Colin, Thibault, Jean et les autres
Les auteurs multiples des comptes d’un couturier parisien du xve siècle
p. 353-376
Résumés
À partir de l’examen détaillé des papiers laissés par le couturier parisien Colin de Lormoye au xve siècle, cette étude se consacre aux « cédules » que des clients et propriétaires du couturier ont écrites et signées sur ces papiers. Elle montre qu’il s’agissait d’une forme à part entière de mémorisation des transactions ordinaires dans le Paris du Moyen Âge tardif et que les partenaires qui s’engageaient ainsi s’en servaient pour modifier leurs relations, usant à plein de la performativité de l’écriture.
From the detailed examination of papers left by the Parisian tailor Colin de Lormoye during the fifteenth century, this study dedicates itself to the “cedules” which customers and owners of the tailor wrote and signed on these papers. It shows that it was a full form of memorization of the ordinary transactions in Paris in the late Middle Ages and that the partners who so made a commitment used it to modify their relations, using to the full the performative power of writing.
Texte intégral
1Les « comptes de Colin de Lormoye » sont les seuls comptes d’un boutiquier parisien conservés avant 1500, les seuls vestiges de ces papiers marchands parisiens dont l’existence est attestée par des documents judiciaires ou testamentaires, mais qui ne sont pas parvenus jusqu’à aujourd’hui1. Ils documentent des transactions d’une grande banalité, celles qu’un couturier passait avec sa clientèle2.
2Colin Gourdin de Lormoye était installé comme couturier et tailleur de robes sur la rive gauche aux alentours de l’église Saint-Severin dans le deuxième quart du xve siècle. Il devint propriétaire censitaire de l’abbaye Saint-Germain-des-Prés en 1449, mais il était antérieurement locataire dans la censive de l’abbaye, dès 1439 à l’hôtel du Plat-d’Étain rue de la Vieille-Bouclerie, voire dès 1423 puisqu’il était alors locataire d’un dénommé Colin Garot, lui-même censitaire de l’abbaye3. Les « comptes » de ce couturier sont actuellement conservés à la Bibliothèque nationale de France, ils ont été découverts et édités au début du xxe siècle par un conservateur du Département des manuscrits, Camille Couderc. Ils subsistent sous la forme de fragments de 32 feuillets, en raison de leur remploi en reliure durant plus de quatre siècles, d’où il résulte d’inévitables lacunes dans la connaissance de sa clientèle et de son activité4. Datés de décembre 1420 à mars 14555, ils portent un ensemble de 191 notices6. Ces notices sont principalement des factures du couturier, des quittances de ses propriétaires et des reconnaissances de dettes de ses débiteurs, mais on y trouve aussi ce qu’il appelle ses « mémoires » de dépenses et de dettes ainsi que des « comptes » qu’il a passés avec certains de ses partenaires. La plupart sont écrites du point de vue de Colin de Lormoye, bien souvent à la première personne du singulier, la troisième personne du singulier désignant le partenaire des transactions enregistrées7. Mais Colin de Lormoye laisse certains de ses partenaires de transaction écrire eux-mêmes et signer un certain nombre de ces notices. C’est cette présence active de ses partenaires dans le « papier8 » du couturier que nous souhaitons étudier, notamment dans ses manifestations graphiques, tant elle tranche avec l’effacement des partenaires dans les autres formes d’écriture transactionnelle alors en usage généralement à Paris et spécifiquement dans la censive de Saint-Germain-des-Prés.
3Nous entendons par « écriture transactionnelle » le fait de mettre par écrit une transaction économique ou sociale et le résultat de cette opération, étant entendu que toute transaction ne donne pas lieu à une écriture transactionnelle, mais que la gamme des transactions donnant lieu à une écriture tend à s’accroître au bas Moyen Âge. Trois groupes d’écritures transactionnelles peuvent être distingués dans le Paris de la première moitié du xve siècle, en fonction du rôle qu’y jouent les partenaires des transactions.
4Premièrement, dans les actes parisiens – principalement émis à la prévôté et à l’officialité –, le discours est énoncé au nom du maître de la juridiction concernée et de ses notaires9. Pour reprendre la terminologie diplomatique, l’auteur et les rédacteurs et scribes s’y imposent devant le disposant et le bénéficiaire de l’acte, c’est-à-dire devant les partenaires de la transaction10. Le formulaire habituel des lettres des notaires du Châtelet dans la première moitié du xve siècle débute ainsi : « À tous ceulx qui ces presentes lettres verront. Philippe seigneur de Ternant et de la Mote de Choisy chevalier conseillier du roy nostre sire et garde de la prevosté de Paris salut. Savoir faisons que par devant Giles Hanage et Helie Prestic clercs notaires jurez du roy nostredit seigneur de par luy establis en son chastellet de Paris, furent presents en leurs personnes11… », les noms des partenaires de la transaction venant ensuite. Deuxièmement, les brevets, actes notariés dépourvus de force exécutoire, mais très répandus, adoptent une forme neutre, désignant chaque partenaire de la transaction à la troisième personne du singulier, tandis que la juridiction émettrice de l’acte est passée sous silence et que deux notaires le signent12. Troisièmement, les actes sous seing manuel, appelés « cédules » à Paris comme en d’autres lieux, les chartes sous sceau personnel ou institutionnel13 et les comptes14 et censiers15 seigneuriaux, sont le plus souvent tenus au nom et du point de vue d’un seul des partenaires des transactions16. L’auteur y apparaît donc aussi comme le disposant. Les registres d’ensaisinement17, liés à la perception de droits de mutation par les seigneurs et qui enregistrent les transactions sur les biens fonciers relevant de leurs domaines, appartiennent soit à la deuxième soit à la troisième catégorie : soit ils adoptent une forme neutre, soit ils sont rédigés du point de vue du seigneur censier qui procède à la dessaisine/saisine des partenaires18, gommant dans tous les cas largement les mentions relatives aux juridictions émettrices des chartes de transaction19.
5Au contraire, le papier de Colin de Lormoye juxtapose en un même ensemble documentaire les factures du couturier, les quittances de ses propriétaires successifs et les reconnaissances de dettes de ses obligés : plusieurs auteurs qui sont également les disposants des actes20. Pourtant, le papier de Lormoye diffère aussi d’un cartulaire qui conserve des actes de plusieurs auteurs intéressant une même personne21, une même famille22 ou un même établissement. Dans un cartulaire en effet, le cartulariste transcrit les chartes conservées dans un chartrier et en reproduit la structure complexe, mais ne peut qu’en mentionner les signes de validation – sceaux ou seings, sans pouvoir évidemment les apposer lui-même, même si, on le sait, certains pu les imiter dans des copies figurées. Lormoye procède autrement en laissant certains de ses partenaires écrire et signer des actes. Loin d’être réductible à l’épanchement d’un ego gestionnaire, ce papier permet donc la mémorisation sans exclusive des transactions d’un artisan et de ses partenaires, et plus encore que cela comme nous allons tenter de le montrer.
6L’enjeu d’une étude consacrée à cette pluralité des scribes du papier de Colin de Lormoye est donc moins d’évoquer un exemple supplémentaire d’un mode bien connu de production de l’écrit médiéval, à savoir sa production collective – l’auteur, le scribe et bien d’autres personnes participent à la composition du texte médiéval23 –, que de tenter de comprendre comment et pourquoi existent dans le Paris du xve siècle à côté des formes d’écriture transactionnelle impersonnelles – les actes émis par les juridictions24 – ou à l’inverse égocentrées – comme les actes regroupés en cartulaires –, des formes d’écriture transactionnelles « multipersonnelles », produites par plusieurs personnes, à savoir les cédules sur papiers marchands. À côté des collections de transactions conservées dans les chartriers, cartulaires, censiers et comptes seigneuriaux, cette étude invite à considérer l’existence, non anecdotique, d’une autre forme de mémorisation et de réalisation des transactions. De plus, elle permet d’aborder certains rôles dont l’écrit est investi par les partenaires des transactions, l’écrit apparaissant dans le cas étudié comme irréductible à son caractère instrumental.
Un papier, plusieurs auteurs
7La présence active d’autres voix dans le papier de Colin se traduit de trois manières : dans la matière textuelle, le « je » est employé par un autre que Colin ; dans la matière graphique, d’autres mains que celles du couturier transcrivent son activité ; enfin, d’autres signatures que la sienne sont apposées sur son papier. Ce sont là les trois types de marques qui façonnent la fonction auteur pour les partenaires du couturier25. Au total, 77 notices, soit 40 % de l’ensemble conservé, présentent l’une au moins de ces caractéristiques et sont donc assignables aux partenaires du couturier. Toutefois, la densité graphique de ces interventions des partenaires de Colin est bien moindre que cette proportion : 1 507 sur les 1 841 lignes clairement attribuables26, soit 81,8 % de la matière écrite, étant le fait d’une des mains écrivant pour Colin de Lormoye27, seules 18,2 % des lignes sont écrites par des partenaires. Pour l’essentiel, le papier est donc bien écrit par ou pour le couturier.
8Examinons de façon plus précise les modalités d’intervention des partenaires du couturier dans son papier. Le cas de figure le plus fréquent associe les trois modalités mentionnées : le partenaire écrit lui-même l’ensemble de la notice, s’exprime à la première personne et signe. C’est le cas dans 60 des 77 notices considérées. C’est ainsi que procède le plus souvent Colin Garot, le propriétaire de Colin de Lormoye qui a laissé 42 quittances. Un autre partenaire du couturier ne se contente pas d’associer ces trois types de marques, mais les multiplie : J. Du Chasteller signe deux fois la même notice pour amplifier une première écriture d’un complément28.
La signature
9Des trois modalités de l’affirmation auctoriale, c’est de fait le seing qui semble la plus nécessaire : il n’est absent qu’une seule fois des notices considérées29. Encore s’agit-il d’un cas particulier puisque la notice commence comme un « mémoire de besogne », c’est-à-dire une facture du couturier, sur cinq lignes, et s’achève comme un « compte » écrit sur trois lignes par le client, Denis Le Menier, pour solder leurs transactions. Celles-ci sont d’ailleurs spécifiques puisqu’aux travaux de confection de Colin ont répondu les services salariés de « conseil » juridique de Denis. Dans les dix autres cas où le seing n’apparaît pas sur les fragments conservés, c’est qu’il a disparu au cours des vicissitudes de l’histoire du manuscrit30. Mais il est dûment annoncé dans les fragments de notices subsistants dans trois de ces dix cas où il a disparu31. Un tel usage du seing comme marque nécessaire de l’affirmation auctoriale n’est nullement un fait général à cette époque et doit donc être souligné. Apparemment, la réussite des transactions du couturier impliquait pour ses partenaires de laisser dans son papier cette « empreinte de soi » et cette marque d’engagement que constitue, parmi d’autres, la signature32.
10Dans les deux tiers des cas (48 cas exactement), le seing apposé par le partenaire de Colin est appelé dans la notice par une formule d’annonce des signes de validation qui est le plus souvent la suivante : « tesmoing mon saing manuel sy mis ». La signature est ainsi pleinement assumée par le partenaire qui prend soin de l’annoncer. Des variantes rares de cette formule sont « tesmoing mon sain a ce mis a ce papier », « ensy syné » et « en temouing de ce je … aie signé son comte de ma main ». La graphie du mot « saing » varie beaucoup : on rencontre ainsi « sent », « sain », « sayne », « sayen », « seing », « signe », « sains », ainsi que le mot « cynet ». Celle du mot « tesmoing » présente également de nombreuses variantes : « themoen », « tesmoyn », « tesmoyng », « tesmoyen », « tesmoy », « tesmeyen », « temoing » et « temouing ». Cette diversité graphique traduit l’appropriation par les partenaires du couturier des formules diplomatiques en usage dans les chancelleries parisiennes, spécifiquement dans les chancelleries maniant usuellement le français, comme la chancellerie royale, l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés et celle du Châtelet. Dans cette dernière, au début du xve siècle, l’annonce du sceau de la prévôté est faite par le garde de la prévôté « à la relation » des notaires instrumentant : « en tesmoing de ce nous a la relation desdiz notaires avons mis le scel de la prevosté de Paris a ces lettres33… ». Les partenaires de Colin de Lormoye reprennent donc un formulaire éprouvé, appliqué à la même période par le prévôt de Paris, mais aussi par les religieux de Saint-Germain-des-Prés.
11De manière plus générale, le caractère systématique du seing transpose l’usage notarial parisien qui s’est définitivement ancré avec l’instauration en 1301 d’un numerus clausus de soixante notaires de la prévôté : depuis lors, aucune charte de transaction n’est censée être scellée par le Châtelet si elle n’est signée par un notaire, puis par deux notaires à partir de la fin du xive siècle, et les brevets du Châtelet qui se diffusent au cours du xive siècle, porteurs des seings notariaux, mais dépourvus du sceau du Châtelet à partir du début du xve siècle, revêtent une réelle authenticité34. L’adoption d’un modèle notarial35 par plusieurs des signataires (anthroponyme limité à l’initiale du nom personnel et au patronyme, paraphe en manière d’encadrement sur trois côtés36, soulignement37, boucles38, paraphe final et lettre n39), pour dessiner leur seing, confirme la force d’imposition des modèles scripturaux émanés des chancelleries parisiennes sur les écritures transactionnelles extérieures à celles-ci. Du modèle des notaires du Châtelet semble également découler le positionnement préférentiel de ces seings, à droite de la ligne d’écriture, et bien souvent, en dessous de la dernière ligne d’écriture de la notice40, qui tranche avec la mise en page des « mémoires de besogne » sous la forme de listes de travaux de confection dont les items sont alignés sur la gauche et les prix sur la droite de la page. Cette position singulière sur la page et la présence d’éléments de décor, même embryonnaires, dans le seing distinguent au premier coup d’œil les notices des partenaires de celles du couturier. Le seing peut donc avoir joué a posteriori un rôle signalétique pour les utilisateurs du papier.
La main
12Que la main soit presque indispensable à l’engagement se confirme par le fait que dans 73 cas, les notices considérées sont entièrement écrites par le partenaire du couturier, ou du moins par d’autres mains que celles du couturier41. Dans trois cas seulement, une des mains qui écrivent pour le couturier procède à l’écriture de toute la notice avant que le seing ne soit apposé par le partenaire42 ; dans un autre cas, une des mains qui écrivent pour le couturier procède à l’écriture d’une partie de la notice, laissant la plume pour quatre lignes à une main qui écrit pour un partenaire43. Ainsi, les partenaires du couturier écrivent-ils tout ou partie des notices dans 74 cas sur 77.
13Bien entendu nous n’avons nul moyen de vérifier que les partenaires nommés écrivent eux-mêmes, en l’absence d’autres traces écrites de leur part. Il nous est donc impossible de parler d’autographie44. En revanche, la distinction, réelle ou contrefaite, entre les mains du couturier et celles de ses partenaires se repère assez aisément. On pense pouvoir dénombrer au total 27 mains différentes dans ce papier, pour 22 personnes. En effet, trois mains paraissent écrire pour le couturier, deux pour Katherine Du Pré et deux pour Colin Garot. Katherine Du Pré est la cousine de Jehan de Rouvespières, un des propriétaires du couturier, elle passe à la place de celui-ci une quittance de loyer, qu’elle semble seulement signer et laisser un tiers écrire à sa place, ce qui expliquerait notamment la différence de graphie de son nom entre la notice « (Katherine Du Pré ») et le seing (« Kteline Du Pré45 »). Mais la main qui écrit la notice n’est pas non plus une des mains du couturier. On peut dire la même chose de quatre quittances référées à Colin Garot, mais dont le ductus et la graphie présentent des variantes avec les autres quittances du même homme46 : aucune mention ne vient signaler ce changement de main, le « je » est employé et le même seing est apposé, comme s’il avait laissé une autre main écrire avant de signer. À ces cinq cas on peut associer deux autres cas de délégation d’écriture. Ainsi Jehan de Rouvespières à nouveau fait-il intervenir un procureur, en l’occurrence un parent, Robert de Rouvespières, qui donne quittance du loyer au couturier47. Robert de Rouvespières écrit donc deux quittances et son seing est conservé sur l’une d’elles.
14Ces sept cas de délégation d’écriture, avoués ou non, suggèrent que l’autographie par les partenaires compte moins que l’allographie par rapport au couturier : tout doit se passer comme si le partenaire écrivait lui-même et, sauf exception, les mains des partenaires se distinguent assez clairement de celles du couturier. On serait tenté de mettre ce constat en relation avec la souplesse des règles qui président aux rapports notaires/scribes dans les chancelleries parisiennes. Ainsi l’obligation qui est faite aux notaires du Châtelet depuis 1317 de non seulement signer, mais de grossoyer eux-mêmes les lettres rédigées par leurs soins48, les différencie-t-elle des notaires de la chancellerie royale qui rédigent les minutes, les font grossoyer par des scriptores avant de signer les expéditions49. Encore les notaires du Châtelet semblent-ils laisser des clercs écrire les brevets qu’en revanche ils signent50. À nouveau, on peut rapprocher les pratiques transactionnelles de notre couturier avec certains modèles institutionnels parisiens.
15Les partenaires de Colin de Lormoye s’imposent donc de signer et, manifestement très souvent, d’écrire les transactions, dans une écriture différente de celle du couturier apposée sur son papier. Aussi, la fonction auteur est-elle liée à l’engagement de la main dans la rédaction de la transaction. L’important est qu’une main différente de celle du couturier s’empare de son papier pour manifester l’engagement de son partenaire et la volonté de ce partenaire d’établir un lien entre l’acte et lui-même. L’autographie, réelle ou contrefaite, est essentielle pour manifester l’engagement des partenaires du couturier dans ce papier, elle renforce la valeur des actes concernés51. Ce constat n’est sans doute pas étranger au fait que bien des rituels médiévaux d’engagement les plus importants impliquent une gestuelle de la main, qu’il s’agisse du serment ou de l’hommage. Ces pratiques d’écriture transactionnelle traduisent autre chose qu’un simple souci de mémorisation de ses transactions par le couturier : en prétendant écrire et signer eux-mêmes sur le papier de l’artisan, ses partenaires s’engagent personnellement. Relevons que de telles pratiques transactionnelles présupposent des compétences d’écriture relativement diffusées dans sa clientèle. Ce qui est étonnant, c’est en effet la capacité d’écrire quelques lignes (7 en valeur médiane) d’une vingtaine de partenaires du couturier (tabl. 1).
Tableau 1 — Écritures du couturier et de ses partenaires (en nombre de lignes)
Mains attribuées | Nombre de lignes écrites |
Beye Pierre | 10 |
Boucard Jehan | 20 |
Cardonel Jehan | 8 |
Dandin Jaquet | 12 |
De Bien G. | 1 |
De Temple Jo. | 1 |
Dreux Philippe de | 1 |
Du Chasteller J. | 6 |
scribe de Du Pré Katherine (cousine de Jehan de Rouvespières) | 6 |
Du Pré Katherine | 1 |
Dubois Guillaume | 3 |
Fion François | 3 |
Garot Colin (2 mains) | 181 |
Gogue Macé | 5 |
Le Menier Denis | 4 |
Lebeuf Thibault | 9 |
Lormoye Colin de (3 mains) | 1 507 |
Maintenon Jehan de | 3 |
Raoul Jehan | 9 |
Raoulin Jehan | 7 |
Rouvespieres Jehan de | 27 |
Rouvespieres Robert de (procureur de Jehan) | 9 |
Savin J. | 5 |
Wasset Gautier | 4 |
Total | 1841 |
Le sujet grammatical
16Au-delà des actions graphiques d’écriture et de signature, on peut parler d’une affirmation textuelle de la subjectivité du partenaire dans le livre de l’artisan. En effet, dans 66 des 72 notices pour lesquelles l’information est connue, le sujet grammatical de l’écriture transactionnelle est le partenaire du couturier. Dans un seul des 72 cas qui nous intéressent, le sujet grammatical de l’écriture transactionnelle est le couturier lui-même, qui est aussi celui qui écrit cette notice signée par Jo. de Temple52. Dans cinq cas, c’est une formulation impersonnelle qui a été choisie. La première notice considérée est un mémoire de besogne du couturier dans lequel est intercalé le seing du client Philippe de Dreux qui vient reconnaître, au terme de la facture, une dette de 40 s.p53. Les quatre autres notices en question sont de brèves quittances de Colin Garot qui suivent la formule « receu pour le terme… la somme54… ». Mais dans la plupart de ses nombreuses quittances, Colin Garot opte pour une formule à la première personne.
17De fait, la première personne apparaît le plus souvent en deux lieux du formulaire de la notice, au début et à la fin de celui-ci : quand le partenaire « confesse » une dette ou la réception d’un paiement – le pronom personnel au cas sujet est alors employé (« Je… confesse avoir… ») ; quand il annonce l’apposition du signe de validation en recourant au déterminant possessif (« tesmoing mon seing manuel cy mis »). On constate ainsi que l’expression de l’identité auctoriale est doublement prévue par la formule de la confession adoptée tant pour les quittances que pour les reconnaissances de dettes. Ponctuellement, elle trouve aussi d’autres occasions d’apparaître. Ainsi, l’expression de la première personne se niche-t-elle parfois dans un pronom personnel au cas régime (« Compte fait… entre ledit Colin de Lormoye dessus nommé et moy Savin55… »). Ailleurs, elle se trouve renforcée par l’emploi du cas régime en lieu et place du cas sujet (« Moy Gautier Wasset doy a Colin de Lormoie56… »). Au total, 21 des 67 partenaires du couturier interviennent ainsi activement dans son papier, en apposant leur seing, en écrivant ou faisant écrire une transaction en leur nom propre (tabl. 2).
Tableau 2 — Fonction-auteur et types de notices des partenaires de Colin de Lormoye
Nom | Ego | Signe | Écrit | Notices no | Type de notice |
Beye Pierre | 1 | 1 | 1 | 10 | Reconnaissance de dette |
Boucard Jehan | 5 | 5 | 5 | 95, 98, 103, 111, 112 | Comptes faits |
Cardonel Jehan | 1 | 1 | 1 | 114 | Compte fait |
Dandin Jaquet | 2 | 2 | 2 | 61, 65 | Reconnaissances de dettes |
Dreux Philippe de | 1 | 2 | 0,05a | 80, 126 | Mémoire de besogne Reconnaissance de dette |
Dubois Guillaume | 1 | 1 | 1 | 188 | Reconnaissance de dette |
Du Pré Katherine (cousine de Rouvespières Jehan de) | 1 | 1 | 1 | 90 | Quittance de loyer |
Du Chasteller J. | 1 | 1 | 1 | 85 | Reconnaissance de dette |
Fion François | 1 | 1 | 1 | 127 | Reconnaissance de dette |
Garot Colin | 34 | 43 | 43 | 1-7, 11-23, 39-46, 51-60, 62-63, 186-187 | Quittances de loyer |
Gogue Macé | 1 | 1 | 1 | 67 | Reconnaissance de dette |
Lebeuf Thilbault | 3 | 3 | 2 | 30, 47, 84 | Comptes faits, reconnaissance de dette |
Le Menier Denis | 1 | 0 | 0,16 | 71 | Mémoire de besogne |
Maintenon J. de | 1 | 1 | 1 | 70 | Reconnaissance de dette |
Raoul Jehan | 2 | 2 | 2 | 88-89 | Quittances de loyer |
Raoulin Jehan | 1 | 1 | 1 | 64 | Quittance |
Rouvespieres Jehan de | 5 | 5 | 5 | 91-93, 119-120 | Quittances de loyer, bail de maison |
Rouvespieres Robert de (proc.) | 2 | 2 | 2 | 117-118 | Quittances de loyer |
Savin J. | 1 | 1 | 1 | 79 | Compte fait |
Temple Jo. de | 0 | 1 | 0 | 81 | Mémoire de dette |
Wasset Gautier | 1 | 1 | 1 | 37 | Reconnaissance de dette |
Total | 66 | 76 | 71.21 | 77 notices | |
a. Le nombre de notices écrites par les différents partenaires du couturier n’est pas toujours entier, car il tient compte des lignes attribuables à Colin de Lormoye dans certaines notices d’écriture mixte. |
Prendre date, prendre place
18En scrutant ainsi les interventions actives des partenaires de Colin de Lormoye dans son papier, non seulement on mesure la place que celui-ci laisse à chacun d’eux, mais encore on perçoit que ce mode d’écriture transactionnelle exprime de manière très fine les rapports sociaux qu’ils tissent ensemble.
La date
19Un fait remarquable est que les 77 notices considérées sont le plus souvent datées : 59 d’entre elles le sont (76,6 %) et si l’on leur ajoute les quittances de loyer non datées mais indiquant l’échéance du loyer réglé ce chiffre est encore plus important (64 soit 83,1 %)57, tandis que, parmi les notices du couturier, 16 seulement portent des repères chronologiques (14 %). C’est que le formulaire de la confession, adopté par beaucoup de ces notices, s’achève par l’annonce du seing manuel qui s’accompagne de la date d’apposition de ce seing, là encore par une reprise en apparence simple des formules notariales d’annonce du scellement. Mais l’auteur signataire n’est pas dans la même position que le garde de la prévôté annonçant l’apposition d’un sceau venant clore une lettre. Il est, pour sa part, à la fois le disposant, le rédacteur, le scribe et le signataire. En reprenant la distinction faite par Béatrice Fraenkel entre sceau et signature, on considérera que le caractère formulaire de la présence de la date dans l’annonce du seing des partenaires de Colin renvoie au fait que l’apposition du seing marque l’instant daté de l’effectuation des actions de disposition, de rédaction et d’écriture, « l’instant de profération des paroles opératives58 » que sont la confession d’une dette et celle d’une quittance. De même, la forte présence de la date dans les « comptes faits » est liée au fait que ce type de notices établit la balance des transactions et la position de crédit/débit entre les partenaires « de tout le temps passé jusques aujourd’ui59 », date du compte fait. Autrement dit, la signature concrétise une étape de la relation établie entre les partenaires (tabl. 3).
Tableau 3 — Typologie et datation des notices des partenaires de Colin de Lormoye
Type de notice | Nombre de notices | Nombre de notices datées |
Bail de maison | 1 | 1 |
Compte fait | 9 | 7 |
Mémoire de besogne | 2 | 2 |
Mémoire de dette | 1 | 0 |
Quittance | 1 | 1 |
Quittance de loyer | 51 | 39 |
Reconnaissance de dette | 11 | 9 |
Indéterminable | 1 | 0 |
Total | 77 | 59 |
La présence visuelle des partenaires
20Les différents auteurs, leurs interactions avec le couturier et la qualité de leurs transactions se manifestent graphiquement dans le papier du couturier par d’autres moyens encore.
21Plusieurs des observations déjà faites suggèrent qu’il existe une véritable typologie formulaire de ces écritures transactionnelles d’apparence informelle et brouillonne. Cette typologie est en partie commune au couturier et à ses partenaires : reconnaissances de dettes et comptes faits se retrouvent de chaque côté. Toutefois, les quittances de loyers, reconnaissances de dettes et comptes faits prédominent parmi les notices des partenaires de Colin, à la différence des « mémoires de besogne », autrement dit des factures du couturier. Le fait que deux mémoires de besogne comportent des parties assignables à des partenaires du couturier montre que rien n’interdisait a priori de les présenter ainsi. Tous les clients quelque peu éduqués à l’écrit auraient pu intervenir de cette manière dans le papier du couturier. S’il n’en est rien et si les interventions des partenaires sont pour l’essentiel cantonnées à certains types et à certaines formules de notices, c’est que la typologie formulaire adoptée par le couturier et ses partenaires, de manière stable, répondait à certaines nécessités.
22Ainsi le seing signale-t-il nettement sur les feuillets que la notice considérée n’est pas une facture, puisque Colin de Lormoye ne signe jamais ses propres notices qui sont pour la plupart des « mémoires de besogne ». Il signale aussi que la notice considérée n’est pas de lui, puisqu’il ne signe pas non plus ses propres reconnaissances de dettes et les « comptes » qu’il établit avec certains de ses partenaires. Il est évident que Colin n’avait nul besoin de signer les écrits qu’il destinait à lui-même. Toutefois, on remarquera d’abord qu’on a conservé une facture d’un tailleur insérée dans un livre de comptes de l’abbaye de Saint-Denis et datable de la seconde moitié du xive siècle : quoique sur feuille volante et destinée au commandeur de l’abbaye, elle n’est pas non plus signée60. Surtout, il n’en demeure pas moins que les signatures semblent revêtir une fonction secondaire et être un moyen de repérage interne au papier du couturier, pour lui-même comme pour ses employés et pour ses partenaires.
23Un autre type de marqueur graphique que l’on peut évoquer est la cancellation, qui permettait d’annuler une notice ou une partie de notice en la barrant de traits de plume obliques ou verticaux, afin de signifier son obsolescence61. En effet, les cancellations distinguent également assez nettement les notices de Colin de celles de ses partenaires. Une minorité des notices des partenaires (15, soit moins d’un quart) porte une cancellation. Les proportions s’inversent pour les notices du couturier : 92 de ses 114 notices (plus des trois quarts) sont cancellées. C’est évidemment lié aux spécificités de la typologie des notices que les uns et les autres étaient amenés à écrire et aux usages de la cancellation dans les pièces comptables et les registres notariés, ces derniers n’existant toutefois pas à Paris avant les années 1530. Mais s’en trouve renforcée la distinction graphique, voire l’autonomie graphique, de certaines notices des partenaires : les quittances de loyer n’étaient pas, sauf exception, cancellées, ayant valeur perpétuelle ; elles constituaient donc un espace vierge des interventions du couturier, entièrement à la disposition de ses partenaires de transactions. Là encore, les deux exceptions présentes dans le manuscrit se révèlent instructives (tabl. 4). Ces deux quittances de loyer cancellées sont de la main de Jehan Raoul62 : faut-il y voir un usage singulier de cet homme qui, par ailleurs, peut se targuer d’une écriture experte et qui affiche un seing notarial, avec paraphe et « n » ? Cela a semble-t-il plutôt à voir avec une autre particularité de ces quittances : par la seconde, Jehan Raoul et Katherine Du Pré, vraisemblablement au nom de Jehan de Rouvespières, ont reçu chacun une petite fraction des échéances du loyer de la Saint-Rémi et de la Noël 1439 (17 s.p. au total) ; le solde en est réglé le 2 janvier suivant à Katherine Du Pré, qui reçoit alors en une fois au nom de Jehan de Rouvespières 162 s.p. soit le montant des deux échéances suivantes de Pâques et de la Saint-Jean 1440 (120 s.p.) et 42 s.p. pouvant correspondre au reliquat des loyers de l’année 1439. En ce cas, la cancellation des deux quittances signées par Jehan Raoul aurait pu être effectuée en janvier 1440 lors du versement du reliquat des loyers de l’année 1439, signifiant par là le remboursement des dettes du couturier : autrement dit, quoiqu’assez inattendue dans des quittances, la cancellation jouerait bien dans ces deux cas particuliers aussi son rôle habituel, ce qui signale une fois de plus la fine maîtrise par le couturier des codes graphiques. En dehors de ces deux exceptions, l’autonomie graphique de la quittance autographe signée traduit un mode d’être du partenaire sur le papier du couturier, un type de relation spécifique, différent des autres relations entretenues par ce dernier : nous y voyons une forme de révérence graphique manifestant la révérence sociale du locataire à son propriétaire.
Tableau 4 — La cancellation des notices des partenaires de Colin de Lormoye
Type de notice | Nombre de notices | Nombre de notices cancellées |
Bail de loyer | 1 | 0 |
Compte fait | 9 | 4 |
Mémoire de besogne | 2 | 2 |
Mémoire de dette | 1 | 0 |
Quittance | 1 | 0 |
Quittance de loyer | 51 | 2 |
Reconnaissance de dette | 11 | 7 |
Inconnu | 1 | 0 |
Total | 77 | 15 |
24Les cancellations utilisées sur les notices des partenaires de Colin ne se distinguent pas visuellement de celles utilisées dans ses propres notices : on relève parmi elles quatre formes principales (traits verticaux, traits obliques parallèles allant du coin d’orientation haut-gauche/bas-droit, deux traits obliques entrecroisés formant une croix, plusieurs traits obliques entrecroisés formant un treillis) et une cinquième forme apparaissant seulement deux fois sur deux très brefs mémoires de dettes du couturier (traits parallèles obliques d’orientation haut-droit/bas-gauche). Pour un même partenaire, plusieurs formes de cancellation peuvent être employées. Ces formes ne semblent pas non plus correspondre à des types de notices, des situations transactionnelles ou juridiques différentes, ce qui suggère une certaine improvisation, apparemment assez éloignée de l’uniformisation qui paraît caractériser les écritures marchandes italiennes du xive siècle63. Il est ainsi vraisemblable que les cancellations soient tracées par une des mains au service du couturier : la cancellation serait donc l’instrument graphique et le signe visuel simples de la réappropriation d’une portion de l’espace graphique par le couturier (tabl. 5).
Tableau 5 — Formes de cancellation dans les notices des partenaires du couturier
Nom | Forme de la cancellation | Type de notice | Notice no |
Boucard Jehan | HGBDa | Compte | 113 |
Boucard Jehan | HB | Compte | 114 |
Dandin Jaquet | HGBD | Reconnaissance de dette | 63 |
Dandin Jaquet | Croix | Reconnaissance de dette | 67 |
Dreux Philippe de | HGBD et croix | Mémoire de besogne | 82 |
Dreux Philippe de | Treillis | Reconnaissance de dette | 128 |
Du Chasteller J. | HB | Reconnaissance de dette | 87 |
Gogue Macé | Croix | Reconnaissance de dette | 69 |
Le Menier Denis | HGBD | Mémoire de besogne | 73 |
Maintenon J. de | HB | Reconnaissance de dette | 72 |
Raoul Jehan | Croix | Quittance de loyer | 90 |
Raoul Jehan | Croix | Quittance de loyer | 91 |
Savin J. | Croix | Compte | 81 |
Temple Jo. de | HGBD | Mémoire de dette | 83 |
Wasset Gautier | Croix | Reconnaissance de dette | 47 |
a. Dans le tableau, les lettres HGBD abrègent respectivement : haut, gauche, bas, droit. |
25Les pratiques de la cancellation, comme celles de l’allographie, sont ainsi riches d’une sociologie de l’écriture transactionnelle, que l’on peut prolonger en explorant les manières dont les partenaires du couturier se présentent ou sont présentés dans son papier. Le tableau suivant synthétise ces informations textuelles ainsi que les caractéristiques morphologiques de leurs signatures. Il permet de rapprocher les empreintes64 de soi, graphiques et textuelles, laissées par les partenaires de Colin dans son papier.
26Comme l’avait bien vu Camille Couderc en 1911, Colin de Lormoye est en rapport avec les maîtres des écoles de la rive gauche : quatre sont dans ce cas, auxquels il faut ajouter un prêtre et deux maîtres ès arts. Mais le couturier laisse également intervenir sur son papier deux écuyers et un autre aristocrate, Philippe de Dreux, dont on ignore le rang, mais qui a des pages à son service. Jehan de Rouvespières a pour parent Robert de Rouvespières, le prieur de l’abbaye de Royaumont, ce qui les situe aussi dans le milieu aristocratique. Viennent ensuite deux marchands, deux hommes de loi et un tavernier bourgeois de Paris. Des autres partenaires, nous ne savons pratiquement rien, même si certains peuvent être connus par d’autres documents. Or une première chose frappante est l’adoption d’un modèle général unique par tous ces partenaires : c’est le modèle du seing notarial qui est adopté par tous avec plus ou moins de complétude. Ainsi les marchands partenaires de notre couturier ne se distinguent-ils pas par un modèle marchand d’identification65. Détaillons un peu.
27Nous avons déjà signalé que tous les signataires adoptent la formule textuelle normale associant l’initiale du nom de baptême et le nom complet. Sur ces énoncés trop brefs, nous ne recourrons pas à une qualification de l’écriture (« experte » ou non, « cursive » ou non), dont nous ne sommes pas spécialiste. Nous nous bornerons à relever que les signatures présentent quatre types de variations graphiques ornementales : le soulignement qui est un procédé d’ostension du nom66, la présence d’une boucle ou celle d’un paraphe après le nom, la présence (ou non) d’une lettre « n », voire de plusieurs. Ce sont ces variations que nous avons fait figurer dans le tableau suivant67. Nous considérons chacune de ces signatures comme une mise en scène de soi du partenaire du couturier. C’est pourquoi nous les avons encadrées par les formules textuelles par lesquelles ces partenaires se présentent dans les notices et par celles auxquelles le couturier recourt pour les présenter dans d’autres notices (tableau 6).
28Les signatures les plus élaborées comportant soulignement, paraphe final et lettre « n », sont celles d’un maître de l’université, d’un dignitaire religieux, d’un procureur en Parlement et d’un drapier. Paraphe final et lettre « n » sont arborés par un maître ès arts, un prêtre et un seigneur, Philippe de Dreux68. Soulignement et paraphe final sont utilisés par un gradué de l’université, un tavernier et un marchand. Les deux écuyers et Jehan de Rouvespières partagent l’association du soulignement et d’une simple boucle finale. Deux personnes, dont l’unique femme signataire, Katherine Du Pré, n’ornent leur signature que d’un seul trait de soulignement. La signature apparaît ainsi comme un instrument qui permet d’exhiber une maîtrise graduée d’un code graphique élémentaire, initialement attesté parmi les notaires, pleinement maîtrisé par les clercs et les praticiens du droit, et très diffus dans la première moitié du xve siècle : un drapier, un tavernier, un marchand se hissent ainsi aux mêmes niveaux de maîtrise que les universitaires et religieux, tandis que de petits aristocrates et une femme réduisent la gamme de leurs emprunts au modèle du seing notarial. Enfin, la dernière remarque que suscite ce tableau est le caractère complémentaire, plus que redondant, de la signature par rapport aux formules textuelles d’auto-présentation ou de présentation de la personne. Certes, plusieurs appellations (« maistre », « monseigneur », « prieur », « drapier », « marchand »…) viennent achever le portrait des signataires les plus habiles, mais les signatures viennent dans d’autres cas compléter, plus que confirmer, ces appellations. Ainsi les deux écuyers ont-ils en commun un même modèle de signature assez fruste, manifestant ainsi une maîtrise très relative des codes graphiques en vigueur à Paris.
29L’étude minutieuse, tant textuelle que graphique, des notices imputables aux partenaires de Colin de Lormoye révèle ainsi un groupe de personnes, lié par leurs interactions avec le couturier, mais traversé de distinctions et de rapports hiérarchiques, tant avec le couturier qu’entre eux. Pour notre artisan et pour ses partenaires, l’écriture est bien plus qu’un simple acte de mémorisation de leurs transactions : elle engage la personne même dans la relation transactionnelle, elle démontre une maîtrise des codes graphiques et textuels en vigueur chez les notaires et dans les bureaux d’écriture de Paris, qui sont recomposés et agencés de façon originale dans des actes sous seing privé69, elle exhibe un statut social acquis ou prétendu, elle manifeste parfois des rapports de domination. L’écrit apparaît dans toutes ces transactions comme irréductible à son caractère instrumental. Le papier de l’artisan est en effet un espace graphique dynamique, que l’artisan accepte de partager avec certains de ses partenaires, même s’il se réserve la possibilité d’intervenir sur certaines de leurs écritures in fine par des cancellations. L’inscription des transactions sur le livre du couturier n’a pas seulement un rôle de mémorisation, elle modifie aussi leurs relations, la performativité de l’écriture les dotant d’une qualité nouvelle. Observer les manifestations tant visuelles que textuelles des transactions de cet artisan permet ainsi d’engager une ethnographie économique de ce qui se passe dans la boutique du couturier, mais aussi de ce qui se joue au-delà : l’inscription révèle aussi une part de ce qui l’insère dans la trame serrée des rapports culturels et sociaux qu’il entretient, consciemment ou non, avec ses clients, ses propriétaires et les institutions parisiennes.
Annexe
Documents
Notes de bas de page
1 Des livres de comptes de la filiale parisienne de la compagnie siennoise des Gallerani ont été également conservés, G. Bigwood et A. Grunzweig, Les livres des comptes des Gallerani, Bruxelles, 1961-1962, t. I, p. 123-209 ; R. Cella, La documentazione Gallerani-Fini nell’archivio di stati di Gent (1304-1309), Florence, Sismel Edizioni del Galluzzo, 2009, p. 338-355.
2 Beaucoup moins étudiés par les historiens que les comptes des marchands, des comptes d’artisans nombreux ont été conservés en Toscane : voir en dernier lieu, P. Pinelli, « Commercinati tuttofare : il mondo delle piccole botteghe a Prato fra XIV e XV secolo », dans Il commercio al minuto : domanda e offerta tra economia formale e informale secc. XIII-XVIII, Florence, Firenze University Press, 2015, p. 259-276.
3 Comme le montrent les comptes de l’abbaye, LL 1104, fol. xxiii (1427) ; LL 1106, fol. viv (1453, date à laquelle il vend sa maison). Colin Garot est sans doute ce « Colin Gariot, tavernier » en 1421 dans le quartier Michel Lemoyne, que Jean Favier propose d’assimiler au quartier Saint-André des Arts, J. Favier, Les contribuables parisiens à la fin de la Guerre de Cent ans. Les rôles d’impôt de 1421, 1423 et 1438, Genève, Droz, 1970, A 415.
4 Les « Comptes de Colin de Lormoye » occupent les feuillets 1 à 34 du manuscrit coté NAF 10621 de la BnF, mais leur examen détaillé suggère que les fragments foliotés au début du xxe siècle 5 et 6 d’une part, 18 et 32 d’autre part, proviennent des mêmes feuillets. Dans la suite de l’article, nous nous référons à la foliotation actuelle du manuscrit et entre crochets à la foliotation que nous proposons de lui substituer. Sur ce point, nous renvoyons à J. Claustre, Mémoires d’un artisan parisien du xve siècle, chap. 1 « Le manuscrit mutilé », mémoire HDR.
5 Et non entre 1423 et 1455, comme l’écrivait C. Couderc, « Les comptes d’un grand couturier parisien du xve siècle », Bulletin de la Société de l’histoire de Paris et de l’Île-de-France, 38, 1911, p. 118-192, ici p. 126.
6 C. Couderc, art. cité, n’en comptait que 184 dans son édition. Voir J. Claustre, Mémoires d’un artisan parisien du xve siècle, chap. 1 « Le manuscrit mutilé », mémoire HDR. Dans la suite de l’article, nous mentionnons les notices d’après la numérotation que nous proposons de leur donner.
7 Prenons par exemple le début de la notice 186 : « Memoire de la besongne que j’ay faite pour maistre Michel Des Aulnois. Premierement unne robe grise pour luy pour la fason vi s. Item pour maistre Gilles son frere unne robe pour la fason vi s… »
8 À quatre reprises, le couturier désigne ses feuillets comme « ce papier », au singulier, fol. 4 [3], 7 [6], 17 [16] et 25v [24v]. Nous adoptons cet usage dans la suite de l’article.
9 Sur la diplomatique des notaires du Châtelet, voir R.-H. Bautier, « L’authentification des actes privés dans la France médiévale. Notariat public et juridiction gracieuse », dans Notariado publico y documento privado, de los origines al siglo XIV. Actas del VII Congresso internacional de diplomatica, 1986, Valencia, Valence, 1989, t. II, p. 707-772, en particulier p. 755-761 (réimpr. Chartes, sceaux et chancelleries, 1990, t. I, p. 269-340) ; id., « Origine et diffusion du sceau de juridiction », dans Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 115e année, no 2, 1971, p. 304-321 (réimpr. Chartes, sceaux et chancelleries, 1990, t. I, p. 341-358). Plus récemment C. Bourlet, I. Bretthauer et J. Claustre, « Les mentions de chancellerie dans l’organisation de travail des notaires du Châtelet de Paris : formes et usages (xiiie-xve siècle) », dans O. Canteaut (dir.), Les mentions de chancellerie, à paraître, établit qu’après la décennie 1370, la plupart des actes émis par les notaires du Châtelet commencent par une formule d’émission au nom du prévôt et une formule de délégation « par devant » deux notaires de la prévôté.
10 O. Guyotjeannin, J. Pycke, B.-M. Tock, Diplomatique médiévale, Brepols, 1993, p. 25-26 ; B. Frankel, « L’auteur et ses signes », dans M. Zimmermann (dir.), Auctor et auctoritas. Invention et conformisme dans l’écriture médiévale. Actes du colloque de Saint-Quentin en Yvelines (14-16 juin 1999), Paris, École des chartes, 2001, p. 416 a relevé l’intérêt de la typologie des sept actants d’une charte qui y est proposée.
11 Par exemple dans AN, L801 no 19, 12 septembre 1436.
12 R-H. Bautier, « Les origines du brevet notarial à Paris : le brevet scellé du contre-sceau du Châtelet au xive siècle », Bibliothèque de l’École des chartes, 139, 1981, p. 55-75.
13 Comme, pour prendre un exemple proche de notre couturier, les chartes passées sous le sceau de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés et écrites par Bernard Miette (AN, L789 no4 [1419], L790 no 17 [1419], L820 no 1 [1438]), étudiées par Isabelle Bretthauer dans C. Bourlet, I. Bretthauer et J. Claustre, « Le marché de l’acte à Saint-Germain des Prés (1270-1450) », communication à la journée d’étude L’écrit à saint-Germain-des-Prés, organisée par O. Poncet et O. Guyotjeannin, 11 décembre 2012.
14 À Saint-Germain-des-Prés, les comptes conservés pour la première moitié du xve siècle sont ceux du pitancier de l’abbaye, voir AN, LL1105, 1106, 1107. À l’Hôtel-Dieu de Paris, les comptes conservés pour la première moitié du xve siècle sont émis soit par le maître soit par la prieure de l’établissement, Chr. Jehanno, « La série des comptes de l’Hôtel-Dieu de Paris à la fin du Moyen Âge : aspects codicologiques », Comptabilités, 2, 2011, http://comptabilites.revues.org/639, mis en ligne le 7 septembre 2011, consulté le 3 février 2016.
15 À Saint-Germain-des-Prés, le censier de la pitancerie conservé pour la seconde moitié du xive siècle emploie le « nous », AN, LL 1103. Sur les censiers parisiens, voir V. Weiss, Cens et rentes à Paris au Moyen Âge. Documents et méthodes de gestion domaniale, Paris, Champion, 2009.
16 Par exemple, à Saint-Germain-des-Prés, un livre de baux et contrats divers de l’abbaye pour la fin du xve siècle comporte un accord passé avec les Célestins de Paris rédigé à la première personne du pluriel désignant l’abbé et le couvent de Saint-Germain-des-Prés, AN, LL 1031, fol. 130-132.
17 Sur les registres d’ensaisinement, voir B. Bove, B. Descamps, S. Roux, avec la collaboration de Y.-H. Lemaresquier, « Sources foncières et marché immobilier à Paris (xiiie-xvie siècle) », Ménestrel, 2015, p. 8-9. http://www.menestrel.fr/IMG/pdf/sources_foncieres_b_bove.pdf.
18 Le registre d’ensaisinement de Saint-Germain-des-Prés pour le début du xve siècle, AN, LL1037, procède ainsi.
19 Pour Saint-Germain-des-Prés au xve siècle, on a ainsi conservé le registre S3005/3.
20 Aucun des fragments ne paraît provenir d’un papier isolé, distinct du « papier » du couturier ; à l’exception d’un (fol. 14, notices 113 et 114), tous les feuillets mêlent des notices de natures diverses ; le feuillet qui fait exception porte à son recto et à son verso deux fragments relatifs aux affaires entre le couturier et le maître d’école de son fils, J. Boucard, mais comme d’autres notices passées entre les deux hommes se trouvent dans la même position recto/verso sur le feuillet 15 [13] aux côtés de factures d’autres clients, rien ne permet d’affirmer que le feuillet 14 était isolé.
21 C. Bourlet et E. Lalou, « Guillaume d’Ercuis et son livre de raison », Paris et Île-de-France. Mémoires, 2014, p. 251-274.
22 P. Guyard, « La gestion de l’écrit dans une famille de serviteurs du roi : le cartulaire et le chartrier des Mignon (xive-xve siècle) », Bibliothèque de l’École des chartes, 157, 1999, p. 523-563 ; ead., « Actes de gestion et gestion des actes. L’usage de l’écrit dans la famille Mignon à travers son “cartulaire” (1314-1415) », Paris et Île-de-France. Mémoires, 63, 2012, p. 255-283.
23 Voir A. Petrucci, « Dalla minuta al manoscritto d’autore », dans Lo spazio letterario del Medioevo. 1. Il Medioevo latino, G. Cavallo, Cl. Leonardi, E. Menesto (dir.), vol. I. La produzione del testo, Rome, Salerno Editrice, 1992, p. 353-354.
24 Le fait que dans les actes authentiques émis par les juridictions à partir du xiiie siècle, l’auteur avéré de l’acte écrit tend à devenir impersonnel est relevé par B. Fraenkel, « L’auteur et ses signes », dans M. Zimmermann (dir.), Auctor et auctoritas, op. cit., p. 422.
25 M. Foucault, « Qu’est-ce qu’un auteur ? », Bulletin de la société française de philosophie, 63/3, 1969, p. 73-103. Pour Roger Chartier, Foucault y « posait la question des modalités d’assignation des discours à un nom propre », c’est-à-dire la « question de l’identité auctoriale ». Nous choisissons donc d’appeler fonction auteur « l’ensemble des éléments qui déterminent le processus de classement, désignation et assignation d’un texte », R. Chartier, « Table ronde conclusive », dans M. Zimmermann (dir.), Auctor et auctoritas, op. cit., p. 577.
26 Deux des 1 843 lignes que compte le manuscrit ne peuvent être attribuées, elles constituent les très fragmentaires notices 113 et 122.
27 Trois mains différentes écrivent au nom du couturier.
28 Notice 85, fol. 12v [11v] : « Du Chasteller confesse devoir a Colin d[it] Gordin la somme xviii s. par. pour une robe et chaperon et un prepoint par lui a moy fait laquele somme je lui promes a paier a sa bone voulenté tesmoyn mon saing manuel sy mis le ve jour d’avril l’an mill CCCC VII. J. Duchasteller. Item le xi jour de julet juliet pour la façon de une robe retorné v s. J. Duchasteller. »
29 Notice 71, fol. 10 [9] : « Memoyre de la besogne que j’é faite pour maystre Denis Le Menier. Premierement ugne coute singple de pars pour sa famme pour la fason vj s. Item un pourpoint de drap noir pour lui pour la fason viii s.p. et ung coullet et poygnes pour lui pour se ii s. Item lui ay baillé d’argant contant x s.p. Par compte fait audit Lormoye il est payé des parties dessusdites et aussy de i houpelande et i chapperon noyr qu’il m’a apportes huy viiie jour de juillet CCCC XXXVIII jusques a la reste de xvi d. que luy doy de reste et sy me tiens pour content des salaires que j’ay guagnes de avoir esté pour lui et de son conseil contre Gaillon Piet et sa fame. »
30 Les notices 39, fol. 5 [5] ; 40 et 41, fol. 6 [5] ; 56, fol. 8 [7] ; 63, fol. 8 [7] ; 84, fol. 12 [11] ; 93, fol. 13 [12] ; 117, fol. 16 [15] ; 186, fol. 31 [30] et 189, fol. 31v [30v] sont inachevées en raison des amputations subies par les feuillets concernés.
31 Notices 40, fol. 6v [5v] ; 61, fol. 8v [7v] et 186, fol. 31 [30].
32 La signature ne devient obligatoire pour valider les actes qu’en 1554, B. Fraenkel, « La signature : du signe à l’acte », Sociétés & représentations, 25/1, 2008, p. 13-23, www.cairn.info/revue-societes-et-representations-2008-1-page-13.htm. DOI: 10.3917/sr.025.0013. Elle ne se généralise en France qu’à partir de la fin du xvie siècle, V. Denis, « La signature, les papiers et le contrôle social », Hypothèses, 9/1, 2006, p. 315-328, ici p. 315, www.cairn.info/revue-hypotheses-2006-1-page-315.htm. Elle semble synonyme d’engagement de la responsabilité dans les documents marchands du xvie siècle, J. Bottin, « Signature, marque, souscription. Validation et identification des documents commerciaux (fin du Moyen Âge – première époque moderne) », Hypothèses, 9/1, 2006, p. 339-359, www.cairn.info/revue-hypotheses-2006-1-page-339.htm.
33 Exemple : L788, no 23, lettres au nom du prévôt Tanguy Du Châtel, datées du 6 juillet 1417, signées par les notaires Varenne et Hemonnet, prise d’une maison à cens par le maçon Jehan Dubrueil dans le bourg saint-Germain-des-Prés.
34 C. Bourlet, I. Bretthauer, J. Claustre, « Les mentions de chancellerie », art. cité.
35 Sur ce modèle, voir Cl. Jeay, « La naissance de la signature dans les cours royale et princières de France (xive-xve siècle) », dans M. Zimmermann (dir.), Auctor et auctoritas, op. cit., p. 461-462 ; id., « Les seings manuels des tabellions (Normandie, xiv-xve siècle). Signes personnels ou expression du pouvoir royal ? », dans M. Arnoux et O. Guyotjeannin (dir.), Tabellions et tabellionages de la France médiévale et moderne, Paris, École des chartes, 2011, p. 325-348 et id., Signature et pouvoir au Moyen Âge, Paris, École des chartes, 2015, p. 344-359.
36 Colin Garot, Jehan Raoulin, Jaquet Dandin, J. de Maintenon, J. Du Chasteller, J. de Rouvespieres, Katerine Du Pré.
37 Thibault Lebeuf, Jo. De Temple.
38 Macé Gogue, P. Dreux.
39 Gautier Wasset, Jehan Raoulin, Jaquet Dandin, J. Savin, P. Dreux, J. Raoul, J. Boucart.
40 À la chancellerie royale au contraire, la signature des notaires se place à gauche à partir du règne de Philippe de Valois, O. Morel, La grande chancellerie royale, op. cit., p. 157, cité par Cl. Jeay, Signature et pouvoir, op. cit., p. 335.
41 On peut distinguer 3 mains écrivant pour Colin de Lormoye. C. Vela i Aulesa, L’obrador d’un apotecari medieval segons el llibre de comptes de Francesc ses Canes (Barcelona, 1378-1381), Barcelone, IMF, 2003, distingue quatre mains ayant tenu les notices de l’épicier barcelonais Francesc ses Canes entre 1378 et 1381.
42 Notices 47, fol. 7 [6] ; 81, fol. 12 [11] et 126, fol. 17v [16v].
43 Notice 71, fol. 10 [9].
44 Sur l’autographie et les périls de son étude, voir B.-M. Tock, Scribes, souscripteurs et témoins dans les actes privés en France (viie-début du xiie siècle), Turnhout, Brepols, 2005, p. 309-367.
45 Notice 90, fol. 13 [12].
46 Notices 15, fol. 2 [2] ; 39, fol. 5 [5] ; 40 et 42, fol. 6 [5v].
47 Notices 117, fol. 16 [15] et 118, fol. 16v [15v].
48 Les notaires du Châtelet ont rappelé cette obligation en 1408, face au greffier criminel Pierre Le Guiant, au cours d’un procès au Parlement : X1A 4787, fol. 387v, édité dans G. Fagniez, « Fragment d’un répertoire de jurisprudence parisienne », Mémoires de la société de l’histoire de Paris et de l’Île-de-France, 17, 1890, no 95, p. 45-47. La lourdeur de l’obligation d’autographie expliquerait leur refus d’obéir aux ordres, répétés par le roi en 1425 et 1437, d’enregistrer leurs actes, voir C. Bourlet, J. Claustre, « Le marché de l’acte à Paris à la fin du Moyen Âge. Juridictions gracieuses, notaires et clientèles », dans M. Arnoux, O. Guyotjeannin (dir.), Tabellions et tabellionages de la France médiévale et moderne, Paris, École des chartes, 2011, p. 51-52.
49 Cl. Jeay, Signature et pouvoir, op. cit., p. 340 après O. Guyotjeannin, « L’écriture des actes à la chancellerie royale française (xive-xve siècle) », dans M.-C. Hubert, E. Poulle, M. H. Smith (dir.), Le statut du scripteur au Moyen Âge, Paris, École des chartes, 2000, p. 97-100.
50 R.-H. Bautier, « Les origines », art. cité, p. 60.
51 De même que pour B-M. Tock, Scribes, op. cit., p. 315, « l’autographie de la souscription renforce, d’une certaine manière, la valeur d’un acte », même si l’auteur montre que entre ixe et xiie siècle « l’autographie est fondamentalement facultative », p. 364.
52 Notice 81, fol. 12 [11] : « Memoire de ce que Johannes de Temple me doit c’est ascavoir xiii s. iii d. Jo. de Temple. »
53 Notice 80, fol. 12 [11].
54 Notices 6, fol. 1 [1] ; 16, fol. 2 [2] ; 41, fol. 6v [5v] ; 59, fol. 8 [7v].
55 Notice 79, fol. 11v [10v].
56 Notice 37, fol. 6 [5]. Sur cet usage du pronom personnel au cas régime en fonction de sujet, en particulier quand le sujet est opposé à un autre terme, voir Chr. Marchello-Nizia, La langue française aux xive et xve siècles, Paris, Nathan, 1997, p. 230-233.
57 L’absence de dates dans les autres notices étudiées est systématiquement liée aux lacunes du manuscrit, conséquence directe des dégradations qu’il a subies.
58 B. Fraenkel, « L’auteur et ses signes » art. cité, p. 423.
59 Notice 79 : « Compte fait le xxiie jour d’avril l’an mil IIIIc et XXXVI apres Pasques entre ledit Colin de Lormoye dessus nommé et moy Savin dessus nommé de tout le temps passé jusques aujourd’ui par lequel compte je suis demouré envers lui la somme de xxxvii s. p. Fait soubs mon seing manuel ledit jour. J. Savin… »
60 AN, LL1242, fol. 234-235.
61 Même fonction unique de la cancellation pour signifier la péremption dans les notices de l’épicier barcelonais Francesc ses Canes, C. Vela i Aulesa, L’obrador, op. cit., p. 36-37.
62 Notice 88 : « de laquelle somme je promectz faire tenir quicte ledit [] mon saing manuel cy mis le xvie jour de septembre. J. Raoul. » Notice 89 : « Item receu dudit Colin de Lormoye sur pour le terme de Nouel iiiiC XXXIX la somme de cinq solz par moy Jehan Raoul et pour la parpaie du terme Saint Remi par Katherine Du Pré la somme de douze solz parisis, fait ce mardi jour saint Thomas apres Noel. J. Raoul. »
63 Dans lesquelles le double trait oblique haut-droit/bas-gauche paraît prédominer, comme à l’agence Datini d’Avignon (je remercie Jérôme Hayez pour ses informations et suggestions à ce sujet), dans la compagnie Alberti, Due libri mastri degli Alberti. Una granda compagnia di Calimala 1348-1358, éd. par R. A. Goldthwaite, E. Settesoldi, M Spallanzani, Florence, Cassa di Risparmi di Firenze, 1995, t. I, p. XX, CXXII. Autour de 1300, deux types de cancellations apparaissent chez les Gallerani, R. Cella, La documentazione, op. cit., p. 339, et planches p. 401 et suiv. En l’absence de mention d’autre livre tenu par le couturier, les cancellations ne semblent pas pouvoir correspondre au transfert de certaines notices sur un autre support. Sur l’usage des cancellations dans les livres marchands de la compagnie Datini, voir Fr. J. Arlinghaus, Zwischen Notiz und Bilanz. Zur Eigendynamik des Schriftgebrauchs in der kaufmännischen Buchführung am Beispiel der Datini/diBerto-Handelgesellschaft in Avignon (1367-1373), Francfort, Peter Lang, 2000, p. 164-166.
64 Sur la signature comme empreinte, voir B. Fraenkel, La signature. Genèse d’un signe, Paris, Gallimard, 1992, p. 206-209.
65 R. C. Mueller, « Merchants and their Merchandise : Identity and Identification in Medieval Italy », dans Cl. Moatti, W. Kaiser (dir.), Gens de passage en Méditerranée de l’Antiquité à l’époque moderne. Procédures de contrôle et d’identification, Paris, Maisonneuve et Larose, 2007, p. 313-344 et surtout J. Hayez, « Un segno fra altri segni. Forme, significati e usi della marca mercantile verso il 1400 », dans E. Cecchi Aste, Di mio nome e segno. “Marche” di mercanti nel carteggio Datini (secc. XIV-XV), Prato, 2010, p. ix-xlvi.
66 B. Fraenkel, La signature, op. cit., p. 152-153.
67 Pour trois des partenaires, l’information sur la signature est nulle, soit que celle-ci soit absente (un cas), soit qu’elle soit fragmentaire (deux cas).
68 Sur les compétences d’écriture des nobles à cette période, voir E. Gonzalez, Un prince en son hôtel. Les serviteurs des ducs d’Orléans au xve siècle, Paris, Publications de la Sorbonne, 2004, p. 172 et n. 178.
69 L’unité de la culture graphique des marchands et des notaires italiens est montrée par I. Ceccherini, « Merchants and Notaries : Stylistic Movements in Italian Cursive Scripts », Manuscripta, 53/2, 2009, p. 239, Complementary Index, EBSCOhost, consulté le 23 mai 2017.
Auteur
Julie Claustre est maître de conférences en histoire du Moyen Âge à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, où elle a soutenu son habilitation à diriger des recherches sur Les mémoires d’un artisan du xve siècle. Elle a publié récemment La France à la fin du Moyen Âge (1180-1515) (Paris, Carré Hachette, 2015) et codirigé le volume Enfermements, III : Le genre enfermé. Hommes et femmes en milieux clos (xiiie-xxe siècle) (Paris, Publications de la Sorbonne, 2017).
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