Entre histoire et mythe : le siège de Rome par Hannibal (211 av. J.-C.)
p. 179-197
Texte intégral
Moins terrorisée par le spectre du « formalisme », la critique historique eût été peut-être moins stérile ; elle eût compris que l’étude spécifique des formes ne contredit en rien aux principes nécessaires de la totalité et de l’Histoire. Bien au contraire : plus un système est spécifiquement défini dans ses formes, et plus il est docile à la critique historique1.
1Dans cette citation, Roland Barthes invite l’historien à se tourner vers la sémiologie qu’il définit lui-même comme une « science des formes, puisqu’elle étudie des significations indépendamment de leur contenu2 ». Il s’adressait alors à la critique historique des années 1950, marquée par l’essor de l’histoire économique et l’élaboration des méthodes d’histoire quantitative dont l’objectif est de chiffrer l’histoire, ou au moins d’offrir des ordres de grandeur réalistes avec lesquels travailler3. À notre tour, nous souhaitons répondre à cet appel et relever le défi que Roland Barthes a en quelque sorte lancé à la communauté des historiens en intégrant les méthodes de la sémiologie à notre réflexion sur l’histoire de la deuxième guerre punique. L’objet de notre recherche porte sur la mythologie, qui a la particularité de faire partie à la fois de la sémiologie comme science formelle et de l’idéologie comme science historique, puisque, pour reprendre la formule de Roland Barthes, « elle étudie des idées-en-forme4 ». Nous tenterons ainsi d’analyser les processus de mythification à l’œuvre dans un épisode fameux de la deuxième guerre punique, le conflit qui opposa Rome à Carthage de 218 à 202 avant notre ère, à savoir la marche sur Rome d’Hannibal en 211 av. J.-C. Notre « expérimentation historique », si on peut l’appeler ainsi, a pour fondement la définition que Roland Barthes a donnée du mythe comme parole, et « puisque le mythe est une parole, nous dit-il, tout peut être mythe, qui est justiciable d’un discours5 ». Roland Barthes insiste sur le fait que « le mythe est un système de communication, c’est un message. On voit par là, poursuit-il, que le mythe ne saurait être un objet, un concept, ou une idée ; c’est un mode de signification, c’est une forme6 » avec ses limites historiques et ses conditions d’emploi. Ainsi, « le mythe ne se définit pas par l’objet de son message mais par la façon dont il le profère : il y a des limites formelles au mythe, il n’y en a pas de substantielles7 ». C’est à partir de ces principes fondateurs que nous avons choisi d’enquêter sur l’existence d’une forme relevant du mythe dans un événement structurant de la mémoire collective romaine : la présence d’Hannibal devant les murs de Rome.
2Quelques mots sur le contexte historique. Les événements de l’année 211 av. J.-C. marquent, aux yeux de l’historien Ettore Pais8, la crise d’une guerre qui se déroule, de manière concomitante, dans la péninsule Italienne, en Sardaigne, en Sicile, sur la côte de l’Illyrie, en Grèce et dans la lointaine Espagne. Tandis qu’Hannibal s’était rendu maître de Tarente – hormis la citadelle où résistait la garnison romaine – au cours de l’hiver 213-212, le général romain Marcellus put s’emparer des abords extérieurs de Syracuse au printemps 212, avant que la cité, abandonnée par Carthage, ne tombe l’année suivante. En Grèce, le roi Philippe V de Macédoine, qui avait conclu un traité d’alliance avec Hannibal en 215, n’était pas resté inactif : il était parvenu à confiner les Romains sur la côte d’Illyrie et avait même repris l’importante position de Lissos. Pour éviter une éventuelle jonction de Philippe avec la flotte carthaginoise, à l’automne 212, le propréteur Laevinus avait conclu une alliance avec les Étoliens qui devaient entrer immédiatement en guerre contre Philippe. En Espagne, au début de l’année 211, Publius et Cnaeus Cornelius Scipion, le père et l’oncle du futur Africain, avaient été écrasés et tués et la destruction des forces romaines d’Espagne apportait à Hasdrubal l’occasion de conduire une expédition vers l’Italie9.
3 Le contexte général de doute et d’inquiétude de ces années 212-211 a-t-il pesé dans la réception de l’événement historique en contribuant à le mythifier ? C’est ce que nous tenterons d’élucider en nous interrogeant sur les traces, dans l’imaginaire collectif de la société romaine, de la présence d’Hannibal ad portas. En 211 av. J.-C., lorsqu’Hannibal marcha sur Rome, les échecs et les succès alternaient dans un camp comme dans l’autre, et l’issue de la guerre était très incertaine. Rome s’était très tôt efforcée de reprendre la Campanie, tombée aux mains des Carthaginois ; en l’absence d’Hannibal, occupé en Grande-Grèce, les Romains entreprirent le siège de Capoue, et en 211, le blocus de la cité était presque complet. Venu à l’aide de ses alliés, Hannibal échoua à forcer les lignes d’investissement. C’est alors, dans l’espoir d’obliger les forces romaines à le suivre, et à relâcher leur étreinte autour de Capoue, qu’Hannibal se dirigea vers Rome. La marche sur Rome d’Hannibal nous est connue à travers les récits de l’historien grec du iie siècle av. J.-C., Polybe, de Tite-Live, historien latin de l’époque augustéenne, et d’Appien, un historien de langue grecque du iie siècle ap. J.-C., pour ne citer que les principales sources historiques à notre disposition. Cet épisode se subdivise lui-même en plusieurs séquences. La première se déroule devant Capoue assiégée par les proconsuls Ap. Claudius et Q. Fulvius, quand les attaques d’Hannibal sont victorieusement repoussées par les Romains10. La deuxième séquence s’ouvre par des considérations sur l’état du rapport de force et se clôt par la décision d’Hannibal de marcher sur Rome11. On peut inclure dans cette séquence les mesures prises par Hannibal pour avertir les Capouans de son plan et les préparatifs du départ12. La troisième séquence concerne l’itinéraire suivi par Hannibal de Capoue à Rome. À ce propos, deux versions nous ont été transmises : dans l’une, Hannibal passe par le Samnium – c’est la version de Polybe et celle de Coelius Antipater d’après Tite-Live13 ; dans l’autre, Hannibal emprunte la Voie latine – version qui a la préférence de Tite-Live14. La quatrième séquence décrit la scène d’Hannibal ad portas, c’est-à-dire les réactions à l’intérieur de la cité et les événements se déroulant devant les murs de Rome15. La cinquième et dernière séquence comprend le renoncement d’Hannibal et sa marche de retraite16. Nous centrerons notre analyse sur les seuls textes historiques de Polybe, de Tite-Live, et d’Appien, ainsi que sur les deux dernières séquences, à savoir la présence d’Hannibal devant les murs de Rome et son départ précipité. Après avoir déterminé la portée de cet événement historique dans l’imaginaire et la mémoire collective et l’avoir confrontée avec la recherche historique menée depuis le début du xixe siècle, nous tenterons de lire cet épisode d’Hannibal devant les murs de Rome, ad portas, avec les outils de la sémiologie présentés par Roland Barthes dans ses Mythologies.
La réception de l’épisode « Hannibal ad portas – Hannibal devant les murs de Rome » dans les sources littéraires
Importance quantitative de l’épisode
4La première constatation à propos d’un événement historique comme la marche sur Rome d’Hannibal en 211 av. J.-C. est le nombre remarquable de mentions de cet épisode dans les sources littéraires. En effet, il y est fait référence tout au long de l’Antiquité romaine, depuis la première moitié du iie siècle av. J.-C., dans l’épopée historique des Annales d’Ennius, jusqu’au ve siècle ap. J.-C.
5Par ailleurs, les œuvres dans lesquelles on trouve pareilles mentions appartiennent à des genres extrêmement divers : il s’agit non seulement d’ouvrages historiques17, mais aussi d’épopées, d’une biographie, de traités techniques18, d’ouvrages satirique et apologétiques19. La permanence des références qui sont faites dans les sources à la marche sur Rome d’Hannibal en 211 av. J.-C. semble témoigner de l’importance de cet événement historique dans l’imaginaire collectif du peuple romain.
6Cette hypothèse paraît confirmée sur le plan narratif. En effet, dans les récits les plus complets de la deuxième guerre punique qui nous soient parvenus20, la marche sur Rome constitue un épisode clé du conflit.
Mise en valeur de l’épisode par la structure du récit
7Cette importance s’observe dans la composition de l’ouvrage ou des différents livres relatant la deuxième guerre punique. Pour ne parler que des ouvrages relevant du genre historique, une telle structure narrative, mettant en exergue la présence d’Hannibal devant les murs de Rome, apparaît de manière incontestable chez Tite-Live, où il représente un tournant à partir duquel s’opère le redressement romain21.
8La marche sur Rome d’Hannibal marque également un tournant chez Appien. Dans le Livre d’Annibal (43, 183), après l’échec de son entreprise, Hannibal passe en Lucanie selon Appien, où il abandonne son ordinaire frugalité pour vivre dans le luxe et prendre une maîtresse. Ce changement de caractère et de mœurs lui est fatal puisque, « aussitôt, insensiblement, tout évolua défavorablement pour lui22 ».
9Cette représentation de la marche sur Rome d’Hannibal comme un événement marquant le redressement de Rome, telle qu’elle apparaît chez Tite-Live et Appien, pourrait peut-être dériver des premiers annalistes romains23. Si cette hypothèse est avérée, cette conception de la présence d’Hannibal devant les murs de Rome comme un tournant de la deuxième guerre punique pourrait remonter aux premiers récits de la guerre d’Hannibal.
Un récit hautement significatif
10Chez Polybe, l’importance accordée à l’épisode apparaît de manière différente, non pas dans l’économie de l’ouvrage, comme dans la tradition annalistique romaine, mais dans la leçon morale qu’il en tire. À la fin de la narration, Polybe expose des considérations générales sur la valeur d’Hannibal et celle des Romains, qu’il compare à de grands chefs grecs, Épaminondas et Pélopidas, et apporte une leçon de morale à ses lecteurs : « Je dis cela moins pour louer les Romains ou les Carthaginois – j’ai déjà souvent signalé leurs mérites avec admiration – qu’à l’intention des dirigeants de ces deux pays et à l’intention de ceux qui, dans un pays quelconque, auront en main les affaires publiques ; je souhaite en effet que le souvenir de certains faits et le spectacle d’autres leur inspirent de l’émulation pour des actions qui, paraissant avoir un côté extraordinaire et dangereux, comportent au contraire une audace qui est la sécurité même, une conception qui mérite l’admiration, un choix qui est à jamais mémorable et glorieux, qu’elles aient réussi ou échoué, indifféremment, dès lors qu’il s’agit d’actions construites avec intelligence24. » L’amplification et le style élogieux de l’extrait, déjà soulignés par les commentateurs25, témoignent selon nous de l’importance que Polybe accorde à cet épisode pour son exemplarité.
11Le récit d’Appien (Hann., 38-42) présente une image très valorisante de Rome. Chez Appien, en effet, la position de la Ville est périlleuse : Appien est le seul auteur à indiquer que la cité de Rome était en proie à la famine (Hann., 38, 163) ; surtout, il insiste sur le fait que les Romains ne disposaient pas sur place de moyens suffisants pour faire face à « une armée ennemie si nombreuse et un général que sa valeur et son heureuse fortune rendaient invincible26 ». Par contraste, cette situation militaire critique met en valeur la mobilisation générale des habitants de Rome pour défendre leur patrie (Hann., 39, 166) : tandis que ceux qui peuvent porter les armes gardent les portes, les vieillards, les femmes et les enfants prennent également part à la défense de la Ville27.
12Dans les récits de Polybe ou d’Appien, l’épisode de la marche sur Rome d’Hannibal prend une signification particulière, liée au projet littéraire de chacun et à leur interprétation différente de l’histoire. Il apparaît ainsi que chaque auteur investit l’épisode de la présence d’Hannibal devant Rome de valeurs spécifiques à sa culture et à son temps, qu’il s’agira d’analyser avec l’aide de la méthode et des outils de la sémiologie. Il nous suffit pour l’instant de remarquer que l’événement de la marche sur Rome d’Hannibal se prête particulièrement à l’investissement de sens et de noter l’importance de cet épisode historique dans l’imaginaire collectif des Romains que ce « détournement » révèle.
13L’importance accordée par les auteurs de l’Antiquité à la marche sur Rome d’Hannibal, telle qu’elle apparaît à la lecture de ces sources littéraires, semble en totale contradiction avec la faible portée de cet événement sur le plan militaire et historique. Telle est en tout cas la conclusion qui se dégage des analyses auxquelles ont procédé les historiens. Afin de cerner au plus près la valeur stratégique de l’entreprise d’Hannibal et sa réelle gravité pour la ville de Rome, nous nous proposons de présenter un bilan des différents travaux majeurs de l’historiographie de la deuxième guerre punique.
L’importance des faits sur le plan historique : aperçu historiographique
Les historiens militaires
14Les historiens militaires, Frédéric Guillaume de Vaudoncourt28, le lieutenant-colonel Macdougall29 et le capitaine Bruno Renard s’accordent pour reconnaître qu’Hannibal n’avait aucune chance de succès en attaquant Rome. Pour le lieutenant-colonel Macdougall, « Rome était trop fortement défendue30 » et le capitaine Renard31 qualifie la marche sur Rome d’Hannibal en 211 av. J.-C. de « coup de main » que le Sénat et le peuple méprisèrent.
Les historiens du xixe siècle
15Outre l’accord sur le fait qu’Hannibal n’avait pas les moyens militaires d’attaquer Rome, la tradition historiographique du xixe siècle est marquée par une lecture très critique des sources de la marche contre Rome d’Hannibal en 211, dans la tradition de la Quellenforschung.
16Hermann Hesselbarth32 procède à une critique scrupuleuse de diverses sources relatant la marche sur Rome d’Hannibal. L’historien allemand accorde le plus de crédit au témoignage de Polybe (IX, 3 et suiv.). Quant à l’exposé d’Appien, Hesselbarth le juge très fidèle en comparaison de la narration de Tite-Live (XXVI, 8-11), qu’il qualifie de « tissu de mensonges ». Conformément aux tendances historiographiques de l’époque, Hesselbarth tente de distinguer les faits, qui lui paraissent relever de la réalité historique, du rebut constitué par toutes sortes de déformations, d’inventions et de falsifications.
17Avec la même démarche, Herman Haupt33 procède à une analyse serrée des sources de Tite-Live, en s’appuyant, en dehors de Polybe, sur la comparaison du récit de Coelius Antipater, qu’Appien nous fait connaître. Dans tout le récit de Coelius sur la marche d’Hannibal contre Rome, conclut Haupt, « nous voyons cet écrivain frivole jouer avec des données imaginaires » et, quand la confrontation de Coelius Antipater avec Polybe devient impossible, alors « des mythes prennent pour nous le nom d’histoire ». Ce sont ces « mythes » que, pour notre part, nous tenterons d’analyser en troisième partie.
18Pour Theodor Mommsen34 et Victor Duruy35, en réalité, Rome ne courut alors aucun danger. Selon eux, faire lever le siège de Capoue et libérer la cité campanienne fut le principal objectif d’Hannibal. Hannibal n’avait jamais pensé prendre Rome par surprise et encore moins à en faire le siège. C’est pour cela qu’après s’être attardé, il repartit peu après. Les Romains virent dans son action de rebrousser chemin un miracle de la bienveillance divine qui à travers des signes et des visions avait décidé le mauvais homme à se retirer. En fait, conclut Mommsen, Hannibal se retira parce que tel était son plan et se dirigea en direction de Capoue.
Les historiens du xxe siècle
19Au xxe siècle, à côté des aspects proprement militaires, d’autres questionnements apparaissent, portant sur des aspects particuliers de l’épisode : la route suivie par Hannibal, question traitée dans un brillant article d’André Piganiol36 et reprise par E. T. Salmon37 puis E. W. Davis38 ; le problème de la tradition, qu’il soit traité chez un auteur en particulier, en l’occurrence Tite-Live, par Heinz Sack39 ou dans la perspective d’une étude littéraire sur le thème d’Hannibal ad portas par Léon Halkin40 ; le saccage du sanctuaire de Feroniae, étudié par Giovanni Brizzi41.
20Selon Gaetano De Sanctis42, Ettore Pais43 et Stéphane Gsell44, mis en échec devant Capoue, Hannibal marcha sur Rome mais il ne représentait pas une menace pour la ville, qui était abondamment pourvue de moyens de défense, qu’ils soient matériels ou humains.
21Un grand spécialiste allemand d’Hannibal, Jakob Seibert45, s’intéresse à la reconstruction dramatique des événements par l’historiographie romaine. Les historiographes romains avaient du mal à concevoir, selon lui, que l’attaque de Rome ne puisse pas être le but principal d’Hannibal. C’est pourquoi ils durent trouver des raisons à son départ précipité et firent les plus étranges suppositions, qui flattaient toutes leur amour-propre46.
22L’exposé de Serge Lancel dans sa biographie d’Hannibal47 confronte les deux sources majeures que nous avons à disposition : celle de Polybe et celle de Tite-Live. La comparaison fait bien ressortir la confusion qui règne sur la nature des forces opposées à Hannibal, le déroulement exact des combats devant les murs et les raisons du retrait d’Hannibal. Pour Serge Lancel, la marche sur Rome relève de la manœuvre de diversion et, peut-être, de l’accomplissement d’un rêve. Il juge cependant certain qu’en se dirigeant vers Rome, Hannibal n’avait pas l’intention d’assiéger la cité mais bien de faire lever le siège de Capoue.
23Pour Yann Le Bohec48, spécialiste d’histoire militaire, l’objectif d’Hannibal, en marchant sur Rome, fut de détourner les légions romaines de Capoue et d’après John Francis Lazenby49, également spécialiste d’histoire militaire, selon toute probabilité, Hannibal n’avait jamais eu l’intention de prendre Rome. Lazenby juge en outre la version de Tite-Live très douteuse.
24Enfin, récemment, Dexter Hoyos50 mentionne, comme la plupart de ses prédécesseurs, que le but de la marche sur Rome, était d’éloigner les forces romaines de Capoue, afin de rendre impossible la poursuite du siège et, aux dires de Polybe, de provoquer une panique chez les habitants de Rome par son mouvement inattendu, mais que la manœuvre échoua complètement.
25Ainsi, comme ce bilan historiographique l’a montré, les historiens s’accordent à reconnaître qu’Hannibal n’avait pas eu les moyens humains et militaires ni même l’ambition, semble-t-il, de prendre Rome. L’écart avec la réception de l’événement historique dans l’imaginaire collectif est considérable. Quittant les recherches sur les aspects militaires ou stratégiques de l’épisode, nous tenterons de comprendre le sens conféré par les Anciens à cet événement historique en lisant les récits de ceux-ci avec le regard du sémiologue.
Les éléments de mythification à l’œuvre dans l’épisode de la marche sur Rome d’Hannibal
« Le mythe comme système sémiologique » : essai de terminologie
26Pour analyser l’épisode de la marche sur Rome d’Hannibal sous l’angle de la sémiologie, nous reprenons les outils conceptuels exposés par Roland Barthes à la fin de son ouvrage Mythologies51, où il présente un essai consacré à la terminologie et à la clarification de concepts propres à la sémiologie.
27La sémiologie postule un rapport entre deux termes, un signifiant et un signifié. Ce rapport n’est pas une égalité mais une équivalence car il porte sur des objets d’ordre différent. Dans tout système sémiologique, nous avons affaire non pas à deux, mais à trois termes différents. Ce que nous saisissons n’est nullement un terme, l’un après l’autre, mais la corrélation qui les unit : il y a donc le signifiant, le signifié et le signe, qui est le total associatif des deux premiers termes52.
28Bien qu’il y ait entre le signifiant, le signifié et le signe des implications fonctionnelles si étroites que l’analyse peut en paraître vaine, cette distinction a une importance capitale pour l’étude du mythe comme schème sémiologique. « On retrouve dans le mythe, dit Roland Barthes, ce schéma tridimensionnel : le signifiant, le signifié et le signe. Mais le mythe est un système particulier en ceci qu’il s’édifie à partir d’une chaîne sémiologique qui existe avant lui : c’est un système sémiologique second53. »
29Pour distinguer ces deux niveaux sémiologiques, la langue et le mythe, Roland Barthes emploie une terminologie que nous reprenons entièrement54. Le signifiant peut être envisagé, dans le mythe, de deux points de vue : sur le plan de la langue, c’est-à-dire comme terme final du système linguistique, Roland Barthes appelle le signifiant « sens » ; sur le plan du mythe, c’est-à-dire comme terme initial du système mythique, il l’appelle « forme ». Pour le signifié, Roland Barthes lui laisse le nom de « concept ». Quant-au signe, corrélation des deux premiers, Roland Barthes l’appelle « signe » dans le système de la langue et « signification » dans le mythe55 (fig. 1).
Telle est la terminologie de Roland Barthes qui nous sert à analyser deux récits historiques de la marche sur Rome d’Hannibal : celui de l’historien grec du iie siècle av. J.-C., Polybe, et celui de l’historien latin de l’époque augustéenne, Tite-Live.
L’analyse du récit de Polybe
30Pour Polybe (IX, 4, 7-8), l’opération d’Hannibal vise principalement à libérer Capoue. À Rome également, c’est la cité campanienne qui concentre l’attention des esprits. Après avoir signalé qu’Hannibal chargea un messager d’informer les Capouans de son plan pour éviter que, le voyant partir, ils ne se rendent aux Romains – comme le rapporte également Tite-Live (XXVI, 7, 6-8) –, Polybe (IX, 5, 4) souligne qu’à Rome, où l’on avait reçu les nouvelles de Capoue disant qu’Hannibal campait sur place et bloquait les forces romaines, la tension d’esprit et l’angoisse étaient générales, car on considérait que l’épreuve ainsi engagée allait vers une issue décisive. Quand Hannibal parvint sans donner l’éveil à franchir l’Anio et à s’approcher pour prendre position à quarante stades de Rome, Polybe (IX, 5, 9) nous dit à nouveau que les esprits, à Rome, restaient encore absorbés par Capoue et ce qui s’y passait. Qu’il s’agisse du plan d’Hannibal ou du sujet de préoccupation des Romains, on ne saurait donc dire, comme l’affirme E. W. Davis56, que la structure de base de la narration de Polybe est centrée sur la prise de Rome. Au contraire, elle nous paraît tout autant reposer sur des considérations stratégiques visant Capoue que celle de Tite-Live. En fait, la lecture erronée ou biaisée du texte de Polybe par Davis repose, selon nous, sur une confusion entre deux niveaux sémiologiques distincts, celui de la langue et celui du mythe, comme les qualifie Roland Barthes.
31Concernant les causes du départ de Rome d’Hannibal, Polybe indique qu’il calculait les jours où il espérait, selon son idée initiale, que les proconsuls, informés du risque couru par la ville, lèveraient le siège pour venir au secours de Rome avec toutes leurs forces ou laisserait quelques troupes là-bas pour se hâter d’intervenir avec le gros ; et tenant l’une ou l’autre de ces éventualités, il fit partir ses troupes du camp à l’approche du jour57. Cette motivation apparaît comme la principale, τὸ δὲ μέγιστον, écrit Polybe (IX, 7, 2). Il s’en ajoute une seconde que Polybe présente d’ailleurs en premier : Hannibal a amassé une grande quantité de butin et en même temps renoncé à ses espoirs concernant la ville58. Cette intention avait déjà été avancée lors de l’élaboration du plan d’Hannibal : il avait compté sur l’effet de surprise pour obtenir un résultat contre Rome, en déclenchant, par sa présence inattendue devant les portes de la cité, une panique fatale chez les habitants59. Ce projet est cependant empreint d’incertitude (l’adverbe ἴσως [Pol., IX, 4, 7] qui signifie « peut-être ») et même le résultat recherché par Hannibal est vague (ἀνύσασθαί τι τῶν χρησίμων [Pol., IX, 4, 7], c’est-à-dire littéralement « accomplir quelque chose parmi les choses utiles »). Polybe devient cependant beaucoup plus explicite au cours de sa narration des événements qui se déroulent devant les murs de Rome, quand il affirme qu’au début, les Carthaginois ne désespéraient pas absolument de prendre d’assaut Rome60. Il faut insister sur la formulation de la phrase de Polybe qui me paraît significative d’une lecture sous-jacente, en négatif, de l’événement historique. Pour reprendre la terminologie de Roland Barthes, il y aurait ainsi un premier niveau sémiologique : la marche d’Hannibal sur Rome aurait pour objectif d’éloigner, en totalité ou en partie, les armées romaines de Capoue et de libérer la cité assiégée. Dans ce premier niveau sémiologique, Capoue serait l’enjeu de la guerre, aussi bien dans le plan d’Hannibal que du côté des Romains. Mais ce premier niveau sémiologique semble inséré dans un second système, de niveau supérieur, où Rome et non plus Capoue serait désormais l’enjeu de la guerre : dans ce second niveau sémiologique, la marche sur Rome d’Hannibal est présentée comme la quête d’un espoir61. Ce second système ne fait pas disparaître le niveau élémentaire, mais l’instrumentalise, le déforme. Il lui est supérieur car Polybe présente toujours l’opération menée contre Rome comme le premier objectif d’Hannibal, qu’il s’agisse de son plan62 ou des causes de son départ63.
32Après avoir distingué les deux niveaux sémiologiques constitutifs du schéma mythique, il importe de distinguer le concept par lequel l’histoire est implantée dans le mythe. Pour Polybe, c’est une coïncidence extraordinaire et fortuite qui sauva Rome64 : alors qu’Hannibal, qui venait juste d’installer son camp, envisageait une tentative contre la cité pour le lendemain, les consuls avaient achevé le recrutement d’une légion et fait prêter par ces soldats le serment de se présenter en armes ce jour-là, et procédaient alors au recrutement et à la sélection d’une seconde légion65, de sorte que, ajoute Polybe, un effectif important fut rassemblé par hasard au bon moment à Rome66. La « fortune » (τυχή, Polybe emploie un terme de la même famille, τυχικός [Polybe, IX, 6, 5]) fait ainsi fonction de concept mythique, pour reprendre la terminologie de Roland Barthes, de clef de lecture permettant de déchiffrer le mythe. Cette notion s’accorde parfaitement avec les caractéristiques du concept mythique qu’énonce Barthes, à savoir qu’il s’agit d’une sorte de nébuleuse, la condensation plus ou moins floue d’un savoir dont le mode de présence est mémoriel67. Les historiens ont souligné combien semblait douteuse la présentation de Polybe, selon laquelle les Carthaginois auraient renoncé à prendre d’assaut Rome quand ils virent l’armée adverse en bataille et qu’un prisonnier leur apprit ce qu’il s’était passé. Les faits apparaissent cependant sous un autre aspect si l’on lit le récit de Polybe avec le regard du sémiologue. La fortune y est le concept qui transforme l’histoire en mythe. Nous trouvons une confirmation dans la conclusion que Polybe lui-même tire de l’événement. Roland Barthes affirme que le concept mythique se répète en des formes différentes, une répétition précieuse pour le mythologue car c’est justement elle qui permet de déchiffrer le mythe : « C’est l’insistance d’une conduite qui livre son intention68. » Or, la comparaison que Polybe établit en conclusion de son récit entre la conduite d’Épaminondas de Thèbes et celle d’Hannibal repose sur la fortune (τυχή), puisqu’il s’accorde avec les autres historiens pour reconnaître qu’Épaminondas a agi en bon chef mais que, s’il a surpassé ses adversaires, il a été surpassé par la fortune69. Aussi peut-on tenir la fortune chez Polybe pour le concept mythique (fig. 2).
L’analyse du récit de Tite-Live
33La présentation du plan d’Hannibal par Tite-Live s’accorde avec la version de Polybe. On observe ainsi, comme chez ce dernier, l’existence de deux niveaux sémiologiques. Au premier niveau, le plan d’Hannibal est de marcher sur Rome pour amener les généraux romains à abandonner le siège de Capoue et venir au secours de la cité, comme l’indique le contenu de la lettre qu’il envoie aux Capouans. Au second niveau sémiologique, Rome devient un objectif toujours convoité, Hannibal ne désespérant pas de pouvoir occuper une partie de la ville grâce à la panique que causerait son apparition soudaine et imprévue70. Ce second niveau sémiologique relève du système mythique, comme le laisse apparaître l’ensemble du texte livien.
34L’objectif de faire lever le siège de Capoue en marchant sur Rome, pourtant exprimé dans la description du plan d’Hannibal, disparaît au cours de la narration. Contrairement à E. W. Davis71, l’enjeu de la marche d’Hannibal chez Tite-Live nous paraît clairement centré sur Rome72. C’est durant la marche d’Hannibal et celle de Fulvius vers Rome que s’opère le glissement de l’enjeu de l’action de Capoue à Rome. Autrement dit, le ralentissement de l’action lors de la marche d’Hannibal au chapitre 9 n’a pas seulement pour fonction narrative de laisser un temps suffisant à Fulvius Flaccus pour venir à Rome, mais aussi de déplacer l’enjeu de Capoue à Rome. En effet, lors du trajet de Fulvius, Tite-Live mentionne l’état d’esprit des soldats, qui étaient « pleins d’ardeur, et s’exhortaient les uns les autres à hâter l’allure, n’oubliant pas qu’ils marchaient pour défendre leur patrie73 ». Dans la même séquence, les mères prient les dieux « d’arracher la ville de Rome aux mains des ennemis et de garder sans souillure les mères romaines et leurs jeunes enfants74 ». Ces indications incitent à considérer que l’enjeu de la marche d’Hannibal est l’occupation de Rome et non la libération de Capoue. C’est à ce basculement du sens du récit que participent, selon nous, les effets dramatiques de la narration75. Celui-ci devient total et manifeste dans la scène finale : les armées avaient alors été rangées en ligne devant les murs « pour courir le risque, nous dit Tite-Live, d’une bataille dans laquelle le prix du vainqueur devait être la ville de Rome76 ». L’averse de pluie et de grêle qui se déverse à deux reprises sur les armées rangées en ligne (Tite-Live, XXVI, 11, 2-4) est le signe de la défense de Rome par Jupiter. Le discours de Fabius Maximus au Sénat (Tite-Live, XXVI, 8, 5) l’explique, de même que la réaction des Carthaginois qui attribuent à ce phénomène météorologique, d’après Tite-Live, une signification religieuse (Tite-Live, XXVI, 11, 4). Nous sommes ici en présence du concept mythique : la protection divine de Rome. Le concept mythifie le récit en établissant l’histoire dans le mythe : le renoncement d’Hannibal, qui relève de l’histoire, n’est pas considéré comme un plan calculé, visant à se porter au plus vite à Capoue pour libérer la cité campanienne, mais comme la conséquence de la défense de Rome par Jupiter. Cette protection divine de la Ville permet également de comprendre les paroles attribuées à Hannibal, déclarant que « lui était refusée tantôt l’intention, tantôt l’occasion de prendre Rome77 ». L’intention fait référence au précédent, quand Hannibal refusa de suivre les exhortations de Maharbal de marcher sur Rome, épisode rappelé également par Fabius Maximus dans son discours au Sénat (Tite-Live, XXVI, 8, 4). Quant-à l’occasion, elle concerne l’épisode de 211. Dans les deux cas, c’est la divinité qui provoque l’échec d’Hannibal, en lui refusant soit l’intention, soit l’occasion de prendre Rome (fig. 3).
Rome dans l’imaginaire collectif et la mémoire des Romains
35Les historiens modernes ont eu tendance à affirmer que, dans ce passage, le récit de Tite-Live avait pour source principale un annaliste romain, sans doute Valerius Antias. Sans réfuter ce point, nous voudrions insister sur le fait que la présentation des faits par Tite-Live et les procédés de mythification qu’elle comporte nous paraissent témoigner d’une conception fondamentale et bien plus profonde de l’histoire, et de la marche sur Rome d’Hannibal en 211. En effet, le terme employé par Tite-Live pour désigner l’occasion refusée à Hannibal de prendre Rome est celui de fortuna (Tite-Live, XXVI, 11, 4). Or c’est la même notion qu’emploie Polybe avec le terme grec τυχή pour expliquer la cause profonde du renoncement d’Hannibal. Cette concordance nous paraît révélatrice d’une certaine communauté de vue entre ces deux auteurs, appartenant pourtant à des milieux culturels différents : la croyance ancrée et profonde dans la protection divine et la destinée sacrée de Rome. Cette interprétation de la marche sur Rome d’Hannibal de 211 pourrait remonter aux origines même de l’événement historique, parce que le poète Ennius, qui constitue notre source la plus ancienne sur le sujet, chantait déjà les Lares mettant en fuite Hannibal du lieu de Rome78. Il est très probable, selon nous, que les Anciens eux-mêmes aient tenu le départ de Rome d’Hannibal pour un signe de la protection divine de la cité, et cela dès l’origine de l’événement historique. Les auteurs auraient ensuite traduit dans leur œuvre le caractère mythique de l’épisode, par exemple comme Tite-Live – et peut-être Valerius Antias –, en faisant intervenir la tempête comme manifestation de l’intervention divine. Ainsi le premier signe, celui du système linguistique, est-il utilisé consciemment par Polybe et Tite-Live comme signifiant d’un autre système, celui du mythe. Autrement dit, on assiste à un déplacement du signe qui devient nouveau signifiant sous l’effet d’un acte volontaire, déplacement qui aboutit à un véritable renversement : l’important est justement ce qui est peu important, la marche sur Rome d’Hannibal comme stratégie de diversion pour libérer Capoue, c’est-à-dire le signe sur le plan linguistique, qui est présenté de manière consciente et volontaire par Polybe et Tite-Live comme le signifiant du système mythique. Ces auteurs savaient que l’opération d’Hannibal était faible sur le plan militaire et la menace nulle. Mais, volontairement, ils l’ont en quelque sorte « caché » et semblent l’avoir oublié. Ce n’est donc pas le fait qu’un signe devienne un signifiant dans un second système qui est remarquable, car cela reste somme toute banal – la métaphore fonctionnant sur un principe identique –, mais l’aspect conscient et volontaire de la mythification. Le mythe est donc à la fois présent et caché, il voile et déforme, mais il n’a rien d’inconscient.
En conclusion, la marche sur Rome d’Hannibal reste un épisode obscur de l’histoire de la deuxième guerre punique : les deux sources principales, Polybe et Tite-Live, se contredisent partiellement et les narrations qui nous ont été transmises par les Anciens sont constituées de toutes sortes de déformations, d’inventions et de falsifications. Pourtant, si ces récits s’écartent de la réalité historique, ils constituent la matière d’une analyse sémiologique de l’histoire de la marche sur Rome d’Hannibal. Car cet événement, en dépit de sa faible portée militaire et stratégique, a profondément marqué l’imaginaire collectif et la mémoire des Romains. En témoignent les nombreuses références à la présence d’Hannibal ad portas dans la littérature gréco-romaine. La méthode et les concepts de la sémiologie nous ont permis de déterminer la nature des représentations collectives attachées à cet épisode. À la question « les historiens croient-ils à leurs mythes ? », il nous est possible de répondre par l’affirmative : les Romains ont sans doute cru profondément à la protection divine de Rome, et au fait qu’un signe de la bienveillance divine ait décidé Hannibal à se retirer. Il est probable que le contexte général de doute et d’incertitude des années 212-211 a contribué à la mythification d’un événement – la présence d’Hannibal devant les murs de Rome – qui semblait déjà en soi une chose inouïe et terrible.
Notes de bas de page
1 R. Barthes, Mythologies, Paris, Seuil (Points essais), 1970 [1957], p. 184.
2 Ibid.
3 Voir C. Delacroix, F. Dosse, P. Garcia, Les Courants historiques en France, xixe-xxe siècle, 2e éd. rev. et augm., Paris, Armand Colin, 2005, p. 178-185.
4 R. Barthes, Mythologies, op. cit., p. 185.
5 R. Barthes, Mythologies, op. cit., p. 181.
6 Ibid.
7 Ibid.
8 E. Pais, Storia di Roma durante le guerre puniche, Rome, Casa Editrice « Optima » (Biblioteca di filosofia e scienza, 9), 1927, vol. 2, p. 86.
9 A. Piganiol, La Conquête romaine, Paris, Puf, 1967, p. 266 ; H. H. Scullard, Roman Politics. 220-150 BC, Oxford, Clarendon Press, 1951, p. 56-74, ici p. 63-64 pour un aperçu de la politique intérieure de Rome durant ces années ; G. Brizzi, « La deuxième guerre punique », dans F. Hinard (dir.), Histoire romaine, t. 1, Des origines à Auguste, Paris, Librairie Arthème Fayard, 2000, p. 425-431 ; C. Nicolet, « Les guerres puniques », dans Id. (dir.), Rome et la conquête du monde méditerrenéen, t. 2, Genèse d’un empire, Paris, Puf (Nouvelle Clio), 1991, p. 620-621.
10 Polybe, IX, 3 ; Tite-Live, XXVI, 5-6 ; Appien, Hann., 38, 162. Les éditions utilisées dans cet article sont les suivantes : Polybe, Histoires, Livre IX, texte établi et traduit par Raymond Weil, Paris, Les Belles Lettres (CUF), 1982 ; Appien, Histoire romaine, tome III, Livre VII : Le Livre d’Annibal, texte établi et traduit par Danièle Gaillard, Paris, Les Belles Lettres (CUF), 2002 ; Tite-Live, Histoire romaine, tome XVI, Livre XXVI, texte établi et traduit par Paul Jal, Paris, Les Belles Lettres (CUF), 1991.
11 Polybe, IX, 4 ; Tite-Live, XXVI, 7, 1-5 ; Appien, Hann., 38, 163.
12 Polybe, IX, 5, 1-6 ; Tite-Live, XXVI, 7, 6-10.
13 Polybe, IX, 5, 7-9 ; Tite-Live, XXVI, 11, 10-11.
14 Tite-Live, XXVI, 9, 1-3 ; 9, 11-12.
15 Polybe, IX, 6 ; Tite-Live, XXVI, 9, 6-10 ; 10 ; Appien, Hann., 39, 165-40, 172.
16 Polybe, IX, 7 ; Tite-Live, XXVI, 11, 1-9 ; Appien, Hann., 40, 173-43, 183.
17 Parmi les œuvres historiques, il est fait mention de la marche sur Rome d’Hannibal dans l’Histoire romaine de Tite-Live (XXVI, 7-11), les Histoires de Polybe (IX, 4-9), celles de Coelius Antipater (35 Chassignet [= Tite-Live, XXVI, 11, 8-11]), le Livre d’Hannibal d’Appien (Hann., 38-42), l’abrégé de l’Histoire romaine de Dion Cassius par Zonaras (IX, 6), le Breviarium d’Eutrope (III, 14, 1) ; nous pourrions également rattacher à cette catégorie, le Tableau de Florus (I, 22 [II, 6], 43-48), bien qu’il s’agisse plus exactement, pour reprendre la définition de Paul Jal, d’un ouvrage rhétorique à sujet historique.
18 Parmi les épopées, citons les Annales d’Ennius (An. 292 Sk ; 292 [***xxi] Sk) et les Punica de Silius Italicus (XII, 540-753). Pour les biographies, Cornelius Nepos fait mention de l’épisode de la marche sur Rome dans sa biographie d’Hannibal (XIII = Hann., 5). Parmi les ouvrages techniques mentionnant même allusivement au récit de la marche sur Rome d’Hannibal, nous rangeons les recueils d’exempla, à savoir les Faits et dits remarquables du peuple romain de Valère Maxime (III, 7, 10) et les Stratagèmes de Frontin (Strat., III, 18, 1 ; III, 18, 2), l’Histoire naturelle de Pline l’Ancien (N.h., XXXIV, 32) et le traité de philosophie Des termes extrêmes des biens et des maux de Cicéron (Fin., IV, 22).
19 Il s’agit d’une part des Satires de Juvénal (VI, 291 ; VII, 161-164 ; X, 154-156) qui font plusieurs fois mention, de manière purement épisodique, de la présence d’Hannibal devant les murs de Rome ; d’autre part, des Histoires d’Orose (Hist., IV, 17, 2-11) et de la Cité de Dieu d’Augustin (Civ., III, 20).
20 L’analyse du traitement narratif de l’épisode de la marche sur Rome d’Hannibal dans les sources littéraires gréco-romaines consiste en une comparaison du traitement narratif de cet épisode particulier avec celui des autres faits rapportés par un même auteur ; cette méthode ne peut donc être appliquée qu’aux œuvres présentant un récit suivi de la deuxième guerre punique. Aussi excluons-nous de cette présente analyse les traités techniques et philosophiques et l’ouvrage satirique de Juvénal, pour ne prendre en compte que les textes relevant du genre épique, historique et biographique. En outre, il est important que ces œuvres aient été transmises jusqu’à nos jours dans un état de conservation tel que l’on puisse avoir une idée assez précise de l’économie de l’ouvrage et du traitement narratif des différents faits relatés. Aussi excluons-nous également les œuvres trop fragmentaires des premiers annalistes romains, ainsi que l’épopée d’Ennius dont la composition des différents livres est débattue. Au total, l’analyse du traitement narratif de la marche sur Rome d’Hannibal est menée sur les œuvres de Polybe, Cornelius Nepos, Tite-Live, Silius Italicus, Florus, Appien, Eutrope et Orose.
21 Pour Paul Jal (édition de Tite-Live, Histoire romaine, t. 17, Livre XXVI, Paris, Les Belles Lettres [CUF], 1991, p. XXXIV-XXXV), le récit de la marche d’Hannibal sur Rome, qui fait pendant à la marche sur l’Italie au début du livre XXI, ouvre le livre XXVI avec lequel l’auteur entend montrer le début du redressement romain qui ira s’affirmant jusqu’à la victoire finale, à la fin du livre XXX. Voir aussi E. Burck, Einführung in die dritte Dekade des Livius, 2e éd., Heidelberg, F. H. Kerle, 1962, p. 120 ; Id., Das Geschichtswerk des Titus Livius, Heidelberg, Carl Winter Universitätsverlag, 1992, p. 9.
22 Appien, Hann., 43, 183 : εὐθὺς αὐτῷ κατ’ ὀλίγον ἐτρέπετο πάντα (trad. D. Gaillard, CUF, 2002, p. 34).
23 Cette hypothèse s’appuie sur les conclusions de la Quellenforschung. En effet, le récit de la marche sur Rome de Tite-Live, relatée au livre XXVI, dériverait de Claudius Quadrigarius et Valerius Antias pour W. Soltau (W. Soltau, Livius’ Quellen in der III. Dekade, Berlin, Mayer & Müller, 1894, p. 132-134), uniquement de Valerius Antias selon Klotz (A. Klotz, Livius und seine Vorgänger, t. 2, Neue Wege zur Antike, II. 10, Leipzig/Berlin, Teubner, 1941, p. 171-179) et Walbank (F. W. Walbank, A Historical Commentary on Polybius, vol. 2, Commentary on Books VII-XVIII, Oxford, Clarendon Press, 1967, p. 123), de Coelius Antipater selon Weissenborn et Müller (W. Weissenborn, H. J. Müller, Titi Livi ab urbe condita Libri, 8e éd., Dublin/Zurich, Weidmann, 1967, t. 5, Livre XXVI, p. 28-29, no 5 et p. 30, no 10). Sur les sources de Tite-Live, voir A. Klotz, s. v. « Livius (9) », dans Paulys Realencyclopädie der classischen Altertumswissenschaft, Munich, Alfred Drückenmüller, 1972 [1926], t. 13/1, col. 841-846, et son article synthétique, « Die Quellen des Livius », dans E. Burck (éd.), Wege zu Livius, 3e éd., Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1987, p. 217-223 ; H. Bornecque, Tite-Live, Paris, Boivin & Cie, 1933, p. 68-97 ; P. G. Walsh, Livy, Cambridge, Cambridge University Press, 1961, p. 110- 132 ; T. J. Luce, Livy, Princeton, Princeton University Press, 1977, p. 139-184. Pour Appien, si Hesselbarth (H. Hesselbarth, Historische-kritische Untersuchungen zur dritten Dekade des Livius, Halle, Verlag der Buchhandlung des Waisenhauses, 1889, p. 592-607) rattache le Livre d’Annibal à la pure tradition annalistique, peut-être celle de Valerius Antias, thèse suivie par Klotz (A. Klotz, Appians Darstellung des Zweiten Punischen Kriegs, Paderborn, Verlag Ferdinand Schöningh [Studien zur Geschichte und Kultur des Altertums, 20/2], 1936, p. 112-114), pour lequel le récit d’Appien dérive de Valerius Antias par l’intermédiaire d’un historien grec contemporain d’Auguste, Timagène d’Alexandrie, De Sanctis (G. De Sanctis, Storia dei Romani, t. 3, L’età delle guerre puniche, Milan/Turin/Rome, Fratelli Bocca Editori, 1916-1917, 2 vol., p. 193-197, 365-366, 641-647) estime qu’Appien s’est reporté soit à Coelius Antipater, soit à un auteur s’en inspirant étroitement, tandis que Sack (H. Sack, Hannibals Marsch auf Rom im Jahr 211 vor Chr. : Ein Beitrag zur Quellenkritik des Livius, Francfort-sur-le-Main, Gelnhausen, Buchdruckerei F. W. Kalbfleisch, 1937, p. 12-38, ici p. 20) et Hermann (W. Hermann, Die historien des Coelius Antipater : Fragmente und Kommentar, Meisenheim, Anton Hain [Beiträge zur klassischen Philologie, 104], 1979, p. 143-149) aboutissent à la même conclusion d’une large utilisation de Coelius Antipater par Appien pour l’épisode de la marche sur Rome. Pour Hahn (I. Hahn, « Appian und Hannibal », Acta Antiqua Academiae Scientiarum Hungaricae, 20, 1972, p. 95-121), Appien a utilisé une source antérieure à Polybe, sans doute Fabius Pictor, tandis que Schmitt (T. Schmitt, Hannibals Siegeszug, Munich, Tuduv, 1991, p. 286) admet que le Livre d’Annibal est inspiré d’une tradition annalistique. Ainsi, si nous recoupons ces différentes données, il en résulte que les récits de la marche sur Rome de Tite-Live et d’Appien, directement ou par un auteur intermédiaire, dérivent de la tradition de l’annalistique romaine.
24 Polybe, IX, 9, 9-10 (trad. R. Weil, CUF, 1982, p. 134-135).
25 R. Weil, édition de Polybe, Histoires, Livres VII-VIII et IX, Paris, Les Belles Lettres (CUF), 1982, p. 23. Voir le commentaire du passage par F. W. Walbank, A Historical Commentary…, op. cit., p. 131-133, et l’étude de la méthode comparative chez Polybe par Paul Pédech, La Méthode historique de Polybe, Paris, Les Belles Lettres (Collection d’études anciennes), 1964, p. 405-431.
26 Appien, Hann., 39, 165 (trad. D. Gaillard, CUF, 2002, p. 30) : πολεμίου δὲ στρατοῦ τοσοῦδε σφίσιν ἐπιστάντος ἄφνω καὶ στρατηγοῦ δι’ ἀρετὴν καὶ εὐτυχίαν ἀμάχου.
27 Même interprétation de cette image chez Appien par Jakob Seibert, Forschungen zu Hannibal, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1993, p. 241, n. 104.
28 F. Guillaume de Vaudoncourt, Histoire des campagnes d’Annibal en Italie pendant la deuxième guerre punique, Milan, Impr. royale, 1812, t. 2, p. 218-228.
29 P. L. Macdougall, Les Campagnes d’Annibal, trad. de l’angl. par le capitaine E. Testarode, Paris, Librairie militaire, maritime et polytechnique J. Corréard, 1865, p. 223-228.
30 Ibid., p. 225-226.
31 B. Renard, Notes sur l’histoire militaire de l’Antiquité, Bruxelles, Librairie Militaire C. Muquardt, 1875, p. 212.
32 H. Hesselbarth, Historisch-kritische Untersuchungen…, op. cit., p. 503-507.
33 H. Haupt, « La marche d’Hannibal contre Rome en 211 », Mélanges Graux. Recueil de travaux d’érudition classique dédié à la mémoire de Charles Graux, Paris, E. Thorin, 1884, p. 23-34.
34 T. Mommsen, Römische Geschichte, t. 1, Bis zur Schlacht von Pydna, 8e éd., Berlin, Weidmannsche Buchhandlung, 1888, p. 642-643.
35 V. Duruy, Histoire des Romains depuis les temps les plus reculés jusqu’à l’invasion des Barbares, t. 1, Des origines à la fin de la deuxième guerre punique, nouv. éd., Paris, Hachette, 1879, p. 615-620.
36 A. Piganiol, « Hannibal chez les Péligniens », Revue des études anciennes, 22, 1920, p. 22-38, ici p. 31-37 (consulté le 15 octobre 2013 : http://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/ark:/12148/bpt6k71862d).
37 E. T. Salmon, « Hannibal’s March on Rome », Phoenix, 11/4, 1957, p. 153-163.
38 E. W. Davis, « Hannibal’s Roman Campaign of 211 B.C. », Phoenix, 13/3, 1959, p. 113-120.
39 H. Sack, Hannibals Marsch auf Rom…, op. cit.
40 L. Halkin, « Hannibal ad portas ! », Les Études classiques, III/4, octobre 1934, p. 417-457.
41 G. Brizzi, « Il sacco annibalico di lucus Feroniae : i moventi di un gesto sacrilego », dans Id., Studi di storia annibalica, Faenza, Fratelli Lega Editori, 1984, p. 59-67.
42 G. De Sanctis, Storia dei Romani, op. cit., p. 301-303.
43 E. Pais, Histoire romaine, t. 1, Des origines à l’achèvement de la conquête (133 avant J.-C.), adapté d’après le manuscrit italien par Jean Bayet, Paris, Puf, 1926, p. 308.
44 S. Gsell, Histoire ancienne de l’Afrique du Nord, t. 3, Histoire militaire de Carthage, 2e éd., Paris, Hachette, 1921 [1920], p. 165.
45 J. Seibert, Hannibal, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1993, p. 306-311.
46 Ibid., p. 309, n. 52.
47 S. Lancel, Hannibal, Paris, Fayard, 1995, p. 212-215.
48 Y. Le Bohec, Histoire militaire des guerres puniques, Paris, Éditions du Rocher, 1996, p. 221-222.
49 J. F. Lazenby, Hannibal’s War, Norman, University of Oklahoma Press, 1998, p. 121-123.
50 D. Hoyos, Hannibal : Rome’s Greatest Enemy, Exeter, Bristol Phoenix Press/University of Exeter Press, 2008, p. 80-83.
51 R. Barthes, Mythologies, op. cit., p. 183-204.
52 Ibid., p. 185.
53 Ibid., p. 187.
54 Ibid., p. 189-190.
55 Tableau modifié d’après R. Barthes, Mythologies, op. cit., p. 187.
56 Après avoir mis en évidence l’ordre identique des trois espoirs d’Hannibal – prendre Rome, lever le siège de Capoue ou diviser les forces assiégeantes devant Capoue – dans les narrations de Polybe et de Tite-Live, E. W. Davis affirme que la structure de base de la narration de Tite-Live repose sur les deux dernières considérations stratégiques, c’est-à-dire faire lever le siège de Capoue ou diviser les forces présentes devant Capoue, tandis que celle de Polybe est centrée sur la première, à savoir la prise de Rome (E. W. Davis, « Hannibal’s Roman Campaign of 211 B.C. », art. cité). Notre analyse du texte de Polybe nous conduit à réfuter cette thèse, car il n’y a pas, selon nous, de différence radicale à ce sujet entre les récits de ces deux auteurs.
57 Polybe, IX, 7, 2-3.
58 Polybe, IX, 7, 1 : Ἀννίβας ἅμα μὲν λείας πλῆθος ἠθροικώς, ἅμα δὲ τῆς κατὰ τὴν πόλιν ἐλπίδος ἀποπεπτωκώς : « Il avait amassé une grande quantité de butin et en même temps renoncé à ses espoirs concernant la ville » (trad. R. Weil, CUF, 1982, p. 131).
59 Polybe, IX, 4, 7 : Ὑπέλαβε γάρ, εἰ λαθραίαν ποιησάμενος τὴν πορείαν αἰφνιδίως ἐπιφανείη τοῖς κατὰ τὴν Ῥώμην τόποις, ἴσως μὲν ἂν καὶ περὶ τὴν πόλιν ἀνύσασθαί τι τῶν χρησίμων, ἐκπλήξας τῷ παραδόξῳ τοὺς ἐνοικοῦντας : « Il réfléchit en effet que, s’il pouvait, en dissimulant sa marche, apparaître tout à coup dans la région de Rome, il obtiendrait peut-être quelque résultat contre la ville même, dont les habitants seraient désemparés par la surprise » (trad. R. Weil, CUF, 1982, p. 128).
60 Polybe, IX, 6, 8 : Οἱ γὰρ Καρχηδόνιοι τὸ μὲν πρῶτον ὥρμησαν, οὐχ ὅλως ἀπελπίζοντες αἱρήσειν κατὰ κράτος αὐτην τὴν Ῥώμην : « Car au début les Carthaginois s’étaient lancés en hommes qui ne désespéraient pas absolument de prendre d’assaut Rome elle-même » (trad. R. Weil, CUF, 1982, p. 130).
61 Le terme « espoir » revient à plusieurs reprises, soit sous une forme négative, οὐχ ὅλως ἀπελπίζοντες (Polybe, IX, 6, 8), soit sous une forme positive, ἐλπίδος (Polybe, IX, 7, 1).
62 Polybe, IX, 4, 7-8. Polybe nous dit qu’Hannibal réfléchit d’abord à obtenir quelque résultat contre la ville même, dont les habitants seraient désemparés par la surprise de le voir apparaître devant les portes, sinon en tout cas à forcer Appius à lever le siège ou diviser son armée pour courir au secours de sa patrie.
63 Polybe, IX, 7, 1-2. Polybe rapporte d’abord qu’Hannibal a amassé une grande quantité de butin et en même temps renoncé à ses espoirs concernant la ville, puis il souligne que la raison principale est qu’Hannibal avait calculé le nombre de jours qui s’étaient écoulés depuis son arrivée à Rome et, selon son plan initial, Appius, informé du risque couru par Rome, aurait déjà levé le siège pour venir au secours de Rome ou aurait divisé son armée. Nous pouvons ajouter que la grande quantité de butin amassé par Hannibal – mentionnée également par Tite-Live (XXVI, 9, 2 ; 11, 9-10) – est mise en lien par Polybe à l’aide de la répétition de l’adverbe ἅμα (« en même temps »), avec l’espoir perdu d’Hannibal de prendre Rome et doit se comprendre, selon nous, comme une conséquence de ce renoncement. Le butin rassemblé à la suite des pillages dans la campagne alentour sert en quelque sorte de compensation à l’échec de ne pas s’être emparé des richesses de Rome. C’est ce qu’indique clairement un autre passage de Polybe, IX, 6, 8 : τῆς μὲν ἐπὶ τὴν πόλιν ἐπιβολῆς ἀπέστησαν, τὴν δὲ χώραν ἐδῄουν ἐπιπορευόμενοι καὶ τὰς οἰκίας ἐνεπίμπρασαν : « Ils renoncèrent à leur projet contre la ville et se mirent à aller partout ravager la campagne et incendier les maisons » (trad. R. Weil, CUF, 1982, p. 130).
64 Polybe, IX, 6, 5 : γίνεται παράδοξόν τι καὶ τυχικὸν σύμπτωμα πρὸς σωτηρίαν τοῖς Ῥωμαίοις : « Une coïncidence extraordinaire et fortuite se produisit, qui sauva Rome » (trad. R. Weil, CUF, 1982, p. 130).
65 Polybe, IX, 6, 5-6.
66 Polybe, IX, 6, 7 : Ἐξ οὗ συνέβη πλῆθος ἀνδρῶν αὐτομάτως ἀθροισθῆναι πρὸς τὸν δέονται καιρὸν εἰς τὴν Ῥώμην : « En conséquence, il se trouva qu’un effectif important fut rassemblé par hasard au bon moment à Rome » (trad. R. Weil, CUF, 1982, p. 130).
67 R. Barthes, Mythologies, op. cit., p. 194-195. Sur le contenu des notions de fortune et de hasard dans l’œuvre de Polybe et la place qu’il leur ménage dans l’explication et la méthode historique, voir P. Pédech, La Méthode historique…, op. cit., p. 331-354.
68 Ibid., p. 193.
69 Polybe, IX, 8, 13 : Διόπερ εἰκότως οἱ συγγραφεῖς ἐπιμέμφονται τοῖς προειρημένοις ἔργοις, φάσκοντες τῷ μὲν ἡγεμόνι πεπρᾶχθαι πᾶν ὅσον ἀγαθῷ στρατηγῷ, καὶ τῶν μὲν ὑπεναντίων κρείττω, τῆς δὲ τύχης ἥττω γεγονέναι τὸν Ἐπαμινώνδαν : « Les historiens font donc une critique justifiée de ces opérations, quand ils disent que le général avait agi en bon chef, mais que, si Épaminondas a surpassé ses adversaires, il a été surpassé par la fortune » (trad. R. Weil, CUF, 1982, p. 133).
70 Tite-Live, XXVI, 7, 4 : Necopinato pauore ac tumultu non esse desperandum aliquam partem urbis occupari posse : « Grâce à l’épouvante et à la panique provoquées par la surprise, on ne devait pas désespérer de pouvoir occuper une partie de la ville » (trad. P. Jal, CUF, 1991, p. 15).
71 Pour E. W. Davis (« Hannibal’s Roman Campaign of 211 B.C. », art. cité), il ne fait aucun doute que le récit de Polybe est centrée sur Rome tandis que celui de Tite-Live regarde vers Capoue. Nous ne partageons pas cette affirmation, le récit de Tite-Live nous paraissant clairement romano-centré.
72 D’après Tite-Live (XXVI, 7, 3), en réfléchissant aux endroits où il pouvait se diriger, Hannibal a soudain l’envie de marcher sur Rome, désignée comme le véritable cerveau de la guerre. De plus, Tite-Live met ce désir en relation avec un autre épisode – celui du refus qu’Hannibal oppose à Maharbal de marcher sur Rome immédiatement après la bataille de Cannes (voir L. Halkin, « Hannibal ad portas ! », art. cité) – et rappelle qu’Hannibal a laissé passer l’occasion, après la bataille de Cannes, de s’emparer de Rome, un objectif qu’il aurait toujours convoité (Tite-Live, XXVI, 7, 3).
73 Tite-Live, XXVI, 9, 5 : Alacresque milites alius alium ut adderet gradum memor ad defendendam iri patriam hortabantur (trad. P. Jal, CUF, 1991, p. 18).
74 Tite-Live, XXVI, 9, 8 : Supinas manus ad caelum ac deos tendentes orantesque ut urbem Romanam e manibus hostium eriperent matresque Romanas et liberos paruos inuiolatos seruarent (ibid.).
75 Sur les aspects littéraires du texte de Tite-Live, voir P. Jal, édition de Tite-Live, Histoire romaine, t. 16, XXVI, p. XXXIV-XLIV.
76 Tite-Live, XXVI, 11, 2 : Instructis utrimque exercitibus in eius pugnae casum in qua urbs Roma uictori praemium esset (trad. P. Jal, CUF, 1991, p. 21).
77 Tite-Live, XXVI, 11, 4 : Auditaque uox Hannibalis fertur potiundae sibi urbis Romae modo mentem non dari, modo fortunam (ibid.).
78 Ennius, An. 292 ***xxi Sk : Hannibalemque Lares Romana sede fugantes. Voir le commentaire d’Otto Skutsch dans The Annals of Quintus Ennius, édition avec introduction et commentaires par O. Skutsch, Oxford, Clarendon Press, 1985, p. 471.
Auteur
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Anthropologie et histoire des mondes antiques (UMR 8210 Anhima)
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