Échanges marchands et non marchands dans une boutique d’armuriers-merciers
L’agence Datini d’Avignon vers 1386
p. 429-477
Résumés
Tenter de repérer la limite entre « échanges marchands » et « non marchands » dans une agence commerciale, c’est observer comment les transactions sont filtrées et recomposées pour s’intégrer dans un système d’enregistrement conçu pour suivre des flux de marchandises, capitaux et créances. Dans l’agence Datini d’Avignon, le memoriale comporte le plus d’informations sur les clients mais voile les transactions en les transposant en comptes personnels consacrés à près de 300 individus. Les échanges relevant du don n’apparaissent ici que comme motif d’avances réclamées par le personnel. La comptabilité d’agence peut ainsi être envisagée comme l’un des éléments instaurant une frontière entre les sphères professionnelle et privée.
In order to locate the boundary between commercial and non-commercial exchanges in a trading agency, we first need to observe how transactions were filtered and recomposed to fit into a system of written recording aimed at tracking flows of wares, capital and credits. In the Datini agency in Avignon, the memoriale contains most information about customers but conceals the transactions by recomposing them into personal accounts naming nearly 300 individuals. Exchanges identifiable as gifts appear here only as an explanation for cash advances required by the staff. Agency book-keeping can thus be regarded as one of the elements establishing a border between the professional and private spheres.
Texte intégral
1Poser la question de la distinction entre les échanges marchands et non marchands1 dans le milieu du négoce italien à la fin du Moyen Âge, c’est d’abord s’interroger sur les limites de la documentation et des orientations historiographiques. Le regain d’intérêt qu’ont connu les comptabilités de la période a privilégié les plus diffuses dans les dépôts d’archives : comptes princiers, ecclésiastiques et municipaux2. Celles des boutiques ou des réseaux marchands ont rarement été conservées dans l’espace français, du fait de la perte de la plupart des fonds d’origine privée au fil des successions, et elles se limitent bien souvent à quelques fragments des systèmes d’écrits mis en place par les contemporains pour assurer des fonctions différenciées d’enregistrement, de classement et réélaboration de l’information, de preuve et de communication. En Italie les familles marchandes anoblies et certaines institutions hospitalières héritières de patrimoines privés ont parfois pu assurer jusqu’à la période contemporaine une transmission d’archives privées qui peuvent se révéler beaucoup plus complètes. Remis dès la mort du dirigeant d’un réseau de compagnies à sa fondation charitable, l’Archivio Datini de Prato a ainsi conservé environ 600 registres et liasses de documents comptables, qui concernent principalement, outre la Toscane, les aires ligure, provençale et catalane. Comme pour d’autres firmes commerciales, les études se sont surtout focalisées d’une part sur la technique comptable, d’autre part sur la dimension et le volume des entreprises qui produisaient ces écrits3. Mettre la transaction au cœur de l’analyse, c’est en revanche s’interroger d’abord sur le filtre imposé par la procédure comptable sur la réalité des échanges. Les comptabilités d’agence sont surtout conçues pour suivre des flux d’avoirs (marchandises, liquidités, crédits et débits). Un échange associe deux acteurs, ou davantage, tient ou ne tient pas compte de l’histoire de leur relation et fait circuler entre eux un bien, de façon isolée ou selon une séquence qui s’étend dans la durée et peut intégrer d’autres participants ; il est classé par ces acteurs dans des catégories sociales (acte volontaire découlant d’une initiative plus libre ou imposé par une appartenance ou une relation donnée). La méthode d’enregistrement adoptée dans les agences sélectionne-t-elle certains échanges au détriment d’autres ? Les décrit-elle de façon détaillée ou n’en retient-elle que quelques aspects ? C’est en fonction de ces questions qu’il conviendrait ainsi de réexaminer les sources comptables. Mais seule une forme d’expression plus personnalisée peut sans doute restituer le contexte des échanges, en dévoiler peut-être aussi d’autres, occultés ou marginalisés par les registres comptables, et permettre à l’historien d’adopter ce regard ethnographique. Le fonds Datini a préservé environ 150 000 lettres privées, qui méritent donc d’être examinées parallèlement aux comptabilités.
2Le secteur retenu pour notre analyse, du fait d’une familiarité majeure, est celui de l’agence d’Avignon, dont émanent près du tiers des 600 registres et liasses de documents comptables du fonds. Il a tout spécialement conservé les éléments annexes qui s’articulent aux principaux livres d’analyse et de synthèse. Un des premiers lots bien conservés a été étudié en détail par Franz Josef Arlinghaus4. Il concerne la période 1367-1373, lorsque Francesco Datini limite encore son activité à cette place, où il est associé sur un pied d’égalité au marchand florentin Toro di Berto Teci. La richesse documentaire s’accroît une dizaine d’années plus tard, quand Francesco revient s’installer en Toscane (janvier 1383) et intègre son agence avignonnaise dans un réseau de compagnies (dans l’immédiat Florence, Prato, Pise, puis également Gênes et l’aire catalane à partir de 1392-1395), qu’il dirige à distance. Si la correspondance reçue à Avignon a été majoritairement perdue, plus de 7 000 lettres expédiées de la place provençale ont néanmoins été intégrées au fonds et elles datent majoritairement de la période postérieure à 1382. À travers les commentaires des acteurs sur la tenue et la qualité des comptes, elles permettent d’enrichir les notations, souvent sèches et standardisées, de ces livres, en restituant le contexte des affaires et en cernant la diversité des compétences, des fonctions et des attentes de chacun. La typologie des memoriali présente les enregistrements chronologiques les plus détaillés sur la clientèle et sur l’objet des transactions. Mais avant de nous pencher sur l’écho des transactions que l’on rencontre dans ce type de registre, il est nécessaire de reconstituer le système comptable en usage dans cette agence pour comprendre comment l’enregistrement filtrait les transactions et les recomposait pour suivre certains objets et autres avoirs. C’est à la fois dans les interstices du memoriale et dans la correspondance des principaux membres de l’agence que l’on rencontre des pratiques caractérisées comme des dons, qui n’engagent plus la compagnie mais certains individus à titre personnel. Le memoriale peut dès lors être abordé comme élément d’un dispositif instituant une frontière parmi les échanges, pour construire une sphère professionnelle.
Le système comptable
3Au moment de quitter sa boutique d’armurerie et de mercerie d’Avignon en décembre 1382, Francesco Datini (1335-1410) promeut deux facteurs à la position d’associés minoritaires pour constituer une compagnie. Le plus expérimenté est Boninsegna di Matteo Boninsegna (ca 1330-1397), un Florentin qui avait conduit une agence pour son compte avant de faire faillite et d’être recruté comme collaborateur par le marchand de Prato en 13725. Devenu directeur de l’agence dix ans plus tard, il en impose l’agencement comptable et tient l’essentiel des correspondances régulières avec Francesco et les partenaires établis sur d’autres places. Tieri di Benci, fils d’un tailleur de pierre de Settignano recruté par Francesco dès 1371, est en revanche considéré comme un semi-marchand, semi-artisan6, qui veille en particulier au travail d’adaptation des armures, à l’entretien des produits métallurgiques et à leur réapprovisionnement. Il se dit peu compétent en technique comptable7 mais ajoute parfois quelques entrées dans les registres principaux8 ; outre son rôle de premier plan dans l’évaluation annuelle du stock9, il tient également d’autres comptes, tant pour la compagnie que dans un cadre domestique, après son mariage au printemps 139310. Un autre facteur plus jeune mais expérimenté, Andrea di Bartolomeo di Ghino de Sienne, obtient peu après de passer également au statut d’associé, en janvier 1386, avant de quitter la compagnie en 139011. Le personnel – entièrement italien dans les deux dernières décennies du xive siècle, à part la servante recrutée localement – se complète de trois à cinq facteurs et apprentis toscans et d’un artisan milanais analphabète, Giannino di Iacopo, spécialiste de métallurgie12. La mauvaise tenue des livres incite Francesco à envoyer en renfort un autre facteur florentin, Filippo di messer Bettino Covoni, qui arrive à Avignon le 26 février 1386 et s’attelle bientôt aux comptabilités13. Les livres qui correspondent à l’année 1386 constituent le noyau de notre échantillon ; ils ont ainsi été définis et souvent manuellement ouverts par Boninsegna, avec l’intervention d’autres scripteurs, puis sont repris en main par Filippo au début mars, pour les principaux d’entre eux14.
4Par différents aspects, les registres tenus durant cette période, comme la précédente, se caractérisent par un niveau intermédiaire entre deux pôles de la technique observable dans les livres conservés en Italie centrale à l’époque, deux pôles que l’on peut associer d’une part aux boutiques d’envergure locale15, de l’autre aux firmes engagées dans le commerce à longue distance16. Divers éléments, comme le type et le volume des transactions décrites, le nombre des clients et fournisseurs, les comptes ouverts à des partenaires résidant sur des places aussi distantes que Milan ou Barcelone, les unités monétaires étrangères utilisées parfois à côté des monnaies régionales, de compte et réelles (pour l’or, le florin de la Chambre dont le cours est proche du florin florentin, et surtout le florin clémentin ou courant de 24 sous provençaux, mais parfois aussi le franc du royaume, évalué à 30 sous), les assimilent au second de ces groupes. Cependant les registres de ces années ne témoignent pas d’une culture comptable sophistiquée et ils sont par ailleurs tenus d’une façon quelque peu erratique, qui les rapproche de l’improvisation souvent lisible dans les livres des petits boutiquiers.
5La boutique avignonnaise reste fidèle jusque vers 1400 à la partie simple, alors que la partie double, qui requiert une maîtrise plus poussée dont est mieux dotée la génération des facteurs nés dans les années 1350 et suivantes, a d’emblée été adoptée dans les agences Datini implantées après 1382 en Toscane, avant de s’étendre une décennie plus tard aux dernières agences alors ouvertes à Gênes et en Catalogne. Le système comptable de l’agence d’Avignon se compose d’une dizaine de registres17. Pour aborder la clientèle et les transactions, nous négligerons ici les registres spécialisés qui suivent les marchandises dans leur circulation (libro del chiesto ou livre des commandes ASPo, D.172/2 ; memoriale di balle ricevute D.137, qui enregistre les balles de marchandises reçues de l’extérieur) et qui relèvent les frais de courriers (quaderno di corrieri D.175) ou les frais ménagers de l’agence (quaderno di spese di casa D.145), ainsi que les cahiers préparatifs du bilan (extrait des comptes D.180/11 ; rivedimento di conti D.155 et quaderno di ragionamento D.154).
6L’enregistrement des transactions commence avec un brouillon appelé parfois stracciafoglio, parfois (quaderno di / delle) ricordanze et à l’occasion quaderno piccolo, qui s’identifie avec le carnet étroit D.42 (29,5 sur 11 cm)18. Vers 1370, les ricordanze servaient de premier stade de tri dans les transactions, entre celles n’impliquant qu’un paiement comptant, dont le montant positif ou négatif était ensuite copié vers le livre de caisse (entrata e uscita) et celles impliquant une forme de crédit, qui étaient transférées en comptes personnels dans le memoriale19. En 1386, les ricordanze ne comportent qu’une centaine de feuillets étroits pour une année entière et elles semblent jouer un rôle plus réduit, car la plupart des transactions impliquant un crédit n’y figurent plus. Les comptes qui y prédominent sont désormais des notes mémorielles (ricordanze) décrivant d’une part des matériaux remis à des artisans pour les travailler, d’autre part des marchandises remises pour examen (a vedere) ou revente (a vendere) à des acquéreurs potentiels, avec les ajouts attestant leur restitution ou leur paiement, qui intervient peu après ; quelques autres articles sont même simplement prêtés à des relations de la boutique, par exemple des pièces d’armures destinées à être utilisées lors d’une joute20 ; plus rarement, il s’agit d’expéditions de balles de marchandises21 ou bien d’un « pense-bête » rappelant d’exiger un compte d’un correspondant ou d’aller discuter avec un client pour lui réclamer une dette22. Beaucoup de ces notes variées ne comportent même pas de valeur et servent donc à suivre des objets plutôt qu’à évaluer l’état comptable d’une relation. Seulement une cinquantaine de notes constituent des comptes impliquant un crédit et de ce fait reportés sur le memoriale A, qui couvre l’année 1386, mais plus de la moitié d’entre eux ne comportent pas sur ce registre de référence à leur origine dans les ricordanze ; quelques dizaines d’autres comptes des ricordanze sont reportés sur le memoriale B, correspondant à l’année 1387. Les renvois sont un peu plus nombreux (une soixantaine) des ricordanze vers l’entrata, un registre lié à la cassetta piccola, qui aligne pour l’essentiel, article par article et sans nom d’acquéreur, les recettes de la boutique (D.99 pour l’année 1386, registre de 147 feuillets écrits de format 29,5 sur 22,2 cm), avec quelques comptes personnels liés aux paiements comptants explicités dans le memoriale.
7Après la fin de la journée, les recettes de la boutique étaient reportées sur un autre registre appelé l’entrata e uscita (D.116, registre de 100 feuillets de format 29,2 sur 22,2 cm dont 94 écrits) qui, à la différence des précédents, comporte une bipartition (recettes aux fol. 2-25v, dépenses aux fol. 26-94). Les recettes de ce registre se limitent à l’entrée globale des gains de chaque jour, avec un total mensuel ; les versements de liquidités à l’agence y sont plus développés et prennent la forme de comptes nominatifs ; ils correspondent aux paiements explicités dans le memoriale, où ils apparaissent comme provenant de l’uscita. Pour tous les comptes impliquant un crédit, il pouvait exister des brouillons non destinés à la conservation, peut-être sur feuillets volants. C’est ce que suggère en particulier la pratique de reporter seulement en fin d’exercice annuel quelques comptes liés aux prestations récurrentes de certains acteurs, comme les commissions versées aux courtiers qui mettaient en relation l’agence avec des preneurs et donneurs de change.
8Le memoriale (D.68, registre de 200 feuillets 29,5 sur 22,5, écrit jusqu’au fol. 195, cancellé compte par compte à l’exception d’une note de dépôt de gages au fol. 34v et de deux comptes non soldés aux fol. 137 et 141) constitue ensuite le lieu privilégié de réélaboration des comptes personnels, avec de fréquents reports d’une page à une autre, quand le solde n’intervient pas en quelques jours ou semaines, puis le report des comptes sur le grand livre. Sur la douzaine de comptes consacrés à des expéditions de marchandises d’une place à une autre, quelques-uns sont présentés comme de simples notes n’ouvrant pas immédiatement un débit ou un crédit, mais certains autres sont assimilés aux comptes personnels associés à une valeur positive ou négative23. En 1386 le memoriale ne comporte plus la bipartition entre crédits et débits que l’on observe sur les memoriali des années précédentes24. La transition à un ordre chronologique simple pourrait avoir été motivée par la difficulté de prévoir à l’avance le nombre des feuillets nécessaire à chaque section, mais aussi par l’hésitation possible, dès qu’un client détient à la fois un compte créditeur et un compte débiteur, pour choisir la section où il convient de reporter l’autre partie pour opérer la soustraction25. Le mode de cancellation compte par compte est adapté à ce travail minutieux de confrontation mené parfois avec d’autres écrits, parfois entre différentes pages de ce registre. Le grand livre (libro grande rosso A coté D.6, registre de 300 feuillets de format 41 sur 29cm, écrit jusqu’au fol. 278 pour la période 1386-1392) offre la synthèse de chacun des comptes restés ouverts après leur cancellation dans le memoriale, sans donner le détail des transactions ayant donné lieu aux crédits et débits et sans adopter non plus de bipartition. Il est également cancellé compte par compte, d’abord à l’occasion de nombreux reports de page à page, puis lorsqu’un comptable s’attelle au bilan des exercices.
9Nombre de ces registres présentent des catégories de comptes ou notes dont la présence dans un livre particulier n’est pas d’emblée évidente. C’est notamment le cas de ricordanze que l’on trouve dans le registre du même nom, mais aussi dans le memoriale, pour des expéditions de balles à Barcelone et Valence et pour la remise de gages26. On rencontre également un certain nombre d’erreurs (enregistrements redondants ou d’abord placés dans le mauvais registre27) qui donnent lieu à de nouveaux comptes pour les corriger. Enfin, pour les comptes personnels, on observe d’un comptable à l’autre ou d’une date à l’autre des variations dans la distribution des enregistrements en une ou plusieurs entrées (partite) d’autant que plusieurs d’entre elles peuvent être ajoutées sous la même date et qu’elles peuvent alors soit amalgamer des prestations différenciées, soit les distinguer en différents paragraphes : vente d’articles relevant de différents secteurs comme la quincaillerie, l’armurerie et la sellerie ; réparation et embellissement de pièces d’armures ; achats effectués par l’agence pour un de ses clients dans une autre boutique, par exemple de textiles ; avance de fonds à un client ou garantie d’un crédit fournie pour lui auprès d’une autre boutique. De même, tandis que des comptes (conti) articulant débits et crédits sont présents dans la plus grande partie du registre, il devient courant dans les dernières dizaines de feuillets d’ouvrir sur une même page pour le même client un second compte consécutif plutôt que d’allonger le premier28. Cette période présente en outre dans l’histoire de l’agence Datini une particularité, due à l’inachèvement du solde des années précédentes. Au moment où Andrea di Bartolomeo entre dans la compagnie, le 1er janvier 1386, Boninsegna di Matteo ouvre en parallèle aux livres décrits ci-dessus une seconde série de livres comprenant une entrata e uscita et un libro grande29, pour poursuivre les comptes de l’ancienne compagnie limitée aux trois précédents associés, Francesco, Boninsegna et Tieri, et mener à part les affaires concernant Francesco seul ou d’autres partenaires qui commissionnent de façon récurrente des opérations sur Avignon, comme le Milanais Bassano da Pessina. Avec ces tendances à la multiplication des livres, à la confusion entre les niveaux d’analyse des données et au gonflement du memoriale au détriment d’autres éléments comme les ricordanze, on observe ainsi dans le détail des inconsistances et des irrégularités dans la gestion comptable.
10Le plus grave problème affectant les comptabilités de l’agence d’Avignon reste cependant celui du solde des exercices30. Dans les trois premières années consécutives au départ d’Avignon de Francesco, Boninsegna se réserve une grande partie de la tenue des livres, outre les correspondances de l’agence. Il ne parvient pas en particulier à retravailler les comptes personnels dans le memoriale et à les reporter sur le libro grande. Déjà, certains exercices de la période 1373-1382 n’avaient pas été soldés et le restèrent jusque vers 1400 ; pour les années 1383-1385, leur solde ne sera finalement effectué que vers janvier 1406. Après diverses tentatives de mieux organiser le partage des écritures, Francesco finit par accepter vers 1385 de recruter à Florence le comptable Filippo di messer Bettino Covoni, qu’il envoie en Provence en février 1386. Filippo s’attelle début mars au memoriale et au grand livre pour retravailler les comptes personnels et mieux respecter la procédure du bilan annuel, inscrite dans les pactes de compagnie de décembre 1382 comme dans ceux de janvier 138631, mais qui n’était pas appliquée précédemment. La nouvelle date met à profit le cycle de fêtes allant de Noël à l’Épiphanie pour effectuer les inventaires du stock et du mobilier avec le bilan des dettes et créances et reporter ces actifs sur les nouveaux livres, même s’il faut généralement quelques semaines de plus pour établir le passif et l’actif.
11Un partage équilibré des tâches, rendu indispensable par la masse d’écrits à rédiger, compléter et retravailler, apparaît donc comme l’une des conditions de bonne tenue des comptabilités. En janvier 1386 les principaux registres (memoriale, entrata della cassa, entrata e uscita, libro grande rosso A, et pour la série parallèle entrata e uscita B et libro grande bianco B) sont ouverts par Boninsegna, qui se voit contraint à céder le memoriale et le libro grande A à Filippo di messer Bettino le 1er mars, mais conserve ensuite l’exclusivité du libro grande B et de l’entrata e uscita B avec la tenue des correspondances d’agence ; désormais il reprend le memoriale principalement dans deux circonstances : pour les comptes de correspondants résidant sur d’autres places, dont les informations sont donc extraites des correspondances, et pour les divers comptes ajoutés en fin d’année à partir de diverses sources, comme ceux qui concernent l’ancienne compagnie d’Avignon ou ceux d’opérateurs dont le travail est évalué une fois par an, comme les courtiers de change. Les ricordanze sont principalement écrites par Andrea di Bartolomeo, avec d’autres interventions de Filippo, Boninsegna, Tieri et sans doute d’un jeune facteur. L’entrata della cassa mêle au moins des interventions de Boninsegna, Andrea, Stoldo et d’un jeune facteur. L’entrata e uscita est au départ tenue par Boninsegna, puis reprise par Tieri à partir de mai 1386. Les 1931 entrées du memoriale ont été écrites par Filippo pour 68 %, par Boninsegna pour 26 %, par Andrea pour 5 % et par Tieri pour seulement 0,05 %32. Le solde des comptes personnels n’y est en revanche guère effectué que par les deux acteurs chargés de la tenue des libri grandi : sur les 719 comptes dont le solde nécessite une inscription attestant leur report sur une autre page ou dans le libro grande, 60 % ont été clos par Filippo, 39 % par Boninsegna et seulement 0,4 % par Andrea pour de simples reports sur une autre page du memoriale. Les jeunes facteurs ont parfois du mal à obtenir qu’on leur confie les comptes, même élémentaires ou spécialisés dans des dépenses mineures. La correspondance signale que les tâches qui leur sont spécifiquement confiées relèvent en partie du ménage de la boutique, d’un travail manuel sur les marchandises, du port de messages en ville et de l’assistance aux ventes, par exemple pour surveiller dans la boutique une bande d’hommes d’armes chapardeurs. En 1385, Zanobi di Forese et Iacopo di ser Biagio della Torricella se plaignaient, avant d’être renvoyés, d’être pratiquement cantonnés à ces activités manuelles de manutention, tri et rangement d’articles, nettoyage des surfaces et polissage des métaux, alors qu’on leur avait fait espérer en Toscane qu’on les mettrait aux écritures, voie privilégiée de progression dans ces carrières33.
12Le partage inégal des activités, qui dessine à la fois une hiérarchie dans les compétences et un équilibre dans les rapports d’autorité, se déploie sur des espaces différenciés. La boutique associe une activité collective d’écriture, qui nécessite la permanence des livres courants, à la présentation des marchandises et à un travail artisanal sur les métaux. Ces espaces paraissent compartimentés par des rideaux signalés dans les inventaires et la boutique comporte aussi une mezzanine (palchetto). La camera delle armi et la camera della sala où sont conservés les voiles de coton et de soie se trouvent en revanche aux étages, tout comme les locaux d’habitation (cuisine, salle et chambres, qui comportent chacune une table à écrire mais conservent aussi les comptes plus anciens, correspondances et autres papiers archivés34). Pour insister sur son dévouement, Tieri di Benci se plaint parfois de devoir monter douze fois à l’étage pour un client qui veut voir des cottes d’armes, ou bien de gravir cet escalier cinquante fois dans la journée35. Derrière l’édifice principal se trouve une petite maison qui comporte un local utilisé comme entrepôt (fondaco di dietro) et le logement attribué à Tieri di Benci et à sa famille après son mariage en 1393. Dans les périodes où l’activité de Boninsegna se limite à la tenue des correspondances et au solde des comptes, il reste donc à l’étage36. Les quelques associés ou facteurs qui assurent le service de la vente doivent alors prendre en main les divers livres courants utilisés au quotidien. Si l’un d’eux se trouve en mission lointaine, un seul adulte peut donc s’y trouver avec l’assistance d’un ou deux adolescents37.
13Les dizaines de lettres évoquant le problème durable du solde des comptes de l’agence révèlent par ailleurs que chacun des associés nourrit des attentes différentes à l’égard de cet instrument de gestion. Durant la période 1383-1397, Francesco est amplement informé de la mauvaise tenue des livres de Boninsegna, mais il entretient avec lui une relation de profonde confiance et apprécie la prudence de son associé qui, après l’expérience personnelle d’une faillite, évite le plus possible d’impliquer lourdement l’agence dans des crédits auprès d’autres compagnies à travers une pratique poussée du change et des affaires en commission (fatti altrui). Il préfère donc fermer l’œil sur l’aspect comptable de cette délégation d’intérêts38. À la fin du siècle, alors que les profits de l’agence d’Avignon s’amenuisent considérablement du fait de la situation politique, Francesco n’est pas particulièrement anxieux de disposer de bilans précis pour cette agence, dans la mesure où ses investissements sont diversifiés sur plusieurs secteurs d’activité et différentes compagnies dont certaines – Valence en particulier – continuent à rendre un profit appréciable39. Quand il contrôlera et soldera les exercices des deux dernières décennies du siècle, Tommaso di ser Giovanni constatera que Boninsegna évitait à la différence des autres associés minoritaires de préciser clairement sa part des profits dans les pactes des libri segreti puis les bilans de la compagnie, et qu’il préférait les confondre au contraire avec ceux de Francesco, voire différer les bilans, pour des raisons spécifiques40. Depuis sa faillite vers 1370, les créanciers de Boninsegna n’avaient pas entièrement été remboursés de leurs avoirs sur les biens qui avaient pu être saisis à Florence. Plus de vingt ans après, certains se tenaient encore aux aguets, spécialement Giovanni di Iacopo Scali qui, alors emprisonné lui-même pour dettes à Florence, faisait appel à la conscience de Boninsegna et à la charité de Francesco41. Les récriminations les plus pressantes, répétées durant une trentaine d’années face à cette incurie dans la tenue des comptes, viennent surtout d’un autre associé minoritaire, Tieri di Benci, qui souhaite à différents moments faire le point sur ses avoirs, pour faire face à ses obligations financières à l’égard de sa mère et du patrimoine familial de Settignano, pour apprécier la soutenabilité d’un mariage puis prévoir l’avenir de ses enfants ; enfin pour comprendre, face à l’étiage des profits de l’agence, s’il gagne davantage comme associé que son ancien salaire de facteur. Ses lettres « enragées » (scrivere come arrabbiato) finissent par susciter l’animosité de Francesco à son encontre42.
L’espace social de l’agence
14Pas loin de 300 noms apparaissent dans le memoriale de 1386 : 280, en essayant d’éliminer les doublons représentés par des variations d’appellatifs, par les différents rôles joués par un même individu, agissant tantôt seul, tantôt comme représentant d’un collectif comme une compagnie, ainsi que par la répétition du même individu au sein de groupes différents : le changeur piémontais Michele di Borgaro de Chieri apparaît ainsi seul sous le nom de Michele di Borgho chanbiatore, mais aussi dans les formes collectives Michelle Barbiano e Michelle di Borgharo ca[n]biatori, Arigho Riccio e Michelle di Borgho, Giovanni Riccio e Michelle di Borgho canbiatori, Giovanni Ricio e Michelle di Borgho43. Si l’on prend aussi en considération un anonyme pour chaque formulation e compagni pour laquelle on n’a pu restituer un nom plus précis, il convient d’ajouter au moins neuf individus ; si l’on ajoute encore les intermédiaires de paiement ou de livraison mentionnés dans le registre, il faut compter une quinzaine d’autres acteurs). Des noms supplémentaires apparaissent enfin dans d’autres livres de l’agence comme les ricordanze pour cette même année. La boutique voit ainsi défiler une clientèle abondante, différenciée et en partie renouvelée, si l’on opère des comparaisons avec les registres des années antérieures et postérieures.
15L’évocation dans ces écrits, privés mais utilisés par un collectif, d’une clientèle de cette dimension pose différentes questions. D’abord, pourquoi identifier les interlocuteurs de la boutique ? Dans la mesure où ces écrits sont des fragments d’un système de traitement de l’information, le besoin de précision varie-t-il selon la typologie des écrits ? Ensuite à quels procédés les membres de l’agence ont-ils recours pour identifier ces clients ? Les notaires disposent, avec les traités appelés artes notarie et les gloses contenues dans les consilia des juristes, d’un corpus textuel réfléchissant sur les catégories onomastiques et autres qualités susceptibles d’orienter une tentative de description. Ils s’interrogent par exemple sur le fait de savoir si un individu qualifié de florentinus ou de Florentia doit être considéré comme citoyen de Florence44. Les marchands n’ont en revanche pas d’autre modèle de référence que les usages qu’ils perçoivent dans leurs interactions orales et à travers la circulation d’écrits variés. Dans ce contexte particulier, la grande variété des origines peut impliquer des difficultés à restituer certains noms exotiques et à couler dans un même moule les systèmes anthroponymiques distincts qui caractérisent l’Italie et l’aire française et provençale. Les scripteurs doivent ainsi recourir à des modes de traduction qui peuvent impliquer une dimension de bricolage. Ils doivent également consigner ces identités de façon suffisamment uniforme pour que deux membres de l’agence identifient le même client de façon non équivoque. À quelles catégories ont-ils recours de façon privilégiée pour orienter leurs descriptions ? Que disent ces désignations de la connaissance réciproque des clients et des membres de la boutique ?
16Dans des sources plus formalisées comme le notariat, le praticien a recours à un modèle formel de désignation très diffus procédant par catégories générales (nomen, cognomen, origo, fonction ou métier, éventuellement circonscription de résidence), mais qui peut aussi connaître des inflexions régionales : dans la région d’Avignon la fixation de la cour pontificale au début du siècle a conduit à privilégier un classement des individus selon leur origine précisée par le cadre diocésain, tandis que les notaires toscans préfèrent classer les parties par la circonscription municipale ou paroissiale de résidence. Une exigence aussi rigoureuse de publicité et d’universalité n’est pas aussi perceptible dans les écrits privés mais les principaux livres comptables font déjà un premier effort vers une définition abstraite des identités, en ce sens que ces livres ne se présentent pas comme un écrit où chaque individu mentionné serait défini à travers sa relation au détenteur du livre. La première personne peut s’exprimer dans la rubrique initiale, où la nomination du scripteur légitime la matière des comptes en associant la trace de sa graphie à une personne identifiable, faisant elle-même partie d’une autre personne juridique :
Questo libro […] chiamerello libro roso sengniato A, ed è di Franciescho di Marcho da Prato e di Boninsengnia di Mateo e di Tieri di Bencci e d’Andrea di Bartolomeo, nel qualle libro iscriveremo per ordine e per partita […] e sarà cominciato a scrivere in die primo di gienaio MCCCLXXXV [1386 st. mod.] per me Boninsengnia di Mateo sopradetto di mia propia mano45.
17Mais le point de perspective est centré sur la compagnie, tandis que les quatre associés sont comme la plupart des clients nommés comme des tierces personnes dans les comptes dont ils sont titulaires et qu’ils peuvent écrire de leur main – souvent pour Boninsegna, parfois pour Andrea. Ici, ils ne peuvent donc s’autoriser l’io de règle dans leurs lettres individuelles. Le personnel subalterne (Filippo di messer Bettino Covoni che sta co· noi46, Iachopo d’Antonio da Prato che sta cho· noi47, Salinbene di Nono che sta cho· noi48, Giannino da Melano che sta cho· noi49, Bernardo che stette con noi per traversare50, la Giovana dona che fue di Fegiacho che stae co· noi per fante51), quelques artisans proches collaborant dans la durée (Anichino nostro ciabatiere52, il brettone che ci concia le pelli di chamoscio53), les voisins (par exemple Giovanni Mori argie[n]tiere nostro vicino et Giovanni Portiere argientiere nostro vicino54) et le propriétaire des locaux (meser Orticha Orticha nostro oste della chasa e botegha che tengniamo da llui55) peuvent en revanche être dotés de l’adjectif possessif pluriel de la première personne, tout comme la boutique, son capital, ses marchandises et ses opérations56. Le collectif formé par l’agence et les ressources et livres qui en émanent, voire le voisinage, apparaissent ainsi plus ou moins comme le support du petit groupe des associés.
18Quelques traits apparaissent caractéristiques de cet effort inachevé tendant à une description plus abstraite des clients : beaucoup de formulations restent plus ou moins anonymes ; un bricolage mélangeant des noms relevant de catégories qui devraient être distinguées (nomen et cognomen) ou traduisant dans un moule italien des identités provenant d’autres aires culturelles ; une perméabilité marquée aux formulations issues de l’usage oral quotidien, définissant les individus à travers leurs relations ou leur insertion dans la topographie urbaine.
19Les clients présentés sans aucun anthroponyme peuvent parfois être de grands personnages, pour lesquels le titre et la fonction priment sur l’identité onomastique. Il s’agit souvent d’individus liés à la curie, depuis ses dignitaires jusqu’à des seigneurs qui peuvent exercer en alternance des fonctions en ville et le commandement de troupes itinérantes (mesere lo veschovo d’Auton pour Guillaume de Vienne évêque d’Autun, lo panatiere di nostro singnior lo papa pour un des panetiers du pape Clément VII, messer lo veschovo di Mascona pour Jean de Boissy évêque de Mâcon, il vescovo di Guirino (?) non identifié, il signore di Chavison/Chavisone sans doute pour Raymond d’Apcher, seigneur de Calvisson, messer lo chamerlangho del papa pour François de Conzié, camérier de Clément VII, il signo[re] di Murles pour Pierre de Montlaur seigneur de Murles, voire il / lo bastardo di Terida pour Antoine de Terride57). Mais on rencontre également quelques formulations qui semblent trahir une connaissance limitée du client, pour les individus qui peuvent seulement être identifiés à travers leur activité et une référence topographique : el merc[i]aio che sta a llato a Bruno tavogliere, il dipintore che sta a Santo Antonio58. Quelques appellatifs ne semblent même pas permettre une identification univoque : uno ischudiere di Valentinese59 ou Lorenzo di [***] qui achète des éléments d’armures60. Des degrés variables de familiarité peuvent se lire entre le personnel stable de la boutique, les nouveaux venus et la masse des clients. Tieri di Benci ne sait d’abord pas nommer dans les ricordanze i· medicho da Prato, que l’on peut identifier à maestro Naddino Bovattieri, un médecin arrivé deux mois plus tôt de Toscane pour s’établir sur les bords du Rhône avec l’appui de Francesco, un personnage qu’il commencera à nommer maestro Nadino plus d’un an après et dans des dizaines de lettres ultérieures61.
20Dans d’autres memoriali de l’agence on trouve des formulations encore plus incertaines comme uno vilano qui est crédité d’un florin en mai 1371 pour avoir vendu une cotte de maille en mauvais état62. Si des échanges peuvent avoir lieu sans identifier précisément le client et si les divers membres de l’agence peuvent connaître plus ou moins les nombreux clients, cela paraît néanmoins paradoxal pour un livre où des opérations de crédit sont consignées dans des comptes destinés à être complétés et soldés plus tard. Il est déjà moins surprenant que d’autres personnages que le titulaire d’un compte, tels ses familiers ou amis d’une part, et de l’autre les intermédiaires d’un paiement ou de la livraison de marchandises, les courtiers, messagers ou voituriers soient moins précisément définis (Daniello Chocho de’ dare […] f. due d’oro c[h]ime[n]tini, portò il fanciullo suo per uno bacinetto ci dee fare63). Dans d’autres livres qui ne privilégient pas les comptes personnels, comme la section des dépenses de l’entrata e uscita, les enregistrements anonymes se multiplient dans la mesure où la formulation vise seulement à évoquer brièvement les circonstances des paiements, sans permettre souvent un contrôle rigoureux64. Semblablement, dans les ricordanze où le nom d’un individu est moins la clé de la réélaboration ultérieure de l’information, nombre de formulations ne prennent sens que par rapport à une date ou à la topographie locale65. Parce que l’enjeu de l’identification est plus important dans le memoriale et le grand livre que dans d’autres registres, c’est ici que l’on peut trouver, faute de mieux, des tentatives de description physique. Le memoriale de 1382 mentionne ainsi un chevalier au visage marqué d’une tache : uno chavaliere grande dello ducha di Berì ch’àe una rosa vermilglia di soto l’ochio66.
21On peut observer par ailleurs un bricolage pratiqué par des Toscans établis dans une ville provençale ouverte à des circulations cosmopolites, non seulement à travers l’assimilation phonétique de noms d’étymologie diverse, mais aussi entre un système antroponymique à deux éléments (nom et surnom, dans la terminologie médiévale) et le système – en particulier italien – à trois éléments (nom personnel, chaîne de filiation et nom familial pour certains établi depuis longtemps, pour d’autres en cours de formation, pour d’autres encore inexistant). Le memoriale mentionne ainsi un Gianbono/Gianbone chanbiatore qui n’est pas un Giambuono, nom personnel porté par certains Toscans y compris à Avignon, mais correspond à un changeur auvergnat appelé Johannes Chambonis campsor/mercator cambii Claromontensis diocesis dans le notariat67.
22À côté des anthroponymes, les identités précisées par une origine aisément identifiable (telle que da Milano ou catalano) concernent 71 individus, par une résidence extérieure à la ville 34 individus, par un office ou une occupation 109 individus et par un rapport de familiarité 41 individus (en incluant la parenté). Comme la présence de formulations anonymes, la désignation d’individus à travers un tiers mieux connu suggère que le comptable ne se livre pas un interrogatoire du client, dans l’hypothèse même où il consignerait son identité dès le moment de la transaction. On la rencontre en particulier pour les parents et familiers de grands personnages (il nipote di messer Piero Buriere, il fig[l]iuolo del signore di Laldude, uno schudiere del bastardo di Terida, il fratello del signore di Laldue68). C’est aussi le cas de certaines des rares femmes citées, désignées en référence à leur mari, même défunt (la donna che fue di Guilglielmo che chucie i chamalgli, la donna che fu di Guiglielmo guantiere69). Beaucoup de clients ne se présentent pas à la boutique comme des individus autonomes mais comme membres d’un collectif, clientélaire (sta con, compagno, scudiere, cavaliere, maestro d’ostallo, panetiere, camarlingo, notaio di) plus encore que familial (parente, donna, fratello, figlio, nipote di), et ils y sont souvent amenés par leurs relations, ce qui apparaît notamment lorsque divers membres d’un même collectif sont enregistrés le même jour, chacun pour un achat spécifique. L’agence se présente elle-même comme un groupe fondé non seulement sur la collaboration quotidienne au service d’une entreprise mais aussi sur la résidence commune, sans oublier la dimension de fidélité personnelle qui unit, même à distance de centaines de kilomètres, ses membres masculins à Francesco à travers des contacts épistolaires. La nourriture partagée dans les locaux et l’achat concomitant deux fois par an par les divers facteurs et associés résidants d’étoffes, parfois identiques, pour se faire confectionner des vêtements par les mêmes tailleurs et chaussiers70, sont des indices de cette appartenance à la quasi-famille hébergée par l’agence (la casa71).
23D’autres formulations typiques de l’usage oral insèrent l’individu dans le cadre topographique permettant de le retrouver en ville. Lorenzo del Chavallo Bianco ostiere est le Milanais Lorenzo de’ Resti, aubergiste du Cheval Blanc72. Dans les formulations Gianino piliciere che sta dirinpetto alle porti di San Ginigi et il dipintore che sta a Santo Antonio, les comptables font allusion à l’église paroissiale Saint-Geniès et à l’église de l’ordre antonin, situées l’une et l’autre à quelques centaines de mètres à peine de l’agence Datini73.
24Un autre écho de l’expérience directe des acteurs paraît également retranscrit lorsqu’ils définissent diverses occupations, non par un nom de métier courant mais à travers des spécialisations très marquées, directement liées à l’activité de cette boutique. La formulation passe alors souvent par une périphrase évoquant la fabrication de cuissards ou d’ardillons de boucles, la perforation ou le placage du métal : che fa l’arnese di gamba ; che vira la mena, che ardiglia le fibbie, che borda, etc. Peu d’artisans sont simplement qualifiés d’armuriers : il s’agit ici moins de dirigeants de boutiques concurrentes de celle de la compagnie Datini (Giacomolo da Villa di Milano armuriere dimora a Vignone) que de fabricants de pièces particulières (Daniello Cocco fa i bacinetti, Alriasso che fa l’arnese, Girardo Sordo che fa l’arnese di gamba, Guiglione fa arnesi di gamba, Ghimetto e Ghinotto spadieri, maestro Giachi [di Nimisi] speroniere, maestro Giovanni/Gianetto lanciere, (lo) Picardo lanciere, Roberto lanciere, Stefanino che borda, Ughetto bordatore). D’autres effectuent une opération particulière comme les traversatori qui forent le métal ou les bordatori qui ourlent un élément de fer ou d’acier au moyen d’une plaque de cuivre (Bernardo traversatore, Giannino Belpelo traversatore, Anichino di Cologna che lavora di maglia, Giannino da Milano che sta con noi per lavorare di maglia, Girardo che vira la mena, la donna di Guglielmo guantiere che fa/cuce i camagli/fa i guanti). La seconde spécialité de la boutique, la sellerie, est aussi représentée mais les opérations y sont plus rarement spécialisées (maestro Beltramo di Tolosa selliere, Ghimetto selliere, Gianetto selliere, Giannino di Borsella selliere, Giovanni Novesoldi/Cinquesoldi selliere, Ugolino/Ghigo lo Grande selliere, Tedeschino selliere, Arrigo cinturiere, Guglielmolo cinturiere, Ugolino/Ugonino cinturiere, Giovanni d’Odinardo/d’Udinante guantiere, il brettone che ci concia le pelli di camoscio, Antonietta fa le fibbie da ciabatte/c’ardiglia le fibbie).
25Si l’on considère la clientèle de la boutique Datini en prenant de la distance par rapport à ces formulations et en les recoupant avec d’autres sources, elle présente une dimension géographique typique d’une agence impliquée dans le commerce interrégional, avec 17 noms d’individus résidant sur des places distantes, dont dix forment huit agences, qui sont localisées à Gênes, pour quatre compagnies toscanes (Ruggeri di messer Giovanni [de’ Ricci], Francesco di ser Michele, Francesco di Bonaccorso [Alderotti] et Lodovico Marini, Corrado di Filippo et Bartolomeo di Francesco), à Milan pour la compagnie lombarde de Bassano da Pessina, à Barcelone pour la compagnie du Florentin Giovanni Iacopi, à Valence (Espagne) pour celle, également florentine, de Giovanni di Stefano del Migliore, à Lyon pour celle du marchand Jean Gibelet, peut-être d’origine parisienne74, qui envoie des facteurs en mission vers Paris comme vers Avignon. Les autres individus sont pour Milan un artisan et un courrier, pour Barcelone le membre d’une administration et un homme moins bien identifié. Un Breton, Alain de Bretagne, vit à Burgos et un autre individu à Bourg-en-Bresse, d’où arrivaient des toiles et des cuirs en Provence. Neuf autres clients résident hors d’Avignon mais dans l’aire mériodionale : entre Carpentras, où demeurent les deux marchands provençaux Bertrand de Nicolas et Sifrein Yson, Mazan où est établi le marchand florentin Antonio Guicciardini ici appelé Burgies che dimora a Masano75, Arles, carrefour stratégique de routes terrestes et maritimes où habite un autre marchand et aubergiste florentin, Matteo Benini Celli76, Marseille où se trouvent à la fois le Florentin Giovanni Storioni et les Provençaux Fouque Artufel et Giamone Martini77, Aigues-Mortes où les correspondants de l’agence Datini sont deux frères ou parents italiens, Duccio et Giame Consigli78, et Beaucaire, où réside le Florentin Nofri del Ricco79.
26Également caractéristiques de ce vaste horizon sont les agents de la mobilité et de la communication. Pas moins de vingt voituriers (vetturali) sont mentionnés dans le memoriale, tous originaires d’Avigliana et effectuant par la vallée de la Durance le relais de la route de Milan80. S’y rencontrent également un courrier milanais, Fuina81, et le patron de navire Piero Mongie qui transporte des marchandises de Barcelone à Avignon82, tandis que le maître de courriers florentin par ailleurs connu pour faire régulièrement transporter les missives de l’agence, Tommaso di Cardino, y achète également quelques articles83. Il convient de faire l’hypothèse qu’une partie des autres clients se trouve seulement de passage dans la cité rhodanienne et participent donc de cette population mobile : cela doit notamment être le cas de beaucoup des Catalans mentionnés, ainsi que d’une partie des hommes d’armes, qui se réapprovisionnent en armes et prêtent service en ville entre deux campagnes.
27Le secteur d’activité n’est pas ici le seul élément contribuant à dessiner un monde très masculin ; celui-ci résulte plus largement de la prédominance des hommes dans le commerce, en Toscane encore plus qu’en Provence. Seulement cinq femmes apparaissent en regard des quelque 300 hommes du memoriale. En dehors de la servante de l’agence, Jeanne veuve d’un certain Figeac, il s’agit de deux marchandes tenant boutique et de deux artisanes travaillant à domicile à des activités liées à la rénovation d’armures. Isabetta Bandini, femme de Iacopo Girolli et belle-sœur de Francesco Datini, est rémunérée par l’agence pour coudre des doublures textiles de casques et d’armures84 et la veuve anonyme d’un Guglielmo guantiere prête un service similaire et confectionne également des gants85. Catona de Vassignac semble se trouver à la tête d’une boutique car elle vend à l’agence Datini des lots de peaux de chamois et leur achète avec le facteur de Jean Gibelet de nombreuses armures86. Monna Lisa veuve du Florentin Marco Giovanni dirige nominalement une boutique de soieries qu’elle fait gérer par son facteur Lorenzo di Dinozzo, qu’elle finira par nommer son héritier. Ces activités, exceptionnelles pour deux Florentines issues d’un milieu aisé, s’expliquent par des circonstances très particulières. Isabetta a d’abord dû se résoudre à travailler du fait de la pauvreté de sa mère, Dianora veuve de Domenico Bandini, puis de la faillite de son propre mari ; à côté de la confection qu’elle réalise à domicile pour l’agence Datini, elle offre aussi ses services de lavandière à un autre compatriote, le cardinal Piero Corsini87. Monna Lisa n’aurait dû recevoir que sa dot et des aliments selon la dernière volonté de son mari, tandis que le reste du patrimoine devait aller à un hôpital florentin ; dans le contexte particulier du Schisme, elle est parvenue à faire casser le testament de son mari par l’autorité pontificale en versant une forte contribution à la Chambre apostolique et à mettre de cette façon la main sur cette boutique d’étoffes de soie88.
28En ville comme à l’extérieur, y compris dans l’aire provençale et catalano-aragonaise, les Italiens n’occupent pas une place négligeable parmi les quelque 300 partenaires de l’agence, puisque 118 noms peuvent leur être attribués, dont 71 concernant des Toscans. Les autres sont principalement des marchands et voituriers piémontais et plus rarement des Lombards, certains Napolitains exerçant des offices ou en visite à la cour ponticale, et enfin un Romain pratiquant le commerce de chevaux. Des rapports de sociabilité doublant les relations professionnelles unissent les membres florentins de l’agence à nombre de leurs compatriotes, mais à des degrés très divers, comme en témoigne la récurrence inégale de ces noms dans les correspondances. Les archives épistolaires révèlent de même que quelques-uns seulement poursuivent par ce truchement des contacts directs avec Francesco Datini, après son départ d’Avignon, pour constituer une garde rapprochée conseillant et surveillant tout à la fois le personnel de la boutique. Les relations épistolaires nouées par l’agence avec les marchands établis sur d’autres places débordent parfois aussi le cadre professionnel strict. Les divers membres de l’agence qui effectuent successivement des missions, parfois longues de plusieurs semaines, à Milan pour l’approvisionnement en produits métallurgiques logent chez Bassano da Pessina, principal partenaire sur la place et peuvent le suivre dans sa villa de campagne. Bassano a par le passé également rencontré Francesco89.
29Si elle n’écrit pas, la servante dispose de son propre réseau de sociabilité autour de l’agence. La première servante de la période, laissée en place par Francesco, Jeannette du Puy (en Velay), compatriote des nombreux argentiers auvergnats du voisinage, est accusée de trop se lier avec son compatriote l’artisan Bernardo traversatore90, que l’agence décide de renvoyer en 1385 ; elle se permet de faire entrer les argentiers le soir dans la boutique pour jouer à colin-maillard (mosca cieca)91. Jeanne veuve de Figeac, la servante de 1386, semble surtout préoccupée de ses affaires patrimoniales, car elle possède une vigne où elle fait travailler tantôt sept hommes, tantôt dix, hors période de vendanges, et elle conclut devant notaire un accord avec son gendre92. Une servante ultérieure fréquente plus de douze commères avec qui elle sort discuter après le déjeuner93. Une autre encore sera accusée en 1396 de quitter l’agence durant la nuit pour rejoindre l’argentier voisin par les toitures94. Cependant l’interférence entre sociabilité et relations commerciales reste plus limitée dans le cas des servantes, dans la mesure où leur intrusion dans les locaux professionnels est mal tolérée. Un autre reproche formulé par Tieri di Benci à l’encontre de l’une d’elles est d’avoir subtilisé le cadenas de la chambre des armes, où elle risque de voler des marchandises95. Les argentiers sont néanmoins accusés de dissiper aussi le jeune facteur Tommaso alias Priore di Lorenzo Boninsegna, qui passe avec eux son temps pour fondre des bagues et des ornements de ceinture, au détriment du travail dans l’agence96.
30Dans les comptabilités sont également perceptibles ces interactions fréquentes avec le milieu artisanal qui entoure la boutique, avec des ateliers parfois encore plus proches que les boutiques des autres marchands italiens. Le tableau des occupations explicitées parmi les titulaires des comptes – hommes d’armes, officiers, prélats et un étudiant exclus – est déjà éloquent sur la concentration de ces liens dans les deux secteurs artisanaux de la métallurgie et de la sellerie, avec pour chacun d’eux une spécialisation très poussée. Le commerce est très largement sous-évalué dans les mentions explicites de la source, car la fonction marchande est l’activité par défaut parmi les migrants d’Italie du nord et du centre ; elle n’est ici précisée que lorsqu’elle est plus spécialisée, liée à un type de vêtement par exemple, ou ne s’exerce pas sur des marchandises mais sur des monnaies ou des flux financiers. Le seul merchatante mentionné dans ce registre97, Jean Gibelet, réside d’ailleurs à Lyon, après avoir vécu à Paris. Hormis les clients et fournisseurs ne tenant pas une boutique ou un atelier, la récurrence des hommes d’armes reflète encore la spécialisation de la boutique, tandis que la prépondérance des voituriers piémontais peut résulter d’un mode d’organisation comptable et du paiement direct ou indirect de ces intermédiaires : des transporteurs terrestres et fluviaux sont en réalité employés sur différents axes sans que ces frais n’apparaissent toujours dans le memoriale.
31La fréquentation plus ou moins répétée de la boutique par ces clients et fournisseurs peut être suggérée à partir du nombre de comptes (conti) et de leurs subdivisions, les entrées (partite), qui sont consacrés à chacun dans le registre. Tandis que les voituriers piémontais se renouvellent et ne reviennent qu’exceptionnellement à deux ou trois reprises, les titulaires de comptes plus nombreux entretiennent avec l’agence des relations réitérées dans la durée. La multiplication des entrées dans les comptes trahit souvent une gamme polyvalente de prestations, qui peut cumuler achat et vente d’articles, adaptation d’armures, avances de fonds, etc. La périodicité exacte des visites n’est cependant pas tout à fait transparente, dans la mesure où les dates consignées sont celles de l’enregistrement et non des transactions, qui ont pu avoir lieu à une date antérieure ; certains enregistrements reportés d’un autre livre correspondent par ailleurs déjà au solde de différentes opérations non détaillées. Le classement des titulaires d’au moins cinq comptes dans le registre mêle aux membres de l’agence (10) d’autres marchands, distants (5) ou résidant en ville (17), avec les artisans qui apparaissent comme les fournisseurs réguliers de l’agence sur la place (15), dont le travail, généralement évalué à la pièce, fait l’objet de multiples livraisons. Hommes d’armes et autres nobles y sont moins présents (6) et le courrier milanais Fuina n’apparaît pas ici pour ses services, mais parce qu’il a laissé à l’agence du fil d’acier à vendre pour son compte. Ces autres boutiques locales et les artisans du voisinage apparaissent ainsi comme les sources des transactions les plus nombreuses.
32Dans leur correspondance, les membres de l’agence n’appliquent que peu de catégories collectives à leur clientèle. Ils dessinent principalement une opposition entre les amici (connaissances ou amis) et les strani ou stranieri, qui sont des inconnus plus que des étrangers. La catégorie des « amis » est d’autant plus élastique que dans la conception médiévale elle se confond volontiers avec l’« amour », ne se limite pas à la sphère privée mais unit plutôt par la médiation divine deux individus dans tous les aspects de leur existence, en transcendant les hiérarchies et sans s’interdire une dimension utilitaire98. De nombreux types d’amitié peuvent donc se rencontrer autour de l’agence, au-delà de celle qui est censée unir ses membres en vertu du pacte moral qui a présidé à leur recrutement99. Ces marchands distinguent donc les amici da strarnuti qui ne sont amis qu’en apparence100 d’amis véritables (buoni amici) parmi lesquels se distinguent un grande amico ou un singulare amico, qui méritent des égards et un dévouement manifesté par des services concrets101. Surtout, un petit groupe d’individus est qualifié de nostri amici et même d’amici della casa102. En fonction de la logique clientélaire qui imprègne le fonctionnement de l’agence, ils se confondent largement avec les relations de Francesco Datini, qui demande régulièrement de leurs nouvelles103 et invite ses agents à en donner en retour à ces relations, lorsqu’il n’écrit pas à ceux d’entre eux qui sont des compatriotes. Ils sont en particulier requis dans des fonctions de conseil et d’arbitrage, mais peuvent également donner un coup de main dans la boutique, par exemple pour dresser l’inventaire annuel104.
33Nos épistoliers caractérisent assez peu leur clientèle en catégories sociales, ou plutôt ne formulent pas un discours articulé sur le traitement différencié à adopter vis-à-vis de chaque catégorie. Le terme d’artisans (artieri) paraît ici beaucoup moins employé qu’à Florence, où le système politique repose sur l’organisation des métiers (arti) et où certains marchands évoquent cette catégorie en termes de marché, pour vendre par exemple des produits tinctoriaux à des teinturiers105. Tieri ne semble l’employer que cinq fois dans ses quelque 400 lettres conservées, dans un cas dans un contexte milanais et dans quatre pour évoquer les conditions de vie du peuple à Avignon106. À cette règle fait exception la catégorie des signori, qui englobe aussi bien les prélats que les laïcs nobles et titrés, et est donc particulièrement représentée au siège de la cour pontificale. Le traitement qui leur est réservé est fréquemment évoqué dans les correspondances mais manifeste une ambivalence réelle à leur égard107. Si leur patronage est volontiers recherché pour protéger les intérêts et les biens de l’agence sur place, leurs requêtes d’avances financières doivent être repoussées sans susciter en eux du ressentissement. L’expérience de liens financiers trop étroits avec des cours comme celles de France et d’Angleterre, avec les faillites de compagnies qui s’en étaient ensuivies, avait laissé des traces dans la mémoire des marchands, qui répétaient volontiers des adages comme niuno s’inpacc[i]ò mai chon signori che poi alla fine non vi rimette le penne108. Il convient donc de transmettre régulièrement aux signori des salutations et des bonnes paroles (ambasciate), de leur prêter éventuellement des armures comme à d’autres relations109 mais de limiter les cadeaux, même lorsqu’on attend d’eux un service particulier110.
Échange marchand et non marchand
34Alors que les correspondances emploient couramment les verbes comp(e)rare (« acheter ») et vendere (« vendre ») et les substantifs associés comp(e)ra et vendita, les comptes n’utilisent pas un terme unique pour qualifier la transaction marchande et la locution fare mercato est surtout employée dans les rares cas où le marchandage est explicité ; la connotation de transaction est surtout ici exprimée par le rapport de causalité entre échange et dette contenu dans une formulation comme de’ dare per un bacinetto et dans l’évaluation monétaire qui lui est systématiquement associée. Les comptabilités, et plus encore les correspondances, évoquent en revanche des pratiques décrites par les acteurs à travers des termes comme (fare) onore, onorare et dono, donare, qui laissent clairement entrevoir un registre non marchand de l’échange. Ces vocables ne paraissent pas utilisés dans le memoriale de 1386, si ce n’est dono dans un sens très particulier qui, loin de concerner la notion habituelle de cadeau, apparaît comme un euphémisme signifiant l’intérêt d’un capital, comme le terme merito dans d’autres textes111. Le champ lexical couvert par d(on)are est en revanche plus courant dans les memoriali d’autres périodes et dans d’autres livres comptables. Dare est à l’occasion employé comme simple équivalent de donare112, mais ses dizaines de milliers d’occurrences dans la série des memoriali se rapportent habituellement à la notion de dette (de’ dare), au paiement ou, plus rarement, à la livraison d’objets. Si le don charitable s’exprime par des locutions comme dare per Dio, cette acception particulière n’est pas inhérente au verbe, qui reste donc très polyvalent. L’utilisation de dono et donare avec le sens de don véritable caractérise ici surtout la période antérieure à 1383, quand Francesco réside encore sur les bords du Rhône. La plupart de ces libéralités paraissent alors adressées à la dynastie d’Aigrefeuille, qui comprend trois cardinaux (Guillaume l’Ancien jusqu’en 1369, Guillaume le Jeune de 1367 à 1401, Faydit de 1383 à 1391), Aymar maréchal de la cour sous Urbain V et Grégoire XI, son fils Jean baron de Gramat, les parentes des deux derniers et parfois divers familiers des cardinaux et serviteurs de leurs parents laïques. Francesco avait rendu service au lignage, notamment en concédant à son speziale signore Jean d’Aigrefeuille en octobre 1372 un prêt de 550 florins113, qui correspondent peut-être à la somme qu’il dira plus tard lui avoir avancée pour lui permettre de se constituer un foyer autonome, après avoir vécu avec sa femme chez son père puis son oncle114. Francesco portait vers cette époque la livrée d’un Aigrefeuille, sans doute du cardinal Guillaume le Jeune, fils du maréchal et frère de Jean115. Lorsque les cadeaux proviennent de la boutique, dans les années 1369-1382, ils consistent principalement en éperons, armes, socques (pianelle), sacs, bérets, voiles et mouchoirs, rarement en fromages116. Mais d’autres cadeaux tels des textiles, des vêtements et du sucre sont également achetés par l’agence dans d’autres boutiques pour les Aigrefeuille117, et du linge et de l’eau de rose sont même importés de Gênes et de Montpellier pour les leur offrir118. Il arrive aussi que les Aigrefeuille et des écuyers liés à ce lignage achètent – tout comme d’autres clients de l’agence119 – des articles de la boutique Datini pour les donner eux-mêmes à leurs proches120.
35Les dons de Francesco di Marco s’adressent également à d’autres destinataires, comme des compatriotes, amis ou voisins d’Avignon121, mais aussi au personnel de l’agence122. Lorsqu’il repart à Prato à la fin de 1382, il emporte aussi des éperons de cuivre doré et des bérets dans l’intention de les donner à des relations qui faciliteront sa réinstallation123. Ces pratiques s’associent parfois à deux circonstances : d’une part des événements familiaux comme le mariage de la fille d’un ami ou d’une ancienne servante124, ou le lien volontaire transformant un rapport d’amitié en parenté spirituelle (compérage) à l’occasion du parrainage d’un enfant par Francesco125 ; d’autre part et surtout la pratique des étrennes de fin d’année126. Le personnel de l’agence apparaît à l’occasion comme donateur127, mais surtout envers sa propre parenté, ou quelques amis et relations utiles. Les dons des apprentis sont par ailleurs surveillés de près par leurs aînés. Ceux qu’ils effectuent à leur famille sont mieux acceptés, tant qu’ils n’apparaissent pas disproportionnés au salaire qui leur est versé128. Les facteurs expérimentés paraissent plus libres de donner non seulement à leur famille restée au pays, comme le fait en particulier Tieri di Benci, mais aussi pour consolider leur réseau local, comme Andrea di Bartolomeo qui mène des affaires pour son compte personnel. Même un débit de 4 sous inscrit sur le compte de Tieri di Benci en 1373 paraît entaché de suspicion, lorsque Boninsegna rapporte, après avoir versé l’argent, que Tieri « dit vouloir faire la charité129 ».
36Les dons débités dans les comptes particuliers de Francesco et d’autres membres du personnel n’appellent jamais un contre-don immédiat et s’inscrivent ainsi largement dans la durée de relations interpersonnelles qu’ils visent à affermir. Ces rapports d’amitié apparaissent tantôt formalisés, quand ils découlent de la parenté ou se nouent à travers le compérage ou l’appartenance à la familia d’un cardinal, tantôt moins marqués comme ceux qui lient nos acteurs à d’autres marchands, dans des circonstances où la dimension de convivialité peut jouer davantage. La période des étrennes est également celle où les avances de comptant consenties au personnel, et en particulier à Francesco, incluent souvent des sommes investies dans des jeux130. Avec les Aigrefeuille, les échanges relèvent plutôt de l’alliance : il y a une circulation dans les deux sens, même si la livrée reçue du cardinal a surtout valeur d’emblème, en signifiant publiquement le ralliement de Francesco à cette clientèle. Le véritable don qu’il attend d’eux consiste en la protection que peuvent fournir des personnages bien insérés à la cour131. La famille noble reçoit en retour un crédit financier et quelques objets susceptibles de marquer son rang social ou d’apporter du confort. Dans le cadre de la parenté, le don est dicté par les obligations coutumières associées à des rôles : une parenté d’alliance avec Dianora, des liens agnatiques pour les parents à qui Tieri envoie de l’argent et des vêtements, un parent spirituel avec les compères et commères parents des enfants tenus sur les fonts baptismaux par Francesco132. Avec les dépendants de l’agence, Francesco doit se conformer au rôle d’un protecteur et la pratique prend ici une dimension hiérarchique plus marquée. Il est peut-être significatif que le seul facteur qui effectue un contre-don en remettant un couteau à Francesco qui lui en donne un autre soit Stoldo di Lorenzo133, un jeune ambitieux qui deviendra bientôt le bras droit du marchand de Prato. Et aucun indice ne suggère que les facteurs se fassent régulièrement des cadeaux entre eux. Le don se conforme ainsi souvent aux hiérarchies, en circulant d’un aîné à un plus jeune, d’un riche à un plus pauvre, du chef au membre d’une clientèle sociale. Certes la charité a aussi sa place. Le personnel demande, en particulier lors de Pâques et de la Toussaint quelques sous à donner en aumône (dare per Dio)134. Et même si la pratique de contribuer à la dotation de filles peu fortunées s’adresse souvent à la parenté ou à des connaissances, une charité plus anonyme, passant par la médiation d’institutions ecclésiales, n’est pas non plus complètement absente135. Dans ce dernier type de pratique, il ne faut cependant pas lire une complète gratuité, car son bénéfice en termes d’honorabilité et de protection face aux exigences du fisc paraît essentiel dans la réputation d’un riche marchand136. En 1372, Francesco achète trois cannes de toile de Reims pour les donner à une moniale non nommée de Marseille137. Quelques mois avant son retour en Toscane, il y envoie un vêtement de sa femme Margherita confectionné dans un riche damas pour le transformer en ornements liturgiques pour le couvent San Francesco de Prato138. La charité n’est donc plus pratiquée collectivement par la compagnie, comme cela pouvait être le cas dans la première moitié du siècle chez les Bardi ou les Peruzzi139 ; elle l’est principalement par le dirigeant du réseau Datini, et dans une moindre mesure par les facteurs.
37Tout comme le don, d’autres pratiques relevant de l’échange non marchand, telles la visite, l’hospitalité ou l’assistance à des cérémonies sont logiquement associées au second champ lexical évoquant les échanges non marchands, celui de l’honneur (onore, onorare). L’agence peut être le cadre de ces échanges, même si nous ne les entrevoyons souvent que par incidence, dans la source épistolaire plus que dans les comptes, au fil d’un récit concernant les relations avec tel ou tel personnage. Comme nous l’avons vu, Francesco enjoint à ses agents de maintenir en apparence de bons rapports avec ses connaissances d’Avignon, et tout particulièrement avec les « seigneurs », en les accueillant ou en leur rendant visite, en leur communiquant des nouvelles et leur faisant bonne chère. Parfois, il envoie également des voyageurs qui peuvent être hébergés ou reçus dans les locaux et faire appel à d’autres services logistiques comme des avances ou transferts de fonds, des informations utiles sur les ressources et acteurs locaux, etc. En 1408, Tieri di Benci, gouvernant l’agence en l’absence de Tommaso di ser Giovanni, reçoit ainsi à la demande de Francesco un maestro Arigho della Mag[n]ia arrivant de Florence, qui repart ensuite en Allemagne et lui demande de lui conserver à Avignon, où il doit revenir à la fin de l’été, ses livres et papiers qu’il a expédiés dans un convoi de marchandises140. Des réceptions nécessitant l’achat de confiseries sont parfois organisées pour accueillir un hôte de marque, tel un gentilhomme conduit par Pierre de Montlaur, seigneur de Murles, en 1373141. Dans d’autres cas, la collation se limite à des fruits pour accompagner le vin142. Certains sont admis à monter de la boutique dans les locaux d’habitation, ce qui est compris comme une marque de confiance143.
38L’honneur de Francesco lui impose par ailleurs de témoigner des égards à sa belle-mère Dianora veuve de Domenico Bandini, en dépit de la querelle qui l’oppose à elle du fait de la dot mal payée de Margherita. Dianora a choisi de vivre avec sa fille restée à Avignon, Isabetta, femme de Iacopo Girolli. La faillite de celui-ci la contraint à demander parfois la charité de Francesco, par exemple quand la servante de l’agence fait cuire le pain. Selon l’associé Tieri di Benci, en rechignant à faire ce don à Dianora, la servante met à mal la réputation de Francesco144. Mais l’honneur par excellence se rend à l’occasion des funérailles, d’abord à domicile autour du corps, puis lors de la messe d’enterrement. Le terme onore signifie ainsi couramment, dans les correspondances comme dans les comptes de la confrérie Notre-Dame-la-Majour, l’assistance des proches, amis et confrères à la cérémonie145. À la mort de Dianora en mai 1388, la petite maison de Iacopo Girolli où elle vivait, derrière la boutique Datini, doit sembler trop exiguë ou misérable pour y tenir la veillée ; le choix est alors fait d’exposer le cadavre dans la boutique de Francesco146.
39L’utilisation temporaire des locaux de l’agence, ou l’assistance de ses membres à des funérailles, n’obère pas les ressources de la compagnie. L’accès aux réserves de nourriture, au stock des marchandises et à la caisse est en revanche d’autant plus surveillé que la plupart des dons s’opèrent dans une logique interpersonnelle, plutôt qu’au nom de la compagnie. Parce qu’il domine l’entreprise et est le détenteur de l’essentiel de ses avoirs, Francesco peut s’octroyer la liberté d’imposer un invité pour quelques jours, même quand il ne réside pas sur place. Un visiteur de longue durée, comme Donato di Martino Doni, Florentin de Venise venu d’Italie en mission mener durant plusieurs mois un procès pour des compagnies du Rialto contre le marchand Michele di Simone vers 1396-1398, doit en revanche payer son écot pour loger dans l’agence Datini147, tout comme les agents de Francesco le font chez Bassano da Pessina à Milan. Lorsque ce sont les associés minoritaires et les facteurs qui effectuent à titre personnel un don, ils sont censés en assumer le coût. Stoldo di Lorenzo demande ainsi une avance de 2 sous pour accueillir une pèlerine de sa connaissance148. Mais la question peut parfois se poser de savoir si le don profite davantage à la collectivité ou à l’un de ses membres en particulier, et la confusion du pot commun avec les ressources individuelles risque alors de donner lieu à des divergences d’interprétation au sein du personnel, dans les locaux professionnels comme dans l’espace domestique. L’artisan milanais Giannino di Iacopo est ainsi accusé de désinvolture : il prête des cottes d’arme à beaucoup de clients, qui ne les rendent pas, et puise des cadeaux dans la boutique pour se faire des amis. Boninsegna lui fait alors remarquer qu’il pourrait lui-même se servir des biens de Giannino pour se montrer généreux149. Après le mariage de Tieri di Benci et l’arrivée de sa femme florentine, Nanna d’Agostino Storioni en 1393, un différend s’exacerbe entre elle et la servante Jeannette de Saint-Esprit pour le contrôle de la nourriture, des ustensiles et du linge de maison. En octobre 1396, deux cousines de Boninsegna, filles du notaire ser Lorenzo di Buto Tedaldi, font une visite à l’agence. Boninsegna leur offre à boire et Nanna, voulant jouer la maîtresse de maison, va chercher dans la cuisine de l’étage un peu de fromage pour l’offrir lors de la collation. Son geste suscite l’indignation de la servante qui se considère seule habilitée à puiser dans les réserves150. Boninsegna soutient la servante, décide alors de confiner désormais la famille de Tieri dans la petite maison précédemment occupée par Iacopo Girolli et interdit à Nanna l’accès aux locaux de l’agence.
40Même lorsque la caisse de la compagnie enregistre les dons sous la forme d’avances au personnel, il n’y a pratiquement pas de confusion avec l’échange marchand entendu comme cession d’objets ou rémunération immédiate d’un service ou d’un travail. Très rares sont en effet les cas où un article de la boutique ou une somme d’argent sont donnés pour la facilitation d’une transaction, ou en récompense d’un achat substantiel dans la boutique. Quand Aghinolfo de’ Pazzi achète en juin 1369 des marchandises pour 33 florins courants, on lui offre ainsi des petits articles de quincaillerie valant seulement quelques sous151. Une aiguière de laiton est également facturée en mai 1384 à Francesco Datini et Bassano da Pessina pour l’offrir à la mère d’un marchand florentin d’Avignon qui vient d’acheter un lot de leurs futaines lombardes152. À l’automne 1369, Ortigue Ortigue reçoit des volailles pour 36 sous pour avoir conclu, le premier parmi les propriétaires des locaux de l’agence, un accord formulé par le juriste Bonifazio Ammannati, qui reçoit un don comparable153. En mars 1400, un intermédiaire est payé 2 florins pour deux peaux qu’il a fait donner au cardinal Piero Corsini pour que celui-ci insiste auprès des exécuteurs du même Bonifazio Ammannati, devenu cardinal en décembre 1397 puis mort en juillet 1399, pour qu’ils remboursent à Francesco Datini la somme qu’il avait dû prêter au prélat pour payer sa rançon154. Quelques mois plus tard, Tieri di Benci invite Francesco à se résigner à offrir à un familier des Aigrefeuille 25 à 50 florins de cadeaux pour recouvrer une créance contre un cardinal de ce lignage155.
41Le memoriale documente ainsi avant tout une autre sphère de transactions, s’inscrivant dans le cadre commercial, mais il n’offre pas non plus une lecture transparente de celles-ci. Il semble d’abord qu’il y ait un décalage chronologique entre les échanges qui se déroulent dans la boutique et leur inscription dans les registres. Les dates consignées dans le memoriale, qu’elles concernent une vente ou bien le simple report d’un compte antérieur, correspondent au jour de l’écriture, non aux épisodes ayant donné lieu à l’ouverture d’un crédit ou un débit. Par conséquent, si la transaction peut parfois s’accompagner d’actes rituels (peut-être l’offre d’un verre d’un vin ou le geste de toper dans les mains), l’enregistrement se passe facilement de témoins. Mais surtout, la logique comptable qui attribue à chacun tantôt un avoir, tantôt un débit, tend à donner la même formulation à des transactions différentes (achat-vente, adaptation, médiation commerciale pour l’achat d’articles dans une autre boutique, avance de liquidités, garantie de paiement envers un tiers). Comparée à la livraison régulière à la boutique d’un travail par un artisan, une demande de crédit ou une vente peuvent pourtant exiger plus d’habileté dans la négociation et inciter à adopter un rituel visant à établir la confiance. Cette logique tend en outre à amalgamer en une entrée ou éclater en plusieurs entrées des échanges étroitement liés qui constituent une seule transaction entre des partenaires qui ne se réduisent pas toujours à la compagnie et un seul individu. Bien des paiements ne sont pas explicités, qui peuvent correspondre soit au règlement d’un débit antérieur (cela paraît surtout évident quand la somme correspond à la dette contenue dans l’entrée précédente), soit à une avance financière (ce que suggère parfois la remise de gages). De façon plus générale, la transaction se voit dédoublée en deux entrées : une première pour expliquer le débit ou le crédit, une autre pour noter sa résolution. Or dans certains cas comme le paiement des voituriers, l’enregistrement des frais de transport et leur règlement interviennent systématiquement à la même date. Le voiturier, pressé sans doute de repartir, n’acquiert donc un crédit que pour le voir aussitôt éteint. Parmi les transactions impliquant plus de deux parties, on observe en particulier l’achat ou le paiement de changes (4,5 % des 1972 entrées), les garanties de paiement fournies par un client en faveur d’un autre ou par la compagnie pour un client envers un tiers (6 %), et les achats plus occasionnels effectués par l’agence pour un client auprès d’une autre boutique, quand la compagnie ne dispose pas de l’article. Dans ces divers cas, la même transaction donne ainsi lieu à une entrée dans un compte ouvert à chacune des parties concernées. Parmi les principaux types d’entrées du memoriale, on peut noter des versements et encaissements (près de 27 %), des ventes d’articles (près de 20 %), des frais du travail artisanal réalisé dans la boutique ou par les artisans livrant leurs produits (près de 16 %), des avances de liquidités au personnel et à quelques relations de l’agence, principalement des artisans (9 %), des frais de transport de marchandises (près de 5 %) et de simples reports de comptes (5 %).
42Parmi les ventes-achats, les correspondances évoquent, dans le cadre des rapports de commettant à commissionnaire, trois formes de transaction : le troc (baratto), la vente à crédit (vendere a tempo) et la vente contre argent comptant (vendere a danari), avec généralement une préférence de plus en plus marquée du premier au dernier type, qui permet au marchand à la fois de rester dans une gamme de produits mieux connus et plus adaptés au marché considéré et de recouvrer le plus rapidement possible le capital investi156. On ne rencontre en 1386 qu’un seul cas de troc, quand Colin Gualbert, facteur du marchand de Lyon Jean Gibelet venu en mission à Avignon, remet 70 bouteilles métalliques de Bruxelles couvertes de cuir bouilli contre cinq camails d’acier157. Il était certainement moins pratiqué pour les principaux articles proposés par une boutique établie dans la durée que pour des marchandises, éventuellement périssables, expédiées occasionnellement sur une place étrangère. Il n’est pas toujours clair si les débits et crédits du memoriale peuvent correspondre à des termes de paiement définis au préalable car ceux-ci n’y sont presque jamais stipulés. De très nombreux cas suggèrent plutôt des comptes ouverts, où un client se voit créditer et débiter, à plusieurs reprises au cours d’un mois, des sommes d’un montant variable. C’est notamment le cas des artisans qui livrent fréquemment leurs produits et peuvent dans l’autre sens recevoir des matériaux bruts ou demander des avances. Le personnel de l’agence est autorisé à anticiper un salaire ou une part annuelle de profits par des versements irréguliers, correspondant aux besoins du moment, notamment pour se vêtir. Après le personnel, ce sont ces artisans travaillant avec l’agence qui sont les premiers à se voir accorder des prêts, qui se situent en général dans une fourchette d’1 à 2,5 florins158. Cette pratique facilitant les collaborations quotidiennes de l’agence avec le milieu artisanal reste donc éloignée des prêts importants concédés à titre personnel par Francesco à des amis, comme le baron Jean d’Aigrefeuille ou le marchand et compatriote Niccolaio di Bonaccorso à Avignon, ou à Florence les frères Bernardo et Vieri Guadagni, membres de la classe politique florentine, qui atteignent souvent 400 ou 500 florins, voire les dépassent159. Mais des crédits d’un montant modéré sont également offerts à des clients comme les hommes d’armes et Tieri di Benci reproche notamment à Giannino di Iacopo, l’artisan travaillant dans l’agence, d’accorder trop facilement des avances d’1 à 4 florins aux clients dont il recherche l’amitié, sans même leur réclamer ensuite le paiement160.
43Pour des crédits d’une valeur intermédiaire ne s’inscrivant pas dans le cadre d’un rapport d’amitié et contractés sous la responsabilité de la compagnie, on observe en revanche l’usage du dépôt de gages, une solution par laquelle le client obtient immédiatement un bien ou un service tandis que la compagnie y trouve une forme de sécurité plus qu’un bénéfice patent, puisque le prêt ne correspond pas à sa spécialisation. En 1386 une trentaine d’individus remettent à l’agence des gages (dare in guardia / in gaggio, abbiamo di suo), soit pour une avance de liquidités, soit pour un achat. Avec les artisans, les hommes d’armes sont ici plus représentés, devant quelques marchands ou prestataires de services actifs en ville. Les objets consistent majoritairement en éléments d’armures, parfois en argenterie et bijoux, exceptionnellement en un vêtement, une malle ou un bréviaire ; dans un cas, c’est un écu d’or qui est remis en gage, avant d’être restitué161. Leur valeur n’est normalement pas indiquée, peut-être là aussi pour éviter tout calcul qui pourrait induire une qualification d’usure, mais la mention du poids de l’argenterie suggère clairement qu’ils étaient évalués lors du dépôt. Dans un cas seulement, l’artisan Daniello Cocco remet un bassinet en indiquant à quel prix il pourrait être revendu, et le crédit obtenu en échange s’élève à 69 % du prix escompté162. La dévolution des gages peut parfois se jouer sur le long terme ; en fin d’année ils ne sont pas directement intégrés dans le stock des biens de la compagnie, mais énumérés à part, quand ils le sont163. L’agence se permet en revanche de prêter à des tiers certaines pièces d’armure laissées en gage164. Sont minoritaires les cas de gages recouvrés après seulement quelques jours suite au remboursement165, ou d’échange contre un objet moins précieux après règlement partiel de la dette166. Dans l’éventail qui va de l’objet donné à l’objet vendu, le statut du gage apparaît donc incertain ; même lorsqu’il correspond exactement à la gamme de produits de la boutique, même lorsque sa valeur est la moins contestable, comme la monnaie d’or, il ne peut être intégré pleinement aux avoirs de l’agence qu’après un accord avec son propriétaire qui le met sur le marché, ou bien un défaut explicite de paiement confirmé dans la durée, ou peut-être la disparition du propriétaire qui en ferait de même un « bien en suspens167 ». Mais il faut également noter que les articles vendus ne sont pas toujours remis définitivement à l’acquéreur : dans 19 cas, celui-ci les retourne au moins en partie dans les jours suivants et se voit alors recréditer leur valeur.
44Une autre question revêt de l’importance dans les rapports entre les agents de la compagnie et leurs clients, celle du prix des articles offerts à la vente. Selon l’usage prévalent jusqu’à la période contemporaine, l’agence Datini ne connaît ni le système d’affichage, ni la règle du prix fixe. Le vendeur peut donc en théorie gruger un client peu au fait de la valeur courante des objets ou au contraire faire profiter un « ami » d’un tarif préférentiel. Quelques extraits de correspondance suggèrent clairement que ce type de pratiques pouvait avoir lieu. Par exemple Andrea di Bartolomeo, capturé par des brigands à proximité du Mont Ventoux lors de son retour d’une mission en Lombardie, se plaint que la compagnie lui facture ensuite un camail qu’il avait dû laisser en guise de rançon (finanza) au prix auquel il aurait pu être vendu « à un parfait inconnu descendu d’Auvergne168 ». La comparaison des pièces majeures des armures à partir des comptes reste délicate en raison de la grande diversité des produits, distingués par lieu de fabrication et parfois par producteur, par la dimension approximative, les matériaux, l’état, le style (guisa antica/nuova) également lié au lieu de production et la décoration. Pour les articles plus simples et plus susceptibles d’être fabriqués en série, comme les bérets importés de Paris, les clous et les fibules, les prix de commercialisation paraissent néanmoins généralement identiques. Il en va de même pour le tarif négocié à la pièce avec les artisans pour les travaux de métallurgie, sellerie et couture. Il semblerait donc que la marge de bénéfice soit souvent modérée par la participation aux transactions de nombreux acteurs susceptibles d’acquérir une notion de valeur habituelle. Cela n’empêche pas la compagnie, en revanche, de dissimuler assez souvent la marge de bénéfice par un code appliqué aux valeurs monétaires correspondant au prix de revient169. Par ailleurs, la formulation de 14 ventes au moyen de l’expression fatto mercato suggère que le prix pouvait donner lieu à un marchandage, principalement lorsque le client acquérait des articles assez coûteux ou un lot d’un certain montant170.
L’écriture comptable comme élément de construction d’un espace commercial
45Le memoriale, et plus largement le système comptable de l’agence dans lequel il s’insère n’apparaissent donc pas comme un descriptif des transactions171, mais plutôt comme un instrument permettant le suivi des marchandises, des liquidités et des crédits et débits. Ils jouent néanmoins un rôle évident dans la construction d’un espace professionnel. Le cadre physique des transactions signale au client qu’il s’approche d’un espace réservé à la vente de biens. La boutique n’est pas seulement située à proximité de la place des Changes, quartier névralgique des affaires, elle est voisine d’autres boutiques dédiées à la même spécialité. Lorsqu’Andrea di Bartolomeo quitte la compagnie pour monter une boutique rivale, il fait ainsi tout son possible pour prendre en location deux locaux successifs dans le voisinage immédiat172. Les marchandises, vraisemblablement en partie visibles de la rue, les meubles spécialisés dans l’exposition (mostre), le classement de différents types de marchandises dans diverses pièces du rez-de-chaussée et de l’étage différencient clairement l’édifice de locaux d’habitation et d’autres activités commerciales. Le personnel exclusivement masculin qui s’y trouve et la discipline imposée aux adolescents qui y prêtent service173 contribuent également à la mise en scène de cette image professionnelle.
46La comptabilité tenue par l’agence participe de deux façons à cette construction. Vis-à-vis de la clientèle, l’enregistrement systématique par le personnel de l’agence de toute transaction débouchant sur un débit ou un crédit, parfois doublé par un enregistrement parallèle par le client, finit par conférer dans la pratique une autorité marquée aux écrits privés, qui se dispensent généralement de l’intervention graphique du débiteur174 (absente des livres comptables de cette agence et réduite à quelques reconnaissances sous seing privé pour des prêts d’un montant important entre compatriotes marchands) ; et il limite de ce fait très fortement le recours à une validation par l’autorité publique, qui pourrait sinon s’effectuer par le truchement d’un notaire. En 1386, la compagnie n’a recours au notaire qu’une seule fois dans ces circonstances, lorsque Philippe de Beaufort, camérier du cardinal Pierre de Fétigny, achète pour un chevalier un bassinet, une armure et un sac, à payer dans les cinq semaines. Le notaire sollicité, ser Martino di Giovanni Guiducci, est le favori de l’agence, mais c’est le camérier qui requiert l’acte pour obliger personnellement le chevalier175. En dehors du contexte privé, que l’on entrevoit par d’autres sources, où l’acte notarié est utilisé en particulier à des fins patrimoniales, mais aussi pour des locations, procurations et en liaison avec des procédures judiciaires, les autres memoriali mentionnent quelques actes (carte) passés avec des artisans pour des contrats de fabrication des produits métallurgiques176, ou plus rarement avec d’autres acteurs chargés de vendre un lot de marchandises177 ; et par ailleurs pour des reconnaissances de dettes et des quittances. Mais pour celles-ci l’acte implique surtout des catégories sociales étrangères au milieu commercial, comme des nobles178 ou des représentants de communautés villageoises179. Quand les marchands sont concernés, on note quelques changeurs provençaux180, ainsi que de rares marchands florentins qui empruntent en général des sommes importantes, s’échelonnant entre 180 et 500 florins181. Mais des prêts de la même valeur peuvent également leur être concédés au moyen d’une reconnaissance sous seing privé (scritta, cédule)182. Par ailleurs, ce n’est pas la réalité de l’avance que prouve dans certains cas l’acte notarié, mais la restitution au client du gage ; le marchand avait pour sa part remis à son client une simple scritta en recevant ce gage183. On ne peut observer dès cette époque une « normalisation comptable184 » au sens où tous les artisans, femmes, clercs, hommes d’armes, etc. qui faisaient partie de la clientèle de la boutique auraient eu des pratiques d’écriture similaires. Des exemples explicites d’alphabétisation imparfaite ou d’analphabétisme apparaissent au contraire dans les documents et les registres conservés témoignent de degrés très divers d’élaboration. La majorité des citadins avaient néanmoins apparemment une expérience, régulière ou occasionnelle, de l’écriture marchande comme trace d’une séquence de prestations réciproques ; ils devaient reconnaître que le marchand enregistrait ses transactions de façon méthodique et pouvait se servir dans la durée de ce support de mémoire.
47La construction de cette sphère professionnelle à travers l’écriture des registres comptables s’opère par ailleurs à destination du personnel de la compagnie. Les associés se voient présentés, dans les comptes dont ils sont titulaires, de la même façon que les clients tandis que la compagnie est dotée d’un compte spécifique. Dans l’agence d’Avignon en 1386, celle-ci se démultiplie même, entre l’ancienne compagnie composée de Francesco, Boninsegna et Tieri, et la nouvelle, consécutive à l’entrée d’Andrea di Bartolomeo ; divers comptes visent ainsi uniquement à balancer crédits et débits entre les deux compagnies. La pluralité des rôles des membres est également distinguée : le compte personnel (proprio) d’Andrea n’intègre pas le capital qu’il se voit confier par la compagnie lorsqu’il effectue une mission à Barcelone, qui incite à lui ouvrir un second compte. Parallèlement au droit qui crée pour la compagnie une personne juridique distincte de celles de ses membres185, la méthode comptable impose ainsi une uniformisation de comptes individuels qui recouvrent des rapports sociaux très dissemblables, entre associés de la compagnie ou salariés de l’agence, prestataires de services artisanaux, intermédiaires commerciaux, clients réguliers ou occasionnels. Cette abstraction se met en particulier en œuvre à travers l’usage de la troisième personne dans l’écriture comptable, y compris lorsque le titulaire du compte s’impute lui-même un débit. Tenir les livres signifie intégrer cette règle majeure de distinction entre intérêts individuels et collectifs.
48L’effort d’abstraction trouve cependant ses limites dans l’enregistrement des acteurs qui, comme nous l’avons vu, ne parvient pas à oblitérer leur insertion dans les réseaux noués autour de Francesco Datini et de son agence d’une part, dans ceux de personnages mieux connus du personnel d’autre part. Ces relations constituent au contraire un élément essentiel dans l’identification des clients et elles interfèrent aussi visiblement dans la propension des dirigeants de l’agence à bien les accueillir et à leur accorder un éventuel crédit. Quelques transactions peuvent avoir lieu avec un client de passage, dont le personnel de boutique n’apprend même pas le nom. Mais le modèle dominant du rapport entre marchand et client reste ici très personnalisé, fait fonds sur l’histoire antérieure d’une relation et se coule autant que possible dans le moule de l’« amitié ». Il associe des acteurs beaucoup plus nombreux que le don sans constituer une « mise entre parenthèses des caractéristiques personnelles des partenaires de l’échange186 ». Certes, la clientèle peut ainsi s’élargir à des gens de passage et à des secteurs moins familiers de la population locale, mais avec les clients récurrents, l’interaction tend plutôt à s’infléchir vers un rapport de fidélité, même dans le cadre d’une transaction.
Notes de bas de page
1 Voir A. Testart, « Échange marchand, échange non marchand », Revue française de sociologie, 42, 2001, p. 719-748 ; F. Weber, « Transactions marchandes, échanges rituels, relations personnelles. Une ethnographie économique après le Grand Partage », Genèses, 41, 2000, p. 85-107.
2 C’est notamment le cas du groupe constitué il y a près de dix ans autour de Patrice Beck (O. Mattéoni, « Introduction », dans O. Mattéoni, P. Beck [dir.], Classer, dire, compter. Discipline du chiffre et fabrique d’une norme comptable à la fin du Moyen Âge, Paris, 2015, p. 9-27) ainsi que de l’ANR GEMMA portant sur les comptabilités de l’aire franco-méridionale.
3 G. Corsani, I fondaci e i banchi di un mercante pratese del Trecento. Contributo alla storia della ragioneria e del commercio, Prato, 1922 ; F. Melis, Aspetti della vita economica medievale, Sienne/Florence, 1962 ; R.-H. Bautier, J. Sornay, Les sources de l’histoire économique et sociale du Moyen Âge, 1 : Provence, Comtat Venaissin, Dauphiné, États de la Maison de Savoie, Paris, 1968-1974, t. 2, p. 1398-1418 ; F.-J. Arlinghaus, Zwischen Notiz und Bilanz. Zur Eigendynamik des Schriftsgebrauchs in der kaufmännischen Buchführung am Beispiel der Datini/di Berto-Handelsgesellschaft in Avignon (1367-1373), Francfort, 2000.
4 F.-J. Arlinghaus, Zwischen Notiz und Bilanz…, op. cit. Le même auteur a présenté le commentaire de brefs extraits de divers types de registres de cette compagnie (F.-J. Arlinghaus, « Account Books », dans F.-J. Arlinghaus et al. [dir.], Transforming the Medieval World. Uses of Pragmatic Literacy in the Middle Ages. A CD-Rom and Book, Turnhout, 2006, p. 43-69).
5 Ser Lapo Mazzei, Lettere di un notaro a un mercante del secolo xiv, éd. par C. Guasti, Florence, 1880, t. 1, p. xxviii-xxx ; F. Melis, Aspetti della vita economica medievale, Sienne/Florence, 1962, p. 144-145, 154-155.
6 F. Melis, Aspetti della vita economica…, op. cit., p. 152-153 ; eri uno pocho merchatante, lui écrit Francesco le 4 juillet 1397, en lui reprochant de passer trop de temps avec sa femme et ses enfants (Archivio di Stato de Prato, Archivio Datini [ci-dessous ASPo, D.]1115, 9281365).
7 Io non òe tenuti i conti i· mano, e poi no· llo so fare, sì che voi sapete la colpa non è mia (Tieri di Benci à Francesco di Marco, 8 août 1388, ASPo, D.623, 602405).
8 Une seule dans le memoriale de 1386 (ASPo, D.68, fol. 149v), mais plusieurs dizaines dans les ricordanze (par exemple ASPo, D.42, fol. 10, 15v, 16-v, 19, 20, 21, 22-23, 24, 30v, 31v-32, 33v-34, 36-37, 39v, 41-42, 44-45, 46-v, 47v-50v).
9 En 1398, il précise cependant qu’il évalue alors les articles, tandis que Priore di Lorenzo écrit l’inventaire : noi abiamo iscr[i]tte tutte le merchatantie. Priore à scr[i]tto ed io chontato e a piu[n]to i[l] chapitale di quello chostono le chose (Tieri di Benci à Francesco di Marco, 12 janvier 1398, ASPo, D.628, 110288).
10 Il tient à certaines périodes le compte de la caisse (J. Hayez, « Un facteur siennois de Francesco di Marco Datini : Andrea di Bartolomeo di Ghino et sa correspondance [1383-1389] », Bollettino dell’Opera del Vocabolario italiano, 10, 2005, p. 312 ; Tieri di Benci à Francesco di Marco, 15 février 1389 et 26 décembre 1397, ASPo, D.623, 602410 et D.628, 110286 ; E. Cecchi Aste, L’Archivio di Francesco di Marco Datini. Fondaco di Avignone. Inventario, Rome, 2004, p. 53, 60-61) ainsi que les dépenses ménagères de l’agence (quaderno di spese di casa ASPo, D.149 ; Cecchi Aste, L’Archivio di Francesco di Marco Datini…, op. cit., p. 72 ; voir aussi Tieri di Benci à Francesco di Marco, 14 octobre 1393, ASPo, D.323, 2121). Il tient par ailleurs des comptes de fournitures à l’occasion de ses missions à Milan, dès 1381 (Tieri di Benci à Matteo di Lorenzo Boninsegna, 14 mai 1382, ASPo, D.798, 701811). Il évoque ses comptes domestiques, quand il fait ménage à part : I[n] questi iiii anni tutto mese per mese chonpero quello mi fa bisogno i[n] uno bello quadernucio iscrivo (Tieri di Benci à Francesco di Marco, 12 janvier 1401, ASPo, D.717, 520892).
11 Sur sa biographie et le dossier de ses écrits, voir J. Hayez, « Un facteur siennois… », art. cité, p. 203-397.
12 Sur le personnel de l’agence, voir F. Melis, Aspetti della vita economica…, op. cit., p. 138-140, en excluant Berto di Giovanni di Berto, recruté à Prato pour une autre agence, celle de Niccolaio di Bonaccorso (ASPo, D.1170, 1031) ; sur le recrutement de Giannino à Milan pour travailler la maille de fer, voir Tieri di Benci à Francesco di Marco, 17 mai 1384 (ASPo, D.341, 2137 ; éd. par L. Frangioni, Milano fine Trecento. Il carteggio milanese dell’Archivio Datini di Prato, Florence, 1994, t. 2, p. 52). Il dit ne pas savoir écrire dans l’unique lettre écrite en son nom qui nous est parvenue, adressée à Francesco di Marco, 10 juillet 1394 (ASPo, D.1093, 1402639).
13 Boninsegna di Matteo à Francesco di Marco, 1er mars 1386, ASPo, D.621, 407958.
14 Le grand livre, doté d’un poids juridique majeur, explicite ce passage de relais : Ricordanza sia chome a dì primo di marzo 1385 [1386 st. mod.] Boninsengnia di Mateo consengniò a Filipo di meser Betino Chovonni questo libro ; e da die primo di marzo 1385 inanzi sarae iscrito di sua propia mano e none d’altra persona, e sino a dì XXVIII di febraio è stato iscrito di mano di Boninsengnia di Mateo sopradeto c’à scrito quae (ASPo, D.6, fol. 1). Sur le memoriale, la première entrée de Filippo date du 2 mars (ASPo, D.68, fol. 19v). Andrea avait inscrit la première entrée le 2 janvier, mais dès le 5 janvier et jusqu’à fin février, on observe une alternance régulière dans ce livre entre Andrea et Boninsegna (ibid., fol. 2v et suiv.).
15 L’Archivio di Stato de Prato a par exemple conservé dans des séries d’archives hospitalières plus d’une cinquantaine de registres d’artisans et boutiquiers remontant à la période 1330-1500. À défaut d’une véritable description matérielle et technique, la dimension des affaires de leurs auteurs est évoquée par R. K. Marshall, The Local Merchants of Prato. Small Entrepreneurs in the Late Medieval Economy, Baltimore/Londres, 1999 et P. Pinelli, « Commercianti tuttofare… », art. cité.
16 On peut prendre comme exemple de celles-ci, pour la place d’Avignon et presque à la même époque que les registres ici considérés de l’agence Datini, les cinq registres subsistant de la compagnie toscane de Francesco di Matteo Benini et Niccolaio di Bonaccorso (1391-1396), dont le grand livre a été égaré mais qui comprennent l’entrata e uscita (ASPo, D. 132), et deux memoriali (ASPo, D.75 et 79) ; voir Cecchi Aste, L’Archivio di Francesco di Marco Datini, op. cit., p. 128.
17 Les registres conservés ainsi que ceux mentionnés mais perdus sont regroupés par exercice chronologique dans E. Cecchi Aste, L’Archivio di Francesco di Marco Datini…, op. cit., p. 109-128, 115-116 et 122 pour l’année 1386. En 1404 un associé minoritaire de l’agence évoque les dix ou douze livres ouverts en novembre 1401 : Feciono da x lib[r]i nuovi per richomi[n]ciare ragione nuova (Tieri di Benci à Francesco di Marco, 28 février 1404, ASPo, D.631, 110233) ; Farà ora a nove[n]bre iii anni feciono bene xii lib[r]i nuovi per richomi[n]ciare chonti nuovi (Tieri di Benci à Francesco di Marco, 9 octobre 1404, ASPo, D.631, 110247).
18 Les reports de comptes dans le memoriale renvoient effectivement au registre D.42, qu’ils comportent le terme stracciafoglio (ASPo, D.68, fol. 7, 24v, 42, 52v, 53, 71v) ou bien celui de (quaderno di/delle) ricordanze (ibid., fol. 111, 116v, 127, 150, 151v, 153v, 158v, 160), voire de quaderno piccolo (D.68, fol. 174v). Quelques renvois semblent simplement erronés, par exemple la mention dans les ricordanze d’un quaderno A (D.42, fol. 8) qui correspond en réalité au memoriale (D.68, fol. 19v).
19 F.-J. Arlinghaus, Zwischen Notiz und Bilanz…, op. cit., p. 163-186.
20 Les 29 et 30 avril 1386 sont ainsi prêtées des pièces d’armures à un collaborateur du forgeron florentin Girolamo di Zanobi et à un certain Perotto da Luci i[n] prestanza per lu giuocho / per la festa, qui sont restituées le 3 mai (ASPo, D.42, fol. 12).
21 Comme les peaux de mouton et cordes de luth expédiées à Milan le 6 février 1387 (ASPo, D.42, fol. 47).
22 Par exemple la Ricordanza di scrivere a Monpulieri a monna Ducc[i]a ci mandi il chonto della seta venduta a chomune colla loro di quelli di Pisa (ASPo, D.42, fol. 17) et la R(icordanza) d’andare al vescovo di Guirino quando ci sarà, per gro. v ci de’ dare, e pregharlo ci deba chavare di danno delle male ci fece fare (ibid., fol. 19).
23 ASPo, D.68, fol. 2-v, 12v, 13v, 14, 26v, 30, 46, 51v, 79, 85v, 151v.
24 Par exemple les registres ASPo, D.51 (1363-1366), D.56 (1372), D.57 (1373), D.58 (1373-1374), D.62 (1378-1379), D.63 (1379), D.65 (1380-1381), D.66 (1381-1382) ; F.-J. Arlinghaus, Zwischen Notiz und Bilanz…, op. cit., p. 144, 151-152, 225 ; sur la bipartition dans d’autres types de livres de l’agence d’Avignon, G. Corsani, I fondaci e i banchi…, op. cit., p. 71-73, F.-J. Arlinghaus, Zwischen Notiz und Bilanz…, op. cit., p. 209-210, 241 ; et plus généralement pour les livres des compagnies toscanes de la fin du xiiie au milieu du xive siècle, R. De Roover, « The Development of Accounting prior to Luca Pacioli according to the Account Books of Medieval Merchants », dans A. C. Littleton, B. S. Yamey (dir.), Studies in the History of Accounting, Londres, 1956, réimpr. dans id., Business, Banking, and Economic Thought in Late Medieval and Early Modern Europe, éd. par J. Kirshner, Chicago, 1974, p. 127, 132-134, 145-146 ; B. S. Yamey, « Bookkeeping and Accounts, 1200-1800 », dans S. Cavaciocchi (dir.), L’impresa. Industria, commercio, banca, secc. xiii-xviii. Atti della Ventiduesima Settimana di studi (30 aprile-4 maggio 1990), Florence, 1991, p. 165-168.
25 F.-J. Arlinghaus, Zwischen Notiz und Bilanz…, op. cit., p. 233-234, 248.
26 Expédition d’une balle d’articles de maille de fer à Giovanni Iacopi à Barcelone le 12 mai 1386, avec une seconde entrée pour les frais payés pour cela à Aigues-Mortes (ASPo, D.68, fol. 51v) et d’une autre balle de maille destinée à Giovanni di Stefano del Migliore à Valence le 15 décembre 1386 (ibid., fol. 151v) ; ricordanza énumérant de nombreux gages laissés par Giovanni di Santo Basilio le 2 avril 1386 en échange d’un paiement de 36 francs par la compagnie Datini (ibid., fol. 34v). Même constat pour les registres de 1370 par F.-J. Arlinghaus, Zwischen Notiz und Bilanz…, op. cit., p. 177-179.
27 ASPo, D.68, fol. 174v et 175.
28 Par exemple D.68, fol. 115 et 134 présentent chacun deux comptes consécutifs de Daniello Cocco che fa i bacinetti, le fol. 127 deux comptes de Peretto di Bartolomeo d’Arezzo, le fol. 132v deux comptes de Nofri del Ricco habitant de Beaucaire, le fol. 143 deux comptes de Girardo che vira la mena, le fol. 143v deux comptes de Giannino Belpelo traversatore, etc.
29 ASPo, D.8 et 123 ; il existe également des écrits préparatoires au bilan (D.1157/24 et 1165/2), voir E. Cecchi Aste, L’Archivio di Francesco di Marco Datini…, op. cit., p. 122.
30 Pour plus de détails sur cette question, voir J. Hayez, « Acteurs, compétences et procédures dans les comptabilités marchandes. L’agence Datini d’Avignon (fin xive-début xve siècle) », dans A. Jamme (dir.), Le contrôle des comptes dans l’espace méridional français à la fin du Moyen Âge, sous presse.
31 E sono d’accordo i detti quattro compagni nominati che la detta compagnia debba durare due anni prossimi che verranno, cioè da dì primo di gennaio MCCCLXXXV [1er janvier 1386 st. mod.] insino a dì XXXI di dicembre MCCCLXXXVII, che sono due anni appunto, e che ogni anno in dì primo di gennaio debbono rivedere e saldare i loro conti e metterli in saldo (E. Bensa, Francesco di Marco da Prato. Notizie e documenti sulla mercatura italiana del sec. xiv, Milan, 1928, p. 302).
32 Le total de 1931 entrées résulte d’une tentative de rationalisation de la division des entrées, en séparant des prestations de nature diverse quand elles avaient lieu le même jour avec le même client et en regroupant au contraire deux prestations de même nature effectuées le même jour avec le même client ; on a cependant peu à peu constaté au fil du dépouillement que la division originale des entrées ne suivait pas une logique constante sur le registre. Il faut noter en outre que, si les graphies de Boninsegna, très cursive, et de Tieri di Benci, beaucoup plus élémentaire, sont très spécifiques au sein du type de la mercantesca, celles d’Andrea et de Filippo présentent plus de similitudes et que les particularités dialectales siennoises du premier ne sont pas toujours présentes sous sa main, ce qui laisse une petite marge d’erreur dans les attributions à ces deux mains d’entrées parfois très courtes.
33 Boninsegna di Matteo à Francesco di Marco, 15 juin 1385 et 8 avril 1386, ASPo, D.427, 303061 et D.621, 407964 ; Tieri di Benci à Francesco di Marco, 27 avril au 3 mai et 26 août 1385, ASPo, D.621, 110257-110258.
34 J. Hayez, « L’Archivio Datini, de l’invention de 1870 à l’exploration d’un système d’écrits privés », Mélanges de l’École française de Rome, 117/1, 2005, p. 146-148, et plus largement sur les divers lieux d’écriture et de conservation de l’écrit dans les boutiques et demeures marchandes, p. 139-156. La plupart des espaces sont évoqués dans les inventaires, dont celui du quaderno di ragionamento de 1386 (ASPo, D.155, fol. 49-55). Le futur logement du ménage de Tieri situé dans la petite maison est alors occupé par Iacopo Girolli, marchand florentin beau-frère de Francesco Datini.
35 Tieri di Benci à Francesco di Marco, 23 juillet 1404, ASPo, D.631, 110242 ; Id. à Stoldo di Lorenzo, 15 octobre 1396, ASPo, D.1112, 511525.
36 Tieri di Benci à Francesco di Marco, 15 février 1389, ASPo, D.623, 602410.
37 Tieri se plaint ainsi de devoir garder seul la boutique en y tenant aussi la caisse, pendant une mission de quelques semaines d’Andrea à Milan (Tieri di Benci à Francesco di Marco, 15 février 1389, D.623, 602410).
38 I’ òe fidanza in Boni[n]sengna ed in te pue che in persona che viva. E non ti pensare, Tieri, se io non avese in te questo grande amore e fede ch’io dicho, io ti prometto ch’io metterei altro rimedio ne’ fatti miei di chostà ch’io non fo inperò io soe Boni[n]sengna puote morire chome d’altri, e chosì tue. Vivo in questa isperanza, rimanendo l’uno di voi vivo, non mi pare potere perire. Ma s’io non avese questa isperanza, arei tenuti e terei altri modi ch’io non fo […] E’ mi pare che tue viva molto male contento di questi benedetti conti che non si rivegiono. Dicho in parte ài ragione, ma tue droveresti guardare due chose : l’una de’ fatti miei, ché bene lo drovei cerchare pue di te per molti ragioni. E no· me ne churo per la grande fidanza ch’i’ òe in te e in Boni[n]sengna (Francesco di Marco à Tieri di Benci, 18 janvier 1388, ASPo, D.1086, 1402686). Di rivedere ongni chonto e di saldare e rivedere ongni mia ragione propia e a chomune, io me ne spoglo e rivestone te e tutti gl’atri che voi ne facciate chome porta ragione […] Ben so ch’io non arò molte chose chosì in ordine chom’io vorei perch’io mi rifidava tanto in Boni[n]sengnia che pocho mi churava di molte chose (Francesco di Marco à Tommaso di ser Giovanni, 17 mai 1398, ASPo, D.1115, 9281376).
39 F. Melis, Aspetti della vita economica…, op. cit., p. 135-141, 161-165, 246-253, 269-272 et planche LXI.
40 Tommaso di ser Giovanni à Francesco di Marco, 8 novembre 1404, ASPo, D.631, 110073.
41 Boninsegna di Matteo à Francesco di Marco, 14 octobre et 7 au 16 novembre 1394 et 15 août 1395, ASPo, D.182, 317032, D.626, 408025 et D.627, 408134 ; Boninsegna di Matteo à Giovanni Scali, 15 août 1395, ASPo, D.627, 9291706 ; Giovanni Scali à Francesco di Marco, 4 juillet 1395 et 8 janvier 1396, 5 février et 4 septembre 1401, ASPo, D.334, 131-132, D.719, 424121-424122. Vers 1394 Francesco doit présenter aux autorités florentines une attestation pour défendre Boninsegna contre 18 de ses créanciers (ASPo, D.1169/6).
42 Tieri di Benci à Francesco di Marco, notamment 8 août 1388, 11 novembre 1399, 31 janvier et 13 août 1401, 6 au 7 septembre et 6 octobre 1403, ASPo, D.623, 602405, D.629, 602368, D.717, 520895 et 520904, D.631, 110220-110221.
43 ASPo, D.68, fol. 54, 105v, 128v, 149v, 155. Dans les actes du notaire lombard Giorgio Briconi, il est nommé Michael de Burgaro de Cherio Taurinensis diocesis campsor / mercator cambii Avinione (com)morans / degens dans les années 1390 (AD Vaucluse [ci-dessous ADV], 3 E 8, 193bis, fol. 2v-3, 6-7v, 12-13, 39v-42v, 55-58v, 74v-83, 98v-99, 108, 124v-125, 133v-134, 160v-161 ; 3 E 12, 484, fol. 8v-9, 54v-56v, 86v-88v, 143-144v, 187v-188, 230-231v, 235, 251v-252v ; 3 E 8, 194, fol. 88-89, 97v-98v. D’après les sources latines vaticanes, Jean Favier l’appelle Michele da Burgaro (J. Favier, Les finances pontificales à l’époque du Grand Schisme d’Occident, 1378-1409, Paris, 1966, p. 180, 572).
44 J. Kirshner, « A Consilium of Rosello dei Roselli on the Meaning of ‘Florentinus’, ‘de Florentia’ and ‘de populo’ », Bulletin of Medieval Canon Law, n.s., 6, 1976, p. 87-91.
45 ASPo, D.6, fol. 1 (nous soulignons) ; pour le paragraphe ultérieur justifiant le changement de main à partir de mars, voir la note 14. Dans le memoriale, la rubrique initiale est également écrite par Boninsegna mais inachevée après le paragraphe de l’invocation religieuse (ASPo, D.68, fol. 1). Sur l’inscriptio du codex rationum comme preuve de l’attribution des affaires qu’il contient à un sujet juridique, voir les commentaires de Filippo Decio (Dèce) (G. Minaud, « Les juristes médiévaux italiens et la comptabilité commerciale avant sa formalisation en partie double de 1494 », Revue historique, 313, 2011, p. 787).
46 ASPo, D.68, fol. 85v, de la main de Boninsegna. Ses autres comptes, écrits par Boninsegna mais aussi parfois par l’intéressé, se limitent aux anthroponymes, parfois sans le nom de famille (ibid., fol. 39, 63v, 134, 137, 154).
47 Ibid., fol. 147 ; formulation similaire sans da Prato, ibid., fol. 43, 159v, 172, 173 ; autres comptes du même sans le rapport de résidence, ibid., fol. 17v , 80, 86v, 102.
48 Ibid., fol. 147 ; formulations similaires, ibid., fol. 159, 172-173 ; autres comptes du même sans le rapport de résidence, ibid., fol. 43, 53v, 80, 93v, 100v, 113.
49 Ibid., fol. 21v ; formulations similaires, ibid., fol. 38v, 43, 49, 50v, 159, 173 ; Gianino che sta cho· noi per lavorare di malglia, ibid., fol. 146v ; autres comptes du même sans le rapport de résidence, ibid., fol. 49, 71v, 96v, 121v, 135v.
50 Ibid., fol. 4v ; Bernardo traversatore che stette chon noi, ibid., fol. 59v ; autres comptes du même ibid., fol. 43v, 81, 96v, 101, 153. Cet artisan avait été employé deux ans pour forer le métal, puis renvoyé au début de 1385 (Tieri di Benci à Francesco di Marco, 18 avril et 27 avril au 3 mai 1385, ASPo, D.427, 407266-407267).
51 Ibid., fol. 38 ; formulations similaires ibid., fol. 120v, 154-v, 161v, 162 ; la Giovanna di Fegiacho nostra servente, ibid., fol. 26, 57, 72 ; la Gianetta di Fegiacho, ibid., fol. 136v.
52 Ibid., fol. 45v ; formulation similaire, ibid., fol. 75v, 111, 134v ; autre compte ibid., fol. 2 ; il est appelé Anichino ciabatiere nostro vicino dans le grand livre ASPo, D.6, fol. 1v et lo ciabatiere nostro vicino dans le memoriale de 1384 (ASPo, D.39, fol. 29, 185).
53 ASPo, D.68, fol. 52, 103 ; ailleurs appelé Ugonetto brettone (ibid., fol. 23v).
54 Le premier, également appelé Morini et Mauri, mentionné dans le memoriale de 1384 (ASPo, D.39, fol. 154v, 248v, 262) ; tout comme le second (ibid., fol. 214). On rencontre parmi les individus mentionnés comme voisins de l’agence Giovanni Merciante en 1366 (ASPo, D.1, fol. 5v, 29), Francescho Sellaio en 1366 (ibid., fol. 15), Pere ispeziale en 1369 (ASPo, D.53, fol. 112v, 131v), Giovannetto speziale en 1371-1372 (ASPo, D.55, fol. 58, 129 ; D.56, fol. 94v), lo guainaio nostro vicino en 1373 (ASPo, D.57, fol. 74), Giovanni da Piagienza fornaio nostro vicino che ci chuocie il pane en 1384 (ASPo, D.39, fol. 112), Bartolomeo fustiere en 1401 (ASPo, D.85, fol. 17v). En 1383, Tieri di Benci en évoque un autre : Giovanni de[l] Portale nostro vicino fu morto da uno altro argientiere (Tieri di Benci à Francesco di Marco, 22 août 1383, ASPo, D.321, 2103).
55 Ibid., fol. 58v ; formulation similaire ibid., fol. 162 ; messer Ortigho nostro oste, ibid., fol. 52v.
56 ASPo, D. 68, fol. 14, 17-v, 21, 37v, 38v, 40v, 54, 61, 71v, 85v-86v, 93, 101v, 102v, 107, 110v, 112, 117v, 144v-145v, 149v, 150v, 160, 161v, 162v, 163, 164, 169v, 170, 173v.
57 Respectivement ASPo, D.68, fol. 12 ; 13 ; 49v ; 102 ; 130v et 158 ; 141 ; 158 ; 158v ; et 8, 9, 22v, 44v, 61v, 74v, 98v et 161.
58 ASPo, D.68, fol. 35, 102.
59 Ibid., fol. 16.
60 Ibid., fol. 106.
61 ASPo, D.42, fol. 42, 23 décembre 1386 ; la première lettre à le nommer est du 15 avril 1388 (ASPo, D.623, 602398) ; sur le personnage, voir J. Hayez, « “Veramente io spero farci bene…”. Expérience de migrant et pratique de l’amitié dans la correspondance de maestro Naddino d’Aldobrandino Bovattieri, médecin toscan d’Avignon (1384-1407) », Bibliothèque de l’École des chartes, 159, 2001, p. 413-539.
62 ASPo, D.55, fol. 198.
63 Ibid., fol. 48v (nous soulignons) ; passage similaire concernant les mêmes artisans père et fils au fol. 44.
64 Par exemple, début janvier 1387, A uno cordiere […] A uno merciaio […] A uno che batte banbagia […] A uno merciaio […] A uno per battere i libbra di cotone […] A uno portafacio per porto d’una balla da·Rodano […] (ASPo, D.116, fol. 38).
65 Il mulatiere che rechò le bolle [= balle] (ASPo, D.42, fol. 10), i[l] seliere istà a lato a Beltrano di Tolosa (D.42, fol. 19), Il veturale c’arechò le balle (ibid., fol. 19v), uno cinturiere della Soneria (ibid., fol. 21), uno chanbiatore da Charpentrasso (ibid., fol. 22v), la dona da[l] Portale Matarone che fae i ghuanti / la dona che stae a[l] Portale Matterone (ibid., fol. 31v-32, appelée donna Rugierina dal Portale Matterone aux fol. 36v et 50v), uno merciaio istae nella bottegha di mona Bartolomeia [di ser Lorenzo Tedaldi] (ibid., fol. 44v), il guantiere che sta nella Saoneria (ibid., fol. 48v), l’argentiere sta sotto chasa Ghino [di Mino] da Siena (ibid., fol. 51v), uno rivenditore da Sa[n] Piero (ibid., fol. 52v).
66 ASPo, D.67, fol. 97v, 26 juillet 1382. Sur la description physique comme l’un des modes d’identification et de contrôle des individus, en l’absence de formes onomastiques normalisées, stables et non modifiables, voir V. Groebner, Der Schein der Person. Steckbrief, Ausweis und Kontrolle im Mittelalter, Munich, 2004, p. 78-108.
67 ASPo, D.68, fol. 7v, 68, 74. Présent dans les actes de Giorgio Briconi des années 1394-1396 (ADV, 3 E 8, 193bis, fol. 54v, 63-64v, 142-143 ; 3 E 12, 484, fol. 2v-3, 23-24v, 41v-42, 173-v ; 3 E 8, 194, fol. 40v-41, 44-v, 88-89), il apparaît également dans les archives pontificales en 1386 (J. Favier, Les finances pontificales…, op. cit., p. 496).
68 Respectivement ASPo, D.68, fol. 16, 50, 72v, 157-v et 157v.
69 ASPo, D.68, fol. 2v et 16v.
70 Par exemple début mai 1386 Andrea di Bartolomeo et Giannino di Iacopo da Milano achètent du drap du faubourg Saint-Marcel au drapier piémontais Giovanni Ragliere (ASPo, D.68, fol. 49) ; et début décembre 1386 Giannino di Iacopo, Iacopo d’Antonio et Salimbene di Niccolò achètent au drapier astésan Giacomo del Solaro du panno bigio pour se faire faire des tuniques (cioppe), chaperons et chausses (ibid., fol. 147), tandis que Boninsegna et Filippo Covoni achètent du drap de Montivilliers et du panno verdello au second drapier, qui vend aussi du drap de Saint-Marcel à la servante Jeanne veuve de Figeac (ibid., fol. 154-v). Giannino, Iacopo, Salimbene, Boninsegna et Giovanna s’adressent alors à un même tailleur, Mondone, pour la confection (ibid., fol. 159 et 161).
71 Selon Tieri di Benci, même sa femme Nanna recherche le profit de l’agence : prochaciava l’utille della chasa (Tieri di Benci à Francesco di Marco, 12 août 1396, ASPo, D.627, 602427). Francesco utilise aussi le terme brigata pour qualifier les membres de l’agence : dite siamo una brighata (Tieri di Benci à Francesco di Marco, 1er juillet 1405, ASPo, D.632, 602440).
72 ASPo, D.68, fol. 100. Il est appelé Laurentius de Restis de Mediolano serviens armorum domini nostri pape dans les actes de Giorgio Briconi en 1394-1395 (ADV, 3 E 12, fol. 125v-126 ; 3 E 8, 194, fol. 108-110) et Lorenzo oste dello Cavallo che sta a lato allo abergho della Sella al Portalle de’ Frati Minori, Lorenzo oste del Cavallo Biancho che sta al Portale de’ Frati Minori a lato a l’abergho della Sella dans un memoriale antérieur de l’agence en 1381 (ASPo, D.65, fol. 157v, 295v).
73 ASPo, D.68, fol. 102, 173. Pour six autres exemples tirés des ricordanze, concernant trois boutiques, la rue de la Saunerie, l’église paroissiale Saint-Pierre et le portail Matheron, porte de l’enceinte du xiie siècle, voir la note 65. Des localisations par une enseigne ou une boutique fréquentée semblent refléter davantage la cartographie personnelle d’un espace urbain que la mention habituelle chez les notaires des villes provençales de rues, quartiers et monuments (voir D. L. Smail, Imaginary Cartographies. Possession and Identity in Late Medieval Marseille, Ithaca/Londres, Cornell University Press, 1999, en particulier p. 65-109, 140-187).
74 En 1374 et 1376, il était qualifié de merchatante di Parigi et de résident (dimora a Parigi ; ASPo, D.59, fol. 98 ; D.60, fol. 215) mais vers 1378-1381 il est régulièrement qualifié d’habitant de Lyon (ASPo, D.62, fol. 43, 45, 108, 127, 141 ; D.63, fol. 118v, 230v ; D.65, fol. 34, 37, 44, 97). En 1386, nous le trouvons appelé Giubili merchatante di Parigi et Giovanni Gibiletto che dimora a Lione (ASPo, D.68, fol. 64, 82 et sans origine au fol. 129 ; l’entrata e uscita D.116, fol. 37v lui attribue également l’origine parisienne).
75 ASPo, D.68, fol. 9v ; voir sur lui J. Hayez, « Sulle tracce d’uno sconosciuto », dans S. Brambilla, J. Hayez (dir.), Il tesoro di un povero. Il memoriale di Francesco Bentaccordi, fiorentino in Provenza (1400 ca.), Rome, 2016, p. 67.
76 ASPo, D.68, fol. 11, 17v ; sur sa position d’opérateur économique dominant dans cette ville, voir L. Stouff, Arles à la fin du Moyen Âge, Aix-en-Provence, 1986, t. 1, p. 252-255 ; id., « Une famille florentine à Arles : les Benini vers 1360-vers 1440 », dans J.-A. Cancellieri (dir.), La Toscane et les Toscans autour de la Renaissance. Cadres de vie, société, croyances. Mélanges offerts à Charles-Marie de La Roncière, Aix-en-Provence, 1999, p. 271-279 ; F. Antonietti, Rapports commerciaux entre les compagnies Datini et Benini à la fin du xive siècle (Arles-Avignon), thèse de doctorat dactyl., université Toulouse-Le Mirail, 2007.
77 Respectivement ASPo, D.68, fol. 85v et 145v ; 4v, 9v, 21v, 35v ; 160v.
78 ASPo, D.68, fol. 148.
79 Ibid., fol. 48v, 132v.
80 ASPo, D.68, fol. 12v, 14v, 21v-22v, 25, 28, 31, 39, 45v, 51, 55v, 64v, 89v, 99, 110, 126v, 140v, 141v, 148v.
81 Ibid., fol. 10v, 14, 22, 48, 77-v. On le retrouve en Lombardie sous l’appellatif lo Foino (L. Frangioni, Milano fine Trecento…, op. cit., t. 2, p. 90).
82 ASPo, D.68, fol. 27.
83 Ibid., fol. 53 , 158v.
84 Ibid., fol. 113, 161.
85 Ibid., fol. 2v, 16v.
86 Ibid., fol. 17, 37, 120, 132, 146v, 155v.
87 J. Hayez, « Sulle tracce d’uno sconosciuto », art. cité, p. 59-60.
88 J. Hayez, « “Tucte sono patrie ma la buona è quela dove l’uomo fa bene”. Famille et migration dans la correspondance de deux marchands toscans vers 1400 », dans J.-F. Chauvard, C. Lebeau (dir.), Éloignement géographique et cohésion familiale (xve-xxe siècle), Strasbourg, 2006, p. 81, 95.
89 Les lettres de Bassano, comme celles des membres de l’agence d’Avignon en mission à Milan, ont été publiées par Luciana Frangioni (L. Frangioni, Milano fine Trecento…, op. cit.), mais celles jadis expédiées vers Avignon ont majoritairement été perdues.
90 Tieri di Benci à Francesco di Marco, 30 janvier 1385, ASPo, D.321, 2116.
91 Pareva la bottegha di fa[n]c[i]ugli [l’école], se none ch’io n’ò tanto gridato che lle chose and[r]ano bene. E i[n] questa istate ch’ero a Melano, mi dicie uno vostro amicho che lla donna istava i[n] botegha la sera e le feste co[n] parechi argientieri, e tenevagli nella falda a fare a moscha ciecha. E a me disp[i]ac[i]ono ta’ chose (Tieri di Benci à Francesco di Marco, 18 avril 1385, ASPo, D.427, 407266).
92 ASPo, D.68, fol. 38, 72, 120v.
93 Quando venimo da Firenze, qui era una servente. Idio sae chome facieva l’asino e ‘ modi tene chon Sali[n]bene quae[n]t[r]o e fuori di qui ! […] Ella se n’andava fuori quando aveva disinato a sue comari, ché n’à più di xii. [Non voleva portare] una sechia d’aqua e uno pezzo di legne su[s]o per nulla ; e ma[n]giare o giaciere o andare diportando ! (Tieri di Benci à Francesco di Marco, 18 au 22 octobre 1396, ASPo, D.627, 602430).
94 Quando la Nana [femme de Tieri] riprendeva la nostra servente di nulla, dicieva “Di che v’i[n]paciate voi ?”. Ella la riprese perch’ella andava di nostro teto i[n] chasa l’argient[i]ere di notte, e di giorno dicieva che v’and[r]ebe. Quando lo sepi, disillo a Boni[n]segna. Nulla ne dise. E chollo argientiero lo disi. Dise vi serrerebe (Tieri di Benci à Francesco di Marco, 18 au 22 octobre 1396, ASPo, D.627, 602430)
95 I[n]chora ci à pegio : che avendo Peretto fatto fare uno luchetto della camera de l’arme, i[n]chora no l’aveva posto a lato, lo mise nella sua chasa [= cassa]. La bona servente andò a cierchàgli la chasa e tolse quello luchetto e no[n] soe che altre frasche, e no· llo voleva rendere. No[n] soe chome Peretto lo sepe. Disello a Boni[n]segna e penò uno grande pezzo lo volese rendere. Vedete che chos’è queste. S’ella ci trase [= entrasse ?] la notte ne la camera de l’arme, vedete i[l] dano ci potrebe fare. Ella non è lealle ; è di malla ragione » (Tieri di Benci à Francesco di Marco, 18 au 22 octobre 1396, ASPo, D.627, 602430).
96 E fae tre mesi che Tomaso no[n] fecie se none frasche, ed àe l’amistae di tutti gl’argientieri e fanogli forme da gettare anella e altri frulli per fare ci[n]ture ; e stae tutto i[l] dì a fondere istagno e gettare inbratti (Tieri di Benci à Francesco di Marco, 18 avril 1385, ASPo, D.427, 407266).
97 ASPo, D.68, fol. 64.
98 Parmi l’abondante littérature consacrée à l’amitié à travers les siècles signalons seulement ici quelques essais concernant spécialement la société florentine de la fin du Moyen Âge : « “Parenti, amici e vicini” : il territorio urbano d’una famiglia mercantile nel XV secolo », Quaderni storici, 33, 1976, p. 953-982 ; R. C. Trexler, Public Life in Renaissance Florence, New York/Londres, etc., 1980, chap. 4 ; D. Kent, Friendship, Love and Trust in Renaissance Florence, Cambridge (Mass.), 2009 ; C. James, « Mercantile and Other Friendships in Early Renaissance Tuscany », dans P. Howard, C. Hewlett (dir.), Studies on Florence and the Italian Renaissance in Honour of F. W. Kent, Turnhout, 2016, p. 151-167.
99 J. Hayez, « Un facteur siennois… », art. cité, p. 222-224.
100 Littéralement « ami d’éternuement », « faux ami » ; voir N. Tommaseo, B. Bellini, Dizionario della lingua italiana, t. 4, Turin-Naples, 1872, p. 149 ; S. Battaglia, Grande dizionario della lingua italiana, t. 20, Turin, 2000, p. 93. Tieri di Benci rapporte qu’Andrea di Bartolomeo appelle ainsi Stoldo di Lorenzo quand celui-ci refuse de lui rendre un service à distance (Tieri di Benci à Stoldo di Lorenzo, 8 mai 1387, ASPo, D.621, 511521) et applique l’expression à deux amis de Francesco qui rendent un arbitrage peu favorable au marchand (Tieri di Benci à Francesco di Marco, 8 au 18 septembre 1386, ASPo, D.621, 110264). Il traite ainsi Dialdé écuyer du lignage d’Aigrefeuille, quand celui-ci refuse d’aider Francesco à recouvrer une créance contre ses patrons (Tieri di Benci à Francesco di Marco, 26 au 30 avril 1401, ASPo, D.630, 110190).
101 À propos d’un tableau religieux commandé à Florence pour une relation de l’agence, L’amicho per chi è è nostro grande amicho e à paghato inna[n]zi la mano. Are’ grande piaciere fosse bene servito. Sì che ogni diligienza si poe fare si faci e ch’e’ l’abi i[l] più tosto si potrà, e chosa n’abiamo onore (Tieri di Benci à Francesco di Marco 18 décembre 1391, ASPo, D.625, 602352). Andrea di Bartolomeo informe Francesco que l’agence a prêté 60 florins à Ortigue Ortigue, propriétaire de leurs locaux, qui en avait besoin pour un achat immobilier Con misere Orticha ci ritegniamo e lui serviamo come singulare amico (J. Hayez, « Un facteur siennois… », p. 282).
102 Andrea recommande ainsi un marchand d’Arles, Piero di Penes, qui a donné procuration aux facteurs Datini pour recouvrer une créance à Florence : Preghovi per amore di me vi duriate faticha in domandarli, ch’è uomo il vale e amicho della chasa (ibid., p. 274-275).
103 Ainsi dans le contexte d’une épidémie, Tutti altra giente qui di chasa istano bene e nostri amici, salvo Nicholaio di Bonacorso à ‘uto grande malle ; è miglorato, Idio grazia ! (Tieri di Benci à Francesco di Marco, 8 octobre 1397, ASPo, D.628, 110283).
104 Tieri di Benci à Francesco di Marco, 26 décembre 1397, ASPo, D.628, 110286.
105 Malagievolmente si traghono oggi [danari] da questi artieri (Inghilese d’Inghilese à la compagnie Datini de Pise, 16 juin 1384, ASPo, D.447, 502943). Cet épicier évoque encore plus souvent les tintori, qui ont tantôt des stocks trop garnis pour acheter et sont toujours trop lents à payer du fait de leur manque de liquidités.
106 Sur les artieri minuti de Milan qui ne sont pas intéressés à acheter de la laine, Tieri di Benci à la compagnie Datini de Gênes, 27 août 1392, ASPo, D.780, 10355 ; sur le niveau de vie des artisans d’Avignon, Tieri di Benci à Francesco di Marco, 15 mai 1399, 16 juin 1400, 12 janvier et 16 juillet 1401, ASPo, D.629, 602358 et 602384, D.717, 520892 et 520903.
107 Sovente saluto i signiori vostri e amici per parte di voi, e fo loro larg[h]ezza di quello che niente non chosta, ma fate conto tanto dura loro amore quanto pensano di meglio valere di voi. Altra amistà no[n] ànno a persona (Andrea di Bartolomeo à Francesco di Marco, 26 février 1384, ASPo, D.321, 2313).
108 R. Brun, « Notes sur le commerce florentin à Paris à la fin du 14e s. », Cooperazione intelletuale, 6, 1936, p. 89.
109 L’agence prête ainsi le 10 juin 1386 à Cobiello écuyer d’Othon de Brunswick deux casques (cervelliere), qu’elle récupère le lendemain (ASPo, D.42, fol. 18).
110 Francesco demande ainsi à Tommaso di ser Giovanni, qu’il a envoyé à Avignon peu après la mort de Boninsegna, de cultiver l’amitié de Dialdé écuyer des Aigrefeuille dans l’intention de recouvrer une créance à leur encontre, de ritenervi cho· llui e fargli onore, e servirlo di chose g[i]uste, ché d’atro non credo che vi richiedesse. E perché chostasse a la conpangnia l’anno alchuna chosa, non sarebono altro che bene spesi (Francesco di Marco à Tommaso di ser Giovanni, 17 mai 1398, ASPo, D.1115, 9281376).
111 Il s’agit du compte de l’ancienne compagnie Datini d’Avignon qui a remis à la nouvelle le 1er janvier 1386 un stock évalué à 1362 florins clémentins 1 sou 3 deniers. À la fin de l’année, l’ancienne compagnie est créditée de 40 florins : E deono avere detto dì per dono de’ detti danari per la mettà dell’ano che lgli contiamo fio. xl d’oro core[n]ti (ASPo, D.68, fol. 174).
112 Par exemple dans un compte de Francesco di Marco, prese per dare al chardinale d’Aghrifoglo i paio di speroni argientati di Firenze (ASPo, D.56, fol. 48) ; ou dans une longue liste d’entrées employant le terme donare qui correspondent aux étrennes données par Francesco « per dare a Tieri di Bencci per la strena di Natalle » (ASPo, D.58, fol. 13v) ; voir également la note 126.
113 ASPo, D.1170, 1052. Dans une lettre présentant Jean de Gramat à un correspondant de l’agence, Boninsegna l’introduit comme Giovanni signiore di Gramatta, il qualle è nostro ispezialle singniore (ASPo, D.54, fol. 269).
114 Francesco di Marco à Tieri di Benci, 29 mars 1397, ASPo, D.1115, 9281363. Dans cette lettre à son associé, comme dans d’autres adressées à des proches des Aigrefeuille tel Samson d’Ayzac, Francesco dit que Jean de Gramat était l’un de ses meilleurs amis avec Boninsegna (1er décembre 1386, ASPo, D.1086, 9142619).
115 En décembre 1372, Francesco paie un tailleur pour confectionner la roba gli mandò meser d’Agrafoglio cardinale (ASPo, D.56, fol. 88). Le compte du chaussier Niccolò Pentolini du 31 décembre 1372 comporte una fodera di scarllata per chapucio della livreia d’Agrafolglio fournie à Francesco di Marco (ASPo, D.56, fol. 197v) ; deux balles de vêtements des époux Francesco et Margherita expédiées d’Avignon à Prato en octobre 1382 comprennent ii chapucci dopi di pano della livrea di meser d’Agrafiolglia tandis que figurent parmi d’autres objets confiés à des amis effectuant le voyage ii c[i]ope vechie foderate di fodero biancho, ll’una di panno mischio e l’altra della livrea d’Agrafiolglia vetata (ASPo, D.67, fol. 191 et 198).
116 ASPo, D.53, fol. 127, 150, 173v ; D.56, fol. 48, 88, 96v ; D.57, fol. 112, 130v, 147 ; D.58, fol. 13v ; D.59, fol. 91v ; pour les fromages, voir D.53, fol. 173v.
117 ASPo, D.53, fol. 127, 208 ; D.55, fol. 208, 212v, 238v ; D.57, fol. 25v, 90 ; D.58, fol. 13v, 97 ; D.67, fol. 374.
118 ASPo, D.55, fol. 200v ; D.56, fol. 228.
119 Le marchand florentin Michele Baroncelli achète ainsi en novembre 1367 deux bérets de Paris per donare a’ suoi singnori e amici (ASPo, D.52, fol. 89v) et son compatriote le changeur Iacopo di Cambino en achète un autre en mai 1374 per donare a u[n] suo amicho da Valenza (ASPo, D.59, fol. 42). Garinot seigneur d’Apchier est débité de 3 florins en avril 1374 per i stofa di vellutto nera con frangia nera prese per donare a uno suo ischudiere grande che venne cho llui (ASPo, D.58, fol. 40). Autres exemples : ASPo, D.52, fol. 145 ; D.59, fol. 140 ; D.62, fol. 9v ; D.63, fol. 14.
120 ASPo, D.60, fol. 58v ; D.62, fol. 2v ; D.39, fol. 126.
121 ASPo, D.53, fol. 31 ; D.56, fol. 48, 89v ; D.57, fol. 142 ; D.58, fol. 13v, 27 ; D.60, fol. 47v ; D.63, fol. 225.
122 Pour les servantes : ASPo, D.56, fol. 89v ; D.57, fol. 130v ; D.57, fol. 147 ; D.58, fol. 13v ; D.180/4, fol. 308v ; pour les facteurs : ASPo, D.58, fol. 101v ; voir aussi la n. 112, p. 459.
123 ASPo, D.67, fol. 374, 378.
124 vi isciughatoi fiorentini sotilli a capi tinti […] tolse per donare alla Tesa filgliuola di Mafeo Forna[i]ni quando n’andò a marito (ASPo, D.57, fol. 96) ; ebe contanti fio. x d’oro di reina per dare a l’Antonetta che stette cho· llui quando ella si maritò (ASPo, D.57, fol. 147). Sur la propension de Francesco à recourir volontiers à la dotation parmi ses pratiques charitables voir par exemple la citation d’une lettre à lui adressée par Rinaldo Gianfigliazzi en 1406 : per tutti si dice voi siete limosiniere e fate molto di bene per Dio, e spezialmente alle povere fanciulle (ASPo, D.1093, 1402517). Sur le cas de Boninsegna qui contribue à doter la fille d’un Florentin de Beaucaire, voir Tieri di Benci à Francesco di Marco, 16 février 1397, ASPo, D.627, 602434.
125 En octobre 1371, Francesco se voit ainsi imputer le prix d’un drap : prese Franciescho per donare a una che fé battezare per madona di Gramatta (ASPo, D.55, fol. 238) ; en septembre 1374, per i tovagliuola da mano a capi tinti fiorentina sottile […] ebe per donare a la dona di Iachopo Ra[n]chino della Fusteria ch’è sua chomare d’uno fanciullo maschio le batezò, al quale puose nome Franciescho » (ASPo, D.59, fol. 34v) ; il lui offre également une tasse d’argent doré (ASPo, D.59, fol. 131, 274v). En 1400 Francesco ordonne à ses agents de verser 12 florins à sa commère Felice femme du marchand ruiné Nastagio di ser Tommaso, pour acheter du drap (Tieri di Benci à Francesco di Marco, 12 août 1400, ASPo, D.629, 602385). Certains facteurs de l’agence, comme Niccolò di Berto en 1368, effectuent aussi des dons en ces circonstances : furono per donare alla sua chomare, cioè la donna di Gerino [Berti] chorazaio [da Firenze] (ASPo, D.52, fol. 157).
126 En décembre 1373, le compte de Francesco comprend ainsi per donare a più persone per la festa di Natalle des cadeaux à ses facteurs Gaspare di Maffeo, Stoldo di Lorenzo, Tieri di Benci, Ghiotto di Giannino, Leonardo di Giovanni alias Buco, à la servante Gianetta, à l’artisan Fralglione traversatore, à Freschetto giudeo, peut-être courtier ou artisan, ainsi qu’à la clientèle du cardinal Guillaume le Jeune d’Aigrefeuille, dont son camérier, son chapelain Giovanni Donadio, son écuyer Daldello, madona di Gramata et ses chambrières et nourrices, la femme du maréchal Aymar, ses filles et chambrières ; enfin à un groupe de voisins et amis : Iacopo di Cambino alias Ranchino della Fusteria, la dona d’Antonio Belagha mio vicino, la dona di Lapo del Verde, la servante de Giovanni di Tano da Prato, Peronetta servante de Francesco di Chito, le notaire ser Piero di messer Bencivenni Galgani (ASPo, D.58, fol. 13v). Un an plus tard les étrennes sont à peu près aussi nombreuses et s’adressent en grande partie aux mêmes (ASPo, D.59, fol. 91v).
127 Iacopo di Duccio en 1369 et 1370 : ASPo, D.53, fol. 165v et D.54, fol. 39 ; Tieri di Benci en 1373 et 1379 : ASPo, D.57, fol. 127v et D.63, fol. 114v, 218v ; Stoldo di Lorenzo à son parent Nanni del Rossellino en 1373 : ASPo, D.57, fol. 142 et D.58, fol. 13 ; Leonardo di Giovanni alias Buco en 1373 : ASPo, D.57, fol. 142v ; Gaspare di Maffeo et un facteur au nom mutilé en 1374 (ASPo, D.59, fol. 7 et 8) ; Andrea di Bartolomeo en 1383 (ASPo, D.180/1, fol. 29v) ; Tieri di Benci en 1391 (Tieri à Francesco di Marco, 18 août 1391, ASPo, D.625, 602351 et Tieri à Stoldo di Lorenzo, même date, D.625, 511530). À l’été et l’automne 1398, les dons de Priore di Lorenzo au maréchal de la cour Buffilo Brancaccio, au provincial des Augustins et au notaire florentin ser Martino di Giovanni Guiducci paraissent destinés à faciliter l’exécution testamentaire de son oncle Boninsegna (ASPo, D.82, fol. 12v, 28, 46v).
128 Le jeune Priore di Lorenzo doit se justifier de donner une besace avec filet (rangna e charnaiuolo) à Geri Ravignani mari de sa cousine (Priore di Lorenzo à Francesco di Marco, 24 mai 1394, ASPo, D.323, 1756). Nanni di Domenico di Cambio est accusé d’avoir trop dépensé à Avignon en babioles en partie destinées à ses parents : frasche per donare costà a serochie e parenti e per sé (ASPo, D.323, 2756).
129 Dise gli vollea per dare per Dio (ASPo, D.57, fol. 38).
130 ASPo, D.58, fol. 13v ; D.59, fol. 91v, 99v, pour des avances à Francesco per giucare ; avance de Stoldo di Lorenzo à un autre Toscan, Francesco di Marchiano da Carmignano sopra giuoco, ASPo, D.59, fol. 100v.
131 La protection correspond à « l’aspect essentiel » de l’« amitié échangiste » selon A. Testart, « Échange marchand… », art. cité, p. 731.
132 Sur l’orientation horizontale (entre compères), plus que verticale (de parrain à filleul) de la parenté spirituelle en Toscane vers cette période, voir C. Klapisch-Zuber, La maison et le nom. Stratégies et rituels dans l’Italie de la Renaissance, Paris, 1990, p. 123-133.
133 À la fin de 1373, Francesco ebe per i choltello […] ebe per donare a Stoldo di Lorenzo, ché ne avea donato uno a llui (ASPo, D.58, fol. 15v).
134 Par exemple, vers 1373-1374, ASPo, D.59, fol. 8, 60v-61, outre la n. 129.
135 Le thème de la bienfaisance de Francesco après son retour en Toscane a été abordé par J. P. Byrne, Francesco Datini, “Father of Many” : Piety, Charity and Patronage in Early Modern Tuscany, thèse de doctorat dactyl., Indiana University, 1989 ; les lettres échangées entre lui et divers religieux durant cette période sont à présent réunies dans S. Brambilla, “Padre mio dolce”. Lettere di religiosi a Francesco Datini, Rome, 2010, avec un récapitulatif des dons aux couvents et à leurs membres p. xxv-xxviii, xxxii-xxxiii, xxxix, xliv-xlvii.
136 J. Hayez, « Il migrante e il padrone. Il palazzo nella vita di Francesco Datini », dans J. Hayez, D. Toccafondi (dir.), Palazzo Datini a Prato. Una casa fatta per durare mille anni, Florence, 2012, t. 1, p. 168-207, en particulier p. 176-179, 182-186.
137 ASPo, D.56, fol. 16.
138 ASPo, D.65, fol. 85v.
139 A. Sapori, « La beneficenza delle compagnie mercantili del Trecento », réimpr. dans id., Studi di storia economica, secoli xiii-xiv-xv, Florence, 1955, t. 2, p. 848-858. Il faut noter qu’à cette même période, des dons destinés à se concilier des personnages essentiels dans le recouvrement d’avoirs pouvaient aussi être imputés au compte de la compagnie, tout comme un banquet offert à des chevaliers (A. Sapori, I libri di commercio dei Peruzzi, Milan, 1934, p. 177 et 179 pour le don au damoiseau d’un évêque de Spolète per servigi, et p. 181 pour le banquet offert dans la villa d’un Peruzzi au condottiere qui vend Arezzo aux Florentins).
140 I[l] detto maestro Arigho riteni i[n] chasa a dormire, chome dite per la lettera, e profe[r]si asai. I[l] detto maestro Arigho trovò qui gienti di suo paese ed e’ s’è ito i[n] suo paese, e qui sarae a l’aghosto ; e preghatomi gli ghuardi suoi lib[r]i e iscriture ve[n]ghono da Firenze i[n] una balla di veli (Tieri di Benci à Francesco di Marco, 27 mai 1408, ASPo, D.1104, 132915).
141 Aghabitto Milgliorini [épicier florentin] dee avere […] per ii libre di confetti, cio[è] pinochiatto e nociuolle confette e confeto realle di zuchero biancho, si prese per fare onore a uno gientille uomo menò Piero di Murlle a bere in chasa per s. x libra (16 décembre 1373, ASPo, D.58, fol. 94).
142 A uno taverniere per vino e per fruta per dare bere a i conestabolle (juin 1383, ASPo, D.180/7, fol. 181v).
143 Egli è qui il vostro maestro Naddino ed è volentieri visto tra questi signiori. È huomo da bene e vale ogni honore. A lui mi so’ asaisime volte proferto, ma per ancho no· gli aviamo mostrato la chasa vostra dalla bottegha in su. Farassi qualche dì di Quaresima agiumai (J. Hayez, « Un facteur siennois… », art. cité, p. 339 ; sur l’installation du médecin Naddino Bovattieri, voir id., « “Veramente io spero farci bene…” », art. cité, p. 436-449.
144 la fante […] siamo venuti a tanto ch’ella no[n] volle monna Dianora abi uno pane frescho, quando lo manda a chiedere. E piure ieri ne mandoe uno a chiedere. Mostra, sichondo mi disono chostoro, ch’ella chomi[n]cioe a dire : “Di pa· lo diavollo con questo pane !, ché no[n] si poe fare uno pocho di pane no[n] ci mandi a chiedere”. Di che mona Dianora lo sepe e rimandollo adeitro [= adietro] […] questo no[n] credo voglate si faci, che quando monna Dianora manda per uno pane, no· l’abi. No[n] vi sarà onore a sofertàllo » (Tieri di Benci à Francesco di Marco, 27 avril au 3 mai 1385, ASPo, D.427, 407267).
145 Par exemple sono istato istamane a uno corpo a fàgli onore : una figlolla d’Arighollo [Ventre armurier milanais d’Avignon] (Tieri di Benci à Francesco di Marco, 8 décembre 1397, ASPo, D.628, 110285). Les recettes de Notre-Dame-la-Majour énumèrent à côté des cotisations annuelles divers suppléments, dont l’onore, frais imposés pour célébrer la messe d’enterrement d’un parent, tandis que celle du confrère lui-même est offerte (ADV, Archives hospitalières d’Avignon, Majour E 4, fol. 162v, 170, 172, 190, 202v, 205, 318, etc.).
146 Nella bottea vostra el corpo suo fu posto orevolemente. Per lei non sare’ potuto tropo, ch’elle meritava ogni onore. A chasa vostra tutta la ciente [= gente] tutta raunata, tutti merchatanti e buoni uomino [sic] stati a fare onore al corpo suo (Nero di Vanni à Francesco di Marco, 18 mai 1388, ASPo, D.1098, 1403171).
147 Il reconnaît en juin 1397 devoir à la compagnie 50 florins courants pour frais de bouche (ASPo, D.1170, 1163) et sera encore mentionné parmi les débiteurs impénitents en 1404 (compagnie Datini d’Avignon à Francesco di Marco, 7 mai 1404, ASPo, D.631, 310669).
148 Volle per fare onore a una romea che chonoscie (juillet 1372, ASPo, D.56, fol. 13v).
149 Tieri di Benci à Francesco di Marco, 20 novembre 1395, ASPo, D.627, 602418.
150 Di poi, apreso iii settimane, venendoci ii parenti di Boni[n]segna, le figlolle di ser Lorenzo, la Nana le co[n]vitò a bere, e simille Boni[n]segna menole suso. Di che la Nana andoe suso per formagio per mettere loro ina[n]zi. Quando le done se ne funo andate, la servente vene giuso e dise alla Nana : “I· mal’ora ! Perché avete voi preso i[l] formagio di su[s]o ?” La Nana [n’ebe tanto] disp[i]aciere i[n] sé, vedendo[si] dire questo a una servente. Vedete ardimento, ché mai no[n] sarò chontento di lei quante n’à fatte, e Boni[n]segna lo sofera. Vedete chome la Nana à torto. Quando fumo a ciena, quando avemo cienato, io ucì fuori. Mostra la Nana diciese chon Boni[n]segna : “Vedete di questa nostra servente, ché ogi tolsi uno pocho di formagio per mettere ina[n]zi a quelle vostre parenti”, e ella vene a dire : “I· mal’ora ! Perché avete preso i[l] formagio ?” La vilania che dise alla Nana no[n] vi dicho, sanza dire una parola alla servente » (Tieri di Benci à Francesco di Marco, 18 au 22 octobre 1396, ASPo, D.627, 602430).
151 Le tanaglie e martello gli lasciamo in dono (ASPo, D.53, fol. 86v) ; il s’agit d’une sorte d’agrafe.
152 Basciano da Pescina e Franciescho di Marcho propi deono dare […] per una mesciroba d’otone mezana si donoe a la madre d’Andrea di Narducio e compagni per cagione di fustani che presono di loro ragione a dì xx di magio iscriti adietro, valea s. xviii pro[ven]zali, ché cosie vendemo l’altre avavamo (ASPo, D.39, fol. 121v).
153 ASPo, D.53, fol. 106 et 131.
154 ASPo, D.84, fol. 12.
155 ASPo, D.717, 520894.
156 Voir par exemple les lettres de Iacopo del Nero à la compagnie Datini de Pise, 18 février et 31 décembre 1389, ASPo, D.428, 502557 et D.427, 502567 ; de la compagnie Salvestro Mannini à la compagnie Datini de Barcelone, 24 septembre 1398, ASPo, D.904, 314579 ; de Niccolò Ramaglianti à la compagnie Datini de Barcelone, 28 juin 1399, ASPo, D.904, 114557.
157 ASPo, D.68, fol. 83v.
158 ASPo, D.68, fol. 43v, 55, 57, 112v, 115, 130-v, 138v, 140v, 144v, 148 (ces deux derniers de 10 et 7 florins) ; on ne rencontre en revanche qu’un prêt de 12 sous à un noble, de surcroît sur gage (ibid., fol. 72v).
159 Voir supra, n. 113, p. 460 ; J. Hayez, « S’observer, coopérer, se fréquenter ou rester avec les siens. Les interactions entre marchands florentins et pisans dans les correspondances Datini vers 1400 », Mélanges de l’École française de Rome, Moyen Âge, 2017/1, p. 88-89 et ici, n. 182, p. 475 ; id., « Il migrante e il padrone… », art. cité, p. 177.
160 Tieri di Benci à Francesco di Marco, 20 novembre 1395, ASPo, D.627, 602418.
161 Il s’agit d’un sellier qui achète le 22 novembre 1386 des mors et fibules ; abiànne di suo schudi i d’oro. Rendé tutto e riebbe lo schudo (ASPo, D.42, fol. 38).
162 Le bassinet est remis le 21 avril pour 6 florins clémentins (144 sous), le prix suggéré par Daniello est de 7 francs (210 sous) ; le 30 avril, le bassinet est intégré au stock de l’agence pour 8 florins 18 sous, ce qui correspond à ce prix (D.68, fol. 44).
163 F.-J. Arlinghaus, Zwischen Notiz und Bilanz…, op. cit., p. 264. Dans le cahier D.155 qui contient les trois inventaires de janvier 1386, 1387 et 1388, ces gages ne sont cependant pas énumérés.
164 Iacopo di ser Paghollo da Lucha de’ dare a dì 23 d’aghosto per i cotta d’aciaio a i/i bozza ebe i[n] prestanza ; la detta chotta abiamo da Stefano di Lione i[n] ghagio per danari prestati ; il en emprunte une seconde le même jour et les rend deux jours plus tard (ASPo, D.42, fol. 27).
165 Comme le bassinet de Piero Polci sergente d’arme del papa, restitué après 12 jours (ASPo, D.68, fol. 29), la houppelande du capitaine auvergnat Perrochon de Termes, restituée après treize jours (ibid., fol. 78), la ceinture d’argent de l’aubergiste milanais Lorenzo de’ Resti restituée après cinq jours (ibid., fol. 100) ou la tasse d’argent d’un écuyer de l’évêque d’Amiens Jean de Boissy, rendue après seulement deux jours (ibid., fol. 104). Sur la pratique du prêt sur gage, voir R. De Roover, Money, Banking and Credit in Mediaeval Bruges. Italian Merchant-Bankers Lombards and Money-Changers. A Study in the Origins of Banking, Cambridge (Mass.), 1948, p. 113-148, R. Bordone, « I pegni dei lombardi », dans M. Carboni, M. G. Muzzarelli (dir.), In pegno. Oggetti in transito tra valore d’uso e valore di scambio (secoli xiii-xx), Bologne, 2012, p. 45-69 ; R. Rinaldi, G. Albertani, « Amministrazione e traffico dei beni pignorati a Bologna e nel contado tra Duecento e Trecento », ibid., p. 71-114 ; F. Pigozzo, « La pratica del prestito su pegno e le istituzioni ecclesiastiche nel tardo medioevo », ibid., p. 115-131 ; P. Pinelli, « “Illegal” Pawns for “Immoral” Loans. Testing the Limits of the Monti di Pietà in Late Fifteenth-Century Tuscany », Renaissance and Reformation, 35, 2012, p. 11-22.
166 L’armurier Stefano di Lione laisse ainsi un bassinet en échange d’une avance de 5 florins, puis règle 2,5 florins, récupère le bassinet et laisse une paire de cuissards (ASPo, D.68, fol. 79v).
167 A. Testart, « Échange marchand… », art. cité, p. 725.
168 Per mia finanza mi bisogniò un chamaglio di bottegha, e fumi chonto quanto al più stranio d’Alvernia (J. Hayez, « Un facteur siennois… », art. cité, p. 356).
169 L. Frangioni, « Un cifrario contabile del Trecento », Nuova rivista storica, 71, 1987, p. 635-640, pour la période 1368-1369, mais on le rencontre dès le premier memoriale conservé, en 1363 (ASPo, D.51, par exemple aux fol. 6-8, 9v) et encore au moins de 1371 à 1383 (ASPo, D.55, fol. 81v et 147v, D.56, fol. 28v, 78, 81, D.57, fol. 30-v , 39, D.67, fol. 193v, D.39, fol. 1v, 83, 134, 140v, 166, 183v, D.68, fol. 8v, D.69, fol. 35v, D.180/6, fol. 42, 56v, D.180/1, fol. 132). Son usage pourrait constituer une protection contre la répression des pratiques usuraires, mise en œuvre en particulier par l’official d’Avignon Béranger d’Ampiac de 1366 à 1370 (voir J. Hayez, « Acteurs, compétences et procédures… », art. cité).
170 ASPo, D.68, fol. 7v, 11, 13, 16, 19, 34-v, 39v, 82, 94v, 97, 112v, 160v.
171 Voir aussi F.-J. Arlinghaus, Zwischen Notiz und Bilanz…, op. cit., p. 132, 388, 390-391.
172 J. Hayez, « Un facteur siennois… », p. 236.
173 Francesco Datini insiste sur la nécessité de tenir à distance de la boutique femmes et enfants : le donne e ‘ fanciulli sono di troppo ischoncio della chasa, et reproche en particulier à Tieri di Benci, une fois marié, de passer trop de temps avec sa famille : e’ sa tanto ghovernare due donne quanto una schuola di gramanticha [sic] (Francesco di Marco à Tommaso di ser Giovanni, 17 mai 1398, ASPo, D.1115, 9281376). Une boutique mal tenue et laissée à la liberté des jeunes employés est souvent comparée à une école dissipée (bottega di fanciulli, scuola di fanciulli) où les apprentis jouent de la musique et à des jeux de cartes (Tieri di Benci à Francesco di Marco, 18 avril 1385 et 4 février 1390, ASPo, D.427, 407266 et D.624, 110188 ; voir aussi la n. 91, p. 453). Iacopo del Nero se voit obligé de chasser son neveu Papi di Cristofano qui donnait à sa boutique d’épices l’allure d’un bordel (bordello, chiasso Malacucina, Borgheto Novo, les deux dernières expressions se réfèrent à des aires de prostitution, respectivement dans diverses villes d’Italie centrale et à Avignon ; Iacopo del Nero à Francesco di Marco, 30 mars 1389, ASPo, D.1095, 131599 ; Iacopo del Nero et Nero di Vanni à Francesco di Marco, 10 avril 1389 et à Monte d’Andrea, 11 avril 1389, ASPo, D.322, 1485 et D.350, 1504).
174 Sur l’intervention graphique du débiteur dans le livre du créancier, pratiquée dans d’autres contextes, voir B. S. Yamey, « Scientific Bookkeeping and the Rise of Capitalism », The Economic History Review, 2e s., 1, 1949, p. 103 ; R. De Roover, « The Development of Accounting… », art. cité, p. 166.
175 Meser Filipo di Belfortte camarlingho del cardinalle di Fitengni dee dare a dì xxxi di lulglio 1386 per queste chose diremo apreso, le quali cci fecie dare a meser Giache d’Orbona cavaliere, e detto ci s’obrighò per cartta roghata per ser Martino di Giovani da ogi a v setimane, cioè il cavaliere a petizione di sopradeto meser Filipo ; Philippe de Beaufort paie le même jour 4 florins 9 sous et remet deux tasses d’argent en gage pour les 15 florins encore dus, pour lesquelles Boninsegna lui remet une reconnaissance sous seing privé (iscrita) mais il paie encore 1 franc le même jour (ASPo, D.68, fol. 94v).
176 ASPo, D.54, fol. 297v ; D.62, fol. 51 ; D.62, fol. 45v et D.63, fol. 24v ; sur le dernier exemple, voir L. Frangioni, « Martino da Milano ‘fa i bacinetti in Avignone’ (1379) », Ricerche storiche, 14, 1984, p. 73-77.
177 ASPo, D.60, fol. 114v ; D.62, fol. 100v.
178 ASPo, D.53, fol. 158 ; D.58, fol. 43 ; D.62, fol. 84 ; D.62, fol. 88v ; D.63, fol. 8, 43v et 150v.
179 ASPo, D.54, fol. 175v pour un village du Lodévois ; D.62, fol. 12v, pour un homme du village de Pujaut.
180 ASPo, D.62, fol. 18v et D.63, fol. 122v.
181 Prêt de 400 florins de la Chambre concédé en 1375 par Francesco Datini à son facteur Stoldo di Lorenzo (ASPo, D.60, fol. 82v) ; quittance pour remboursement par Francesco d’un prêt de 500 florins de la Chambre de Bernardo di Filippo de’ Rossi avec l’emprunt et la quittance rédigés par différents notaires florentins d’Avignon (ASPo, D.62, fol. 97v) ; prêt de 150 francs par Francesco à Nofri del Ricco par acte notarié tandis que la garantie fournie par Nastagio di ser Tommaso pour Nofri est enregistrée par Nastagio sur son propre registre (ibid., fol. 100). Quand Francesco réclame a posteriori à Iacopo del Nero de lui envoyer une reconnaissance de dette pour une somme qu’il lui a avancée, Iacopo énumère des cas de prêts importants consentis sans autre écrit que l’enregistrement comptable : In verità, Piero Borsua [= Borsaio] me n’à servito di più di m sanza carta o scritta, e testé n’à avere da me m e non à né carta né scritta se no[n] solo i· libro mio. Udite d’Aghinolfo n’à servito Domenico pilicciaio di tremilla nov’anni sanza carta e sanza scritta. […] In verità, conpare, e’ ci à un giudeo che da prima mi prestò cc f. più di 9 mesi e mai cie n’ebbe un grosso né carta né scritta (Iacopo del Nero et Nero di Vanni à Monte d’Andrea, 22 janvier 1386, ASPo, D.348, 1499). On rencontre néanmoins aussi quelques actes dressés pour des sommes limitées, comme la reconnaissance de dette de Domenico detto Bernabò da Prato envers Francesco pour compte final qui n’est que de 6 florins de la reine (ASPo, D.62, fol. 98v).
182 Comme le prêt de 400 florins de la Chambre à Niccolaio di Bonaccorso en novembre 1382 (ASPo, D.1170, 1020).
183 ASPo, D.68, fol. 92v. Il peut aussi y avoir un échange croisé de scritte, comme avec Raymond d’Apcher seigneur de Calvisson, qui remet en gage de l’argenterie, pour un achat à crédit d’un montant de 81 francs : aviamo in ghagio x schodele d’ariento pesano marchi xv onc. v ¾ ; ànne i scrita di mano di Boninsegna di Mateo e noi n’aviamo i scritta di sua mano propia (ibid., fol. 130v). Sur l’usage habituel dès le xiiie siècle de remettre un écrit lors du dépôt d’un gage, Y. Jeanclos, « La sécurité par le gage selon la pratique juridique d’un chanoine aixois, au début du xve siècle », Mémoires de la Société pour l’histoire du droit et des institutions des anciens pays bourguignons, comtois et romands, 45, 1988, p. 253.
184 Y. Lemarchand, « Quelques singularités de la normalisation comptable sur la longue durée », dans Classer, dire, compter…, op. cit., p. 436.
185 R. De Roover, « The Development of Accounting… », art. cité, p. 120-121, et, spécialement à propos de l’agence Datini d’Avignon, F.-J. Arlinghaus, « “Io”, “noi” und “noi insieme”. Transpersonale Konzepte in den Verträgen einer italienischen Handelsgesellschaft des 14. Jahrhunderts », dans T. Scharff, T. Behrmann (dir.), Bene vivere in comunitate. Beiträge zum italienischen und deutschen Mittelalter. Hagen Keller zum 60. Geburtstag überreicht von seinen Schülerinnen und Schülern, Munster/New York, 1997, p. 131-153.
186 F. Weber, « Transactions marchandes… », art. cité, p. 87.
Auteur
Jérôme Hayez, chercheur au CNRS (LaMOP, UMR 8589), s’intéresse aux documents laissés par les marchands toscans de la fin du Moyen Âge, en particulier au sein de l’Archivio Datini de Prato, aux correspondances pratiques des xive-xvie siècles ainsi qu’aux carrières et réseaux des marchands actifs entre la Toscane et l’espace français vers 1400. Il a notamment codirigé les volumes Palazzo Datini a Prato. Una casa fatta per durare mille anni, Florence, Polistampa, 2012 et Il tesoro di un povero. Il Memoriale di Francesco Bentaccordi, fiorentino in Provenza (1400 ca), Rome, Viella, 2016.
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XLe Congrès de la SHMESP (Nice, 4-7 juin 2009)
Société des historiens médiévistes de l’Enseignement supérieur public (dir.)
2010
Une histoire provinciale
La Gaule narbonnaise de la fin du IIe siècle av. J.-C. au IIIe siècle ap. J.-C.
Michel Christol
2010