Maurice Agulhon, historien vagabond
p. 85-105
Texte intégral
1L’histoire intellectuelle et plus particulièrement l’histoire de l’historiographie dans son entreprise d’inventaire rétrospectif a pour habitude d’accoler à chaque historien ou intellectuel important une notion clé, un adjectif ou une expression parfois tirée de l’une de ses œuvres les plus connues pour en faire une sténographie commode de son apport à la vie intellectuelle. L’étiquette réductrice se diffuse ainsi de proche en proche vers les manuels ou les mots clés réutilisés quand ce nom vient à l’esprit à l’oral ou dans les écrits cursifs de vulgarisation. Braudel : « la longue durée » ou « l’économie monde », Le Roy Ladurie : « l’histoire du climat », Furet : « (re)penser la Révolution », Agulhon : « la République dans tous ses états », etc. Ce volume d’hommage a précisément pour ambition d’arrêter provisoirement, car il est malheureusement inéluctable, ce processus de simplification rétrospectif. Il s’agit au contraire de retrouver le plus grand nombre possible des apports, orientations diverses, enseignements utiles encore aujourd’hui de l’œuvre de Maurice Agulhon au lieu de pratiquer cette réduction à une image moyenne pour lecteur pressé.
2Au sein de cette entreprise, j’ai choisi d’aller vers les œuvres « diverses » comme on disait autrefois, non pas « secondaires », mais celles où l’auteur de Marianne au pouvoir a cherché au maximum à sortir des cadres habituels où l’on veut justement l’enfermer. C’est à mon avis en effet dans ces travaux, articles, conférences ponctuelles que l’homme ou l’historien dans sa complexité et ses curiosités multiples se révèle le mieux. Il peut alors échapper en partie aux contraintes académiques, celles qui obligent, à partir d’un certain âge, à fournir des variations sur des thèmes connus, des sujets qui entrent dans les cadres a priori du jugement journalistique, que ce soit pour le public général, les collègues qui n’ont pas eu le temps de tout vraiment lire, ou les étudiants qui préfèrent qu’on lise à leur place.
3Ce parti pris n’est pas qu’un moyen pour moi d’aborder des thématiques qui ne pourront l’être dans les articles plus globaux ou ciblés sur les thèmes attendus. Il me semble correspondre à l’une des originalités de Maurice Agulhon et qu’il a toujours assumée, celle d’une attention toujours en éveil aux aspects invisibles de l’histoire, d’une mobilité entre les siècles, les périodes, les espaces et les disciplines, d’un refus de tout enfermement dans une seule méthode, un seul type de source, un seul type d’histoire, en dépit du processus inéluctable qui pousse chacun à la spécialisation du fait de la croissance continue du nombre d’historiens et de la concurrence entre historiographies de pays différents qui traitent des mêmes objets mais chacun à sa manière.
4Il ne faut pas voir dans ce propos la nostalgie d’un âge d’or : en dépit de cette tendance lourde du monde historien, je constate qu’à ma génération, comme à la précédente ou à la suivante, on peut trouver des exemples d’individualités qui refusent l’enfermement monomaniaque dans une ou deux thématiques ou approches. Évidemment, à la génération de Maurice Agulhon, où la pression démographique interne à la profession académique était moindre, l’échappée belle était peut-être plus facile, mais on pouvait tout autant qu’aujourd’hui trouver alors des historiens qui refusaient le vagabondage et la circulation entre les époques et préféraient arpenter un territoire bien circonscrit. Le fait que Maurice Agulhon, comme chacun sait, ait choisi d’englober trois volumes d’articles et d’études diverses sous cette étiquette « vagabonde » confirme d’ailleurs que ce versant de sa personnalité intellectuelle était pleinement et fermement assumé par lui et même avec une certaine provocation. C’est en effet avec cette trilogie qu’il est entré pleinement dans le paradis des historiens consacrés sous les couleurs de la « Bibliothèque des histoires » chez Gallimard, une fois les portes ouvertes du Collège de France et quelques années après la timide incursion en compagnie de ceux qu’il appelle, avec une vraie modestie, les « vedettes » de l’époque dans le recueil des Essais d’ego-histoire. Parmi les multiples vagabondages possibles, j’ai choisi deux promenades historiques, l’une autour des grands hommes, l’autre à propos des écrivains historiens du politique.
Grands hommes et politique
Quelle statuomanie ?
5Dans Histoire vagabonde, comme dans d’autres écrits, les grands hommes occupent une place majeure dans l’œuvre de Maurice Agulhon à travers toute sa production très abondante sur la symbolique politique et la statuomanie. Dans ses analyses, le grand homme n’est plus l’acteur principal de l’histoire événementielle dans ses versions traditionnelles. À l’inverse, c’est presque l’acteur agi et transformé par le regard des autres, le souvenir collectif unanime ou divisé, les luttes autour de son image et de son héritage qui prévalent. Cette histoire au second degré participe plus généralement de ce qu’on peut appeler rétrospectivement le moment « lieux de mémoire » de l’historiographie française dont nous commençons enfin à sortir. Sans l’avoir jamais revendiqué, Maurice Agulhon en a été le véritable initiateur, bien avant que Pierre Nora n’attache son nom à cet épisode de l’historiographie dans la célèbre série qui porte ce titre – dont le premier tome, consacré à la République, parut en 1984 – et à laquelle nombre d’auteurs de ce recueil, en dehors de Maurice Agulhon lui-même, ont participé. Son premier article sur le thème date en effet de 1978. Il n’a pas paru dans une revue d’histoire mais dans Ethnologie française1, soit bien avant le premier volume des Lieux de mémoire sur la République, postérieur de six ans. Cet article fondateur présentait le bilan d’une enquête en cours, appuyée sur des premiers dépouillements d’archives énumérées en fin de texte, sur des travaux d’élèves tout juste achevés comme les thèses de Jacques Lanfranchi2 et Chantal Martinet3, sur des discussions avec des historiens d’art et des sociologues de la culture comme Raymonde Moulin, citée à plusieurs reprises. On en fera ici une autre lecture que celle d’une étape, généalogique, dans l’histoire symbolique du politique à laquelle se consacrera Maurice Agulhon dans les vingt années suivantes jusqu’à l’achèvement de la trilogie des Marianne. Par de multiples remarques et notes incidentes, Agulhon se livre en effet à une relecture de la fonction du grand homme dans l’histoire de France et dans la culture française et au-delà, puisqu’il jette aussi quelques jalons d’histoire comparative. La statuomanie dont l’essor, l’apogée et le déclin sont au centre du texte est aussi un indicateur du statut variable du grand homme selon les époques et les cultures. Il se fait d’abord une place face aux élus de Dieu que sont à des titres divers le Saint, le Roi, voire le héros militaire, catégories dominantes de la statuaire d’Ancien Régime, que la Restauration, malgré la coupure révolutionnaire et impériale, tente de relancer en rendant à nouveau hommage aux rois disparus ou malmenés par la décennie révolutionnaire. Élu par ses talents, son action civique ou politique, la reconnaissance de ses concitoyens ou plus généralement de l’humanité, le nouveau grand homme se forge lui-même sa place dans la société post-révolutionnaire. La monarchie de Juillet, monarchie des historiens, est le premier régime à encourager ce nouveau regard admiratif pour les hommes grandis par leur action sans avoir été élus d’en haut par Dieu, une naissance royale ou aristocratique ou la gloire des champs de bataille.
6Mais Agulhon note aussi, et c’est une des conséquences de la « démocratisation » et de la banalisation, que l’ouverture du club des grands hommes possibles suscite forcément le débat sur leurs mérites relatifs, lui-même filtré par les moments historiques : la mort tragique ou prématurée fait taire l’opposition ou le mauvais esprit, d’où le statut hors pair de Gambetta par rapport aux autres pères fondateurs de la Troisième République, plus encore de Sadi Carnot assassiné, par rapport aux autres présidents de la République. Le lieu de naissance ou d’érection du monument compte aussi : les espaces urbains modestes ou villageois sont plus accueillants, faute de concurrence, que les grandes villes ou la capitale où les illustrations abondent. Enfin il ne faut pas oublier la capacité inégale de mobilisation financière et politique de la souscription selon les milieux et la conjoncture.
7Il faut aussi tenir compte, à certaines époques, de la volonté de relire le passé avec un nouveau regard d’où des résurrections surprenantes de grands hommes ou de grandes femmes oubliés ou controversés, comme le Vercingétorix d’Alésia ou la Jeanne Hachette de Beauvais promus par Napoléon III4. Ce dernier souverain n’est pas le seul à céder à la celtomanie qui, selon l’auteur, est « l’un des attributs de la IIIe République, et serait à étudier ». La statuomanie a pour effet paradoxal de redonner une chance même aux vaincus, dont la résurrection est une revanche sur un sort injuste au nom de la justice suprême de l’histoire du progrès : là où la Gaule désunie a échoué malgré la bravoure de ses guerriers, la France réunie par la République, éclairée par les erreurs du passé et l’union des citoyens, doit l’emporter sur l’ennemi du jour, non plus le Romain mais le Germain, tel pourrait être le message subliminal de cette celtomanie apotropaïque.
8Lu du point de vue des grands hommes et non de la culture symbolique, cet article fondateur souligne un autre paradoxe : à multiplier les grands hommes honorés n’est-on pas en train de les faire disparaître dans un nouvel anonymat de la banalité ? On produirait avec la pierre les effets délétères du célèbre scandale des décorations où il suffisait d’acheter l’honneur pourvu qu’on connaisse le gendre du président Grévy. Chaque élu local ne devient-il pas lui aussi un fabricant d’hommages parfois indus aux héros locaux pour mettre en avant en réalité sa propre image ? Le grand homme de l’histoire occupait une place de choix dans le système scolaire de la Troisième République fondé, comme on sait, sur la pédagogie de l’exemple. Pourquoi dès lors dissoudre sa fonction en mettant ces exemples à tous les coins de rue et même dans les villages modestes et en ajoutant indéfiniment une liste de grandeurs vouées au rapetissement par la multiplication ? Ne glissait-on pas du culte des hommes illustres par leur savoir, leur dévouement et leur talent vers l’engouement vulgaire pour la célébrité, en plein essor depuis le xviiie siècle, comme l’a montré Antoine Lilti, et qui en est en quelque sorte la « fausse monnaie » temporaire5 ? En partie sans doute, et les pamphlets critiques et négatifs qu’Agulhon cite au fil de son article émanant de la droite hostile ou des intellectuels grincheux ne manquent pas de développer cette thèse de la médiocrité grandissante du grand homme démocratisé. Pourtant tout objet symbolique ne vit que par les pratiques et les discours qu’il suscite ou non. Les dénonciations ou les plaisanteries ritualisées sur la statuomanie attestent que ce culte n’est pas encore à l’époque une religion morte fondée sur le mimétisme descendant du centre vers les périphéries. Au début du xxe siècle, dans le climat électrique postérieur à l’affaire Dreyfus, polémiques et débats vont encore bon train sur l’érection possible de certaine statues légitimes ou non, comme celles de Robespierre (qui devra attendre la municipalité communiste de Saint-Denis pour obtenir son monument en 1930) ou d’Émile Zola à Aix-en-Provence6, ou encore des manifestations cléricales lors de l’inauguration de celle d’Ernest Renan à Tréguier. Il ne s’agit pas seulement de débats au sein de la classe politique ou des populations hostiles au régime. Agulhon note en effet la persistance de longue durée de rituels civiques autour de certains bustes comme celui d’Agricol Perdiguier dans le jardin public d’Avignon ou de la statue d’Armand Barbès à Carcassonne7.
9Si l’article dans sa perspective d’histoire symbolique conclut sur un déclin de la statuomanie ou de la transformation de ses modalités sous le double effet du contexte politique (il y a des « métamorphoses » de la statuaire publique comme il y eut des « métamorphoses de Marianne ») et du changement du rapport à l’histoire et au goût artistique (retour à un certain élitisme, refus des représentations trop réalistes), il ne peut pour autant conclure à la fin d’une époque historique. En France du moins, aucun nouveau regard sur les grands hommes (et maintenant grandes femmes) n’a remplacé cet héritage du xixe siècle. On inaugure toujours plaques et monuments. On panthéonise peut-être plus même qu’avant (et encore en mai 2015), on polémique sur certains noms de rue ou de place, on soupèse mérites et manquements des canonisables, de multiples nouveaux supports relaient les sculptures traditionnelles : films, reconstitutions historiques, festivals, images, souvenirs, musées commémoratifs. En Europe et dans de nombreux pays les bouleversements politiques depuis les années 1970-1980 ont bousculé le paysage des statues et hommages publics. L’enquête exhaustive que Maurice Agulhon appelait de ses vœux devient sans doute plus inaccessible encore aujourd’hui sur les effets sociaux et symboliques et la profondeur de ces cultes hérités, pas tout à fait morts et sans cesse renaissants, la religion civique ayant toujours besoin de sacrer de nouveaux saints ou d’exorciser d’anciens diables8.
Le panthéon des parisiens
10À une échelle plus restreinte, mais plus centrale, Maurice Agulhon a repris ce dossier quatre ans plus tard à propos des effigies décorant la façade du nouvel hôtel de ville de Paris, reconstruit après la Commune9. Occasion expérimentale pour analyser une nouvelle culture en train de naître et son rapport au passé tout en le renouvelant grâce aux espaces offerts par l’agrandissement du bâtiment. Les anciennes allégories de la Justice et de la Force terrassant des esclaves sont abandonnées pour celles de la Science et du Travail afin, selon le rapport d’Ulysse Parent au nom de la commission des beaux-arts du conseil municipal, le 27 mai 1879, de « glorifier le livre et l’outil, les seules armes désormais utiles à nos pacifiques conquêtes10 ».
11En 1870, l’ancien hôtel de ville proposait deux statues de roi et celles de quarante et un personnages divers. Henri IV et Louis XIV, abîmés par l’incendie, ne furent pas remis en place. En revanche, pour rappeler le message d’émancipation communale qui reste une revendication des élus parisiens tout au long de la période, on ajouta une statue d’Étienne Marcel en avant de la façade donnant sur le quai. Un révolutionnaire remplaçait deux rois, la revendication d’affranchissement de la tutelle du pouvoir central, malgré la volonté d’oubli deux ans après l’amnistie des communards, restait ainsi présente étant donné sa position visible en avant du bâtiment et en accord avec la majorité radicale du conseil11.
12Les quarante-six célébrités antérieures sous l’Ancien Régime avaient été déjà complétées sous Louis-Philippe par les effigies de Voltaire, d’Alembert, La Fayette, Bailly, Monge et Condorcet. Selon Maurice Agulhon, elles anticipent sur l’inspiration des années 1880 par leur lien avec la version modérée de la Révolution ou des Lumières. Cependant les républicains de l’époque optent pour un critère de sélection à base géographique puisqu’on ne retient plus que des Parisiens de souche. Option logique par rapport à l’affirmation communale déjà exprimée à travers la statue d’Étienne Marcel, mais contradictoire cependant avec l’idée de Paris capitale de la France attirant à elle les talents et les élites. Vingt-six personnages sur les quarante-six antérieurs sont ainsi préservés sur ce critère, mais vingt illustrations doivent s’effacer devant de « vrais Parisiens ». On sacrifie parmi eux des célébrités aussi connues que La Fayette, Buffon, Ambroise Paré, Saint Vincent de Paul, Colbert, Denis Papin, mais aussi deux anciens évêques assez obscurs, Gozlin et saint Landri. Le prétexte local est-il une façon d’éliminer certaines options religieuses ou idéologiques ? Maurice Agulhon s’interroge ainsi sur l’oubli du philanthrope Montyon, connu aujourd’hui encore par ses prix de vertu. Est-ce parce qu’il a émigré ou parce que ces prix paraissent déjà dater d’un autre âge12 ?
13Au terme de cette épuration masquée, il restait quatre-vingt-deux niches à remplir. Maurice Agulhon note qu’on glisse résolument vers le présent avec trente-deux statues pour le xixe siècle et quatorze pour l’époque révolutionnaire, soit près de la moitié du total des hommages pour un intervalle d’à peine un siècle. On peut noter ici que Louis-Philippe avait fait le même choix dans ses commandes de tableaux historiques illustrant les grands épisodes de l’histoire française pour le musée historique de Versailles. Contrairement à ce qu’affirme François Hartog, le « présentisme » est donc autant une invention du xixe siècle que de notre époque.
14Le second glissement, celui des sphères d’activité, est aussi en accord avec la vision d’une histoire allant vers les Lumières avec trente-quatre hommes de lettres, treize hommes de science, trente-sept artistes, mais seulement trois militaires, six édiles, quatorze hommes politiques nationaux. Maurice Agulhon, au terme de cette statistique sommaire et sans doute à reprendre et préciser, ajoute une incidente qui pourrait fournir matière à une thèse ou une enquête ultérieure :
Il faudrait, au prix d’une érudition considérable constituer une liste de Parisiens notoires qui ne sont pas de ces cent sept et qui auraient pu y être. Nous ne nous sommes pas lancés dans ce travail qui n’aurait pu figurer dans ces brèves pages13.
15L’analyse détaillée ensuite est plus rapide. Tous ces personnages incarnent un républicanisme très libéral, antibonapartiste, antijacobin et anticlérical (trois sur cinq des révolutionnaires ont péri sur l’échafaud). En matière littéraire, un nouveau panthéon surgit avec Molière et Voltaire aux places d’honneur comme hérauts de la lutte contre l’Église et pour la liberté de pensée. Molière, en particulier, est relu uniquement à partir de Tartuffe, détournement anticlérical typique du xixe siècle depuis les manifestations de la Restauration14 et qu’on retrouve déjà dans la célèbre préface de Victor Hugo au Paris Guide de 186715. On regrette que l’historien de la République n’ait pas détaillé plus ici ses analyses de détournement de mémoire à propos d’autres personnages honorés. La liste des Parisiennes célèbre retenues aurait mérité un vrai commentaire puisqu’on y trouve Madame de Sévigné, Madame Geoffrin, Madame Vigée-Lebrun, Madame Roland, Madame de Staël et George Sand, soit des incarnations du rôle nouveau des femmes dans la sphère littéraire, artistique, voire politique, caractéristiques du nouveau siècle. La façade Seine, la moins exposée aux regards des foules assemblées sur le parvis ou passant rue de Rivoli, les rassemble aux côtés, il est vrai, d’autres représentants des mêmes mondes avec Alfred de Musset ou La Rochefoucauld, Béranger ou Beaumarchais, Delacroix, Marivaux ou Boucher. Cette sorte de panthéon des arts et des lettres en plein air anticipe sur le nouveau Panthéon de 1885 et rappelle l’une des fonctions de l’abbaye de Westminster16.
16Maurice Agulhon s’est livré en revanche à une étude de cas approfondie à propos d’un héros étranger très honoré et en même temps très controversé en France, Garibaldi17.
Garibaldi, héros contesté
17Parmi les grands hommes du xixe siècle, Garibaldi est l’un des rares personnages considérés comme « étranger », bien que né à Nice, ville française en 1807, qui soit devenu un symbole politique fort de longue durée, d’où la notion de mythe utilisée à son propos et qu’Agulhon place aux côtés de Jeanne d’Arc, Napoléon, Clemenceau, mais en oubliant de Gaulle qu’il inclura postérieurement dans la série, comme on le verra plus loin. Le combattant du Risorgimento a bénéficié en effet à sa mort d’hommages sans équivalent en France pour aucun autre étranger : une suspension de séance est décrétée à la Chambre des députés, des villes sont représentées à ses obsèques, des voies publiques rappellent son nom et il reçoit l’hommage de trois statues à Paris, Dijon et Nice. Ces hommages ne témoignent pas toutefois d’une quelconque unanimité car son image est fortement marquée à gauche, honnie à droite, et son culte naissant coïncide avec le moment d’affirmation de la révolution culturelle républicaine des années 188018.
18D’entrée, Agulhon rappelle un premier témoignage de pénétration populaire du culte de Garibaldi dans un texte de 1859 où George Sand, en voyage dans le Velay, trouve chez des bergers une image représentant le chef de guerre à la chemise rouge19. Mais il s’agit d’anciens soldats d’Algérie intéressés par la guerre en Italie qui se déroule à l’époque et s’accompagne de l’extension de l’imagerie militaire dans les gravures populaires d’Épinal et de Wissembourg à partir du milieu du siècle. La grande popularité de Garibaldi dans la gauche républicaine se développe surtout après Mentana, lorsqu’il affronte les troupes françaises qui défendent les États pontificaux ; elle fournit l’occasion d’une tentative de manifestation contre le régime de Napoléon III et sa politique ambivalente entre la défense de la papauté et le soutien partiel à l’unité italienne. Le deuxième épisode de cette popularité résulte, après 1871, de la participation des garibaldiens à la guerre de 1870. Des images populaires le présentent entouré de ses deux fils, de sa fille et de son gendre. Cette imagerie populaire est présente dans les réunions des groupes radicaux et dans des chansons exaltant son rôle sont diffusées dans le Midi20. Son décès en juin 1882 est presque conçu comme un deuil national malgré les mauvaises relations franco-italiennes à l’époque. Aussi, très tôt, certains élus proposent de lui dédier une avenue de Paris à un moment où toute la toponymie parisienne de la périphérie est en voie de reconfiguration. Agulhon relate la curieuse compétition qui oppose à propos de Garibaldi la majorité radicale et la minorité de droite au sein du conseil municipal21. Sont en lice pour le changement de nom le boulevard d’Italie (qui fait double emploi à l’époque avec l’avenue d’Italie), la rue Bonaparte et le boulevard Saint Michel. Les deux dernières voies citées auraient le mérite d’ôter un souvenir bonapartiste ou un souvenir religieux d’une grande artère parisienne, tandis que la première entretiendrait un lien logique avec la patrie pour laquelle Garibaldi s’est battu. Agulhon souligne – et, selon lui, ce n’est pas un hasard – qu’elles sont toutes situées sur la rive gauche symboliquement. Pourtant, aucune d’entre elles ne fera les frais du nouvel hommage républicain puisque c’est finalement le boulevard de Grenelle qui change de nom sur une partie de son parcours, ce qui a le mérite de ne fâcher personne et de redonner du lustre à un espace parisien à l’époque assez déshérité en symboles. Notons au passage que le boulevard d’Italie sera attribué en 1905 (date significative) à un autre éternel insurgé, Auguste Blanqui.
19Pour Garibaldi, la décision finale ne sera prise qu’en 1885, au bout de trois ans de discussions, ce qui atteste l’ampleur des résistances locales, même dans la capitale de la France22. Maurice Agulhon se livre ensuite à une enquête nationale en dépouillant courageusement les plans disponibles pour les autres villes, à une époque où internet évidemment n’existait pas pour faciliter ce type de recherche. Sur 124 villes couvertes, il retrouve dans un cas sur cinq une rue Garibaldi, soit vinft-sept. Pour les villes les plus peuplées lors de la mort de Garibaldi, on arrive à un cas sur trois, indice sommaire de lien avec l’orientation politique, les grandes villes étant en général plus républicaines que les autres à l’époque. La répartition géographique est partiellement liée à la biographie du héros avec une bonne représentation du sud-est et de la région de Dijon où il a combattu23. Pour les autres villes, il s’agit de cités à forte orientation républicaine ou de villes ouvrières de banlieue parisienne notamment, mais il existe des exceptions notables comme Saint-Denis et Ivry, absentes de la liste, et des bizarreries comme Saint-Maur-des-Fossés qui ne passe pas pour une commune de gauche. Dans les villes les plus importantes, l’association avec les héros quarante-huitards, comme Louis Blanc et Raspail, est assez systématique : selon l’auteur, Garibaldi est « honoré comme un héros de l’aile avancée du parti républicain24 ».
20La triade des statues dédiées à Garibaldi, à Nice, Dijon et Paris, passe aussi par bien des aléas. À Nice, le monument précoce est achevé en 1891 pour l’enfant du pays et il sert régulièrement pour des cérémonies commémoratives lors des anniversaires tandis qu’un portrait peint du combattant orne la salle du conseil municipal. En Bourgogne, partisans et opposants s’affrontent en raison du rôle controversé de Garibaldi dans les combats de l’année terrible. Il y a en fait deux Bourgogne, celle de la glorification et celle de la haine et de l’oubli à cause des polémiques sur son rôle militaire dans la guerre de 1870. En 1891 à Dijon, un projet d’inspiration quarante-huitarde dédié à la république universelle, orné de statues de Guillaume Tell, Washington, Victor Hugo, Bolivar, Garibaldi et Kossuth, échoue et il faut attendre 1898 et une municipalité plus à gauche pour que le projet de monument revienne à l’ordre du jour. La majorité municipale vote un crédit de 5000 francs combattu par la droite au nom de l’impéritie militaire du héros ; le gouvernement de défense républicaine ajoute 5000 francs en 1900, ce qui permet l’achèvement de l’effigie en mars25.
21À Paris, malgré une décision rapide du conseil municipal, les choses traînent également en longueur jusqu’en 1890, faute de fonds suffisants. Le monument n’est finalement inauguré qu’en 1907 pour le centenaire de la naissance du héros italien et grâce à nouveau au virage à gauche de la République radicale. L’hommage public revêt d’ailleurs une tonalité surtout patriotique et est placé sous le signe d’un rapprochement franco-italien alors en cours26. Au total, Agulhon retrouve une opposition permanente entre la gauche radicale et la droite cléricale face à Garibaldi. La droite utilise contre lui les arguments classiques de la xénophobie anti-italienne, l’accusant d’être comédien, démagogue, fauteur de troubles27. La gauche modérée entretient une image favorable mais moins unilatérale que l’extrême gauche ou la droite. Ainsi dans le dictionnaire de Larousse le ton est de moins en moins favorable à mesure qu’on ajoute des suppléments et qu’on s’éloigne de la date de disparition du héros28. Toutefois, dans ces images rétrospectives, les oppositions peuvent rejouer dans des sens différents, ce qui entretient la vitalité du mythe. La droite patriote finit en effet par se réconcilier avec le mythe Garibaldi à l’occasion de la guerre de 1914 : grâce à l’engagement et au sacrifice des garibaldiens de l’Argonne, il redevient alors l’incarnation du patriotisme et de l’alliance franco-italienne29. À l’inverse, l’extrême gauche ultérieure entretient une image de moins en moins hagiographique pour marquer ses distances avec le romantisme quarante-huitard. Dans le climat postérieur à 1968, l’extrême gauche en revanche en fait une sorte de précurseur de Che Guevara : Maspero réédite ainsi les mémoires de Garibaldi dans sa collection « Actes et mémoires du peuple30 ».
22Finalement, l’enquête poussée de Maurice Agulhon souligne la fragilité des hommages même pour les personnages de première grandeur comme celui-ci. Le mythe Garibaldi a surtout vécu pendant les deux dernières décennies où Garibaldi était en vie et pendant les deux qui suivent sa mort. Par la suite, le paysage est brouillé par deux forces idéologiques nouvelles : le nationalisme chauvin enterre la république universelle de 1848 tandis que la vision marxiste de la lutte des classes veut rompre avec l’unanimisme quarante-huitard. Face au culte universel des grands hommes, le chauvinisme français sans cesse renaissant après 1870 réactive à nouveau les stéréotypes italophobes31.
23Ce type de vagabondage précurseur aura une longue descendance historiographique dans Les Lieux de mémoire, on l’a dit, non seulement en France, mais aussi en Italie, en Allemagne, ou encore aujourd’hui en histoire culturelle de la littérature, de la musique, de la peinture, bien au-delà des seuls mythes politiques32. C’est pourquoi il me semblait indispensable de le remettre en valeur à sa juste place. Pour notre dernière analyse, celle de la figure de De Gaulle chez Agulhon, la justification est inutile même si, on l’a vu, en 1981, il n’était pas cité dans sa série des personnages mythiques de la France. Dans son livre de 2000, il en va tout différemment puisqu’il devient le centre d’une méditation globale sur l’histoire de France.
De Gaulle, l’homme monument
24Le vagabondage prolongé de Maurice Agulhon autour de la figure de De Gaulle est sans doute l’aspect le plus surprenant des à-côtés de son œuvre. Lui-même fut étonné d’en venir, d’une part, à accepter le portrait du général sur le volume de l’Histoire de France qui lui fut confié alors qu’on aurait attendu un symbole plus anonyme, et, d’autre part, de finalement réunir plusieurs interventions autour de l’auteur de l’appel du 18 juin dans un livre paru en 2000 chez Plon, l’éditeur, comme on disait naguère, des maréchaux et des académiciens : De Gaulle, histoire, symbole, mythe. L’historien de La République au village se confronte avec l’incarnation superlative d’une conception du pouvoir, issue d’une sorte d’élection transhistorique et d’une relation directe d’appel au peuple au milieu des épreuves, sans médiation élective ni médiateurs. C’est tout l’inverse de la citoyenneté ordinaire de la république démocratique qui lui tenait tant à cœur. Dans l’ouvrage alternent des moments d’empathie et de reconnaissance pour un personnage qui bouscule les frontières entre les cultures politiques de gauche et de droite, même s’il provient clairement de la tradition vaincue par l’avènement de la République troisième du nom, et des prises de distance réaffirmées de l’historien de gauche.
25Ancien opposant farouche aux formes politiques du gaullisme des années 1950 et 1960, l’ancien militant communiste ne peut renier complètement ses refus. Il doit reconnaître aussi les cécités et les incompréhensions d’une certaine gauche face à la République gaullienne. Comme toujours chez Agulhon, tout part du plus humble et du plus concret, ces « accompagnements culturels ou folkloriques des grandes œuvres ou des grands événements33 » qu’on trouve dans les boutiques de souvenirs de Colombey-les-Deux-Églises :
On rêve, écrit-il au début du livre, d’une étude des pèlerins de Colombey qui, croisant les données de date, les données de lieux (de provenance des groupes) et les données d’identité institutionnelle de ces groupes […] nous donnerait la mesure objective de la place du « culte » et de la « mémoire » gaullienne dans notre société34.
26Ces hommages « ordinaires » sur la tombe très simple du grand homme contrastent avec l’orgueilleuse croix de Lorraine dominant les collines haut-marnaises qui ont vu tant d’invasions. Elle rappelle la transcendance de l’idée patriotique sur la mortalité du héros qui l’a portée, ce qui suggère à l’auteur ce rapprochement à la Marc Bloch :
Un lecteur de Kantorowicz pourrait pousser plus loin encore l’interprétation philosophique de cette dissociation Ne serait-ce pas celle des « deux corps du roi » ? L’individuel, matériel d’un côté, le symbolique de l’autre35.
27Par ce rapprochement entre la version gaullienne du grand homme et les croyances monarchiques médiévales, sans qu’Agulhon pousse plus loin le parallèle, l’historien ne suggère-t-il pas implicitement que l’avènement de la république démocratique et de la désacralisation progressive du grand homme évoquée précédemment ne sont pas forcément le dernier mot de l’histoire française et que nous serions peut être entrés dans un nouveau cycle politique ? Le ton mélancolique qui domine le volume des Métamorphoses de Marianne irait sans doute dans le même sens.
28Le grand homme au village peut être aussi révélateur que la république en ce même lieu. Il subsiste toutefois une grande différence entre les symboles muets laissés par les militants du passé que l’historien a su remettre en vie et notre grand homme du xxe siècle : ce dernier a lui-même écrit sa geste et son histoire. Mais l’apologie classique à laquelle sacrifient la plupart des hommes d’État au soir de leur vie est bien différente chez de Gaulle. À cause d’un parcours marqué par de fortes ruptures, le bilan de son rôle historique dans les Mémoires de guerre fut proposé bien avant la fin effective de son action gouvernementale reprise après 1958. Une grande partie de l’essai sur de Gaulle commente les interprétations qu’il y a proposées non seulement de son histoire mais de l’histoire de France tout entière. Plus qu’un mémorialiste, de Gaulle est vu comme un véritable interprète de l’histoire nationale et, à ce titre, comme un concurrent direct et revendiqué de l’historien, vagabond ou pas.
29Chez de Gaulle notamment, « cette dialectique d’un peuple enfant et d’un État paternel a nourri et fondé son action politique36 ». En d’autres termes, selon de Gaulle relu par Agulhon, la France laissée à ses démons (l’esprit de division, la violence interne sous-jacente, le caractère irréconciliable de certains héritages politiques) ne peut être à la hauteur de sa mission que dans les rares moments où les Français se retrouvent provisoirement derrière une grande figure qui les rappelle à leur destin et à leurs valeurs communes. Incontestablement nourrie d’une tradition conservatrice et d’une théorie de la prédestination nationale, une telle vision n’a pas empêché le Général d’accepter de nombreux aspects de la modernité, de la décolonisation à l’ouverture du marché intérieur, des grandes réalisations d’équipement à l’ambition culturelle de rayonnement face à la montée en puissance de la culture de masse à dominante américaine. Agulhon ne s’appesantit pas sur ce paradoxe gaullien. On a trop tendance à le confondre aujourd’hui dans la vision uniformisatrice, rétrospective et nostalgique, des Trente Glorieuses alors qu’il s’agissait d’une ambition plus vaste que la simple croissance du niveau de vie ou du PIB comme mesure du « rang » des pays. Après avoir fait oublier la défaite par la saga de la France libre, le nouveau président entendait prendre une revanche sur les années de crise et de stagnation, cadre initial des premiers pas de la vie publique du futur général dans les années 1930, pendant lesquelles la France victorieuse avait dilapidé le sacrifice héroïque des combattants de 1914-1918 en reculs successifs face aux ennemis ou aux rivaux, conséquence de l’aboulie politique d’un parlementarisme inefficace.
30En revanche, Agulhon s’arrête plus longuement sur la géographie symbolique de la mémoire gaullienne de la nation telle qu’elle s’inscrit dans le paysage parisien. Il reprend ici certaines observations déjà faites dans sa contribution aux Lieux de mémoire où il opposait trois lieux de mémoire centraux parisiens, l’Arc de Triomphe, les Invalides et le Panthéon37. Maurice Agulhon montre comment la représentation gaulliste du passé, centrée logiquement jusqu’à la Libération sur les deux premiers monuments de gloire militaire, dans le droit fil de la tradition nationaliste et conservatrice dont il trouve les traces notamment chez Barrès38, s’élargit sous la Cinquième République sous l’influence « de gauche » de Malraux. L’exaltation de la Résistance intérieure avec la figure panthéonisée de Jean Moulin permet d’introduire dans la géographie symbolique du gaullisme le troisième pôle du Panthéon, lieu des hommages nationaux plutôt marqué par l’héritage républicain39.
31Agulhon retrouve aussi chez de Gaulle l’une des caractéristiques déjà présente chez Garibaldi : pour que le souvenir du grand homme reste vivant dans la vie contemporaine, le héros de légende doit avoir fait l’objet de débats passionnés et durables qui entretiennent sa mémoire et les échos dans le présent et les clivages contemporains de ses choix anciens ; ce qui crée une « admiration virtuellement unanime40 ». Mais l’historien républicain sait raison garder et ne pas se laisser fasciner par ces héros hors du commun qui échappent aux lois de l’oubli. Il ajoute sobrement quelques pages plus loin :
Reste la question de savoir s’il faut des personnages mythiques pour que les nations vivent41.
32La conscience politique démocratique ne perd jamais ses droits même dans les exercices d’admiration. Il en va de même à propos des écrivains.
Écrivains et politique
33L’histoire depuis les années 1960 a radicalement changé son usage de la littérature, de nombreux travaux récents ou anciens l’ont montré et José-Luis Diaz ici même en propose une étude plus informée que celle que je pourrais faire. Mon court vagabondage chez les écrivains aux côtés de Maurice Agulhon sera plutôt une tentative pour comprendre sa façon de lire ces témoins si particuliers mais incontournables pour accéder à certaines réalités ou mentalités évanouies, absentes des archives ou des documents plus classiques. Ceux qu’il a eu à commenter ou préfacer s’inscrivent bien dans la tradition des « grands auteurs », qu’on cite rituellement pour ajouter le prestige du style ou d’un épisode pittoresque à un développement plus convenu ou à une notation dont l’auteur invoqué n’a pas, en général, le monopole. Simplement, son statut symbolique lui confère le privilège d’être encore lu et cité plutôt que bien d’obscurs plumitifs, parfois aussi bons observateurs que les grands noms. Peu importe d’ailleurs cette bataille symbolique, les lectures agulhoniennes sont toujours suffisamment décalées pour ne pas tomber dans le piège classique de la révérence lettrée que beaucoup d’historiens partagent, ayant été formés, et particulièrement à la génération de Maurice Agulhon, au commentaire littéraire et admiratif. Lettré et respectueux des valeurs établies, l’auteur de Marianne au combat assurément l’est, mais il est suffisamment libéré des préjugés littéraires courants pour faire des écrivains célèbres un usage original, critique et parfois surprenant du point de vue des gardiens du temple. L’enquête ici ne saurait être exhaustive mais se centre sur quelques œuvres où les thèmes agulhoniens sont présents – de manière invisible selon les commentaires antérieurs. De Flaubert à Renan en passant par Zola, c’est une lecture résolument politique et périphérique que pratique Maurice Agulhon à propos de Madame Bovary, de La fortune des Rougon de Zola et de La réforme intellectuelle et morale de Renan.
Flaubert et les « nouvelles couches »
34D’ordinaire, c’est l’Éducation sentimentale que les historiens mobilisent pour présenter certains tableaux politiques de la monarchie de Juillet ou de 1848 alors que l’ouvrage a été terminé plus de vingt ans après les événements et que Flaubert, assez loin de la scène centrale, a travaillé rétrospectivement comme un historien. Or ici c’est le roman qui passe pour le moins politique de Flaubert, Madame Bovary, que l’auteur du Cercle dans la France bourgeoise relit pour mettre en évidence la figure nouvelle du militant politique en la personne de Monsieur Homais. On notera au passage que la réédition de cet article, d’abord paru dans Études normandes en 1992 sous le titre neutre et assez conventionnel « Madame Bovary, une lecture historique42 », devient, dans Histoire vagabonde, « Monsieur Homais ou le militantisme » pour mieux en mettre en valeur la thèse centrale. La prise de parole de l’historien met à distance d’entrée toute lecture littéraire comme l’indique la phrase suivante :
On se propose seulement ici de suggérer que Madame Bovary, à côté de mérites plus essentiels, peut être aussi un document pour l’histoire, l’histoire anonyme de notre civilisation, illustrant ce fait de grande portée : l’émergence de la politique moderne en province43.
35Mais il récuse aussi toute lecture illustrative :
Il y a longtemps qu’on ne fait plus, par exemple, l’histoire sociale du début du xixe siècle en prenant les personnages de Balzac pour définir types et catégories, les textes romanesques fournissent, facultativement, l’illustration, le pittoresque.
36Le pharmacien de Flaubert, malgré les aspects caricaturaux de certains de ses comportements et l’ironie dont l’accable en permanence l’auteur – sans doute à cause d’eux –, est une figure archétypale d’un nouveau rôle, d’une fonction émergente, celle du militant politique, né de la descente progressive de la politique au niveau local et de son ouverture à de nouvelles couches. Cette lecture politique proposée renvoie à la philosophie de l’histoire antagoniste de celle de Flaubert, celle du progrès, de l’optimisme conquérant d’un groupe sûr de lui, opposé aux forces de la tradition (l’Église, l’aristocratie) alors que l’héroïne du roman, elle, est tout entière habitée du regret des grandeurs du passé et fascinée par le monde inaccessible de la noblesse qu’elle entrevoit lors de l’invitation au bal du château de la Vaubiessard. Autour de cette polarité, Maurice Agulhon propose une interprétation surprenante et inédite de la célèbre boutade « Madame Bovary, c’est moi ». Flaubert, en se projetant sur son héroïne, ne trahit pas seulement son romantisme foncier et son rejet du présent en proie à la vulgarité et à la bêtise modernes, il dénonce surtout cette nouvelle société où les Homais vont tenir le haut du pavé et dicter l’avenir contre les valeurs aristocratiques des artistes au sens flaubertien44. Maurice Agulhon ne cache pas non plus le mépris de classe du fils de grand médecin rouennais pour le laborieux pharmacien de chef-lieu de canton dont la modeste compétence n’est qu’un gagne-pain et un tremplin vers un plus haut destin. Pour Homais, la politique n’est qu’un auxiliaire de l’ascension sociale et il recourt au nouvel instrument de l’espace public émergent, le journal, dont la lecture intensive remplace tout autre rapport au monde et véhicule tous les lieux communs de la culture moyenne dont Flaubert dressera rageusement la liste dans le Dictionnaire des idées reçues ou les chapitres de Bouvard et Pécuchet. Cette caricature de la politique moderne au nom des valeurs des élites véritables est, selon Maurice Agulhon, un topos de longue durée repris par de nombreux auteurs de droite45, mais également de gauche car on trouverait des personnages similaires chez Zola, Mirbeau ou Jules Romains :
Madame Bovary nous apprendra donc bien des choses sur Flaubert et sur son attitude morale devant le monde de son temps46.
37Un peu plus loin l’historien conclut :
Flaubert ne voulait être rien de plus qu’un regard, un regard porté sur la vie publique47.
38Ce qui est étonnant dans cette analyse, c’est l’absence de l’histoire réelle dans la construction du regard flaubertien sur la chose publique évoqué par Maurice Agulhon. Au seuil de son Temps des banquets48, Vincent Robert nous rappelle que Flaubert participa à un banquet à Rouen fin décembre 1847 et qu’il en tira dans une lettre à Louise Colet une description vengeresse des succès de tribune obtenus à bon compte grâce aux lieux communs de ce qu’on n’appelait pas encore la « langue de bois » politique. Habitant une partie de l’année à Croisset, petit village à quelques distances de Rouen, l’auteur d’Un cœur simple pouvait observer aussi les mœurs villageoises. On en trouve quelques traces dans ses lettres, notamment dans la difficile année 1870 où il sort enfin de sa réserve pour servir comme garde national en vue d’arrêter l’invasion prussienne imminente, gagné comme le vulgaire, une fois n’est pas coutume, par le sentiment patriotique et l’inquiétude face aux urgences. Mais ces expériences vécues ne suffisent sans doute pas à rendre compte de la construction flaubertienne du type du militant défini par Maurice Agulhon. On ne peut s’empêcher de penser que le choix des professions des personnages stigmatisés comme représentatifs de l’esprit moderne n’est pas le fait du hasard, ce que commente assez peu notre auteur. Tout se joue finalement dans le même espace social, celui des professions libérales dévalorisées dans la société des notables, ces demi-capacités aux marges de l’électorat censitaire et projetées sur le devant de la scène grâce au renversement de la monarchie de Juillet : pharmacien, officier de santé, clerc de notaire, avoué, journaliste, ceux que Gambetta englobera aux côtés des petits patrons et cultivateurs indépendants en 1872 dans la célèbre formule des « nouvelles couches ». Quand Flaubert écrit son roman, elles sont loin d’occuper la place qu’Agulhon leur assigne dans la vie publique, si ce n’est brièvement dans certains épisodes de 1848. On ne peut donc s’empêcher de penser que l’interprétation agulhonienne est en partie écrite au futur. Il prête à Flaubert une sorte de double vue car en 1856, année d’achèvement du roman, le Second Empire avait largement restauré le pouvoir des élites et des notables et Homais était loin de devenir le maître du jeu – moins encore qu’à l’époque supposée du livre. La dénonciation d’Homais s’inscrit donc en partie dans le discours de revanche sur 1848 qui suit le coup d’État et Flaubert est ainsi en fait moins en dissidence que dans l’air du temps de ces années réactionnaires. C’est pourquoi sans doute il sera tellement surpris que le régime lui fasse un procès au nom de la morale alors qu’il délivrait au final un double message parfaitement harmonieux, à quelques détails près, avec l’idéologie bonapartiste officielle : dénoncer les rêves romantiques nés des romans et le vague des passions (origine lointaine des utopies de 1848), ridiculiser les fausses élites qui prétendent remplacer les vrais notables à la faveur de l’établissement du suffrage universel. Sans doute Flaubert n’est-il pas autant soumis à l’air du temps que son ami Maxime Du Camp, du fait de son refus d’arriver par le « métier » des lettres. Mais son apolitisme apparent, s’il lui permet de réussir une œuvre durable qui répond aux questions de l’historien du politique du xxe siècle, n’en reste pas moins pleinement en phase avec la restauration conservatrice en cours sous Napoléon III. Soucieux d’épargner à Flaubert un tel reproche d’adéquation avec le tournant historique conservateur, Agulhon glisse à la fin de l’article vers le moment où Flaubert, revenu de sa dérive réactionnaire de 1871, se laisse séduire par la nouvelle génération républicaine des Gambetta et Ferry, plus réaliste et moins rêveuse. C’est aussi celle d’une certaine manière du second romancier commenté, Émile Zola.
Zola, engagement et distanciation
39La visée de Zola avec La Fortune des Rougon est presqu’inverse de celle qu’on peut tirer de Madame Bovary telle que relue par Maurice Agulhon49. Jeune journaliste engagé dans la presse de gauche républicaine, Zola bâtit ses premiers romans comme une série de pamphlets rappelant les turpitudes du régime affaibli mais non encore abattu50. Dans les journaux, les procès, les pamphlets qui tentent d’ébranler le régime, il trouve la matière de sa dénonciation et, bien qu’adoptant la posture de l’historien (« histoire naturelle et sociale »), il est loin du regard distancié et ironique de son maître en partie revendiqué, Flaubert.
40Pour Agulhon, le roman de Zola est bien une arme dans la lutte contre le Second Empire à un moment où celui-ci vacille avec les élections de 1869. Il s’inscrit dans un « courant d’histoire accusatrice » qui culmine dans la plaidoirie de Gambetta au procès Baudin. Avant La Fortune des Rougon, étaient parus en 1865 les ouvrages accusateurs les plus connus d’Eugène Ténot, Paris au 2 décembre 1851 et La province en décembre 1851, sources directes de Zola. Agulhon retrouve un autre paysage qui lui est familier. Plassans est une transposition d’Aix-en-Provence dans sa géographie et ses personnages centraux51, mais le mouvement historique de la révolte est emprunté à l’histoire de l’insurrection du Var et non à ce qui se passa ou pas dans cette partie des Bouches-du-Rhône. Fidèle à l’éthique flaubertienne, Zola malgré son engagement ne répartit pas de manière binaire ses personnages, puisqu’on trouve des figures négatives autant au sein du parti de l’ordre et de la bourgeoisie que dans le camp républicain. Seul échappe partiellement aux déterminismes politiques ou sociaux, thématique zolienne qu’on retrouve tout au long des Rougon-Macquart et au-delà, la figure du savant. Le docteur Pascal, malgré ses origines bourgeoises, soigne les insurgés au nom d’un idéal humaniste. Comme la génération républicaine de 1870, Zola prend ses distances avec le républicanisme naïf des quarante-huitards. Seuls échappent à ses critiques les deux enfants innocents Miette et Silvère. Ils meurent pour leurs idées et voient leur vie s’achever avant de s’accomplir dans leur idylle, tandis que le médecin, figure du désintéressement et de la recherche de la vérité, transpose au sein même du tableau le personnage du romancier « objectif » mais pitoyable aux souffrances des humbles52. J’ai moi-même montré ailleurs comment on peut indexer cette figuration de l’intellectuel « savant », présente tout au long des romans de Zola, aux variations idéologiques du romancier et aux contextes différents du champ intellectuel où il se situe entre 1870 et 1902. Roman souvent sous-estimé, La Fortune des Rougon revêt donc bien, Maurice Agulhon le souligne à juste titre, un caractère fondateur de nombreuses thématiques de l’œuvre zolienne, celle en particulier des lieux symboliques comme l’aire Saint-Mittre qui fait se rencontrer la mort et la vie, ou les remparts de Plassans, ces symboles de la peur bourgeoise face à la colonne menaçante du mouvement révolutionnaire. Agulhon rapproche ce grand duel d’images politiques du schéma de la Résistance et du Mouvement proposé par François Goguel, dans un ouvrage alors classique, oublié sans doute aujourd’hui, mais qui servait encore quand j’étais étudiant53. On pourrait aussi y voir l’écho de l’imagerie quarante-huitarde du printemps des peuples qu’Agulhon commentera dans le catalogue de l’exposition du cent-cinquantenaire à l’Assemblée nationale et à laquelle pourtant il ne fait pas allusion54.
Renan « conservateur et républicain »
41Un autre intellectuel brièvement séduit par 1848, Renan, est l’objet d’une étude de circonstance à l’occasion du colloque de 1985 tenu à propos de l’auteur de la Vie de Jésus au Collège de France. Le titre annonce d’emblée le problème à résoudre : « Ernest Renan conservateur et républicain55 ». La réforme intellectuelle et morale, écrit à chaud et sous le coup des événements de 1870-1871, a fixé de Renan une image très conservatrice. Il a par la suite plus ou moins réussi à l’effacer dans la mémoire commune en acceptant la République et en se rapprochant des républicains au point d’être honoré par des obsèques officielles. Renan revient par exemple sur son appréciation très négative de Gambetta, traité d’abord d’« halluciné » parce qu’il aurait répété les emportements de la révolution jacobine alors que, selon Agulhon, le tribun était déjà un partisan du compromis avec les anciennes élites contre les républicains les plus radicaux56. Après l’avoir rencontré en 1878, Renan change complètement d’opinion sur son compte comme l’avait fait Flaubert auparavant. En 1871 on n’en est pas là. La République en France selon Renan n’avait cessé d’échouer et échouera donc encore, parce que son idéal est trop lié à Paris, au socialisme ou à la révolution. La seule idée de république tolérable en France serait sa version américaine, mais elle est impossible à acclimater à cause de cette culture révolutionnaire parisienne. Agulhon conteste bien entendu cette fatalité et souligne que les républicains ont presque réussi la greffe à l’américaine prônée par Renan grâce au modérantisme rural et à la décapitalisation parisienne. Renan annonçait cette décapitalisation et c’est effectivement ce qui s’est passé avec la mise sous tutelle de la ville après 1871 qui dura jusqu’en 1976. Il n’y aurait donc qu’une « demi-erreur de Renan ».
42En revanche ses jugements erronés et à l’emporte-pièce sur les masses rurales (ignorance) et ouvrière (rêverie internationaliste), sur le peuple non éduqué, donc non éducable, ne peuvent être sauvés, tant le savant linguiste ici est aveuglé par sa méconnaissance du peuple des campagnes et ce qu’Agulhon appelle son esprit excessivement généralisateur, penchant assez classique du philosophe qu’il est resté, combiné avec le fatras des interprétations racialistes en vigueur à l’époque : à l’ouest, le peuple celte serait voué à être clérical, au sud il serait futile, braillard et agité. La seule France profonde qu’a pu connaître Renan par un contact direct lors de sa campagne électorale de 1869 est limitée à celle du Centre-Nord et Est, une France terre à terre, sans idéal spirituel, attachée surtout à ses intérêts matériels. Renan fonde donc son refus d’une démocratie dominée par les paysans sur des stéréotypes ethniques et récuse le suffrage universel comme son ami Flaubert parce qu’il donne le pouvoir aux médiocres pour élire des médiocres57. Là encore, Agulhon prend Renan en flagrant délit d’oubli de l’observation objective qu’aurait pu pratiquer le savant puisqu’il avait sous les yeux l’Assemblée nationale de 1871 dont le recrutement était très loin de cette caricature réductrice et sommaire. La passion politique et la rancœur de la rupture avec le catholicisme expliquent sans doute aussi une autre erreur majeure de l’essai de Renan, son annonce d’un schisme catholique. L’idée provient sans doute du contrecoup récent de la prise de Rome par les troupes du Royaume d’Italie, mais aussi de la haine de la papauté qui a persécuté Renan lui-même. À quoi bon dira-t-on relever ces erreurs de l’historien le nez sur l’événement pour se donner le beau rôle de celui qui connaît la suite ? L’intérêt de l’analyse critique est de faire comprendre pourquoi toutes les erreurs de pronostics ont rendu les projets de réforme politique annoncés dans le texte en grande partie obsolètes et pourquoi Renan dut lui-même les abandonner à la faveur de son ralliement à la République. Sur un point cependant La réforme intellectuelle et morale, toujours citée, rarement lue, garde son actualité et son pouvoir partiel d’anticipation. Il s’agit de tout ce qui concerne la réforme des universités et de l’exaltation du modèle allemand qui lie l’enseignement et la recherche. Avec d’autres plaidoyers (de Pasteur, de Berthelot, de Bréal) en ce sens et la mobilisation de la Société pour l’étude des questions d’enseignement supérieur, il en sortira la renaissance des universités françaises à partir des années 1880 fermement soutenue par les républicains de gouvernement. Curieusement, Maurice Agulhon n’en dit mot, alors qu’il avait lui-même activement participé au mouvement de Mai 68 dans un esprit réformateur, qu’il avait choisi de venir à l’université Paris 1 dont le projet interdisciplinaire est un héritage de « l’esprit de mai » et que son texte sur Renan est écrit peu après le vote de la loi Savary de 1984. Elle ambitionnait de relancer la dynamique réformatrice après les années de stagnation et de régression universitaire de l’époque de Valéry Giscard d’Estaing et Alice Saunier-Seïté.
43Un vagabondage peut-il se conclure ? En l’occurrence au minimum en soulignant que quel que soit le thème (grand homme ou écrivain), l’objet (statue ou personnage de roman), la démarche (ethnographique ou iconographique, observation participante ou remémoration), la politique est au cœur du regard agulhonien. Non pas la politique des événements parlementaires ou des joutes oratoires, mais la politique citoyenne, la politique qui habite l’histoire française comme une base continue du centre aux périphéries, des élites aux militants de base, de la chambrée provençale au Panthéon, du cimetière de village aux Invalides. En somme, la politique qui donne sens à la vie morne et arrache à la soumission de l’ordre des choses, mais qui nourrit aussi la passion du savant nécessaire pour redonner vie aux archives et la communiquer aux vivants et aux futurs citoyens pour de nouveaux combats contre l’oubli et la résignation.
Notes de bas de page
1 Maurice Agulhon, « La “statuomanie” et l’histoire », Ethnologie française, VIII/2-3, 1978, p. 145-172, repris dans Id., Histoire vagabonde I. Ethnologie et politique dans la France contemporaine, Paris, Gallimard (Bibliothèque des histoires), 1988, p. 137-185. Je cite d’après cette réédition.
2 Jacques Lanfranchi, Les statues des grands hommes à Paris, cœurs de bronze, têtes de pierre, Paris, L’Harmattan, 2004.
3 Chantal Martinet, Statues et monuments commémoratifs en Seine-et-Marne (1851-1914), thèse de 3e cycle sous la direction de Maurice Agulhon, université Paris 1, 1979.
4 Maurice Agulhon, « La “statuomanie” et l’histoire », art. cité, p. 166.
5 Antoine Lilti, Figures publiques. L’invention de la célébrité, Paris, Fayard, 2014.
6 Maurice Agulhon, « La “statuomanie” et l’histoire », art. cité, p. 169.
7 Ibid., p. 170.
8 Une enquête de grande ampleur a été menée par France Debuisson, Catherine Chevillot et Chantal Georgel, responsables scientifiques d’un CD-rom édité par le musée d’Orsay en 2004 : À nos grands hommes : la sculpture publique française jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Jacqueline Lalouette travaille actuellement sur la représentation des grands hommes dans la statuaire publique française de 1801 à nos jours.
9 Première publication sous le titre « Le langage des façades », dans Livre du centenaire de la reconstruction de l’hôtel de ville, 1882-1982, Paris, Bibliothèque administrative, 1982, p. 51-56, repris dans Maurice Agulhon, Histoire vagabonde III. La politique en France, d’hier à aujourd’hui, Paris, Gallimard (Bibliothèque des histoires), 1996, p. 141-153.
10 Cité dans Maurice Agulhon, « Le langage des façades », art. cité, p. 143.
11 Ibid., p. 147.
12 Ibid., p. 148.
13 Ibid., p. 149-150.
14 Voir Sheryl Kroen, Politics and Theater : The Crisis of Legitimacy in Restoration France, 1815-1830, Berkeley/Londres, University of California Press, 2000.
15 Maurice Agulhon, « Le langage des façades », art. cité, p. 151.
16 Livre du centenaire, op. cit., p. 161-163.
17 Maurice Agulhon, « Le mythe de Garibaldi en France de 1882 à nos jours », d’abord publié dans Giuseppe Garibaldi e il suo mito, actes du congrès de Gênes, 10-13 novembre 1982, Rome, Istuto per la storia del Risorgimento italiano, 1984, repris dans Histoire vagabonde II. Idéologie et politique dans la France du xixe siècle, Paris, Gallimard (Bibliothèque des histoires), 1988, p. 85-131.
18 Ibid., p. 86-87.
19 Ibid., p. 88.
20 Ibid., p. 90.
21 Ibid., p. 92.
22 Ibid., p. 94.
23 Ibid., p. 95.
24 Ibid., p. 97.
25 Maurice Agulhon, « Le mythe de Garibaldi en France de 1882 à nos jours », art. cité, p. 102.
26 Ibid., p. 109.
27 Ibid., p. 110.
28 Ibid., p. 117.
29 Ibid., p. 122.
30 Ibid., p. 120 et 129.
31 Ibid., p. 131.
32 Voir Pierre Boudrot, L’écrivain éponyme, clubs, sociétés et association prenant nom d’écrivain en Occident, depuis la Révolution française, Paris, Armand Colin, 2012 ; Esteban Buch, La « Neuvième » de Beethoven une histoire politique, Paris, Gallimard 1999 ; Jann Pasler, La République, la musique et le citoyen 1871-1914, Paris, Gallimard, 2015, ou certains de mes développements dans La dérégulation culturelle, essai d’histoire des cultures en Europe au xixe siècle, Paris, PUF, 2015.
33 Maurice Agulhon, De Gaulle, histoire, symbole, mythe, Paris, Plon, 2000, p. 8.
34 Ibid., p. 94.
35 Ibid., p. 13.
36 Ibid., p. 44-45.
37 Id., « Paris, la traversée d’est en ouest », dans Pierre Nora (dir.), Les lieux de mémoire, 3, Les France, 2, Paris, Gallimard, 1992, p. 869-909.
38 « Un même grand thème structurel, celui qu’imposent et la topographie et l’histoire de la capitale, comporte bien deux versions que l’idéologie sépare, du moins à cette date [1944] », Maurice Agulhon, De Gaulle, histoire, symbole, mythe, op. cit., p. 76.
39 Maurice Agulhon, De Gaulle, histoire, symbole, mythe, op. cit., p. 83.
40 Ibid., p. 107.
41 Ibid., p. 110.
42 Id., « Madame Bovary, une lecture historique », Études normandes, 1, 1992, texte prononcé en 1990, repris sous le titre « Monsieur Homais ou le militantisme », dans Id., Histoire vagabonde III, op. cit., p. 43-60.
43 Ibid., p. 43.
44 « “Madame Bovary, c’est moi”, cette boutade ne signifie-t-elle pas surtout que, par rapport au monde triomphant d’Homais et de Louis-Philippe, par rapport aux nouvelles mœurs publiques qui s’instaurent, le romancier et son héroïne sont dans le même camp ? », Maurice Agulhon, « Monsieur Homais ou le militantisme », art. cité, p. 46.
45 Ibid., p. 51.
46 Ibid., p. 44.
47 Ibid., p. 55.
48 Vincent Robert, Le temps des banquets. Politique et symbolique d’une génération (1818-1848), Paris, Publications de la Sorbonne, 2010, p. 7-8.
49 Maurice Agulhon, « Zola interprète de la Révolution », dans Id., Histoire vagabonde I, op. cit., p. 221-231.
50 Voir Christophe Charle, « Zola et l’histoire », dans Michèle Sacquin (dir.), Zola et les historiens, Paris, BNF, 2004, p. 12-21.
51 Maurice Agulhon, « Zola interprète de la Révolution », art. cité, p. 223.
52 Ibid., p. 226-227.
53 François Goguel, La politique des partis sous la Troisième République, Paris, Seuil, 1948.
54 Maurice Agulhon, « Zola interprète de la Révolution », art. cité, p. 231.
55 Id., « Ernest Renan conservateur et républicain » [1985], dans Histoire vagabonde III, op. cit., p. 100-115.
56 Ibid., p. 106.
57 Maurice Agulhon, « Ernest Renan conservateur et républicain », art. cité, p. 113.
Auteur
Professeur d’histoire contemporaine à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, membre honoraire de l’Institut universitaire de France, a notamment publié La dérégulation culturelle. Essai d’histoire des cultures en Europe au xixe siècle, Paris, PUF, 2015, et codirigé avec Laurent Jeanpierre La vie intellectuelle en France xixe-xxie siècle, 2 vol., Paris, Seuil, 2016.
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2017
Autonomie, autonomies
René Rémond et la politique universitaire en France aux lendemains de Mai 68
Charles Mercier
2015