Pacte conjugal et jeux de transactions en Aragon (xve-xvie siècle)
p. 231-251
Résumés
Les transactions entre époux abordées ici concernent les accords par lesquels les couples se séparent devant notaires ou se réconcilient. Les contrats notifient les nouvelles clauses rétablissant ou annulant les droits aux biens et au corps de l’autre et à quelles conditions. Les transactions marquent un rapport de force entre les époux au profit des maris, pour rétablir leur autorité (potestas) en cas de réconciliation, parfois au prix de la vie des femmes. En cas de séparation, les femmes doivent jurer d’être chastes. La transaction n’annule pas le lien de mariage et la peur de l’adultère féminin est très présente.
Transactions between spouses are about husband and wifes who want divorce from notaries or a reconciliation. The contracts notify the new clauses restoring or canceling the rights to the property and the body of the other and under what conditions. The transactions show a balance of power between husband and wife in favor of husbands, to reestablish their authority (potestas) in the event of reconciliation, sometimes at the cost of women’s lives. In case of separation, women must swear to be chaste. The transaction does not cancel the marriage bond and the fear of female adultery is very present.
Texte intégral
1Les relations transactionnelles entre époux abordées ici concernent les accords par lesquels les couples se séparent devant notaires ou se réconcilient et reprennent la vie commune. Notre échantillon se compose d’une quarantaine de documents1. En l’occurrence, l’action de transiger s’applique à l’existence et au traitement du pacte de conjugalité qui désigne la qualité des relations entre époux, définies par les devoirs et les obligations de chacun envers l’autre. Il ne faut pas confondre ce pacte avec les contrats de mariage où il est précisé ce que chacun apporte en dot, en douaire, le lieu où le couple vivra, etc. D’une certaine manière le pacte de conjugalité est le seul pacte jamais mis par écrit par des hommes et des femmes. Il ne s’agit pas de nier l’existence des écrits normatifs et littéraires définissant les obligations réciproques des conjoints dans le cadre du mariage. Mais ces dernières, tacitement admises par les contractants d’une union matrimoniale, ne font pas l’objet de mentions écrites particulières dans aucune sorte de contrats sauf, paradoxalement, dans les contrats de concubinage2. Si l’idéal de la bonne épouse ou du mari parfait est en effet un thème récurrent dans la littérature médiévale au bas Moyen Âge y compris en péninsule Ibérique, en revanche les principes de ces deux modèles ne sont évoqués dans les textes de la pratique judiciaire et notariale qu’ aux occasions où les époux sont en conflit3. Les clauses du pacte conjugal sont alors mises par écrit parce que les époux eux-mêmes les ont transgressées4. Elles sont énoncées dans des contrats pour être renouvelées (actes de réconciliation) ou annulées (actes de séparation) selon l’issue choisie.
2Notre objectif est d’analyser ici dans et sous quelles conditions des hommes et des femmes envisagent de reprendre ou de cesser leur cohabitation, en dépit du lien de mariage qui les unit. Le résultat conduit à la formulation d’un pacte qui renouvelle celui du mariage initialement contracté, ou qui en élabore un autre par la rédaction de clauses régulant les nouvelles conditions de vie des époux en cas de séparation. La première difficulté consiste à resituer ces actes dans un processus transactionnel sur la longue durée, depuis la date officielle de mariage (jamais indiquée) jusqu’au moment du conflit et de la séparation, ou du pardon si la réconciliation solde certaines de ces histoires. Le parcours litigieux est parfois évoqué rapidement, de manière très stéréotypée, ainsi que l’intervention des proches qui ont pu aider à négocier la paix ou la décision de se séparer. En revanche, dans les cas de séparations actées devant notaire, rien n’indique de façon certaine qu’une sentence ou un mandement émanant d’un tribunal d’officialité ne précède cette étape. Pourtant, il est bien stipulé dans la doctrine canonique que seul un juge ecclésiastique peut autoriser des séparations de corps, pour des motifs précis que, cependant, les officiaux peuvent aménager dans la pratique5. Mais rien n’autorise non plus à affirmer avec certitude que ces actes sont complètement déconnectés de toute procédure judiciaire6.
3En lisant les contrats de séparation ou de réconciliation conjugale conservés dans les archives notariales aragonaises, l’action de transiger y apparaît dans toute son ampleur. Les trois niveaux d’analyse de la transaction rappelés par Florence Weber s’y retrouvent aisément7. Ces transactions s’appuient sur un rapport d’échange mutuel de droits, d’obligations et de renoncements : sous forme de transfert instantané (cessation de la cohabitation et du devoir conjugal) ou réalisable à terme (renoncement au droit de veuvage). La circulation des objets (argents-biens) et l’élaboration ou l’annulation de prestations (devoir conjugal) encadrent ces transactions et régulent le maintien ou non du droit d’un conjoint sur l’autre, en sa personne (corps) et en ses biens. Enfin les relations personnelles sont au cœur du processus de l’échange, avant l’acte, au moment de sa rédaction et après, parce que la transaction conjugale est par essence une histoire de personnes, de corps et de circulation des biens patrimoniaux, sur un mode conflictuel ou apaisé. Elle modifie aussi les relations entre les partenaires impliqués, aussi bien à l’échelle des conjoints que du groupe (amis-parents) susceptible d’intervenir et d’en ressentir les effets, même si cet aspect-là n’est pas le mieux renseigné dans les sources consultées.
4Dans tous les cas de figure, le sort du couple donne lieu à des tractations qui débouchent sur la rédaction d’un ou plusieurs actes notariés, par lesquels les conjoints posent les bases d’une nouvelle vie qu’ils entendent mener ensemble ou séparément. L’exposé des réalités transactionnelles enregistrées devant notaire en Aragon aux xve-xvie siècles se déroulera en deux points, conformément aux deux configurations retenues : l’analyse des transactions réconciliatoires assorties d’une reprise de la vie commune (1) et l’organisation des séparations (2). Il conviendra autant que possible de faire attention au langage, aux rituels et aux dispositifs chargés de rendre la transaction socialement efficace, aux intervenants qui l’encadrent et aux composantes de la chaîne transactionnelle lorsque celle-ci est repérable.
Les réconciliations : transiger et pardonner
5Quand le maintien de la cohabitation est la solution choisie, la transaction conjugale n’est autre que la négociation d’un retour à la confiance, marqué par la réaffirmation du rapport d’autorité du mari au sein du couple et face au reste de la communauté. En effet, les tractations interviennent après que l’harmonie conjugale a été perturbée ou brisée par un incident dont on ne connaît pas toujours la nature. L’initiative de la démarche de paix est alors toujours présentée comme appartenant à celui qui pardonne, après l’intervention ou non de médiateurs. Ceux-là sont d’ailleurs régulièrement évoqués, mais jamais de façon détaillée ou seulement indirectement8.
6Les raisons de la discorde sont rarement identifiées, mais elles sont, la plupart du temps, imputées aux femmes lorsqu’un seul des membres du couple est incriminé. Johan Joquo pardonne à sa femme toutes les injures civiles et criminelles, mais sans spécifier lesquelles9. En revanche, d’autres sont plus précis. Jayme Sancet pardonne à sa femme d’être partie et d’avoir été l’amie et la concubine du vicaire de Castejon10. Il semble qu’elle soit revenue ou plutôt que le vicaire l’ait restituée au mari en lui versant en plus une compensation pécuniaire s’élevant à 21 florins et 600 sous. Les épouses ne sont pas souvent directement partie prenante dans la réalisation de l’acte même si sa ratification dépend parfois de leur seule attitude. Par exemple, lorsque Matheu de Casanueva fait enregistrer le pardon accordé à son épouse Teresa, il lui donne huit jours pour regagner le domicile conjugal11. Au-delà de ce délai, si elle n’est pas retournée auprès de lui, le pardon s’annule. C’est ce qui arrive parce que la muller no quiso tornar a su poder : elle n’a pas voulu revenir en son pouvoir, faisant échec à la proposition maritale. L’obéissance et la loyauté de corps de l’épouse font alors partie des valeurs négociées, en échange de la sécurité garantie par le mari, tandis que le sort des biens est envisagé avec ou sans modification du régime de possession et d’administration.
7Trois étapes génériques structurent cette catégorie de transactions de réconciliation, consignées en un seul texte ou plusieurs : le pardon ; le retour à la paix (asseurement12) si les époux se sont affrontés par voie de justice ou autrement (agressions physiques-détournement des biens) ; la redéfinition des nouvelles conditions de vie commune. La transcription des actes dans les registres notariaux suit rarement cet ordonnancement idéal. L’enregistrement de l’asseurement peut précéder celui du pardon. La modification du régime des biens peut être mise par écrit en premier avant que l’on comprenne, ensuite, par l’écriture du pardon ou de l’asseurement pourquoi une femme doit renoncer par exemple à ses droits légitimes, sur ses biens ou ceux acquis par le couple durant le mariage. Une hypothèse qui peut être avancée pour expliquer ces variations dans l’ordre d’écriture des étapes vers la réconciliation est qu’elles seraient affectées par le degré de tension et par le seuil de confiance retrouvé entre les époux, au moment de reformuler la cohabitation. Jayma de Bardaxi obtient le pardon de son mari, Pedro d’Aguilon, mais après avoir accepté qu’à sa mort tous ses biens propres, meubles et immeubles, reviennent à sa fille ; et si cette dernière venait à décéder sans enfant, les mêmes biens reviendraient alors au père, le mari de Jayma, à savoir Pedro d’Aguilon13. Le marché consiste à échanger la réconciliation contre une circulation des biens paraphernaux de l’épouse au profit d’une fille du couple. Le canal emprunté s’inscrit dans le respect du droit foral aragonais, mais la stratégie est habile parce que le mari s’arrange pour faire revenir vers lui et ses héritiers des biens a priori inaccessibles, si jamais leur fille meurt sans descendance. Dans ce cas de figure, l’acte de relexecion des biens réalisé par Jayma elle-même est enregistré avant celui du pardon. Celui-ci est accordé sous condition, avant de s’achever par la promesse du mari de ne pas maltraiter Jayma de Bardaxi en sa personne ou en ses biens, comme une manière de rétribuer la concession faite par l’épouse. Cet exemple traduit l’ambiguïté propre à ces transactions réconciliatoires où le pardon est central mais inscrit dans un rapport de force au profit de l’autorité des maris.
8Sans pardon, rien ne peut avoir lieu, ni la reprise de la vie commune ni, comme on le verra plus loin, la séparation du couple. Il importe de noter en quels termes il s’exprime. Au vocabulaire de la rémission, remeto et perdono, s’ajoutent les verbes absolver, soltar, quitar, defenescer qui renvoient à l’idée de liquidation (diffinimiento) de la querelle comme on solde un compte, une dette14. Les termes diffinimiento, d’absolucion ou de quitamiento servent à énoncer l’acte de pardonner en signifiant la fin des offenses et l’extinction des contraintes ; ici la cessation des hostilités telles que les offensives judiciaires en cours. En général ce registre lexical, issu des chartes liées aux activités de crédit ou d’achats-ventes, s’applique dans les sources notariales aragonaises aux contrats dont l’objet, la dette et son paiement, a donné lieu à des procédures avant exécution15. On ne peut que noter l’absence du vocabulaire de la réconciliation en soi, à une exception près puisque le verbe « réconcilier » est employé par Pedro Ortiz le 1er septembre 1471. Un peu comme l’Église avec l’hérétique, il réconcilie (reconciliet) sa femme Bertolomeva Alcaniz qui avait quitté le domicile conjugal ; et il la reçoit en sa maison comme au premier jour, la reprenant en mariage afin qu’elle n’endure aucune ignominie ni infamie16. La volonté d’effacer les effets de la transgression est clairement exprimée, le pardon visant à restaurer l’intégrité du lien et du couple comme si rien ne s’était passé. Pedro s’engage à ne faire aucun reproche par la suite à sa femme, à n’altérer aucun de ses droits en tant qu’épouse légitime et à ne la dépouiller d’aucun de ses biens en guise de compensation. Un constat s’impose au fil des actes : le pardon qui ouvre des transactions conjugales est un acte exclusivement masculin, qui circule toujours du mari vers l’épouse même lorsqu’elle n’est pas en faute17. Le champ d’action du pardon dépasse largement la seule sphère conjugale. Sa place dans les processus transactionnels concernant la paix des ménages mériterait une étude à part entière, la miséricorde des maris restant à mesurer à l’aune de celle des juges et des princes.
9L’action de pardonner, perdonamiento, est parfois suivie d’une déclaration de retour à la paix qui met fin à toutes les actions d’affrontement, judiciaires ou personnelles. Il s’agit de l’asseurement, Le 13 avril 1441, Sancho Romeo pardonne à sa femme et fait table rase de tous les délits, fautes et crimes qu’elle a commis contre lui. Ensuite, la démarche se déroule en deux temps. Il s’engage à garantir sa sécurité, à ne pas agir en justice contre elle et tient pour nulles les procédures existantes. Puis il jure de ne pas lui porter préjudice, à condition qu’elle lui demeure loyale18. En échange, Paschuala Sag promet d’avoir un comportement honnête, honorable et loyal, et de ne pas agir mal contre lui, ouvertement ou en cachette19. L’asseurement peut être fondu dans le préambule de l’acte de pardon ou être établi sous la forme d’un instrument autonome sans que l’on puisse à ce jour deviner les raisons de ces variations. Il peut aussi s’insérer parmi les étapes qui scandent le processus de réconciliation. Ainsi le 29 octobre 1447, Pedro d’Ayera met fin à toute action en justice contre sa femme, par un acte dit de diffinimiento, passé devant témoins ; il fait procéder ensuite à l’asseurement dans lequel il s’engage à ne pas maltraiter Maria d’Albarracin tout en se réservant le droit de lui administrer la correction maritale. En revanche, il garantit généreusement le respect de sa promesse sur tous ses biens et en particulier sur trois d’entre eux : deux vignes et des maisons dans le village20. Le non-respect de l’engagement du mari sera sanctionné par la perte de ces biens. Mais cet échange rappelle étrangement une autre catégorie d’acte, la firma de dote. Elle constitue, encore au xve siècle, une sorte de caution servant à garantir à une épouse qu’elle récupérera un minimum du montant de sa dot en cas de dissolution du mariage, généralement au décès du mari21. L’obligation des trois biens dans la tradition juridique aragonaise servait à garantir une restitution de la dot des femmes de la petite et moyenne noblesse (infanzonas) au xive siècle, avant d’être remplacée par le versement d’une somme d’argent au xve siècle. Cet acte est de type unilatéral parce que seul le mari s’engage. L’asseurement n’aurait-il pas dans ce cas présent un rôle d’assurance dotale déguisée et à moindre coût pour le mari, en cas de futur conflit et de séparation ? En effet, Pedro n’aurait alors à verser que les gages prévus et non la totalité de la dot ou la stricte moitié des biens communs.
10Le pardon, avec ou sans asseurement, est généralement assorti de conditions qui régulent en droit les nouvelles relations conjugales. Ainsi, Marta Ferrandez d’Anyon, épouse de Pedro Lopez d’Aver, a vraisemblablement eu une liaison extraconjugale avec un dénommé Eximeno Bearnes. Son mari lui pardonne les erreurs commises contre lui. Le crime n’est pas nommé, mais on voit mal pour quelle autre raison le notaire Juan de Peramon aurait reçu les trois protagonistes et enregistré trois actes successifs ? On lit d’abord la charte de pardon intégrant une trêve de 101 ans accordée par Pedro au profit de sa femme, puis la réponse de Marta qui renonce à tous ses droits sur les biens acquis par le couple depuis qu’ils sont mariés et sur les biens meubles que le mari possédait avant leur union. Ce renoncement semble être le prix de la réconciliation22. Enfin, un deuxième asseurement est rédigé sous la forme d’une charte de paix de 101 ans avec ledit Eximeno, sans doute l’amant de Marta. Les trois étapes font l’objet d’une rédaction successive mais distincte, sur deux folios, et en présence des deux mêmes témoins à chaque fois. Le panel des exigences du pardon est large, de la condition immédiate sine qua non, presque punitive, à la condition différée. Après avoir pardonné à sa femme, Miguela de Villacanpa, Johan Joquo jure de lui fournir le nécessaire au quotidien et de la maintenir dans ses droits à l’égard du patrimoine conjugal. Il promet de ne pas soustraire frauduleusement le moindre des biens (communs) auquel elle a droit en tant qu’épouse légitime de son vivant23. Dans cet acte, l’engagement des époux est retranscrit sous la forme d’un dialogue à la première personne du singulier, ce qui lui donne une coloration particulière. Miguela promet d’être loyale de jour comme de nuit. Elle accepte que Johan puisse agir contre elle le cas échéant puis elle jure de ne réaliser à l’avenir aucune donation, ni vente ni autre aliénation de ses biens à elle24. On comprend alors que la dispute originelle réside sans doute dans le fait qu’elle avait disposé de son patrimoine, sans le consentement de son mari et peut-être au profit de gens autres que les ayants droit légitimes. Cela constitue une transgression grave du rapport entre époux à propos de la gestion des biens du ménage, quand bien même il s’agirait des biens propres de la femme.
11Quoi qu’il en soit, ce processus transactionnel de réparation du couple marque aussi le rétablissement de la position d’autorité du mari. Le schéma le plus complet est le suivant : le mari jure de bien traiter sa conjointe, mais se réserve le droit d’administrer la correction maritale, tandis que l’épouse exprime son consentement à la réconciliation et à la nouvelle attitude qu’elle promet d’adopter, en termes de soumission et d’obéissance. La cohabitation est régénérée en altérant les droits de l’une des parties (la femme), en compensation du préjudice subi par celui qui semble être le maître de la réconciliation (l’homme), comme on l’a vu dans le cas de Jayma de Bardaxi. Une sorte de justice domestique prend le relais de la justice publique au cœur des transactions conjugales passées devant notaire.
12Le retour à la paix n’est donc pas synonyme d’une relation contractuelle neuve et équitable ; et tant s’en faut pour que les choses soient moins sévères ou plus faciles à vivre par exemple pour les femmes, dans les cas où elles se séparent de leur mari. Là aussi, bien qu’en apparence de nature amiable, certaines séparations sont radicalement répressives tandis que d’autres offrent une intéressante marge de manœuvre aux deux parties.
Les accords de séparation : des transactions illégales ?
13N’ont été retenus pour ce point que les cas où il est certain que les époux envisagent de ne plus vivre ensemble, qu’ils soient déjà physiquement séparés ou non au moment de faire enregistrer leur décision par le notaire. Pourquoi les couples se séparent-ils ? Les motifs sont signalés sans donner lieu à une description détaillée. Ils relèvent en général de l’incompatibilité d’humeur, de la violence maritale et de la peur de mourir de la main de l’autre. Lorsque la notion d’injure est employée, cela suggère ou désigne généralement le crime d’adultère commis par l’épouse. De fait, on retrouve la liste des griefs traditionnels qui nourrissent les requêtes en divorce déposées par les procureurs à l’officialité de Saragosse25. Johan Montanyes et sa femme vivent dans un tel climat de zizanie, à cause des agissements de « mauvaises personnes », et dans tel un rapport de haine au point de craindre pour leur vie, qu’ils décident de se séparer et expliquent qu’il n’y a pas d’autre issue possible26. On peut soupçonner une formulation stéréotypée, soucieuse d’exprimer un certain seuil de disharmonie conjugale, comme le font les procureurs au tribunal ecclésiastique de Saragosse27. Or Johan est lui-même notaire : est-il dans la simple imitation de langage, s’inspire-t-il d’une expérience personnelle de procureur, ou espère-t-il atténuer le défaut de légalité d’une démarche faite devant notaire sans passer par l’official ?
14L’impact des stéréotypes est important surtout en regard du type de séparation généralement négocié. Les textes consultés permettent de travailler sur des situations qui correspondraient en droit canonique à des séparations de corps (quoad thorum et mensam). Mais justement, le caractère légal des situations abordées ici est incertain parce qu’il est difficile de déterminer si les couples bénéficient d’une autorisation préalable de divorce accordée par un juge ecclésiastique. Seul un texte daté du 7 février 1488, portant en marge la mention diffinimiento, fait référence à un divorce, une séparation a toro et mensam tantum obtenue par Diego de Gamarra, aveugle et mendiant, et sa femme Magdalena Garcey auprès du vicaire général, sans qu’on en sache plus28. Les autres couples ne signalent jamais être en la possession d’une décision judiciaire qui rendrait leur séparation parfaitement légale. D’ailleurs, la qualité même des unions, mariage consacré ou promesse de mariage, est souvent omise et, lorsqu’elle est précisée, cela ne semble pas affecter différemment la suite des arrangements. On ne peut pas non plus affirmer que les actes retenus ici sont déconnectés de toute procédure judiciaire parce que l’annulation (absolutio ou relaxatio) de cette catégorie d’affrontements est régulièrement évoquée dans chacun des textes étudiés. Est-ce que ces actes notariés de séparations de corps précèdent le jugement qui serait ratifié ensuite, comme le constatent en partie Monique Vleeschouwers-Van Melkebeek et Emmanuel Falzone au sein des registres d’officialités et des registres de sentences de Cambrai, Bruxelles et Tournai entre le xive et le xvie siècle ? Dans cette perspective, l’acte notarié s’occuperait surtout de la partie liée à l’administration des biens du couple29. La récolte des données ne permet pas à ce jour pour l’Aragon des xve-xvie siècles d’établir une articulation similaire entre justice ecclésiastique et notaires publics. Le 4 novembre 1472, Pedro Longares et Toda Rosiello représentée par Lazaro Bonifant demandent au lieutenant du juge de Jaca, en présence de qui ils accordent leur séparation, de bien vouloir ratifier par décret cette décision. La démarche suppose l’insertion de l’acte dans une chaîne documentaire dont les composantes ne sont pas toujours conservées ou retrouvées à ce jour. Mais la requête du couple conduit à s’interroger sur la compétence des magistrats séculiers en matière de séparation conjugale et que l’on peut rapprocher des actions du Magistrat à Anvers30. Elle suggère l’interférence d’un juge séculier sans qu’on sache s’il agit en concurrence ou en collaboration avec le juge ecclésiastique, et sans qu’on puisse cibler précisément les temps de l’interaction entre les transactions conjugales et la ou les actions judiciaires qui précéderaient, accompagneraient ou ratifieraient le travail des notaires. Toutefois, les séparations dites libres (ou self divorce) sont bien une réalité conjugale du Moyen Âge, les couples étant parfois rattrapés par la justice après, ou y recourant d’eux-mêmes dans un second temps31. En péninsule Ibérique, les séparations libres enregistrées par les notaires publics, y compris d’ailleurs par ceux rattachés aux tribunaux diocésains, sont une réalité suffisamment tangible pour que la législation synodale ibérique tente régulièrement de les condamner32. Le notaire est un véritable concurrent des officiaux et cela pose la question de son rôle comme encadrant de ce type de transaction. Il est celui qui sait comment formuler les clauses sans que l’on puisse pour autant décréter qu’il se situe sciemment en transgression du droit matrimonial ecclésiastique.
15D’un point de vue terminologique, les chartes de séparation sont à ranger dans la catégorie des cartas de particion, assorties ou non d’un diffinimiento si des procès sont en cours et que les époux décident d’y renoncer. Le terme particion (partage-division) induit le cheminement inverse de celui qui conduit au mariage et consiste, en l’occurrence, à redevenir deux après avoir été uni en une seule chair, comme l’exprime la formule « en uno » pour désigner en Aragon l’état de mariage33. Le terme concordia sert à exprimer le caractère amiable de la transaction sans trahir l’objet du contrat. Parfois des termes désignant l’acte sont inscrits sous forme de mentions marginales ou font office de titres et varient d’un document à l’autre : carta de particion, diffinicion y segura, separacion coniugal a toro e mensa. La formule carta publica de divorcio de marido est exceptionnelle, mais le texte où elle apparaît l’est aussi. La transaction passée le 4 novembre 1472 entre les deux partenaires y est décrite en une phrase énumérative établissant la liste complète de toutes les étapes susceptibles de composer le processus de divorce et ses résultats : « […] separacion, particion, division, absolucion, relaxacion, transaccion, composicion […]34 ». Tout y est, l’idée de séparation des corps (separacion-particion) comme celle de partage des biens (division), avec cessation des hostilités (absolucion) et manœuvres patrimoniales (relaxacion) au sein d’une négociation (transaccion) aboutissant à l’accord final (composicion). Le degré de tension qui oppose les époux et leurs familles respectives justifie certainement l’exhaustivité lexicale déployée ici. En effet, si l’on en croit le texte, Pedro Longares et Toda Rosiello ont atteint un seuil élevé de crispation et de violence dans leurs rapports, malgré l’intervention de parents et d’amis ; au point que la charte est établie entre le mari et un procureur représentant de Toda dont on sait qu’elle n’habite déjà plus avec Pedro. Or ce cas de représentation de l’épouse reste isolé parmi les contrats similaires lus à ce jour. Cela explique peut-être l’absence exceptionnelle du terme concordia dans la liste des termes qualifiant le processus transactionnel, absence qui fait écho à celle, physique, de Toda.
16Parfois, le notaire procède à l’enregistrement de la seule décision de se séparer, sous la forme d’un échange dialogué et argumenté rapporté à la première personne du singulier. Un très bel exemple est celui de Pedro de Monçon et Gracia d’Urrea. Gracia ne veut plus continuer à vivre avec Pedro à cause de « la mauvaise vie qu’il lui fait35 ». Il ne semble pas être d’accord avec sa vision des faits. À la fin de l’acte, Pedro demande que soit dressée une charte de l’accord de divorce, à sa décharge et en témoignage de vérité (en escargo suyo e en testimono de verdad), comme pour renforcer l’idée qu’il n’est pas l’auteur de cette décision et qu’il n’a fait que se conformer au choix de Gracia36. On a pu observer que les volontés sont exprimées au style direct, à la première personne du singulier, lorsque l’accord conclu n’est pas le fruit d’un consensus parfait si l’on considère, comme ici, que c’est l’épouse qui ne veut plus vivre avec son mari. Moins l’acte est consensuel, plus les textes semblent exprimer son élaboration au style direct comme si cela permettait de mieux restituer les divergences entre les parties, en dépit du fait qu’elles acceptent la même issue.
17Une fois décidée, la séparation donne lieu à la rédaction d’un acte qui fixe les règles du nouveau jeu désormais « extra-conjugal ». Le 16 juillet 1474, Diego Preciado et Oria Francisca décident d’un commun accord (concordia) de mettre fin à leur vie commune37. Ayant rappelé qu’ils sont légalement mariés, après l’échange des consentements par verbes de présent et messe nuptiale (solempnizcion), ils expliquent qu’ils ne peuvent plus continuer à vivre ensemble pacifiquement. La décision est claire, ils se séparent physiquement et partagent leurs biens. Aucun ne pourra prétendre aux biens de celui qui décédera en premier, ce qui vaut renoncement au droit de veuvage. Cet élément est d’importance parce que cela signifie que les femmes ont la possibilité économique de survivre sans leur mari38. Ici Diego et Oria stipulent aussi qu’ils ne sont plus obligés de subvenir aux besoins de l’autre de son vivant, sain ou malade39. Ils s’autorisent réciproquement à habiter où ils veulent et ils s’octroient mutuellement le droit de gérer librement leurs biens ; ce qui suppose pour la femme une gestion autonome (vente, transfert, aliénation, déplacement) de son patrimoine sans passer par le consentement de celui qui demeure malgré tout en droit son mari40. Il est stipulé aussi que chacun est responsable sur ses propres biens des dettes (deudos, comandas) qu’il a contractées en son nom. Les deux parties renoncent aussi, pour l’avenir, à toute action judiciaire l’une contre l’autre. Ce document est assez représentatif des enjeux transactionnels d’une séparation conjugale qui se veut complète : les motifs de la séparation, la nature des clauses organisant la vie des époux séparés et le nouveau régime des biens. Il manque toutefois ici quelques éléments que l’on trouve dans d’autres textes souvent moins amiables : l’intervention de médiateurs, l’existence d’enfants nés ou à naître, la capacité ou non à refaire sa vie avec un autre partenaire, bien que ce soit théoriquement impossible, et l’insertion du document dans une chaîne documentaire.
18Les clauses stipulées dans les contrats de séparation constituent autant de concessions de droits nouveaux, en lien avec le rétablissement d’un pseudo-célibat. En plus de revoir le régime de gestion des biens de chaque couple, elles concernent principalement la liberté d’habiter où chacun le souhaite ; ou encore celle où chacun accorde à l’autre la liberté de « refaire » sa vie. En réalité cette opportunité est rare. Un seul texte est connu, à ce jour, où elle fait l’objet d’une clause explicite. Pedro de Cabrera et Gracia de Taraçona l’ont prévue et s’interdisent mutuellement, elle de réclamer de pouvoir revenir avec lui, et lui de l’accuser d’adultère et de mauvaise vie41. Les différences sont éloquentes quant à la nature des concessions engagées. Néanmoins, ils n’ont pas l’air de redouter les effets juridiques de la transgression du principe d’indissolubilité du mariage chrétien, et se soucient davantage de l’impact de leur décision sur un plan social et juridique. La séparation n’entraînant pas la disparition du lien de mariage par essence indissoluble, l’honneur et la réputation du couple continuent d’être soumis aux mêmes effets générés par le crime d’adultère, surtout à l’endroit des femmes. La pression sociale amène certains couples à tenter de court-circuiter ces effets par avance. L’attitude de Pedro de Cabrera et Gracia consiste à neutraliser de manière anticipée les conséquences d’une nouvelle relation amoureuse. Les autres maris qui ne cessent pas de l’être dans ce régime de séparation libre, n’ont pas envie de devenir des hommes à réputation de « cocus » et n’ont pas envie non plus de gérer les complications qui pourraient naître d’une relation libre de leur ex-épouse avec un concubin, susceptible d’être dénoncée pour adultère en justice. Cela se ferait au détriment de leur honneur et de leur fama publica par effet de ricochet. Ces maris trompés risqueraient de se retrouver contraints, malgré eux, de devoir réagir en accord avec les logiques judiciaires ou vindicatoires attendues en cas de comportement adultère de la part de leur ancienne compagne. C’est la raison pour laquelle, la plupart du temps, les femmes sont sommées d’avoir un comportement chaste après la séparation, par des ex-maris qui savent être toujours responsables en droit de leur comportement sexuel. C’est pour cela que la contrainte de loyauté de corps est exigée uniquement des femmes ; sans parler du risque de voir naître des enfants adultérins qui pourraient enfreindre les accords passés dans les contrats de divorce en matière de succession.
19À cet égard, un dernier élément est à prendre en compte, le cas des couples qui se séparent avec des enfants nés ou à naître. Johan Montanyes et Sancha Capiella se séparent le 30 juillet 1425. Johan renonce alors à certaines maisons dont il laisse la jouissance à sa femme, en stipulant les modalités de transmission de ces mêmes maisons à leurs enfants, à son décès, puis aux enfants de Sancha si leurs enfants venaient à mourir sans héritiers42. La dernière précision suppose que Sancha aurait déjà des enfants d’un premier lit ou qu’il envisage qu’elle puisse en avoir d’une prochaine liaison. Dans tous les cas de figure, Johan ne la dépossède pas, ni leurs héritiers respectifs, même s’il privilégie leur commune progéniture. En revanche, quand Pero Marques et Maria de Favera ont accordé (concordado) de ne plus vivre ensemble, le 29 décembre 1457, Maria est enceinte. Le pacte de séparation est passé dans les mêmes termes que pour les autres couples. La seule clause qui s’en distingue porte sur le fait que Pero s’engage à faire ce que le juge lui ordonnera, ce qui là encore laisse couler le flot des questions sans réponse concernant l’existence d’une procédure judiciaire préalable ou à venir et de quelle nature43.
20Enfin, les séparations conjugales sont-elles toutes l’objet de transactions basées sur un consensus équilibré entre les époux ? La réponse est non et le rapport de force se laisse lire avec plus de netteté lorsque l’infidélité de l’épouse est cause de la discorde. L’accord de séparation est alors fondé sur une réciprocité de soumission, nourrie par des clauses brutales de type unilatéral. La femme échappe à la mort parce qu’elle est pardonnée, mais elle finit tout bonnement chassée de son foyer. Cette initiative maritale a des allures de « pardon transaction », notion développée par Raymond Verdier, selon laquelle l’offensé accepte d’en rabattre sur sa vengeance, mais qui s’arrime à un échange compensatoire visant à dédommager celui qui pardonne44. Le 5 avril 1429, un tailleur de Saragosse, Frances Sunyen, menace son épouse de mort par vengeance ou par justice corporelle si elle venait à enfreindre l’éloignement qu’il lui inflige45. La menace est explicite. Forme de répudiation déguisée à travers le renoncement à la vengeance et à la justice publique, le pardon auquel procède le tailleur illustre aussi pour la sphère domestique ce qu’écrit Jacqueline Hoareau pour la sphère publique à propos du pardon du prince. Il n’est pas gratuit, il conforte le prince (le mari) et restaure le tissu social46. C’est le contexte qui forge aussi la nature transactionnelle de la miséricorde maritale et ses modalités d’application. Renonçant à la justice vindicative et vindicatoire, mais aussi au recours à la peine de mort par le biais de la justice publique, les maris gracient la vie de leur femme, en s’alignant d’un point de vue rhétorique sur le modèle christique47. Mais le pardon n’est pas non plus exactement un pardon renoncement parce qu’il est accordé en échange du départ de l’épouse, comme frappée par une sentence maritale d’exil. Le 11 avril 1524, la femme de Gil Campo reconnaît le crime d’adultère dont l’accuse son mari et accepte de quitter la ville le jour même, sous peine d’être condamnée à mort si elle diffère son départ48. En effet, cela équivaudrait à un aveu et supposerait de subir ipso facto la peine de mort. En jouant sur les juridictions et les procédures, la séparation s’inscrit dans un cadre légal, mais la transaction est rude. La femme n’a qu’un seul choix : ou elle part, ou elle meurt. Rappelons aussi que dans certains statuts urbains adoptés à Saragosse et à Daroca, par exemple, il est ordonné aux maris de suivre leur épouse adultère dans l’exil s’ils renoncent à les dénoncer au tribunal de leur ville49. Au vu de cette législation urbaine, on comprend que le pardon et l’expulsion sont une manière pour les maris trompés de ne pas agir en justice et de ne pas subir le bannissement conséquent, tout en sauvegardant leur honneur. Rien n’interdit de suspecter un phénomène de collusion entre époux, afin que l’un des deux (le mari) conserve sur place la main sur les ressources du ménage. Le sort des épouses bannies, chassées ou répudiées n’est pas éclairé dans la documentation : où vont-elles ? De quoi vivent-elles ? Partent-elles vraiment sans rien négocier, livrées à elles-mêmes ? Finissent-elles nécessairement toutes au couvent ou dans les rangs de la prostitution ?
21La gamme des transactions conjugales concernant le sort des couples offre décidément une variété de situations impossible à épuiser ici. Les transactions conjugales portant sur la restauration ou la cessation de la vie commune, la modification ou la liquidation du régime matrimonial, sont riches d’informations. Même si le parcours transactionnel nous échappe dans sa globalité pour chaque couple, on ne peut que constater une fois de plus, la grande souplesse d’action et de manœuvre qu’offre la voie des accords devant notaire. Ils illustrent un cadre d’action assez ouvert malgré une rhétorique très stéréotypée, propre à la rédaction notariale, laquelle rapproche ces actes des autres transactions de type économiques ou des chartes de paix rédigées dans d’autres contextes relationnels. De nature amiable, les actes consultés montrent néanmoins comment la volonté et la décision des maris s’imposent bien souvent à des épouses qui ne font que consentir et accepter leur sort. L’effet d’écriture ne restitue aucune initiative en propre aux femmes même lorsqu’elles en sont l’auteur. Il n’empêche que ce sont elles qui paient le prix fort de ces transactions, qu’elles soient tournées vers la réconciliation ou vers la séparation : le renoncement au droit de veuvage pour les unes, le salut dans l’exil pour les autres.
22Il ressort de cette contribution que le thème du pardon, commun aux deux types de transactions retenues ici au sein de la sphère conjugale, mériterait une étude plus approfondie, en lien avec les autres pardons étudiés par les historiens, les historiens du droit et les anthropologues. En somme, les transactions entre époux, au-delà de la seule circulation des biens intra-familiale, restent encore largement méconnues. Enfin si transiger chez le notaire permet de rétablir le pacte conjugal initial ou d’y mettre fin, cela s’opère sans déroger aux valeurs de paix, d’honneur et de justice réparatrice, comme cela a déjà été démontré pour d’autres types de négociations transactionnelles.
Annexe
Documents
Document 1. Acte de réconciliation entre Jayma de Bardaxi et Pedro d’Aguilon (1447)
AHPZ Juan Ram, 1447, fol. 62r-63r.
Publié dans María del Carmen García Herrero, Artesanas de vida. Mujeres de la Edad Media, Saragosse, IFC, 2009, p. 425.
Relexecion de bienes.
Eadem die. Que yo Jayma de Bardaxi, muller de Pedro d’Aguilon, vecinos del lugar de Juslibol, por algunas cosas mi animo ad aquesto fer induçientes, renuncio, lexo, relexo et lugo de present desemparo a vos Jayma d’Aguilon, filla mia, pora apres dias mios, todos e cada unos bienes mios, asi mobles como sedientes, los quales quiero que pora apres dias mios hayades por dar, vender etc. et fazer end a vuestra voluntat. E del dreyto e del dreyto (sic) etc. Empero con tal condicion, que si la dita Jayma, filla / f.62v/ mia, morra sines de fillos, que los ditos bienes viengan al dito Pedro, marido suyo [sic]. Et con esto prometo todas e cada unas cosas tener, servar e complir, obligo mi persona e bienes etc.
Testes : Sancho Marqua e Johan de Salinas, vecinos de Çaragoça.
Perdonamiento de marido a muller.
Eadem die. Que yo, dito Pedro d’Aguilon, vecino de Juslibol, perdono, lexo e relexo a vos, Jayma de Bardaxi, muller mia de qualesquiere injurias e cosas indevidas por vos feytas e perpetradas en todo el tiempo pasado encara al present dia. Et por tanto vos absuelvo e defenezco de todas e cada unas demandas, petiçiones et acciones etc., civiles e criminales etc. Empero con tal condicion fago e atorgo lo sobredito, quel renunciamiento por vos feyto de vuestros bienes en una filla mia e pora apres dias suyos, a mi sia firme e valedero etc. Et prometo contra lo sobredito no venir dius obligacion mi persona e bienes, etc. Et juro sobre la cruz / f.63/ e santos evangelios de tener lo sobredito e no tractar ni mal levar a vos dita muller mia, ni facer, dir, tractar ni consentir mal ni danyo en vuestros bienes, etc.
Testes proxime dicitur.
Document 2. Acte de séparation entre Diego Preciado et Oria Francisco (1474)
AHPZ, 1474, Juan de Barrachina, fol. 240r.
Publié dans Manuel Gómez de Valenzuela, « Documentos de derecho histórico aragones sobre relaciones varón-mujer (1432-1537) », Revista de Derecho Civil Aragones, XIX, 2013, p. 89-117, ici p. 106-107.
[Concordia]. Eadem die yo Diago Preciado vezino del lugar de Villanueva de Boriaçut de la una part et yo Oria Francisco vezina de la villa de Çuera de la otra part atendientes que matrimonio fue e yes entre nos ditas partes fecho et concordado et por paraulas de present en faz de la santa madre esglesia firmado et solepnizado et por muytas causas et razones no podamos en paz ensemble star ni habitar et nos ayamos concordado que cada uno de nos habite et ste con sus bienes et que el otro de nos en vida ni en muert no haya part ni dreyto alguno ni de viduidat en los bienes del premorient ni el uno al otro podamos demandar alimentacion ni cosa otra alguna et que cada uno pueda dar, vender et fazer a sus propias voluntades assi en vida como en muert de todos sus bienes assi mobles como sedientes havidos et por haver. Por tanto et alias la una part a la otra ad invicem nos damos licencia, facultat et poder de star e habitar cada uno do se querra et visto le sera con sus bienes assi mobles como sedientes, havidos et por haver et que aquellos ditos bienes cada uno de nos los suyos sinse empacho del otro de nos pueda dar, vender empenyar et fazer ne a sus propias voluntades atorgando et dando lende licencia et plenera potestat et que ni en vida ni en muert el uno de nos en los bienes del otro part, dreyto ni viduidat ni cosa alguna no pueda haver ni alcançar en manera alguna. Et el uno de nos no pueda al otro compellir a en uno star ni drechos forales ni otros algunos demandar. Et assimismo que qualesquiere deudos et comandas en los quales qualquiere de nos sea obligado se los pague de sus propios bienes el que los ha fecho, de manera que el uno por el otro cosa alguna no sia tenido de dar ni de pagar et que el uno al otro ad invicem nos obligamos sacar indepne ante et post dapnum datum den tal manera etc. Et nos deffinimos generalment de todas et cada unas actiones, peticiones et demandas assi civiles como criminales, en judicio et fuera de judicio de todos los tiempos passados fasta el present dia de oy, imposantes nos silentio perpetuo etc. Et juramos a Dios etc. de tener, servar et complir las anteditas cosas et no contavenir etc. Et renunciamos a todos et qualesquiere fueros, usos et costumbres del dito regno etc. a las sobreditas cosas repugnantes etc. (Consignación de testigos).
Notes de bas de page
1 Les textes retenus sont tous du xve siècle sauf deux datés du début du xvie siècle entre 1508 et 1524. Ils sont tous publiés par les auteurs suivants et seront indiqués ensuite pour les citations de source par le nom de l’auteur, l’année, le numéro du document et la page dans la publication concernée. M. del C. García Herrero, Las mujeres en Zaragoza en el siglo xv, Saragosse, Ayuntamiento de Zaragoza, 1990, vol. 2 (désormais García Herrero, 1990) ; ead., « La marital corrección : un tipo de violencia aceptado en la Baja Edad Media », dans Artesanas de vida. Mujeres de la Edad Media, Saragosse, IFC-CSIC, 2009, p. 387-430 (désormais García Herrero, 2009) ; M. L. Rodrigo Estevan, La ciudad de Daroca a fines de la Edad Media. Selección documental (1328-1526), Daroca, IFC-Centro de Estudios Darocenses, 1999 (désormais Rodrigo Estevan, 1999) ; M. Á. Pallarés Jiménez, « Veinticincos documentos medievales aragoneses de desamor », Aragón en la Edad Media, 20, 2008, p. 579-600 (désormais Pallarés Jiménez, 2008) ; M. Gomez de Valenzuela, « Documentos de derecho histórico aragones sobre relaciones varón-mujer (1432-1537) », Revista de Derecho Civil Aragones, XIX, 2013, p. 89-117 (désormais Gomez de Valenzuela, 2013) ; Cr. Pérez Galán, Cristianas, judías y musulmanas en la ciudad de Huesca a finales de la Edad Media, thèse sous la direction de María del Carmen García Herrero, université de Saragosse, 2015 (désormais Pérez Galán, 2015).
2 R. Cordoba de la Llave, « A una mesa y una cama : barragania y amancebamiento a fines de la Edad Media », dans M. I. Calero Secali, R. Fr. Somalo (dir.), Saber y vivir/ Mujer, Antigüedad medioevo, Malaga, Publications de l’université de Malaga, 1996, p. 127-153 ; S. Seidel Menchi, D. Quaglioni (dir.), Trasgressioni. Seduzione, concubinato, adulterio, bigamia (XIV-XVIII secolo), Bologne, Il Mulino, 2004.
3 S. Vecchio, « La bonne épouse », dans Histoire des femmes en Occident, Paris, Plon, 1990, t. 2, p. 117-145 ; T. Brandenberger, Literatura de matrimonio (peninsula Iberica, s. XIV-XVI), Saragosse, Libros Pórtico, 1997 ; A. Caamaño Tomás, « Castigos y doctrinas que un sabio dava a sus hijas : un ejemplo bajomedieval de literatura de matrimonio en España », Medievalia (México), 39, 2007, p. 118-129.
4 On peut relier les obligations conjugales aux effets et aux enjeux de ce que les théologiens et les canonistes appellent l’affectio maritalis, élément déterminant de l’existence du lien de mariage, du sentiment conjugal et impactant la circulation des biens du couple. M. M. Sheehan, « Maritalis affectio revisited », dans J. K. Farge (dir.), Marriage, Family, and Law in Medieval Europe. Collected studies, Toronto, Presses universitaires de Toronto, 1996, p. 262-277 ; Fr. Pedersen, « Maritalis affectio : Marital Affection and Property In Fourteenth Century Tork Cause Papers », dans C. Rousseau, J. T. Rosenthal (dir.), Women, Marriage and Family in Medieval Christendom : Essays In Memeory of Michael Sheehan, Kalamazoo, Université du Western Michigan, 1998, p. 175-209 ; M. Vleeschouwers-Van Melkebeek, « À la recherche de l’affectio maritalis au Moyen Âge. La pratique judiciaire dans le diocèse de Cambrai », dans Recueil canonique d’Arras, 12, Arras, 2001, p. 29-41 ; M. Guay, « Du consentement à l’“affectio maritalis” : quatre mariages princiers (France-Angleterre, 1395-1468) », Revue historique, 311, 2009, p. 291-319 ; A. Baroin, « Le couple en droit : autour de l’affectio maritalis et des échanges patrimoniaux », Médiévales, 65, 2013, p. 93-108.
5 L’adultère, la fornication, l’hérésie et les mauvais traitements sont les causes admises en droit tandis que l’incompatibilité d’humeur et la dilapidation des biens du couple sont surtout admises dans la pratique comme motifs supplémentaires. Voir le travail très complet sur le plan doctrinal de Giuliano Marchetto, Il divorzio imperfetto. I giuristi medievali e la separazione dei coniugi, Bologne, Il Mulino, 2008 p. 327-427 et le toujours très utile ouvrage de Jean Gaudemet, Le mariage en Occident, Paris, Cerf, 1987. Pour les cas tirés de la pratique voir M. Vleeschouwers-Van Melkebeek, « Marital Breakdown Before the Consistory Courts of Brussels, Cambrai and Tournai : Judicial Separation a Mensa et Thoro », Tijdschrift voor rechtsgeschiedenis, 72, 2004, p. 81-90 ; D. Lombardi, « Giustizia eclesiastica e composizione dei conflitti matrimoniali (Firenze, XVI-XVIII secolo) », dans S. Seidel Menchi, D. Quaglioni (dir.), I tribunali del matrimonio (secoli XV-XVIII), Bologne, Il Mulino, 2006, p. 577-607 ; E. Falzone, « Panormitain et la séparation de corps pour “incompatibilité d’humeur” : l’influence d’un décrétaliste italien dans la jurisprudence d’un official cambrésien ? », dans Jean-Marie Cauchies (dir.), Bourguignons en Italie, Italiens dans les pays bourguignons, Neuchâtel, Centre Européen d’études bourguignonnes (xive-xvie siècle), 2009, p. 259-285 ; M. Charageat, La délinquance matrimoniale. Couples en conflit et justice en Aragon (xve-xvie siècle), Paris, Publications de la Sorbonne, 2011.
6 On ne peut pas affirmer que les séparations en apparence libres conclues chez le notaire en Aragon ne concernent que des couples informels (mariages clandestins) comme l’écrit M. Vleeschouwers-Van Melkebeek dans son article « Self-divorce in Fifteenth-Century Flanders : The Consistory Court Accounts of the Diocese of Tournai », Tijdschrift voor rechtsgeschiedenis, 68, 2000, p. 83-98 ; ni réduire la libre séparation à la seule désertion du foyer conjugal par un des membres du couple tel que l’entend R. Helmholz, Marriage Litigation in Medieval England, Cambridge, Cambridge University Press, 1974, p. 59.
7 Fl. Weber, « Forme de l’échange, circulation des objets et relations entre personnes », Hypothèse, 5/1, 2002, p. 287-298.
8 En 1441, Sancho Romeo a agi sur conseil, aconselladament, et pour satisfaire les supplications de quelques bonnes personnes, por condecender a las pregarias que algunas buenas personas me han feyto (García Herrero, 2009, doc. II, p. 422). La formule « bonnes personnes », est récurrente : intervinientes buenas personas pour Jayme Sancet en 1477 (Rodrigo Estevan, 1999, doc. 299, p. 670) ou « parents et amis et autres bonnes personnes », mediante algunos parientes e amigos e otras buenas personas pour Pero Marques en 1457 (García Herrero, 1990, doc. 75, p. 190).
9 remeto et perdono a bos, Miguela de Villacanpa, mulier mia, qualesquier injurias asi çiviles como criminales que vos enbes que mi ayades feyto enel tiempo pasado (García Herrero, 2009, doc. I, p. 421).
10 E atentido que vos dita Johana Ruvio, muller mia, vos huviesedes hido de mi con mosen Ferrando Montejo, clerigo vicario olim animal del dito lugar de Castejon e agora receptor de Matamala habitante de present en Quinto, e como quiere que contra voluntat mia vos dicta Johana Ruvio vos ayades hido de mi e haveys stado asin tiempo manceba o amigada con el dito mosen Ferrando Montejo (Rodrigo Estevan, 1999, doc. 299, p. 670).
11 empero con tal condicion fago et atorgo el present [pardon] : que la dita mi muller sia tornada en mi poder diquia el domingo primero vinient, en otra manera que sea havido por nullo etc. (García Herrero, 1990, doc. 67 p. 173).
12 L’asseurement (seguro ou seguramiento) agit comme une assurance, un pacte de non-agression pour l’avenir en même temps qu’un apurement des comptes du passé. Pascal Texier le définit comme « une forme de renoncement juré à la violence vindicatoire » ; P. Texier, « “Le sang se plaint”. Gestion des conflits et acculturation juridique dans la France médiévale », dans Modernité, tradition et acculturation juridique, Louvain, 2008, HAL Id : hal-01241341 https://hal-unilim.archives-ouvertes.fr/hal-01241341 Voir également E. Cohen, « Violence Control in Late Medieval France. The Social Transformation of the Asseurement », Revue d’histoire du droit, 51, 1983, p. 111-122. B. Lamiges, L’asseurement du contrôle de la violence au maintien de la paix publique dans le royaume de France (fin xiie siècle-fin xve siècle), thèse de doctorat inédite, université de Limoges, 2013.
13 Voir le document 1 en annexe.
14 Exemple de Pedro d’Ayera et Maria d’Albarracin se réconciliant le 29 octobre 1447 [Diffinimiento] Eadem die e loco, yo, Pedro d’Ayera, vecino de Sant Martin del Rio, de mi çierta sciencia etc. por mi e los mios etc. absuelvo, suelto, quito, lexo, relexo e del todo por siempre deffenezco e por suelta, quita e deffenecida do e clamo a vos, Maria d’Albarrazin, muller mia, e a vuestros bienes […] (García Herrerro, 2009, doc. VI, p. 426).
15 P. Lara Izquierdo, « Fórmulas crediticias medievales en Aragón (1457-1486) », Cuadernos de Historia Jeronimo Zurita, 45-46, 1983, p. 33-74 ; Fr. J. García Marco, « Tipología documental e investigación histórica : los actos notariales como reflejo de la evolución de la sociedad aragonesa en la Edad Media », Aragón en la Edad Media, 9, 1991, p. 31-53.
16 atendient e considerant que Bertolomeva Alcaniz, mullyer mia, qui present es, ses absentada preter e contra mi voluntat, e a seydo absent de mi casa e de mi, dito Pedro Ortiz, algunos dias a intervenientes e buenas personas yo, dito Pedro Ortiz, reconcyliet la dita Bertolomeva e recibo en mi casa en aquellyo primero estado, e restituesco que la recobre en matrimonio siquiero que sia este sienes de ynnominio alguno ni notas infamie alguna (Pérez Galán, 2015, doc. 58 p. 628).
17 C’est le cas de Sancho Batut qui avait cru les rumeurs accusant sa femme d’adultère. Lorsqu’il réalise qu’elle est innocente, il lui pardonne et cette manière de faire est la seule à pouvoir anéantir les effets néfastes des ragots indépendamment de son propre tort. En réponse, Maria de Fariza promet d’être loyale et accepte d’être jugée si quiconque peut témoigner contre elle dudit crime (García Herrero, 1990, doc. 76, p. 191).
18 et le prometo tenerla segura, que marido deve tener a muller, et de no demandarle cosa alguna por justicia : ante, qualesquiere cosas que yo enves ella haya proceydo et enantado, quiero aquellas haver por non feytas, a las quales renuncio agora por la ora, et prometo encara yo por mis manos (ni por) mis ingenuos dapnificarla en su persona, antes aquella seguro (García Herrero, 2009, doc. II p. 422).
19 Et yo, dita Paschuala, prometo a vos, dito marido mio, guardar vos aquella honestat et leyeltat que buena muller deve tener a su marido. Et prometo et me obligo no dapnificar vos ni consentir ni engeniar paladinament no scondida tracto falso ni malo, antes, vos redrare todo dapnage por mi poder, vos atraçare todo bien, honestat et honor (García Herrero, 2009, doc. II p. 422).
20 [Seguramiento] Eadem die e loco, yo, dito Pedro d’Ayera, prometo et me obligo e juro sobre la cruz etc. e do homenatge de manos e de boca en manos e boca de Johan Ram, notario infrascripto, de no maltractar a vos dita, dita Maria de Albarrazin, muller mia, de dito feyto, tracto etc. salva empero, marital correccion, de cosa alguna que fines al present dia hayades fecho por manos, si ya no es, que de aqui adelant vos fiziessedes cosas non devidas que en aquel caso de los que faredes daqui avant procehir contra vos segunt que de buena razon e justicia deva, dius pena de perjurio etc e dius pena de traycion etc., a lo qual tener etc obligo vos mi persona e todos mis bienes etc., en special f. 259v/ huna vinya mia franqua, sita Joera [sic], termino del lugar de Sant Martin del Rio que affruenta con vinya de Pedro de Linnyan e con bia. Item, otra vinya mia franqua sita en Valdecarbonero, termino del dito lugar, que affruenta con vinya de Domingo Naharro e con yermo. Item, hunas casas mias franquas, sitas en el dito lugar, que affruentan con casas de Miguel Gorriz, con casas de Miguel Varasco e con bia publica (García Herrero, 2009, doc. VI, p. 426)
21 M. del C. García Herrero, Las mujeres en Zaragoza en el siglo XV, Saragosse, Ayuntamiento de Zaragoza, 1990, vol. 1, p. 270-277 ; M. Gómez de Valenzuela, Capitulaciones matrimoniales y firmas de dote en el Alto Gallego (1428-1805), Saragosse, El Justicia de Aragón, 2003.
22 Como yo Marta Ferrandez d’Anyon, renuncio en vos, Pedro Lopez d’Aver, marido mio, todo e qualquier dreyto que yo he en quales quiere casas, campos, vinyas, corrales e en quales quiere otras heredades que vos e yo hayamos comprado constant matrimonio e en quales quiere otros bienes vuestros sedientes que antes haviaz, bien assi como si aqui fuesen por dos o tres affrontaciones affrontados (García Herrero, 1990, doc. 17, p. 121). La durée de 101 ans sert à matérialiser la notion de perpétuité de la trêve conclue.
23 Et juro sobre la cruz et los Santos Evangelios de tener los sobredito et contra aquello no venir etc. Et que de todos mis bienes ni de part de aquellos no se feya donacion ni vendicion ni otra transportacion en frau de vos, Miguela (García Herrero, 2009, doc. I, p. 421)
24 Et yo dita Miguela, regraçiando a bos, dito Johan, marido moi, lo sobredito, prometo et me obligo servir bos bien et leal, de dia et de nueyt, et no facer vos mal ni danyo en a buestra persona et bienes vuestros por qualquier manera o razon. Et juro // sobre la cruz et los Santos Evangelios de tener lo sobredito et contra aquello no venir et seyer vos leal, asi de la persona como de los bienes.Et do caso que yo el contrario fese, quiero quelas sobreditas protestacion vos sian et finquen salvas et illesas, no obstant la present, de enantar et proceyr contra mi persona et bienes etc. et que de mis bienes ni de part de aquellos no he feyto donacio, vendicion ni otra transportacion ni de aqui adelant en algun tiempo no fare sino a fillos o fillas mios, ellos biviendo, sino yes con voluntat de vos, dito marido mio, ellos defallendo que ende pueda ordenar en qui visto me sera etc. (ibid., p. 422).
25 M. Charageat, La délinquance matrimoniale…, op. cit., p. 203-254.
26 Senyaladament que se recelavan e bivian en sopeyta de matar et de fazerse matar el uno al otro. Et por evitar tan grant scandalo de entre ellos, mediantes algunas buenas personas, no troban ni han trobado otra millor via ni manera al present que yes separarsen entre ellos de la taula e leyto » (García Herrero, 1990, doc. 30, p. 129).
27 M. Charageat, « Décrire la violence maritale au Moyen Âge. Exemples aragonais et anglais (xive-xvie siècle) », Tracé. Revue de sciences humaines, 19, 2010, p. 43-63.
28 Eadem die, que nos Diego de Gamarra ciego mendicant et Magdalena Garcey mujer d’el, actendientes que en dias passados a causa de algunas discordias que entre nosotros son estadas seguidas es deland el vicario general seanos apartados, con acto delant el fecho, a toro et mensam tantum, e decalradose divorcio entre nosotros (Pallarès Jimenez, 2008, doc. 22, p. 598).
29 E. Falzone, « Aspects judiciaires de la séparation de corps dans la pratique des officialités de Cambrai et de Bruxelles : la liquidation du régime matrimonial par acte de juridiction gracieuse (xve-xvie siècle) », dans V. Beaulande, M. Charageat (dir.), Les officialités dans l’Europe médiévale et moderne, Turnhout, Brepols, 2014, p. 281-298 ; M. Vleeschouwers-Van Melkebeek, C. Vleeschouwers, Registres de sentences de l’officialité de Cambrai, 1438-1453, Bruxelles, Ministère de la Justice, 1998 ; M. Vleeschouwers-Van Melkebeek, « Separation and Marital Property in Late Pedieval England and the Franco-Belgian Region », dans Mia Korpiola (dir.), Regional variations in matrimonial law and custum in Europe 1150-1600, Leyde, Brill, 2011, p. 77-98.
30 E. Falzone, « Aspects judiciaires de la séparation de corps… », art. cité, p. 281-298.
31 On ne peut pas ne pas citer le livre de Hubert Richardot, Les pactes de séparation amiable entre époux. Étude historique comparative et critique de séparation de corps par consentement mutuel, Paris, Dalloz 1930. Plus récemment E. Falzone, « Entre droit canonique et pratiques laïques : les couples en difficulté devant l’officialité de Cambrai(1438-1553) », Revue du Nord, 89, 372, 2007, p. 789-812 ; M. Vleeschouwers-Van Melkebeek, « Self-Divorce in Fifteenth-Century Flanders… », art. cité, p. 83-98 ; S. M. Butler, The Language of Abuse : Marital Violence in Later Medieval England, Leyde/Boston, Brill, 2007.
32 M. Charageat, « La justice épiscopale en Espagne face à la concurrence (xve-xvie) », dans B. Fourniel, La justice dans les cités épiscopales du Moyen Âge à l’Ancien Régime, Toulouse, Presses de l’université de Toulouse 1 Capitole, 2014, p. 409-425.
33 Ce que Butler met aussi en évidence dans le titre de l’ouvrage suivant : S. M. Butler, Divorce in the Medieval England : from One to Two Persons in Law, New York, Routledge, 2013.
34 Dans Pérez Galán, 2015, doc. 29, p. 577-582.
35 el qual, dito Pedro, propuso e dixo tales o senblantes paraulas en efecto contenientes endreçandolas a la dita Gracia, muller suya : – “Gracia, bos e yo no podemos bevir, estar e habitan en uno segun devriamos, e aquesto a grant culpa vuestra, segunt que Dios e gentes lo saben. Et asi, por tirar scandalo entre nosotros, querez bos partir de mi, e que bivades de part. Et si lo acordades, behet que notario querez que entervienga entre bos e mi, e que faga los actos.” […] Et dito lo sobredito, la dita Gracia dixo tales o senblantes paraulas en efecto : – “Yo soy mas plaçient de partirme de vos, dito Pedro, e bevir por mi part, que no estar en buestra conpanya / f. 41/, sguardando la mala vida que me dades” (García Herrero, 2009, doc. 3, 1442).
36 Et de todas et cada unas cosas sobreditas el dito Pedro, requirio seyer feyta carta publica por escargo suyo e en testimonio de verdat (García Herrero, 2009, doc. 3, 1442).
37 Voir en annexe le document 2.
38 Le droit de veuvage est particulièrement important pour les femmes aragonaises puisqu’il leur octroie la possibilité de jouir des biens immeubles privatifs du défunt en plus de la part des biens communs : les meubles apportés au moment de contracter mariage et les immeubles acquis par le couple pendant l’union, à titre onéreux ou par le travail, en plus des biens meubles acquis par donation, héritage ou leg. Les veuves jouissent de ce droit indépendamment des héritiers et tant qu’elles ne se remarient pas ou ne sont pas accusées de mauvaise vie. Voir M. del C. García Herrero, Las mujeres en Zaragoza en el siglo XV, op. cit., p. 317-366 ; ead., « Viudedad foral y viudas aragonesas a finales de la Edad Media », Hispania. Revista Española de Historia, 53, 1993, p. 431-450 ; ead., « Las capitulaciones matrimoniales en Zaragoza en el siglo XV », Del nacer y el vivir : fragmentos para una historia de la vida en la baja Edad Media, Saragosse, IFC-Excema. Diputación de Zaragoza, 2005, p. 133-154. On comprend à l’inverse que lorsque ce jus viduidatis est affecté comme dans les cas de réconciliation, il est employé comme élément de contrainte contre l’épouse qui perd alors les moyens de son autonomie à terme.
39 M. L. Rodrigo Estevan, M. J. Sanchez Usín, « Dare victum et vestitum convenienter. El derecho de alimentos en el Aragón médieval : entre la norma legal y la obligación moral », Aragón en la Edad Media, XIX, 2006, p. 443-460.
40 A. Lefebvre-Teillard, « L’indissolubilité du lien matrimonial du concile de Florence au concile de Trente », Revue de droit canonique, 38, 1988, p. 69-77. Br. Basdevant-Gaudemet, « Le principe de l’indissolubilité du mariage et les difficultés de son application, du haut Moyen Âge à Gratien », dans Br. Basdevant-Gaudemet, Église et autorité. Études d’histoire de droit canonique, Limoges, Pulim (Cahiers de l’Institut d’anthropologie juridique, 14), 2006, p. 359-368.
41 Archivo Historico de Protocolos de Zaragoza (transcription de l’auteur), carpeta 4142, 1480, sf. : Dio licencia, permisso y facultat a la dicha su muller que pueda vivir por si et hir estar e habitar sin el endo quiere y con quien quiere que bien visto lo sera et le plazera et le plazio que no fuesse tenida ni ella podiesse compellir en ninguna manera ni por ninguna via de tornar a el ni la podiesse accusar de adulterio ni de mal vivir.
42 Eadem die, Cessarauguste. Que yo, Johan Montanyes, notario general, vezino de la dita ciudat, renuncio a vos, Sancha Capiella, muller mia, todo e qualquier dreyto a mi pertenescient o pertenecer podient por qualquier caso, titol, manera o razon, en unas casas vuestras e mias, sitiadas enla parroquia de Santa Maria la Mayor, que affuentan con casas de don Aznar de Senes, jurista, con casas de la confraria de Santa Maria la Mayor e con carrera publica, querient e atorgant que vos, dita muller mia, hayas las ditas casas durant enpero todol tiempo de vuestra vida por vuestras proprias e por fazer de aquellas todas vuestras proprias voluntades, con tal, empero, vinclo, manera e condicion, que apres dias vuestro sian e finquen a Jaymico e Johanico Montanyes, fillos vuestros e mios, por suyas propias, et moriendo el uno viengan en el otro, et moriendo entramos intestados o menores de hedat o sines fillos legitimos, viengan et tornen las ditas casas en vos, dita Sancha, e en los vuestros, pero seyendo los ditos fillos vuestros e mios de hedat de hordenar, puedan hodenar de aquellas a qui bien visto les sera (García Herrero, 1990, doc. 31, p. 130).
43 Ecepto atendido la dita Maria de Favero seyer prenyada, que toda hora e quando parira, e el postomo o postoma a la luz venra, el dito Pero Marques prometio e se obligo estar a conoscimiento de qualquiere juge que convenido sera, si sera tenido fazer criar el dito postomo o postoma, si a luz salra etc. (García Herrero, 1990, doc. 75, p. 190).
44 R. Verdier, « Notes pour une étude anthropologique et historique du pardon », dans J. Hoareau Dodineau, X. Rousseaux, P. Texier (dir.), Le pardon, Limoges, Pulim, p. 17-22 ; id. « Sacralité, droit et justices : sur les traces de Mauss », Revue du Mauss, 36/2, 2010, p. 418-426.
45 Le cas est étudié dans M. Charageat, « De l’affrontement et de la violence entre époux à l’affrontement entre pouvoirs publics et pouvoir des maris à Saragosse au xve siècle », Cahiers d’études hispaniques médiévales, 28, 2005, p. 341-373.
46 J. Hoareau Dodineau, « La jeune fille, le roi et le pendu : à propos de la grâce par mariage », dans J. Hoareau Dodineau, X. Rousseaux, P. Texier (dir.), Le pardon…, op. cit., p. 353-373.
47 Exemple de Frances Sunyen qui pardonne Johannya Borraz par respect envers Dieu qui pardonna à ceux qui le tuèrent, por reverencia de Dios, que perdono ad aquellos qui lo mataron (García Herrero, 1990, doc. 49, p. 149).
48 Por tanto, reconociendo ella en el dicho crimen ferle y haver defallecido etc. como en otros delictos etc. que si desde el dozeno dia del presente mes adelante sera trobada dentro los limites y jurisdiction de Jacca etc. quiso e le plazio que fuesse y sea havida por confessa assi del dicho crimen de adulterio como de otros de los que el dicho su marido le querra acusar etc. Et no res menos que ipso facto encorra en pena de muerte corporal etc. (Gómez de Valenzuela, 2013, doc. 17, p. 114-115). L’accord est déterminé par une accusation d’adultère au civil, le pénal n’étant suggéré qu’au cas où Gracia ne partirait pas dans les délais.
49 M. Charageat, « De l’affrontement et de la violence entre époux… », art. cité, p. 341-373.
Auteur
Martine Charageat est maître de conférences à l’université Bordeaux Montaigne, coordinatrice de l’axe 5 « L’ordre du monde : pouvoirs, dynamiques, contrôle dans les sociétés anciennes et médiévales » du laboratoire AUSONIUS – UMR 5607 ; directrice du programme de recherche LaScArBx : Justice et fourches patibulaires. Lieux d’exécution, d’exposition et d’inhumation des corps des condamnés à mort (Moyen Âge-Époque moderne) – Ausonius. Elle codirige actuellement avec Mathieu Soula et Mathieu Vivas le programme de recherche Des justices et des hommes. Gibets, bourreaux et exécutions en Europe (Moyen Âge-xxe s.) à la Maison des Sciences de l’homme d’Aquitaine.
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