Avant-propos
p. 7-10
Texte intégral
1Il est rare que le thème choisi pour le congrès annuel des médiévistes français entre de manière aussi forte en résonnance avec l’actualité. La grève de la SNCF, qui expérimentait de nouvelles formes d’action avec deux jours sur cinq d’arrêts de travail entre avril et juin 2018 (ce qui tombait très opportunément au moment de l’ouverture du congrès et du retour des congressistes le dimanche), a rendu la venue de beaucoup particulièrement compliquée. S’y est ajoutée la contestation étudiante contre la nouvelle plateforme d’admission à l’université, qui a entraîné le blocage des locaux où devait se tenir une partie des sessions – et offert, par les slogans écrits sur les murs de l’université, un décor inattendu à notre congrès. Enfin la grève des postiers de Rennes empêcha l’arrivée des fiches d’inscriptions, problème atténué heureusement par une procédure pionnière (pour la SHMESP) d’inscription en ligne. Quelques mois plus tard commençait le mouvement dit des « Gilets jaunes », qui rendit perplexes décideurs et commentateurs, qui cherchèrent des précédents historiques susceptibles d’en expliquer les causes et la nature – Mai 68 et la Révolution française bien sûr, mais aussi, plus rarement il est vrai, les révoltes médiévales.
2Lorsque, à l’occasion de l’assemblée générale d’octobre 2016, il avait été décidé de réfléchir en 2018 sur les contestations au Moyen Âge, la perspective de coïncider avec les commémorations des cinquante ans de mai 68 n’avait été qu’une boutade d’historien. L’invitation de nos collègues de l’université Rennes 2, établissement pourtant bien connu (avec quelques autres) pour sa tradition estudiantine contestataire, avait été reçue avec enthousiasme par des médiévistes qui n’étaient pas retournés à Rennes depuis le congrès de 1976 sur les transports au Moyen Âge. Les propositions de communications avaient été nombreuses, toutes de grande qualité, et le programme finalement retenu annonçait une rencontre passionnante. Et elle le fut, comme en rendent compte ces actes.
3Comme tous les volumes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l’Enseignement supérieur public, celui-ci est le résultat d’un long processus, qui a bénéficié d’un engagement fort et sur plusieurs années de nombreuses personnes et institutions, qu’il faut ici remercier. Celui des contributeurs, tout d’abord, issus des diverses institutions d’enseignement supérieur et de recherche, dont plusieurs jeunes chercheurs qui rappellent la vitalité des études médiévales en France, malgré les grandes difficultés que ces derniers peuvent aujourd’hui rencontrer. Tous ou presque ont bravé les problèmes de transport pour arriver jusqu’à Rennes, et se sont pliés au calendrier très contraint de nos publications, permettant la sortie régulière des actes un an et demi après le congrès. Celui du comité scientifique également, qui a eu la rude tâche de finaliser l’argumentaire, de sélectionner les propositions et d’assurer la relecture des articles. Celui enfin des deux responsables des publications de la SHMESP, Didier Panfili et Esther Dehoux, que je ne remercierai jamais assez pour leur dévouement et leur travail, souvent difficile et ingrat.
4Mais le congrès n’aurait pas pu réussir, dans ces conditions particulières, sans l’engagement sans faille de nos collègues médiévistes de l’université Rennes 2, au premier rang desquels Florian Mazel, véritable cheville ouvrière de l’événement, qui fut sur tous les fronts, en amont pour préparer la rencontre, au moment du congrès pour s’adapter à la situation, et notamment trouver dans l’urgence des salles accessibles pour accueillir les sessions, et en aval pour la finalisation de certains articles. Il a été aidé en cela par l’équipe des historiens rennais, en particulier Marie-Madeleine de Cevins, directrice de l’Équipe d’accueil 7468 Tempora, dont l’efficacité de sa gestionnaire, Audrey Colloc, n’a pas été pour rien dans la réussite matérielle du congrès. Les institutions universitaires et de recherche rennaises et leurs responsables respectifs ont également soutenu matériellement et financièrement la manifestation. L’université Rennes 2 tout d’abord, par son président Olivier David et son vice-président à la recherche Leszek Brogowski, qui a accompagné le projet dès le début, ainsi que l’UFR de sciences sociales et le département d’histoire et leurs directeurs respectifs, Johan Oswald et Gauthier Aubert. La Maison des sciences de l’homme en Bretagne et son directeur Nicolas Thély ont bien voulu à la dernière minute mettre à notre disposition une salle en remplacement de celle initialement prévue mais menacée de blocage. Il faut également remercier Les Champs Libres, médiathèque de Rennes-Métropole, et en particulier Astrid Massiot, responsable de la programmation culturelle, qui nous a accueillis pour une des journées et Sarah Toulouse, conservatrice du fonds ancien, qui nous a présenté quelques-uns des magnifiques manuscrits de sa collection, ainsi que le musée de Bretagne et sa directrice Céline Chanas, qui nous a ouvert ses portes. Enfin Rennes-Métropole et en particulier Isabelle Pellerin, vice-présidente en charge de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, qui a soutenu financièrement notre congrès et nous a reçus à l’hôtel de ville, témoignant par là du rôle indispensable des collectivités locales pour la recherche en histoire.
5Les contributions réunies dans ce riche volume couvrent, comme il est de coutume dans nos congrès, des périodes et espaces divers, ouvrant ainsi à de fécondes comparaisons, notamment entre mondes chrétiens et islamiques. Elles témoignent surtout des renouvellements récents et du dynamisme de la médiévistique française dans le champ de l’histoire politique au sens large. Loin d’enfermer la contestation dans une définition unique, elles ont cherché à en cerner les contours à travers le discours et les pratiques des hommes du Moyen Âge, montrant qu’elle constitue un véritable langage politique, avec sa grammaire et ses motifs, ses modèles et anti-modèles qui déterminent les limites de la contestation et de la révolte légitimes. Attentives aux acteurs de la contestation dans leur diversité, elles ont évité le piège qu’aurait constitué une approche par le seul témoignage des puissants, ouvrant à la possibilité d’une « histoire par le bas » à même de rendre intelligibles les mécanismes politiques et sociaux. Soucieuses, enfin, d’interroger les formes de la contestation, elles ont montré que la violence, bien présente et parfois justifiée, n’est qu’une des modalités de ces actions qui tiennent autant du rejet du pouvoir que de la négociation, comme en témoigne souvent l’issue finale.
6Peut-être en raison de la convergence du thème du congrès avec l’actualité de la contestation en France, la presse locale s’intéressa à nos travaux, découvrant, ne serait-ce que le temps de la manifestation, que l’histoire médiévale ne servait pas seulement à organiser des fêtes costumées prétextes à la marchandisation d’un Moyen Âge plus ou moins exotique. Intrigué, un journaliste posa la question rituelle à laquelle tout universitaire a été confronté au moins une fois dans sa vie : à quoi tout cela sert-il ? On trouvera dans ce volume des études savantes, qui font des actes des congrès de la SHMESP, depuis maintenant près d’un demi-siècle, des jalons historiographiques majeurs. Mais aussi, peut-être, une réponse à cette question qui interroge, parfois avec une certaine perplexité, notre fonction sociale de chercheurs et d’universitaires spécialistes du Moyen Âge. Entre critique et contestation du pouvoir, revendication d’un idéal de gouvernement et affirmation de la volonté de participer et peser sur la chose publique, ces contestations médiévales dessinent une grammaire de la révolte qui offre une profondeur historique à nos réflexions sur le monde d’aujourd’hui, rappelant à ceux qui l’auraient oublié que le Moyen Âge est toujours, et plus que jamais, d’actualité.
Paris, le 25 février 2019
Dominique Valérian
Président de la SHMESP
Auteur
Président de la SHMESP
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