, répartissent spatialement les personnes, conditionnent les rapports avec l’extérieur ou encore sanctionnent les manquements. Or, dans le cas des enfermements monastiques comme dans celui des enfermements carcéraux, ces dispositifs, moyens et pratiques nous paraissent suffisamment comparables pour être confrontés dans une analyse commune.
Règles et dérèglements en milieu clos
4Le colloque Règles et dérèglements en milieu clos a ainsi exploré l’une des pratiques communes les plus essentielles aux univers du cloître et de la prison : se doter de règles et de règlements11. Associer vie monastique et règle semble l’évidence. Pourtant, le fait de suivre une règle n’est pas une caractéristique ontologique du monachisme médiéval occidental. En la matière, l’historiographie a été longtemps tributaire de la vision de Benoît d’Aniane qui associe monachisme et règle écrite dans le Codex regularum. Or, en réalité, la vie monastique comme vita regularis, c’est-à-dire comme vie organisée par une règle écrite, est liée à la promotion, au début du ixe siècle, de la règle de Benoît, datée du vie siècle, par les réformateurs carolingiens, promotion qui a d’ailleurs entraîné des formes d’adaptation et d’interprétation12. En outre, les communautés religieuses réputées moins fermées que les monastères bénédictins n’en étaient pas moins réglées : songeons, par exemple, aux chanoines réguliers13, aux ordres mendiants, à certaines communautés particulières de « réguliers », comme les Umiliati de Lombardie14, ou encore à celles œuvrant dans les hôtels-Dieu, dont les religieux suivaient le plus souvent la règle de saint Augustin15. Ce n’est pas moins vrai des prisons et geôles, lieux de détention plus ou moins provisoires, qui se dotent elles aussi de statuts visant à organiser l’enfermement, conservés à partir du xiiie siècle en Occident16. Et c’est encore le cas de cet ensemble très hétérogène d’institutions émergeant à partir du xvie siècle, d’abord en Hollande et en Angleterre, puis en France et dans le Saint-Empire germanique, qui sous des noms divers – Rasphuis, bridewell, hôpital général, Zuchthaus – constituent les premiers établissements européens d’une gouvernance institutionnalisée de la marginalité. Ils donnent naissance, à partir de la deuxième moitié du xviiie siècle, à la prison en tant qu’établissement pénitentiaire tel que nous la connaissons aujourd’hui encore. Installés dans un premier temps dans les grandes villes, ces établissements se dotèrent eux aussi de règlements qui furent l’objet d’un large échange entre leurs fondateurs à travers toute l’Europe, avant de mobiliser une part importante des réflexions menées dans le cadre de la « science pénitentiaire », qui se mit à la recherche de la prison parfaite au cours du xixe siècle17.
5Faire une histoire croisée des enfermements volontaires et forcés sous l’angle des règles de vie enfermée répond à trois objectifs. Tout d’abord, poursuivre le dialogue renoué en 2009 entre deux historiographies trop souvent disjointes, celle des communautés religieuses et celle des prisons, en étudiant l’élaboration des normes au sein des institutions religieuses et la réglementation qui a accompagné la mise en place des prisons et autres établissements pénaux. Ensuite, établir des ponts entre Moyen Âge, époque moderne et époque contemporaine afin de mieux saisir, à travers ce prisme, les permanences, mais aussi les innovations et les ruptures, au-delà des découpages chronologiques habituels. Enfin, comprendre le rôle joué par la discipline régulière religieuse dans la mise en place des systèmes carcéraux occidentaux – un point évoqué depuis longtemps par la sociologie des institutions, mais longtemps resté sans écho chez les historiens. En effet, si Erving Goffman l’évoqua brièvement dans son analyse marquante des « institutions totales18 », c’est à deux sociologues allemands, Hubert Treiber et Heinz Steinert, que revient le mérite d’avoir posé pour la première fois, dans les années 1980, une question essentielle : celle de la transmission d’un « arrangement institutionnel » puissant, né avec la règle bénédictine. Témoignant d’un moment matriciel dans l’histoire de l’institution disciplinaire, cette règle est, selon eux, à l’origine d’un ensemble de techniques et de pratiques qui se diffusèrent au fil du temps, depuis les monastères médiévaux jusqu’aux fabriques, écoles, casernes et prisons contemporaines19.
6Quatre volets ont été proposés à la réflexion des participants du colloque de 2012 : la nature de la règle et des règlements ; la mise en texte de la règle et le développement réglementaire ; la mise en œuvre de la règle et la production de l’obéissance ; et, enfin, les dérèglements en milieux clos. Une vingtaine de collègues – historiens médiévistes ou modernistes, mais aussi juristes – ont accepté notre invitation dans le but de réfléchir ensemble à ces problématiques et de les soumettre à une analyse comparative, en tentant de dépasser les limites chronologiques et thématiques habituelles. Les textes présentés lors du colloque, les discussions menées dans ce cadre et les articles publiés dans le présent ouvrage mettent en lumière les difficultés de cette approche comparative. On observe, en effet, une importante dissymétrie entre les études, nombreuses, sur la norme au sein des communautés religieuses et le caractère relativement récent de la réflexion historique sur les règlements des lieux carcéraux. Pour l’heure, on compte bien peu d’éditions critiques de règlements carcéraux, a fortiori dans une perspective diachronique et internationale. Au-delà de l’état de la documentation disponible, il existe des blocages conceptuels au sein de l’historiographie du monde carcéral : celle-ci prend le plus souvent le règlement comme une évidence et n’interroge pas ou peu son contenu, ses modes de production, ses formes, sa matérialité ou encore ses évolutions. Certes, au début du siècle dernier, notamment chez les historiens du droit allemands, la règle carcérale fit l’objet d’une première analyse comparative, mais dans une perspective érudite et souvent idéologiquement marquée20. Notre objectif est d’inscrire la règle et son développement historique dans le jeu social afin d’en analyser les fonctions et les effets sur la vie en communauté enfermée, et, symétriquement, de mesurer et comprendre les répercussions de la seconde sur la première. Tout en reprenant les quatre pistes de réflexion initialement proposées lors du colloque, les quatre parties du présent volume reflètent les discussions menées à cette occasion et les conclusions tirées à la fois par les intervenants et les organisateurs du programme. Elles se déclinent de la manière suivante : définition des règles ; développement de l’écriture réglementaire ; discipline et obéissance ; dérèglements.
Définir les règles
7Qu’est-ce qu’une règle ? A-t-elle un caractère obligatoire similaire à celui d’une loi ? Nous avons souhaité examiner des règles qui ne sont ni des lois ni des préceptes, c’est-à-dire qui ne sont pas à proprement parler des normes juridiques, mais qui ne peuvent pas pour autant se réduire à des normes morales, à de simples conseils ou à des principes de vie21. Depuis quelques années, des travaux ont exploré les règles monastiques du point de vue du droit22, notamment en analysant la nouveauté de la règle franciscaine. Déjà problématique du vivant de François d’Assise († 1226), elle ne le fut pas moins aux xiiie et xive siècles, les frères mineurs entretenant avec elle un rapport qu’on pourrait qualifier d’obsessionnel.
8La question « qu’est-ce qu’une règle ? » invite, par ailleurs, à envisager la diversité des textes dans lesquels s’expriment les normes monastiques : traités ascétiques – ceux de Cassien ou d’Évagre le Pontique par exemple –, textes narratifs comme la Vitae Pachomii, lettres ou encore sermons. On parle des regulae de Pacôme, de Basile ou d’Augustin, alors que ces auteurs n’emploient pas ce terme. Les règles ne sont pas homogènes dans leur forme puisqu’elles associent divers types de textes (biographique, épistolaire, exégétique…). En outre, durant le haut Moyen Âge, si certains monastères ont écrit et assemblé des règles pour remplacer l’autorité charismatique de leur chef, d’autres ont créé un saint fondateur et rédigé un récit de fondation hagiographique, cependant que d’autres encore ont reçu ou forgé des chartes donnant un fondement légal à leur communauté.
9À côté de textes divers, dans les temps d’efflorescence de la vita religiosa, à l’époque mérovingienne comme encore aux xie-xiie siècles, l’abbé fait souvent figure de « règle vivante », selon une formule attestée au moins depuis le xviie siècle23, et gouverne la communauté par ses paroles et sa vie exemplaire : la Vita anonyme d’Étienne d’Obazine († 1159) en est un bon exemple, qui précise que « les frères d’Obazine n’étaient soumis à aucune loi écrite et les directives de leur vénéré maître leur en tenaient lieu24 ». Les « règles vivantes » jouent également un rôle essentiel au sein des communautés du mouvement de réforme dit de l’« Observance » dans leur version féminine, notamment chez les dominicaines25. On qualifie ainsi des moniales dont le comportement parfaitement exemplaire incarne la « réforme », modèle à imiter sans que la règle soit autrement précisée et moyen privilégié pour la diffusion de l’observance26. Puisqu’il s’agit d’interroger la nature des règles monastiques, quelle est celle de ces « règles vivantes » par rapport aux textes de référence des règles, quels qu’ils soient27 ? Ces « règles vivantes » posent le problème de l’exemplarité, point de différenciation avec les situations d’enfermement carcéral et, plus largement, punitif, dans lesquelles certaines figures de prisonniers sont héroïsées par les autres détenus pour avoir cherché à se soustraire aux règles de l’institution. Contrairement aux religieux exemplaires, les prisonniers « exemplaires » (dont le comportement relève davantage d’une adaptation à leur situation de captivité, comme l’a observé Goffman28) ne jouissent pas de la même reconnaissance auprès de leurs pairs. Enfin, les « règles vivantes » et le problème de l’exemplarité rappellent également ces règles non écrites qui affectent le fonctionnement des établissements religieux et carcéraux. Par leur nature même, ces règles non écrites posent un sérieux problème à l’historien des prisons qui, avant l’ère de l’autobiographie du prisonnier et davantage encore que l’historien du monde monastique, demeure tributaire des archives administratives.
10Réfléchir à la nature de la règle monastique doit également conduire à interroger ses fonctions. Dans les monastères, elle permet bien souvent de surmonter la crise qui résulte de la mort du fondateur ou de la disparition de la génération fondatrice, en perpétuant le charisme et en transformant l’expérience de vie en communauté en une institution permanente, dotée d’une identité collective29. Règles, coutumes et constitutions peuvent ensuite être des instruments du gouvernement abbatial ou des autorités ecclésiastiques extérieures au monastère pour réformer les communautés.
11La question du statut de la règle se pose également pour le monde carcéral30. Dans ce cas, les règlements voient leur statut juridique, voire leur légitimité, périodiquement mis en question pour des raisons qu’il convient d’examiner. Ainsi, à l’époque contemporaine, la peine de privation de liberté, devenue l’alpha et l’oméga de la pénalité depuis 1791 en France et au cours du xixe siècle dans la plupart des pays occidentaux, est mise en œuvre à travers des règles carcérales qui ajoutent de nombreuses autres privations, par exemple la privation de biens et de services, de relations sexuelles, d’autonomie ou encore de sécurité. Il est souvent difficile de définir clairement le statut et les fonctions de ces privations, souvent contestées, tant pour les détenus que pour les administrations31. Selon la sociologue Antoinette Chauvenet, « les règlements en prison sont nombreux, mais les règles qu’ils instaurent sont labiles et faibles32 ». La pénaliste Martine Herzog-Evans évoque, quant à elle, « la faiblesse normative et la faiblesse juridictionnelle » du droit pénitentiaire qu’elle qualifie d’« illusion de droit33 ». Recueillant les prescriptions concrètes s’appliquant aux détenus et aux surveillants, les règlements carcéraux varièrent longtemps d’un lieu à un autre. Simples règlements intérieurs édictés par les geôliers, ils accédèrent parfois à un statut normatif supérieur par leur intégration à des ordonnances émanant de l’autorité en charge de la juridiction concernée, voire du souverain lui-même34. Ce processus, de la geôle à l’État, ne fut cependant pas général. Ainsi, dans l’espace germanique, de véritables règlements furent précocement édictés par les autorités centrales (en Saxe à partir de 1716, par exemple) ; ils démontrent que le processus put être parfois exactement inverse, du pouvoir princier à l’établissement concerné35. Aujourd’hui encore, les règles en vigueur dans les prisons relèvent du droit administratif et ont donc un caractère spécifique qui, par exemple, exclut durablement toute possibilité pour les détenus d’avoir recours à la justice pour trouver une issue dans les conflits les opposant à l’administration ou à d’autres détenus. L’application de leurs droits (ceux propres à leur situation de détention comme ceux relevant du droit commun) est par conséquent le plus souvent entravée.
Développement de l’écriture réglementaire
12La deuxième thématique envisagée concerne l’analyse des « procédés d’écriture », c’est-à-dire des modalités de mise en texte des règles. Dans le cas de l’Observance, peut-être serait-il plus pertinent d’évoquer des « procédés d’incarnation36 » et, dans celui des « règles non écrites », des « procédés d’inécriture » qui accompagnent les procédés d’écriture et proposent une forme particulière d’exégèse, des « coutumes » ou des développements réglementaires non écrits. Au-delà de ces deux cas particuliers, le monachisme, comme on l’a indiqué précédemment, est une forme de vie précocement organisée par des textes et des écrits normatifs. Mais la règle, qui assemble préceptes et citations d’autorités, se révèle rapidement insuffisante parce que trop vague pour permettre de réguler chaque instant de la vie régulière et trop imprécise pour faire droit aux situations concrètes, particulières ou exceptionnelles. Elle est donc complétée par des coutumes, des statuts, des constitutions ou encore des commentaires qui viennent combler ses interstices, ce qui aboutit à une dilatation et une rigidification des règles (comprises comme règlements ?) organisant la vie en communauté37. Cependant, alors que la validité de la règle monastique et des coutumes mises par écrit se trouve dans la transcendance divine, les statuts rédigés à partir du xiie siècle sont le produit d’un consensus communautaire, leur validité se trouvant dans le pouvoir décisionnaire du conventus38. En 1215, le concile de Latran IV voulut mettre un terme à la profusion des règles religieuses en interdisant toute nouvelle règle, l’arsenal existant étant considéré alors comme suffisant pour produire de l’encadrement à l’intérieur des nouvelles communautés religieuses39. Il s’agissait par ailleurs de soumettre à des règles formellement éprouvées des individus qui n’en suivaient aucune et qui pourtant menaient une existence on ne peut plus réglée (les béguines, les tertiaires et plus largement ces mulieres religiosae qui vivaient dans des formes de vie semi-religieuses, par exemple)40. Le développement de l’écriture réglementaire suscita donc réflexions et réactions de la part des individus et surtout des autorités, durant le Moyen Âge comme après le concile de Trente.
13Les règles propres aux hôpitaux connurent, quant à elles, un fort développement scripturaire à partir du xiie siècle, lorsque les communautés hospitalières s’institutionnalisèrent. Ces règles, marquées par un héritage canonial, se présentent comme dérivées des anciens préceptes donnés à des religieuses par Augustin d’Hippone41. En dépit de la structuration en véritables ordres (ordre du Saint-Esprit, des Trinitaires ou encore des Antonins) qui imposent à leurs membres de suivre des règles, coutumes et statuts communs, les règles hospitalières n’en sont pas moins marquées par une grande diversité qui accompagne la densification du réseau des établissements. Longtemps focalisée sur la « laïcisation » du mouvement hospitalier médiéval et moderne, l’historiographie affronte désormais des questions directement liées au développement des règles, comme la structuration des espaces et des réseaux par exemple42. Dans les espaces carcéraux, l’apparition des règlements est plus tardive que dans les communautés religieuses, mais elle est attestée également à l’époque médiévale, plus précisément au xiiie siècle. Ce surgissement est en soi un indicateur important des attentes placées dans les prisons, dont le colloque de 2009 avait rappelé la diffusion à l’époque médiévale43. Le développement réglementaire dans les siècles ultérieurs et ses possibles emprunts aux règles monastiques doivent également être analysés : qui est à l’origine de ce développement, quelle est son autorité, qu’en est-il de son champ d’application et de sa durée de vie ? Les recherches dans ce domaine, comme nous l’avons indiqué précédemment, n’en sont pourtant qu’à leurs débuts44.
14Enfin, s’intéresser au développement réglementaire conduit à analyser la rédaction de règles spécifiques pour les femmes et les interprétations qu’il est possible d’en donner. Si l’on excepte la « Forme de vie de l’Ordre des Sœurs pauvres », composée par Claire d’Assise au milieu du xiiie siècle – qui n’est d’ailleurs jamais qualifiée de « règle » dans ce texte –, et la Regula Salvatoris organisant la vie des brigittines, on constate que rares furent les tentatives visant à rédiger des règles spécifiques aux communautés féminines avant le xve et le début du xvie siècle45. Dans les institutions carcérales européennes, en revanche, des aménagements réglementaires ont pu être conçus pour permettre aux femmes de faire face à des situations qui leur sont propres, telles que la maternité, l’allaitement ou le séjour de l’enfant avec sa mère en détention46. Ces règles, apparues dans la deuxième moitié du xxe siècle, sont l’une des réponses aux débats suscités un siècle plus tôt par la condition des femmes enfermées, alors que certaines institutions carcérales avaient fait, depuis le Moyen Âge, le choix de la mixité47.
Discipline et obéissance
15Troisième piste de réflexion : la mise en œuvre de la règle ou du règlement et la manière dont est produite l’obéissance dans les milieux plus ou moins clos. Au haut Moyen Âge, chaque règle monastique a pu concevoir de façon différente la discipline et les dispositifs à mettre en œuvre pour produire l’obéissance et atteindre par ce moyen le salut48. Par ailleurs, l’existence de coutumes, de constitutions, de statuts censés compléter la règle n’épuise pas la question de l’interprétation de celle-ci et de la manière dont on doit s’y soumettre. Chez les carmélites des xvie-xviie siècles, la ferveur religieuse se mesurait à leur capacité de suivre la règle tout en faisant preuve d’un zèle qui pouvait les conduire à aller bien au-delà de ses prescriptions49.
16Aux textes s’ajoutent les autorités multiples en charge de les faire respecter, qui ont pu concevoir différemment la manière de suivre la règle ou de l’interpréter. Ainsi, les franciscains des années 1220 devaient se conformer à la règle et à l’Évangile selon leur conscience ; ils ne devaient pas moins obéir à l’Église, mais également à François, aux supérieurs de leur couvent et de leur province, au cardinal protecteur ainsi qu’au souverain pontife. Examiner la place des institutions ou des hommes en charge de faire respecter la règle dans les monastères comme dans les prisons (supérieurs, circateurs, gardiens et autres personnels de surveillance, etc.), c’est aussi souligner les conflits d’autorité entre ces derniers. Par exemple, en 1312, le décret Multorum querela du concile de Vienne, qui apparaît comme un règlement général pour les prisons ecclésiastiques, est précisément destiné à régler les conflits entre inquisiteurs et évêques au sujet de la garde des suspects d’hérésie50.
17Tenter de dépasser la relation bipolaire entre, d’un côté, ceux qui sont enfermés et, de l’autre, ceux qui détiennent l’autorité à l’intérieur du monde clos ou en dehors faisait également partie des objectifs du colloque. Sans nier le fait que l’ensemble des dispositifs matériels et instrumentaux instaurent, plus ou moins selon les époques et les situations concrètes, une distance entre enfermés et surveillants, la coexistence au sein d’un même espace clos repose, pour s’inscrire dans la durée, sur un consensus minimal, une coopération plus ou moins tacite entre tous ceux qui y vivent, quel que soit leur statut51. Les autorités doivent par conséquent veiller à maintenir l’équilibre entre sévérité et bienveillance, entre rigueur et miséricorde, afin d’organiser un quotidien répondant aux objectifs de l’institution et évitant tout acte de résistance qui puisse mettre en péril cette dernière. Ces ambiguïtés produisent, comme l’ont rappelé les travaux de sociologie sur le monde actuel des surveillants de prison, des logiques en partie contradictoires, à savoir une logique bureaucratique, tournée vers le respect de la règle pour tous (y compris par les surveillants), et une logique de maintien de l’ordre, s’appuyant souvent sur un ensemble de pratiques dépassant le cadre réglementaire et pouvant aller du petit arrangement à l’amiable jusqu’au pire abus de pouvoir52.
18La mise en œuvre de la règle suppose enfin une réflexion sur la réception de la règle et sur la capacité des individus à lui obéir : c’est dans cette perspective que le cas des enfants, fermés à la compréhension du blâme et donc objets de châtiments physiques, a été pensé dans la règle bénédictine53. Pour d’autres populations enfermées, on peut évoquer les débats concernant la possibilité pour les criminels de s’amender et les traitements qui devaient leur être infligés. La question de la réception des règles et règlements reste cependant à étudier54.
Dérèglements
19Les écarts à la règle, les manquements et les dérèglements au sein des communautés constituent notre quatrième et dernier angle d’approche. Ces écarts mettent en lumière et « à l’épreuve » les valeurs attachées à l’enfermement, les conditions de vie enfermée et les usages sociaux de l’enfermement. Nombre de règles religieuses prévoient de potentiels dérèglements et la manière de les corriger : par exemple, dès le vie siècle, la règle de Ferréol d’Uzès consacre un chapitre entier au cas des moines qui s’en prendraient violemment à leurs confrères. Au xviie siècle encore, les bénédictines de Notre-Dame-de-Consolation, à Paris, rédigèrent une constitution traitant spécifiquement des fautes, légères ou très graves, que les religieuses pouvaient commettre55. En outre, certaines prescriptions, comme le respect rigoureux de la clôture, l’interdiction de posséder ou de manier de l’argent, font parfois l’objet d’aménagements ou de dérogations concédés par une autorité supérieure (le chapitre général ou le pape, par exemple)56. En 1226, le pape Honorius III autorisa ainsi les mendiants envoyés en mission d’évangélisation parmi les « infidèles » à porter des vêtements séculiers, à se laisser pousser la barbe et les cheveux (pour dissimuler leur tonsure), mais également à recevoir de l’argent pour se nourrir et se vêtir, nonobstant les instituta57.
20Penser les dérèglements suppose de réfléchir à la nature du manquement à la règle, qu’il soit volontaire ou involontaire, et à ce qu’il peut vouloir signifier. Les recherches récentes ont notamment insisté sur le potentiel hautement conflictuel des milieux clos – monastiques ou carcéraux58 – dans lesquels les règles établies se heurtent constamment à une réalité sociale complexe59. Par ailleurs, dans les mondes de l’enfermement comme ailleurs, ce sont d’abord les conflits et toute situation extraordinaire qui produisent de la documentation écrite, alors que la vie « normale », celle qui suit plus ou moins les règles, demeure souvent dans l’ombre des archives. Il s’agit, en réalité, de dépasser cette perspective binaire dans laquelle le dérèglement serait l’antithèse de la règle, en interrogeant la nature des relations entre celle-ci et celui-là. Loin d’être appliquées à la lettre, les règles sont le plus souvent « consommées », c’est-à-dire appropriées et, par là même, interprétées et transformées pour s’inscrire dans un travail constant d’adaptation et de réadaptation réglementaires60. La vie à l’intérieur des milieux clos ne se réduit jamais à une simple mise en œuvre d’un corpus réglementaire et, par conséquent, elle n’exclut ni la confrontation, jusque dans ses formes les plus violentes, ni l’arrangement, voire la connivence entre les détenus et ceux qui sont censés les surveiller61. Ces relations s’inscrivent pourtant dans le cadre de rapports de pouvoir asymétriques, les surveillants pouvant faire le choix ou non de qualifier tel ou tel acte ou comportement de « dérèglement ». Le dérèglement devient alors une affaire d’interprétation qui se fonde sur des règles, souvent elles-mêmes ouvertes à l’arbitraire : il est donc moins un fait qu’un argument avancé pour imposer son point de vue dans un conflit précis. Dans une situation donnée, le fait d’enfreindre la règle correspond ainsi parfois au fait de suivre une autre règle, provenant d’un autre système normatif. Ces remarques permettent donc de poser la question, complexe elle aussi, des rapports entre les règles régissant les milieux clos et les règles qui sont en vigueur dans le monde environnant.
21Cette dernière partie de la réflexion collective tente donc d’analyser les formes de conflictualité produites par tout enfermement (religieux, carcéral, asilaire, etc.), en particulier les violences entre enfermés eux-mêmes ou à l’encontre des supérieurs ou du personnel, et d’identifier leurs spécificités éventuelles. Génèrent-elles des rébellions individuelles ou collectives, des conflits caractéristiques, ou encore d’autres formes de résistance telles que les violences contre soi (suicide62) ou l’acédie63, péché tant dénoncé dans les communautés religieuses ? La sociologie défend depuis longtemps l’hypothèse que la violence est une ressource à la disposition de tous64 – prisonniers comme surveillants, moines comme supérieurs des communautés religieuses –, ce qui n’empêche nullement de constater que ses usages sont très différenciés. Par exemple, les réformateurs monastiques ont parfois usé de méthodes violentes à l’endroit de religieux qu’ils considéraient comme « déformés » (insultes, brutalité et humiliations diverses)65. Et, à l’inverse, la littérature hagiographique met en scène des moines homicides de leur abbé réformateur66. Si la violence produit une « contre-violence », dans quelle mesure celle-ci peut-elle être considérée comme légitime ?
22Enfin, la thématique du dérèglement pose encore une fois la question des rapports entre les milieux clos et la société environnante. Loin d’être étanches aux influences extérieures, monastères comme prisons ont pu être au centre de certaines stratégies de reproduction sociale ou encore de mouvements contestataires ayant émergé à l’extérieur67. Ceints par des murs, ces milieux clos n’en sont donc pas moins traversés par les tensions du siècle qui, dans ce cadre et en dépassant le cas plus connu des émeutes en périodes révolutionnaires68, peuvent s’y exacerber. Ceci vaut également pour les représentations et imaginaires que le monde extérieur a de l’enfermement. Les univers clos ont pu être érigés en lieux propices aux dérèglements, tout particulièrement sexuels : en témoignent, pour le monde monastique, certains fabliaux médiévaux et romans libertins du xviiie siècle69, et, pour le monde carcéral, toute une série d’œuvres littéraires et cinématographiques, de La prisonnière de Proust à Un chant d’amour de Genet, des romans du marquis de Sade à Salò ou les 120 journées de Sodome de Pasolini70.
23D’un texte à l’autre, le lecteur pourra juger de la pertinence du rapprochement proposé entre des espaces si moralement incomparables. Au-delà des pistes suggérées précédemment, on demeure frappé par les parallèles qu’autorisent certaines sources, notamment médiévales. Dans le Tractatus de consuetudinibus rédigé en 1347, Gilles Li Muisis, l’abbé vieillissant de Saint-Martin-de-Tournai, explique avec fierté que les coutumes du temps de son noviciat (vers 1290) étaient si rigoureuses à Saint-Martin et à Affligem que, dans les autres monastères, on considérait ces deux établissements comme des prisons71… Et la terminologie des règles monastiques entre parfois en résonance avec celle des règlements de geôles : discretio et sollicitudo sont ainsi exigées du gardien, qu’il soit abbé ou geôlier72. À l’inverse, les règlements des institutions de l’enfermement à l’époque moderne se sont largement inspirés de textes monastiques antérieurs, en terre catholique comme en terre protestante, par exemple en structurant la journée des détenus par le son des cloches ou par des lectures de la Bible, lors de repas pris dans un silence absolu73. Autre symbole de la réappropriation de la culture monastique travestie en sévérité carcérale, l’invention de l’enfermement cellulaire aux États-Unis et sa propagation dans toute l’Europe dans la première moitié du xixe siècle : le criminel est alors placé face à son crime et face à Dieu, la terrible solitude dans laquelle il est plongé devant permettre sa pénitence74. Ces rapprochements suggèrent donc le caractère matriciel des lieux clos et des communautés humaines ainsi constituées par la clôture pour l’élaboration de technologies du pouvoir qui, dans leur application, ne se limitent ni dans le temps ni dans l’espace.
Notes de bas de page
1 Le colloque s’est tenu du 4 au 6 octobre 2012, à Clairvaux et Troyes.
2 Isabelle Heullant-Donat, Julie Claustre et Élisabeth Lusset (dir.), Enfermements. Le cloître et la prison (vie-xviiie siècle). Actes du colloque international organisé par le Cerhic (EA 2616) de l’université de Reims Champagne-Ardenne et l’association Renaissance de l’abbaye de Clairvaux (Troyes, Bar-sur-Aube et Clairvaux, 22-24 octobre 2009), Paris, Publications de la Sorbonne, 2011.
3 La rencontre internationale « Enfermement et genre » s’est tenue à Paris, au collège des Bernardins, les 15 et 16 novembre 2013. Elle a rassemblé une quinzaine d’intervenants et de discutants (voir www.enfermements.fr). Les actes de cette rencontre sont en cours de publication.
4 Ce thème est travaillé dans le cadre d’un séminaire intitulé « Étudier, voir et faire voir les espaces de l’enfermement », qui s’est tenu à l’EHESS entre janvier et juin 2015 (voir www.enfermements.fr, rubrique « manifestations ») et dont l’objectif est de réaliser un webdocumentaire.
5 Howard S. Becker, « La politique de la présentation : Goffman et les institutions totales », dans Charles Amourous, Alain Blanc (dir.), Erving Goffman et les institutions totales, Paris, L’Harmattan, 2001, p. 59-77, ici p. 72.
6 Olivier Faure, Bernard Delpal, Religion et enfermements (xviie-xxe siècles), Rennes, PUR, 2005.
7 Max Weber, Essais sur la théorie de la science, Paris, Plon, 1965, p. 181 : « On obtient un idéal-type en accentuant unilatéralement un ou plusieurs points de vue et en enchaînant une multitude de phénomènes isolés, diffus et discrets, que l’on trouve tantôt en grand nombre, tantôt en petit nombre, par endroits pas du tout, qu’on ordonne selon les précédents points de vue choisis unilatéralement pour former un tableau de pensée homogène. »
8 Voir, par exemple, Marie-Sylvie Dupont-Bouchat, Éric Pierre (dir.), Enfance et justice au xixe siècle. Essais d’histoire comparée de la protection de l’enfance, 1820-1914. France, Belgique, Pays-Bas, Canada, Paris, PUF, 2001.
9 Olivier Milhaud, Séparer et punir. Les prisons françaises : mise à distance et punition par l’espace, thèse de doctorat de géographie, sous la direction de Guy Di Méo, université Bordeaux 3 Michel-de-Montaigne, 2009.
10 Falk Bretschneider, Gefangene Gesellschaft. Eine Geschichte der Einsperrung in Sachsen im 18. und 19. Jahrhundert, Constance, UVK, 2008.
11 Le 20 mai 2011, une journée d’études « Violences et conflits en milieux clos (xiie-xixe siècle) » avait été organisée à l’Hostellerie des Dames de Clairvaux dans le cadre du programme de recherche « Enfermements ». À l’issue de cette journée, il était apparu que la compréhension des violences et conflits en milieux clos ne pouvait être disjointe d’une réflexion sur la règle, les règlements et les dérèglements.
12 Albrecht Diem, « Inventing the Holy Rule : Some Observations on the History of Monastic Normative Observance in the Early Medieval West », dans Hendrik Dey, Elizabeth Fentress (dir.), Western Monasticism ante Litteram. The Spaces of Monastic Observance in Late Antiquity and the Early Middle Ages, Turnhout, Brepols, 2011, p. 53-84 ; Id., Philip Rousseau, « Vita regularis : The Development of a “Life under Rule” », dans Alison I. Beach, Isabelle Cochelin (dir.), Cambridge History of Medieval Monasticism in the Latin West, Cambridge, Cambridge University Press (à paraître). Voir, dans ce volume, Isabelle Cochelin, « Deux cuisines pour les moines : coquinae dans les coutumiers du xie siècle », p. 89-113.
13 Yannick Veyrenche, « Quia vos estis qui sanctorum patrum vitam probabilem renovatis… Naissance des chanoines réguliers, jusqu’à Urbain II », dans Michel Parisse (dir.), Les chanoines réguliers. Naissance et expansion (xie-xiie siècles). Actes du 6e colloque international du CERCOR, Saint-Étienne, PUSE, 2009, p. 30-42.
14 Voir le chapitre intitulé De religione et regula humiliatorum de Jacques de Vitry, dans John Frederick Hinnenbusch (éd.), Histoire occidentale : The Historia Occidentalis of Jacques de Vitry. A Critical Edition, Fribourg, University of Fribourg, 1972, p. 144-145 (Spicilegium Friburgense, 17).
15 Comme l’a montré il y a un siècle Léon Le Grand, Statuts d’hôtels-Dieu et de léproseries. Recueil de textes du xiie au xive siècle, Paris, Picard, 1901, p. V.
16 Voir, dans ce volume, Julie Claustre, « Les règlements de geôles médiévales. Jalons pour l’étude d’un genre », p. 63-87.
17 Thomas Nutz, Strafanstalt als Besserungsmaschine. Reformdiskurs und Gefängniswissenschaft 1775- 1848, Munich, Oldenbourg, 2001 ; Michelle Perrot, « L’Europe pénitentiaire », dans Les ombres de l’histoire. Crime et châtiment au xixe siècle, Paris, Flammarion, 2001, p. 225-235. Une étude plus approfondie de la circulation de ces règlements entre les villes et territoires à l’époque moderne ainsi que des transferts de savoirs et de pratiques reste cependant à mener.
18 Erving Goffman, Asylums : Essays on the Condition of the Social Situation of Mental Patients and Other Inmates, N. Y., Garden City, 1961, Liliane et Claude Lainé (trad.), Asiles. Études sur la condition sociale des malades mentaux, Paris, Éditions de Minuit, 1961, 19902.
19 Hubert Treiber, Heinz Steinert, Die Fabrikation des zuverlässigen Menschen. Über die « Wahlverwandtschaft » von Kloster- und Fabrikdisziplin, 1980, rééd., Münster, Westfälisches Dampfboot, 2005.
20 Günther Saam, Quellenstudien zur Geschichte des deutschen Zuchthauswesens bis zur Mitte des 19. Jahrhunderts, Berlin/Leipzig, Walter de Gruyter & Co, 1936.
21 Giorgio Agamben, De la très haute pauvreté. Règles et formes de vie, Paris, Payot & Rivages, 2011.
22 Voir, par exemple, Emanuele Coccia, « Regula et vita. Il diritto monastico e la regola francescana », Medioevo e Rinascimento, 20, 2006, p. 97-147 ; ou encore, dans ce volume, Valentina Toneatto, « Des règles à géométrie variable : modulation de la règle et pouvoir de l’abbé (ive-viie siècle) », p. 31-48.
23 À propos de l’élection des supérieurs, les Exhortations monastiques du R. P. Estienne de Saint François Xavier, Provincial des Carmes de la Province de Touraine sur la Regle de l’Ordre de la B. Heureuse Vierge Marie du Mont-Carmel (Rennes, Philippes le Sainct imprimeur & libraire, 1687, p. 198) précisent : « Nous devons imiter les Saints Apôtres, qui voulans donner un successeur à Judas, conclure qu’ils devoient élever à l’Apostolat un de ceux qui vivoient avec eux […]. Nous ne les devons pas aller prendre à la Cour, dans le monde parmi les séculiers, dans les grandes chaires, dans les occupations importantes ; mais dans le Cloître, dans la Cellule, dans le chœur, dans les actions communes, dans les observances régulières, dans les exercices essentiels de la vie Religieuse, ex vobis. Ce doivent être des Religieux qui vivent avec nous, et qui fassent en nôtre présence ce que nous devons faire, afin qu’ils nous soient des règles vivantes et qu’ils nous servent de modèle et d’exemplaire… » Dans le registre hagiographique, voir la « Vie de Mademoiselle Anne Le Telier », dans Abregé des plus illustres vies du Tiers Ordre de S. François par un solitaire, Caen, Jean Poisson, 1683, p. 455 : « Et parce que les exemples sont beaucoup plus efficaces que les paroles, elle [Anne] vivoit avec tant de pureté et d’innocence, qu’elle servoit de modèle à toutes celles qui étoient sous sa conduite, pratiquant la Règle avec une telle exactitude, que jamais ses affaires domestiques ne luy servirent de pretexte pour s’en dispenser ; car elle étoit persuadée que lorsqu’on dit que les Supérieures sont des regles vivantes, que cela ne s’étend pas qu’il leur soit permis de changer les ordonnances de leur Saint Legislateur, mais bien de l’obligation qu’elles ont d’être si fidelles à suivre à toutes ses loix, que si la Regle écrite pourvoit être perduë, on l’apprît dans leurs actions. »
24 « Jusqu’alors les frères d’Obazine n’étaient soumis à aucune loi écrite et les directives de leur vénéré maître leur en tenaient lieu. Elles étaient si strictes et si dures que l’austérité d’aucune règle ne pouvait rien ajouter à la rigueur de la discipline. Mais “les jours de l’homme sont comptés (Job, 14,5)” et un enseignement humain n’est suivi qu’autant que survit l’éducateur ou qu’il est présent, aussi voulurent-ils se soumettre à un ordre autorisé par l’Église afin qu’après la mort des maîtres, l’autorité d’une règle écrite leur restât toujours », dans Michel Aubrun (éd. et trad.), Vie de saint Étienne d’Obazine, Clermont-Ferrand, Publications de l’Institut d’étude du Massif central, 1970, p. 96.
25 Voir, par exemple, la thèse de doctorat de Sylvie Duval, L’Observance au féminin. Les moniales dominicaines entre réforme religieuse et transformations sociales 1385-1491, sous la double direction de N. Bériou (université Lumière Lyon 2) et de G. Zarri (Università degli Studi di Firenze), soutenue en 2012 à l’université Lumière Lyon 2.
26 En amont de l’observance, cette pratique, qui ne fut pas particulièrement « genrée » aux xiie-xiiie siècles (voir le thème de l’abbé réformateur qui passe d’un monastère à l’autre), est attestée par exemple, sans l’expression qui permet de la désigner, dans les Constitutions rédigées pour les moniales par le dominicain Humbert de Romans en 1259. Le chapitre 29, consacré à l’entrée et à la sortie des maisons des religieuses (De ingressu et egressu domorum), précise qu’elles sont exceptionnellement autorisées à sortir du cloître en cas de péril mortel et pour fonder une « maison » (Ex causa aliqua transferri contigerit aliquam ad aliam domum faciendam vel factam), voir P. Mothon (éd.), « Constitutiones sororum ordinis fratrum praedicatorum », Analecta Sacri Ordinis Praedicatorum, Rome, vol. III, 1897, p. 337-355.
27 Voir, dans ce volume, Gordon Blennemann, « Hagiographie : une norme narrée. Regards sur les Vitae de Jutta de Sponheim et d’Hildegarde de Bingen, et sur le Liber visionum d’Élisabeth de Schönau », p. 115-117.
28 Goffman, op. cit. Pour une étude comparée des rapports sociaux à l’intérieur des mondes de l’enfermement, carcéral et monastique, voir Falk Bretschneider, Martin Scheutz, Alfred S. Weiß (dir.), Personal und Insassen von Totalen Institutionen – zwischen Konfrontation und Verflechtung, Leipzig, Leipziger Universitätsverlag, 2011.
29 Gert Melville, « Zur Funktion der Schriftlichkeit im institutionellen Gefüge mittelalterlicher Orden », Frühmittelalterliche Studien, 25, 1991, p. 391-417 ; Klaus Schreiner, « Verschriftlichung als Faktor monastischer Reform. Funktionen von Schriftlichkeit im Ordenswesen des hohen und späten Mittelalters », dans Hagen Keller, Klaus Grubmüller, Nikolaus Staubach (dir.), Pragmatische Schriftlichkeit im Mittelalter. Erscheinungsformen und Entwicklungsstufen, Munich, W. Fink, 1992, p. 37-75.
30 Voir, dans ce volume, Hinda Hedhili-Azéma, « Règles de droit et règlements pénitentiaires en France au xixe siècle », p. 49-62.
31 G. Sykes, cité par Antoinette Chauvenet, « Démocratie et violence en prison », dans D. Kaminski, M. Kokoreff (dir.), Sociologie pénale : système et expérience, Ramonville-Saint-Agne, Érès, 2004, p. 273-294.
32 Antoinette Chauvenet, « Privation de liberté et violence : le despotisme ordinaire en prison », Médecine & hygiène. Déviance et société, 30, 2006/3, p. 373-388 ; Id., « Démocratie et violence en prison », op. cit., p. 278-280 : s’interrogeant sur la nature des règles carcérales, la sociologue écrit : « La règle carcérale procède avant tout d’un principe sécuritaire qui […] consiste à instaurer une distance de protection vis-à-vis des détenus dans le cadre d’un dispositif matériel et instrumental de nature défensive. »« La nature [de la règle], son caractère indifférencié, son instabilité et son inobservation minent sa légitimité. Un des aspects essentiels des règles carcérales réside dans le fait qu’il s’agit moins d’interdits, également présents, et qui impliquent un principe de réciprocité, que d’une infinité d’interdictions de nature administrative. Le caractère potentiellement illimité de ces interdictions n’a pour principe […] que d’empêcher la transformation de la puissance virtuelle que représente le groupe des détenus en puissance réelle, d’en assurer au quotidien le contrôle […]. Du caractère illimité des interdictions résultent leur trivialité et leur indifférenciation, comme la faible hiérarchie des règles entre elles […]. Ces dimensions d’indifférenciation, de trivialité, d’uniformité et d’infinité des interdictions permettent notamment de comprendre pourquoi ce qui pourrait apparaître à un observateur extérieur comme un détail insignifiant peut être l’occasion de rébellions, de conflits ouverts entre les surveillants et les détenus, ou entre les détenus. Tout étant indifférencié, tout devient important en prison parce que renvoyant uniformément à la situation d’assujetti, à la situation de privation de liberté. […] Ces différents aspects des règles réduisent considérablement non seulement leur légitimité mais aussi leur sens, deux aspects fondamentaux et constitutifs de leur force. »
33 Martine Herzog-Evans, « Le droit pénitentiaire : un droit faible au service du contrôle des détenus ? », dans Claude Faugeron, Antoinette Chauvenet, Philippe Combessie (dir.), Approches de la prison, Bruxelles, De Boeck, 1996, p. 273-296.
34 Voir, dans ce volume, Julie Claustre, « Les règlements… », art. cité, p. 70-71.
35 Ce processus reste cependant à étudier en détail, notamment en raison de la structure politique particulière du Saint-Empire. En effet, compte tenu de la diversité des pouvoirs politiques, les notions d’« État » et d’« autorité centrale » ne s’appliquent que difficilement aux grands territoires (par exemple, la Prusse, la Bavière ou la Saxe) comme aux entités beaucoup plus petites, à l’instar de certaines principautés ecclésiastiques ou des nombreuses villes libres d’Empire. Dans ce contexte, il semble donc important de faire une distinction entre les simples geôles, que l’on trouve dans le monde urbain, et les établissements d’enfermement, tels que les Zuchthäuser qui connaissent très tôt, à l’instar des hôpitaux, des règlements assez complets.
36 Les « règles vivantes » passent d’un monastère à un autre, comme au xiie siècle les réformateurs monastiques, mais eux invoquaient la « règle » et le retour à la règle « primitive » justement, et non explicitement leur propre personne comme modèle à suivre. Ces exemples vivants sont certes complétés par des textes divers (chroniques, écrits polémiques, correspondances spirituelles, etc.) qui contribuèrent fortement à renouveler les exigences à l’intérieur des monastères réformés, d’une manière différente cependant de celle de la règle écrite (bien peu précise dans le cas des dominicaines ; cf. Constitutions, citées supra, n. 26).
37 Gert Melville, « Regeln – Consuetudines – Texte – Statuten. Positionen für eine Typologie des normative Schrifttums religiöser Gemeinschaften im Mittelalter », dans Id., Cristina Andenna (dir.), Regulae – Consuetudines – Statuta. Studi sulle fonti normative degli ordini religiosi nei secoli centrali del Medioevo, Münster, Lit, 2005, p. 5-38 ; voir aussi, dans ce volume, Florent Cygler, « “Unité des cœurs” et “uniformité des mœurs” au défi de l’espace et du temps : les statuts des ordres religieux au Moyen Âge », p. 171-188.
38 Gert Melville, « Les fondements spirituels et juridiques de l’autorité dans la vita religiosa médiévale : approche comparative », dans Jean-François Cottier, Daniel-Odon Hurel, Benoît-Michel Tock (dir.), Les personnes d’autorité en milieu régulier. Des origines de la vie régulière au xviiie siècle. Actes du 7e colloque du CERCOR, Saint-Étienne, PUSE, 2012, p. 13-25.
39 Ce concile impose que toute nouvelle maison religieuse reçoive la « Règle et l’institution des ordres religieux approuvés », voir Raymonde Foreville, Les conciles de Latran I, II, III et Latran IV, Paris, Éditions de l’Orante, 1965, p. 354.
40 Voir, par exemple, Kaspar Elm, « Vita regularis sine regula. Bedeutung, Rechtsstellung und Selfstverständnis des mittelalterlichen und frühneuzeitlichen Semireligiosentums », dans Frantisek Smahel, Elisabeth Müller-Lackner (dir.), Häresie und vorzeitige Reformation im Spätmittelalter, Munich, Oldenbourg, 1998, p. 239-273.
41 François-Olivier Touati, « “Aime et fais ce que tu veux”. Les chanoines réguliers et la révolution de charité au Moyen Âge », dans Michel Parisse (dir.), Les chanoines réguliers, op. cit., p. 159-210.
42 Notamment, Pascal Montaubin (dir.), Hôpitaux et maladreries au Moyen Âge : espace et environnement, Amiens, CAHMER, 2004 ; Damien Carraz (dir.), Les établissements hospitaliers dans le Massif central et ses périphéries au Moyen Âge : des territoires aux réseaux, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise-Pascal, 2014. Voir, dans ce volume, Martin Scheutz, « Hôpital et règlement en Autriche à l’époque moderne », p. 131-152.
43 Isabelle Heullant-Donat, Julie Claustre, Élisabeth Lusset (dir.), Enfermements, op. cit.
44 Voir, dans ce volume, Ludovic Maugué, « Règles et règlements dans la maison centrale de détention d’Embrun (1803-1815) : négociation, diffusion et généralisation d’un modèle normatif », p. 153-169.
45 Chiara di Assisi e le sue fonti legislative. Sinossi cromatica, Padoue, Éd. Federazione S. Chiara di Assisi delle Clarisse di Umbria-Sardegna, 2003, p. 22-114 ; et aussi Jacques Dalarun, Armelle Le Hérou (éd.), Claire d’Assise. Écrits, vies, documents, Paris, Éditions du Cerf, 2013, p. 147-174 ; Tore Nyberg, « Rapports entre religieux et religieuses dans l’ordre du Saint Sauveur », dans Les religieuses dans le cloître et dans le monde des origines à nos jours, Saint-Étienne, PUSE, 1994, p. 373-377.
46 Martine Herzog-Evans, « Le séjour du petit enfant avec sa mère en détention », dans Loïc Cadiet et al. (dir.), Figures de femmes criminelles, Paris, Publications de la Sorbonne, 2010, p. 205-221.
47 Sandra Leukel, Strafanstalt und Geschlecht. Zur Geschichte des Frauenstrafvollzugs im 19. Jahrhundert (Baden und Preußen), Leipzig, Leipziger Universitätsverlag, 2011.
48 Voir, dans ce volume, Albrecht Diem, « L’espace, la grâce et la discipline dans les règles monastiques du haut Moyen Âge », p. 215-238.
49 Voir, dans ce volume, Antoine Roullet, « La régulation de la ferveur. Discipliner les pénitences des carmélites déchaussées (Espagne, ca 1560-ca 1630) », p. 239-252.
50 Joseph Leclercq, Le concile de Vienne, 1311-1312, Paris, Fayard, 2005 (rééd.), p. 149-150.
51 Voir, dans ce volume, Falk Bretschneider, « Violence et obéissance. La place et le rôle des châtiments corporels dans les établissements d’enfermement aux xviiie et xixe siècles », p. 253-291.
52 Antoinette Chauvenet, Françoise Orlic, Georges Benguigui, Le monde des surveillants de prison, Paris, PUF, 1994, notamment p. 77-106.
53 Adalbert de Vogüe (éd.), La règle de Saint Benoît, Paris, Éditions du Cerf, 1972, vol. 2, chap. 30, p. 555 ; Katherine Allen Smith, « Discipline, Compassion and Monastic Ideals of Community, c. 950-1250 », Journal of Medieval History, 35/4, 2009, p. 326-339 ; voir également, dans ce volume, Axelle Neyrinck, « Infractions à la règle ou débordements réglés ? Le jour des Saints-Innocents dans les Casus Sancti Galli d’Ekkehard IV », p. 293-305.
54 Voir Michel Foucault, Surveiller et punir. Naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1975 ; Peter Becker, Verderbnis und Entartung. Zur Geschichte der Kriminologie des 19. Jahrhunderts als Diskurs und Praxis, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2002.
55 Voir, dans ce volume, Daniel-Odon Hurel, « De la règle de saint Benoît à la pratique réglementaire pénitentielle chez les bénédictins et bénédictines des xvie-xixe siècles : traductions, relectures et interprétations », p. 189-211.
56 Voir, dans ce volume, Kristjan Toomaspoeg, « Manquements et dérèglements dans l’ordre Teutonique (xiie-xve siècle) », p. 353-373.
57 Bullarium Franciscanum Romanorum Pontificum… studio et labore fr. J. H. Sbaraleae, Rome, Typis Sacrae Congregationis de Propaganda Fide, 7 vol., I, 1759-1804, p. 26. Voir également, dans ce volume, Harmony Dewez, « Obedientiales et claustrales. Clôture, argent et contrôle chez les bénédictins anglais au xiiie siècle », p. 309-322.
58 Falk Bretschneider, Martin Scheutz, Alfred Stephan Weiß (dir.), Personal und Insassen von Totalen Institutionen, op. cit. ; Christine Schneider, Kloster als Lebensform. Der Wiener Ursulinenkonvent in der zweiten Hälfte des 18. Jahrhunderts (1740-1790), Vienne/Cologne, Böhlau, 2005.
59 Voir, par exemple, Bernhard Stier, Fürsorge und Disziplinierung im Zeitalter des Absolutismus. Das Pforzheimer Zucht- und Waisenhaus und die badische Sozialpolitik im 18. Jahrhundert, Sigmaringen, Thorbecke, 1988, p. 126.
60 Michel de Certeau, L’invention du quotidien, I : Arts de faire, Paris, Gallimard, 1990.
61 Les prisons contemporaines ne manquent pas de ce type d’arrangements entre surveillants et détenus, entre règlement et surveillants : soit que le zèle dans l’application du règlement semble mener à l’impasse pour bien des surveillants, confrontés à une hostilité et à des résistances permanentes de la part des détenus ; soit qu’une règle tacite fasse obligation au surveillant de participer au tabassage collectif d’un « pointeur » nouvellement arrivé, en une sorte de bizutage qui contrevient aux règles les plus élémentaires de la prison. Voir, par exemple, les témoignages exprimés dans les blogs http://supermaton.over-blog.com/entre-règlement-et-arrangements.html et http://brunodesbaumettes.overblog.com/paroles-de-maton#09maton.
62 Voir, dans ce volume, Laurence Guignard, « Enfermement et suicide sous la IIIe République : le paradigme de la discipline », p. 375-391 ; et le texte de Falk Bretschneider, p. 253-291.
63 Nathalie Nabert (dir.), Tristesse, acédie et médecine des âmes. Anthologie de textes rares et inédits (xiiie-xxe siècle), Paris, Beauchesne, 2005.
64 Trutz von Trotha, « Einleitung : Zur Soziologie der Gewalt », dans Id. (dir.), Soziologie der Gewalt, Opladen, Westdeutscher Verlag, 1997, p. 9-56, ici p. 18 ; voir, plus récemment, Randall Collins, Violence. A Microsociological Theory, Princeton, N. J., Princeton University Press, 2008.
65 Jean-Marie Le Gall, Les moines au temps des réformes, France (1480-1560), Seyssel, Champ-Vallon, 2001, p. 515-521.
66 Élisabeth Lusset, « Abbés et prieurs martyrs ? Enquête sur les violences infligées aux supérieurs des communautés régulières au bas Moyen Âge », dans M. Belissa, M. Cottret (dir.), Le martyr(e), Moyen Âge, Temps modernes, Paris, Kimé, 2010, p. 53-72.
67 Voir, dans ce volume, Ana Rodríguez, « Entre des conflits internes et des agents externes : clôture et monastères féminins au Moyen Âge au royaume de Castille-Léon », p. 323-340 ; Aude Fauvel, « Psychiatrie et désobéissance. Écrire à l’asile : la France, la Grande-Bretagne et l’exception écossaise (xixe siècle) », p. 393-407.
68 Michelle Perrot, « Délinquance et système pénitentiaire en France au xixe siècle », Annales. ESC, 30/1, 1975, p. 67-91.
69 Voir, par exemple, le roman anonyme intitulé Histoire de Dom Bougre, Portier des Chartreux, écrite par lui-même (1741). Voir également, dans ce volume, Guy Geltner, « Clôture et déclôture. Ordres mendiants et menace du scandale à la fin du Moyen Âge », p. 341-351.
70 Sabine Büssing, Of Captive Queens and Holy Panthers : Prison Fiction and Male Homoerotic Experience, Francfort-sur-le-Main/New York, Peter Lang, 1990. Voir, pour une analyse des rapports sexuels dans les mondes de l’enfermement à l’époque moderne, Falk Bretschneider, « “Unzucht im Zuchthaus”. Sexualité, violence et comportements sociaux dans les institutions d’enfermement au xviiie siècle », Francia. Forschungen zur westeuropäischen Geschichte, 38, 2011, p. 77-92.
71 Albert d’Haenens (éd.), « Le Tractatus de consuetudinibus de Gilles le Muisis (1347) », Bulletin de la Commission royale d’histoire, 124, 1959, p. 184 : Isti qui erant pro ordine observabant consuetudines supradictas et alias quamplures approbatas quas longissimum esset scribere aut enarrare quia monasterium Affligense et monasterium nostrum pro carcere ab aliis monasteriis reputabantur.
72 Voir, dans ce volume, les articles de Toneatto, p. 31-48, et Claustre, p. 63-87.
73 Voir l’exemple saxon, Beschreibung des Chur-Sächsischen allgemeinen Zucht- Waysen- und Armen-Hauses…, Dresde, Leipzig, 1716, p. 16.
74 Michelle Perrot, « Alexis de Tocqueville et les prisons », dans Jacques-Guy Petit (dir.), La prison, le bagne et l’histoire, Genève, Méridiens Klincksieck, 1984, p. 103-114.
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