La chancellerie d’Anjou-Provence d’après le journal de Jean Le Fèvre (1381-1388)
p. 187-209
Texte intégral
1Au milieu du xive siècle, le roi Jean II le Bon a constitué de vastes apanages en faveur de ses fils puînés. Louis devint en 1356 comte d’Anjou – comté érigé en duché en 1360 – et du Maine, et il reçut ensuite de son frère Charles V la Touraine, sa vie durant seulement. Plus tard, en 1380, ses ambitions et le soutien du pape Clément VII – dont Louis Ier d’Anjou a été le premier prince français à reconnaître l’élection, dès octobre 1378 – lui permirent d’être adopté par la reine Jeanne Ire de Naples et d’hériter ainsi de la Provence et du Regno à la conquête duquel il partit en 1382 pour y mourir deux ans plus tard1. Il est à l’origine de la seconde maison d’Anjou-Provence qui s’éteint à la mort de son petit-fils René à la fin du siècle suivant.
2À l’instar des autres princes territoriaux, apanagistes ou non, Louis Ier d’Anjou a doté ses territoires d’institutions à même de pouvoir les gouverner, d’autant que leur éparpillement était pour lui un défi que tous n’avaient pas à relever. Il a créé dans son apanage une chambre des comptes, attestée en 1368 lorsqu’elle conteste une donation du prince à une église d’Angers2, mais elle fonctionnait alors depuis déjà plusieurs années. Elle fut réformée une première fois en 1400 par son fils Louis II, puis à nouveau par René d’Anjou en 1437. Ses archives, conservées à partir de la fin du xive siècle, permettent d’en connaître à la fois le fonctionnement et le personnel3, sachant que la Provence avait de son côté sa propre chambre, héritée (elle est attestée en 1288) de la première maison apanagée issue de Charles Ier d’Anjou.
3Les circonstances de la naissance de la chancellerie de Louis Ier ne sont pas mieux assurées. Elle intervient dans les années 1360-1380, qui sont « une période d’accélération dans la mise en forme du processus de rationalisation » des chancelleries princières4. Le plus ancien grand sceau du prince conservé date d’avril 13615, mais le premier « chancelier » identifié à son service semble en fonction dès 1354 (Louis n’a alors que quinze ans), soit avant la prise en main de l’apanage, et le resta jusqu’en 1360 : il s’agit de Guillaume de Chanac, abbé de Saint-Florent de Saumur, docteur en décret, connu plus tard sous le nom de « cardinal de Mende6 ». La chronologie n’est pas anodine. À l’automne 1360, le duc d’Anjou a fait partie des otages envoyés à Londres en échange de l’élargissement de son père, et ce jusqu’à sa fuite en octobre 1363. L’apparition de la chambre des comptes et l’organisation d’une chancellerie pourraient donc participer d’une tentative d’organisation – on hésite à parler de réformation générale – d’une administration de ses terres pour y affirmer son autorité. Dans la liste sûrement incomplète des chanceliers de Louis Ier d’Anjou se trouve Guillaume Pointeau (ou Pointel), un chevalier du Maine, nommé en 1377, auparavant (depuis 1369) commissaire des finances du duc dans son apanage, auquel on ne connaît pas de grade universitaire7. Pointeau est mort assassiné à Montpellier le 25 octobre 1379, lors d’une émeute causée par les exactions fiscales perpétrées par Louis en Languedoc en tant que lieutenant général de son frère Charles V8.
4Les sources de la pratique ne livrent donc que de rarissimes indices sur la chancellerie, et le naufrage de ses archives – on ne conserve en effet ni texte normatif venu réglementer son fonctionnement, ni volume d’enregistrement, ni protocole, ni compte – explique qu’elle n’a suscité aucune étude, à la différence de la chancellerie de la première maison d’Anjou-Provence9. À cette situation documentaire défavorable vient surtout s’ajouter le fait que les premiers Angevins ont effectivement gouverné le royaume de Sicile – puis après les Vêpres siciliennes de 1282 celui de Naples – alors que les princes de la seconde maison ont seulement dû se contenter du titre royal, malgré leurs tentatives pour s’imposer en Italie du Sud10. Leur chancellerie concerne donc seulement le fonctionnement de leurs possessions en France et en Provence, ce qui rend son histoire moins prestigieuse.
5En dépit de ce handicap, dans la perspective d’une histoire de la chancellerie de Louis Ier d’Anjou et de ses descendants, la décennie 1380 offre une source tout à fait remarquable : le « journal » de Jean Le Fèvre. Institué chancelier en 1381, il a tenu cet office jusqu’à sa mort en Avignon le 11 janvier 139011. Né dans les années 1330, Le Fèvre est entré chez les moines noirs de Saint-Vaast d’Arras en 1363, dont il devint l’abbé en 1370. Il a fait des études en droit à Paris et Orléans avant de figurer dans le collegium Facultatis decretorum de Paris en 1379. Entré au conseil du roi Charles V en 1370, Le Fèvre est envoyé en ambassade d’abord pour des négociations avec l’Angleterre puis au début du Grand Schisme d’Occident. Il est nommé évêque de Chartres par Clément VII le 5 mars 1380, alors qu’il vient tout juste d’achever le De planctu bonorum, un des premiers traités en faveur de ce pape, en réponse au De fletu Ecclesie du juriste bolonais Giovanni da Legnano, qui soutenait la légitimité d’Urbain VI12.
6À compter de sa nomination, Le Fèvre a tenu un « journal », depuis le 4 février 1381 jusqu’à son arrêt brutal le 13 juin 1388 alors qu’il continue à occuper son office jusqu’à son décès un an et demi plus tard. En raison des nombreuses missions remplies au nom du roi ou du pape, ce journal présente beaucoup d’interruptions jusqu’à la mort de Louis Ier en 138413, mais il gagne très nettement en régularité lorsque Le Fèvre travaille pour sa veuve, Marie de Blois14. Le journal est une source composite, à la fois main courante des actes sortis de la chancellerie et carnet très personnel de son action politique et diplomatique au service des princes angevins et de la papauté. Conformément au titre de mon étude, je ne retiendrai du journal de Jean Le Fèvre que les notes qui éclairent l’histoire de la chancellerie d’Anjou-Provence, mais cette source très riche se prête à bien d’autres lectures15. Ce document a été édité à la fin du xixe siècle par Henri Moranvillé16, mais celui-ci a supprimé par endroits des passages, comme par exemple les paragraphes consacrés à la nomination des notaires et secrétaires qui sont pourtant les seules données permettant d’entrevoir le personnel de la chancellerie. Il faut donc pour l’instant continuer à recourir au manuscrit pour avoir l’intégralité du texte, dans l’attente de l’aboutissement d’une entreprise éditoriale en cours qui va enfin remédier à cet état de fait17.
7Le journal est la source unique à partir de laquelle je propose d’étudier la chancellerie angevine dans les années 1380, à l’époque d’un autre fils – mais aussi frère et oncle – de roi de France. J’envisagerai d’abord l’office de chancelier et les fonctions multiples qu’il recouvre en réalité, ensuite l’organisation et le personnel de ce bureau d’écriture et enfin son fonctionnement et sa production18.
Le chancelier
8Le journal consigne toutes les modalités de la désignation d’un chancelier et les règles relatives à l’usage des sceaux. Le 4 février 1381, un secrétaire de Louis d’Anjou, Jean de Sains19, propose l’office à Le Fèvre – que le prince a dû connaître à la cour royale ou en Avignon. À cette date, la charge pourrait être restée vacante depuis la mort de Guillaume Pointeau en 1379, car une fois l’office accepté (6 février), la lettre d’office de Louis Ier « seellée de son privé seel à l’aigle20 » (le 8) et le serment prêté le lendemain, Le Fèvre écrit : « Le ixe jour monseigneur prist mon serrement aus Evangiles de le servir loyalment devant tous, le pape et le roy tant seulement exceptés, et me bailla son seel secret pour ce que le sien grand n’estoit point fait, depuis que celui que messire Guillaume Pointel son chancelier avoit, fu perdu à Montpellier où ledit messire Guillaume fut tué et occis21. »
9Dans le journal, il n’est plus fait mention de sceau pendant plus d’un an, jusqu’à ce que Louis Ier d’Anjou reçoive de Clément VII l’investiture du royaume de Naples le 29 mai 1382. Deux jours plus tard, « au vespere, m’apporta maistre J. de Sains le seel de Calabre [l’héritier du Regno porte le titre de duc de Calabre] à tout le contre seing, et aussi le nouveau seel qui est d’or22 ». Deux semaines plus tard, Louis quitte Carpentras pour prendre la direction de l’Italie. Jean Le Fèvre s’apprêtait lui aussi à s’absenter longuement : « Le xxvie jour [de juillet 1382], je me parti d’Avignon par l’ordenance de nostre saint Pere, messagé de par li ordenné pour aler en Flandre ; et de la voulenté de monsegneur de Calabre [Louis], les seaulx d’Anjou que il m’avoit laissiés je baillé en depot et en garde à monseigneur le cardinal de Mende. Et est assavoir que les seaulx de Calabre je tins jusques au xiii jour de juing, que je les li rendit à Carpentras ; et il les bailla à Daniel Le Breton son varlet de chambre pour mettre en ses coffres23. »
10Le 26 octobre 1384, la nouvelle de la mort de Louis Ier est annoncée à Angers, où Le Fèvre avait rejoint Marie de Blois un mois plus tôt. De facto, l’office prend fin. Dès le lendemain, « je porté le seel de feu monseigneur en la chambre des comptes en la maison des Predicateurs, et le dit seel je enclos en un sac de toile et le lie très bien et y fis mettre les signés de [suit une liste de cinq noms]… ; et ledit seel ainssi enfermé je emporté24 ». Dans le même temps, à Paris, le conseil royal statue que « à Madame de droit et de coustume appartient la garde de messegneurs ses enfans et le bail de leur terres, se elle le veult prendre ». La décision parvient à Angers le 4 novembre. Là aussi dès le lendemain, Marie de Blois entame le processus de rétablissement de Le Fèvre dans son office25 :
Samedi ensuivant, v jour de novembre, Madame me retint son chancelier, present messire Guillaume de Craon segneur de la Ferté Bernard, et maistre Jehan Haucepié à qui lettre en fu commandée. Et fis serment in verbo pontificis et sacerdotis de la servir loyalment en office de chancelier, et la conseiller contre toulx exceptés le pape et le roy, et son honneur et pourfit garder et son blasme et damage eschever, mais elle ne me bailla point son seel encore. […]
[18 novembre] Madame envoia monstrer à monseigneur de Berri [venu à Angers] la grandeur de ses seaulx ; la fourme du grand li pleust asses ; il dit que le secret estoit trop grand et conseilloit qu’il fust ramené à la grandeur du contresigné. […]
Samedi xix jour de novembre, fu cassé le seel de monseigneur et Madame me constitua son chancelier, et li fis serrement la main au pis et l’autre sur les Evangiles de la loyalment servir et conseiller contre toulz excepté le pape et le roy de France et de exercer l’office de chancelier bien et diligemment à mon pouvoir.
11Investi et disposant enfin des sceaux, Le Fèvre devient un acteur majeur du gouvernement de Marie de Blois. Chaque mission à lui confiée qui suppose un éloignement de quelque durée entraîne la remise des sceaux. C’est le cas le 9 mai 1386 : « Ce jour je commencié mon chemin à aller audevant de monseigneur de Bourgongne de par Madame, et me ordonna passer par nostre saint Pere et li dire pourquoy je aloie ; et mane tradidi ei sigillum suum magnum et sigillum Regis in deposito in coffro sigilli sui secreti26. » Il en va de même d’octobre 1386 (pour se rendre en Avignon puis en France) à son retour le 2 mai suivant où « elle me fist bailler les seaulx que elle en mon absence avoit toulzjours eu en son coffret27 ». Lors de ses déplacements, il emporte des lettres déjà scellées et utilise son propre sceau pour les lettres rédigées à titre personnel.
12En vertu de sa fonction et fort de l’absolue confiance de Marie de Blois, Le Fèvre dispose de tous les sceaux de première importance. Il tient évidemment le grand sceau en majesté28, et le sceau de Calabre jusqu’en 138629. Il utilise aussi le contre-sceau30, et d’après son journal, il use également du sceau du secret de la princesse31. Lorsque cette dernière quitte Paris fin mai 1388 pour se rendre à Guise (petit comté qui lui vient de son père Charles de Blois et qu’elle a porté en dot à Louis), elle baille au chancelier « son signet pour lettres missibles32 ». Le Fèvre dispose encore d’autres sceaux. Trois jours après la mort du sénéchal de Provence Foulques d’Agout le 28 décembre 1385, « Madame me bailla le seel de la seneschauciée et retint le seel de la finance ». Il mentionne plusieurs sceaux spécifiques au pouvoir judiciaire des princes, d’abord ceux des Grands Jours d’Anjou, qui sont une session annuelle de la grâce du duc (en appel) consentie par son frère Charles V dans l’apanage : Marie les lui remet à Angers en décembre 1384 et au mois d’août suivant, en Avignon, Le Fèvre les confie à Jean Le Bégut, chanoine de la cathédrale d’Angers et conseiller des princes, pour les mener en Anjou33. Par ailleurs, le 16 juin 1385, depuis la Provence, « se parti l’abbé de Saint Aubin pour s’en aller à Angiers et emporta un seel que Madame avoit fait faire pro litteris scriptis justicie et gracie en ses pais de France, et li en commis la garde et l’usage34 ».
13Par la nature de son office, le chancelier est donc le garde des sceaux, mais la sphère de la diplomatique princière est loin d’épuiser l’ampleur de toutes ses prérogatives. Représentant du duc et chef de son administration, il est habilité à recevoir en ses mains le serment des nouveaux officiers, des plus modestes aux plus hauts placés35. Investi de ce rôle dans la gestion administrative et donc financière, Le Fèvre est encore un des principaux conseillers et s’affirme comme un négociateur de premier plan avec la cour de France, la curie d’Avignon ou les adversaires des Angevins en Provence. Il est devenu « cette haute figure des cours, qui régit la vie du conseil, contrôle les offices, régule la grâce, patronne la diplomatie36 ».
14L’envergure politique du chancelier ne fait donc aucun doute. Que doit-elle à son profil et à sa formation intellectuelle ? La fidélité caractérise cet homme qui avoue à l’occasion sceller « contre [son] cœur » ou « se eschauffer » contre ceux qui s’expriment « très malgracieusement » devant ses maîtres ou envers lui37. Juriste, il a un « esprit vif, net, actif et consciencieux » et oppose à Giovanni da Legnano une réfutation « minutieuse et précise » dans son traité sur le schisme38. Il met au service du roi de France puis des Angevins son talent épistolaire mais aussi son éloquence oratoire39. Malheureusement, nous ne connaissons rien de sa bibliothèque pour cerner son « arsenal intellectuel40 ». Par son testament41, il lègue son bréviaire, son missel et son pontifical à ses successeurs sur le siège épiscopal de Chartres, et laisse tous ses autres livres à son ancienne abbaye Saint-Vaast d’Arras, mais sans en donner la liste.
Organisation et personnel de la chancellerie
15La chancellerie de Louis Ier d’Anjou est-elle déjà « une administration bien ordonnée, stabilisée, installée dans ses propres locaux, pourvue d’un personnel reconnaissable et hiérarchisé42 » ? Administration stabilisée ? À l’époque étudiée, la chancellerie angevine ne dispose pas d’un local propre. L’itinérance des princes et celle de Le Fèvre n’y sont pas étrangères, mais la chancellerie partage cette situation avec la chambre des comptes d’Anjou, qui siégeait à cette époque dans le couvent des Dominicains d’Angers alors que, curieusement, ses archives étaient déposées chez les Franciscains43. Administration ordonnée ? Le journal ne laisse pas entrevoir d’organisation particulière, mais par sa nature, cette source n’a pas vocation à s’étendre sur cette question. On relève juste qu’en 1387, Le Fèvre scelle une lettre pour un « varlet de chambre, à qui Madame donne l’office de chaufecire44 », et un audiencier est par ailleurs mentionné dès octobre 1384, alors qu’il n’apparaît que trois décennies plus tard, en 1413, dans la chancellerie du duc de Bourgogne Jean sans Peur45.
16Reste la question du personnel de la chancellerie d’Anjou-Provence, qui se heurte à un problème de vocabulaire autour du sens à donner aux mots notaires et secrétaires. Ces derniers sont-ils rattachés directement au service du prince dans des missions spécifiques alors que les premiers formeraient un milieu subordonné occupé à la seule production de l’écrit ? Les appellations comme les attributions semblent en réalité bien mouvantes. Dans certaines administrations princières, celle de Bourgogne-Flandre notamment, des secrétaires n’ont jamais joué de rôle dans la chancellerie46. Ailleurs, par exemple dans la chancellerie du duc de Berry, la rédaction des actes émanés directement de lui est de la responsabilité des secrétaires alors que les notaires ont la charge des autres écrits47. Dans la chancellerie d’Anjou-Provence, les sources ne permettent pas de trancher, car si la question ne se pose pas pour les notaires, rien ne permet d’affirmer que tous les secrétaires y ont travaillé.
17Quoi qu’il en soit, Le Fèvre était entouré de tout un personnel. Pour les notaires et secrétaires « retenus » – qualificatif invariablement utilisé pour les conseillers ou les officiers – au service de Louis Ier d’Anjou puis de sa veuve, il a noté la date du serment qu’il a personnellement reçu et l’apposition du seing manuel que chacun utilisera par la suite dans ses fonctions. Jusqu’à la mort de Louis en septembre 1384, ces mentions sont éparpillées au fil de la rédaction : elles sont au nombre de dix, dont cinq seulement sont données – sans qu’il explique ce choix – dans l’édition de Moranvillé. Il s’agit de sept secrétaires et trois notaires ; sept datent de 1381, les dernières (trois secrétaires) de l’année suivante. Au cours de cette période, le journal donne aussi copie (à trois reprises uniquement, aucune ne figurant dans l’édition) non de la lettre d’office, mais de la notification au chancelier – et dans un cas également aux maîtres de son hôtel – de la nomination par le duc. Je cite la plus ancienne, les suivantes ayant recours aux mêmes formules48 :
De par le duc d’Anjou et de Touraine. Chancelier. Savoir vous faisons que pour le très grand bien, souffisance et diligence de nostre bien amé maistre Jaques Biderel, nous ycellui avons au jour d’uy retenu et retenons par ces presentes en nostre secretaire aus gaiges, drois, prouffis et emolumens qui y appartiennent. Si voulons et vous mandons que receu dudit maistre Jaques le serment en tel cas acoustumé et le signé dont il vouldra user oudit office et des diz gaiges, drois, prouffis, emolumens et autres libertez et franchises qui y appartiennent sanz aucun contredit. Donné en nostre ville de Tours, soubz nostre seel de secret le xxiie jour d’aoust l’an de grace mil trois cens quatre vins et un. Amissi signum. Par monsegneur le duc. Ar[noul] La Caille. Signum manuale mei Jacobi Biderelli presbiteri superius nominati domini ducis Andegavensis secretarii est tale ut sequitur. Ja[cques] Biderel.
18Sous Marie de Blois, ces lettres ne sont plus recopiées et les mentions de serment et l’apposition du seing sont toutes ramassées en quelques feuillets du journal (fol. 25 à 30) que le chancelier avait laissés vierges à l’origine, qui offrent ainsi une belle collection de signatures (voir en annexe). Les enregistrements sont au nombre de trente-huit (absents de l’édition de Moranvillé)49, et très curieusement, ils se poursuivent jusqu’en novembre 1389, soit un an et demi après l’arrêt du journal. Ils concernent cette fois vingt secrétaires et douze notaires, un autre retenu avec ces deux titres à la fois et les derniers sans titre spécifié mais avec une formule d’enregistrement rigoureusement identique. Retenus officiers « de la royne de Jherusalem et de Sicile » jusqu’à la connaissance de la mort de Louis Ier, ils le sont ensuite « de la royne et de monseigneur son aisné filz ». La chronologie du recrutement est particulièrement irrégulière : treize sont incorporés dans les services au cours des trois derniers mois de l’année 1384 (dont dix en octobre), huit en 1385, deux au début de l’année 1386, trois en 1387, cinq en 1388 et les sept derniers en 1389. Au total, entre 1381 et 1389, le chancelier livre le nom d’au moins vingt-huit secrétaires (et cinq hommes retenus sans titre précisé, peut-être également secrétaires), chiffre qui paraît tout à fait considérable si on le compare aux trente-deux secrétaires connus du duc Louis II de Bourbon (1356-1410) en un long demi-siècle50.
19Le journal n’a aucun caractère systématique pour décliner l’identité de ces individus. Sur les trente-huit reçus au serment à partir de 1384, l’origine géographique n’est donnée que neuf fois, par le diocèse s’ils sont clercs ou par la ville de résidence ou d’origine51 ; la dispersion hors des territoires angevins ne permet pas de conclure à un recrutement « local ». Plus pauvres encore sont les mentions de grades (sur trente-huit individus, il y a deux bacheliers et trois licenciés, tous en lois) alors que l’on sait par des sources d’archives que d’autres en étaient pourvus, eux aussi en droit. Quant au statut, entre ceux qui sont mentionnés comme tels et ceux que l’on sait l’être, la moitié au moins sont des gens d’Église, pour lesquels Le Fèvre précise exceptionnellement un bénéfice ecclésiastique alors occupé (deux chanoines du Mans et un de Riez). Pour finir, le journal indique une seule fois un lien de parenté, sans doute en raison d’une homonymie entre deux notaires reçus en 1384 appelés Jean de Vaulx, dont l’un est « frere de celui de la dessus ». En revanche, il ne dit pas si les secrétaires Josseran Le Fèvre (reçu en novembre 1384) et Lucas Le Fèvre (en janvier 1385) sont ses ou des parents.
20L’entrée dans les services de la chancellerie marque le début d’une carrière qui peut y rester confinée ou n’être au contraire que la première étape d’un parcours dans l’administration et/ou dans l’Église pour ceux qui y sont aptes du fait de leur état. Le rapport étroit entre personnel de chancellerie et personnel de chambre des comptes ou offices financiers a déjà été relevé dans diverses administrations (Berry, Bourbon, Bourgogne, Savoie…) et celle des Angevins vient le confirmer. Ainsi, sur les trente-huit hommes retenus par Marie de Blois, Henri de Sailleville, reçu secrétaire en 1385, devient le jour même contrôleur de la chambre aux deniers de la reine52, et quatre autres sont plus tard attestés à la chambre des comptes d’Anjou53 :
Gilet Buynart, secrétaire (2 octobre 1384), devient huissier (à partir de janvier 1385) puis clerc (1399) et enfin maître de la chambre des comptes (1404-† 1424)54 ;
Pierre Bricoan, notaire (2 octobre 1384), sergent de Moncontour en 1385, devenu secrétaire et conseiller de Louis II avant 1409, est clerc (1405) puis maître des comptes (1412-ap. 1424)55 ;
Michel de La Croix, secrétaire (3 octobre 1384), devient maître des comptes (1401-1410)56 ;
Lucas Le Fèvre, secrétaire (13 janvier 1385), conseiller de la reine depuis au moins 1399, est clerc (avant 1397) puis maître des comptes (1400-1407)57.
21Par ailleurs, des clercs reçus comme secrétaires font carrière dans l’Église – les serviteurs reçus comme notaires semblent là aussi en retrait en termes de perspectives. Yves Taillerot, du diocèse de Tours, et Pierre Le Bégut, originaire de celui de Tréguier et licencié en lois, sont tous deux assermentés en 1389 : le premier est modestement connu comme chapelain de la cathédrale d’Angers en 139258 ; le second, déjà prébendé de la collégiale Saint-Pierre-de-la-Cour du Mans en 1385 grâce à Marie, devient chanoine de la cathédrale d’Angers (1392-1421)59. Olivier Du Solier, secrétaire en 1384, et Jean Porcher, du diocèse de Maillezais, secrétaire en 1389, sont eux aussi attestés plus tard comme chanoines dans le chapitre cathédral d’Angers60, mais la plus belle carrière revient incontestablement à Guillaume Le Tort († 1403), évêque de Marseille par l’intercession de Marie de Blois61.
22Reçu secrétaire – vraisemblablement déjà notaire – le 2 octobre 138462, natif du diocèse d’Évreux, immatriculé dans la nation de Normandie de la faculté des arts de Paris, il est bachelier in utroque iure en 1379 d’après le rotulus de l’université63. En 1384, il obtient un canonicat de la cathédrale du Mans, et en 1387 un autre à la collégiale Saint-Pierre-de-la-Cour ; avant 1384, il était aussi devenu chanoine de la collégiale comtale Saint-Martin d’Angers64. Il est encore chanoine de Cambrai lorsque Marie de Blois obtient du pape Benoît XIII sa nomination sur le siège de Marseille en octobre 139665, où il succède à un conseiller de Louis Ier d’Anjou66. Dans la lettre qu’elle avait auparavant adressée au pape pour lui demander en vain le siège d’Aix pour son protégé, elle le qualifiait de legum doctor et précisait surtout : magister in disciplina nati mei regis Sicilie, qui in servitiis sancte Ecclesie Dei atque mei et dicti regis nati mei plurimum insudavit67. On ne sait malheureusement rien de ce préceptorat, mais il enrichit la palette des fonctions exercées par un secrétaire – à la différence des notaires qui restent bien de simples scribes et exécutants. Le Fèvre mentionne souvent Le Tort dans son journal : pour des bénéfices obtenus, en tant que témoin au serment d’officiers, pour sa présence « comme notaire » lors de négociations en vue du mariage du jeune Louis II afin d’en rédiger « carte ou instrument68 », ou pour sa libération en août 1387 après avoir été capturé par des gens d’armes opposés aux Angevins près de Marseille où il se rendait pour la reine69.
Fonctionnement et production de la chancellerie
23Organiser une mémoire officielle de l’activité de l’État nous apparaît aujourd’hui un des devoirs du « bon gouvernement ». Historiquement, cela suppose une production exponentielle de l’écrit et un souci de sa conservation puisqu’il s’agit à tout instant de disposer des moyens documentaires de la connaissance des réalités administratives, fondement de la gestion au présent des affaires. Pourtant, dans la chancellerie angevine, organe fondamental du développement de cette culture administrative qui est autant une culture politique, il n’est pas du tout avéré que des archives ou des recueils d’enregistrement des actes scellés ont existé du temps de Louis Ier d’Anjou ; leur apparition a pu être plus tardive, comme c’est le cas en Bretagne où la registration ne remonte pas avant l’extrême fin du xive siècle70.
24Appréhender le fonctionnement technique de cette chancellerie et jauger sa production à la lumière du journal de Le Fèvre se heurte à deux obstacles, chronologiquement d’abord à cause de ses interruptions, on l’a évoqué, qualitativement ensuite du fait de la grande sécheresse des annotations par lesquelles il résume les actes scellés en quelques mots seulement. Au vu du nombre d’actes – appelés tour à tour lettre, instrument, commission, mandement, exécutoire, pouvoir, retenue ou certification – scellés, l’office devait être particulièrement lourd. Entre la fin de l’année 1384 et l’arrêt du journal en juin 1388, Le Fèvre a apposé un sceau sur près de 3 200 actes – 3 169 pour être précis, sous réserve d’une erreur de comptage de ma part (tabl.).
Tableau — Nombre d’actes scellés par mois sous Marie de Blois (1384-1388)
1384 | 1385 | 1386 | 1387 | 1388 | |
Janvier | — | 29 | 103 | — | 191 |
Février | — | 18 | 56 | — | 12 |
Mars | — | 44 | 88 | — | 61 |
Avril | — | — | 75 | — | 51 |
Mai | — | 20 | 21 | 101 | 36 |
Juin | — | 78 | 93 | 57 | 29 |
Juillet | — | 68 | 122 | 99 | — |
Août | — | 67 | 40 | 168 | — |
Septembre | — | 129 | 26 | 460 | — |
Octobre | — | 100 | 14 | 246 | — |
Novembre | 16 | 40 | — | 221 | — |
Décembre | 15 | 51 | — | 164 | — |
Total | 31 | 644 | 598 | 1516 | 380 |
25Le premier constat est l’extrême irrégularité du nombre d’actes. La polyvalence des fonctions de Le Fèvre l’explique parfois : en février 1385, il est à Paris où il s’active chaque jour à la cour royale71 ; avril est occupé par son voyage (deux semaines) vers la Provence et les négociations qu’il mène ensuite à la curie ; d’octobre 1386 à avril 1387, il a remis les sceaux à Marie pour un long périple en France. Dans d’autres cas, le chancelier est auprès d’elle et les creux témoignent alors d’une chancellerie qui tourne au ralenti : en 1385, on relève seulement 20 actes scellés (en neuf jours) en mai, 40 (en quatorze jours) en novembre et 51 (en dix-neuf jours) en décembre. À l’inverse, l’urgence politique entraîne de véritables pics de scellement : dans les derniers mois de l’année 1387, quand s’achève la guerre de l’Union d’Aix et qu’il faut complaire aux premiers soutiens, conforter les rebelles repentis ou acheter les derniers ralliements72, Le Fèvre scelle 927 actes entre septembre et novembre (soit plus de 300 par mois), parmi lesquels dominent les confirmations ou les concessions de biens, de droits, de pensions, d’offices et de bénéfices ecclésiastiques, en Provence comme dans le royaume de Naples – qui sont pour partie issus de confiscations symboliques opérées au détriment des ennemis. Si l’on passe de l’échelle mensuelle à celle journalière, les écarts sont encore plus prononcés et ils viennent confirmer l’importance de l’année 1387, qui concentre – pourtant en huit mois seulement couverts par le journal – près de la moitié (47,8 %) des actes passés entre les mains de Le Fèvre au cours de la période. À côté des nombreux jours où il ne scelle rien ou presque, on dénombre vingt-deux jours (dont dix-sept dans le second semestre 1387) avec entre 20 et 40 actes scellés quotidiennement ; il y a également six jours durant lesquels leur nombre dépasse les 40 : c’est le cas du dimanche 6 octobre 1387 (avec 43 scellements) ou de trois autres jours en fin de période avec une cinquantaine d’actes73. Le record est atteint le 5 septembre 1387 avec 70 actes et 74 autres cinq jours plus tard !
26On ignore la longueur moyenne de tous ces actes, mais le personnel recensé au service de Le Fèvre devait normalement suffire à les produire, d’autant qu’à l’occasion, le scellement concerne des instruments rédigés hors de la chancellerie74. Il faut néanmoins s’interroger sur le laps de temps écoulé entre la décision politique et sa transcription administrative, et aussi sur le délai éventuel entre la rédaction d’un écrit et son scellement. Le journal ne donne que quelques rares indices pour apprécier l’efficacité de la chancellerie. En 1384, quand le juge ordinaire d’Anjou prête serment à Angers entre les mains de Le Fèvre le 19 novembre, il « eust la lettre de son office de juge » dès le lendemain75 ; en revanche, le capitaine du château d’Angers qui « fist serement à Madame » le même jour dut attendre trois semaines pour avoir sa lettre scellée76. En 1385, Marie de Blois reçoit l’obéissance des habitants de Martigues le 30 avril, et ce n’est que le 4 mai qu’ils « eurent leur lettre […] de la promesse faite à eulz le dimenche devant77 ».
27L’implication personnelle du chancelier dans la chaîne de production est difficilement perceptible78. Responsable du bon usage des sceaux qu’il tient, il est par l’essence même de son office le garant de la validité des actes sortis de son bureau d’écriture. Le journal reste assez peu disert sur cette dimension pourtant essentielle de la pratique de l’écrit de chancellerie qui concerne aussi bien l’exactitude des titulatures, la justesse des formules ou la correction du vocabulaire utilisé par les scribes. Avant que la mort de Louis Ier d’Anjou ne soit connue à la cour, « Madame eust son conseil » le 1er octobre 1384 à Angers. Le Fèvre précise :
Deliberé fu : – Premier que les lettres de justice et aucunnes aultres seroient faites ou nom de monseigneur le roy Loys et sellées de son seel d’Anjou que il me laissa quant il s’en ala en Ytalie ; – Item que les lettres qui seront faites des choses passées en la presence de Madame la roynne seront ainsi signées : Par le roy, en la presence de la roynne en son conseil ; – Les lettres de justice qui par moy le chancelier seront passées en l’absence de Madame seront ainsi signées : Par le roy à la relacion de son conseil ; – Toutes les lettres qui passeront soubz le seel d’Anjou seront ainsi datées : Donné en tel lieu soubz nostre seel par nous ordenné et laissié pour le gouvernement de nos terres de France79.
28La minorité de Louis II et la régence de Marie ont changé les usages de la diplomatique. Le 5 mai 1385, donc assez tardivement, « fu deliberé sur la maniere d’escrire et fus conclu que en Prouvence les lettres se feront : Ludovicus rex…, de auctoritate et assensu domine Marie regine genitricis et gubernatricis… ». La papauté a particulièrement veillé sur le cas du Regno, État vassal dès sa création au xiie siècle, source de bien des difficultés depuis. Lors d’un conseil, le 8 mai 1385 en présence de deux cardinaux, « fu conclu que en escripsant en Provence elle escriproit en la maniere que elle escript en France comme bail et administraresse du roy son filz. Quand au Royaulme, fu faite difficulté pour ce que aultrefois les papes en ont eu le bail ou commis à leur voulenté quant le Royaulme cheoit en mineur d’aage ; si fu cest article reservé à plus grand conseil ». Dès le 20 mai, l’affaire était réglée : Clément VII, en consistoire, « decernoit le bail et le gouvernement du roy et du Royaulme à Madame80 ».
29Les usages scripturaires et de validation sont rarement décrits – tout comme l’examen par le chancelier des actes produits devant lui par des quémandeurs81 – alors qu’il fallait jongler avec des modes variables selon les territoires. Il scelle des lettres « en la forme acoustumée pour les Prouvenceaulx82 », et mentionne parfois des lettres « en forme commune83 ». Par moments, le travail des scribes n’est pourtant pas exempt d’erreurs. En 1382, Le Fèvre scelle des lettres de retenue de deux écuyers de Gênes comme « familiers » du prince ; mais le lendemain, il ajoute : « Je rompi [les] ii lettres pour ce que on y avoit adiousté conseillers84. » Interpolation quelque peu fâcheuse. En avril 1386, à l’heure des troubles de la guerre de l’Union d’Aix, les habitants de Sisteron font valoir au capitaine de la ville qu’ils « trouverent faulte en la date de la seurté que leur donnoient les genz d’armes, quar y avoit donné le xviii jour d’avril l’an iiiixx et v, et il devoit avoir l’an iiiixx et vi selonc la computacion de ce pays85 ». Erreur de comput cette fois : en Provence, le style est celui de l’Annonciation – changement de millésime le 25 mars – alors qu’en France est suivi le style de Pâques avec un changement de millésime au 22 avril en 1386.
30Qu’en est-il de la langue des écrits de cette chancellerie ? Pour faire simple, la question tourne autour du processus de vernacularisation des actes administratifs86. À partir du xiiie siècle, les bureaux d’écriture des Angevins ont eu le choix entre le latin et les vernaculaires en usage dans leurs différents territoires, oïl dans l’apanage, occitan en Provence. Pour la fin du xive siècle, à la condition que la langue utilisée par Le Fèvre pour résumer brièvement chaque acte soit bien celle de l’acte lui-même, le latin était utilisé dans les écritures destinées à la Provence et au Regno et le vernaculaire pour les terres de France – ce qui explique l’alternance totalement erratique des langues dans la source. Toutefois, au début du journal, quand il scelle depuis l’Anjou ou une région voisine, il lui arrive de résumer en français des lettres pour la Provence ; en revanche, quel que soit le lieu de son émission, la production destinée à l’apanage est toujours registrée en français. Quoi qu’il en soit, dans les années 1380, le choix du vernaculaire ou du latin pour des actes de même nature découle d’une pratique alors déjà bien ancrée dans le passé.
31En Provence, hors de la littérature, on sait que la langue occitane était en usage dans les écritures privées ou les archives municipales au xive siècle, et le vernaculaire s’imposa bientôt aussi dans les chapitres des assemblées d’états87. En revanche, fort de la tradition sicilienne et frédéricienne88, le latin est resté prédominant comme langue de gouvernement et les grandes ordonnances des premiers comtes-rois (notamment celle de la chancellerie en 1310 par Robert Ier) l’ont maintenu durablement dans cette situation jusqu’au rattachement de la Provence à la France à la fin du xve siècle. Michel Hébert a proposé d’y voir la marque de princes qui n’étaient pas des Provençaux, mais des Français « napolétanisés » (1246-1382) et ensuite des Français tout court (1382-1481) qui « ne partag[ai]ent pas un commun vernaculaire avec leurs sujets ». L’essor d’écritures en langue d’oïl que l’on a pu observer dans la chancellerie de Sicile à partir de 1277 contraste donc avec l’absence du vernaculaire dans les actes royaux de l’aire provençale89, mais ce mouvement de courte durée déclina dès le règne de Charles II.
32En Anjou et dans le Maine, le vernaculaire s’est imposé comme langue des actes dès Charles Ier, et ce quel que soit le lieu de leur émission. Le montrent, par exemple en 1279, les confirmations depuis Angers par le futur Charles II, alors prince de Salerne, des mesures de police prises par son père sur le commerce et la qualité des denrées alimentaires90. La vernacularisation des actes s’observe donc précocement, et ce même lorsqu’ils sont adressés à des établissements ecclésiastiques. En 1290, lorsque Maine et Anjou sont apportés en dot par Marguerite – fille de Charles II – à son mari Charles de Valois, la domination du vernaculaire dans la diplomatique en sortit encore renforcée et la constitution de l’apanage au profit d’un « fils de roi » issu des Valois au milieu du xive siècle n’a jamais remis en cause cet état de fait comme le montrent le journal de Jean Le Fèvre pour la fin de ce siècle et les actes conservés pour le siècle suivant.
*
33La problématique de l’imitatio regis, soit la reprise des formes d’organisation de l’institution et la captation des usages et des styles de la chancellerie royale par celles des princes, notamment des ducs issus de la dynastie des Valois, a longtemps prévalu dans leur étude91, comme d’ailleurs dans celle de leurs Chambres des comptes. La chancellerie d’Anjou-Provence telle qu’on l’entrevoit dans le journal de Jean Le Fèvre paraît bien présenter cette perméabilité, mais seule la poursuite de l’enquête saurait l’affirmer plus avant. Deux pistes de recherche au moins devraient être prometteuses : l’étude des hommes, et celle des actes.
34L’étroitesse des liens entre la cour royale et la cour angevine a suscité une circulation des hommes entre elles, à commencer d’ailleurs par Le Fèvre lui-même. Une étude prosopographique comparée de tout ce personnel pourrait permettre de mesurer l’ampleur de cette mobilité des serviteurs qui a pu soutenir celle des pratiques d’écriture, à condition qu’existât une « communauté textuelle » des gens de chancellerie. En deuxième lieu, le repérage dans les dépôts d’archives et l’analyse systématique des actes sortis de la chancellerie angevine permettraient cette fois d’envisager ce qu’elle emprunte au modèle royal sur le terrain de la diplomatique. Je pense en particulier aux lettres de rémission. À l’instar d’autres princes (Bourbon, Bourgogne, Bretagne…)92, les Angevins ont usé de la grâce pour s’affirmer au sein de leurs différents territoires93. Dans le journal de Le Fèvre, on relève ainsi une bonne soixantaine de rémissions scellées par le chancelier en faveur d’individus ou de communautés d’habitants coupables de « crime de larrecin » ou d’homicide, et surtout de rébellion par adhésion à la cause des Anjou-Duras de Naples et de crimen lese majestatis. La nature des crimes explique la concentration des lettres entre 1385 et 1387 (la moitié date là aussi du seul second semestre 1387). L’étude des stratégies discursives – on sait que le règne de Charles VI coïncide par exemple avec une nette amplification du narré des crimes – et du vocabulaire de la grâce de ces rémissions devrait servir à appréhender l’influence du modèle royal et l’éventuel degré de servilité des actes de la chancellerie angevine par rapport à lui.
Annexe
Seings manuels de secrétaires et de notaires de la chancellerie (Paris, BnF, ms. fr. 5015)
Figure 1 — Jacques Biderel, secrétaire (22 août 1381 ? fol. 2)

Figure 2a — Guillaume Le Tort, secrétaire (2 octobre 1384, fol. 25)

Figure 2b — Gilet Buynart, secrétaire (2 octobre 1384)

Figure 2c — Pierre Bricoan, notaire (2 octobre 1384, fol. 25)

Figure 3 — Michel de La Croix, secrétaire (5 octobre 1384, fol. 25v)

Figure 4a — Jean de Vaulx, notaire (9 octobre 1384, fol. 26)

Figure 4b — Jean de Vaulx le jeune, notaire (30 novembre 1384)

Figure 5 — Olivier Du Solier, secrétaire (13 décembre 1384, fol. 26v)

Figure 6 — Pierre Le Bégut, secrétaire (4 mars 1389, fol. 29)

Notes de bas de page
1 En dernier lieu, je me permets de renvoyer à Jean-Michel Matz, « La reine Jeanne Ire de Naples, le pape Clément VII et l’adoption de Louis Ier d’Anjou », Schola salernitana. Annali, 19, 2014, p. 41-58.
2 Charles-Jean Beautemps-Beaupré, Coutumes et institutions de l’Anjou et du Maine antérieures au xvie siècle. I : Coutumes et styles, Paris, Durand et Pedone-Lauriel, 1877-1883, t. 1, p. 536.
3 Michel Le Mené, « La chambre des comptes d’Anjou et les libéralités princières », dans Philippe Contamine, Olivier Mattéoni (dir.), La France des principautés. Les Chambres des comptes aux xive et xve siècles, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1996, p. 43-54 ; Justine Moreno, Les officiers de la chambre des comptes d’Angers (1397-1424). Étude prosopographique d’après le premier « Journal » de l’institution, mémoire de master 2, dir. Jean-Michel Matz, université d’Angers, 2015, résumé (sous le même titre), Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 123/1, 2016, p. 55-84.
4 Guido Castelnuovo, Olivier Mattéoni (dir.), « De part et d’autre des Alpes » (II). Chancelleries et chanceliers des princes à la fin du Moyen Âge, Chambéry, université de Savoie, 2011, p. 10.
5 Christian de Mérindol, Le roi René et la seconde maison d’Anjou. Emblématique, art, histoire, Paris, Léopard d’or, 1987, p. 11, et catalogue, p. IX, no 2.
6 Guillaume de Chanac († 1383), abbé bénédictin de Saumur (1354-1368), évêque de Chartres (1368-1371) puis de Mende (1371), nommé cardinal cette même année par son cousin Grégoire XI ; il remplit l’office de chancelier de Louis Ier entre 1354 et 1360, et peut-être en 1371 ; il assura aussi un intérim de juillet 1382 à mars 1383 (voir infra), avant de mourir en Avignon le 30 décembre : Pierre Jugie, Le Sacré Collège et les cardinaux de la mort de Benoît XII à la mort de Grégoire XI (1342-1378), thèse de doctorat, dir. Claude Gauvard, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2010, t. 2, p. 277-285.
7 Isabelle Mathieu, « Des hommes au service des princes : les grands officiers en Anjou et dans le Maine à la fin du Moyen Âge », dans Riccardo Rao (dir.), Les grands officiers dans les territoires angevins. Actes du colloque international (Bergame, 2013), Rome, École française de Rome (Collection de l’École française de Rome, 518/1), 2016, p. 207-235, http://0-books-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/efr/3017.
8 André Walckenaer, Louis Ier, duc d’Anjou, lieutenant général en Languedoc (1364-1380), thèse de l’École des chartes, 1890. La veuve de Pointeau entreprit des démarches contre ses meurtriers : Documents inédits pour servir à l’histoire du Maine au xive siècle, éd. Arthur Bertrand de Broussillon, Le Mans, s. n. (Archives historiques du Maine, V), 1905, no 233 (p. 245, août 1380) et no 245 (p. 264, juin 1381).
9 Andreas Kieswetter, « La cancellaria angioina », dans L’État angevin. Pouvoir, culture et société entre xiiie et xive siècle. Actes du colloque international (Rome-Naples, 1995), Rome, École française de Rome (Collection de l’École française de Rome, 245), 1998, p. 361-400. Stefano Palmieri, La cancellaria del regno di Sicilia in età angioina, Naples, Giannini, 2006 ; Stefano Palmieri, « La chancellerie angevine de Sicile au temps de Charles Ier (1266-1285) », et Valentina Niola, « Les formulaires de la chancellerie angevine de Charles Ier à Jeanne Ire », Rives nord-méditerranéennes, 28, 2007, respectivement p. 45-55 et 57-90. Une exception tardive pour la seconde maison d’Anjou : un court registre de la chancellerie de René d’Anjou est conservé (AN, P 13343, pièce 11, 1471-1472).
10 Christophe Masson, Des guerres en Italie avant les Guerres d’Italie. Les entreprises militaires françaises dans la péninsule à l’époque du Grand Schisme d’Occident, Rome, École française de Rome (Collection de l’École française de Rome, 495), 2014.
11 Pour sa biographie : Alfred Coville, La vie intellectuelle dans les domaines d’Anjou-Provence de 1380 à 1435, Paris, Droz, 1941, p. 95-139 ; Jean-Michel Matz, « Un grand officier des princes angevins à la fin du xive siècle : le chancelier Jean Le Fèvre d’après son journal », Provence historique, 64, 2014, Mélanges en l’honneur de Jean-Paul Boyer, p. 313-325.
12 Texte du traité : Paris, BnF, ms. lat. 1469 ; cité par Noël Valois, La France et le Grand Schisme d’Occident, Paris, Picard, 1896-1902, t. 1, p. 127, et récemment édité par Alessandro Fabbri, All’indomani del Grande Scisma d’Occidente. Jean Le Fèvre, canonista al servizio dei Valois e il trattato De planctu bonorum in riposta a Giovanni da Legnano, Florence, EDIFIR, 2013.
13 Trois longues interruptions sont à relever : du 26 juillet 1382 au 24 février 1383 (ambassade en Flandre), du 6 mai au 16 octobre 1383, et surtout entre le 29 novembre 1383 et le 30 septembre 1384 (missions dans la péninsule Ibérique, en France et en Avignon).
14 Une longue interruption seulement : 10 octobre 1386 au 2 mai 1387.
15 Dans une perspective d’histoire politique : Marion Chaigne-Legouy, « “Pays de par deçà, pays de par delà”. Les relations entre Angevins et Napolitains sous le regard de Jean Le Fèvre, chancelier de la seconde Maison d’Anjou (1380-1388) », dans Ilaria Taddei, Anne Lemonde (dir.), Construction et circulation des idées et des pratiques politiques. France-Italie (xiiie siècle-xvie siècle), Rome, École française de Rome (Collection de l’École française de Rome, 478), 2013, p. 148-186 ; Jean-Michel Matz, « Princesse au pouvoir, femme de pouvoir ? L’action politique de Marie de Blois d’après le journal de Jean Le Fèvre (1383-1388) », Mélanges de l’École française de Rome. Moyen Âge, 129/2, 2017, p. 379-391, dans le dossier collectif rassemblé par Marie-Madeleine de Cevins, Gergely Kiss et Jean-Michel Matz (éd.), Les princesses angevines. Femmes, identité et patrimoine dynastiques, p. 263-410.
16 Journal de Jean Le Fèvre, évêque de Chartres, chancelier des rois de Sicile Louis Ier et Louis II d’Anjou, éd. Henri Moranvillé, Paris, Picard, 1887, cité désormais JJLF.
17 Paris, BnF, ms. fr. 5015. Une nouvelle édition est en préparation par une équipe sous l’égide de Michel Hébert (UQAM, Montréal) et de moi-même, à paraître aux PUR en 2019, avec la version cette fois intégrale du journal, un ensemble de chapitres analytiques, et un index exhaustif qui fait tant défaut à l’heure actuelle.
18 Je laisse de côté l’aspect financier du fonctionnement, étudié par ailleurs : Jean-Michel Matz, « Le fonctionnement financier de la chancellerie des ducs d’Anjou-Provence d’après le Journal de Jean Le Fèvre (1381-1388) », dans Serena Morelli (dir.), Périphéries financières angevines. Institutions et pratiques de l’administration de territoires composites (xiiie-xve siècle). Actes du colloque ANR Europange (Naples-Capoue, 2014), Rome, École française de Rome (Collection de l’École française de Rome, 518/2), 2018, p. 56-67.
19 Sur ce personnage clé de la cour angevine, omniprésent dans le journal, Hélène Millet, « Biographie d’un évêque rescapé de la méthode prosopographique : Jean de Sains, officier des ducs d’Anjou et secrétaire de Charles VI », dans Penser le pouvoir au Moyen Âge (viiie-xve siècle). Études d’histoire et de littérature offertes à Françoise Autrand, textes réunis par Dominique Boutet et Jacques Verger, Paris, ENS Éditions, 2000, p. 181-209.
20 Sceau décrit par Christian de Mérindol, Le roi René…, op. cit., p. 230 : sceau en pied, le duc debout dans une niche gothique, la tête ceinte d’un bandeau, vêtu d’un manteau tenant sceptre fleuronné dans sa main droite, à gauche et à droite avec une aigle posée sur une colonnette.
21 JJLF, p. 1-2.
22 JJLF, p. 41.
23 JJLF, p. 46.
24 JJLF, p. 56.
25 JJLF, p. 57-58, 60 et 67 pour les trois extraits successifs.
26 JJLF, p. 274 (et p. 277, recouvrement des sceaux à son retour un mois plus tard).
27 JJLF, p. 321, 323, 340, et p. 357 et 359 pour une mission à la curie en juin 1387.
28 Christian de Mérindol, Le roi René…, op. cit., p. 231 : écu rond, posé sur un soleil au centre d’un cercle étoilé et embrassé par quatre bustes d’anges aux bras étendus, avec pour légende S. MARIE. DEI. GRA. REGINE IERLM ET SICILIE DUCATUS : APULIE : PRINCIPATUS : CAPUE : DUCISSE : ANDEGAVIE ET TURONIE COMITISSE PROVINCIE CENOM ET PEDEMONTIS.
29 JJLF, p. 181, il scelle « du seel de Madame et du seel du roy [Louis II] au title du duché de Calabre » ; à son retour, le 4 juin 1386, il écrit : « Elle me rendi les seaulx en disant que de celui de Calabre on ne useroit plus et que je le povoie bien faire fondre » (p. 277).
30 JJLF, p. 108, 189 (pour deux « lettres missibles de Madame ») ou p. 319 (pour des trêves).
31 JJLF, p. 96, 178 et 520. Christian de Mérindol, Le roi René…, op. cit., p. 230 : ce sceau secret est un « M » gothique couronné, tenu par deux anges, avec pour légende, en français, S. SECRET MARIE ROYNE… DU ROYAU…
32 JJLF, p. 527. Ce signet est semblable au sceau secret, mais sans les anges.
33 JJLF, p. 77 et 151. Sur Jean Le Bégut, parent de Pierre Le Bégut (voir note 59), Jean-Michel Matz, François Comte, Répertoire prosopographique des évêques, dignitaires et chanoines des diocèses de France de 1200 à 1500. VII : Angers, Turnhout, Brepols (Fasti Ecclesiae Gallicanae), 2003 [cité désormais Matz-Comte, FEG VII], no 170, p. 264, et Jean-Michel Matz, « Le chapitre cathédral d’Angers et le service du prince. Formation intellectuelle et pratiques culturelles des chanoines officiers des ducs d’Anjou (milieu xive-fin xve siècle) », dans Isabelle Mathieu, Jean-Michel Matz (dir.), Formations et cultures des officiers et de l’entourage des princes dans les territoires angevins (milieu xiiie-fin xve siècle). Actes du colloque ANR Europange (Angers, 2015), Rome, École française de Rome (Collection de l’École française de Rome, 518/3), à paraître.
34 JJLF, p. 123 ; l’abbé de Saint-Aubin d’Angers Jean de La Péruse (1376-1385) est un des conseillers influents des ducs d’Anjou, tout comme son successeur Thibaud Ruffier (1386-1412), pilier de la chambre des comptes d’Angers : Justine Moreno, Les officiers de la chambre des comptes…, op. cit.
35 JJLF, p. 67 (19 novembre 1384, jour également du serment de Le Fèvre), quand Marie de Blois retient un nouveau juge ordinaire d’Anjou et du Maine, il écrit : « Je prins le serement de li sur les sains Ewangiles de loialment conseiller, des drois de Madame soustenir, de bonne justice faire, non decliner de justice ne pour faveur ne pour haine, et de non prendre dons corrumpables. »
36 Olivier Guyotjeannin, « Conclusion », dans Guido Castelnuovo, Olivier Mattéoni (dir.), « De part et d’autre des Alpes » (II)…, op. cit., p. 288.
37 JJLF, p. 16, 81, 109, 140, 170, 198, 242…
38 Alfred Coville, La vie intellectuelle…, op. cit., p. 109-110, et 120.
39 Outre les nombreuses mentions de parole publique dans le journal, voir Édouard Perroy, « Un discours de Jean Le Fèvre, abbé de Saint-Waast d’Arras et conseiller de Charles V (8 décembre 1376) », Mémoires de l’Académie d’Arras, 4/2, 1941-1944, p. 81-90 (discours à la curie d’Avignon contre le retour à Rome de Grégoire XI).
40 L’expression est reprise de Werner et Anke Paravicini, « L’arsenal intellectuel d’un homme de pouvoir. Les livres de Guillaume Hugonet, chancelier de Bourgogne », dans Penser le pouvoir…, op. cit., p. 261-325 ; le chancelier du Téméraire possédait une centaine de volumes (un tiers de droit, un tiers relatifs à la morale et à la religion).
41 AD Eure, G 2 (codicille).
42 Guido Castelnuovo, Olivier Mattéoni, « Introduction », dans Guido Castelnuovo, Olivier Mattéoni (dir.), « De part et d’autre des Alpes » (II)…, op. cit., p. 10.
43 François Comte, « Les lieux du pouvoir ducal à Angers au xve siècle », dans Jean-Michel Matz, Noël-Yves Tonnerre (dir.), René d’Anjou (1409-1480). Pouvoirs et gouvernement. Actes du colloque international d’Angers (2009), Rennes, PUR, 2011, p. 163-194, ici p. 166.
44 JJLF, p. 408.
45 JJLF, p. 55, et p. 93-94 (gages annuels de 50 l.t.) ; voir Jean Richard, « La Chancellerie des ducs de Bourgogne de la fin du xiie au début du xve siècle », dans Landesherrliche Kanzleien im Spätmittelalter. Referate zum VI. Internationalen Kongress für Diplomatik (München, 1983), Munich, Bei der Arbeo-Gesellschaft (Münchener Beiträge zur Mediävistik und Renaissance-Forschung, 35), 1984, p. 379-413, ici p. 389.
46 Pierre Cockshaw, Le personnel de la chancellerie de Bourgogne-Flandre sous les ducs de Bourgogne de la maison de Valois (1384-1477), Courtrai/Heule, UGA (Anciens pays et assemblées d’états, 79), 1982, p. 80-82.
47 René Lacour, Le gouvernement de l’apanage de Jean, duc de Berry (1360-1416), Paris, Picard, 1934, p. 166-168.
48 BnF, ms. fr. 5015, fol. 2. Une variante dans la nomination du notaire Jean Fagot (fol. 5, 18 décembre 1381 à Paris), où on peut lire : « en tel cas acoustumé et son saing dont il vouldra user, vous l’enregistrez ou faites enregistrer es livres et papiers de notre dicte chancelerie et desdiz droiz… ».
49 En fait quarante, mais deux font explicitement référence à une affectation hors de la chancellerie : Pons Rolland (originaire d’Alençon) à la cour royale d’Aix (fol. 28, 9 novembre 1387), Guillaume Verdon (d’Aix) comme notaire public (fol. 28v, le lendemain).
50 Olivier Mattéoni, « Écriture et pouvoir princier. La chancellerie de Louis II de Bourbon (1356-1410) », dans Guido Castelnuovo, Olivier Mattéoni (dir.), « De part et d’autre des Alpes » (II)…, op. cit., p. 137-178, ici p. 149.
51 Diocèses : Auxerre, Le Mans, Maillezais, Rennes, Tours, Tréguier et Verdun ; villes : Marseille et Nice.
52 BnF, ms. fr. 5015, fol. 26v (reçu le 7 mars 1385) ; JJLF, p. 93, et p. 274 (où il délivre 360 francs de gages à Le Fèvre).
53 Justine Moreno, Les officiers de la chambre des comptes…, op. cit., qui exploite le premier journal de cette institution (AN, P 13344, 1397-1424).
54 BnF, ms. fr. 5015, fol. 25 ; JJLF, p. 84 ; AN, P 13344, fol. 29v, 35 et 150 pour ses promotions, avec 258 occurrences ou signatures dans le journal entre 1397 et sa mort en 1424.
55 BnF, ms. fr. 5015, fol. 25 ; JJLF, p. 127 ; AN, P 13344, fol. 31v, 81v, 83 et 121v, avec 209 occurrences ou signatures entre 1412 et l’arrêt de la source en 1424.
56 BnF, ms. fr. 5015, fol. 25v ; AN, P 13344, avec 35 occurrences ou signatures.
57 BnF, ms. fr. 5015, fol. 26v ; JJLF, p. 78, chargé par la reine en décembre 1384, soit avant son serment au chancelier le mois suivant, d’aller quérir les sceaux des Grands Jours d’Anjou ; AN, P 13344, fol. 25 (comme conseiller), avec 117 occurrences ou signatures entre 1397 et 1407.
58 BnF, ms. fr. 5015, fol. 29v ; Recueil des historiens de la France. Pouillés. III : Pouillés de la province de Tours, éd. Auguste Longnon, Paris, Picard, 1903, p. 208 et 216.
59 BnF, ms. fr. 5015, fol. 29 ; JJLF, p. 215 ; Matz-Comte, FEG VII, no 219, p. 308. Parent de Jean Le Bégut, autre serviteur (voir supra, note 33).
60 Solier : BnF, ms. fr. 5015, fol. 26v ; Matz-Comte, FEG VII, no 215, p. 307 ; en 1385, il reçoit une prébende de la collégiale ducale Saint-Martin d’Angers par Marie de Blois (JJLF, p. 191). Porcher : BnF, ms. fr. 5015, fol. 29v ; Matz-Comte, FEG VII, no 310, p. 286.
61 Alfred Coville, La vie intellectuelle…, op. cit., p. 134-136, que je complète par d’autres sources.
62 BnF, ms. fr. 5015, fol. 25 : Istum est signum manuale mei Guillemi dicti Le Tort regine Jherusalem et Sicilie secretarii. Actum anno, mense et die quibus supra. Die subscripta recepi juramentum dicti Guillelmi. Johannes episcopus Carnotensis. On note le caractère très laconique de cette notice en regard de ce que l’on sait de lui.
63 Heinrich Denifle, Émile Châtelain, Chartularium Universitatis Parisiensis, Paris, Delalain, 1894, t. 3, p. 268.
64 Dans l’ordre de citation des bénéfices : Archivio Segreto Vaticano, Reg. Aven. 240, fol. 501 ; JJLF, p. 356, 383 ; BM Angers, ms. 768 (687), et ms. 770 (689), fol. 1, 3, 6 et 7v.
65 Joseph-Hyacinthe Albanès, Gallia Christiana novissima, t. 2 (« Marseille. Évêques, prévôts, statuts »), Valence, Imprimerie valentinoise, 1899, a rassemblé une trentaine de documents sur Le Tort (col. 386-395, no 625 à 652).
66 JJLF, p. 32 (Aymard de La Voute, reçu conseiller en 1382).
67 Joseph-Hyacinthe Albanès, Gallia Christiana novissima…, op. cit., no 628.
68 JJLF, p. 351 (31 mai 1387).
69 JJLF, p. 377 (il a passé deux mois en prison).
70 Jean Kerhervé, « Les registres des lettres scellées à la chancellerie de Bretagne sous le règne du duc François II (1458-1488) », dans Kouky Fianu, DeLloyd J. Guth (dir.), Écrit et pouvoir dans les chancelleries médiévales : espace français, espace anglais. Actes du colloque international (Montréal, 1995), Louvain-la-Neuve, Fédération internationale des instituts d’études médiévales (Textes et études du Moyen Âge, 6), 1997, p. 153-203, ici p. 155-156, qui note que les registres de la première moitié du xve siècle avaient déjà disparu.
71 Sur l’ensemble du mois, il ne scelle que trois jours (dont 16 actes sur les 18 le 21 février).
72 Voir Geneviève Xhayet, « Partisans et adversaires de Louis d’Anjou pendant la guerre de l’Union d’Aix », Provence historique, 40, 1990, p. 403-427, et Amedeo Miceli di Serradileo, « Concessioni di cariche ed uffici nel Regno di Napoli fatte da Marie de Blois, vedova di Luigi I d’Angiò, negli anni 1385-1388 a cavalieri ed altri suoi fideli durante la minore eta’del figlio Luigi II d’Angiò », Araldica calabrese, 5, 2005, p. 97-106.
73 Il y a 50 actes le dimanche 26 janvier 1388, 51 le 27 septembre 1387 et 52 le 15 octobre 1387.
74 Le 10 août 1386, il scelle une lettre pour « l’université du chastel de Saint Remi » par laquelle Marie de Blois la place dans son domaine en spoliant le vicomte de Turenne : « Cest lettre me fut envoiée signée et mande [Madame] que je seellasse et envoiasse en Arle à messire Raymon Bernard, et je le fis » (JJLF, p. 309).
75 JJLF, p. 67-68 ; il ajoute : « Et dont je me merveillé, il a povoir de composer en cas de crime. »
76 JJLF, p. 69 (20 novembre) et p. 74 (10 décembre).
77 JJLF, p. 104-105.
78 JJLF, quelques détails donnés : p. 108, en mai 1385 (« Par l’ordenance de Madame je dicté les lettres… », et « je fis copier l’infeudacion… ») ; p. 439 : « Ce jour Madame en la chambre du pape, nommée la chambre du Cerf, me commanda, present le pape et le chamberlan, que je feisse faire lettres à messire George [de Marle] pour l’office de seneschal de Prouvence, lequel à la requeste du pape li a ottroié » (10 octobre 1387).
79 JJLF, p. 54-55.
80 JJLF, p. 106-107 et p. 110 pour les citations de ce paragraphe.
81 JJLF, p. 201 (deux actes « estoient comme je croy truffés, quar il n’avoit seel authentique quelconque »), p. 203 (au sujet d’un homme venu de Naples avec une lettre de François des Baux, « je tenoie que c’estoit tromperie, je fis le varlet mettre en prison »), p. 328 et 470 (dubitabamus de fraude).
82 JJLF, p. 37 (11, 16 et 17 mai 1382).
83 JJLF, p. 402 (septembre 1387), p. 512-514 (mars 1388).
84 JJLF, p. 36-37 (17 et 18 mai). Sur cet usage, voir Hubert Nelis, « Lettres cassées de la chancellerie de Bourgogne », Revue belge de philologie et d’histoire, 6, 1927, p. 757-775.
85 JJLF, p. 268.
86 Olivier Guyotjeannin (éd.), La langue des actes. Actes du 11e congrès international de diplomatique (Troyes, 2003), http://elec.enc.sorbonne.fr ; Henri Bresc, Benoît Grévin (éd.), La résistible ascension des vulgaires. Contacts entre latin et langues vulgaires au bas Moyen Âge. Actes de la journée d’études (Paris X-Nanterre, 2003), Mélanges de l’École française de Rome. Moyen Âge, 117/2, 2005, p. 447-718, ; Thomas Brunner, « Le passage aux langues vernaculaires dans les actes de la pratique en Occident », Le Moyen Âge, 115, 2009, p. 29-72.
87 Michel Hébert, « Latin et vernaculaire : quelles langues écrit-on en Provence à la fin du Moyen Âge ? », Provence historique, 47, 1997, p. 281-299.
88 Voir notamment Henri Bresc, « L’héritage frédéricien en Sicile (1250-1350) », Memini. Travaux et documents, 19-20, 2016, http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/memini/816.
89 Alain de Boüard (éd.), Documents en français des archives angevines de Naples (règne de Charles Ier), Paris, De Boccard, 1933-1935, 2 vol.
90 Texte connu par l’amplification de ces mesures en 1329 par le roi Philippe VI de Valois, comte d’Anjou et du Maine – à la suite de son père Charles de Valois –, avant son avènement sur le trône : Ordonnances des rois de France de la troisième race, Paris, Imprimerie royale, 1729, t. 2, p. 30-34 (à partir du Trésor des chartes : Archives nationales, JJ 66, fol. 41v-42v) ; l’acte mentionne le « sellee monseigneur le roy de Jerusalem et de Sezile, duquel l’en use en Anjou ».
91 Serge Lusignan, La langue des rois au Moyen Âge. Le français en France et en Angleterre, Paris, PUF, 2004.
92 Olivier Mattéoni, « Les ducs de Bourbon et la grâce. Les lettres de rémission de Louis II (2nde moitié du xive-début du xve siècle) », dans Julie Claustre, Olivier Mattéoni, Nicolas Offenstadt (dir.), Un Moyen Âge pour aujourd’hui. Mélanges offerts à Claude Gauvard, Paris, PUF, 2010, p. 128-136 ; Rudi Beaulant, « Du gouvernement de l’individu au gouvernement des hommes. Les normes politiques dans les lettres de rémission des ducs de Bourgogne », dans Gouverner les hommes, gouverner les âmes. Actes du 46e congrès de la SHMESP (Montpellier, 2015), Paris, Publications de la Sorbonne, 2016, p. 301-312 ; Jean-Christophe Cassard, « La grâce du duc. Remède à la violence ou affirmation de la souveraineté ? », Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de la Bretagne, 72, 1995, p. 31-61.
93 Ainsi le petit-fils de René d’Anjou en Lorraine : Les lettres de rémission du duc de Lorraine René II (1473-1508), éd. Pierre Pégeot, Turnhout, Brepols (ARTEM, 17), 2013 (édition de 324 lettres, en moyen français).
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