Écritures endotaphes1 et expériences des temps entre Antiquité tardive et Moyen Âge
Proposals regarding Writings found in Graves from Early Antiquity to the Middle Ages
p. 105-118
Résumés
Le sujet d’un écrit enfoui auprès du défunt est resté un thème de la médiévistique, laissant penser que la pratique n’avait pas cours aux périodes antérieures. Pourtant, le dépôt d’une écriture dans la tombe est bien attesté avant le viiie siècle et mérite d’être abordé pour ce qu’il dit ou non d’une pratique acquise au xe siècle pour l’Occident latin. L’ancrage « médiéval » d’une thématique de recherche qui a vu émerger un substantif – l’endotaphe - et avec lui une catégorie d’objets invite à réfléchir aux capacités d’adaptation d’un genre heuristique à d’autres contextes chrono-culturels. Le détour par le matériel tardo-antique conduit à une autre façon d’appréhender ces objets, au-delà des grilles interprétatives déjà posées. Penser ces objets inscrit dans le temps des funérailles permet de revenir sur leur place dans la relation entre morts et vivants, quel que soit le contexte chrono-culturel. L’écriture, le geste, l’évènement du dépôt font de ces documents des expériences de temps.
The subject of a piece of writing buried in a grave has remained a theme of medieval studies and this has led to the belief that this was not an earlier practice. In fact, we have evidence of this practice before the 8th century and this deserves to be taken into consideration for the light it throws on a practice that was acquired in the 10th century by the Latin West. The “medieval” orientation of a theme of research which has seen the emergence of a noun endotaphe together with a category of objects invites reflection on the capacities of adaptation of a heuristic genre to other chrono-cultural contexts. Looking at material from the Late Antiquity period leads to a new way of apprehending the objects, which goes beyond the interpretive grids that are already in place. Thinking about these objects in the context of the time of the funeral allows us to reconsider their place in the relationship between the living and the dead, unchanged by the chrono-cultural context. The writing, the gesture, the deposit make these documents a way of experiencing time.
Remerciements
To a friend, as an echo from the fall days in Granada. Merci.
Texte intégral
1L’écrit enfoui au plus près du défunt est resté un objet d’étude de la médiévistique, laissant penser que la pratique n’avait pas cours aux périodes antérieures. Pour l’Occident tardo-antique, la thématique ne bénéficie pas, en effet, de la riche bibliographie connue sur ce sujet dans les études médiévales. Ce manque est à imputer à un état documentaire a priori peu prolixe qui limiterait le champ de la recherche et, partant, la force de l’analyse. Pourtant, la pratique d’une écriture au sein du sépulcre est bel est bien attestée dès l’Antiquité tardive et mérite donc d’être abordée pour ce qu’elle dit ou non d’une pratique acquise au xe siècle dans l’Occident latin. Ce détour ouvre la possibilité d’une interrogation à nouveaux frais de la documentation médiévale.
2Le parcours compte trois temps. Il passe par un nécessaire état de l’art d’une thématique de recherche qui a vu émerger un substantif – l’endotaphe – et, avec lui, une catégorie d’objets. L’archéologie d’une thématique qui s’est structurée avant tout autour des realia médiévaux et l’histoire des usages d’un mot permettent de préciser une terminologie aux contours mal définis. Après cet effort tant réflexif qu’épistémologique, il s’agira de proposer une approche inédite permettant l’économie de ces objets enfouis dans la tombe en s’appuyant sur la documentation tardo-antique. Progressivement s’ordonne un discours sur ces objets et leurs spécificités dans la relation entre morts et vivants, une maïeutique dont le mouvement s’affranchit en partie du contexte disciplinaire qui les a vus naître et de la terminologie restrictive du mot qui les désigne. In fine, il s’agit de penser ces documents comme traces d’expériences des temps, expériences actualisées dans l’intervalle de temps qui voit leur mise au tombeau.
Historiographie des écrits enfouis
Histoire d’une thématique
3Le sujet des écrits intérieurs au sépulcre parcourt le champ de l’histoire de l’Occident médiéval depuis la fin du xixe siècle1. Ce sont les plaques de plomb et petites croix métalliques, dites d’absolution et de désignation, qui, les premières, ont retenu l’attention2. La pratique de tels dépôts, rencontrés notamment dans les sépultures épiscopales et abbatiales à partir du ixe siècle, a été comparée avec celle des pittacia ou « identiques/authentiques » de reliques3. Par ricochet, elle a permis d’agréger à la problématique du dépôt funéraire inscrit, celle, plus large, de l’ensemble des episcopalia inscrits (crosse, bague, calice, patène, sceaux)4 ; portée identificatrice et destinée eschatologique sont alors les invariants dans la lecture et l’analyse de ces documents5.
4Le contexte ecclésiastique des documents a coloré la recherche sans la restreindre pour autant. Les écrits dans le sépulcre ne sont pas, du reste, l’apanage des membres du clergé et les fouilles récentes montrent au contraire une « pratique multiforme, omniprésente dans les habitudes funéraires des ixe-xiie siècles6 ».
5Aussi, considérant cette pratique protéiforme (en raison des communautés concernées, de la variété typologique de ce mobilier funéraire et de la diversité même des écrits), les problématiques se sont orientées vers le seul trait commun de ces différents documents : leur caractère caché et sépulcral. Cette articulation entérine la portée eschatologique du dépôt, induit l’ouverture de la tombe dans un temps historique et la possibilité d’identifier les restes, et permet aborder les notions d’écrits illisibles, invisibles, réservés, remettant ainsi en jeu les qualités traditionnelles conférées à l’objet épigraphique7. Enfin, ce paradoxe nourrit un peu plus les réflexions sur la force d’incarnation de l’écrit, favorisé par sa matérialité, et/ou du verbe, à son caractère éventuellement performatif qui intervient comme une autre fonction reconnue à l’inscription et de manière plus large à l’écrit8.
Histoire, usages et limites d’un substantif : endotaphe
6L’intérêt pour le sujet d’une écriture cachée s’est nourri de l’invention d’un mot : l’endotaphe. Le premier emploi du substantif reviendrait à Jacques Breuer, à propos des inscriptions nominales gravées sur des tuiles découvertes dans une tombe de l’abbaye de Nivelles en 19599. La postérité du terme est sans doute à imputer à Cécile Treffort et, depuis, son usage s’est répandu dans les publications, bien qu’il y rencontre une audience encore discrète.
7Dans sa forme, le néologisme – endotaphe, soit « dans le tombeau » – s’est construit comme pendant du terme épitaphe, « sur le tombeau ». Cette relation morphologique, de stricte opposition, n’induit pas celle des définitions attachées aux termes. Le mot épitaphe désigne l’ensemble des écrits funéraires exposés, nominaux et identifiants, s’établissant sur ou en marge du sépulcre. Cette définition qui désigne une catégorie d’objet bien identifié est celle donnée par Isidore de Séville au vie siècle10. L’endotaphe bénéficie, en revanche, d’une acception bien plus large que son parallèle exposé puisqu’il désigne dans la littérature « les écrits découverts à l’intérieur des sépultures11 » : la nature et les formes de l’écrit ne sont donc pas définies et le mot conviendrait pour les graffiti lus sur les parois intérieures d’un sarcophage et pour tout mobilier funéraire pourvu que celui-ci porte un écrit – la matrice du sceau, la bague inscrite, le vêtement funéraire tissé d’un nom ou d’un mot, etc. – tous ces objets sont des endotaphes. Poser cette diversité a des effets vertigineux ; elle est aussi fidèle, jusqu’à un certain point, à une réalité historique. Jamais les sources (antiques, tardo-antiques, médiévales) ne sont venues nommer, rassembler et faire chose, justement, les realia écrits trouvés dans la tombe. Lorsque ceux-ci sont mentionnés, ils le sont de manière détournée, par l’évocation de l’écrit, sa teneur, ou celle de l’objet support12. Ce contournement de la catégorie ou, plutôt, son absence de nécessité s’illustre au xiiie siècle dans un sermon d’Eudes de Châteauroux prononcé à l’occasion de la fête de sainte Agathe. Le titulus découvert dans la tombe de la sainte est décrit comme une « brevis tabula marmorea » et ce n’est rien d’autre qu’une « epitaphium […] fuit clausum in sepulcro13 ». Au fond, ici, l’épitaphe est endotaphe…
8Le terme d’endotaphe est né d’une analogie avec l’épitaphe, dans une littéralité augmentée. C’est bien la seule topographie de l’écrit à l’« intérieur du tombeau » qui fait la définition ; la désignation repose donc sur l’expérience archéologique. C’est sans doute ici qu’apparaît le mieux l’ambiguïté de la catégorie : ce n’est pas un objet qui est désigné et, à travers lui, une fonction, mais bien un état : celui de la découverte. Si la définition, contextuelle, permet d’embrasser un nombre considérable de realia, elle est paradoxalement restrictive dans ses implications. En privilégiant une situation, le terme gomme en effet la diversité des dynamiques qui ont conduit l’écrit dans la tombe. L’écriture intérieure au sépulcre n’est alors que mise en perspective dans un temps à venir, et concernerait implicitement plus souvent le défunt et sa mémoire, cachée. C’est négliger le parcours de l’objet épigraphique et ses manipulations avant son enfouissement et écarter les vivants d’un processus dont ils sont pourtant les premiers acteurs.
9Le terme « endotaphe » a participé à la construction d’un genre heuristique dans la mesure où il a mis en avant « une espèce de document » qu’il convenait donc de chercher. C’est bien là que réside son mérite. Sa parenté équivoque avec le mot « épitaphe » et son ancrage dans la médiévistique en limitent pourtant les vertus heuristiques au-delà du monde médiéval. Dans les usages, le terme est avant tout utilisé pour désigner les écrits identitaires trouvés en Occident au Moyen Âge, comme miroir donc de l’épitaphe14. Tout un pan de la documentation échappe alors au genre, noyée dans la catégorie générale du mobilier funéraire. Partant, la question de la spécificité (ou non) de la scripturalité du matériel endotaphe quel qu’il soit n’est finalement que rarement posée, quand elle est pourtant essentielle.
10Sortir du champ de la médiévistique occidentale, se confronter à d’autres temporalités et d’autres territoires permettraient d’examiner à nouveaux frais le matériel médiéval. Il ne s’agit pas tant de rechercher une origine à l’écriture endotaphe, mais plutôt d’éclairer ses conditions d’existence, en s’interrogeant sur les régularités dans la pratique, quel que soit le contexte chrono-culturel.
Au-delà de la médiévistique : les documents endotaphes tardo-antiques
Pratique d’une écriture endotaphe entre Antiquité et Moyen Âge
11Les objets inscrits endotaphes ne sont signalés qu’à titre exceptionnel parmi la documentation épigraphique de l’Antiquité romaine. En dépit des souhaits émis par Xavier Barbier de Montault15, ils ne constituent pas un champ particulier de la recherche et nul travail n’est venu rassembler les cas qui pouvaient s’y apparenter. Cet état de fait repose en partie sur la difficulté à gérer une catégorie hétéroclite qui viendrait rassembler tablettes de defixio, mobilier d’accompagnement et documents apparentés aux épitaphes. Le spectre est très large et la tradition de l’épigraphie classique, qui vient scinder l’instrumentum de l’épigraphie lapidaire bien plus que dans l’épigraphie médiévale, plus inclusive, a contribué sans doute à la difficulté de se saisir de la catégorie inaugurée par les médiévistes.
12Dans l’Antiquité tardive, le matériel inscrit enfoui est tout autant disparate et les études de synthèse restent à faire. Pour l’Italie constantinienne, nous n’avons recensé que cinq cas d’inscriptions à portée identificatrice trouvées dans des sarcophages ; l’écrit peut être alors gravé en fond de cuve ou prendre la forme de plaques déposées dans la tombe16. Les occurrences sont datées de la seconde moitié du ive siècle. Ce nombre dérisoire, au regard de la masse épigraphique contemporaine connue pour la péninsule Italienne, ne peut qu’interroger : pratique anecdotique ? Phénomène de conservation différentielle ? Si peu nombreux soient-ils, ces objets existent et témoignent bien d’usages qui doivent être envisagés avec le seul cas connu pour l’époque augustéenne : une double inscription gravée sur le fond d’un sarcophage17. Le corpus s’enrichit si l’on déploie la recherche à la Gaule tardo-antique. Les écrits endotaphes nominaux, a priori identitaires, apparaissent toutefois moins nombreux qu’à la période suivante18. Quant au petit mobilier inscrit (fibules, plaques-boucles, bagues, monnaies, lames de plomb), il est vu, en raison de la position charnière de la période, au prisme d’une survivance du paganisme19. Si l’écrit qui l’accompagne affiche des caractères chrétiens, il est vu comme un moyen de christianiser la tombe dans un environnement mixte, pour ses vertus propitiatoires, dans la perspective eschatologique de la mort chrétienne à l’égal des objets médiévaux20.
13De l’Antiquité au haut Moyen Âge, la grille interprétative pour analyser ces objets inscrits déposés dans la tombe est avant tout fonctionnelle. Elle reprend celle adoptée pour l’interprétation des dépôts d’objets anépigraphes et suit trois orientations : le dépôt d’objet comme signe de croyances, le dépôt d’objet comme marqueur social et le dépôt d’objet comme manifeste de stratégies spécifiques activées lors des funérailles. Ces focales ont le mérite d’insister sur le geste du dépôt, plus que sur l’état lors de la découverte. Ces lectures ne font néanmoins pas de la présence de l’écrit un élément problématique comme l’ont établi les études médiévales. Mais les modèles interprétatifs de la médiévistique – perspective eschatologique de la mort chrétienne, culte des reliques, dimension théologique de l’écriture – ne conviennent pas au matériel antique, ni tout à fait au matériel tardo-antique. Ce constat oblige à définir les constantes partagées par tous les types d’écrits endotaphes, dans la diachronie, libéré des paradigmes culturels et périodisés.
Conditions d’existence d’une écriture endotaphe entre Antiquité et Moyen Âge
14S’interroger sur les invariants des objets écrits enfouis dans la tombe revient à questionner les gestes qui conduisent au dépôt, la temporalité de ces gestes, et l’écriture. Les gestes, les funérailles, l’écrit sont les constantes. Il s’agit de déterminer le rôle de ces objets dans l’intervalle de temps entre le décès d’un individu et son inhumation, avant qu’ils ne deviennent invisibles et inaccessibles.
15L’archéologie du geste devient tangible si l’on tient compte de la topographie de l’objet trouvé dans la tombe. Il faut être attentif aux rapports de l’écrit au contenant funéraire ainsi qu’au corps ; l’écrit peut, par exemple, être directement gravé sur l’une des parois de la tombe, mais il peut aussi s’en émanciper quand il s’agit d’un élément mobile. La mobilité suppose manipulation et circulation de cet objet épigraphique avant son enfouissement. Enfin, cet écrit se trouve en relation avec le corps du défunt ; il se trouve dessous, dessus, en regard comme il peut être porté ou déposé. Il s’agit de repérer des degrés et des modalités de proximité et/ou d’interaction, entre l’objet et le défunt mais aussi les vivants. La vigilance portée à la topographie est importante dans la mesure où elle livre des indices sur les conditions d’exposition de l’écrit avant la fermeture du tombeau et pourrait se présenter comme la trace d’une séquence dans le temps des funérailles.
16L’écriture doit être questionnée à deux échelles, d’abord en tant que composant puis pour son contenu. L’écrit est, en effet, un élément structurant dans la nature de l’objet. En d’autres termes, il peut apparaître comme la raison d’être de l’objet enfoui ou, à l’inverse, comme un élément « complémentaire » quand il vient augmenter un objet qui existe déjà pour lui-même dans un absolu. La plaque de marbre provenant de Lyon, trouvée dans un sarcophage, sous la tête du défunt et portant un texte similaire au discours épitaphique n’a été réalisée qu’en vertu du message : l’écrit fonde l’objet, qui n’est que matière épigraphique21. Il en va de même pour la lame de plomb de Vindrac, qui n’a de fonctionnalité qu’inscrite22. En revanche, une bague, la paroi d’un sarcophage ou une plaque-boucle sont déjà des réalités bien que la gravure de lettres les transforme en un objet épigraphique.
17Dans un même temps, le discours doit être examiné. Il faut alors distinguer la nature de l’écrit : est-il nominal ou anonyme (la bague avec nom, un monogramme ou le seul S barré23) ? Est-il personnalisé (une coupe portant une formule acclamatoire associée à un nom24) ou relève-t-il d’une formule exempte de personnalisation (formule des plaques-boucles burgondes, légende monétaire), la valeur personnelle n’intervenant que dans le rapport supposé entre l’objet et le défunt ? Enfin fait-il sens ou relève-t-il de la pseudo-épigraphie25 ?
18Cette grille de lecture se veut structurelle et descriptive. Elle n’implique a priori aucune interprétation fonctionnelle ; le nominal, pas plus que la personnalisation, ne sont confondus avec l’identitaire, l’écrit pseudo-épigraphique n’est pas d’emblée posé comme écrit magique26, la formule acclamatoire n’est pas lue comme prophylactique. Libéré du schéma de l’efficacité, nous y revenons une fois gestes, écrits et objets mis en relation. L’efficacité alors en jeu se mesure à l’aune de toute la vie passée de l’objet, et ne se limite pas à sa qualité d’objet enfoui. Il s’agit donc de distinguer les objets inscrits dont la seule vocation est funéraire, et ceux qui héritent d’une vie antérieure et dont la destinée sépulcrale n’est que l’issue accidentelle d’une, parfois, très longue histoire. La topographie, trace du geste d’enfouissement, témoigne de la relation qui unissait vivants, mort et objet. La prise en compte des différentes variables ici exposées permettrait de saisir plus finement les dynamiques sociales qui déterminent le dépôt de l’écriture dans la sépulture et, partant, l’enjeu du document inscrit à l’étude. Nous ne mènerons ici l’enquête qu’à partir de deux objets épigraphiques : pour l’un, l’écrit fonde l’objet ; pour l’autre, il est ajouté à un objet qui existe déjà pour lui-même.
19Ainsi, à Angoulême, est découverte au début du xxe siècle, une dalle de terre cuite « posée verticalement derrière la tête du squelette » dans une tombe, soit en pleine terre, soit en matériau périssable27. Le support est mobile ; il a pu circuler parmi les vivants, puis être déposé dans la fosse avant le corps ou après celui-ci en imaginant un temps variable d’exposition. L’inscription se caractérise par son contenu obituaire et nominal et vient dater de l’année 405 le décès de Basilia – Dep(ositio) Basi | li(a)e XI k(a)l(endas) feb(ruarias) | die soli[s] post | cons(ulatu)s Ho(no)rio | VI –, suivant un discours similaire à celui des épitaphes contemporaines28. Le contact entre les restes de la défunte et cette plaque nominative suppose la valeur identitaire du texte et sa possible fonction de désignation de la sépulture. Positionné derrière la tête de la défunte, l’objet a une visibilité qui a été contrainte une fois le corps déposé et orienterait donc, a priori, vers la dynamique eschatologique du dépôt. Le texte ne porte aucun caractère chrétien explicite. La nature du support – terre cuite – et les qualités formelles de l’écriture – proche de la cursive – pourraient aussi bien orienter vers le pragmatisme d’un écrit permettant la réservation de la sépulture.
20De la même manière, les écrits endotaphes inscrits directement sur les éléments de la structure funéraire invitent à la prudence dans les interprétations. La nécropole mérovingienne de Cognac a livré un sarcophage contenant deux individus et dont la paroi de tête est inscrite d’un seul nom : MOMA. La place de cet écrit suppose une gravure avant l’inhumation du premier défunt. La topographie de l’inscription conjuguée à sa technicité – réalisation à la pointe – pose véritablement la question de la visibilité, même sur le court laps de temps d’ouverture de la tombe. Compte tenu de la topographie du texte, de sa brièveté29 et de ses qualités formelles, on peut s’interroger sur les intentions préalables à l’inscription du nom. S’agissait-il d’identifier un premier défunt et dans quelle circonstance ? Celle d’une réservation du caveau ? Doit-on toujours envisager cet écrit comme une inquiétude eschatologique ?
Dalle de Basilia, Angoulême (cl. M. Uberti) et inscription de MOMA, Cognac (cl. Br. Boissavit-Camus)

21Ces cas rendent compte de l’existence d’une écriture intérieure strictement funéraire, parce que liée au décès d’un individu. Elle peut revêtir des enjeux divers et qui ne sont pas exclusifs. Si ces écrits nominaux sont éventuellement pragmatiques dans une première intention, leur force d’incarnation et leur permanence dans le sépulcre préviennent la disparition du corps, dans un temps qui échappe aux vivants.
Les funérailles, l’objet, l’écrit dans leurs rapports au(x) temps
Les funérailles comme mise en acte des temps
22Les recherches sociologiques sur la mort ont montré que les funérailles ne sont pas seulement un espace d’expression de croyances et de superstitions autour du mort. Elles relèvent aussi d’obligations culturelles, sociales, éventuellement institutionnelles et, in fine, permettent la mise en place du mort vis-à-vis des vivants30. À ce titre, les funérailles sont un événement qui permet la transformation et l’acquisition d’un nouveau statut : celui de défunt. Si l’on se positionne dans le champ de l’anthropologie du temps, les funérailles sont une brèche en ce qu’elles constituent « un intervalle dans le temps qui est entièrement déterminé par des choses qui ne sont plus et par des choses qui ne sont pas encore », choses dont prennent conscience « non seulement les historiens, mais les acteurs et les témoins, les vivants eux-mêmes31 ». Et si Hannah Arendt n’a pas écrit la formule en pensant l’événement individuel, ces mots ont ici une portée quasi littérale. L’intervalle, c’est ce temps suspendu du rituel ; la chose, c’est le corps. Dans ce contexte, l’objet visible hic et nunc, mais appelé à disparaître, pallie ce désordre du temps puisqu’il articule, incarne et actualise, dans le présent, des fragments d’un passé tout en engageant le futur par le geste d’enfouissement. Les funérailles sont le cadre de la rencontre des différentes temporalités que cristallisent les objets.
Les objets endotaphes, marque du passage et de la rupture
23Les objets personnels donnés à voir lors du cortège funéraire, parce qu’ils sont portés par le mort, ou lors de la mise en bière, lorsqu’ils sont déposés, ont été l’objet d’un choix. La bague de fiançailles commémore un événement de la vie du défunt. Visible lors des funérailles, elle insiste sur l’un des aspects de son identité passée – son statut conjugal – que l’on choisit de prolonger dans la mort. Son enfouissement dans la tombe marque une rupture dans la généalogie familiale. L’anneau signé d’un S barré, s’il ne donne pas un nom, va insister sur un rang social, une autorité, un capital. Fragment d’une biographie, les objets personnels déposés au côté du mort participent à la mise en scène du défunt, mais aussi à sa mise en récit. Les objets personnels qui finiront dans la tombe peuvent être considérés comme des éléments transitionnels, marquant le passage de l’état de vivant à celui de défunt. Ils participent à la définition d’une altérité, sélective, théâtrale, qui ne répond plus tout à fait à celle du vivant, ni même à celle d’un mort abstrait, mais plus à une effigie (imago ?). Ils sont les indices choisis d’un temps vécu, partagé par la communauté présente, et fixent l’image d’une histoire individuelle, rendue mémorable par la ritualité des funérailles.
24L’écriture du décès ou du nom du défunt sur une plaque ou la structure funéraire, sur le modèle d’une épitaphe, répondrait à des intentions différentes et, finalement, complémentaires. La mention du nom rend compte de l’identité fondamentale de l’individu, celle de son décès (par la date, une formule tumulaire) l’ancre d’emblée dans son statut de disparu. Le discours, ici, se distingue de celui que l’on peut reconnaître à l’objet personnel qui a été utilisé. Si les éléments biographiques (âge, titres) sont mentionnés, il s’agit bien d’affirmer explicitement le décès. Réalisée pour l’événement, donnant à voir la mort, la mention du nom inscrit d’emblée l’autre – ce cadavre – dans l’au-delà et affiche la rupture avec les vivants.
25Ces objets épigraphes – mobilier, plaques endotaphes – traduisent des expériences du temps, celles du disparu, mais aussi de la communauté présente. En d’autres termes, l’historicité de ces objets se confond avec celle de la communauté. Ces expériences du ou des temps sont mises en acte lors des funérailles qui unissent morts et vivants. Il y a là une mise au carré du temps. L’écriture dote l’objet d’une charge mémorielle supplémentaire tout en le singularisant, non pas tant en raison du discours que du geste graphique, toujours unique, qui en est à l’origine. Il participe à l’efficience intrinsèque et particulière de l’objet. Enfin, le caractère épigraphique de ces objets ouvre sur une mise au cube du temps.
L’objet épigraphique et le temps
26L’objet épigraphique constitue en lui-même une réalisation des trois dimensions du temps – passé dont il est la trace présente –, un présent qui est celui de sa perception, un futur anticipé en raison de sa nature même32. En cristallisant à la fois matérialité et écriture, l’objet épigraphique engage d’emblée ces trois modes. Dès lors, l’objet inscrit endotaphe se distingue de l’objet anépigraphe endotaphe. Très concrètement, il réalise le souvenir de l’événement à l’origine de l’objet – les sponsalia par exemple – ou l’usage de l’objet lors de la vie du défunt – le sceau –, mais aussi l’événement de la mort – le nom inscrit à l’occasion du décès et peu importe l’intention, pragmatique et/ou eschatologique. La tablette de defixio antique est aussi la traduction d’un événement et de relations passées. Enfin, au-delà même de la mémoire d’un événement ou d’un usage lié au défunt et sa possible projection dans un au-delà, l’écriture est la trace d’un geste survenu dans un temps vécu par le défunt et les vivants présents lors de la cérémonie funèbre.
27La capacité d’incarnation reconnue à l’écriture, de l’Antiquité au Moyen Âge33, accroît celle reconnue à l’objet dans le contexte des funérailles. Au-delà de toute perspective eschatologique, c’est cette immanence en ce qu’elle condense de l’être qui justifie le dépôt d’un objet qui pallie l’inertie d’un cadavre, prévient sa disparition et voire s’y supplée34. Livrépour un temps éphémère à la vue des vivants avant de disparaître, l’objet inscrit mêle inextricablement oubli et mémoire ; ces deux notions devenant justement perceptibles lors de la manipulation de l’objet. À la fois expériences, condensés et feuilletés des temps, dans une temporalité singulière (éphémère et ritualisée), il rappelle combien la survie de la mémoire du mort, mise en scène et fondée lors des funérailles, dépend des vivants et de leur propre historicité, tout en engageant, par le geste du dépôt, une temporalité déjà marginale puisque son déroulement échappe aux vivants.
28Le chemin pris montre que l’écriture endotaphe constitue un sujet d’étude en soi, quel que soit le champ chrono-culturel, quelles que soient ses formes, et que nous avons à gagner d’une approche dynamique du sujet. Il s’agit de passer de l’étude de l’écrit intérieur à celle de l’écrit appelé à l’être. Il faut s’émanciper d’un état, et revenir à l’objet épigraphique comme composant d’un événement, comme production sociale et pour lui-même. Poursuivre l’enquête vers les périodes antiques et tardo-antiques apparaît indispensable, en raison bien sûr des informations qu’elle livrerait sur le « substrat » des pratiques médiévales. Systématiser l’enquête à tout type de documents endotaphes suivant la grille d’examen proposée et dépasser l’horizon de l’Occident médiéval révèlerait plus encore les convergences des pratiques et, à l’inverse, les variations tout en ouvrant la possibilité de questionnements transversaux. Dans un premier temps, peut-être faudrait-il éprouver les questions dans un Moyen Âge élargi, entre Orient et Occident, et rester attentif aux pratiques d’écrits enfouis également dans les cultures islamique et hébraïque. Les inquiétudes eschatologiques sont toujours à l’œuvre, mais le détour par un temps anthropologique permettra peut-être d’éclairer autrement la documentation médiévale occidentale.
Notes de bas de page
1 L’article de X. Barbier de Montault, « Les croix de plomb placées dans les tombeaux en matière de pittacium », Bulletin de la Société archéologique et historique du Limousin, 36 (1888), p. 23-50, marque la naissance de la thématique de recherche.
2 Sur les inscriptions sur plombs : R. Favreau, « Les inscriptions sur plombs au Moyen Âge », Inschrift und Material – Inschrift und Buchschrift. Fachtagung fur mittelalterliche und neuzeitliche Epigraphik. Ingolstadt, 1997, dir. W. Koch et C. Steininger, Munich, 1999, p. 45-63 ; sur les croix métalliques, après l’étude de X. Barbier de Montault, les travaux de E. Dabrowska, « Passeport pour l’au-delà : essai sur la mentalité médiévale », Le Moyen Âge, 111 (2005), p. 318-338.
3 Sur les parallèles entre endotaphes et authentiques de reliques et les formules d’absolutions inscrites : ibid., p. 323-329 et V. Debiais, « L’inscription funéraire des xie-xiie siècles et son rapport au corps. Une épigraphie entre texte et image », Cahiers de civilisation médiévale, 54 (2011), p. 347-348.
4 Sur ces dépôts et leurs associations aux episcopalia : D. Boyer Gardner, « Une mémoire enfouie. Réflexions autour du dépôt des pontificalia et d’inscriptions nominales dans les tombes d’évêques aux xie et xiie siècles : l’exemple de l’Aquitaine », Mémoires, tombeaux et sépultures à l’époque romane, Saint-Michel de Cuxa, 2011, p. 195-201 ainsi que Dabrowska, loc. cit. n. 2. Pour les matrices de sceaux déposées dans les tombes médiévales : B. Bedos-Rezak, « L’au-delà de soi. Métamorphose sigillaire en Europe médiévale », Cahiers de civilisation médiévale, 49/196 (2006), p. 337-358.
5 En dernier lieu : J.-V. Jourd’heuil, « Nommer une tombe épiscopale. Objets funéraires et endotaphes dans la cathédrale d’Orléans », La cathédrale d’Orléans, éd. I. Jourd’heuil, S. Marchant et M.-H. Priet, Tours, 2017, p. 181-202, p. 188 et suiv.)
6 C. Treffort, « Une écriture cachée aux yeux des hommes. Quelques réflexions autour des “endotaphes” médiévales », La mémoire des pierres : mélanges d’archéologie, d’art et d’histoire en l’honneur de Christian Sapin, Turnhout, 2016, p. 39-45.
7 C. Treffort évoque un paradoxe (ibid., p. 39). Sur la notion d’écriture réservée, voir les propositions autour de l’idée d’une écriture à la « présence restreinte » à partir d’études diachroniques : Verborgen, unsichtbar, unlesbar – zur Problematik restringierter Schriftpräsenz, éd. T. Freise, W. E. Keil, K. Kruger, Berlin/Boston, 2014. Le seul article sur le monde funéraire médiéval évoque les épitaphes et images médiévales sur la tombe dont la visibilité est rendue éphémère en raison d’aménagement visant à les cacher : J. Tripps, « Wandelbare Grabmäler. Fragen zur restringierten Präsenz von Schrift und Bild », p. 191-213. En 2016, le programme EPIMED consacrait un workshop aux « écritures réservées » médiévales : https://epimed.hypotheses.org/256.
8 La fonction performative des inscriptions est avant tout reconnue aux inscriptions en contexte de communication et, bien sûr, d’énonciation. Pour l’Antiquité, E. Valette-Cagnac, La lecture à Rome, Paris, 1997, p. 102. Pour le monde médiéval, V. Debiais, Messages de pierre. La lecture des inscriptions dans la communication médiévale (xiiie-xive siècles), Turnhout, 2009, p. 197-198.
9 M. Renard, « Inscription latine de Nivelles », Revue belge de philologie et d’histoire, 33/2 (1955), p. 320-326, p. 324, n. 6.
10 Isidore de Séville, Étymologies, Lib. I, chap. XXXIX : De metris, c. 20, pl. 82, col. 118-120 : Epitaphium Graece, Latina supra tumulum. Est enim titulum mortuorum, qui in dormitione eorum fit qui jam defuncti sunt. Scribuntur enim ibi uita, mores et aetas eorum.
11 Atlas archéologique de Touraine (université de Tours) : http://a2t.univ-tours.fr/glossaire.php?mot=132 (page consultée le 18 octobre 2017).
12 Sur les sources médiévales témoignant du dépôt d’inscriptions nominales dans la tombe : C. Treffort, Mémoires carolingiennes, Rennes, 2007, p. 27-38. Pour le haut Moyen Âge : Grégoire de Tours, Passio sanctorum septem dormientium apud Ephesum, MGH, SS, RM, I-2, p. 397-403, p. 399-400 ; Éginhard, Translatio et miracula sanctorum Marcellini et Petri, MGH, SS, 15/1, lib. I, c. 8, p. 238-264, p. 243. L’auteur relate la découverte d’une plaque inscrite dans une tombe des catacombes des Saints-Pierre-et-Marcellin (Rome) qui permit d’identifier les restes de saint Marcellin. Il faut sans doute y voir la découverte d’un authentique déposé dans le sarcophage reliquaire au viie siècle, lors du réaménagement de la crypte dédiée au saint (J. Guyon, Le cimetière aux deux lauriers : recherches sur les catacombes romaines, Rome, 1987, p. 479-484).
13 Je remercie Haude Morvan qui m’a fait découvrir ce texte. Pour une édition du texte : J.-B. Pitra, Analecta novissima Spicilegii Solesmensis altera continuatio, vol. II (Tusculana), Tusculum, 1888, p. 316-319. Pour la bibliographie : H. Morvan, « Mirabiles aut humiles. Le tombe nello sguardo degli autori del Duecento », Le vie della comunicazione nel medioevo, Rome (à paraître).
14 Récemment : C. Treffort, « Endotaphes », Rapport d’opération de fouilles archéologiques. Sains-en-Gohelle « 227 rue Lamartine ». Pas de Calais (62), Archéosphère, 2012, p. 403-420. La pratique est attestée dans les communautés hébraïques de la péninsule Ibérique : J. Casanovas Miro, « Inscripcions per o no ser llegides, simbols per o no ser vistos », Tamid: Revista Catalana Anual d’Estudis Hebraics, 9 (2013), p. 7-25 (endotafis, p. 9).
15 Barbier de Montault, loc. cit. n. 2, p. 24.
16 Le sarcophage de Tenao (Campanie, Italie) abritait trois inscriptions (AE 1988, 288, 289, 290) ; voir également : ICVR II, 4165 et ICVR, 3555.
17 Il s’agit d’une inscription d’époque augustéenne (CIL IX, 2845-2846) gravée au fond de la cuve d’un sarcophage double. Le texte expose la généalogie d’un sénateur et de son épouse. Il n’exclut pas l’existence d’une épitaphe, à la visibilité plus pérenne. L’inscription intérieure a pu être lue, voire commentée, par les défunts eux-mêmes du temps de leur vivant, en imaginant un sarcophage ouvert et exposé dans l’attente du décès, puis lu par leurs proches lors des funérailles : M. Corbier, « Construire sa parenté à Rome », Revue historique, 284/1 (1990), p. 3-36, p. 36 ; N. Mathieu, L’épitaphe et la mémoire, Rennes, 2011, p. 36. Fr. Beltran Lloris y voit un possible cénotaphe, gardé ouvert, l’écrit incarnant les défunts absents et inhumés ailleurs : Fr. Beltran Lloris, « El enigmático sarcófago de Publio Pasquio Esceva (CIL IX, 2845-2846) », Saldvie, 11-12 (2012), p. 97-105.
18 Nous avons recensé vingt cas entre le début du ve et le viiie siècle.
19 A. Dierkens, « Christianisme et paganisme dans la Gaule septentrionale des ve et vie siècles », Die Franken und die Alemannen bis zur “Schlacht bei Zulpich”, dir. D. Geuenich, Berlin, 1998, p. 450-474.
20 C. Treffort, « Vertus prophylactiques et sens eschatologique d’un dépôt funéraire au haut Moyen Âge : les plaques-boucles burgondes à inscriptions », Archéologie médiévale, 32 (2002), p. 31-53, p. 49. À Cologne, au ive siècle, des coupes de verre portant des formules d’invitation à boire (Vivas cum tuis omnibus in Deo, z[eses]) associées à des scènes figurées qui font appel à la résurrection, sont déposées dans les tombes. Il s’agit là d’une véritable production funéraire chrétienne : P.-A. Février, « La tombe chrétienne et l’au-delà », Le temps chrétien de la fin de l’Antiquité au Moyen Âge, iiie-xiiie siècles, Paris, 1984, p. 163-183, p. 172-173.
21 CIL XIII, 11207. Il s’agit d’une inscription qui date le décès de l’année 438.
22 Deux lames de plomb inscrites ont été trouvées chacune dans un sarcophage mérovingien à Vindrac (Tarn) : S. Duchesne, É. Crubézy, Les cimetières du haut Moyen Âge en Languedoc. Des champs d’inhumation à la « campagne » aux premiers cimetières d’églises, Perpignan, 2015, p. 92.
23 À Bruch (Lot-et-Garonne), une bague découverte dans un sarcophage mérovingien porte sur le chaton un S barré, abréviation possible de signavit/signum : I. Cartron, L. Biscarrat, « Étude et analyse des objets », Rapport de fouille, vol. 2, 2011, p. 51. Les cas sont nombreux au haut Moyen Âge.
24 À Angoulême, une cruche datée des ive-ve siècles porte l’inscription peinte : Lea vivas ; E. Le Blant, Nouveau recueil des inscriptions chrétiennes de la Gaule, Paris, 1892, no 278.
25 Plusieurs cas d’anneaux inscrits pour l’Antiquité tardive témoignent d’un usage marginal de l’écrit. Par exemple, la nécropole de Drudas (Haute-Garonne) a livré un anneau portant une combinaison de lettres sur le pourtour extérieur du jonc : CEEINa CC CR AA LE FNLI : J.-L. Boudartchouk et al., « Quelques ensembles de mobilier d’époque mérovingienne provenant de nécropoles : Guilhamat de Lacroix-Falgarde ; Le Hauré (et le Tourguil) de Drudas, Saint-Michel-d’Aussiac de Le Burgaud (Haute-Garonne), Le Coulomé de Montégut (Gers) », Mémoires de la Société archéologique du Midi de la France, 60 (2000), p. 49-82.
26 Sur les liens entre écrit pseudo-épigraphique et magie : M. Mostert, « La magie de l’écrit dans le haut Moyen Âge », Haut Moyen Âge. Culture, éducation et société, études offertes à Pierre Riché, coord. M. Sot, Nanterre/La Garenne-Colombe, 1990, p. 273-281.
27 C. Treffort, M. Uberti, « Identités des défunts et statuts du groupe dans les anciens diocèses de Poitiers, Saintes et Angoulême entre le ive et le ixe siècle », Wisigoths et Francs autour de la bataille de Vouillé (507). 28e journées d’archéologie mérovingienne, dir. L. Bourgeois, Saint-Germain-en-Laye, 2010, p. 193-213, p. 205.
28 Ibid.
29 La brièveté n’est toutefois pas un argument décisif. À la même période, nous rencontrons des épitaphes monumentales se résumant à un nom sur des couvercles de sarcophages : M. Uberti, « Le nom isolé dans les inscriptions funéraires entre Loire et Pyrénées, vie-viie siècle », Épigraphie, archéologie et histoire de l’Antiquité tardive et du haut Moyen Âge, Luxembourg/Arlon, sous presse.
30 P. Baudry, La place des morts. Enjeux et rites, Paris, 2006, p. 46-47 et p. 77.
31 H. Arendt, La crise de la culture, Paris, 2016, p. 19.
32 C’est la définition des trois modes du temps donnée par saint Augustin : Sunt enim haec in anima tria quaedam et alibi ea non uideo, praesens de praeteritis memoria, praesens de praesentibus contuitus, praesens de futuris expectatio (Augustin, Confessions, XI, xx, 26).
33 Pour l’Antiquité, Properce, Élégie, II, 1, l : quandocumque igitur vitam me fata reposcent, et breve in exigo marmore nomen ero, éd. S. viarre, Paris, 2005, p. 71-72.
34 C’est, d’une certaine manière, la valeur qui est reconnue au sceau médiéval comme « extension de soi », voire « double » : Bedos-Rezak, loc. cit. n. 5, p. 344.
Notes de fin
1 Le terme endotaphe est utilisé ici comme adjectif. Dans l’article, nous reviendrons sur son usage comme substantif après quoi nous l’utiliserons sous une forme adjectivée, en revenant à son étymologie : « dans la tombe ».
Auteur
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