Contester Pierre
Soustraction d’obédience et droit de résistance à l’époque du Grand Schisme : une historiographie manipulée
Contesting Peter. The withdrawal of obedience and the right of resistance during the Great Schism: A manipulated historiography.
p. 393-404
Résumés
À l’heure du Grand Schisme, les universitaires parisiens ont construit la théorie d’un droit de résistance (jus resistendi), lequel a évolué vers un droit de disputatio de la puissance pontificale, puis vers un droit de désobéissance au pontife, voire un droit d’appel au concile contre l’autorité pontificale. Cette théorisation s’est actualisée dans l’expérience inédite de la soustraction d’obédience en 1398, d’une part, dans l’instance conciliaire, d’autre part, réunie sans l’accord du pontife par sécession des collèges cardinalices. Ces soubresauts de l’histoire de l’Église ont tôt fait d’être mis en sourdine dans l’historiographie pontificale, catholique et romaine aboutissant à de véritables « politiques ecclésiastiques de l’oubli » minutieusement contrôlées et orchestrées depuis le xve siècle jusqu’au xxe siècle.
At the time of the Great Schism, the Parisian academics build the theory of a right of resistance (jus resistendi) which evolves into a right of disputatio regarding the pontifical power, then into a right to disobey the pontiff and even into a right of appeal to the council against the pontifical authority. This theorisation has been updated with the unprecedented experience of the withdrawal of obedience in 1398, on the one hand, and with the conciliar authority, on the other, gathered without the agreement of the pontiff by secession of the cardinal colleges. Early on, these upheavals in the history of the Church were unmentioned in the Roman Catholic pontifical historiography, resulting in veritable “ecclesiastical policies of oblivion” carefully controlled and orchestrated since the 15th century until the 20th century.
Texte intégral
1Pendant le Grand Schisme (1378-1417), les chefs de file de l’opposition au pouvoir pontifical, Simon de Cramaud en tête, réclament la démission du pontife, qu’ils jugent hérétique car parjure et fauteur de schisme. Par de subtils contournements du droit canon, ils construisent savamment la théorie d’un droit de résistance (jus resistendi), lequel évolue vers un droit de disputatio de la puissance pontificale, puis vers un droit de désobéissance au pontife, voire un droit d’appel au concile contre l’autorité pétrinienne. Cette théorisation s’est actualisée dans l’expérience inédite de la soustraction d’obédience en 1398, d’une part, dans l’instance conciliaire, d’autre part, réunie sans l’accord du pontife par sécession des collèges cardinalices en vue de Pise (1409), puis de Constance (1414). Les déploiements exégétiques accompagnent les événements entre 1398 et 1418, notamment l’exégèse de Galates 2, 11 au cours de laquelle Paul résiste à Pierre in facie.
2Le droit de résistance au prince était alors un outil politique déjà connu dans le contexte des théories du tyrannicide, théories antiques mais réactivées à l’époque du concile de Constance suite à l’assassinat du duc de Bourgogne et à sa justification par Jean Petit. Résister au mauvais prince était donc pensé et pensable et les théoriciens étaient familiers de l’argumentaire en question. Or, résister au mauvais pape s’avérait une opération autrement plus complexe dans l’ambiance des constructions théocratiques selon lesquelles, depuis le xie siècle au moins, le pape n’était justiciable de personne sinon de Dieu. Il était au-dessus de tout soupçon, de toute critique et de tout jugement. Comment alors l’invectiver ? Comment construire une possible protestation contre cette figure déjà absolue détentrice de la plenitudo potestatis ? Les théoriciens se font dès lors exégètes et se protègent de leurs audaces en s’appuyant sur la figure de Paul : toute l’histoire du Grand Schisme et des conciles réformateurs de la première moitié du xve siècle montrent comment le droit de résistance au pontife est utilisé dans la gouvernance de l’Église, notamment la gouvernance conciliaire. Par la suite, une fois son autorité monarchique rétablie, l’Église officielle aura soin, sinon de refouler cet épisode douloureux pour sa mémoire, du moins de le présenter comme un accident de l’histoire : la mise en récit du Grand Schisme par l’Église romaine se découvre alors, après analyse, une historiographie manipulée.
Une résistance frontale, in facie
3Dans les écrits de l’époque du Grand Schisme, un enchaînement de réflexions se déploie autour de Galates 2, 11 au point de constituer un fil exégétique qui sous-tend une thèse : Paul est érigé en modèle de résistance contre l’autorité pétrinienne. Il s’offre comme modèle d’une attitude de résistance au pape. Dans son Épître aux Galates, Paul écrit : Cum autem venisset Cephas Antiochiam, in faciem ei restiti, quia reprehensibilis erat1. Ce que les Actes des Apôtres appellent « la controverse d’Antioche » donne lieu à l’assemblée – dite aussi concile, à tort – de Jérusalem, où la question est tranchée concernant la circoncision et les observances de pureté rituelle imposées alors aux chrétiens issus du paganisme2. À Antioche, ce que Paul reproche à Pierre, c’est de n’avoir pas discerné l’inconvenance d’une obligation de la Loi juive pour les païens convertis. Il convoque Pierre pour cette erreur et le confronte.
4Depuis les Pères de l’Église, notamment latins, l’exégèse a concentré ses efforts sur ce verset, sans dimension offensive avant le xiiie siècle. Or, dans le contexte des débats du Grand Schisme, le ton est différent. En 1395, la programmatique Épître de Paris fait de Paul la figure du droit de résistance. Elle commente la citation en l’agrémentant d’un adverbe, acerbe. Paul a repris Pierre avec dureté, âpreté : O beatissime Paule, predicator et doctor veritatis, qui Petro ita accerbe [sic] in facie restitisti propter legis Mosayce modicam cerimoniam per valde paucum temporis observatam ?3 Pour Simon de Cramaud, dès 1397 et par la suite, cela ne fait pas de doute, saint Paul est le patron des soustractionnistes : « Faisons comme fit saint Paul à saint Pierre, ne resista-t-il pas in facie ? Autrefois a esté preschée et pratiquée cette voye de sustraxion4. » Les adjectifs verbaux reviennent pour signifier l’impératif d’un droit de résistance : Si papa faciat aliquid quod scandalizet Ecclesiam […], resistendum esset sibi in facie sicut Paulus resistit Petro5.
5Au cœur de l’attitude de résistance, une question : Cur ita facis ? Dans la toile exégétique qui entoure le modèle paulinien, la référence biblique au livre de Job (9, 12) reste discrète. Peu de commentateurs, d’exégètes et de théoriciens évoquent, dans leurs écrits, l’origine sapientielle de la question adressée à Dieu lui-même qui s’annonce ainsi dans le livre de Job : Quis dicere potest : Cur ita facis ? « Qui osera lui dire : “Que fais-tu ?”6 » Le contexte vétéro-testamentaire n’intéresse pas, comme si la question, déviée de sa course, était posée sur les lèvres de Paul lui-même dans une reconstitution de la critique qu’il adresse à Pierre – puisque le Cur ita facis ? ne se lit pas dans l’Épître aux Galates, ni même dans le Nouveau Testament. Les polémistes rapprochent pourtant les versets pour n’en faire qu’une seule réplique scénique. « Que fais-tu ? » s’entend ainsi au sens d’une réprobation de la volonté du chef hiérarchique. Au regard de cette volonté que l’on devine absolue, l’adresse suppose du courage. Cur ita facis ? s’avère ainsi le syntagme d’un refus de la toute-puissance du prince autant que d’un garde-fou au pouvoir discrétionnaire et despotique du recteur universel7. Les universitaires et autres soustractionnistes s’en emparent pour justifier une limitation de la plenitudo potestatis du pontife et pour se dresser en une opposition feutrée aux dérives du pouvoir romain. Leur geste, sourd quoique frontal, est d’autant plus éloquent que les Dictatus papae puis le Décret et les mouvances théocratiques avaient, à temps et à contretemps, affirmé le contraire : le pape n’est redevable à personne de ses actes, il n’a de comptes à rendre qu’à Dieu seul, il est au-dessus de toute discussion et ne peut être jugé par quiconque8. La question déborde donc la simple interrogation pour devenir plus largement une posture, celle de la résistance au pouvoir absolu voire arbitraire. L’attitude est inédite, tant il est vrai que seules sont connues les assertions de la théocratie bonifacienne selon lesquelles le pape est au-dessus de tout jugement, de tout blâme et de toute critique : Cui non est qui dicat “Cur ita faciat ?”9. Le pape est celui à qui on ne dit pas : « Pourquoi fais-tu cela ? »
6L’exégèse du verset paulinien se révèle ainsi le lieu d’une construction doctrinale qui s’affine par degrés, au fil des débats. Du jus resistendi des années 1395-1396, les théoriciens ont déduit un jus appellandi, droit d’appel qui avait été préparé par une sorte de jus disputandi au sujet de la puissance du pape et de la loi de correction fraternelle.
7En 1404, Jean Gerson harangue Benoît XIII à Tarascon au cours d’un sermon vigoureux. Dans le contexte de la restitution d’obédience, acquise depuis quelques mois seulement, Gerson, dans sa harangue, évoque la controverse d’Antioche entre Pierre et Paul. Il creuse le verset. Personne ne formule les questions tel qu’il le fait, personne ne sonde le problème comme il s’y emploie. En effet, trois questions sont posées, qui disent l’élaboration en train de se jouer doctrinalement autour du droit de résistance :
Sed auget questionis admirationem cur propter observationem circumcisionis et aliorum legalium Paulus restitit Petro in facie, cum tamen ipse quosdam circumciderit ; igitur quo pacto reprehendit ipse quod agebat, et praesertim superiorem in auctoritate, apostolatu seniorem et in gratia confirmatum die Pentecostes ; qualiter inculpat Paulus eum et jura non recte ambulasse ad veritatem evangelii ?10
81. Pourquoi, à cause de l’observance de la circoncision et des autres lois, Paul résiste-t-il frontalement à Pierre, alors que lui-même en avait pourtant circoncis certains ? 2. Par quel pacte réprimande-t-il ce qu’il avait lui-même accompli et, surtout, le fait-il face à un supérieur hiérarchique, son aîné en termes apostoliques, un homme confirmé dans la grâce du jour de Pentecôte ? 3. Comment Paul l’inculpe-t-il et affirme-t-il que Pierre n’a pas marché dans le juste chemin de la vérité évangélique ? Après avoir insisté sur la distinction des temps et des circonstances, Gerson explique le lien entre le scandale pour les païens et le devoir d’avertissement de Paul, apôtre des gentils11. Il narre la résolution du conflit, en signifiant que Pierre a accueilli la réprimande avec humilité et qu’aucun des deux n’a, de ce fait, péché12.
9Puis le chancelier avance les hypothèses d’une histoire-fiction : si Pierre avait résisté à Paul, frontalement, refusant d’acquiescer, Paul aurait-il soustrait son obéissance par rapport à Pierre ? N’aurait-il pas obéi ? En aurait-il appelé à un concile de l’Église ? Le concile aurait-il été supérieur à Pierre ou l’inverse ? Paul aurait-il résisté en tant que son cardinal ou en tant que son égal ? Si Pierre l’avait excommunié, aurait-il eu peur ? Si Pierre avait persisté dans son erreur, aurait-il perdu le pontificat ? Aurait-il pu être déposé ? Par qui ? Comment ? Un concile aurait-il pu être célébré ? Et si Pierre avait voulu se défendre par la force armée ?
Sed dic, si Petrus non errabat in fide qualiter sibi dixit Paulus : cur ita facis ? Dicit certe ex auctoritate legis divinae jubentis fraternam correctionem, cui legi nemo non subjectus est. Quod si Petrus versa vice Paulo restitisset in faciem, nolens acquiescere, an Paulus se ab eo substrahere, an non obedire, an ad Ecclesiae concilium appellare potuerat ? Si concilium in hoc superius erat Petro vel e contra ? Si Paulus restitit Petro ut ejus cardinalis existens vel ut aequalem se deputans et nihil a Petro auctoritatis, sicut nec Evangelium suum recipiens ? Quid, si de facto in Paulum excommunicationis sententias promulgasset, an eas Paulus timuisset ? Quid si Petrus perstitisset in hoc errore, numquid eo facto papatum periderat ? Quod si non, numquid deponendus tamen erat, et per quos et quomodo ? An concilium sine eo potuisset in hoc casu celebrari ? Quid si Petrus vi armata errorem suum defendere voluisset, numquid ipso etiam manente papa, vim vi licuisset repellere, aut verbis aut carceribus aut ipsa denique morte ? Hieronymus praeterea et Augustinus, doctores eximii, cum discordent in hac materia, numquid alter eorum dicendus sit haereticus ? Ille Paulum dispensative mentitum, hic Petrum juste reprehensum fuisse defendit. Porro cur in concilio de cessatione circumcisionis Petrus summus pontifex non tulit sententiam sed Jacobus ?13
10En émettant cette série de fictions historiques, Gerson élargit la réflexion d’un droit de résistance à un droit d’appel, suggérant que c’est l’obstination et l’endurcissement qui invitent à recourir à des instances supérieures. Pour le dire autrement, le droit d’appel intervient quand les ressources de la correction fraternelle ont été épuisées. Comment mieux dire que le propos se campe dans l’actualité la plus brûlante par le biais à peine déguisé de l’exégèse ? Toutes les thématiques du moment sont rassemblées ici ou soulevées : l’obstination de Pierre, la déposition, l’autorité du concile, l’usage de la force, l’accusation d’hérésie, la juste réprimande, etc.
11Or, précisément, en livrant la multiplicité de ces questions à la sphère publique de l’assistance, et ainsi au débat, y compris avec Benoît XIII, Gerson met en scène une idée qui lui est chère : le droit de discussion concernant l’autorité pontificale, sorte de jus disputandi, déjà esquissé par Jean de Paris lors des années 1302-130314. Il démontre ici qu’il est possible de discuter de la puissance de Pierre, de potentia Petri disputare, d’une discussion disputationelle, dans les meilleures règles de l’art scolastique. Le débat se veut aléthique plus qu’éristique : le principe de vérité doit primer sur le principe de controverse. Il s’agit littéralement d’enquête et d’investigation (inquirere, perquirimus). En effet, puisque les théologiens discutent toute la journée de l’omnipotence de Dieu, pourquoi ne discuteraient-ils pas de la puissance de Pierre15 ? Ce que Gerson tendrait à dénoncer serait la censure ou l’auto-censure d’une théologie révérentielle et obédientielle qui ne disserterait qu’en panégyriste. Gerson semble ainsi situer le débat ecclésiologique et politique sur le terrain d’une recherche théologique rigoureuse. Il ne s’agit pas de polémiquer mais de chercher ensemble, même si les apparences peuvent friser l’inconvenance et la transgression de certaines limites tacites, comme le suggèrent les adverbes nimis, importune, magis16. Gerson encourage la poursuite de l’enquête, lui qui affirme de plus en plus que personne ne peut savoir quelle est la vérité du moment ni quelle est la vérité du pape. Il l’encourage non pour le plaisir spéculatif, mais pour une visée d’édification pratique : Non est disputationis speculativae actus sed aedificationis practicae17. À sa manière, Gerson, en prônant le droit de discussion et en encourageant le débat – serein et spécialisé –, ne fait rien d’autre que déployer la question de Paul à Pierre : Cur ita facis ? Il pose un droit à la critique par la réflexion. Il défend un droit à l’obéissance réfléchie, laquelle s’oppose à l’obéissance soumise ou aveugle. Ce droit de discussion relève d’un droit de résistance, une résistance à l’arbitraire et à la toute-puissance, par la voie de la critique raisonnée.
12Du droit de discussion, l’on passe à un droit d’appel au concile contre le pape. La légitimité de l’appel au pape a pénétré les esprits au fil des débats, de 1395 à 1416. La moindre défaillance requiert que le pape soit corrigé, voire accusé et jugé. Il n’y a plus de tabou à penser l’appel du pape. Il n’y a plus besoin de construire de savantes et complexes diatribes pour convaincre le pape d’hérésie. Si le pape rechigne ? Le concile a autorité, car il est l’autorité même du Christ, lui qui a dit de se réunir en son nom et pas au nom de Pierre, in meo nomine, non ait in nomine Petri18.
13Il est une autre modalité d’un droit de résistance, à côté du droit de discussion et du droit d’appel : c’est la loi évangélique de la correction fraternelle, appuyée sur le verset de l’Évangile de Matthieu, au chapitre 18, 15-1719. En effet, en 1417-1418, Gerson invoque la référence évangélique de la correction fraternelle dans chacune des pages de ses traités. Il en martèle le contenu. Plusieurs implications ecclésiologiques y sont contenues dont la portée est à elle seule capable d’ouvrir une nouvelle ère pour l’Église. Tout d’abord, insister sur le précepte de la correction fraternelle, c’est faire du pape un frère. Le pape, dit Gerson, est fils de l’Église et frère de chaque homme, il n’a pas à être appelé père20. Telle est la nouveauté, audacieuse, disons-le. Démontrer que le pape est un frère, c’était pouvoir le soumettre au précepte évangélique de la correction fraternelle, fondement biblique du droit de réprimande et du droit d’appel, d’autant plus qu’il n’y a pas d’impeccabilité du pape du seul fait de sa dignité21. À cette date, le droit d’appel est suffisamment intégré pour pouvoir être lu comme la version juridique du verset évangélique de Matthieu 18 sur la correction fraternelle. L’appellatio qui s’accompagne des termes techniques de provocatio, evocatio ou citatio est sans aucun doute la modalité juridique de la correction fraternelle22. En 1418, dans sa Quaestio an liceat in causis fidei a papa appellare, Gerson reprend le verset de Matthieu 18 pour étayer la résistance paulinienne de Galates 2, 1123. Il répond aux questions qu’il avait alors posées dans son exégèse de 1402. Désormais la résistance est équivalente à l’appel à l’Église : le droit de résistance est le droit d’appel, haec resistentia non fuit minor provocatio Pauli contra Petrum quam fuisset appellatio ad Ecclesiam, immo fuit aequivalenter appellatio24. La réprobation du pape doit être publique, comme Paul avait publiquement agi contre Pierre. Si Pierre n’avait pas voulu se désister, il aurait été condamné par l’Église25. C’est même aux théologiens qu’il incombe de dénoncer le manque de droiture du pape, comme l’avait pointé Paul dans l’attitude pétrinienne26.
14Finalement le précepte de la correction fraternelle, qui vient fonder et autoriser la résistance de Paul à Pierre et, partant, le droit de résistance et le droit d’appel, met en jeu l’articulation majeure entre l’obéissance et l’abus. C’est ainsi que Gerson clôt la série de ses écrits ecclésiologiques en mai 1418. Il réfute l’abus – injustice, arbitraire ou tyrannie du pouvoir – en arguant de l’outil de résistance dans la pratique de l’obéissance et face à la hiérarchie cléricale27. Désormais, toute résistance envers un prélat en devient même louable à partir du moment où il y a abus : Est igitur quandoque meritorium et honorificativum Ecclesiae potestatis quod tali praelato in faciem resistatur, cum appositione inculpatae tutelae, quemadmodum restitit Paulus Petro28. Gerson parle d’une résistance au pouvoir abusif des clés : abusui clavium resistere29. Ce qui est pointé plus que jamais, et à l’encontre de toute la théorie théocratique, c’est bien le risque de dérive du pape, ses abus et sa peccabilité.
15Au terme de la période, la doctrine d’un appel au pape – au concile en premier lieu – et d’une résistance critique à son pouvoir est acquise. Ce parcours aura, entre autres, offert les antécédents généalogiques et médiévaux de la doctrine de l’appel comme d’abus, en cours à partir de la seconde moitié du xve siècle et qui connaît une belle fortune sous l’Ancien Régime30. Mieux, elle aura envisagé l’hypothèse d’un double magistère, celui de Pierre et celui de Paul31. Paul assurerait la succession doctrinale à côté de Pierre, de qui relève la succession hiérarchique32. L’arbitrage doctrinal de Paul l’érige, en quelque sorte, comme paradigme du théologien, dont l’antonomase autorise la paternité pour tous les autres théologiens qui le suivront33.
16En définitive, l’exégèse du verset Galates 2, 11 aura été l’occasion de déployer et de préciser la doctrine d’un droit de résistance au pontife suprême de l’Église romaine, décliné en plusieurs modalités : droit de discussion et de disputatio, droit de critique, droit de correction, droit de réprimande, droit d’appel. La période atypique du Grand Schisme, par la vivacité et la fécondité de ses débats, a permis l’élaboration d’un droit de résistance. En mettant en cause les pratiques médiévales de l’obéissance, fortement marquées par l’expérience des rapports féodaux, les penseurs et les ecclésiologues du temps sont entrés dans les « contre-conduites » que définit Michel Foucault, lesquelles ont contribué à éroder le pouvoir pastoral34. Dans la littérature juridico-politique de l’époque du Grand Schisme, le droit de résistance a inauguré une première réflexion sur la limitation des pouvoirs, en établissant des conditions et des bornes à l’obéissance due aux gouvernants, et plus spécifiquement envers le pape. De plus, parce qu’il peut s’avérer une alternative à la sédition, le droit de résistance a rallié les penseurs du temps. Ce que le cœur de cette problématique nous montre, c’est la signification du Schisme comme crise d’autorité et crise de confiance. Reste à comprendre comment cet épisode a été lu dans la longue tradition de l’histoire de l’Église du xve siècle à nos jours.
Le déni de l’historiographie romaine
17Dire que l’épisode du Grand Schisme et de la contestation pontificale fut douloureux dans la mémoire de l’Église romaine, c’est encore peu dire. Le paulinisme, cette théorie de la prétention égalitaire de Paul à Pierre, prolongement des théories de la contestation à l’époque des conciles réformateurs, fut amplifié à l’époque moderne. Sylvio de Franceschi a étudié les théoriciens anti-romains du xviie siècle qui ont pu défendre l’idée d’une parfaite aequalitas entre les deux apôtres. Simon Vigor ou Martin Barcos l’ont affirmé. Bellarmin l’a concédé : saint Pierre et saint Paul, dit-il, peuvent mériter conjointement le titre de Princeps Apostolorum35. Dans sa préface à l’œuvre d’Antoine Arnauld, le janséniste Barcos manifeste sa dilection paulinienne en énonçant l’absence de hiérarchie entre les deux apôtres. « Il désirait, du moins le prétendait-il, allier paulinité et pétrinité pour justifier enfin pleinement la primauté pontificale36. » Le 24 janvier 1647, Innocent X déclare hérétique l’affirmation de Barcos selon laquelle saint Pierre et saint Paul sont deux princes de l’Église qui ne font qu’un, qu’ils sont ses deux chefs suprêmes conjoints entre eux par la plus stricte unité, qu’ils sont le double sommet de l’Église universelle et qu’ils ne font qu’un seul chef37. L’idée d’une collégialité égalitaire des apôtres resurgit à partir du milieu du xixe siècle, au moment où remettre en cause la primauté pétrinienne, c’est directement provoquer le pontife. Le 26 décembre 1910, dans une lettre apostolique (Ex quo nono), le pape Pie X rappelle avec intransigeance que l’égalité de saint Pierre et de saint Paul est une doctrine qui a été proscrite par Innocent X. Désormais, le paulinisme est plus qu’une modalité de l’anti-romanisme : il est une rébellion ouverte contre l’infaillibilisme pontifical. Malgré la doxa de l’historiographie magistérielle, en 1963 pourtant, Yves Congar rappelle que l’Église romaine ne devrait pas renier sa paulinité et qu’elle aurait tout intérêt à revoir en la figure de Paul, non plus le spectre qui l’a hantée, historiographiquement, mais un des fondements de sa réalité historique originelle38.
18À adopter un point de vue plus large encore sur cette période des conciles réformateurs (de Pise à Bâle), l’on peut analyser les différentes mises en récit de l’Église officielle par elle-même ou par ses détracteurs. En effet, le temps de ce premier xve siècle fut une période de contestation de l’autorité romaine. L’historiographie officielle a voulu en fait un accident de l’histoire : il fallait que le temps des conciles ne soit qu’un épisode révolutionnaire, vite enterré par ladite « victoire de la papauté » après 1440 et surtout après le concile de Latran V (1512) pour que l’histoire de la monarchie pontificale reprenne son cours et se construise en un absolutisme romain sans contre-pouvoir. Il fallait que les théories conciliaires fussent déclarées d’origine hérétique (Guillaume d’Ockham et Marsile de Padoue) pour vicier leur mise en pratique, et les rendre exogènes à l’Église. Or, face à cette « politique de l’oubli » de l’historiographie magistérielle et romaine concernant l’histoire de l’Église, une autre téléologie s’est construite, dont Francis Oakley reste le thuriféraire. Elle entend à son tour écrire une « contre-mémoire du conciliarisme » pour montrer que, loin d’être un accident, les théories conciliaires et les conciles furent endogènes à l’Église, par leurs origines canoniques (comme l’a démontré la thèse de Brian Tierney en 1955), et que, absolument pas mortes après Latran V, les idées conciliaires sont demeurées souterraines et permanentes au nord des Alpes au point de stimuler le constitutionnalisme parlementaire des États d’Europe du Nord, fût-ce à travers des modalités comme le gallicanisme, le richérisme, le fébronianisme, le joséphinisme, etc. Si l’on peut renvoyer dos à dos les historiographies romanistes et anti-romanistes, ce que l’on peut repérer, après avoir reconstitué la cartographie de leur polémicité, c’est la manière dont l’ensemble des manuels français d’histoire religieuse, à leur insu peut-être, n’ont pas été exempts d’une pénétration des présupposés romains pour n’avoir pas véritablement assimilé l’historiographie anglo-saxonne de la seconde moitié du xxe siècle, de Brian Tierney à Francis Oakley. Les turbulences de l’époque du Grand Schisme révèlent, admirablement, la grande entreprise ecclésiale d’une mise en récit de l’Église, dès le xve siècle et jusque dans les réutilisations contemporaines les plus récentes. Il revient à l’historien de s’attacher à cette narrativité pour mieux cerner ce que pourrait être la genèse ecclésiale de la modernité politique.
Notes de bas de page
1 Ce que la Bible de Jérusalem traduit par : « Mais quand Céphas vint à Antioche, je lui résistai en face, parce qu’il s’était donné tort. » Le Maître de Sacy choisit de rester près du latin : « Or Céphas étant venu à Antioche, je lui résistai en face, parce qu’il était répréhensible. »
2 Voir H. J. Sieben, Vom Apostelkonzil zum Ersten Vatikanum: Studien zur Geschichte der Konzilsidee, Paderborn, 1996.
3 Université de Paris, Epistola Parisiensis, (secunda), inc. : Sanctissimo in Christo Patri D. Benedicto divina providentia sancte romane ecclesie… (14 avril 1395, remaniée 25 août 1395), Paris, BnF, lat. 14643, fol. 49r-52r, fol. 49v.
4 Simon de Cramaud, 1er Discours à l’assemblée du clergé (2 décembre 1406), inc. : « Tres redoutés Seigneurs, il vous a plus ordonner aucuns pour debattre la matiere… », éd. B. du Chastenet, Preuves de la Nouvelle Histoire du Concile de Constance, Paris, 1718, p. 118-124, ici p. 123.
5 Id., De substraccione obediencie, dit aussi Nunc reges intelligite, inc. : Nunc reges intelligite… (octobre 1396-avril 1397), éd. H. Kaminsky, Cambridge (Mass.), 1984, p. 69-164, ici p. 91.
6 Job 9, 12 : Si repente interroget, quis respondebit ei ? vel quis dicere potest : Cur ita facis ?
7 Y. Congar, « La “réception” comme réalité ecclésiologique », Revue des Sciences Philosophiques et Théologiques, 56 (1972), p. 369-403, ici p. 374.
8 Voir entre autres exemples le canoniste Tancrède (1235), Gloss ad Comp. III, 1, 5, 3 : Nec est quid dicat ei, cur ita facis ?, cité par B. Tierney, Foundations of the Conciliar Theory. The Contribution of the Medieval Canonists from Gratian to the Great Schism, Cambridge, 1955, p. 147, ou le théocrate Alvarez Pelayo († 1353) : Successor Petri vicarius Jesu Christi vicem non puri hominis sed veri Dei gerens in terris… in omnibus et per omnia potest facere et dicere quicquid placet, auferendo etiam jus suum qui vult, quia non est qui dicit ei Cur ita facis ?, cité par N. Jung, Un franciscain, théologien du pouvoir pontifical au xive siècle : Alvaro Pelayo, évêque et pénitentier de Jean XXII, Paris, 1931, p. 107, n. 1.
9 Université de Paris, Epistola Parisiensis…, op. cit. n. 3, fol. 51 : Nam cum secundum doctrinam plurimorum jurisconsultorum, quod sepe nobis alias argutum est, papa sit suppremus judex Ecclesie, qui omnia dijudicat et a nemine judicatur et cui non est quid dicat cur ita faciat.
10 Jean Gerson, Sermo habitus Tarascone coram Benedicto XIII, inc. : Apparuit gratia Dei… (discours au pape Benoît XIII à Tarascon, le 1er janvier 1404), éd. P. Glorieux, V, § 212, p. 64-90, ici p. 71.
11 Ibid. : Responsio : distinguenda sunt tempora et concordabuntur Scripturae. Tempus circumcisionis tripliciter cucurrit : currebat primo utiliter usque ad baptismum ; secundo permissive apud Judaeos usque ad publicationem Evangelii pleniorem, ut mater synagoga honestas haberet exequias ; sed tunc apud Gentes et post apud omnes pestifera fuit ejus observatio. Propterea Petrus et Paulus licite quosdam circumciderunt ex Judaeis tempore illo medio ; sed quia ex facto Petri circa Judaeos, gentiles scandalizabantur quasi deberent sic circumcidi, Paulus doctor gentium avertit Petrum de re huiusmodi…
12 Ibid. : Qui tota sibi humilitate paruit ; et ita neuter peccavit, saltem mortaliter. Sur l’accueil de la réprimande par Pierre, voir aussi Pierre Plaoul, Discours de clôture des débats avant le vote, inc. : Propitius sit nobis Deus… (7 juin 1398), éd. Du Boulay, Historia universitatis Parisiensis, Paris, IV, p. 835 et p. 836-843, p. 843 : Ideo Paulus Petrum reprehendit ; nec propter hoc indignatus fuit Petrus.
13 Ibid., p. 71-72.
14 Voir la question de Jean Quidort, De potestate regia et papali, éd. F. Bleienstein, Stuttgart, 1969, cap. 22, p. 192-196 : An licitum sit de huiusmodi pertinentibus ad papam disputare et judicare. L’auteur insiste sur la nécessité de rechercher la vérité dans le cas où il conviendrait de douter du statut du pape : Tanto magis in talibus est veritatem inquirere, quanto periculosius esset in hoc non cognoscere veritatem. Voir sur ce sujet, G. Briguglia, « Inquirere veritatem. Osservazioni sui prologhi dei trattati politici di Giovanni di Parigi, Egidio Romano, Giacomo da Viterbo (1301-1303) », Il Pensiero Politico. Rivista di storia delle idee politische e sociali, 1 (2007), p. 3-20, ici p. 13-14.
15 Jean Gerson, Sermo…, op. cit. n. 10 : Apparuit gratia Dei…, p. 72 : Quid est igitur quod innuis mihi quasi non liceat de potentia Petri disputare ? Nonne de omnipotentia Dei quotidie perquirimus ?
16 Ibid., p. 73 : Quaestiones hujusmodi multiplicare magis et magis satagebat importune nimis studiositas speculatrix in meditatione mea.
17 Ibid.
18 Ibid., c. 960.
19 Matth. 18, 15-17 : Si autem peccaverit in te frater tuus, vade, et corripe eum inter te et ipsum solum. Si te audierit, lucratus eris fratrem tuum. Si autem te non audierit, adhibe tecum adhuc unum vel duos, ut in ore duorum vel trium testium stet omne verbum. Quod is non audierit eos, dic Ecclesiae ; si autem Ecclesiam non audierit, sit tibi sicut ethnicus et publicanus. « Si ton frère vient à pécher, va le trouver et reprends-le, seul à seul. S’il t’écoute, tu auras gagné ton frère. S’il ne t’écoute pas, prends encore avec toi un ou deux autres, pour que toute affaire soit décidée sur la parole de deux ou trois témoins. S’il refuse de les écouter, dis-le à l’Église. Et s’il refuse d’écouter même l’Église, qu’il soit pour toi comme le païen et le publicain. » Sur le verset, voir K. Froehlich, « New Testament Models of Conflict Resolution: Observations on the Biblical Argument of Paris Conciliarists during the Great Schism », Conciliation and Confession: The Struggle for Unity in the Age of Reform, 1415-1648, éd. H. P. Louthan, R. C. Zachman, Notre-Dame, 2004, p. 13-36.
20 Jean Gerson, Libellus articulorum contra Petrum de Luna, inc. : Libellus articulorum theologicorum et scholastice compositorum contra Petrum de Luna… (26 avril 1417), éd. P. Glorieux, VI, § 286, p. 265-277, ici p. 267 : [Duodecimus articulus] Item sicut summus pontifex quantumcumque legitime fuerit electus, est filius Ecclesiae, sic dici potest et debet frater uniuscujusque hominis de Ecclesia. Unde et ad hoc significandum dedit nobis Christus hanc formam orandi : Pater noster, etc. Si unum ergo habemus Patrem in coelis, si unam matrem Ecclesiam in terris, constat quod omnes sumus mutuo fratres. Et oppositum sentire vel dicere de papa est apertissima dementia. Et plus loin, p. 274 : Quilibet christianus est frater noster etiam si fuerit papa, quia propter hoc non desinit dicere ad Deum : Pater noster. Si est igitur frater noster, nos pariter sumus fratres.
21 Ibid. : [Decimus tertius articulus] Item quod papa quantumcumque legitime electus potest peccare, quia non est impeccabilis effectus ex assumptione papalis dignitatis.
22 Ibid., Libellus articulorum contra Petrum de Luna…, p. 268 : Item quod omnis qui potest aut debet licite puniri judicialiter, potest etiam licite evocari ad judicium, etiam per appellationem aut provocationem aut citationem prout visum fuerit expediens judici vel illis qui ad judicium accusare volunt fratrem delinquentem ; praesertim ubi non apparet pro tunc modus convenientior procedendi contra reum et peccatorem fratrem. Ou encore p. 274 : Si vero detur primum, sicut dari necesse est, quod scilicet papa comprehenditur sub hac lege evangelica et immutabili, quae consonat etiam juri proprie naturali, sequitur igitur quod si peccaverit in nos, iste frater noster debet fraternaliter primo corripi juxta regulam istam ita generaliter positam ; quod is noluerit audire adhibendi sunt testes ; quos si audire noluerit, denuntiandus est Ecclesiae ; quam si contempserit, habendus est tamquam ethnicus et publicanus, id est excommunicatus et extra Ecclesiam positus. Sequitur ergo consequenter quod Ecclesia est judex papae dum peccaverit peccato publico et Ecclesiae denuntiato ; et potest Ecclesia talem papam excommunicare et ejicere a consortio suo multiplici occasione et multiplici quaesito colore. Constat autem quod ab inferiori ad superiorem legitimum potest fieri appellatio seu provocatio seu deductio in causam seu judicialis citatio et evocatio, nunc ad denuntiationem alterius, nunc ex puro judicis officio.
23 Jean Gerson, An liceat in causis fidei a papa appellare, inc. : Quaeritur utrum haec assertio sit catholica… (entre 10 et 18 mai 1418), éd. P. Glorieux, VI, § 288, p. 283-290.
24 Ibid., p. 284.
25 Ibid. : Unde et si Petrus desistere noluisset, fuisset ab Ecclesia condemnandus.
26 Ibid. : Ex quibus palam elicitur quod summus pontifex qui succedit Petro in apostolatu reprehendi potest publice per doctorem theologum qui in officio praedicationis succedit Paulo, etiam ubi non haereticaret vel erraret in fide.
27 Jean Gerson, De sententia pastoris semper tenenda ou Discussio assertionis : sententia pastoris etiam injusta timenda est et tenenda, inc. : Casus est : quidam se gerens pro commissario papae… (vers mai 1418), éd. P. Glorieux, VI, § 289, p. 291-294, par exemple, en réponse à l’affirmation du commissaire du pape encore présente, p. 291 : Sententiae nostrae, etiam si essent injustae, sunt tenendae et timendae, Gerson répond, p. 292 : Quoniam oppositum consequentis stat cum antecedente, quoniam stat aliquas sententias pastoris vel papae et suorum commissariorum non esse tenendas, immo nec timendas cum sunt injustae. […] Sententia aliqua sit timenda et quod sit tenenda, quia tyrannica iniquitas etiam timeri potest sed non teneri debet, immo contemni vel persequi.
28 Ibid., p. 295.
29 Ibid., p. 296 : Contemptus clavium dicendum est magis foveri quam tolli dum debentes abusui clavium resistere, dividuntur inter se et impediunt se vel per stultitiam vel per ignaviam ne communi consensu fiat ambulatio in Domino, dum alii favent abusibus, alii tollere volunt.
30 Voir notamment R. Génestal, Les origines de l’appel comme d’abus, Paris, 1951.
31 Sur la notion de magistère, voir les réflexions toujours stimulantes d’Y. Congar, « Pour une histoire sémantique du terme magisterium », Revue des sciences philosophiques et théologiques, 60 (1976), p. 85-98 ; id., « Bref historique des formes du “magistère” et de ses relations avec les docteurs », Revue des sciences philosophiques et théologiques, 60 (1976), p. 99-112, ici p. 103-104. Voir aussi du même, « Saint Paul et l’autorité de l’Église romaine d’après la tradition », Studiorum Paulinorum congressus internationalis catholicus, Rome, 1961, vol. I, p. 491-516.
32 Voir, sur cette hypothèse, les réflexions consonnantes d’E. Marmursztejn, « Autorité et vérité dans les relations entre la papauté et les docteurs parisiens au xiiie siècle », Autorität und Wahrheit. Kirchliche Vorstellungen, Normen und Verfahren (13.-15. Jahrhundert), éd. G. L. Potestà, Munich, 2012, p. 21-44. L’auteur évoque, p. 24 et p. 29-30, « la clé du pouvoir et la clé de la science ». Voir dans le même volume I. Iribarren, « Jean Gerson, Spiritual Adviser to the Celestines », p. 159-178, notamment p. 163.
33 Les réfutations sont nombreuses issues du camp pontificaliste : ce qu’il s’agit de défendre, c’est la sacro-sainte non-justiciabilité du pape par quiconque. D’où l’implacable argument canoniste : celui qui résiste à la puissance établie résiste à Dieu, qui huic potestati a Deo ordinate resistit, Dei ordinacioni resistit.
34 M. Foucault, Sécurité, territoire, population. Cours au Collège de France, 1977-1978, éd. M. Senellart, dir. F. Ewald, A. Fontana, Paris, 2004, « Leçon du 22 février 1978 », p. 180 ; « 1er mars 1978 », p. 195-232, ici p. 204-205. Voir aussi J. Dalarun, Gouverner, c’est servir. Essai de démocratie médiévale, Paris, 2012, p. 302-303.
35 Cité par S. H. de Franceschi, « Saint Pierre et saint Paul : deux chefs de l’Église qui n’en font qu’un. Primauté romaine et pétrinité aux temps post-tridentins », Rome, l’unique objet de mon ressentiment. Regards critiques sur la papauté, éd. P. Levillain, Rome, 2011, p. 231-259, ici p. 237, n. 24 : Bellarmin, Disputationes de controversiis christianae fidei, I, Naples, 1856, De romano pontifice, l. I, c. XXVII, p. 361 : Itaque in eo quod est proprium apostoli, Paulus excelluit, et sicut Petrus dicitur princeps Apostolorum quia intitutus est caput et pastor ovium, ita etiam Paulus dici potest princeps Apostolorum, quia munus apostolicum excellentissime adimplevit.
36 S. H. de Franceschi, « Saint Pierre et saint Paul : deux chefs de l’Église… », loc. cit. n. 35, p. 251. Pie X a rappelé avec intransigeance que l’égalité de saint Pierre et de saint Paul était une doctrine proscrite par Innocent X.
37 Dentzinger-Schönmetzer, Enchiridion symbolorum, definitionum et declarationum de rebus fidei et morum, 36e éd., Fribourg-en-Brisgau/Rome, 1976, n. 1999, p. 444-445.
38 Y. Congar, « Saint Paul et l’autorité de l’Église romaine d’après la Tradition », Studiorum Paulinorum Congressus internationalis catholicus. Analecta biblica, 17-18, Rome, 1963, vol. I, p. 491-516, ici p. 513.
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