Chapitre 4. Les sujets contre l’impôt d’Empire
p. 155-192
Texte intégral
Le point le plus intense des vies, celui où se concentre leur énergie, est bien là où elles se heurtent au pouvoir, se débattent avec lui, tentent d’utiliser ses forces ou d’échapper à ses pièges. Les paroles brèves et stridentes qui vont et viennent entre le pouvoir et les existences les plus inessentielles, […] c’est ce qui leur donne, pour traverser le temps, le peu d’éclat, le bref éclair qui les porte jusqu’à nous1.
1Ces heurts des existences ordinaires au pouvoir sont triplement producteurs. Producteurs de sources, pour l’historien, ils les « portent jusqu’à nous », car l’antagonisme engendre de l’écriture, des actes, de la documentation. Mais ils sont également producteurs de force, d’« éclat » et de stridence pour ces existences qui se heurtent : ils les investissent, les construisent et les font exister. Ils sont producteurs enfin, car ils sont constructeurs : ces existences ordinaires, dans le heurt collectif au pouvoir, prennent conscience d’elles-mêmes, et, en se construisant en tant que groupe, contribuent à élaborer le lien social et politique2. Les sujets des trois pays Schönburg, Reuss et Schwarzburg n’ont de cesse, sur le siècle et demi pris pour objet, de refuser, sous des formes différentes, de payer l’impôt d’Empire. Nous nous en tiendrons ici à ces formes collectives de la contestation, afin d’analyser comment révoltes, contestations et procès dirigés contre l’impôt d’Empire forment un tissu d’interventions qui prennent sens dans la configuration générale des relations sociales depuis l’Empire jusqu’au village, et tout particulièrement par rapport aux conflits de définition analysés au chapitre précédent. Il s’agit donc, pour emprunter les termes de Michel Dobry, d’analyser la « relation de la crise avec son contexte structurel3 » et non ses ressorts internes, qui feront l’objet de la troisième partie. Par les juridictions auxquelles il est recouru comme par les stratégies de mobilisation, ces contestations s’inscrivent dans une configuration sociale et politique globale, que nous appréhenderons de façon diachronique, afin de saisir chaque fois le « contexte », au sens fort, de leur émergence.
« Pourquoi se révolte-t-on ? Pourquoi ne se révolte-t-on pas4 ? »
2La révolte, imprévisible interruption du cours ordinaire des choses et de la domination, est, par excellence, de l’ordre de l’événement et de la surprise, car elle enfreint le paisible déroulement d’un monde qui va de soi. Elle relève de l’ordre de la singularité, mais « d’une singularité qui a pour spécificité de s’inscrire dans un certain état de l’espace-temps5 » : elle est, toujours, un extraordinaire, mais un extraordinaire ancré dans un réel lui-même singulier. Et c’est pourquoi il est presque impossible de lui assigner des causes ; qui plus est, rechercher ces mécanismes de causalité conduit bien souvent à perdre de vue l’autonomie du phénomène de « crise » et à méconnaître sa logique propre6. Mieux vaut alors, sans renoncer à l’expliquer, lui conserver sa contingence radicale, quoique celle-ci soit, pour les sciences sociales, un éternel embarras. La réitération de révoltes dans un contexte où les gouvernés ont somme toute relativement peu de chances d’obtenir gain de cause ne laisse pas de surprendre, et cette réitération réclame une explication structurelle qui ne s’en tienne pas à des individualités ou à des situations singulières. Il nous paraît que pointer les correspondances et les entrelacements de ces irruptions imprévues avec d’autres ordres d’événements permet de les comprendre dans leur complexité, sans pour autant les réduire à un mécanisme causal simple. Ce fourmillement de contestations, au-delà des réitérations et des sédimentations, ne saurait être rabattu sur l’éternel retour d’une geste ritualisée qui serait comme hors de l’histoire. Bien au contraire, on a affaire ici à des soulèvements fortement contextualisés, qui répondent à la configuration spécifique d’un rapport de force propre à chaque moment, soit à une certaine « logique de situation7 ».
Entrelacements et synchronicités
3Les refus d’impôt révèlent l’intrication avec au moins deux autres ordres de conflits : ils interviennent tout d’abord en réponse aux exigences fiscales de l’Empire et, partant, répondent aux grandes guerres qui agitent l’Europe et l’Empire, non pourtant sans un décalage qui peut aller jusqu’à plusieurs décennies, en raison à la fois de la lenteur des levées, des avances qui peuvent être faites par les gouvernants8 et de la lenteur avec laquelle se mettent en place les soulèvements eux-mêmes – révoltes et procès requérant tous deux en amont une organisation collective importante, en particulier dans le monde rural9. D’autre part, ces refus d’impôts s’entrelacent de très près avec les conflits de médiatisation entre les seigneurs, princes et comtes et l’électeur de Saxe analysés au chapitre précédent. Ces deux premiers ordres de conflits sont à eux seuls suffisamment forts pour imprimer aux trois ensembles territoriaux des rythmes et des temporalités communs ; mais on observe en outre, çà et là, des circulations explicites entre les soulèvements des trois pays, et ces contagions séditieuses permettent d’établir que les porosités entre les trois espaces engendrent des transferts qui contribuent, eux aussi, au surgissement synchronique des refus d’impôt.
4Or, l’impôt d’Empire n’est pas un objet de contestation anodin. Il met en jeu le corps impérial tout entier et à ce titre, en particulier, il relève des tribunaux d’Empire. Par là, non seulement les sujets se forgent leur propre espace d’action dans l’espace impérial, mais encore ils placent leurs gouvernants dans une situation des plus inconfortables : un recours à ces instances, quoiqu’il manifeste publiquement leurs prérogatives d’immédiats d’Empire, représente pour les autorités une triple menace d’ingérence, de publication et de pérennisation du conflit. La Saxe, à son tour, s’efforce très régulièrement d’empêcher les interventions des tribunaux impériaux qui manifestent l’immédiateté des petits comtés d’Empire, et tente de porter les conflits devant ses propres juridictions. Ces séditions pèsent donc sur l’ensemble de l’équilibre des pouvoirs. Les sujets savent utiliser à leur profit ces rapports de force pour faire vaciller le front généralement uni des gouvernants, d’autant plus que l’impôt d’Empire met instantanément au cœur des conflits de définition sur la nature du pouvoir exercé par les seigneurs, comtes et princes analysés au chapitre précédent.
5L’objet de ce chapitre est donc de faire émerger l’entrelacement des conflictualités entre les grandes guerres menées par le Saint-Empire, à la faveur desquelles sont exigés des impôts d’Empire, les conflits féodaux et territoriaux entre Empire, Saxe, et princes et comtes, et les conflits entre les gouvernants et leurs sujets. Cet enchevêtrement est une invitation à repenser l’impact de la « grande » politique sur la vie sociale locale – et à en finir avec l’idée de villes et de villages coupés du monde et enfermés dans un « esprit de clocher » bornant leur horizon. Il permet aussi de rompre avec une vision strictement pyramidale de l’organisation des pouvoirs dans l’Empire, ou encore avec une vision fondée sur des séries de dualismes enchâssés, au profit d’une image plus multipolaire qui fasse davantage place à la possibilité du court-circuit. L’analyse de ces contestations – incluant révoltes et procès – révèle la multiplicité des autorités et, partant, des sources normatives dans l’Empire, une concurrence dont les sujets sont prompts à se saisir. Dans le même temps, cela permet d’appréhender comment se construisent ou non, à travers ces conflits, des formes de cohésion spatiale : car ces épisodes séditieux contribuent régulièrement à enrayer les tendances centrifuges des « territoires » et les insurgés poussent, bien souvent, à l’unification. Enfin, malgré les contagions ici et là, l’absence de révolte de grande envergure susceptible de se propager à plusieurs « territoires » requiert d’être expliquée autrement que par la simple invocation du rôle pacificateur des tribunaux impériaux.
Contagions séditieuses et ingérences saxonnes (seconde moitié du xviie siècle)
6La période qui s’étend de la fin de la guerre de Trente Ans à la fin du xviie siècle est marquée par deux grandes frondes antifiscales. Chez les Schönburg se déroule l’un des soulèvements les plus importants de la période par son ampleur, sa violence et sa durée – trois décennies presque ininterrompues de sédition rurale et urbaine ; ce premier mouvement en déclenche un second, chez les Reuss, où les sujets se rebellent en référence explicite au soulèvement des sujets Schönburg et parallèlement au grand soulèvement des paysans de Bohême en 1680. La période est celle des dernières grandes guerres turques, ainsi que des guerres contre la France de Louis XIV : plus de 600 mois romains sont consentis sur un demi-siècle qui représente à cet égard un moment paroxystique de la ponction fiscale impériale10, alors même que l’Allemagne se remet lentement des ravages de la guerre de Trente Ans. Mais il s’en faut de beaucoup que le « poids de l’impôt » explique à lui seul la conflictualité antifiscale. Ces décennies sont aussi celles d’une grande instabilité des relations entre les seigneurs, princes et comtes des trois Maisons et l’électeur de Saxe, qui ne sont pas encore fixées par les séries de recès qui marqueront la première moitié du xviiie siècle. Il en résulte un mouvement à double sens, par lequel les conflits des princes et comtes avec la Saxe à la fois structurent et sont structurés en retour par les conflits avec les sujets.
La « guerre des paysans de Schönburg » (1652-1684) : révolte des contribuables et ingérences saxonnes
• Des corvées à l’impôt d’Empire
7L’historiographie a intitulé « guerre des paysans de Schönburg » le long épisode séditieux qui oppose seigneurs et paysans des terres Schönburg, dans les années 1650-1680, quoiqu’il n’y ait là strictement rien de religieux. Davantage qu’une révolte ou un soulèvement, il s’agit d’un ensemble particulièrement dense de pratiques séditieuses, plus ou moins coordonnées selon les moments et les lieux, connaissant des pics de violence et des reflux, mobilisant alternativement un nombre important de sujets ou quelques communautés seulement et se traduisant à la fois par des affrontements armés et des actions judiciaires. Divers dans ses formes, le soulèvement l’est aussi par les objets de contestation : si la première décennie (1652-1661) est marquée principalement par le refus des corvées illimitées que les seigneurs s’efforcent d’imposer dans le cadre très classique des tentatives d’établissement d’un « second servage », le refus de la fiscalité d’Empire prend progressivement le dessus à partir des années 1660. Au même moment, la Chambre de justice impériale rend une première décision sur les corvées, défavorable aux sujets, ce qui, loin d’atténuer la confrontation, la relance de plus belle, de sorte que les années 1662-1663 constituent un tournant important.
8L’apparition de la revendication antifiscale entraîne, en effet, un élargissement de la mobilisation à de nouvelles couches sociales : les populations urbaines demeurées jusque-là relativement extérieures au soulèvement, quand elles ne lui étaient pas ouvertement hostiles, prennent désormais la tête du mouvement, en particulier la « capitale » Schönburg, Glauchau. Cet élargissement aux villes se traduit aussi par une unification accrue du front des insurgés. En 1664 est intentée une nouvelle action en justice portée, pour la première fois, au nom de « l’ensemble des sujets Schönburg » (sämtliche Schönburgische Unterthanen) contre la régence de Glauchau et l’ensemble des seigneurs régnants11 et non plus seigneurie par seigneurie contre les seigneurs individuels comme c’était jusqu’alors le cas. À la dispersion des actions judiciaires des années précédentes se substitue donc une action unique de l’ensemble des sujets contre la régence et les seigneurs de Schönburg12.
9L’irruption de la revendication antifiscale entraîne également une implication accrue de l’électeur de Saxe, à un double titre. Sa première intervention se fait en tant que prince convoquant du cercle de Saxe supérieure, dont les attributions incluent à la fois la bonne levée des impôts d’Empire et la répression des révoltes. Une « exécution fiscale13 » est mise en œuvre dès l’automne 1662 pour forcer les sujets à payer14 : refuser l’impôt d’Empire représente une atteinte grave aux lois d’Empire et engendre aussitôt la mise en œuvre de mécanismes de répression efficaces et collectifs, d’autant plus que l’impôt d’Empire représente le vecteur potentiel d’une union entre les contribuables des divers territoires, ce qui est, depuis la guerre des paysans de 1525, la hantise de toutes les autorités de l’Empire15. Mais le conflit entre les Schönburg et leurs sujets réactive aussi le conflit dit « territorial » avec la Saxe. L’électeur intervient, au titre de ses prétentions à la supériorité territoriale sur les terres Schönburg, pour protester contre la saisine d’un tribunal d’Empire : les terres de Saxe, comme la plupart des grands États territoriaux, sont exemptées de la juridiction des deux tribunaux d’Empire par le jus de non appellando.
10Lorsqu’en octobre 1664, la Chambre de justice impériale charge le messager assermenté du tribunal Johann Friedrich Orth de faire parvenir aux parties impliquées le mandat du tribunal, il se heurte à l’hostilité de l’échevin de Zwickau et administrateur saxon, Johann Philipp Romanus. Il rapporte ainsi :
Et quand j’entrai dans la pièce, l’échevin s’emporte contre moi avec des mots violents et me dit, Monsieur le messager, qui vous envoie ici vous insinuer dans l’Électorat, d’où tenez-vous vos ordres ? pouvez-vous me les montrer par écrit ? […] et il veut prévenir son maître l’électeur que je suis là, […] il ne peut pas s’imaginer le moins du monde pourquoi je fais ça, il dit que j’ai dû être corrompu par les scélérats et les paysans et il me menace deux ou trois fois de me faire arrêter16.
11Le bailli se comporte ici en dépositaire local des prérogatives de l’Électorat et en garant du jus de non appellando. Vouloir l’appliquer aux sujets Schönburg, c’est considérer que leurs terres font partie intégrante de l’Électorat. La protestation de l’électeur passe également officiellement par l’intervention d’un avocat directement auprès de la Chambre de justice impériale qui, dans son adresse aux juges du tribunal en 1665, invoque la « justice et juridiction territoriale [exercée par la Saxe] sur la seigneurie de Glauchau depuis des temps immémoriaux17 ». L’électeur peut ainsi tout à la fois affaiblir la révolte des sujets et amoindrir les prérogatives des Schönburg en déniant aux deux parties le droit de procéder devant la Chambre de justice impériale. L’avocat saxon affirme que :
Les sujets Schönburg n’ont aucunement le droit d’outrepasser la juridiction et la supériorité territoriale notoire qui reviennent à Son Excellence électorale de Saxe, s’ils ont été prélevés outre mesure par leur seigneurie ou par quiconque d’autre, ni de chercher à obtenir satisfaction de leurs doléances à d’autres endroits auprès d’autres instances, contre toute connaissance et toute conscience18.
12Il demande donc qu’à l’avenir, les sujets Schönburg soient renvoyés devant les instances saxonnes.
13Pourtant, si le conflit principal se déroule devant la Chambre de justice impériale, seigneurs et sujets – et surtout ces derniers, qui ont ici l’initiative de la plupart des actions – recourent aussi aux tribunaux saxons et bohêmes19. Les juristes des facultés de Wittenberg et de Leipzig sont consultés régulièrement et rendent des jugements à plusieurs reprises. Mais lorsque la Cour de justice supérieure (Oberhofgericht) de Leipzig, saisie par les sujets, rend un jugement défavorable au bailli de Glauchau, Friedrich Müller, l’électeur intervient en personne auprès des juges pour demander un « rapport justifiant ce qui a motivé la décision et que d’ici là, l’affaire demeure en suspens20 ». L’électeur enjoint même à plusieurs reprises à sa Cour de justice de ne pas se mêler des affaires des Schönburg, et le recès de 1740 entérinera l’exemption des Schönburg de cette juridiction21. Le conflit territorial s’interrompt ainsi parfois au seuil d’une solidarité entre princes.
14Enfin, on apprend au détour de l’interrogatoire de l’un des meneurs, Martin Henschel, après son arrestation, que les sujets se sont aussi tournés vers d’autres instances, sans que ces actions aient laissé de traces directes dans la documentation. Les seigneurs lui demandent « s’il n’est pas vrai qu’il a porté et soumis des doléances infondées et des relations auprès de la cour royale d’appel de Prague, auprès du très noble Conseil impérial aulique de Vienne et auprès de la Diète d’Empire de Ratisbonne » ; Henschel répond « qu’il l’a fait à Prague et à Vienne, mais qu’il n’a pas fait partie de ceux qui sont allés à Ratisbonne22 ». C’est donc une activité en toutes directions que déploient les sujets auprès de l’ensemble des juridictions auxquelles ils pensent pouvoir avoir accès et cette activité met en jeu l’ensemble de l’espace impérial, engendrant d’importantes circulations23.
• 1674-1684 : de la révolte à l’affrontement armé
15Le déclenchement de la guerre d’Empire contre la France en mai 1674 entraîne une nouvelle radicalisation du conflit, et l’on voit ici à quel degré les événements européens peuvent retentir sur la vie villageoise. Elle se traduit, en effet, immédiatement par des cantonnements militaires dans les seigneuries Schönburg : en juin 1674, ce sont les troupes impériales qui doivent être logées ; en 1675, celles de la Saxe ; en 1676, celles du Brandebourg. Ces cantonnements relèvent à proprement parler de l’impôt d’Empire, puisque la Diète a déclaré la guerre à la France24. On a vu combien ces cantonnements étaient un enjeu crucial, durant cette période, dans l’antagonisme entre la Saxe et les Schönburg et comment ils étaient utilisés par la première pour affaiblir les seconds25. Le 29 mars 1676, après divers affrontements avec les soldats, dont les sujets sortent, à plusieurs reprises, victorieux, se déroule la « bataille de Jerisau ». Plusieurs centaines de paysans armés tentent de résister aux soldats. Mais ces derniers les encerclent dans la clairière qui fait office de champ de bataille, occasionnant quelques morts et plus de 95 prisonniers. Cet épisode marque une défaite importante pour les sujets insurgés. Et pourtant, le conflit, qui se poursuit par la voie judiciaire, connaît un dénouement probablement favorable aux sujets – probablement, car le document qui clôt l’épisode est un recès de 1681, qui résulterait d’une commission impériale26, mais qui n’est connu qu’à travers des copies du xviiie siècle, à une époque où les seigneurs affirment qu’il s’agit d’un faux qui n’a jamais existé27. Le fait que le conflit soit temporairement réglé par une commission impériale révèle une fois de plus le fonctionnement extraverti d’un ensemble de terres qui est un champ modelé par l’exercice de forces à la fois internes et externes : cela confirme l’analyse proposée par Volker Press de l’incidence des institutions impériales sur le territoire des Hohenzollern-Hechingen, qui a bien montré comment le « contexte » impérial, au sens fort, modèle l’organisation du pouvoir et les relations entre gouvernants et gouvernés28.
16Or cette révolte ne reste pas isolée : elle s’achève au moment où commence celle des paysans de Bohême en 168029 et celle des paysans Reuss. Et l’on voit de manière particulièrement explicite dans ce dernier cas la manière dont la contagion séditieuse est empêchée par des transferts de savoir-faire répressif et par la mise en commun des moyens d’action, bien davantage que par une pacification des relations sociales imputable à la seule existence des tribunaux d’Empire.
La révolte des paysans de Greiz, 1680-1715 : circulations, endiguement et divisions
17La fin du xviie siècle est, on l’a vu, un moment fort de l’antagonisme entre les Reuss et la Saxe en raison de l’élévation de la branche aînée de la Maison au rang de comtes d’Empire en 1673 et des recès conclus en 1683 pour le paiement des impôts d’Empire30. Mais c’est aussi l’époque du paroxysme de la fragmentation du « territoire » en sept à dix branches régnantes31. Cette configuration particulière confère aux révoltes antifiscales des sujets Reuss une dimension singulière, car les sujets jouent de cette fragmentation tout en en faisant les frais. Si l’historiographie s’est penchée sur le soulèvement des années 1714-171532, ses prémisses, à notre connaissance, n’ont fait l’objet d’aucune étude. Or, dès 1680, un ensemble de soulèvements agite les différentes portions du pays Reuss.
• Circulations, porosités et transferts
On a été informé du fait que ces paysans d’Untergreiz conspiraient secrètement avec ceux de Schönburg et ces deux groupes eux-mêmes avec les paysans de Bohême qui étaient en rébellion33.
18La révolte des sujets de la branche aînée des Reuss intervient au moment où les choses commencent à s’apaiser chez les Schönburg. Elle apparaît pour la première fois dans les sources en 1680 et dure dans un premier temps jusqu’en 1685 ; en 1715 fait de nouveau surface un mouvement de sédition antifiscale, laissant à penser que les dix années d’entre-deux ont été marquées par un état de révolte endémique, les meneurs de la contestation demeurant les mêmes. En 1680, ce sont tout d’abord seize communautés des bailliages d’Untergreiz, Burgk et Rothenthal qui reprennent à leur compte les deux principales revendications portées par les sujets Schönburg : d’une part, qu’on leur manifeste l’ordre impérial exigeant l’impôt ; d’autre part, que des gens nommés par eux puissent avoir accès aux comptes afin de vérifier la destination et l’emploi des deniers collectés. Leur première supplique, en septembre 1680, reproduit les deux jugements prononcés par les échevins et la Cour de justice supérieure de Leipzig en 1662 et 1663 dans l’affaire des sujets Schönburg34. Les sujets Reuss ont donc non seulement connaissance du soulèvement et des revendications qui ont été portées, mais sont à même de produire le texte des jugements rendus par les tribunaux saxons plus de quinze ans auparavant. Aucun élément ne permet de déterminer les vecteurs de la circulation, mais il est probable que les sujets insurgés aient reçu le conseil d’experts juridiques et/ou qu’ils aient été en relation avec les meneurs du soulèvement Schönburg.
19Circulation de l’information et transferts de compétences ne concernent pourtant pas les seuls insurgés. Les autorités locales, elles aussi, se consultent, afin de mettre en commun les savoir-faire pour endiguer la révolte au plus vite. Le 25 septembre 1680, trois semaines après la supplique des sujets, le conseiller aulique d’Untergreiz et de Burgk chez les Reuss, Georg Christoph von Rasewitz, dit Paßel35, va rencontrer à Glauchau son homologue chez les Schönburg, Berthold Mürhard, afin de se faire prodiguer des conseils sur la manière d’enrayer au mieux le début de contestation. Mürhard commence par relever :
Les seize communautés villageoises ont commencé toutes en même temps, comme l’ont fait les paysans Schönburg, et que pour cette raison l’affaire est à traiter avec une grande prudence, afin qu’elle ne prenne pas l’ampleur qu’elle a eue chez eux […] [car] de leur côté, lorsque la rébellion s’est déclenchée en pays Schönburg, des erreurs ont été commises à plusieurs égards36.
20Mürhard prodigue ensuite à son interlocuteur une longue série de conseils sur la manière de réprimer au mieux la sédition37. Mais contrairement aux sujets Schönburg, les sujets Reuss ne recourent dans un premier temps à aucune autorité « extérieure ». À l’inverse, ils s’emploient à jouer sur la différenciation des espaces de pouvoir au sein même des comtés et seigneuries de la Maison Reuss et à les mettre en concurrence, non sans un certain succès.
• Concurrence des espaces et unification
21Le soulèvement semble concerner un nombre croissant de communautés – à tout le moins, la proclamation de la totalité intervient de manière plus systématique. En 1680, seules seize communautés d’Untergreiz signent la première supplique38. En 1685, lorsque la contestation passe aux mains des sujets d’Obergreiz, les suppliques sont systématiquement signées au nom de « l’ensemble des sujets » (die sämbtlichen Unterthanen) ou au nom de « l’ensemble de la communauté du pays » (die sämbtliche Landschafft). Cette proclamation unitaire est l’exact contrepoint d’un système territorial alors à l’apogée de l’émiettement.
22Dans ce cadre, les sujets d’Obergreiz, qui relèvent de la branche aînée de la Maison Reuss, s’adressent à deux reprises, par des suppliques, à la régence de Gera, qui relève de la branche cadette, le 18 novembre 1684, puis de nouveau le 20 janvier 168539, en invoquant la nécessité d’une équité fiscale entre les deux branches. Ils s’adressent également directement au chancelier de Gera pour lui demander sa « protection » et réclamer d’être « considérés sur le même pied que les autres sujets alentour40 ». Enfin, ils s’adressent directement aux deux comtes régnants de la branche cadette, le 18 février 1685, et réclament : « Que nous soyons traités à égalité avec [gleich] les autres sujets des hauts comtes de Reuss, et que nous ne soyons pas accablés par des impôts doubles plus que nous n’en pouvons payer41. » Le 6 juillet 1685, un premier règlement temporaire du conflit entre Heinrich VI et les sujets d’Obergreiz précise que ces derniers réclament « que la fiscalité prenne la même forme que celle qui a cours et qui est coutumière dans les branches cadettes des hauts comtes de Reuss, et en particulier dans la seigneurie de Gera42 ». Au lieu de jouer sur les différentes autorités qui s’affrontent dans et hors du territoire, les sujets s’en tiennent ici à la mise en concurrence des différentes autorités au sein de la Maison Reuss. Et alors que les gouvernants tendent à accroître la fragmentation des portions du « territoire », les sujets, eux, poussent à l’homogénéisation.
Ces interventions des sujets déclenchent l’implication de la branche cadette dans les affaires de la branche aînée. Le chancelier de Gera exhorte le conseiller d’Obergreiz à satisfaire leurs revendications afin que les sujets « [ne] soient [pas] poussés à chercher d’autres chemins et moyens (ce qui serait à éviter)43 ». La double crainte d’un soulèvement général et d’une action en justice devant une juridiction extérieure devient plus explicite encore lorsque interviennent directement les deux comtes régnants de la branche cadette auxquels les sujets se sont adressés (Heinrich Ier de Schleiz et Heinrich IV de Gera). Ils précisent toutefois à l’adresse d’Obergreiz :
Quoique nous nous mêlions peu volontiers d’affaires qui nous sont étrangères [frembd] et qu’au contraire nous souhaitions laisser chacun à ses propres dispositions, l’affaire revêt ici une dimension telle qu’elle pourrait aussi nous toucher per consequentiam44.
23Leurs propos donnent la mesure de l’autonomie des branches régnantes. Mais ils soulignent aussi leur crainte que la patience des sujets ne s’émousse et que ceux-ci
ne soient poussés au désespoir, et qu’ils ne soient tentés de se tourner en haut lieu, ce qui signifierait [un conflit] sans fin, pénible et dommageable au plus haut point à Votre Dilection, et qui, par voie de conséquence, pourrait nuire à la réputation de toute la famille, car ces affaires, une fois qu’elles sont commencées, ne sont pas aisées à suspendre de sitôt, point n’est besoin d’aller chercher loin les exemples, car il y en a eu tout près de nous, les seigneurs de Schönburg sont maintenant depuis près de vingt ans dans un tel labyrinthe avec leurs sujets, dont ils ne pourront s’extraire de sitôt ; Votre Dilection n’ignore pas que les sujets de Rothenthal ont recouru à ce moyen, au sujet des impôts de noces, qui sont une chose juste et bien fondée, ni n’ignore les difficultés qui en ont découlé […]45.
24On voit très bien ici combien l’existence des tribunaux d’Empire et la possibilité d’un procès fonctionnent moins comme la perspective d’une pacification des relations par le droit, que comme une triple menace : celle d’une ingérence extérieure, celle d’une atteinte à la réputation de la Maison par la publication du conflit et celle d’un conflit ancré dans la durée. La démarche des sujets semble donc couronnée d’un relatif succès.
• Mobilisation des juridictions extérieures et division des comtes régnants
25Or, dans un texte adressé à l’empereur entre 1681 et 1682, Heinrich II Burgk et Heinrich V Rothenthal faisaient déjà allusion au fait que les sujets d’Untergreiz, « qui se nomment eux-mêmes les seize communautés villageoises », avaient, dès le début des années 1680, fait appel à la fois à Prague et à l’empereur lui-même46. Ce recours est présenté par Heinrich II Burgk dans toute son ambivalence : « Il nous sied que cette affaire, en tant qu’elle provient d’une seigneurie d’Empire, soit portée devant Votre Maj. impériale et royale elle-même et donc au lieu dont elle relève immédiatement47. » Mais, ajoute-t-il, les comtes détiennent le jus collectandi depuis plus de cent ans et implorent l’empereur qu’il les soutienne dans l’exercice de ce droit, « et qu’[il] enjoigne à ces gens d’obéir et d’effectuer les prestations dont ils sont redevables48 ». Chaque recours des sujets à l’autorité de l’empereur est marqué pour les seigneurs, princes et comtes au coin de cette ambivalence fondamentale. Les sujets d’Obergreiz, quant à eux, font pour finir également appel au Conseil impérial aulique, suscitant la mise en place d’une commission impériale, ce qui pose la base à la fois de l’externalisation du conflit et de sa perpétuation.
26Une lettre écrite à l’été 1693, probablement par une comtesse de Reuss, à Heinrich VI Obergreiz49 expose, avec une crudité que la documentation ne dévoile que rarement, les fissures qui surviennent au sein du front des gouvernants à la faveur des conflits avec les sujets. Il y est question de désigner deux comtes régnants pour une commission du Conseil impérial aulique chargée de proposer une médiation dans le conflit, et l’on peut y lire :
J’ai eu connaissance, par le courrier présent et par le précédent, de l’entreprise extravagante du Ve [Heinrich V. de Reuss Rothenthal], au point que j’ai regretté de l’avoir proposé, quoique je l’aie fait dans une intention tout à fait bonne. Je sais bien qu’il est extravagant, mais qu’il ait eu contre Votre Excell. une haine et une colère si grandes, je l’ignorais, et sans doute se sont-elles accrues en mon absence. La véritable raison pour laquelle je l’ai proposé est la suivante : je ne faisais pas confiance au seigneur de Burgk pour traiter l’affaire avec sérieux ; c’est pourquoi je pensais que le Ve serait le plus approprié pour l’affaire, non pas que son caractère l’y porte, mais parce que son intérêt propre, qui est ce qui le gouverne d’ordinaire, aurait dû l’animer dans ce sens. Et jamais je n’aurais pu m’imaginer le moins du monde qu’il prendrait, contre son propre intérêt, le parti des paysans, ce que désormais je crains : j’ai rapporté entre-temps que les paysans se sont plaints beaucoup de l’arrestation de l’avocat et, comme je l’ai appris en confidence, le Conseil impérial aulique s’irrite du procédé […]. J’espère que le Conseil impérial aulique l’exclura de lui-même, et décidera de transmettre la commission soit à un autre, soit au seul seigneur de Burgk […]. Si d’aventure les choses ne se passaient pas ainsi d’elles-mêmes, il faudrait intervenir et prétendre que les frais seront élevés, en particulier en l’absence de Votre Excell., et demander pour cette raison que, puisque la révolte est apaisée, la commission soit mise en suspens, en raison des frais qu’elle occasionne, jusqu’au retour de Votre Excell. […]. Mais à mon avis, mieux vaudrait attendre encore un peu de voir ce que le Conseil impérial aulique décidera de lui-même et entre-temps, dissimuler toute aversion à l’encontre du cinquième, et faire comme si l’on ne craignait rien de sa part. […] On peut écrire en confiance au seigneur de Burgk sur les préoccupations que l’on a au sujet du cinquième50.
27La défiance qui se manifeste ici à l’encontre de Heinrich V Rothenthal atteint un degré extrême et jette en retour une lumière singulière sur les entreprises des sujets visant à faire jouer les branches régnantes les unes contre les autres. L’auteur de la lettre accuse Heinrich V d’avoir « pris le parti des paysans », contre son propre intérêt, par rancœur contre Heinrich VI Obergreiz – une attitude dont les modalités ne sont pas précisées. Mais l’on comprend mieux, à la lumière de cette lettre, comment les fissures au sein de ces Maisons fragmentées sont accusées par l’intervention d’une juridiction extérieure – ce dont se saisissent les gouvernés sitôt qu’ils l’entrevoient51. Et c’est pourquoi la comtesse envisage ici de faire suspendre la commission en prétextant un problème de financement, et d’éviter ainsi que le « cinquième » ne soit désigné commissaire.
Le conflit refait surface dans la documentation près de vingt ans plus tard, en 1714-1715, toujours à Obergreiz et à Dölau, mais ponctué cette fois d’un certain nombre de confrontations violentes entre les paysans récalcitrants et l’administration chargée de faire rentrer les impôts52. Au mois de janvier 1715, à Naitschau, une véritable bataille oppose les paysans aux soldats chargés de saisir les biens. Une semaine après cet épisode, les paysans transmettent une supplique à la cour d’appel de Prague53. Les comtes de Reuss, de leur côté, se tournent vers le Conseil impérial aulique à Vienne et choisissent de ne pas répondre à la cour de Prague. Mais, contrairement à ce qu’ils espéraient en demandant un mandat sine clausula, qui enjoint à la partie adverse de remplir immédiatement et sans délai ses obligations, le Conseil impérial aulique a « chargé le duc de Saxe-Gotha d’enquêter par une commission et […] même, a décrété l’interdiction de lever les impôts54 ». Les Reuss s’adressent alors directement à l’empereur, au motif que la décision porte atteinte à l’exercice légitime de leur supériorité territoriale55.
28La fin du xviie siècle est donc marquée par l’importance des ingérences saxonnes dans les conflits entre seigneurs et sujets, par les efforts des sujets pour surmonter ou, selon les cas, utiliser à leur profit la fragmentation des territoires, mais également par leur capacité à mobiliser un ensemble de juridictions dans tout l’espace impérial, de la Saxe à l’Empire et à l’empereur en passant par la Saxe-Gotha et la Bohême.
Impôt impérial, impôt territorial et « protection » saxonne : les refus d’impôt de la première moitié du xviiie siècle
29La première moitié du xviiie siècle voit une accalmie relative des prélèvements impériaux, ce qui se traduit dans les contestations par le fait que les revendications se déportent légèrement vers l’impôt territorial, en particulier à partir des années 1720. Mais ces conflits héritent de la contestation sur l’impôt d’Empire et s’inscrivent dans une continuité forte avec cette dernière, de sorte que nous les évoquerons rapidement. Par ailleurs, la période est marquée par la fixation par écrit des relations avec la Saxe électorale et la conclusion des séries de recès qui, sans mettre un terme aux conflits, contractualisent pour un temps au moins les relations. Or, une fois de plus, les contribuables se réapproprient ces tensions et les ravivent.
Révoltes en pays Schwarzburg, 1712-1731
30Au moment même où intervient la dernière révolte d’Obergreiz en 1714-1715 commence dans le pays Schwarzburg-Rudolstadt une sédition antifiscale qui va durer jusqu’au début des années 1730. Le surgissement de revendications analogues à celles d’Obergreiz est l’indice d’une possible circulation, quoique la documentation ne permette pas de l’établir. La période est celle de l’apogée des conflits avec la Saxe mais aussi de leur règlement quasi définitif par les recès successifs de 1699-1700, 1702 et 1719, et de 1731 avec la Saxe-Weimar56 ; c’est aussi celle de la mise en place du régiment commun avec les Reuss et donc d’un surprélèvement structurel des sujets57.
• « Mettre certaines bornes à la pauvreté58 » : ingérences saxonnes à Heringen et Kelbra (1712-1715)
31La première partie du conflit est celle qui révèle le mieux l’intrication extrême entre les conflits féodaux et territoriaux d’un côté, et les conflits de sujets, de l’autre. En 1699 a été conclu le premier recès entre les Schwarzburg et la Saxe électorale, complété par celui de 1702, tous deux très favorables aux Schwarzburg, dont ils entérinent la supériorité territoriale sur les trois bailliages litigieux qui relèvent de la mouvance féodale saxonne, Heringen, Kelbra et Ebeleben – une disposition sur laquelle le recès de 1719 reviendra, quoique à la fin du xviiie siècle encore, les juristes se contredisent pour savoir si les bailliages ressortissent à la supériorité territoriale Schwarzburg ou saxonne59. Outre qu’ils relèvent de la Saxe à titre de fief et que l’exercice de la supériorité territoriale y est contesté, les deux bailliages ont pour particularité d’être détenus en commun avec les comtes de Stollberg-Roßla, qui ont de leur côté conclu un accord avec la Saxe, par lequel ils ont conféré à cette dernière leur régale fiscale sur les deux bailliages, sans consultation des Schwarzburg60. Les années 1714-1715 marquent donc une période d’entre-deux, durant laquelle la Saxe tente de faire valoir sa supériorité territoriale sur les deux bailliages et de rabattre le statut des Schwarzburg sur celui des Stollberg.
La révolte commence en 1712, lorsque les sujets des deux bailliages de Kelbra et Heringen refusent de payer davantage d’impôts impériaux. Les Schwarzburg saisissent le Conseil impérial aulique, qui intime aux sujets de payer. Le mandat demeure cependant sans effet, y compris après la mise en œuvre de l’exécution fiscale61. En novembre 1714, à la suite, semble-t-il, d’un recours des sujets des deux bailliages qui ont protesté auprès de la Saxe, l’électeur commissionne le bailli de Tennstedt, Ernst Friedrich Meurer, et son adjoint, Johann Christoph Zeuner, pour enquêter sur les doléances des sujets. Ces derniers protestent à la fois contre la levée des impôts impériaux et les exécutions fiscales y afférentes, et contre les accises qui ont servi à lever les 80000 thalers payés à la Saxe à la faveur des recès de 1699 et 1702.
32Du 14 au 21 novembre, le vice-bailli saxon Zeuner s’installe à Kelbra. D’après le récit du représentant local des Schwarzburg, le substitut du bailliage de Kelbra, Johann Christian Nagler62, Zeuner fait convoquer l’ensemble des échevins, édiles et syndics et réclame de voir les « quittances sur les contributions qu’ils ont livrées et autres deniers, afin d’en faire la somme63 ». Non seulement, donc, la Saxe s’érige en arbitre d’un conflit fiscal local, mais de surcroît elle s’arroge, non sans audace, un droit d’ingérence dans les arcanes en demandant à voir les livres de comptes. Les représentants des communautés semblent ne se prêter que partiellement à l’opération : ceux de Berga invoquent un incendie qui les aurait fait disparaître, ceux de Heringen prétendent les avoir perdus et, parmi ceux qui les ont produits, nombreux sont ceux qui présentent des documents non signés et donc irrecevables, que ce soit par crainte des représailles de leur prince ou par refus de livrer leur comptabilité à la Saxe. Zeuner s’emploie néanmoins à « faire la somme » des contributions à partir des documents présentés64 : c’est donc ici une autorité extérieure au territoire qui produit une comptabilité globale, et l’on retrouve bien le souci des autorités territoriales d’en rester au « territoire » fragmenté en branches, seigneuries et bailliages dont le chapitre 2 a déployé les différentes dimensions. Le 21 novembre, Zeuner rassemble de nouveau les représentants des communautés et leur annonce :
Pour autant que l’on puisse savoir, ils ont payé 27 000, d’autres disent 29000 thalers, de trop à la Maison Schwarzburg et, par conséquent ce surplus devrait être retranché à l’avenir et ainsi ils n’avaient pas besoin de payer quoi que ce soit d’autre, ce qu’ils sont chargés d’annoncer à leurs communautés65.
33Zeuner quitte Kelbra à midi, à l’issue d’un discours qui a sans doute ravivé le ferment de la sédition, et après avoir intimé au vice-bailli de Kelbra de « laisser partir la milice employée pour l’exécution et de rendre par compensation aux sujets du bailliage ce que, selon lui, ils avaient payé en trop66 ».
34Cette intervention des bailli et vice-bailli saxons est justifiée auprès des autorités Schwarzburg non seulement au titre de la suzeraineté saxonne sur les deux bailliages, mais encore par leur volonté de désamorcer une sédition qui menace, « car il serait fort préjudiciable à tous égards, et dommageable, que les sujets aient l’audace de se révolter et de rejeter l’obéissance67 ». Il va de soi que la Saxe, en se posant ainsi en médiatrice, et plus encore en établissant par la production du chiffre que les sujets ont été surprélevés, attise le conflit au moins autant qu’elle ne l’apaise. Au reste le chancelier et les conseillers de Sondershausen ne s’y trompent pas lorsqu’ils répondent, le 4 décembre 1714 :
C’est ainsi que Son Excell. [le prince de Schwarzburg] est tout à fait persuadée, et c’est une chose évidente, que l’intention de Votre Seigneur [l’électeur de Saxe] est bien davantage de soutenir et de causer le désordre et la révolte des sujets, plutôt que de l’empêcher, comme il le prétend […]. De même, le prétexte de la suzeraineté électorale saxonne (que Son Excell. princière conserve de tout temps dans une estime respectueuse) n’est ici pas davantage recevable, à moins d’en étendre l’exercice de juridiction à un degré tel, dans les localités de la principauté de Sondershausen, qu’il serait contraire à toute la coutume de l’Empire, puisque ni Sa Maj. impériale elle-même, ni aucun autre haut état d’Empire n’aspirent ou ne peuvent aspirer à de tels droits, d’après le droit féodal, pour les fiefs dont d’autres états d’Empire sont vassaux, faute de quoi une extrême confusion naîtrait dans l’ensemble de l’Empire romain68.
35La Saxe est donc explicitement accusée d’attiser la sédition dans le but d’accroître ses droits et sa juridiction sur les terres des princes de Schwarzburg. Mais ces derniers ripostent aussi en s’adressant directement à l’empereur et au Conseil impérial aulique. Ils affirment que les sujets de Kelbra et Heringen n’ont pas versé ce qu’ils devaient au titre des mois romains et Wolff Philipp Panzer, leur représentant à Vienne, implore l’aide de l’empereur à la fois contre les sujets et contre les prétentions de la Saxe, accusant celle-ci de chercher à
pousser leur pays dans la ruine la plus totale et, en lui retirant chaque jour davantage de ses forces, [à] le soustraire au lien immédiat qui les relie à Vous, et à le rendre incapable d’effectuer les prestations dues69.
36Le lien entre conflit de médiatisation, conflit de sujets et paiement des impôts impériaux est rarement explicité avec davantage de clarté que dans cette brève formule. Parallèlement, les Schwarzburg ont porté l’affaire à la connaissance du Conseil impérial aulique. Le 15 décembre 1715, Praun, l’agent des Schwarzburg auprès du tribunal, présente leurs doléances et réaffirme que les Schwarzburg ont toujours levé les impôts d’Empire dans les deux bailliages, que ce droit « n’a jamais été nié ni disputé, et que la haute Maison électorale de Saxe n’a, de surcroît, jamais prétendu au moindre droit de regard à ce propos70 », ajoutant que le bailliage de Tennstedt n’a pas juridiction sur Kelbra et Heringen.
37La conclusion du recès de 1719, beaucoup plus favorable à la Saxe que les précédents, met apparemment fin à l’affaire, du moins dans la seigneurie inférieure. Les deux bailliages de Kelbra et Heringen passent sous l’autorité territoriale de la Saxe, et les Schwarzburg n’y lèveront plus d’impôts impériaux. Mais dès 1716 avait ressurgi un conflit antifiscal, cette fois dans la seigneurie supérieure, connu dans l’historiographie sous le nom de Bulisiusscher Landstreit.
• Le conflit dit « de Bulisius » (1716-1731)
38Le conflit dit « de Bulisius », du nom de l’avocat et meneur de la contestation, ne concerne que très marginalement les impôts d’Empire, c’est pourquoi nous ne lui accorderons qu’un traitement rapide. Il est cependant indispensable d’en saisir les grands moments, non seulement parce qu’il secoue les pays Schwarzburg durant quinze ans et constitue un moment important de la confrontation entre autorités et gouvernés sur la question fiscale, mais encore parce qu’il permet de saisir l’articulation entre refus de l’impôt d’Empire et de l’impôt territorial.
39Dès 1712, les sujets se plaignent de la multiplication des échéances fiscales comme de la violence avec laquelle elles sont levées. L’élément véritablement déclencheur de la révolte est un nouvel impôt pour la construction de maisons de correction et d’orphelinats : comme souvent, c’est l’échec des tentatives de porter des suppliques au prince en avril 1716 qui entraîne une radicalisation de l’insurrection, d’autant qu’il s’ensuit une saisie exécutive à Blankenburg en janvier 171771. En 1718, les sujets portent l’affaire devant la Chambre de justice impériale et, à l’été 1719, les seigneurs se tournent, eux, vers le Conseil impérial aulique72. Les deux instances, saisies en même temps par chacune des deux parties, rendent, à quelques mois d’écart, des jugements contradictoires : le Conseil impérial aulique se contente d’enjoindre aux sujets d’obéir et de payer les sommes dues, tandis que la chambre de Wetzlar délivre un mandat qui leur est beaucoup plus favorable.
40C’est à ce moment que les insurgés parviennent, parallèlement, à gagner à leur cause la duchesse douairière Anna Sophie, mère du prince régnant, qui accepte de les soutenir tant financièrement qu’en mobilisant à leur profit son réseau auprès du Conseil impérial aulique73. Les insurgés obtiennent grâce à son soutien un rescrit en leur faveur (26 janvier 1723), ainsi que la mise en place d’une commission de la Saxe-Gotha, comme ils l’avaient réclamé74. Malgré cela, le prince obtient le transfert de la commission à la Hesse-Kassel, mais surtout une révision du procès en 1728, qui débouche en 1731 sur un jugement final du Conseil impérial aulique extrêmement défavorable aux sujets75.
41L’ensemble du conflit exprime merveilleusement l’absence totale de transcendance normative et de pouvoir suprême dans l’Empire, mais révèle aussi la place qui revient aux sujets dans cette configuration de compétition permanente entre entités et lieux de pouvoir. Loin d’être des objets passifs manipulés par les puissants, ils apparaissent comme des acteurs à part entière, dans une configuration propice qui leur laisse une marge de manœuvre réelle, puisque aussi bien la Saxe électorale que certains membres de la Maison peuvent épisodiquement s’avérer de précieux alliés de circonstance. Chez les Schönburg, peu après, la conclusion du recès de 1740 est là encore l’occasion d’une renégociation des termes du pouvoir avec les sujets, qui tentent, sans grand succès cette fois, de tourner la situation à leur avantage.
Les conséquences du recès de 1740 sur la contestation antifiscale chez les Schönburg
42La situation est à la fois analogue et différente de celle qui prévaut chez les Schwarzburg entre 1714 et 1731. Analogue, car ici aussi, la Saxe électorale intervient, dit-elle, sur la demande de sujets qui s’estiment surprélevés et font appel à sa « protection », en la plaçant dans la position archétypique du Landesvater, le père du pays. C’est le bailliage de Zwickau qui est, cette fois, commissionné pour enquêter sur les doléances des sujets. Mais les Schönburg sont bien plus vulnérables que les Schwarzburg, aussi bien face à la Saxe que vis-à-vis de leurs sujets : la mémoire de la grande révolte des années 1650-1680 demeure vivace, d’autant que la contestation ne s’est, semble-t-il, jamais entièrement éteinte76. Le rapport de force entre les différentes parties impliquées est donc sensiblement différent, notamment en raison du fait que la Saxe a globalement obtenu satisfaction par les recès et qu’elle est désormais intéressée au prélèvement fiscal des Schönburg.
43Les recès de 1740, qui scellent provisoirement un nouveau statut politique pour les Schönburg, prévoient qu’un tiers du produit de l’impôt ordinaire soit reversé à l’électeur de Saxe : pour ce faire, celui-ci est décuplé et passe de deux fois trois deniers par an (6 deniers) à deux fois trois, plus six fois neuf deniers (6 deniers et 54 deniers, soit 60 deniers, soit 5 groschens). En outre, la décision de lever des impôts extraordinaires pour couvrir les dépenses impériales en mois romains ou en frais militaires est soumise à l’approbation préalable de l’électeur77.
44Les sujets réagissent immédiatement à la conclusion du recès par un refus de verser les nouveaux impôts ordinaires décuplés. Le 14 octobre 1740, les sujets de Glauchau et certaines communautés environnantes annoncent leur refus de contribuer. Comme précédemment chez les Schwarzburg à Heringen et à Kelbra, c’est la mise en œuvre d’une procédure de saisie exécutive qui conduit les sujets à rechercher la « protection » de l’électeur de Saxe ; en mars 1741, ils font appel à la « régence du pays » (Landesregierung) à Dresde78. Les sujets, qui se nomment « l’ensemble des sujets Schönburg79 », se plaignent de la prolifération des prélèvements, en particulier des redevances seigneuriales, du poids des impôts d’Empire, et tirent argument de la non-publication des recès pour établir le fait que ceux-ci ne sont pas contraignants pour eux80 : l’argument sera mobilisé durant toute la seconde moitié du xviiie siècle. L’appel des sujets est rejeté en mai81. La réponse de la Saxe est ferme : les résistances doivent être matées, les sujets, payer leur dû et le meneur, un certain Schwägerchen, être arrêté. Pourtant, les sujets produisent de nouveau une supplique à l’adresse de l’électeur, au mois de juin 1741, invoquant le fait que « pas un iota de ce recès n’a jusqu’ici été publié » et que l’on s’est contenté d’exiger d’eux la nouvelle contribution de neuf fois 6 deniers82. L’électeur, tout en réitérant ses injonctions à l’obéissance, charge le bailliage de Zwickau d’enquêter sur les doléances des sujets, et la commission remplit une fonction en partie analogue à celle qui prévalait chez les Schwarzburg.
45Les commissaires du bailliage de Zwickau se rendent à Glauchau entre le 19 et le 21 décembre 1741, et entendent successivement les représentants de l’administration Schönburg et ceux des sujets83. Ils étudient les comptabilités et interrogent les incohérences (« pourquoi un impôt à 3 deniers ne rapporte-t-il pas exactement la moitié d’un impôt à 6 deniers84 ? »), forçant les administrateurs à rendre des comptes. La commission examine aussi en détail les registres individuels de chaque localité afin « de parvenir à un véritable cadastre85 » et recueille ainsi un nombre important de chiffres sur l’organisation financière et fiscale des pays Schönburg, ce qui représente une ingérence conséquente dans les arcanes. En revanche, les sujets n’y trouvent que peu leur compte : l’électeur, intéressé à la perception de son tiers, ordonne en octobre 1742, puis de nouveau en septembre 1743, une procédure de saisie exécutive. Il intervient d’ailleurs en tant que prince territorial (Landesherr) du pays Schönburg, et non en tant que prince convoquant du cercle de Saxe supérieure. La tentative d’en appeler à la « protection » électorale contre l’arbitraire fiscal fait ainsi long feu : la configuration a changé et la Saxe n’a plus aucun intérêt à soutenir les « rénitents ».
La première moitié du xviiie siècle est donc caractérisée par les ingérences de l’électeur de Saxe et de ses représentants dans les pays Schwarzburg et Schönburg. Celui-ci profite des rébellions pour se poser en prince protecteur et bienveillant, chaque fois par l’intermédiaire d’un bailliage local et contigu (Tennstedt dans le cas de Heringen et de Kelbra, Zwickau dans celui des Schönburg). Le trait le plus singulier de cette période est sans doute l’incidence extrêmement marquée de la conclusion des différents recès, dont les sujets s’emparent : s’ils en sont victimes, en raison des prélèvements accrus que ces accords génèrent dans les deux cas, ils ne sont pas simplement agis par ces rivalités puisqu’ils s’efforcent, avec plus ou moins de bonheur, de continuer à faire jouer la rivalité entre les comtes et princes et la Saxe électorale. Le lourd héritage financier de la guerre de Sept Ans et le contexte séditieux de la Révolution française font resurgir une contestation spécifiquement dirigée contre les impôts impériaux. Mais cette fois, hormis chez les Schönburg, la Saxe est en net retrait.
Renouveau des contestations et des contagions : la seconde moitié du xviiie siècle
46La seconde moitié du xviiie siècle est marquée par un regain des contestations dans les trois espaces et l’on retrouve des concomitances frappantes. Elles sont liées dans un premier temps au poids de la guerre de Sept Ans, qui a ravagé les espaces saxon et thuringien peut-être davantage encore que la guerre de Trente Ans et engendre partout un endettement important, auquel s’ajoute la grande famine de 1770-1772 qui, en Saxe, fait près de 60000 morts86. Dans un second temps, les échos de la Révolution française et le déclenchement de la guerre d’Empire contre la France éveillent une atmosphère séditieuse qui embrase l’ensemble de la Saxe et de la Thuringe. De nouveau, les révoltes surgissent de manière synchrone et les revendications circulent de manière frappante, prenant un tour radical, enrichi de surcroît par les réflexions nouvelles sur la fiscalité. Tandis que chez les Reuss et les Schwarzburg les conflits avec la Saxe ont été globalement résolus, chez les Schönburg ils continuent de peser sur la conflictualité entre seigneurs et sujets et, adossés au contexte révolutionnaire, lui confèrent une dimension tout à fait singulière.
Unité et division des pays Reuss : la chevalerie de Gera contre la branche cadette des Reuss (1770-1778)
47Les années 1770 sont marquées dans la seigneurie de Gera par une fronde de l’assemblée des états à propos des dettes héritées de la guerre de Sept Ans. Ni la Saxe ni ses représentants n’interviennent plus. On retrouve en revanche de façon très nette l’opposition entre des comtes régnants soucieux de maintenir l’étanchéité des branches et des « portions du pays » d’un côté, et des administrés qui jouent sur ces rivalités pour pousser à l’unification de l’autre : la chose est rendue plus explicite encore par le fait que la contestation est portée cette fois par l’assemblée d’états (Landschaft), qui entend « représenter l’ensemble du pays ».
48Les pays de la Maison Reuss en général, mais plus encore la seigneurie de Gera, ont été très fortement touchés par la guerre de Sept Ans. À l’issue de la guerre en 1764, le pays est lourdement endetté, alors même que ses capacités sont très diminuées par l’ensemble des déprédations subies, car les armées n’ont cessé de traverser le pays. Si la guerre pèse longuement sur l’économie et la démographie, elle pèse aussi durablement sur la contestation. En 1764, l’assemblée du pays (Landschaft) consent des impôts extraordinaires pour six ans, afin de rembourser les créanciers et les avances faites par les comtes. La seigneurie de Gera prend en charge 134000 thalers87. Ces deniers ont par conséquent un statut intermédiaire et ambigu, entre impôts d’Empire, liés au coût de la guerre et théoriquement soustraits au contrôle des états, et dette publique, traditionnellement administrée par la Landschaft88.
49En 1770, au moment où les comtes souhaitent renouveler ces impositions extraordinaires pour continuer à apurer leurs dettes, l’assemblée du pays, par la voix de la chevalerie, exige de consulter les comptes de l’impôt, car le comte de Reuss-Gera affirme qu’il reste encore 100000 thalers à payer. Le comte refuse, si bien que la Landschaft ne consent d’impôts que pour deux ans. De là naît un conflit d’au moins huit ans, durant lequel la chevalerie de Gera tente d’obtenir une vision claire de l’état des dettes du pays et des impôts demeurant à payer. Mais l’assemblée d’états joue un rôle ambivalent : si elle offre un cadre institutionnel à la contestation, elle est aussi le vecteur d’une mainmise sur le conflit par la noblesse vassale89, si bien que la contestation est captée par une frange qui n’est pas directement contribuable.
50Durant les deux premières années (1770-1772), le conflit est cantonné à la seigneurie de Gera, avant d’être porté à la connaissance de la chambre de justice de Wetzlar, puis de s’étendre à l’ensemble de la branche cadette des Reuss, contre la volonté des comtes régnants, qui entendaient le considérer comme une « affaire particulière » de la seigneurie de Gera. C’est de nouveau ici la contestation qui pousse à l’unification, et les gouvernants qui tentent de maintenir une fragmentation qui est à la fois la condition pragmatique et le sens même de leur gouvernement. À la supplique des bourgeois de Gera en octobre 1774, dans laquelle ceux-ci annoncent qu’ils se joignent au procès devant la chambre de justice de Wetzlar, les autres comtes régnants de la branche cadette90 répondent que « cette affaire concerne uniquement une modération des impôts et des contributions dans la seigneurie de Gera, et que pour l’instant elle ne touche pas proprement à l’intérêt public […] », et préconisent de leur demander de « s’adresser, avec leurs prétendues doléances, à leur prince territorial spécifique91 ». Mais en portant l’affaire devant la Chambre de justice impériale, la chevalerie intente l’action contre « l’ensemble des seigneurs comtes de Reuss de la branche cadette et en particulier contre le seigneur Heinrich XXX ». Les comtes des autres branches refusent d’être impliqués dans l’affaire et invoquent la séparation qui prévaut, entre branches régnantes, en matière fiscale :
Le directoire et l’administration de la caisse des impôts […] dépendent pour finir uniquement de chaque seigneurie spécifique, et les comptes n’en sont présentés qu’aux états spécifiques de celles-ci et ne sont justifiés que devant eux, en plus du directeur, sans que chaque fois, les autres princes territoriaux (Landesherrschaften), et moins encore leurs états spécifiques, n’en reçoivent la moindre information. […] Comment [les comtes régnants] pourraient-ils subitement se mêler d’affaires qui leur sont étrangères (frembd) et ne les concernent en rien et par là, se faire imposer une communauté d’affaires inquiétante et telle qu’elle n’a jamais existé92 ?
51C’est ainsi toute la constitution fiscale du pays qui est interrogée par les états de Gera et, en invoquant la solidarité fiscale des différentes portions du pays, ils posent la question de son unité. Le procès se déroule, comme dans les cas précédents, à travers une alternance de mandats donnant raison tantôt à l’une, tantôt à l’autre partie. La Landschaft reçoit le conseil de l’éminent juriste Johann Stephan Pütter, au nom de la faculté de Göttingen, en avril 1773. Ce n’est qu’en 1785 que la chambre de Wetzlar rend un avis, qui ordonne aux états de continuer à payer les contributions jusqu’à remboursement de la dette, mais leur reconnaît un droit de regard sur les comptes et impose au XXXe comte de Reuss de ne pas exiger sans leur consentement d’autres impôts que les impôts d’Empire – sans trancher sur le cas ambigu des dettes de guerre qui est au cœur du litige.
52De nouveau, le conflit chez les Reuss circule et fait l’objet de réappropriations dans le territoire voisin des Schönburg. Si désormais, chez les Reuss, l’électeur de Saxe est tenu relativement à l’écart des conflits, c’est tout le contraire chez les Schönburg : en 1778, alors que survient l’un des épisodes les plus intensément conflictuels avec la Saxe, les sujets entendent tirer parti de ces rivalités pour faire valoir leurs droits, tout en s’appuyant partiellement sur la contestation qui a eu lieu chez les Reuss.
Les événements de 1777-1778 chez les Schönburg : réappropriation des conflits entre les « grands » et sédition antifiscale
53Après trois décennies durant lesquelles la contestation antifiscale semble sommeiller – du moins ne laisse-t-elle pas de traces dans la documentation –, elle est réactivée en 1778 sous la double impulsion des coûts engendrés par la guerre de Sept Ans et du conflit avec la Saxe électorale. C’est dans la voie ouverte par ce dernier qu’émerge une vaste contestation contre l’impôt impérial, prise en charge presque immédiatement par la chambre de Wetzlar. L’année 1778, où commence véritablement le conflit, est celle du bref interstice durant lequel les recès conclus en 1740 avec la Saxe sont officiellement rompus, avant que la suzeraineté sur les arrière-fiefs ne soit transférée de la Bohême à la Saxe lors de la paix de Teschen93.
54En décembre 1777, les comtes de Schönburg publient deux patentes exigeant, l’une, l’impôt ordinaire à 5 groschens par soixantaine (Schock) et l’autre, un impôt extraordinaire pour payer les reliquats d’impôts impériaux dus depuis la guerre de Sept Ans, à 5 groschens par soixantaine également94. En janvier 1778, sitôt les patentes fiscales publiées, les bourgeois des villes se réunissent et décident de rejoindre les communautés rurales qui ont déjà résolu de transmettre une supplique à l’empereur pour demander une diminution partielle ou une rémission totale des deux impôts, impérial et territorial. La cassation du recès est invoquée immédiatement par les bourgeois de Glauchau pour légitimer leur demande : le décuplement de l’impôt territorial n’a, selon eux, plus lieu d’être95.
55Le 23 février, en l’absence de réponse, « l’ensemble des sujets » des seigneuries de recès, ruraux et urbains, transmettent une supplique commune à la régence de Glauchau, réitérant leurs demandes et sollicitant une réponse. La régence répond le 7 mars, accordant simplement un délai de paiement de trois mois pour l’impôt d’Empire et de quatorze jours pour l’impôt ordinaire, après quoi sera procédé à l’exécution sans sommation supplémentaire96. Mais sitôt après, les comtes de Schönburg font arrêter Johann Michael Nösel et Christian Gottfried Kirsch, tous deux quarteniers (Viertelmeister) à Merane, pour avoir organisé des rassemblements et des collectes, et leur infligent une amende de 20 thalers97.
56Ces arrestations radicalisent le conflit et les suppliques se font de plus en plus menaçantes, réclamant la fin de la répression contre les meneurs et un droit de regard sur « la vraie situation de la dette du pays98 ». Elles invoquent les décisions prises par les tribunaux impériaux sur des questions similaires pour prouver à la régence « que le refus de nous présenter les comptes et leur justification par une récente résolution nous fournit une raison tout à fait conforme au droit pour mener une plainte en haut lieu99 » ; les exemples mobilisés sont au reste révélateurs de la circulation de l’information et de la publicité dont font l’objet les conflits dans l’Empire, puisque sont cités : le Mecklenbourg, l’Anhalt, le Bernburg, les Schwarzburg, Lippe et les Reuss. Les sujets font dans ce dernier cas référence à un conflit « tout récent », très probablement celui mené par les états de Gera. D’ailleurs l’exemplaire imprimé du conflit des états de Gera en 1774 conservé à la bibliothèque de Leipzig comporte au dos la signature manuscrite du comte Albrecht Christian Ernst de Schönburg100, révélant combien les gouvernants se tiennent au fait des conflits des états voisins.
57Les sujets finissent donc par porter leurs doléances devant la Chambre de justice impériale à Wetzlar. Le procès est pris en charge par un avocat jouissant d’une réputation et d’une surface conséquentes, Christian Jacob von Zwierlein101, et il prend formellement la suite de l’action intentée au milieu du xviie siècle. Il en porte d’ailleurs la mémoire, puisque Zwierlein produit à titre de pièces justificatives le mandat du 13 octobre 1664 et le recès de Carlsbad de 1681 par lesquels le conflit avait été réglé. Il synthétise les revendications portées précédemment par les sujets dans leurs diverses suppliques à la régence, exigeant principalement un droit de regard sur les comptabilités fiscales de l’impôt ordinaire et extraordinaire, et le droit de se rassembler, ce qui constitue une relative nouveauté. Mais quelques mois après la prise en charge du conflit par la chambre de Wetzlar, le 3 novembre 1778, les représentants de quatre villes et quarante-deux communautés villageoises qui se sont rendus à Glauchau sont repoussés par des soldats qui les molestent et tirent sur un certain nombre d’entre eux. Nous reviendrons amplement sur l’analyse de cet épisode et sur le statut de la violence : en revanche, il convient de souligner que la Saxe, au prétexte de ces événements, s’efforce de faire valoir ses droits, dans l’interstice durant lequel le recès de 1740 a été cassé, mais avant qu’elle n’aie récupéré la suzeraineté sur l’ensemble des terres Schönburg par la paix de Teschen.
58L’électeur intervient, en effet, en février 1779 au prétexte des troubles de novembre, soit près de trois mois après les événements : le véritable déclencheur semble bien plutôt ici le mandat de la chambre de Wetzlar qui, le 30 janvier 1779, ordonne aux Schönburg de libérer les sujets emprisonnés102. L’intervention saxonne semble donc surtout viser à couper court à l’action de Wetzlar qui, si l’on considère que les Schönburg font partie de son territoire, constitue une atteinte à son intégrité territoriale et à son jus de non appellando. En 1786 encore, dans son ouvrage Droit public et statistique de l’électorat de Saxe, Karl Heinrich von Römer, en bon porte-parole de la position saxonne, écrit au sujet de ce conflit :
Il était sans conteste entièrement contraire aux droits que les sujets des comtes et seigneurs de Schönburg aient l’audace de porter leurs doléances contre les charges que leur imposaient leur princes territoriaux subordonnés devant la Chambre de justice impériale en 1779. La connaissance en appartenait uniquement à l’électeur de Saxe, en tant que juge compétent des comtes, seigneurs de Schönburg, et ce dernier est en possession du droit bien fondé qu’aucun sujet ne puisse l’évoquer devant [une juridiction] d’Empire ou autre103.
59Zwierlein affirme au contraire durant le procès que l’affaire « concerne des droits qui n’ont aucun rapport avec le lien féodal » : par conséquent, l’électeur n’a pas voix au chapitre. Il demande au tribunal de protéger les sujets des entraves mises à leur recours judiciaire aussi bien par les Schönburg que par l’électeur de Saxe, requiert des sauf-conduits pour les représentants et un mandat contre l’intervention de l’électeur104.
60Les comtes de Schönburg se retrouvent, eux, dans une position fort ambivalente : le recours à la juridiction impériale est dangereux pour l’affirmation de leur pouvoir sur les sujets, mais conforte leur position vis-à-vis de l’électeur. Ils affirment au contraire de Zwierlein que « cette affaire est une affaire féodale105 » et qu’ils détiennent depuis toujours le jus collectandi106 ; ils en déduisent que l’affaire concerne la Cour féodale de Prague, ce qui leur permet de botter en touche : tout en garantissant leur immédiateté d’Empire (et leur suzeraineté bohême), la Cour a également l’avantage d’avoir débouté les sujets107.
61L’entrelacement des ordres de conflits surgit ici avec une netteté singulière et l’on voit combien ces intrications contraignent chaque groupe d’agents à se repositionner en permanence et à prendre parti. L’affaire demeure pendante sur le plan judiciaire. Et de nouveau, la sédition refait surface dans la documentation, moins de quinze ans plus tard : en 1792, l’électeur de Saxe prend en charge une commission de médiation, mais celle-ci n’ayant pas abouti, il fait porter l’affaire devant sa cour d’appel, à Dresde108. Si les individus impliqués sont parfois les mêmes et si les revendications sont globalement stables, à quelques inflexions près, le contexte, lui, a changé : la Révolution française a éclaté, suscitant parmi les élites politiques et sociales des craintes non dépourvues de fondement, d’autant que la période est marquée en Saxe et en Thuringe par des révoltes de grande envergure. Les conflits qui surgissent alors chez les Schönburg, les Schwarzburg et les Reuss prennent appui sur cette atmosphère chargée d’un type de sédition à la fois ancien et nouveau et gagnent en intensité.
Fiscalité et (dés-) ordre social pendant la Révolution française
62La dernière décennie du xviiie siècle révèle une fois de plus la coïncidence des révoltes dans les pays des trois Maisons, les circulations séditieuses qui s’opèrent avec l’environnement saxon et, pour le cas des Schönburg, le maintien d’un entrelacs permanent des conflits de sujets avec le conflit dit « territorial ».
• Réception de la Révolution française en Saxe et en Thuringe, 1790-1793
63Les révoltes des années 1790 chez les Reuss, les Schönburg et les Schwarzburg ne sauraient se comprendre sans prise en compte des événements qui touchent la Saxe électorale au même moment, lorsque éclatent plusieurs vagues de révoltes en référence explicite à la Révolution française. Le grand soulèvement saxon de 1790 se compose en réalité de deux révoltes assez distinctes. La première éclate en Suisse saxonne, non loin de Dresde, les 23 et 24 mai 1790. Elle est dirigée principalement contre le privilège de chasse électoral, qui interdit aux paysans de chasser eux-mêmes le gibier de leurs propres champs109. Après une accalmie, la sédition reprend au début du mois d’août. Le 22 août, deux mille paysans armés de faux gagnent la ville de Misnie pour y faire libérer leurs meneurs emprisonnés – et y parviennent. La révolte gagne au nord, au sud et à l’ouest vers les Monts métallifères : partout on y déclare la suppression des services et des corvées ; elle atteint la partie saxonne des seigneuries Schönburg110 le 23 août, de façon tardive mais virulente, et la révolte y perdure plus longtemps qu’ailleurs. La répression parvient à étouffer le soulèvement à la fin août111.
64Les pays Reuss sont également touchés, en particulier la seigneurie de Gera, et selon les autorités il y a « toute apparence qu’il se produise une conspiration des sujets d’ici avec les voisins de l’étranger112 ». Le 10 septembre 1790, l’avocat de la régence des Reuss rapporte au chancelier qu’un « ordre circule dans les communautés villageoises, pour rassembler tous les sujets et vassaux mardi prochain, le 14, se rendre à la régence et exiger la publication d’un décret qui, disent-ils, serait parvenu de Wetzlar, et selon lequel tous les droits féodaux auraient été abolis113 ». Il s’ensuit une solidarité cette fois rapide et solide entre les différentes branches régnantes, qui viennent à bout de l’insurrection en faisant arrêter les députés, en interdisant les avocats extérieurs au territoire et la circulation des brochures anonymes accusées d’attiser la sédition114. D’autre part, les Reuss font appel au soutien militaire des Schwarzburg en septembre 1790115. Le conflit, porté devant les tribunaux impériaux et la cour féodale de Prague, se perpétue jusqu’en 1799.
Si ce premier soulèvement était principalement rural, les villes saxonnes prennent le relais de la contestation en 1793, dans le cadre de la Diète territoriale (Landtag) : l’agitation de la curie des villes, plus institutionnelle et moins violente, finit néanmoins par dépasser de très loin le cercle de l’assemblée. La question fiscale est au cœur des préoccupations et quoique l’on retrouve dans le discours d’ouverture de la Diète le topos d’une Allemagne libre échappant au despotisme, par opposition au peuple français accablé d’impôts116, gouvernants et gouvernés ne sont pas dupes : l’écho de la Révolution française se fait puissamment sentir. Ainsi l’ambassadeur anglais à Dresde :
C’est une triste vérité que le succès des armées françaises produit de néfastes effets sur l’esprit de la multitude, même dans cette partie centrale de l’Empire […]. Je ne crois pas que le corps du peuple soit mû par aucun esprit d’hostilité particulier à l’encontre des Français […]. Une majorité, peut-être, incline même dans un sens manifestement contraire117.
65Or cet « esprit » conditionne bien évidemment la bonne volonté des états et des sujets à consentir les subsides réclamés, dont on craint que la guerre d’Empire déclarée en 1792 n’accroisse beaucoup le poids. Sur 128 villes représentées à la Diète saxonne, 98 signent une série de doléances qui prennent à partie l’exemption nobiliaire. Si la contestation dans le cadre de la Diète elle-même est rapidement désamorcée, les brochures élaborées à sa faveur circulent dans l’ensemble du pays, et la « controverse des brochures » (Broschürenstreit) représente un moment d’intensification de la discussion sur la fiscalité et d’élargissement de l’espace public118.
• Les sujets Schönburg contre l’impôt d’Empire (1791-1797) : contexte révolutionnaire et conflit « territorial »
66La contestation héritée de la guerre de Sept Ans reprend chez les Schönburg en 1791-1792 à la faveur de la levée des nouveaux impôts d’Empire pour financer la guerre contre la France révolutionnaire, mais on note un infléchissement frappant des revendications des sujets sous l’influence du contexte119. De surcroît le procès se déroule pour la première fois entièrement devant une juridiction saxonne, alors que les Schönburg viennent d’être élevés au rang de princes d’Empire en 1790 et qu’enfin, ils sont parallèlement en procès contre l’électeur devant le Conseil impérial aulique depuis 1782 pour la définition du statut des fiefs des anciennes seigneuries dites « de recès ». Les conditions pour que les sujets obtiennent satisfaction sont ainsi, une fois n’est pas coutume, largement réunies.
67En septembre 1792, ceux qui se nomment « l’ensemble des sujets Schönburg » portent leurs doléances devant la cour d’appel de Dresde après avoir élu plusieurs « syndics » pour les représenter à la fin de l’année 1791. La plaidoirie de l’avocat des comtes, Christian Lobrecht Seyfert, commence avec une précaution qui donne la mesure de l’embarras dans lequel ces derniers sont mis par le conflit avec l’électeur :
Le mandataire des seigneurs défendeurs affirme avant toute chose dès le début de cette plaidoirie que tout ce qui sera introduit par la suite pour affirmer les droits des seigneurs ses mandants […] ne l’est pas le moins du monde dans l’intention de porter atteinte aux droits de la Maison électorale […] et par conséquent, s’il devait être amené à faire une assertion qui pourrait n’être pas en stricte conformité avec les recès conclus, la partie défenderesse espère d’autant plus qu’on le lui pardonnera, que la variété des circonstances le rend nécessaire, et que les seigneurs défendeurs ne peuvent faire autrement, pour affirmer efficacement leurs droits, que d’introduire et d’expliquer les prérogatives dont a joui la Maison Schönburg avant et après la conclusion du recès principal de l’année 1740120.
68L’avocat doit donc se livrer à un certain nombre d’acrobaties argumentatives pour affirmer les droits des Schönburg sur leurs sujets sans porter atteinte aux prérogatives saxonnes ni risquer de relancer le conflit territorial. Il insiste à de multiples reprises sur la détention légitime du jus collectandi par les Schönburg en tant qu’états d’Empire et princes territoriaux, tout en invoquant le fait que ces qualités ont été reconnues et concédées par l’électeur lors des recès de 1740. À l’inverse, l’avocat des sujets s’emploie, lui, et comme l’avait fait avant lui Zwierlein en 1778, à disjoindre les ordres de conflits. À l’assertion de Seyfert, l’avocat des sujets rétorque avec ironie et non sans emphase :
De même que la partie demanderesse est tout à fait convaincue que Monsieur l’avocat des seigneurs défendeurs respectera scrupuleusement ses devoirs de fidèle sujet saxon […], et que toute intention de mettre en doute les droits de la maison électorale de Saxe sera fort éloignée de lui, de même il prie tout autant et tout aussi instamment que l’on se convainque de la même chose pour la partie demanderesse, à savoir que celle-ci recherche avec impartialité le salut et l’honneur de ce conflit judiciaire non pas dans une immixtion des droits du prince territorial, mais dans l’éclat de la vérité et de la justice121.
69L’ensemble de la discussion s’articule donc autour des dispositions des recès de 1740, qui sont d’ailleurs reproduits intégralement parmi les pièces justificatives122. Le procès contraint de nouveau les Schönburg à mettre en discussion la nature et la définition de leur pouvoir. D’ailleurs, la résolution du conflit intervient dans un sens extrêmement favorable aux sujets : obtention d’une nouvelle assiette de l’impôt sous forme de capitation, élargissement de l’impôt à des franges jusque-là exemptées, réduction du montant dû, obtention d’un droit de regard sur les comptabilités et d’une contribution des comtes et princes eux-mêmes123. À l’issue d’un siècle et demi de contestations, les sujets Schönburg, soutenus par le tribunal électoral dans le contexte des troubles révolutionnaires, obtiennent donc très largement gain de cause.
70Chez les Reuss, un soulèvement a lieu à Schleiz en 1796, mais il est attesté uniquement dans la littérature secondaire et semble n’avoir pas laissé de trace dans la documentation conservée124. Il révèle cependant une fois de plus la force des synchronismes entre les trois espaces. Chez les Schwarzburg en revanche, les refus d’impôt des années 1790 attestent de nouveau la circulation des revendications et des modèles, comme le poids du contexte révolutionnaire.
• Concurrence des groupes urbains et séditions (Franckenhausen 1793-1795)
71Le conflit qui agite la ville de Franckenhausen en 1793-1794 met au jour la proximité des revendications avec les insurgés Schönburg et saxons : on y retrouve la même réflexion sur l’assiette la plus appropriée à la fois en termes d’efficacité et d’équité, ainsi que l’exigence de mettre fin aux exemptions pour parvenir à une imposition aussi universelle que possible. Mais, contrairement au cas des contribuables Schönburg, le conflit manifeste ici les divisions qu’engendre la fiscalité d’Empire au sein de la bourgeoisie urbaine et la concurrence de ses fractions auprès des autorités pour obtenir un mode de prélèvement et une assiette qui leur soient favorables.
72Au moins quatre groupes de la société urbaine sont en compétition pour déterminer le mode de prélèvement des impôts d’Empire. La ville de Franckenhausen doit payer 3000 thalers pour l’année 1793. Le 4 octobre 1793 sont réunis au conseil de la ville les quarteniers, les sauniers, une importante corporation dans une ville où l’extraction du sel constitue une source majeure de la création de richesse125, les bouchers et les meuniers. Le conseil urbain recommande dans un premier temps le recours à des impôts sur la consommation (sur la farine, le vin, la viande, la bière et le sel) ; mais les quarteniers s’y opposent, au motif que ces impôts pèseront sur les franges les plus pauvres, et proposent de recourir plutôt à un impôt sur la fortune (Vermögenssteuer) ; le conseil urbain prône, lui, une souscription et des contributions volontaires, ou, si celles-ci devaient être insuffisantes, une capitation. Les sauniers, pour leur part, sont favorables à un recours au pied des contributions ordinaires. Nous reviendrons ultérieurement en détail sur le contenu de ces revendications et leur portée en tant qu’ingérence politique fondée sur la détermination de l’ordre social par l’impôt. Toujours est-il que bouchers, meuniers et aubergistes produisent une supplique pour protester contre les impôts sur la consommation ; elle est rejetée et on intime aux maîtres de se soumettre. Mais si les meuniers obtempèrent, bouchers et aubergistes poursuivent la contestation. Le maire et le conseil urbain, de leur côté, avaient fait acte de soumission et fourni des garanties de respect de l’autorité et de l’ordre social, lorsqu’ils remerciaient le prince en écrivant, le 19 février 1794 :
Nous avons tant de raisons de nous réjouir, le cœur empli de reconnaissance, que nous tous, sujets de Schwarzburg, en ces temps terribles de guerre, puissions jouir d’une pleine tranquillité et sécurité et être même épargnés de la mise sur pied du contingent militaire impérial, grâce à l’intervention du très haut père de ce pays ; nous nous sentons extraordinairement obligés à une reconnaissance humble et fidèle par le soulagement que Votre très haute Dilection princière a octroyé à tant d’égards à cette ville de Franckenhausen, pour ce qui concerne les deniers surérogatoires de la guerre. Comme ils peuvent s’estimer heureux, les bourgeois qui voient dans leur souverain un père toujours tendrement soucieux de leur bien, de leur bonheur et qui leur apporte son soutien ! Très certainement, excellent Prince !
L’ensemble de la bourgeoisie de Franckenhausen ressent ce bonheur avec nous ; elle se joint de tout son cœur au très humble remerciement que nous déposons aux pieds de Votre très haute Dilection avec une grande émotion pour la faveur si grande que Vous avez manifestée à cette ville ; et elle se joint à nos vœux de tout son cœur : Que Dieu permette au sceptre de notre très cher
Ludwig Friedrich
De faire longtemps, longtemps, notre bonheur126 !
73Ces remerciements, nonobstant leur caractère stéréotypé, renouvellent l’allégeance de la bourgeoisie de Franckenhausen au prince, un geste chargé de sens dans le contexte révolutionnaire, de même que l’affirmation – toute rhétorique, on l’a vu – de l’unanimité de la bourgeoisie urbaine. Par contraste, l’insoumission des bouchers et, plus encore, la supplique des sauniers, qui réclament la mise à contribution des biens nobles et exemptés « parce que la guerre est menée par les grandes puissances de l’Allemagne bien davantage pour leur propre sécurité que pour la sécurité des contribuables127 », sont chargées d’une coloration clairement plus séditieuse. Les autorités suspectent, à partir de 1794, un climat de révolte et le chancelier de Franckenhausen rapporte que « les bourgeois hostiles aux impôts sur la consommation pourraient bien avoir occasionné un rassemblement128 » – ceux venus porter les doléances sont d’ailleurs arrêtés durant quelques heures.
74Le conflit à Franckenhausen en 1793-1795 révèle le poids du contexte sur le tour pris par les événements, mais également les circulations qui s’opèrent en termes de revendications, puisqu’un certain nombre des exigences portées par les différents groupes rejoignent celles des insurgés saxons et Schönburg. Partout, en tout cas, les prélèvements liés à la guerre contre la France révolutionnaire sont l’occasion de conflits et, pour la première fois, d’une réflexion profonde sur le mode d’imposition, l’assiette et les exemptions, en particulier nobiliaire. Le conflit, ici, ne s’étend pas au-delà de la ville et, s’il ressort des rapports de Ketelhodt le sentiment d’une crainte réelle de la sédition, la division des contribuables rend assez faible la probabilité d’une révolte d’envergure.
On voit comment – et combien – les contribuables se saisissent de l’impôt d’Empire pour contribuer à mettre en question le pouvoir qui s’exerce sur eux. Tandis que la seconde moitié du xviie siècle est marquée par de longues révoltes principalement rurales qui, outre l’impôt d’Empire, s’en prennent au prélèvement seigneurial, la première moitié du xviiie siècle révèle un reflux du refus des impôts impériaux au bénéfice d’une contestation de l’impôt territorial et ordinaire, et de la recherche de la « protection » saxonne, dans le contexte d’une contractualisation des relations avec l’électeur par la conclusion des recès. La seconde moitié du xviiie siècle est marquée par un renouveau de la contestation des impôts d’Empire : le lourd héritage de la guerre de Sept Ans et, à l’extrême fin du siècle, le coût de la guerre contre la France révolutionnaire engendrent des conflits à la fois urbains et ruraux, dans lesquels la question fiscale prend une dimension nouvelle. La variété des situations imprime aux divers conflits des structures et des formes différentes, de la révolte ouverte avec prise d’armes au conflit intra-urbain, ou encore à la prise en charge d’un procès par une assemblée d’états : les juridictions saisies, les couches sociales mobilisées, l’ampleur, la durée et la violence de ces contestations confèrent à chaque situation sa singularité, si bien que l’ensemble tisse un réseau de confrontations qui doit être appréhendé de façon à la fois diachronique et synchronique.
75Entrelacés avec d’autres ordres de conflits survenant en même temps, ils requièrent, pour être compris, qu’on les intègre chaque fois à une configuration momentanée : les grands conflits européens et impériaux d’une part, les conflits des gouvernants avec la Saxe électorale d’autre part, les conflits qui peuvent survenir entre membres d’une même Maison et, enfin, l’existence de séditions dans les régions voisines constituent un ensemble de paramètres qui contribuent à façonner ces contestations. C’est seulement en les intégrant à ces contextes, au sens fort du terme, qu’on peut les comprendre dans leur complexité et dans leur singularité, rendre compte du surgissement synchronique de révoltes qui communiquent entre elles, ou encore expliquer la logique qui préside au saisissement de certaines instances judiciaires et révèle des stratégies et des tactiques qui font jouer, intentionnellement ou non, les rivalités entre les seigneurs, comtes ou princes régnants et l’électeur de Saxe129.
76Mais il faut aussi comprendre ces conflits dans leur dimension diachronique et ce, pour au moins deux raisons. En se réitérant, les refus d’impôts créent une tradition où chaque conflit remobilise les conflits antérieurs. De cette sédimentation, les nouveaux conflits reçoivent leur épaisseur. D’autre part, cette réitération invite à considérer ces refus d’impôts non pas comme de pures singularités liées chaque fois à un moment ou à des acteurs spécifiques, mais comme un mode de fonctionnement structurel et une manière d’agir politiquement. Il s’opère indéniablement, sur le siècle et demi étudié, une évolution. Mais celle-ci concerne bien davantage le contenu des revendications que les modes de fonctionnement, qui demeurent globalement stables.
77Car cette régularité des révoltes et des procès répond, du côté des sujets, à une fonction bien déterminée dans la configuration globale des relations entre agents. Elle actualise une menace et maintient un rapport de force : de même que dans l’Angleterre du xviiie siècle, la réitération régulière des révoltes frumentaires est une manière indirecte d’intervenir sur le marché des blés en faisant pression sur les autorités locales130, de même la révolte antifiscale rappelle aux gouvernants qu’ils ne peuvent faire entièrement fi des exigences des gouvernés. Quant aux recours judiciaires, plutôt que de pacifier ou régler les différends131, ils sont ici le vecteur manifeste d’une perpétuation des conflits et de leur irruption dans l’espace public.
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« Un réseau de relations toujours tendues »
78Les chapitres 3 et 4 ont permis de saisir l’ampleur des conflits qui structurent les trois ensembles territoriaux à propos de la question de l’impôt d’Empire, et combien ils contribuent à maintenir l’indétermination perpétuelle de la nature du pouvoir. Car ces conflits entrelacés font système. Ils révèlent combien prévaut, dans l’espace impérial, une concurrence permanente des normes et des sources de l’autorité : les conflits avec l’électeur de Saxe soulignent la redéfinition permanente des prérogatives des seigneurs, comtes et princes d’Empire que ni l’empereur, ni les tribunaux impériaux, ni la Diète, ni le droit public d’Empire ne sont à même de définir de manière univoque. À cette absence de transcendance fait pendant la mobilisation par les sujets de juridictions dans tout l’espace impérial et la mise en concurrence permanente des autorités et des sources du droit. Bien davantage qu’ils ne « pacifient » les relations sociales ou qu’ils n’introduisent la paix par le droit, les tribunaux impériaux sont l’un des éléments de la concurrence normative et de l’implantation des conflits dans la durée. La période connaît de multiples glissements, qui révèlent chaque fois la dépendance forte des événements locaux par rapport à un ensemble européen et impérial : conflits européens, mondiaux, intra-impériaux façonnent les conflits avec l’électeur de Saxe et avec les contribuables. Et pourtant, sur le siècle et demi étudié, c’est avant tout la permanence de cette configuration mobile d’agents, au-delà des individus qui l’incarnent, qui est frappante.
79Dans ces conflictualités entrelacées, le pouvoir se construit. Il se construit par la lutte permanente de définition du pouvoir – qui est aussi toujours une lutte pour le droit à le définir – comme par les alliances sans cesse reconfigurées entre les groupes. Refuser l’impôt d’Empire, c’est pour les sujets participer à la lutte pour la définition du pouvoir des seigneurs, princes et comtes, de la Saxe électorale, de l’empereur et de l’Empire. Mais c’est aussi tenter de définir le leur et leur place dans le corps politique impérial. On a vu comment la mobilisation de tout ou partie du territoire révèle, bien souvent, une pression à l’unification : si l’impôt, tel qu’il est réparti, levé et exigé, contribue à la diffraction du territoire et à l’accroissement des différences entre « portions », seigneuries, bailliages, parce que s’expriment par là les besoins du gouvernement et les logiques d’affirmation sociale des gouvernants, l’exigence antifiscale, elle, crée régulièrement les conditions d’une unification. Contrairement donc à l’image de potentats qui souhaiteraient régner sur un « territoire » homogène et bien délimité, dont la juridiction serait incontestée, les logiques aussi bien sociales que politiques de la Maison impriment ici au gouvernement une dimension éclatée souvent revendiquée par les dirigeants eux-mêmes, tandis que ce sont les administrés qui poussent régulièrement, et à quelques exceptions près, à l’unification. Cela ne signifie pas pour autant que le front uni des contribuables en soit véritablement un, et les fissures engendrées par une fiscalité qui divise affleurent souvent sous les discours unanimistes. Au reste leur unité ne préexiste pas à la mobilisation qui en serait comme l’expression et le résultat, elle naît de la mobilisation elle-même132.
80La deuxième partie a donc permis de montrer que le « pouvoir » n’est pas un attribut que l’on pourrait détenir une fois pour toutes, mais qu’il relève davantage d’une interaction permanente, d’un processus sans cesse remodelé et qui s’exerce des deux côtés ou, pour le dire avec les mots de Michel Foucault, cela suppose
que le pouvoir […] ne soit pas conçu comme une propriété, mais comme une stratégie, que ses effets de domination ne soient pas attribués à une « appropriation » mais à des dispositions, à des manœuvres, à des tactiques, à des techniques, à des fonctionnements ; qu’on déchiffre en lui un réseau de relations toujours tendues, toujours en activité plutôt qu’un privilège qu’on pourrait détenir ; qu’on lui donne pour modèle la bataille perpétuelle plutôt que le contrat qui opère une cession ou la conquête qui s’empare d’un domaine. Il faut en somme admettre que le pouvoir s’exerce plutôt qu’il ne se possède, qu’il n’est pas le « privilège » acquis ou conservé de la classe dominante, mais l’effet d’ensemble de ses positions stratégiques – effet que manifeste et parfois reconduit la position de ceux qui sont dominés. Ce pouvoir d’autre part ne s’applique pas purement et simplement, comme une obligation ou une interdiction, à ceux qui « ne l’ont pas » ; il les investit, passe par eux et à travers eux ; il prend appui sur eux, tout comme eux-mêmes, dans leur lutte contre lui, prennent appui à leur tour sur les prises qu’il exerce sur eux133.
81Les chapitres trois et quatre se sont efforcés précisément de rendre compte de ces « batailles perpétuelles », de ces « tactiques », de ce « réseau de relations toujours tendues », en les replaçant dans la configuration générale des agents. Le « pouvoir » n’est pas assignable à un lieu, ni à une classe, ni à un nombre déterminé d’agents, il est ce qui fait exister leur interaction et son produit, tout à la fois. Il faut maintenant analyser comment « ce pouvoir d’autre part ne s’applique pas purement et simplement, comme une obligation ou une interdiction, à ceux qui “ne l’ont pas“ », comment « il prend appui sur eux, tout comme eux-mêmes, dans leur lutte contre lui, prennent appui à leur tour sur les prises qu’il exerce sur eux ».
82Conséquemment, cela implique de prendre la mesure du fait que soulèvements antifiscaux et refus d’impôt ne sont pas de simples « obstacles » à la construction politique, contrairement à l’idée qui prévaut souvent en matière de révolte antifiscale, où la résistance à l’impôt est rabattue sur une résistance à l’État et interprétée comme un frein, fût-il légitime, à un processus de modernisation. Ils sont tout au contraire l’un des lieux mêmes où s’élabore le politique. Par le refus d’impôt, les contribuables construisent leurs propres formes d’intervention politique, revendiquent un certain nombre de droits, et s’emploient à définir, c’est-à-dire également toujours à circonscrire, les prérogatives des gouvernants.
Notes de bas de page
1 M. Foucault, « La vie des hommes infâmes », Cahiers du Chemin, 29, janvier 1977, p. 12-29, citation p. 17.
2 E. P. Thompson, « Eighteenth-Century English Society : Class Struggle without Class ? », Social History, 3/2, mai 1978, p. 133-165.
3 M. Dobry, Sociologie des crises politiques, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 2009.
4 L. Boltanski, « Pourquoi se révolte-t-on ? Pourquoi ne se révolte-t-on pas ? », Contretemps, 15, 2012.
5 Ibid.
6 Sur l’irréductibilité des émotions populaires à des causalités économiques, voir Y.-M. Bercé, Histoire des croquants. Étude des soulèvements populaires au xviie siècle dans le sud-ouest de la France, Genève, Droz, 1974, t. 1, p. 42-43 : « Se succédant ou se précédant, révoltes et crises se voisinent mais ne se provoquent pas. Ces deux séries de faits paraissent indépendantes. Non seulement leurs chronologies diffèrent, mais encore on ne distingue pas de lien psychologique constant qui les réunisse dans la mentalité populaire. L’étude des malheurs des temps ne nous renseigne pas sur le pourquoi de telle localisation, de telle datation des révoltes. Il faut renoncer à y voir autre chose qu’un environnement, un théâtre, une contemporanéité qui colore le siècle mais ne peut servir à nous donner la clef de l’histoire des violences collectives, à nous rendre raison des révoltes de ce temps. » Sur l’« illusion étiologique », voir M. Dobry, Sociologie des crises politiques, op. cit., p. 46-62. En se situant presque exclusivement en amont des crises, les interprétations « étiologiques » deviennent aveugles ou presque au processus lui-même. Elles sont au demeurant vouées à un échec relatif puisqu’un soulèvement est un événement dont le surgissement n’obéit pas à une armature que l’on pourrait modéliser.
7 M. Dobry, Sociologie des crises politiques, op. cit.
8 Sur ce point cf. chap. 1 et 2.
9 Pour l’analyse de la structure des mobilisations collectives, cf. chap. 6.
10 Cf. annexe 1.
11 HStAD, Reichskammergericht, 41.
12 Sur la signification et les conséquences de cette ambition des sujets de dépasser la fragmentation en seigneuries, bailliages et villages, et de se poser en communauté unifiée, cf. chap. 6.
13 C’est-à-dire une procédure de recouvrement militaire de l’impôt. Cf. chap. 5.
14 J. Hottenroth, « Bauernunruhen in den Schönburgischen Lehnsherrschaften, 1652-1665 und 1672-1680 », Die Heimat, 6, 1939, p. 3.
15 Werner Troßbach observe effectivement à l’échelle de l’Empire des vagues de protestation synchroniques devant les tribunaux impériaux, qu’il explique principalement par la fiscalité d’Empire et le climat : W. Troßbach, « Bauernbewegungen in deutschen Kleinterritorien zwischen 1648 und 1789 », dans W. Schulze (dir.), Aufstände, Revolten, Prozesse, Beiträge zu bäuerlichen Widerstandsbewegungen im frühneuzeitlichen Europa, Stuttgart, Klett-Cota, 1983, p. 233-260.
16 HStAD, Reichskammergericht, 41, vol. 1, fol. 11.
17 Ibid., fol. 18.
18 Ibid.
19 Cf. annexe 7.
20 HStAD, Reichskammergericht, 41, fol. 32-33.
21 Hauptrezeß, § 5, cité dans K. H. von Römer, Staatsrecht…, op. cit., vol. 2, p. 218.
22 HStAD, Reichskammergericht, 41, vol. 3, interrogatoire de Martin Henschel, 26 juin 1666, fol. 626-663.
23 Sur les itinéraires des voyages des paysans insurgés, voir tout particulièrement W. Troßbach, « Die Reichsgerichte in der Sicht der bäuerlichen Untertanen », dans B. Diestelkamp (dir.), Das Reichskammergericht in der deutschen Geschichte, Stand der Forschung, Forschungsperspektiven, Cologne/Weimar/Vienne, Böhlau, 1990, p. 129-143 et « Raum, Zeit und Schrift. Dimensionen politisch-sozialen Handelns von Bauern in einigen Kleinterritorien (17. und 18. Jahrhundert) », Historische Zeitschrift, 18, Gutsherrschaft als soziales Modell : Vergleichende Betrachtungen zur Funktionsweise frühneuzeitlicher Agrargesellschaften, 1995, p. 405-418. Sur la capacité des paysans à jouer sur les antagonismes des puissants et à mobiliser de vastes espaces politiques, voir G. Levi, Le pouvoir au village…, op. cit., et C. Castiglione, Patrons and Adversaries. Nobles and Villagers in Italian Politics, 1640-1760, Oxford, Oxford University Press, 2005.
24 Cf. la définition de Johann Jacob Moser, supra, préambule, § 3.
25 Cf. chap. 3, p. 137-139.
26 C. J. von Zwierlein, Unterthänigste Supplication und Bitte, Pro clementissime decernendo mandato poenali S.C. vlteriori de non gravando subditos vltra collectas imperii iniustis et mere arbitrariis exactionibus […] in Sachen derer gesammten gräflich-Schönburgischen steuerbeschockten Unterthanen in denen königlich böhmischen Reichs-Afterlehnherrschaften Wider Die gesammten Herren Grafen von Schönburg, Exhib. Den 10. Jul. 1778.
27 HStAD, Appellationsgericht, 5209 : l’avocat des Schönburg, Seyffert, affirme que « l’on serait bien en peine de jamais et à aucun moment produire le recès de Karlsbad, car son existence est une chimère », triplique du 25 septembre 1794.
28 V. Press, « Von den Bauernrevolten des 16. Jahrhunderts zur konstitutionnellen Verfassung des 19. Jahrhunderts… », art. cité.
29 Sur ce soulèvement, voir par exemple E. Maur, « Der Staat und die lokalen Grundobrigkeiten. Das Beispiel Böhmen und Mähren », dans P. Mat’a, T. Winkelbauer (dir.), Die Habsburgermonarchie 1620 bis 1740. Leistungen und Grenzen des Absolutismusparadigmas, Stuttgart, Franz Steiner, 2006, p. 443-452.
30 Cf. chap. 3, p. 134-139.
31 Cf. annexe 4 et supra, chap. 2, p. 89-90.
32 R. Schramm, « Ein Bauernaufstand im Greizer Land 1714-1715 », Jahrbuch des Kreismuseums Hohenleuben-Reichenfels, 4, 1954-1955, p. 5-58.
33 HStAG, Paragiatherrschaft Köstritz, Kap. 6, Nr. 592, lettre adressée par Heinrich der Andere (Heinrich II Burgk) en son nom et en celui de Heinrich V Rothenthal à l’empereur, s. d. [1681 ?]. Le texte n’est pas daté, mais la mention des comtes Heinrich XIII et Heinrich XIV permet d’établir que le texte est antérieur à 1682, date à laquelle meurt ce dernier, et qu’il est postérieur à 1681, date à laquelle Heinrich II Burgk devient l’aîné de la famille, voir B. Schmidt, Genealogie des Gesamt-Hauses Reuss, jüngerer und älterer Linie […], Schleiz, F. Webers Nachfolger, 1903, Tafel 8.
34 HStAG, Hausarchiv Ober- und Untergreiz, Schrank II, Fach 20, Nr. 846, fol. 1-4 et HStAD, Reichskammergericht, 41, fol. 15 et 372.
35 Né à Breslau en 1643, mort en 1720, docteur en droit de l’université de Breslau en 1661, il entre au service des Reuss en 1675 et devient conseiller en 1678. Converti au catholicisme en 1681, il quitte le service des Reuss.
36 HStAG, Hausarchiv Ober- und Untergreiz, Schrank II, Fach 20, Nr. 846, fol. 85-86.
37 Pour leur analyse détaillée, cf. chap. 5 et 6.
38 HStAG, Hausarchiv Ober- und Untergreiz, Schrank II, Fach 20, Nr. 846, fol. 1-4.
39 Ibid., Schrank IV, Fach 6d, Nr. 7, fol. 48-49.
40 Ibid. fol. 11.
41 HStAG, Hausarchiv Ober- und Untergreiz, Schrank II, Fach 20, Nr. 3, fol. 10.
42 HStAG, PH Köstritz, Kap. 6, Nr. 592, 6 juillet 1685.
43 Ibid.
44 HStAG, Hausarchiv Ober- und Untergreiz, Schrank IV, Fach 6d, Nr. 3, fol. 6-8.
45 Ibid. Nous soulignons.
46 HStAG, Paragiatherrschaft Köstritz, Kap. 6, Nr. 592, lettre adressée par Heinrich der Andere (Heinrich II Burgk) en son nom et en celui de Heinrich V Rothenthal à l’empereur, s. d. [1681].
47 Ibid.
48 Ibid.
49 Il s’agit peut-être de sa femme et future régente, Henriette Amalia von Friesen, ou, mais c’est moins probable, d’Anna Dorothea, née Schwarzburg-Sondershausen, et épouse de Heinrich IV de Reuss-Gera.
50 HStAG, Paragiatherrschaft Köstritz, Kap. 6, Nr. 592.
51 Sur cette capacité, voir G. Levi, Le pouvoir au village…, op. cit.
52 Pas moins de quatre procédures de saisies exécutives sont mises en œuvre en janvier, mars, mai et juillet 1715. Sur ces procédures, cf. chap. 5.
53 HStAG, Hausarchiv Ober- und Untergreiz, Schrank IV, Fach 7a, Nr. 13, fol. 2-6.
54 Ibid., Henriette Amalia von Reuss au Tribunal impérial aulique, [s. d. : entre février et mai 1715], fol. 11-20.
55 Ibid.
56 Cf. chap. 3, p. 140-143.
57 Cf. chap. 1, p. 51-55.
58 Den Armuth gewiße termine zu sezen, HStAR, Kanzlei Rudolstadt, E XVI 4a Nr. 6, Ernst Friedrich Meurer et Johann Christoph Zeüner au prince de Schwarzburg-Sondershausen, 30 novembre 1714.
59 K. H. von Römer, Staatsrecht…, op. cit., vol. 1, p. 82, n.
60 HStAR, Kanzlei Rudolstadt, E XVI 4a Nr. 6, adresse de Praun à l’empereur, 15 janvier 1715.
61 S. Westphal, « Revolution in Rudolstadt ? Der Bulisiussche Landstreit im Fürstenstum Schwarzburg-Rudolstadt in der ersten Hälfte des 18. Jahrhunderts », Zeitschrift des Vereins für thüringische Geschichte, 61, 2007, p. 131-156, ici p. 140.
62 Des extraits de son diaire sont copiés à titre de pièce justificative et joints à la plainte adressée par les Schwarzburg à l’empereur. Il s’agit donc d’un texte possiblement recomposé, HStAR, Kanzlei Rudolstadt, E XVI 4a Nr. 6, « Extract Diari » de Johann Christian Nagler.
63 Ibid.
64 Ibid.
65 Ibid. Nous soulignons.
66 Ibid.
67 Ibid., Meurer et Zeuner au prince de Schwarzburg-Sondershausen, 30 novembre 1714.
68 Ibid., chancelier et conseillers de Sondershausen au conseiller et au vice-bailli de Tennstedt, 4 décembre 1714. Nous soulignons.
69 Ibid., protestation adressée à l’empereur au nom de la Maison Schwarzburg par Wolff Philipp Panzer [s. d., post. au 30 novembre 1714 puisque le texte fait référence à l’intervention de Meurer et Zeuner à Greußen qui a eu lieu à cette date].
70 Ibid., Praun, exhib., 15 janvier 1715.
71 E. von Ranke, Das Fürstentum…, op. cit., p. 47-51.
72 Friedrich Anton suit en cela l’exemple de son père, qui avait obtenu des mandats sine clausuli en 1713, 1715 et 1717. Ibid., p. 58-63, et S. Westphal, « Revolution in Rudolstadt ?… », art. cité.
73 S. Westphal, « Revolution in Rudolstadt ?… », art. cité, qui explique ce rapprochement par l’hypothèse piétiste. On a vu plus haut dans le conflit chez les Reuss que ce soutien circonstanciel d’un membre régnant aux sujets révoltés n’était pas entièrement inhabituel.
74 E. von Ranke, Das Fürstentum…, op. cit.
75 Sur l’inégalité d’accès à la justice d’Empire en termes de capacités d’influence et de corruption, voir W. Troßbach, « Bauernbewegungen in deutschen Kleinterritorien… », art. cité.
76 Plusieurs textes font allusion entre autres à une grande fronde antifiscale dans les années 1720, qui aurait touché la seigneurie de Waldenburg.
77 Cf. chap. 3, p. 144-146.
78 HStAC, Waldenburg, 259, vol. 1, fol. 8-12.
79 Ibid. Mais il s’agit bien uniquement des sujets des « seigneuries de recès ».
80 HStAC, Waldenburg, 259, vol. 1, fol. 8-12.
81 Ibid., fol. 4-7.
82 Ibid., supplique du 27 juin 1741, fol. 16b-34.
83 HStAC, Waldenburg, 1375.
84 HStAC, Waldenburg, 259, vol. 1, « Registratura den 20.ten decbri. 1741 ».
85 Ibid., vol. 5, rapport de la caisse des revenus de l’Erzgebirge, 1er décembre 1742.
86 A. Opitz, P. Stulz, Volksbewegungen in Kursachsen zur Zeit der französischen Revolution, Berlin, Rütten & Leoning, 1956, p. 30.
87 [S. a.], Nähere Erläuterung und Begründung des von Seiten der Ritter- und Landschaft der hochgräflich Reussischen jüngerer Linie Herrschaften insonderheit zu Gera, wider sämmtliche Herren Grafen Reuss jüngerer Linie, insonderheit Herrn Heinrichs des XXX. […], Göttingen, Johann Christian Dieterich, 1774, § 28.
88 Sur l’administration de la dette par les assemblées d’états, voir P. Blickle, Landschaften im Alten Reich. Die staatliche Funktion des gemeinen Mannes in Oberdeutschland, Munich, Beck, 1973 ; V. Press, « Steuern, Kredit und Repräsentation : zum Problem der Ständebildung ohne Adel », Zeitschrift für historische Forschung, 2, 1975, p. 59-93 ; Id., « Herrschaft, Landschaft und Gemeiner Mann in Oberdeutschland », Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins, 123, Neue Folge 84, 1975, p. 169-214 ; Id., « Von den Bauernrevolten des 16. Jahrhunderts… », art. cité ; B. Stollberg-Rilinger, Vormünder des Volkes ? Konzepte landständischer Repräsentation in der Spätphase des Alten Reiches, Berlin, Duncker & Humblot, 1999 et Id., « Was heißt landständische Repräsentation ? Überlegungen zur argumentativen Verwendung eines politischen Begriffs », Zeitsprünge. Forschungen zur Frühen Neuzeit, 4, 2000, p. 120-135.
89 Il s’agit d’une noblesse dite « territoriale », médiate, par opposition à la noblesse d’Empire.
90 À savoir Heinrich II Lobenstein, Heinrich XXIV Ebersdorf et Heinrich XII Schleiz. Cf. annexe 4.
91 HStAG, HA Schleiz, 1319, résolution de Lobenstein, 24 octobre 1774.
92 HStAG, HA Schleiz, 1312, ohngefährer Entwurf zu einem Nachtrag des in Anno 1779 gegen die hiesigen Stände angebrachten Mandat Gesuchs, s. d. Nous soulignons.
93 Cf. chap. 3, p. 151-152.
94 HStAD, Reichskammergericht, 41, vol. 4, fol. 884-887.
95 Ibid., Register Glauchau, 12 janvier 1778.
96 Ibid., fol. 896-899.
97 Ibid., Decisum den 20. Mart. 1778.
98 Ibid., supplique des sujets à la régence de Glauchau, 21 mars 1778.
99 Ibid., fol. 980.
100 Nähere Erläuterung…, op. cit. : « Albert C[hristian] E[rnst], G[raf] u. H[err] von Schönburg, G. d. 4. Febr. 1775 von R. R. v. Gertner Rath ».
101 Christian Jakob von Zwierlein (1737-1793) est l’un des représentants d’une des dynasties de procurateurs de la Chambre de justice impériale sans doute parmi les plus importantes. Son père, Johann Jakob, fait une carrière aussi rapide qu’impressionnante à partir de 1730. À peine cinq ans plus tard, il est conseiller privé et second agent pour l’Électorat de Hanovre, puis également pour Nassau-Dillenburg, Schwarzburg-Sondershausen et Anhalt Bernburg : sa surface sociale à l’échelle de tout l’Empire se double d’un fort ancrage régional. Il est anobli en 1752, ainsi que ses deux fils, qui héritent tous deux de la carrière construite par le père. Mais, des deux, Christian Jakob est celui qui connaît l’ascension la plus spectaculaire et la plus grande notoriété, quoiqu’il échoue à devenir assesseur pour la Saxe électorale en 1782 (A. Baumann, Advokaten und Prokuratoren : Anwälte am Reichskammergericht, 1690-1806, Cologne, Böhlau, 2006, p. 72-75 et 125- 129).
102 C. J. von Zwierlein, Unterthänigste Supplication…, op. cit., Tenor sententiae.
103 K. H. von Römer, Staatsrecht…, op. cit., vol. 2, p. 661, n.
104 HStAD, Reichskammergericht, Nr. 41, vol. 5, « Unterthänigste Supplication und Bitte », [s. d.], post. à février 1779.
105 Ibid., défense des Schönburg par Lange, Nr. 150.
106 Ibid.
107 Ibid., Nr. 152.
108 HStAD, Appellationsgericht, 5209, Dresde, 22 septembre 1792.
109 K. Blaschke, « Ereignisse des Bauernkrieges 1525 in Sachsen. Der sächsische Bauernaufstand 1790 », Abhandlungen der sächsischen Akademie der Wissenschaften zu Leipzig, vol. 67, 4, 1978, p. 10.
110 Soit les seigneuries de Penig, Rochsburg, Wechselburg et Remissau.
111 Ibid. et A. Opitz, P. Stulz, Volksbewegungen…, op. cit.
112 HStAG, Gemeinschaftliche Regierung Gera, ZZ – IIa – Nr. 21b.
113 Ibid., Nr. 21b – E.
114 Ibid.
115 HStAR, Geheimes Ratskollegium Rudolstadt, E XV 7a Nr. 24, Gera, 27 septembre 1790.
116 W. Behrendts, Reformbestrebungen in Kursachsen im Zeitalter der Französischen Revolution. Inaugural-Dissertation zur Erlangung der Doktorwürde, Leipzig, Quelle & Meyer, 1914.
117 Cité par A. Opitz, P. Stulz, Volksbewegungen…, op. cit., p. 147-148.
118 Voir principalement W. Behrendts, Reformbestrebungen…, op. cit.
119 Pour l’étude détaillée des revendications, cf. chap. 7. Le conflit est constitué de deux procès successifs, le premier se déroule d’août 1793 à février 1795 et porte sur les dettes héritées de la guerre de Sept Ans (HStAD, Appellationsgericht, 5209) ; le second procès a lieu en 1797, contre l’impôt de 1793 levé dans le cadre de la guerre contre la France révolutionnaire (HStAD, Appellationsgericht, 5048).
120 HStAD, Appellationsgericht, 5209, fol. 71. Nous soulignons.
121 Ibid., duplique, introduction. Nous soulignons.
122 Ibid., fol. 64-68.
123 Pour le contenu des revendications et leur satisfaction, cf. chap. 7.
124 B. Schmidt, Geschichte des Reußenlandes…, op. cit., p. 103.
125 Voir A. Büsching, Géographie universelle de Mr. Büsching […], traduite de l’allemand avec des augmentations & corrections nouvelles fournies par l’auteur […], tome dixième contenant l’Empire d’Allemagne cinquième partie […], Strasbourg, Bauer et Treuttel, 1777, p. 191.
126 Ibid., fol. 37-38.
127 Ibid., non num., supplique du 5 avril 1794. Nous soulignons.
128 Ibid., 3 janvier 1795.
129 Pour un récapitulatif des conflits et des instances saisies, cf. annexe 7.
130 E. P. Thompson, « The Moral Economy… », art. cité.
131 M. Bähr, Die Sprache der Zeugen. Argumentationsstrategien bäuerlicher Gemeinden vor dem Reichskammergericht (1693-1806), Constance/Munich, UVK, 2012, montre très bien, à l’appui des protocoles d’audition de témoins, que les conflits de sujets devant la Chambre de justice impériale n’ont pas pour fonction principale d’être tranchés.
132 Voir par exemple les analyses de Timothy Tackett sur la « conscience révolutionnaire » des députés de 1789 qui ne préexiste pas à l’exercice de leur fonction, mais s’élabore dans et par le groupe : T. Tackett, Par la volonté du peuple. Comment les députés de 1789 sont devenus révolutionnaires, Paris, Albin Michel, 1997.
133 M. Foucault, Surveiller et punir, op. cit., p. 35.
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