‘Abd al-Malik, Muḥammad et le Jugement dernier : le dôme du Rocher comme expression d’une orthodoxie islamique
Abd Al-Malik, Mohammed and the Last Judgment: The Dome of the Rock as Expression of an Islamic Orthodoxy
p. 341-365
Résumés
Le sens donné au dôme du Rocher, à Jérusalem, lors de sa construction à la fin du viie siècle, est brouillé par les multiples strates d’interprétations postérieures. En replaçant l’édifice dans son contexte épigraphique, architectural et historique, cet article propose qu’il constituait à l’origine une profession de foi monumentale, notamment destinée à proclamer le rôle d’intercesseur que jouera le prophète Muḥammad au jour de la résurrection. Le site du Ḥaram al-Sharīf se présentait comme la scène du jugement dernier ; le dôme de la Chaîne figurait le tribunal divin, devant lequel les défunts devront se présenter avant d’entrer au paradis, représenté par le dôme du Rocher. Le discours théologique tenu par le complexe monumental doit être lu dans le contexte de la guerre civile qui opposa les musulmans dans les années 680, et qui poussa les prétendants au pouvoir à développer une rhétorique religieuse leur permettant de se présenter comme les seuls souverains légitimes, promoteurs d’un dogme distinct de celui des autres religions – en particulier le christianisme –, et capables de conduire les musulmans au salut éternel.
The meaning given to the Dome of the Rock when it was built at the end of the 7th century has been clouded over by successive strata of later interpretations. By putting this edifice in its epigraphic, architectural and historic contexts, this article suggests that originally the building stood for a monumental profession of faith destined in particular to proclaim the role of the prophet Mohammed as intercessor on the day of the Resurrection. The site of Haram al Sharif was to be the setting of the Last Judgment: The Dome of the Chain was to be the Divine Court before which the dead were to appear before entering Paradise, represented by the Dome of the Rock. The theological discourse represented by this monumental complex must be read in the context of the civil war between Muslims in the 680s, and which resulted in the fact that claimants to power developed a religious rhetoric that enabled them to claim to be the only legitimate sovereigns who defended a distinct dogma which was different from other religions—in particular Christianity—and was capable of leading the Muslims to eternal salvation.
Texte intégral
1Le dôme du Rocher, plus ancien monument érigé par les musulmans, garde jusqu’à aujourd’hui une grande part de son mystère. La seule certitude est qu’il fut bâti à Jérusalem à la fin du viie siècle, sous le califat de l’Omeyyade ‘Abd al-Malik (r. 65-86/684-705), et terminé en 72/691-692 si l’on se fie à l’inscription de fondation1. Mais quel message le Dôme était-il supposé transmettre, et à l’intention de quels destinataires ? Plusieurs historiens et historiens de l’art ont tenté de répondre à cette question. Selon l’interprétation la plus communément acceptée, celle d’Oleg Grabar, le dôme du Rocher serait l’expression politique de la victoire de l’islam sur les autres religions monothéistes2. Une explication concurrente, proposée par Myriam Rosen-Ayalon, voit au contraire une signification purement eschatologique au Dôme, qui figurerait le Paradis et les espoirs de résurrection entretenus par les musulmans3. Cette interprétation, longtemps négligée, a fini par être partiellement reprise par Grabar lui-même dans ses derniers écrits sur le dôme du Rocher4. Pourtant la méthode sur laquelle elle repose demeure insatisfaisante, car Rosen-Ayalon se fonde presque exclusivement sur le décor intérieur du Dôme, fait de mosaïques et de marbres, au détriment des autres sources.
2Depuis, Raya Shani a tenté de réconcilier les deux approches, en insistant notamment sur les références salomoniennes du Dôme, qui exprimerait la réalisation du dessein divin sur terre – l’établissement du royaume de Dieu, dans un contexte de polémiques avec les chrétiens, et la restauration du Temple. Shani s’appuie sur les inscriptions du Dôme pour souligner l’importance des motifs eschatologiques, sans toutefois procéder à une analyse complète de ces inscriptions5. Amikam Elad la rejoint sur bien des points, concluant à une symbolique eschatologique du dôme du Rocher, sans toutefois proposer de conclusion sur ce que le monument commémore6. De son côté, Andreas Kaplony a entrepris de réunir l’ensemble des sources textuelles relatives au Ḥaram al-Sharīf, les reclassant par périodes et produisant ainsi un des travaux les plus exhaustifs sur le sujet. La plupart des sources qu’il utilise sont cependant difficilement datables. Kaplony met en évidence le caractère hautement sacré du site depuis le viie siècle, sans toutefois parvenir à dégager le sens originel de son aménagement par les musulmans7. La tentative d’archéologie textuelle la plus aboutie, menée par Josef Van Ess, concerne moins le monument que le rocher lui-même. Van Ess avance que ‘Abd al-Malik associait sans doute ce dernier à l’endroit où Dieu se tenait après la création avant de monter au ciel, reprenant en cela une tradition locale. Mais les récits sur lesquels il se fonde sont, de son propre aveu, difficiles à dater avec précision ; ils portent en outre la marque de polémiques théologiques (dénonciation de l’anthropomorphisme du calife) et de rivalités entre pôles de piété régionaux (Syriens vs Hedjaziens)8.
3Les historiens se sont jusqu’ici heurtés à l’impossible réconciliation des sources. Tributaires de l’étude des formes, les historiens de l’art tels Grabar et Rosen-Ayalon ont poussé très loin l’interprétation, parfois au prix de spéculations. Les historiens des textes, de leur côté, sont confrontés à l’accumulation de strates d’interprétations médiévales qu’il est malaisé de démêler. Gülru Necipoğlu montre que le dôme du Rocher se présente comme un « palimpseste9 ». Non seulement le site du Ḥaram al-Sharīf, mais également ses monuments individuels, firent l’objet de multiples réinterprétations symboliques depuis l’Antiquité tardive. Or la plupart des études contemporaines tendent à mélanger les strates et à y ajouter une couche herméneutique supplémentaire ; focalisées sur le dôme du Rocher, elles peinent par ailleurs à considérer le monument comme une partie d’un complexe plus large.
4Mon objectif est ici de déterminer, autant que possible, quel sens ‘Abd al-Malik voulut donner au complexe monumental – considéré dans son intégralité – qu’il érigea sur l’esplanade de l’ancien temple, et quel message il entendit diffuser par ce biais. Un tel objectif ne peut être atteint qu’en distinguant ce qui relève de la signification du site de celle des monuments qui y furent édifiés. Les deux aspects sont étroitement liés, le sens donné au mont du Temple ayant sans nul doute justifié son aménagement. Néanmoins la vision que les hommes de la fin du viie siècle avaient du site demeure floue faute de sources contemporaines, alors qu’une partie au moins de la signification originelle du complexe est préservée dans ses inscriptions. Il convient par ailleurs de démêler ce qui correspond au discours promulgué par ‘Abd al-Malik dans ces monuments et les interprétations postérieures. Ce message doit enfin être lu dans le contexte de l’aménagement du site, à la fin des années 680 et au début des années 690, en évitant autant que possible les projections téléologiques. Pour ce faire, je propose de revenir en priorité à ce que les monuments disent eux-mêmes, soit à travers leurs inscriptions épigraphiques – à l’exclusion des représentations iconographiques, qui prêtent trop aisément à spéculation –, soit à travers la structure topographique du complexe.
Le dôme du Rocher et ses inscriptions
Texte des inscriptions
5Le dôme du Rocher préserve jusqu’à aujourd’hui quatre longues inscriptions remontant à l’époque de sa fondation. Les deux plus célèbres, d’une longueur totale de 240 mètres, courent au-dessus de chaque face de l’arcade octogonale (bandeau extérieur et intérieur) ; deux inscriptions, plus succinctes, gravées sur des plaques de cuivre, figuraient à l’origine sur les portes orientale et septentrionale du Dôme. Ces inscriptions doivent être prises comme un discours destiné au visiteur du monument, qui pouvait d’abord lire celles qui figurent sur les portes, pour ensuite accéder aux textes de l’intérieur du Dôme. Nous considérons leur contenu comme révélateur du sens donné à celui-ci à l’époque de ‘Abd al-Malik. En voici la traduction10 :
Porte nord (PN) : Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux. Louange à Dieu, l’unique, le vivant, celui qui subsiste par lui-même, qui n’a pas d’associé, l’Un, l’impénétrable, qui n’engendre pas et n’a pas été engendré, et auquel nul n’est égal ! Muḥammad est le serviteur de Dieu et son envoyé. Il l’a envoyé avec la direction, la religion vraie, pour la placer au-dessus de toute autre religion, en dépit des polythéistes. Nous croyons en Dieu, en ce qu’il a révélé à Muḥammad, en ce qui a été donné aux prophètes de la part de leur Seigneur. Nous n’avons de préférence pour aucun d’entre eux ; nous sommes soumis à Dieu. Que Dieu bénisse Muḥammad, son serviteur et son prophète ! Que Dieu lui accorde le salut, sa miséricorde, sa bénédiction et son pardon, et qu’il soit satisfait de lui !
Porte est (PE) : Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux. Louange à Dieu, l’unique, le vivant, celui qui subsiste par lui-même, créateur des cieux et de la terre, lumière des cieux et de la terre, porteur des cieux et de la terre, l’unique, l’impénétrable, qui n’engendre pas et n’est pas engendré, et auquel nul n’est égal, le souverain du royaume. Tu donnes la royauté à qui tu veux et tu enlèves la royauté à qui tu veux. Toute souveraineté t’appartient et vient de toi, notre seigneur, et s’en retourne à toi, seigneur de la puissance, clément et miséricordieux ! Il se prescrit à lui-même la miséricorde. Sa miséricorde s’étend à toute chose. Gloire à lui ! très élevé au-dessus de ce que les polythéistes lui associent ! Ô Dieu, nous te demandons, par ta miséricorde, par tes beaux noms, par ta noble face, par ta puissance auguste, par ta parole parfaite, par laquelle se tiennent debout les cieux et la terre, par laquelle nous sommes préservés, par ta miséricorde qui [nous éloigne] du démon et qui nous sauvera de ton châtiment au jour de la résurrection, par ta faveur abondante, par ton mérite considérable, par ta longanimité, par ta puissance, par ton pardon et par ta générosité, [nous te demandons] de bénir Muḥammad, ton serviteur et ton prophète, et d’agréer son intercession en faveur de sa communauté (umma), que la bénédiction, le salut et la miséricorde de Dieu soient sur lui ! […]
Bandeau extérieur (BE) : (sud) Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux. Il n’y a d’autre dieu que Dieu, l’unique, qui n’a pas d’associé. Dis : « Lui, Dieu est Un ! Dieu, l’Impénétrable ! Il n’engendre pas et n’est pas engendré ; nul n’est égal à lui ! » Muḥammad est l’envoyé de Dieu, que la bénédiction de Dieu soit sur lui. ✴ (Sud-ouest) Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux. Il n’y a d’autre dieu que Dieu, l’unique, qui n’a pas d’associé. Muḥammad est l’envoyé de Dieu. Oui, Dieu et ses anges bénissent le prophète. (ouest) Ô vous, les croyants ! Priez pour lui et appelez sur lui le salut. Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux. Il n’y a d’autre dieu que Dieu, l’unique. Louange à Dieu (nord-ouest) qui ne s’est pas donné de fils ; il n’a pas d’associé en la royauté. Il n’a pas besoin de protecteur pour le défendre contre l’humiliation. Proclame hautement sa grandeur ! Muḥammad est l’envoyé (nord) de Dieu, que la bénédiction de Dieu soit sur lui, sur ses anges et ses envoyés ! Que le salut soit sur lui ainsi que la miséricorde de Dieu. Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux. Il n’y a d’autre dieu que Dieu, l’unique, qui n’a pas d’associé. (nord-est) À lui la royauté ! À lui la louange ! Il fait vivre et il fait mourir, il est puissant sur toute chose. Muḥammad est l’envoyé de Dieu, que la bénédiction de Dieu soit sur lui. Son intercession (shafā‘a) en faveur de sa communauté (umma) sera acceptée au jour de la Résurrection ! (est) Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux. Il n’y a d’autre dieu que Dieu, l’unique, qui n’a pas d’associé. Muḥammad est l’envoyé de Dieu, que la bénédiction de Dieu soit sur lui. ❀ Ce dôme a été érigé par le serviteur de Dieu ‘Abd (sud-est) [al-Malik, Commandeur11] des croyants, en l’an 72. Que Dieu [l’]accepte de lui et soit satisfait de lui. Amīn, Seigneur des mondes ! Louange à Dieu … ! ✡
Bandeau intérieur (BI) : (sud) Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux. Il n’y a d’autre dieu que Dieu, l’unique, qui n’a pas d’associé. À lui la royauté ! À lui la louange ! Il fait vivre et il fait mourir, il est puissant sur toute chose. Muḥammad est le serviteur de Dieu et son envoyé. (sud-est) Oui, Dieu et ses anges bénissent le prophète. Ô vous, les croyants ! Priez pour lui et appelez sur lui le salut. Que la bénédiction de Dieu, son salut et sa miséricorde soient sur lui. Ô gens du Livre ! Ne dépassez pas la mesure dans votre religion ; ne (est) dites, sur Dieu, que la vérité. Oui, le Messie Jésus, fils de Marie, est l’envoyé de Dieu, sa parole qu’il a jetée en Marie, un esprit émanant de lui. Croyez donc en Dieu et en ses envoyés. Ne dites pas : « Trois » ; cessez de le faire ; ce sera mieux pour vous. (nord-est) Dieu est unique ! Gloire à lui ! Comment aurait-il un fils ? Ce qui est dans les cieux et sur la terre lui appartient. Dieu suffit comme protecteur ! Le Messie n’a pas trouvé indigne de lui d’être serviteur de Dieu, (nord) non plus que les anges qui sont proches de Dieu. Dieu rassemblera bientôt devant lui ceux qui refusent de l’adorer, et ceux qui s’enorgueillissent. Ô Dieu, bénis ton envoyé et ton serviteur Jésus, fils de Marie ! (nord-ouest) Que le salut soit sur lui le jour où il naquit, le jour où il mourra, le jour où il sera ressuscité ! Celui-ci est Jésus, fils de Marie, parole de vérité dont vous doutez12 encore. Il ne convient pas que Dieu se donne un fils ; mais gloire à lui ! Lorsqu’il a décrété une chose (ouest) il lui suffit de lui dire : « Sois ! » et elle est. Dieu est, en vérité, mon seigneur et votre seigneur. Servez-le : c’est là le chemin droit. Dieu témoigne, et avec lui les anges et ceux qui sont doués d’intelligence, qu’il n’y a d’autre dieu que lui ; lui qui maintient la justice. Il n’y a de dieu que lui, le puissant, le sage ! La (sud-ouest) religion, aux yeux de Dieu, est l’islam. Ceux auxquels le Livre a été donné ne se sont opposés les uns aux autres, et par jalousie, qu’après avoir reçu la science. Quant à celui qui ne croit pas aux signes de Dieu, qu’il sache que Dieu est prompt dans ses comptes.
6L’interprétation qui a longtemps dominé le champ des études historiques est celle d’Oleg Grabar. Ce dernier rejette l’idée, développée par l’historiographie musulmane tardive, d’une association initiale du rocher à l’ascension du Prophète, pour développer l’hypothèse d’un reliquaire commémorant Abraham. Il considère la construction du Dôme comme une appropriation du mont Moriah par les musulmans qui vinrent ainsi proclamer la supériorité de la dernière des religions abrahamiques. Le Dôme, propose-t-il, « devait primitivement être un monument destiné aux non-musulmans » ; de l’inscription intérieure, il retient surtout la réfutation de la théologie trinitaire chrétienne, et lit le texte comme une « injonction missionnaire à adopter la religion nouvelle ». Procédant à une analogie avec les trophées plus tardivement envoyés à la Kaʻba, il suggère enfin que le monument vient symboliser la victoire de l’Islam sur les anciens empires13.
7Plusieurs raisons permettent néanmoins de douter de la justesse de ces interprétations. Grabar propose tout d’abord une lecture téléologique et, dans une large mesure, anachronique. À l’époque où le dôme du Rocher fut édifié, la « victoire » de l’Islam était toute relative. Le processus de conquête était loin d’être achevé et les inscriptions du monument ne font aucune allusion à l’idéologie de l’expansion militaire. Le contexte de la fin des années 680 et du début des années 690 est en réalité celui d’un ralentissement de la conquête, dû aux luttes intestines entre musulmans. S’appuyant surtout sur des écrits chrétiens, Grabar insiste sur les relations tendues qui existaient alors entre les chrétiens et les musulmans, et qui auraient justifié le discours que ‘Abd al-Malik aurait voulu adresser aux non-musulmans14. Cependant la guerre opposant les Omeyyades et les Zubayrides constituait à cette époque le plus grand défi auquel devaient faire face les conquérants, qui pouvaient craindre que l’Islam ne s’en trouve irrémédiablement affaibli. L’interprétation de Grabar repose par ailleurs sur l’idée, spéculative, que le dôme du Rocher était à l’origine destiné aux non-musulmans. Les chercheurs ont depuis relevé des indices qu’il était vraisemblablement accessible à ceux-ci : le personnel d’entretien et de ménage semble ainsi avoir été chrétien et juif15. Il est cependant peu crédible que ceux-ci aient été les principaux destinataires d’un monument aussi raffiné, et décoré d’inscriptions qu’ils ne pouvaient être supposés tous lire alors que l’administration des territoires conquis reposait encore sur les langues régionales. Il est plus vraisemblable que les principaux destinataires aient été les adeptes de la nouvelle religion. Enfin, rien dans les inscriptions du Dôme ne donne prise à l’interprétation abrahamique, le personnage d’Abraham n’y étant pas évoqué.
8Il convient de garder à l’esprit, à la lecture de ces inscriptions, que celles-ci constituent les premières épigraphes religieuses monumentales de l’Islam. Il est donc essentiel de ne pas les interpréter au filtre de textes postérieurs et, par conséquent, de ne pas négliger les parties en apparence les plus banales de ces textes. En effet, rien ne permet de supposer que ce qu’un regard rétrospectif conçoit comme des lieux communs apparaissait comme tel aux yeux des contemporains de la construction. En l’absence d’inscriptions antérieures comparables, nous proposons de lire celles-ci comme un discours dont toutes les parties sont révélatrices du message que le calife marwānide entendait promouvoir.
Une profession de foi…
9Oleg Grabar regrette que, « sur les portes, les citations ne s[oient] pas aussi explicites » que la longue inscription intérieure du Dôme16. Cette remarque ne se justifie qu’à condition de considérer que les versets antitrinitaires constituent le cœur du message. En réalité, bien que plus courtes, les inscriptions des portes nord et est du monument véhiculent un message en forte adéquation avec le texte intérieur.
10Les quatre inscriptions se retrouvent sur trois thématiques essentielles : (1) l’unicité d’un Dieu créateur et transcendant, déclinée à travers différents arguments, dont la négation de toute filiation qui lui serait associée ; (2) le statut de Muḥammad, son envoyé ; (3) le salut éternel de Muḥammad, qui est demandé à Dieu.
11Ces textes se présentent donc d’abord comme une profession de foi musulmane, la proclamation d’un dogme religieux articulé autour de deux pivots, l’unicité divine et la prophétie de Muḥammad. Cette dernière affirmation est complétée, dans trois des textes, par celle de la croyance aux autres prophètes ou envoyés de Dieu. De ce point de vue, en dépit de sa longueur, la section du bandeau intérieur consacrée à Jésus ne constitue pas un élément isolé : Jésus est présenté, à l’instar de Muḥammad, comme un serviteur et un envoyé de Dieu ; comme pour Muḥammad, le texte appelle Dieu à lui accorder le salut éternel. Les extraits du Coran relatifs à Jésus ont avant tout pour fonction de l’intégrer dans la foi musulmane, tout en définissant un dogme christologique distinct de celui des chrétiens. L’interpellation des « gens du Livre » ne peut donc être considérée comme une injonction explicite à se convertir ; tout au plus souligne-t-elle qu’un chrétien qui adopterait l’islam ne renierait que l’aspect erroné de sa foi. Mais cette interpellation agit surtout comme un procédé rhétorique signalant qu’au sujet de ce prophète, l’islam se distingue des autres religions révélées.
Tableau 1. Thèmes des inscriptions omeyyades du dôme du Rocher
Thèmes | Porte nord | Porte est | Bandeau | Bandeau |
Dieu | × | × | × | × |
Son unicité | × | × | × | × |
Sa souveraineté | × | × | × | |
Sa miséricorde/son pardon1 | × | × | ||
Muḥammad | × | × | × | × |
Serviteur de Dieu | × | × | × | |
Envoyé/prophète de Dieu | × | × | × | × |
Prière pour son salut | × | × | × | × |
Intercesseur | × | × | ||
Croyance aux prophètes | × | × | × | |
Jésus | × | |||
Trinité | × | |||
Anges | × | × | ||
Jugement dernier | × | × | × | |
Supériorité de l’islam | × | × | ||
1. Nous ne prenons pas en considération la basmala introductive « au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux ». |
12À l’intérieur de l’édifice, la croyance aux prophètes est complétée, de manière plus laconique, par la foi dans les anges. Si l’on ajoute le thème récurrent (trois textes) du Jugement dernier et de la Résurrection qui lui est associée, les inscriptions du dôme du Rocher recoupent les cinq piliers de la foi tels que les définit plus tard al-Bukhārī à travers le ḥadīth dit « de Gabriel » (« La foi consiste à croire en Dieu, à Ses anges, à la vie future, aux prophètes, à la résurrection »)17. La religion dont le dogme est ainsi défini est « l’islam » (BI), présentée comme la « religion vraie » (PN), supérieure aux autres religions (PN).
13Les inscriptions du dôme du Rocher adressent donc au lecteur un discours qui est avant tout de nature théologique. Il s’agit de la première formulation documentaire connue d’une profession de foi de la nouvelle religion. À travers une sélection de citations coraniques, ‘Abd al-Malik proclame son adhésion (et celle de ceux qui lui prêtent allégeance) à une religion qu’il qualifie d’islam, et qui se caractérise principalement par la reconnaissance de l’unicité de Dieu et du caractère prophétique de la mission de Muḥammad, semblable à celle des anciens prophètes. Ce discours est promulgué dans le contexte d’une Jérusalem où les chrétiens étaient encore majoritaires, alors que les juifs y étaient sans doute peu nombreux18. C’est pourquoi la profession de foi musulmane est associée à une négation du dogme auquel adhère une grande partie de la population locale : la réfutation du dogme de la Trinité et la proclamation de la prophétie de Muḥammad contribuent à ériger l’islam en religion distincte du christianisme. Enfin, l’affirmation de ces fondements théologiques prépare l’introduction d’un autre thème, vraisemblablement au centre du complexe monumental : celui du Salut et du Jugement dernier.
… orientée vers les fins dernières
14En effet, la thématique eschatologique occupe une place importante dans ces inscriptions. Le Dieu auquel le fondateur croit est, selon des termes empruntés au Coran, un Dieu de « justice » (BI), qui « rassemblera bientôt devant lui ceux qui refusent de l’adorer » (BI). Le Jugement dernier auquel il est fait allusion se produira au « jour de la résurrection » (yawm al-qiyāma), lui aussi abondamment évoqué dans le Coran19, mais ici mentionné dans des phrases originales, qui ne sont pas tirées du Livre sacré (PE, BE). La première moitié du texte de la porte orientale est composée, comme la plus grande partie des autres textes, de citations coraniques ; la seconde se présente en revanche comme une longue prière, adressée à Dieu, l’implorant d’épargner les croyants de Son châtiment lors des fins dernières. C’est qu’en effet les textes de la porte orientale et du bandeau intérieur insistent sur l’infinie miséricorde d’un Dieu qui est celui de la rémission des péchés.
15Le pardon de Dieu est tout d’abord réclamé en faveur de Muḥammad20. Le bandeau intérieur cite à ce sujet le Coran (33 : 56), qui enjoint les croyants à « prie[r] pour lui » et à « appele[r] sur lui le salut » (sallama taslīman). La plupart des autres occurrences ne sont pas des citations coraniques, mais une application de ces injonctions à travers des eulogies plus tard devenues classiques, dont nous avons peut-être ici la première attestation documentaire21. Muḥammad ne se distingue pas, en cela, de Jésus sur lequel le Coran appelle également la bénédiction au jour de la résurrection (BI).
16Muḥammad se différencie cependant de Jésus dans deux des passages les plus originaux – parce que non tirés du Coran – de ces inscriptions. La seconde moitié du texte de la porte orientale, une prière non coranique, a tout d’abord pour objet d’implorer non pas le pardon direct de Dieu, mais l’intercession (shafā‘a) de Muḥammad « en faveur de sa communauté22 ». Le bandeau extérieur prévoit également, non plus sous forme de prière mais à travers une affirmation dogmatique, que « son intercession en faveur de sa communauté sera acceptée au jour de la Résurrection ». Cette affirmation ne plonge pas ses racines dans le Coran, où l’idée d’intercession au Jugement dernier n’est pas liée à Muḥammad : le texte demeure flou quant à l’identité de potentiels intercesseurs23. La capacité d’intercession de Muḥammad constitue donc une innovation dogmatique importante. Par ailleurs, le caractère collectif de son intercession est mis en avant : il n’intercèdera pas en faveur d’individus, mais pour sa umma tout entière.
17Cette innovation a des implications considérables : appartenir à la communauté des musulmans permet d’obtenir le salut éternel par l’intermédiaire de Muḥammad. Peut-être faut-il également lire la citation du bandeau intérieur relative aux chrétiens et à la Trinité au miroir de cet arrière-plan dogmatique. Les versets 4 : 171-172, cités dans leur intégralité, se terminent précisément par la menace du châtiment divin sur « ceux qui s’enorgueillissent ». Le message est clair : il convient de se distinguer des chrétiens en rejetant le dogme trinitaire afin d’obtenir le salut éternel.
18Le dôme du Rocher se présente ainsi comme le support d’une affirmation théologique avant d’être politique : son bâtisseur, le calife ‘Abd al-Malik, semble l’avoir conçu comme une profession de foi monumentale, en trois dimensions, dans laquelle sont répétés, à la manière d’une litanie, les points les plus fondamentaux du dogme islamique qu’il veut promouvoir : l’unicité de Dieu, la prophétie de Muḥammad et le rôle salvateur que celui-ci doit jouer lors de l’événement ultime attendu par les musulmans, le Jugement dernier.
Une mise en scène du Jugement dernier
Le dôme de la Chaîne comme clé d’interprétation du Ḥaram al-Sharīf
19La portée eschatologique du dôme du Rocher, d’abord défendue par Myriam Rosen-Ayalon, a plus tard été mise en avant par plusieurs historiens comme Raya Shani, Amikam Elad et Gülru Necipoğlu24. Ces auteurs relèvent que, depuis l’Antiquité tardive, le site du mont Moriah était lié au thème du Jugement dernier. Ils notent que le lieu était vraisemblablement associé, dans l’esprit des premiers musulmans, à la justice du roi-prophète David. Ils auraient par ailleurs considéré le rocher comme l’endroit où le trône de Dieu serait installé au dernier jour25. La plupart de ces historiens s’arrêtent néanmoins là et ne s’interrogent ni sur la dynamique spatiale du complexe monumental ni – à l’exception notable de Necipoğlu – sur les implications de l’association entre le site et la justice davidienne26.
20Le dôme du Rocher n’est pas un monument isolé. Le jouxtant du côté oriental, s’élève jusqu’à aujourd’hui un petit bâtiment dont la construction remonterait selon certains à l’an 70/689, soit trois ans avant la date figurant dans l’inscription intérieure du dôme du Rocher27. L’édifice, désigné « dôme de la Chaîne » (qubbat al-silsila) dans les sources historiographiques depuis les temps les plus reculés, est composé de deux colonnades concentriques (onze colonnes à l’extérieur, six à l’intérieur) supportant une coupole28. Sa fonction a fait l’objet de spéculations : certains historiens, à la suite de Max Van Berchem, ont voulu y voir un édifice destiné au trésor public, à l’instar de celui qui s’élève dans la cour de la mosquée des Omeyyades à Damas29. Force est pourtant de constater que le monument, qui ne semble pas avoir connu de transformation majeure depuis le viie siècle (hormis l’adjonction d’un miḥrāb à l’époque ayyoubide), se prête bien peu à ce type d’usage. L’explication de Max Van Berchem, qui pense que le trésor aurait pu être caché dans le tambour de la coupole, est bien peu vraisemblable30. Beaucoup plus récemment, Lawrence Nees a proposé d’y voir un kiosque édifié par le calife Muʻāwiya (r. 41-60/661-680) afin d’y siéger devant la foule ; le monument aurait donc avant tout pour fonction de symboliser le pouvoir califal. De l’aveu même de l’auteur, cette interprétation demeure cependant improuvable et ne repose que sur un rapprochement hypothétique entre la forme de l’édifice et des traditions relatives aux premiers mihrabs, minbars et maqṣūras de l’Islam31.
21Tout laisse penser qu’il s’agit plutôt d’un monument commémoratif32. Il n’est pas possible de savoir si le nom qui lui est donné, celui de dôme de la Chaîne, remonte bien au temps de sa construction. La tradition n’a cependant pas conservé d’appellation alternative, ce qui suggère que sa dénomination reflète la signification qui lui était donnée à l’origine. Quand bien même nous retiendrions les conclusions de Nees, l’intégration du dôme de la Chaîne au complexe érigé par ‘Abd al-Malik lui donna un sens nouveau. La chaîne dont le petit Dôme tire son nom est l’objet même qu’il commémore : une chaîne de lumière suspendue entre ciel et terre, à laquelle la tradition musulmane ancienne confère un pouvoir de justice33. À l’époque des Banū Isrā’īl, les parties en litige y étaient amenées et, selon les récits, soit la chaîne attrapait le coupable par le cou, soit elle se laissait attraper par le plaideur qui était dans son droit. Cette chaîne apparaissait ainsi comme l’instrument terrestre d’une justice divine omnisciente et, donc, impartiale. Elle est particulièrement associée au personnage de David, roi-prophète que le Coran présente comme l’exemple du souverain justicier : Dieu, qui a fait de lui « un lieutenant sur la terre », lui ordonne de « juger les hommes selon la justice » (38 : 26). À cet effet, il lui offre « la sagesse (ḥikma) et l’art de trancher le discours (faṣl al-khiṭāb) » (38 : 20)34. Or la sacralité de Jérusalem aux yeux des musulmans semble avoir découlé, dès la conquête de la ville, de son lien étroit avec David. Si le miḥrāb de David évoqué dans le Coran comme lieu de sa justice (38 : 21) fut d’abord assimilé à la tour de David située près de la porte de Jaffa, le développement du Ḥaram al-Sharīf à partir du règne de Mu‘āwiya s’accompagna d’une relocalisation du miḥrāb Dāwūd sur l’esplanade du Temple, soit près du mur méridional, soit dans la grotte qui s’ouvre sous le rocher du Dôme35.
22Le dôme de la Chaîne, ouvert aux quatre vents, semble avoir anciennement été associé à la justice divine. L’endroit exact sur lequel il est érigé était appelé al-mawḍī‘, terme qui signifie littéralement « le lieu », mais qui aurait désigné, selon le calife omeyyade al-Walīd Ier (r. 86-96/705-715), le « Lieu » du Jugement dernier36. Plusieurs éléments convergents permettent donc d’interpréter le dôme de la Chaîne comme une représentation symbolique du tribunal divin. Situé entre le dôme du Rocher et la vallée du Cédron (ar. wādī jahannam, la « vallée des enfers37 »), il se trouvait à l’origine au centre exact du Ḥaram al-Sharīf et participait d’une mise en scène préfigurant la résurrection : au Jugement dernier, les âmes emprunteraient le Ṣirāṭ (le pont qui domine les enfers38), franchiraient la porte orientale du complexe, connue dès l’époque marwānide comme celle de la « Miséricorde » (bāb al-raḥma) – appellation à la portée eschatologique évidente39. Elles s’arrêteraient au dôme de la Chaîne pour y être jugées, avant d’entrer au Paradis, figuré par le dôme du Rocher, en passant par la porte associée, à l’époque abbasside, à Isrāfīl (l’ange annonciateur du Jugement dernier)40. D’autres éléments monumentaux furent ensuite ajoutés à cette scénographie. Une qubbat al-maḥshar (dôme du Rassemblement, c’est-à-dire avant le jugement divin), ainsi qu’une qubbat al-mīzān (dôme de la Balance, référence à celle du Jugement dernier) sont réputées avoir été bâties par le calife al-Walīd Ier à proximité du dôme de la Chaîne41.
23C’est donc en lien avec le dôme de la Chaîne que celui du Rocher prend toute sa signification eschatologique. Pricilla Soucek puis Raya Shani voient dans le décor du dôme du Rocher des références salomoniennes42 ; le lien que nous proposons entre les deux monuments principaux du Ḥaram al-Sharīf oriente plutôt vers une interprétation davidienne du complexe monumental. ‘Abd al-Malik aurait élevé sur le mont Moriah un temple préfigurant les fins dernières et l’avenir eschatologique de la communauté musulmane. Le message convoyé par les deux Dômes venait ainsi faire écho à la doctrine chrétienne de la résurrection des morts, matérialisée par le Saint-Sépulcre et la basilique de l’Ascension érigée face au mont Moriah, au sommet du mont des Oliviers43. ‘Abd al-Malik proclamait de la sorte que l’islam était l’authentique religion du salut, qui mènerait ses adeptes au paradis, et non le christianisme. Avant d’examiner les implications de son affirmation au sein même de la communauté musulmane, il convient cependant de revenir au dôme du Rocher et de s’interroger sur son orientation.
Une orientation du complexe monumental ?
24En dépit du plan centré du dôme du Rocher, plusieurs chercheurs ont tenté de comprendre quelle était la porte principale du monument et, par là même, de lui trouver une orientation. Deux hypothèses ont prévalu jusqu’à présent. La plus fréquente considère que l’on y entrait à l’origine par le sud44 ; Raya Shani s’appuie sur la composition de l’inscription du bandeau extérieur pour avancer, au contraire, que l’entrée principale était celle du nord45. Ces alternatives posent toutes deux l’hypothèse d’une axialité nord-sud de l’édifice, en partie influencée par la topographie du Ḥaram (le Dôme est principalement accessible aujourd’hui en venant de la mosquée al-Aqṣā au sud) et par l’idée que la qibla pourrait avoir été prise en compte dans sa structure46. Le texte du bandeau extérieur a par ailleurs servi d’argument à chacune de ces hypothèses. Entrer par le sud permet d’envisager une lecture complète qui se terminerait par l’inscription de fondation de ‘Abd al-Malik. Raya Shani avance toutefois que l’arcade septentrionale est la seule à porter en son milieu une des rosettes servant à séparer les parties du texte47. Cette hypothèse est sans doute la moins convaincante, car l’inscription de fondation figurerait alors au milieu du texte et viendrait couper le discours coranique.
25Il convient, à mon sens, de distinguer deux questions. Celle de l’axialité du dôme du Rocher est en réalité mal posée. Le monument est centré sur le roc qu’il abrite et dont il constitue le reliquaire. Tout est fait pour que l’attention du visiteur soit attirée vers l’élément sacré qui faisait l’objet de vénération. Y trouver une orientation nord-sud serait donc une erreur. L’on peut en revanche s’interroger à juste titre sur la porte d’entrée et sur le point de départ de la circulation autour du rocher. Cette question détermine en partie le sens que l’on peut donner à l’inscription du bandeau – au moins pour sa portion extérieure. Les recommandations des auteurs médiévaux, toutes postérieures de plusieurs siècles à la construction, ne sont pas d’une grande utilité car la réinterprétation récurrente du monument peut avoir eu une incidence sur les pratiques.
26Le texte du bandeau offre lui-même peu d’indices permettant de déterminer où il est supposé commencer. La ponctuation marquée par des rosettes, déjà utilisée par Shani, constitue le principal indicateur visuel. Or deux rosettes se distinguent par leur forme originale : celles qui entourent le passage non coranique relatif à la fondation. Sans doute est-ce le signe que l’inscription commençait ou se terminait par ce passage. Malheureusement les moyens de le déterminer sont hasardeux. Les inscriptions monumentales antérieures de Mu‘āwiya et celles, contemporaines, de ‘Abd al-Malik, se réduisent pour l’essentiel à des textes de fondation ne développant pas de message religieux. L’inscription de Mu‘āwiya sur un barrage près de Médine suggère qu’il était possible de commencer par mentionner le calife et l’acte de fondation avant d’ajouter des formules pieuses48. Cependant, au dôme du Rocher lui-même, la plaque de cuivre de la porte orientale se termine sur une inscription (ajoutée au ixe siècle) évoquant le calife al-Ma’mūn ; cette addition pourrait être venue remplacer un texte de fondation de ‘Abd al-Malik qui aurait donc figuré à la fin de ladite inscription. Une dernière indication, rapportée tardivement par Sibt b. al-Jawzī, contribue à brouiller les pistes. Selon lui, l’inscription de fondation fait face au visiteur qui entre par la porte sud49. Or l’affirmation est inexacte puisqu’elle se trouve du côté est. Ceci suggère soit que l’on était supposé entrer par le sud – auquel cas c’est l’emplacement du texte de fondation qui est mentionné de manière erronée –, soit que l’on entrait par l’est – auquel cas c’est le point cardinal évoqué par l’auteur qui est fautif.
27Deux hypothèses demeurent :
L’entrée était supposée se faire par le sud. Le bandeau extérieur devait donc se terminer sur l’inscription de fondation. La progression du texte contribuerait de la sorte à mettre en valeur la personne du fondateur, le calife ‘Abd al-Malik. L’hypothèse n’est pas invraisemblable compte tenu des implications politiques du monument sur lesquelles nous allons revenir. Elle est toutefois en porte-à-faux avec le contenu général de l’inscription, qui est de nature théologique.
L’entrée se faisait par l’est. Le bandeau extérieur commençait par l’inscription de fondation50, pour ensuite passer au contenu théologique. Lu à partir de ce point, le texte suit une progression différente, en se terminant sur la proclamation non coranique du rôle eschatologique de Muḥammad, intercesseur auprès de Dieu lors du Jugement dernier. Point culminant du texte, ce rôle serait ainsi mis en exergue par sa position en fin de parcours, avant que le visiteur, peut-être, ne passe dans le déambulatoire intérieur.
28Il est pour l’instant difficile de trancher entre ces deux options. Toujours est-il que, considérée à l’échelle du complexe monumental, l’entrée orientale du dôme du Rocher revêt une importance toute particulière. C’est sur cette porte, qui fait face au dôme de la Chaîne, que figurait l’inscription la plus originale, constituée pour moitié d’une longue prière demandant à Dieu d’intercéder en faveur de sa communauté au jour du Jugement. Après l’avoir passée, le visiteur pouvait lire un second texte, sur le côté extérieur de la première arcade, qui se terminait sur la même idée d’une intercession prophétique.
Remise en contexte : le monument de la fitna
Attentes eschatologiques et fitna
29Cette mise en scène monumentale du Jugement dernier prend tout son sens dans le contexte de la fin du viie siècle. Insistons, tout d’abord, sur l’importance des attentes eschatologiques des premiers musulmans, dont témoignent d’innombrables inscriptions remontant à cette époque. Les graffitis qui parsèment les déserts d’Arabie et le sud de la Syrie se présentent, très souvent, comme des demandes de pardon à Dieu51 : les premiers musulmans, lorsqu’ils gravaient leur nom sur la roche, pensaient avant tout à leur salut menacé par la colère divine qui s’exprimerait à leur encontre au jour d’un Jugement ressenti comme imminent. Le complexe du Ḥaram al-Sharīf répond à ces angoisses en proposant un cadre architectural à l’événement eschatologique attendu et, sans doute, déjà associé à Jérusalem52.
30Les traditions eschatologiques rassemblées plus tard établissent un lien étroit entre l’apocalypse et les « tribulations » qui doivent la précéder : d’intenses désordres (fitnas) secoueront la communauté, tandis que de grandes batailles (malḥamas) prépareront l’avènement du royaume de Dieu sur terre53. Est-ce donc un hasard si le complexe du Ḥaram al-Sharīf est construit pendant, ou au terme, d’une des plus violentes guerres civiles des débuts de l’Islam ? L’an 73/692 marque la défaite de ‘Abd Allāh b. al-Zubayr, le plus dangereux rival que les Omeyyades aient jamais connu jusque-là. Depuis 64/683, celui-ci s’affirmait comme le seul authentique souverain en Islam. À partir de La Mecque, qu’il avait adoptée pour capitale, il avait su, avec sa famille, étendre son autorité politique sur la plus grande partie des terres conquises : l’Irak, les plateaux iraniens et l’Afghanistan, et même l’Égypte pendant un temps. De leur côté, les Omeyyades, divisés par des querelles intestines, avaient vu leur pouvoir se réduire à la Syrie centrale et méridionale54. Dans le cadre de cette lutte acharnée pour la souveraineté, Ibn al-Zubayr avait développé une propagande religieuse originale, fondée sur une rhétorique inédite. Il se présentait tout d’abord comme al-ʻā’idh bi-l-bayt, « celui qui se réfugie auprès de la maison [sacrée]/du bétyle », c’est-à-dire la Kaʻba55. Ibn al-Zubayr ne tenait pas seulement le temple vénéré par les musulmans depuis que Muḥammad l’avait incorporé à la nouvelle religion, à la fin de sa vie, en le rattachant aux cultes abrahamiques. Il le considérait comme un asile, c’est-à-dire qu’il revendiquait la protection divine. Que le pèlerinage à La Mecque ait déjà eu l’importance qu’il prit par la suite est toujours sujet à débats. Il est quoi qu’il en soit probable qu’Ibn al-Zubayr joua un rôle majeur dans son intégration à la piété musulmane56. Par ailleurs, ce même souverain fut le premier à placer Muḥammad au centre de la nouvelle foi, en faisant frapper au milieu des années 680 les premières monnaies qui affirment son statut prophétique : « Au nom de Dieu, Muḥammad est l’envoyé de Dieu57. » Jusqu’à cette époque, nulle mention papyrologique, numismatique ou épigraphique du Prophète n’est attestée58. Ces pièces constituent la première trace documentaire d’une telle déclaration, devenue depuis part intégrante de la profession de foi musulmane59. Ibn al-Zubayr, fils d’un des plus anciens compagnons du Prophète, se posait comme le défenseur de la vraie religion : celle de la Kaʻba et de Muḥammad, auquel les Omeyyades s’étaient longuement opposés60.
‘Abd al-Malik ou la naissance d’une orthodoxie
31La révolution dogmatique apportée par Ibn al-Zubayr ne pouvait demeurer sans réponse. Celle-ci fut le dôme du Rocher, qu’il ait été construit dans les dernières années de la guerre civile ou dans son prolongement. Le lien entre ce monument et la fitna d’Ibn al-Zubayr était déjà établi au ixe siècle dans l’œuvre d’al-Yaʻqūbī, qui affirme que ‘Abd al-Malik voulut remplacer le pèlerinage à la Kaʻba, rendu difficile à cause de la présence d’Ibn al-Zubayr à La Mecque, par la visite du Rocher à Jérusalem61. Cette explication, qui a fait l’objet de nombreuses controverses62, a été rejetée par Grabar, avant qu’Amikam Elad ne la remette plus récemment à l’honneur tout en en soulignant les anachronismes. Elad considère en effet la rivalité entre ‘Abd al-Malik et Ibn al-Zubayr comme l’arrière-plan politique le plus important de la construction du Dôme, et suggère que le calife omeyyade voulut faire de Jérusalem un centre politico-religieux à égalité avec celui de La Mecque63 . Il s’abstient toutefois de pousser plus loin l’interprétation ; tout en reconnaissant que le Dôme put attirer des pèlerins en raison de son association à la fin du monde, il ne fait pas le lien entre la fitna d’Ibn al-Zubayr et les attentes eschatologiques des musulmans, ni même avec la notion de Jugement dernier.
32Le récit d’al-Yaʻqūbī, bien qu’il avance une explication simplifiée – et donc caricaturale –, ne fait sans doute qu’apposer un filtre interprétatif à la réalité historique. Les politiques de ces souverains rivaux se répondent en effet l’une l’autre. Ibn al-Zubayr appuyait sa légitimité sur le culte du bétyle mecquois et sur la défense d’une doctrine religieuse centrée sur Muḥammad, défini comme envoyé de Dieu. Cette rhétorique rencontra un très grand succès auprès des musulmans, qui reconnurent en Ibn al-Zubayr l’authentique Imām susceptible de diriger la communauté. ‘Abd al-Malik dut contre-attaquer sur le même terrain. En aménageant le Ḥaram al-Sharīf, il instaura un bétyle complémentaire : le rocher du mont Moriah, qui faisait sans doute déjà l’objet de vénération de la part des populations locales64. Il est peu probable qu’il ait voulu remplacer le pèlerinage à La Mecque ; il n’en demeure pas moins qu’il créa un sanctuaire doté d’un sens nouveau. Au bétyle abrahamique de La Mecque, symbole des anciennes formes de monothéisme et tourné vers le passé, il en ajouta un nouveau, orienté vers l’avenir eschatologique. À la pierre noire, résidence des antiques dieux de Quraysh (al-‘Uzza, puis Allāh ?)65, il adjoignit le rocher sacré de Jérusalem, résidence symbolique du Dieu du Jugement dernier.
33Dans le même temps, ‘Abd al-Malik s’appropriait la rhétorique d’Ibn al-Zubayr et la développait pour en faire la pierre d’angle de sa légitimité. Les inscriptions du dôme du Rocher proclament, avec une force inédite, la centralité de la prophétie de Muḥammad dans la nouvelle religion, officiellement désignée islām66. La réinterprétation plus tardive du rocher comme le point de départ d’une ascension céleste du prophète n’a rien pour surprendre : le dôme du Rocher est aussi, dès l’origine, un temple dédié à Muḥammad. À la centralité du prophète dans le dogme, ‘Abd al-Malik lui ajoutait un rôle eschatologique : celui d’intercesseur au jour du Jugement. Là réside peut-être la révolution la plus importante de ces premiers temps de l’Islam : la foi des conquérants sortis d’Arabie était centrée sur l’unicité de Dieu et sur la croyance aux prophètes, ce dont témoignent de multiples inscriptions67. Dans le dôme du Rocher, la foi dans les prophètes est réaffirmée en levant des ambiguïtés – la nature de Jésus – et, surtout, en élevant Muḥammad au-dessus des autres68 : cette promotion du prophète arabe n’est possible qu’en vertu du rôle essentiel qui lui sera dévolu lors du Jugement dernier.
34En inscrivant sa profession de foi au cœur d’un complexe monumental qui préfigure l’apocalypse, ‘Abd al-Malik s’affirme comme le seul garant d’une foi islamique dont il définit l’orthodoxie. Ainsi les longues citations coraniques qui font référence aux chrétiens (BI) n’entendent-elles pas seulement réfuter le dogme de la Trinité, mais aussi mettre en garde contre l’éventuelle division de la communauté : les chrétiens, bien qu’ils aient « reçu la science », « se sont opposés les uns aux autres » (Coran 3 : 19) en raison de leurs divergences théologiques. Pour éviter que la fitna n’aboutisse à un résultat similaire, ʻAbd al-Malik invite les adeptes de sa religion à s’unir autour du dogme qu’il proclame. Avant même de se présenter, sur ses monnaies, comme le « lieutenant de Dieu » (khalīfat Allāh)69, il se veut le guide suprême des musulmans, celui qui permettra à tous les membres de la communauté – la umma mentionnée sur la porte orientale – de se présenter devant Dieu au jour du Jugement et de gagner leur salut éternel.
35Le discours que véhicule le dôme du Rocher paraît aujourd’hui assez banal. Les versets qu’il cite sont bien connus et l’image de Muḥammad fait figure de lieu commun. Pourtant, il n’en est rien. Au sein du large corpus épigraphique dont les chercheurs disposent aujourd’hui, les inscriptions du dôme du Rocher correspondent à une profonde innovation, qu’il convient d’analyser tant en rapport avec l’ensemble monumental dans lequel s’inscrit le Dôme qu’avec son contexte historique. L’analyse que je viens de conduire permet, à mon sens, de réfuter plusieurs interprétations antérieures et d’en nuancer d’autres. L’hypothèse d’un monument commémorant la victoire de l’Islam sur les anciens empires et d’un appel à la conversion, défendue par Oleg Grabar, me semble devoir être abandonnée. De même, celle d’un reliquaire abrahamique, ou d’une restauration du temple de Salomon, demeure une spéculation séduisante, mais qui s’appuie avant tout sur des textes tardifs et sur des indices iconographiques. D’après les inscriptions conservées, si le dôme du Rocher est un temple, il fut avant tout érigé pour commémorer Muḥammad en tant que prophète de l’islam et intercesseur au jour du Jugement. Ainsi la thèse de la portée eschatologique du monument, que Myriam Rosen-Ayalon fut la première à avancer, est-elle la piste la plus prometteuse. Encore convient-il cependant de prendre en considération le reste du complexe monumental auquel appartient le dôme – notamment le dôme de la Chaîne. Le Ḥaram al-Sharīf semble avoir été aménagé pour annoncer l’Heure dernière attendue par les musulmans, préparer la scène du Jugement dernier et anticiper la résurrection des morts.
36La portée politique du complexe monumental est bien sûr essentielle. Mais le message que ‘Abd al-Malik voulait faire passer n’était pas destiné aux non-musulmans, comme le pensait Grabar. Le souverain marwānide s’adressait d’abord aux musulmans, en particulier ceux qui avaient pu être séduits par ‘Abd Allāh b. al-Zubayr. Il ne se contenta pas de reprendre et d’amplifier la rhétorique religieuse de son rival : autant que l’on puisse en juger, il lui donna un nouveau sens, en l’orientant vers le rôle eschatologique de Muḥammad, qui venait se substituer à celui de Jésus – rabaissé au statut de simple prophète – dans la pensée chrétienne. ‘Abd al-Malik s’affirmait ainsi comme le plus grand défenseur de l’islam naissant et le promoteur d’une théologie cohérente, distincte des autres religions, en laquelle les conquérants pouvaient se reconnaître. Il se prétendait le seul souverain capable de mener les musulmans au salut éternel.
37Le dôme de la Chaîne apparaît comme une clé d’interprétation essentielle du complexe monumental. Symbole d’une justice divine omnisciente et éternelle, il vient à la fois commémorer celle des Banū Isrā’īl dans un passé lointain et préfigurer le tribunal de la fin des temps. L’on pourrait se demander si, entre ces deux extrêmes, il n’a pas aussi pour fonction de matérialiser la justice du souverain. La mythique chaîne de lumière que le monument évoque est associée au roi-prophète David, auquel Dieu permit par son biais de devenir un juge parfait. Or le David coranique est non seulement, avec Salomon, le parangon de la justice, mais également le lieutenant (khalīfa) établi par Dieu sur la terre (Coran, 21 : 78 ; 38 : 26). Comme le propose G. Necipoğlu, l’érection du dôme de la Chaîne participe d’une même rhétorique que l’adoption, par ‘Abd al-Malik, du titre de « Lieutenant de Dieu » (khalīfat Allāh) dont témoignent quelques monnaies à peine plus tardives. ‘Abd al-Malik, calife et nouveau David, voulut peut-être signifier à ses sujets qu’il était le justicier par excellence, voire inspiré par Dieu70. C’est sans doute la raison pour laquelle le petit dôme, ouvert aux quatre vents, semble avoir été employé par des califes marwānides postérieurs, tels Sulaymān (r. 96-99/715-717) et ‘Umar II (r. 99-101/717-720), pour rendre la justice et faire prêter serment d’allégeance71.
38Sulaymān et ‘Umar II régnèrent à l’approche de l’an 100 de l’hégire, alors que les attentes eschatologiques des musulmans étaient particulièrement fortes. De fait, ces califes eurent sans doute des prétentions messianiques72 qui les poussèrent à réactiver la signification eschatologique du complexe monumental. Ce n’est pas non plus un hasard si, cent ans plus tard, le calife abbasside al-Ma’mūn (r. 198-218/813-833) s’appropria le dôme du Rocher en y remplaçant le nom de ‘Abd al-Malik par le sien. Hayrettin Yücesoy associe la substitution du nom de ‘Abd al-Malik sur le dôme du Rocher à la guerre qu’al-Ma’mūn lança contre Byzance à la fin de son règne73. Mais il convient de souligner qu’al-Ma’mūn avait depuis longtemps instrumentalisé les attentes eschatologiques de son époque, notamment liées à l’approche de l’an 200. Afin de s’emparer du pouvoir contre son frère al-Amīn, il avait mis en place une propagande (daʻwa) messianique le présentant comme imām al-hudā, le seul Guide susceptible de conduire la communauté au salut74. Son appropriation du Dôme venait, plus largement, clamer qu’il était le souverain juste et justicier par excellence, seul garant du salut de la communauté au Jugement dernier.
39Il reste enfin à se demander pourquoi l’interprétation eschatologique du Ḥaram al-Sharīf est largement ignorée des sources musulmanes postérieures. Dès la seconde moitié du ixe siècle, lorsque furent composés les premiers textes historiographiques à nous être parvenus, il semble que la signification originelle du dôme du Rocher ait été oubliée : seule sa topographie et les noms de ses monuments en gardaient le souvenir, tandis que la pensée eschatologique se contentait désormais d’associer Jérusalem en général aux fins dernières75. C’est qu’entre-temps, l’image du calife avait changé : ternie par la guerre civile entre al-Amīn et al-Ma’mūn, la fonction salvatrice du califat ne s’était pas relevée de la miḥna, l’épreuve par laquelle ce dernier avait tenté d’imposer son autorité théologique contre les savants traditionalistes. L’apocalypse, trop longtemps attendue et trop souvent mobilisée par les gouvernants, était repoussée à un futur éloigné. Le dôme du Rocher était dès lors vidé de son sens et devait être réinterprété. L’association du rocher à l’ascension du prophète, proposée par al-Yaʻqūbī, permit d’en conserver les signifiants essentiels : Muḥammad et le Paradis, dont le Dôme n’était autre que la porte d’entrée.
Notes de bas de page
1 Je remercie Wissam Halabi-Halawi pour sa relecture attentive d’une précédente version de cet article.
Cette date est généralement acceptée par les historiens comme celle de la fin de la construction. Sheila Blair a cependant tenté de montrer qu’il pourrait s’agir de la date du début de son édification. S. Blair, « What is the Date of the Dome of the Rock? », Bayt al-Maqdis, ‘Abd al-Malik’s Jerusalem, éd. J. Raby et J. Johns, Oxford, 1992, p. 59-87.
2 O. Grabar, La formation de l’art islamique, Paris, 2000, p. 91-92.
3 M. Rosen-Ayalon, The Early Islamic Monuments of al-Ḥaram al-Sharīf. An Iconographic Study, Jérusalem, 1989, p. 60-69.
4 O. Grabar, The Dome of the Rock, Cambridge, 2006, p. 118-119.
5 R. Shani, « The Iconography of The Dome of the Rock… », Jerusalem Studies in Arabic and Islam, 23 (1999), p. 158-207.
6 A. Elad, « ‘Abd al-Malik and the Dome of the Rock: A Further Examination of the Muslim Sources », Jerusalem Studies in Arabic and Islam, 35 (2008), p. 167-226, p. 182, 211.
7 A. Kaplony, The Ḥaram of Jerusalem, 324-1099: Temple, Friday Mosque, Area of Spiritual Power, Stuttgart, 2002.
8 J. Van Ess, « ‘Abd al-Malik and the Dome of the Rock. An Analysis of some Texts », Bayt al-Maqdis…, op. cit. n. 1, p. 92-100.
9 G. Necipoğlu, « The Dome of the Rock as Palimpsest: ‘Abd al-Malik’s Grand Narrative and Sultan Süleyman’s Glosses », Muqarnas, 25 (2008), p. 17-105.
10 La traduction des textes figurant sur les portes repose sur l’édition de M. Van Berchem, Matériaux pour un corpus inscriptionum Arabicum. Deuxième partie : Syrie du sud. Tome deuxième : Jérusalem « Ḥaram », Le Caire, 1927, p. 248-250. La traduction du bandeau intérieur s’appuie sur la même édition (ibid., p. 229-231), en tenant compte des corrections apportées par C. Kessler, « ‘Abd al-Malik’s Inscription in the Dome of the Rock: a Reconsideration », The Journal of the Royal Asiatic Society of Great Britain and Ireland, 102/1 (1970), p. 2-14, p. 4-9.
Nous distinguons les versets coraniques (en romain) des passages non coraniques (en italique). Les citations coraniques suivent la traduction de Denise Masson. Les rosettes du bandeau extérieur s’inspirent librement des croquis réalisés par Christel Kessler dans son fac-similé. La dernière partie du texte de la porte est s’appuie sur la traduction de Max Van Berchem (remaniée). Nous ne traduisons pas la partie inférieure de l’inscription, qui est l’œuvre d’al-Ma’mūn.
11 Le passage entre crochets a été remplacé au début du ixe siècle, donnant à lire « le serviteur de Dieu ‘Abd Allāh l’Imam al-Ma’mūn Commandeur des croyants ».
12 Cette variante par rapport à la vulgate ‘uthmānienne (qui retient « ils doutent ») est induite par les deux points diacritiques positionnés au-dessus de la première lettre du verbe. Voir C. Kessler, « ‘Abd al-Malik’s Inscription… », loc. cit. n. 10, p. 6. Selon al-Qurṭubī (al-Jāmiʻ li-aḥkām al-Qur’ān, Le Caire, 1941, XI, p. 106), « ils doutent » correspond à la lecture d’Abū ‘Abd al-Raḥmān al-Sulamī. Ce dernier personnage doit probablement être identifié au lecteur kūfiote ‘Abd Allāh b. Ḥabīb b. Rubayʻa (m. c. 73/692) qui, après avoir combattu à Ṣiffīn aux côtés de ‘Alī, rejoignit le parti ‘uthmānien – c’est-à-dire celui des Omeyyades. Il aurait été le premier à enseigner à Kūfa la lecture « unanime » (al-mujmaʻ ʻalay-hā) du Coran, vraisemblablement celle du codex ‘uthmānien. Voir al-Jazarī, Ghāyat al-nihāya fī ṭabaqāt al-qurrā’, Beyrouth, 2006, I, p. 370-371 ; al-Mizzī, Tahdhīb al-kamāl fī asmā’ al-rijāl, éd. Bashshār ‘Awwād Maʻrūf, Beyrouth, 1988, XIV, p. 408-410. Je remercie Christopher Melchert de m’avoir aidé à identifier ce lecteur du Coran.
13 O. Grabar, « The Umayyad Dome of the Rock in Jerusalem », Ars Orientalis, 3 (1959), p. 38-59 ; id., La formation de l’art islamique, op. cit. n. 2, p. 72-92.
14 Grabar, « The Umayyad Dome of the Rock in Jerusalem », loc. cit. n. 13, p. 58-59.
15 Elad, « ‘Abd al-Malik and the Dome of the Rock… », loc. cit. n. 6, p. 181.
16 Grabar, La formation de l’art islamique, op. cit. n. 2, p. 88.
17 L. Gardet, « Imān », Encyclopédie de l’Islam2, Leyde/Boston, 2009, III, p. 1201.
18 M. Gil, A History of Palestine, 634-1099, Cambridge, 1992, p. 70-74.
19 L. Gardet, « Ḳiyāma », Encyclopédie de l’Islam, op. cit. n. 17, V, p. 233.
20 Notons qu’au moins une inscription privée (graffiti) non datée demande également à Dieu de pardonner à Muḥammad. Y. D. Nevo et J. Koren, Crossroads to Islam: The Origins of the Arab Religion and the Arab State, Amherst, 2003, p. 391.
21 Parmi d’autres innovations, notons le terme amīn, qui n’est pas utilisé de la sorte dans le Coran, où il apparaît seulement comme adjectif.
22 Le thème de l’intercession de Muḥammad a déjà été mis en évidence par R. Shani, « The Iconography… », loc. cit. n. 5, p. 177 et 186, puis repris par O. Grabar, The Dome of the Rock, op. cit. n. 4, p. 117. Mais ni l’un ni l’autre ne relèvent l’originalité d’une telle affirmation, ni n’en tirent toutes les conséquences.
23 A. Schimmel, « Shafā‘a », Encyclopédie de l’Islam, op. cit. n. 17, IX, p. 183.
24 Voir supra.
25 Rosen-Ayalon, The Early Islamic Monuments…, op. cit. n. 3, p. 60-61 ; Necipoğlu, « The Dome of the Rock… », loc. cit. n. 9, p. 54 et 79.
26 Necipoğlu, « The Dome of the Rock… », loc. cit. n. 9, p. 80.
27 S. Tamari, Iconotextual Studies in the Muslim Vision of Paradise, Wiesbaden, 1999, p. 69 ; id., Iconotextual Studies in the Muslim Ideology of Umayyad Architecture and Urbanism, Wiesbaden, 1996, p. 167. Voir Mujīr al-Dīn al-‘Ulaymī, al-Uns al-jalīl bi-ta’rīkh al-Quds wa-l-Khalīl, éd. ‘Adnān Yūnus ‘Abd al-Majīd Nabāta, Amman, 1999, I, p. 273. Il semble néanmoins peu probable que le dôme de la Chaîne ait pu servir de modèle au dôme du Rocher, comme d’aucuns ont pu le prétendre. Voir Rosen-Ayalon, The Early Islamic Monuments…, op. cit. n. 3, p. 27 ; N. Rabbat, « The Dome of the Rock Revisited: Some Remarks on al-Wasiti’s Accounts », Muqarnas, 10 (1993), p. 66-75, p. 70.
28 Sur le dôme de la Chaîne, voir notamment Rosen-Ayalon, The Early Islamic Monuments…, op. cit. n. 3, p. 25-29 ; A. Elad, Medieval Jerusalem and Islamic Worship, Leyde, 1999, p. 47-48 ; Kaplony, The Ḥaram…, op. cit. n. 7, p. 700-703.
29 Van Berchem, Matériaux pour un corpus inscriptionum Arabicum…, op. cit. n. 10, p. 174-175 et 180.
30 L’interprétation a d’ailleurs été réfutée par Rosen-Ayalon, The Early Islamic Monuments…, op. cit. n. 3, p. 26-27.
31 L. Nees, Perspectives on Early Islamic Art in Jerusalem, Leyde, 2016, p. 61-98, en part. p. 87-97.
32 Sur les plus anciens monuments commémoratifs en Islam, voir O. Grabar, « The Earliest Islamic Commemorative Structures, Notes and Documents », Ars Orientalis, 6 (1966), p. 7-46. Bien que l’auteur place le dôme du Rocher en tête de la liste chronologique de telles structures (p. 14), il ne mentionne pas le dôme de la Chaîne.
33 Wahb b. Munabbih, Ḥadīth Dāwūd, R. G. Khoury, Wahb b. Munabbih. Teil 1: Der Heidelberger Papyrus PSR Heid. Arab. 23, Wiesbaden, 1972, p. 106-108 ; al-Wāsiṭī, Faḍā’il al-bayt al-muqaddas, éd. Abū l-Mundhir al-Ḥuwaynī et ‘Amr b. ‘Abd al-‘Aẓīm b. Niyāzī Sharīf, Nicosie, 2010, p. 334.
34 M. Tillier, « L’étoile, la chaîne et le Jugement. Essai d’interprétation d’un élément de décor dans la mosquée d’Ibn Ṭūlūn au Caire », Der Islam, 92 (2015), p. 332-366, p. 348-349.
35 Voir H. Busse, « ‘Omar’s Image as the Conqueror of Jerusalem », Jerusalem Studies in Arabic and Islam, 8 (1986), p. 165-167.
36 Al-Muhallabī, al-Kitāb al-‘azīzī aw al-masālik wa-l-mamālik, éd. Taysīr Khalaf, Damas, 2006, p. 81. Voir Kaplony, The Ḥaram…, op. cit. n. 7, p. 571 ; Necipoğlu, « The Dome of the Rock… », loc. cit. n. 9, p. 28.
37 Al-Muhallabī, al-Kitāb al-‘azīzī…, op. cit. n. 36, p. 71 ; al-Wāsiṭī, Faḍā’il al-bayt al-muqaddas, op. cit. n. 33, p. 158, 161 et 164 ; Yāqūt, Muʻjam al-buldān, Beyrouth, 1988, IV, p. 48. Kaplony, The Ḥaram…, op. cit. n. 7, p. 387, 424 et 455 ; E. Honigmann et C. E. Bosworth, « al-Ṭūr », Encyclopédie de l’Islam, op. cit. n. 17, X, p. 716. Il convient de noter que la géhenne n’est plus associée dans les sources musulmanes à la vallée de Hinnom comme dans l’Antiquité.
38 G. Monot, « Ṣirāṭ », Encyclopédie de l’Islam, op. cit. n. 17, IX, p. 698.
39 Kaplony, The Ḥaram…, op. cit. n. 7, p. 277.
40 Mujīr al-Dīn al-‘Ulaymī, al-Uns al-jalīl…, op. cit. n. 28, II, p. 18. Sur la porte d’Isrāfīl, voir Kaplony, The Ḥaram…, op. cit. n. 7, p. 106 et 498. Raya Shani voit par ailleurs dans le décor intérieur de la partie orientale du dôme du Rocher, à la résonance eschatologique prononcée, un lien avec le mont des Oliviers où la résurrection est supposée commencer. Shani, « The Iconography… », loc. cit. n. 5, p. 177 et 185. Pour une telle interprétation du dôme du Rocher, voir Rosen-Ayalon, The Early Islamic Monuments…, op. cit. n. 3, p. 60-69, 71 ; Elad, Medieval Jerusalem…, op. cit. n. 28, p. 104-105, 108 et 163 ; Shani, « The Iconography… », loc. cit. n. 5, p. 176-178 et 185-186.
41 Abū l-Fidā’, al-Mukhtaṣar fī akhbār al-bashar, éd. Muḥammad Zaynuhum ‘Azab, Le Caire, s. d., I, p. 58 ; Ibn al-Wardī, Ta’rīkh Ibn al-Wardī, Beyrouth, 1996, I, p. 33 ; Kaplony, The Ḥaram…, op. cit. n. 7, p. 702 ; Necipoğlu, « The Dome of the Rock… », loc. cit. n. 9, p. 28. Sur l’association de la balance au Jugement dernier et sur le maḥshar, voir J. I. Smith et Y. Z. Haddad, The Islamic Understanding of Death and Resurrection, New York, 2002, p. 75 et 77-78.
42 P. Soucek, « The Temple of Solomon in Islamic Legend and Art », The Temple of Solomon, éd. J. Gutmann, Missoula, 1975, p. 74-123 ; Shani, « The Iconography… », loc. cit. n. 5, p. 166-176.
43 À la fin du viie siècle, Arculf décrit l’église de l’Ascension comme une « grande église ronde », entourée de trois portiques voûtés, dont la partie centrale n’était pas couverte. D. Pringle, The Churches of the Crusader Kingdom of Jerusalem. A Corpus. III. The City of Jerusalem, Cambridge, 2007, p. 72.
44 Elad, « ‘Abd al-Malik and The Dome of the Rock… », loc. cit. n. 6, p. 185.
45 Shani, « The Iconography… », loc. cit. n. 5, p. 178.
46 Ibid., p. 180.
47 Ibid., p. 178.
48 G. C. Miles, « Early Islamic Inscriptions Near ̣ā’if in the ̣ijāz », Journal of Near Eastern Studies, 7 (1948), p. 236-242, p. 237.
49 Sibt b. al-Jawzī, A. Elad, « Why did ‘Abd al-Malik Build the Dome of the Rock? A Re-examination of the Muslim Sources », Bayt al-Maqdis…, op. cit. n. 1, p. 57.
50 Il faut ici réfuter Necipoğlu (« The Dome of the Rock… », loc. cit. n. 9, p. 50), qui affirme à tort que la seule porte d’entrée possible est celle du sud car autrement l’inscription de fondation apparaîtrait nécessairement au milieu du texte. En entrant par l’est, l’inscription de fondation n’est précédée que par la basmala et la shahāda, qui constituent un préambule pieux au début du texte.
51 Voir Nevo et Koren, Crossroads to Islam…, op. cit. n. 20, p. 369-397 ; F. Imbert, « L’Islam des pierres : l’expression de la foi dans les graffiti arabes des premiers siècles », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, 129 (2011), p. 57-78, p. 69-70. Aux yeux de Frédéric Imbert, ces demandes de pardon relèvent surtout d’un « effet de mode », d’une stratégie permettant de pérenniser son nom dans la pierre (ibid., p. 71). On relèvera néanmoins des cas où la personne qui demande pardon n’est pas nommée (ibid.), ce qui affaiblit la thèse d’Imbert et permet de penser que ces graffitis traduisent d’authentiques craintes eschatologiques. Notons enfin la dimension eschatologique de plusieurs révoltes des années 680, notamment celle d’al-Mukhṭār à Kūfa, qui mit en avant le concept de mahdī, rédempteur attendu avant les fins dernières. Voir W. Madelung, « al-Mahdī », Encyclopédie de l’Islam, op. cit. n. 17, V, p. 1221.
52 Elad, Medieval Jerusalem…, op. cit. n. 28, p. 152-153 ; O. Livne-Kafri, « Jerusalem in Early Islam: The Eschatological Aspect », Arabica, 53 (2006), p. 382-403, p. 387-388 ; al-Wāsiṭī, Faḍā’il al-bayt al-muqaddas, op. cit. n. 33, p. 335 ; Ibn al-Faqīh, Mukhtaṣar kitāb al-buldān, éd. M. J. de Goeje, Leyde, 1885, p. 98.
53 Voir par exemple Nuʻaym b. Ḥammād, Kitāb al-fitan, éd. Samīr b. Amīn al-Zahīrī, Le Caire, 1991.
54 G. Hawting, The First Dynasty of Islam. The Umayyad Caliphate AD 661-750, Londres/New York, 2000, p. 46-49 ; C. F. Robinson, ‘Abd al-Malik, Oxford, 2005 p. 31-36.
55 Hawting, The First Dynasty of Islam…, op. cit. n. 54, p. 49.
56 Robinson, ‘Abd al-Malik, op. cit. n. 54, p. 38.
57 J. Johns, « Archaeology and the History of Early Islam: The First Seventy Years », Journal of the Economic and Social History of the Orient, 46 (2003), p. 411-436, p. 426.
58 R. G. Hoyland, « New Documentary Texts and the Early Islamic State », Bulletin of the School of Oriental and African Studies, 69 (2006), p. 395-416, p. 395 ; Imbert, « L’Islam des pierres… », loc. cit. n. 51, p. 68.
59 C. F. Robinson, ‘Abd al-Malik, op. cit. n. 54, p. 38-39.
60 C’est ce qu’Ibn al-Zubayr n’aurait pas manqué de rappeler aux pèlerins à La Mecque selon Sibt b. al-Jawzī, Mir’at al-zamān, A. Elad, « Why did ‘Abd al-Malik… », loc. cit. n. 49, p. 53.
61 Al-Yaʻqūbī, Ta’rīkh, éd. M. Th. Houtsma, Leyde, 1883, II, p. 311. Voir Elad, « Why did ‘Abd al-Malik… », loc. cit. n. 49, p. 40-48.
62 Celles-ci sont résumées dans Elad, « Why did ‘Abd al-Malik… », loc. cit. n. 49, p. 40-41.
63 Elad, « Why did ‘Abd al-Malik… », loc. cit. n. 49, p. 48-49 ; id., « ‘Abd al-Malik and The Dome of the Rock… », loc. cit. n. 6, p. 179 et 211.
64 Necipoğlu, « The Dome of the Rock… », loc. cit. n. 9, p. 38.
65 Voir J. Chabbi, Le Seigneur des tribus. L’islam de Mahomet, Paris, 2013, p. 39-51.
66 Le dôme du Rocher n’est pas la première attestation documentaire du terme. La stèle funéraire de ‘Abbāsa bt. Jurayj, datée de 71/691, porte déjà la mention de « gens de l’islam » (ahl al-islām). Voir H. M. el-Hawary, « The Second Oldest Islamic Monument Known, Dated A. H. 71 (A. D. 691). From the Time of the Omayyad Calif ‘Abd-el-Malik ibn Marwān », The Journal of the Royal Asiatic Society of Great Britain and Ireland, 2 (1932), p. 289-293.
67 Nevo et Koren, Crossroads to Islam…, op. cit. n. 20, p. 368, 370, 380, 382, 386 et 390 ; F. Imbert, « Inscriptions et espaces d’écriture au Palais d’al-Kharrāna en Jordanie », Studies in the History and Archaeology of Jordan, Amman, 1995, V, p. 404-405 ; M. Sharon, Corpus Inscriptionum Arabicarum Palaestinae, Leyde/Boston, 2004, III, p. 179 ; Kh. S. al-Jbour, Étude des inscriptions arabes dans le désert nord-est de la Jordanie, thèse de doctorat, université de Provence Aix-Marseille 1, 2006, I, p. 152-153, no 93 ; Ḥayāt bint ‘Abd Allāh Ḥusayn al-Kilābī, al-Nuqūsh al-islāmiyya ‘alā ṭarīq al-ḥajj al-shāmī bi-shamāl gharb al-mamlaka al-‘arabiyya al-sa‘ūdiyya (min al-qarn al-awwal ilā l-qarn al-khāmis al-hijrī), Riyad, 2009, p. 74.
68 Le Coran est ambigu concernant la supériorité de Muḥammad : « Muḥammad n’est qu’un prophète ; des prophètes ont vécu avant lui » (3 : 144). Le verset 33 : 44 affirme qu’il est le « sceau des prophètes », mais cette expression n’implique pas la précellence – auquel cas les prophètes bibliques les plus récents seraient supérieurs à Moïse et à Abraham. Soulignons enfin que l’expression n’était pas interprétée de manière univoque aux premiers siècles de l’Islam (voir Y. Friedmann, « Finality of Prophethood in Sunni Islam », Jerusalem Studies in Arabic and Islam, 7 [1986], p. 177-215).
69 Robinson, ‘Abd al-Malik, op. cit. n. 54, p. 87-95.
70 Necipoğlu, « The Dome of the Rock… », loc. cit. n. 9, p. 41-43 et 49. Voir également N. Rabbat, « The Meaning of the Umayyad Dome of the Rock », Muqarnas, 6 (1989), p. 12-21, p. 17-18. P. Crone et M. Hinds, God’s Caliph Religious Authority in the First Centuries of Islam, Cambridge, 1986, p. 44.
71 Kaplony, The Ḥaram…, op. cit. n. 7, p. 298 ; Necipoğlu, « The Dome of the Rock… », loc. cit. n. 9, p. 41. Necipoğlu montre que l’utilisation du dôme de la Chaîne comme espace judiciaire fut réactivée à l’époque ottomane, ibid., p. 62 et 68.
72 Voir A. Borrut, Entre mémoire et pouvoir. L’espace syrien sous les derniers Omeyyades et les premiers Abbassides (v. 72-193/692-809), Leyde/Boston, 2011, p. 72, 291-297.
73 H. Yücesoy, Messianic Beliefs and Imperial Politics in Medieval Islam, Columbia, 2009, p. 108.
74 Ibid., p. 86-7.
75 Voir notamment Necipoğlu, « The Dome of the Rock… », loc. cit. n. 9, p. 35.
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