Chapitre XI. La France et le processus de liquidation de la première république parlementaire portugaise : de la coopération dans la lutte « anti-bolchévique » à la reconnaissance de la dictature militaire (1919 – 1926)
p. 207-233
Texte intégral
1Une fois passé le moment de tension qui marqua la fin de la République Nouvelle et la Conférence de la Paix, il fut donné libre cours à la célébration de l’amitié entre les deux pays. Déjà la période de la Conférence de la Paix avait été marquée par l’inauguration, en mars 1919, des cours de langue et de littérature portugaises à la Sorbonne1. Mais ce furent surtout les manifestations de fixation des souvenirs de guerre, véritables dérivatifs à une situation de malaise politique et social et auxquelles les milieux dirigeants portugais accordèrent une attention particulière, qui seront au premier plan.
2Ces manifestations qui commencèrent par la célébration au Portugal, du 14 Juillet 1919 décrété fête nationale cette année-là, en écho aux grandes festivités qui avaient lieu les 13 et 14 Juillet à Paris, devaient contribuer assez largement à l’instauration du climat idéologique dans lequel interviendra le changement de régime, le 28 mai 1926.
3En 1920, le gouvernement portugais décerna à la ville de Lille le grade de chevalier de la Tour et de l’Épée, la plus haute distinction du pays, en reconnaissance de la sympathie manifestée par ses habitants à l’égard des prisonniers portugais de la Bataille de la Lys (9 avril 1918) en route pour la captivité en Allemagne2. En avril 1921, a lieu l’inhumation du Soldat Inconnu portugais (ou mieux de deux soldats inconnus, celui d’Afrique et celui de France) au monastère de Batalha. La France, représentée par le maréchal Joffre, y tint la première place parmi les nations invitées. Peu avant les cérémonies de Batalha, vit le jour une association des anciens combattants français résidant au Portugal. Cette association qui offrit sa présidence d’honneur au maréchal Joffre et prit part aux cérémonies de Batalha était appelée à jouer un rôle dans les échanges de cette nature. Le mois de décembre de la même année 1921 fut marqué par la création de la commission portugaise des monuments de la guerre qui devait être à l’origine de plusieurs manifestations franco-portugaises ; en particulier, elle offrit au Touring Club de France, sept bornes commémoratives en vue de la délimitation du secteur portugais sur la longue file de bornes qui, de Suisse en Mer du Nord, marquèrent des lignes du front. L’inauguration de ces bornes eut lieu le 9 avril 1923 au Pont du Hem en présence des délégués de la commission portugaise des bornes de guerre et du maréchal Joffre qui présida la pose de la première pierre du monument portugais de Lacouture, le dernier réduit portugais au cours de la bataille du 9 avril 19183.
4Le culte du patriotisme, qui était l’objet de ces échanges, était le reflet du développement du courant nationaliste né de la guerre et accentué par la réaction anti-bolchévique. Ce phénomène qui se traduisit en France par la création du Bloc National qui remporta les élections de novembre 1919, s’accompagna, au Portugal, tout comme en France, d’un retour des forces cléricales, marquant en cela un net recul du radicalisme anti-clérical des premières années de la République.
5La fin de la République Nouvelle de Sidonio Paes ne donna nullement lieu à une remise en cause de la politique religieuse de ce dernier. Les liens avec le Saint-Siège furent maintenus. Le nonce apostolique put même présenter ses lettres de créances le 7 mai 1919 ; la reprise fut surtout marquée, à l’occasion des cérémonies d’inhumation du Soldat Inconnu, par les offices religieux célébrés dans la basilique d’Estrela à Lisbonne et dans la chapelle du monastère de Batalha, et auxquels prirent part le président de la République et des membres du gouvernement. Ce retour se précisa avec force au fur et à mesure que la situation portugaise évoluait vers la rupture avec la République parlementaire libérale.
6Le rapport de la France à cette évolution se manifesta dans deux types de réalités différentes, mais complémentaires : d’une part la coopération « anti-bolchévique », d’autre part les prises de position et les actions officielles autour des événements marquants de ce processus.
I – La coopération dans la lutte « anti-bolchévique » au Portugal
7Au-delà des luttes politiques qui, dans l’après-guerre, opposèrent les différentes forces politiques, il y avait la question de l’agitation sociale ; le mouvement ouvrier portugais exerça en effet une forte pression sur la vie politique du pays. Ce mouvement subit, comme partout dans l’Europe de l’immédiat après-guerre, les répercussions des événements de Russie, c’est-à-dire l’influence de la Révolution Bolchevique. Aussi, la question retint-elle l’attention des puissances victorieuses et par conséquent, de la France.
8La lutte contre le bolchévisme au Portugal constitua par conséquent un des éléments des échanges politico-militaires de l’après-guerre entre les deux pays. Cette coopération, qui fut en soi un micro-phénomène, ne se comprend qu’à travers l’importance des multiples problèmes posés aux puissances de l’Entente, pendant et après la guerre, par la Révolution d’Octobre 1917.
1. Les dimensions internationales et historiques de la question bolchévique
9La question bolchévique fut, au départ, liée à la lutte contre l’Allemagne. La prise du pouvoir en Russie par la fraction dite bolchévique de la social-démocratie russe, signifia, pour les puissances de l’Entente, la perte de ce pays au point de vue économique, politique et militaire. Elles virent naturellement dans le double événement – victoire des Bolchéviks et défection subséquente de la Russie – une œuvre des autorités allemandes. Les Bolchéviks étaient en effet supposés être manipulés par l’Allemagne. C’est là que réside, sans doute, l’explication de la confusion qui exista longtemps entre bolchévisme et impérialisme allemand.
10Cet amalgame avait plusieurs origines. Déjà, avant la révolution russe, toute agitation sociale et toute forme d’opposition à la guerre était considérée comme faisant le jeu de l’ennemi ou, dans la plupart des cas, comme manipulée et financée par l’ennemi. La manipulation supposée du mouvement bolchévique parut d’autant plus fondée qu’en accordant l’exterritorialité au train qui transporta Lénine et d’autres dirigeants bolchéviques de Suisse en Russie, à travers leur pays, les autorités allemandes avaient largement contribué à la défection russe. Les poches des dirigeants bolchéviques avaient-elles été aussi remplies avec de l’or allemand comme l’affirment certains auteurs ?4 Toujours est-il qu’en facilitant le voyage des révolutionnaires, le gouvernement allemand entendait tirer parti de la situation de décomposition de l’État russe.
11Le retour du chef du parti bolchévique dont le programme politique était l’arrêt immédiat des opérations militaires et la paix sans annexions, devait être fatal au gouvernement de Kérensky, favorable aux Alliés et opposé à la paix séparée. En effet, à peine les Bolchéviks avaient-ils pris le pouvoir qu’ils proclamèrent leur intention de parvenir à un accord avec l’Allemagne. Après des péripéties, la paix de Brest-Litovsk était signée en mars 1918. Les Bolchéviks, en permettant à l’Allemagne de libérer son front oriental, mais aussi en appelant au soulèvement du prolétariat à l’Ouest, devinrent un nouvel ennemi des puissances alliées qui entreprirent de les abattre5.
12De décembre 1917 au premier trimestre de 1918, elles se limitèrent à soutenir des foyers de résistance au pouvoir bolchévique, à aider à l’organisation des forces anti-bolchéviques russes et non russes, les divisions ukrainiennes, polonaises, tchécoslovaques. Ces efforts qui ne devaient pas viser le nouveau pouvoir établi en Russie, mais constituer la continuation de la lutte contre les empires centraux6, devinrent bientôt à partir de l’été 1918, une politique d’intervention ouverte, en Sibérie Orientale et en Russie Septentrionale ; en décembre 1918, débarqua à Odessa un véritable corps expéditionnaire sous commandement français pour appuyer l’action du général russe blanc Denikine. En fait, si la guerre contre les empires centraux constituait encore la principale préoccupation, la lutte contre le pouvoir soviétique lui était liée et allait bientôt la supplanter.
13Ainsi, compte tenu de ce déroulement des événements, la lutte contre les influences extérieures du bolchévisme continua à être liée à la lutte contre les menées allemandes. Mais si la psychose de ces menées allemandes continua à entretenir cette confusion, la question bolchévique tendit bientôt à être identifiée aux puissants mouvements révolutionnaires et de grèves auxquels les pays européens durent faire face au lendemain de l’armistice.
14Certes, ces mouvements avaient secoué l’ensemble des pays belligérants au cours des années 1917-1918, en raison des dures conditions de vie qui, loin de s’atténuer, ont empiré à la fin du conflit. Cependant, les mouvements du lendemain de l’armistice tout en partant de ces mêmes conditions, se développèrent également en écho à la Révolution Bolchévique, qui apparut comme l’exemple à suivre.
15Les leçons de cette révolution et l’attitude face à elle, allaient servir alors de ligne de démarcation entre les différents courants politiques qui se développèrent au sein du mouvement ouvrier. La Révolution Spartakiste en Allemagne en 1919, la commune Hongroise de Bela Kun, l’apparition des conseils ouvriers des fabriques en Italie avec la constitution de la République Communiste de Milan, les scissions communistes dans les partis ouvriers européens, devaient constituer les étapes marquantes de la manifestation de l’influence décisive des thèses bolchéviques dans le mouvement ouvrier international. Dans cette évolution, le pouvoir soviétique, allant au-delà de l’appel au soulèvement à l’Ouest avait pris le parti d’aider dans les faits le mouvement révolutionnaire dans les autres pays en réunissant le congrès de fondation de la Troisième Internationale en mars 1919.
16La lutte contre le bolchévisme, nouveau péril pour les puissances victorieuses de l’Entente et le nouvel ordre international en perspective, dépassa ainsi largement les limites de l’intervention militaire en Russie. Les gouvernements alliés entreprirent de vastes opérations pour enrayer la propagande et l’action d’inspiration bolchévique. A l’intérieur des États, cette lutte recouvrit des aspects politiques, militaires et idéologiques. Ce dernier fut particulièrement remarquable.
17Autant que la guerre contre l’Allemagne, la lutte contre le bolchévisme donna lieu à une florissante littérature politique caractérisant et dénonçant le nouvel ennemi7. Mais quel que fut l’aspect sur lequel porta la littérature anti-bolchévique, les auteurs furent dans l’ensemble unanimes pour voir dans le phénomène, le principal obstacle à la solution du problème posé : la stabilité et la reconstruction, indispensable au maintien de l’influence européenne dans le monde.
2. L’évolution de la situation au Portugal et l’aide française
A. La Révolution d’Octobre 1917 et le mouvement ouvrier portugais
18La Révolution Bolchévique exerça une influence certaine sur le mouvement ouvrier portugais. Nous n’entendons pas étudier ici, dans toutes leurs complexités, les manifestations de cette influence ; nous nous limiterons aux répercussions de cette révolution sous l’angle des modifications les plus apparentes introduites par elle au sein du prolétariat portugais et dans son action.
19Ces modifications venaient s’ajouter à des changements quantitatifs et qualitatifs qui s’étaient opérés à la faveur de la guerre. Celle-ci, par le double phénomène de fermeture des sources d’approvisionnement en produits manufacturés et l’ouverture de certains débouchés en France et en Angleterre, avait suscité un développement dans la métallurgie, la chimie, les industries textiles et alimentaires. Ce fut pendant cette période que, pour la première fois, le capital global des entreprises industrielles dépassa celui des sociétés commerciales8. Le résultat de cette évolution fut un accroissement du prolétariat industriel ; par ailleurs, en créant la pénurie des biens de première nécessité et en favorisant la spéculation, la guerre rendit exigentes les masses ouvrières et tendit à renforcer leur combativité.
20Mais, alors que les mouvements de grèves de la fin de 1917 et de l’année 1918, animés par l’U.O.N. (Uniâo Operaria Nacional), furent marqués par l’aspect revendicatif, ceux qui suivirent l’armistice se distinguèrent par une nette évolution du discours politique qui les accompagnait.
21A partir de cette période, commença à s’exercer l’influence de fait de la révolution russe sous forme de propagande, d’action et d’organisation. La manifestation publique qui eut lieu devant le Palais de Belem au lendemain de la signature de l’armistice fut assez révélatrice à cet égard. Lorsqu’après la lecture, par Sidonio Paes, du message du roi Georges V, un marin français, agitant un drapeau, cria en français : « Vive le Président ! Vive la République » et que la foule scandait le nom de Sidonio Paes, des voix discordantes dans la foule lancèrent : « Vive la Russie ! Vive la Patrie Universelle ! A bas l’armée »9.
22Ces voix discordantes annonçaient l’influence que la révolution russe allait exercer.
23Peu après, le 18 novembre 1918, l’U.O.N. lança une grève générale au niveau national contre la vie chère. Celle-ci, en raison de l’épidémie de pneumonie qui sévissait alors, ainsi que des mesures prises par le gouvernement, se solda par un échec. Le mouvement dont le bilan se serait élevé à 5 morts, 50 blessés et 300 arrestations avec de nombreux dégâts dûs à des attentats à la bombe, annonçait néanmoins l’ambiance de l’après-guerre par la violence des affrontements. En dépit de cet échec et de la répression qui suivit, l’action du prolétariat dans la vie sociale et politique se renforça. Ainsi, les masses ouvrières de Lisbonne jouèrent un rôle important dans la mise en échec de la tentative de restauration monarchique de janvier-février 1919, ce qui leur permit de recouvrer une entière liberté d’action. Elles furent également présentes, plus tard, dans la mise en échec du coup d’État d’avril 1925, prélude à la dictature militaire.
24Au cours de l’année 1919, plusieurs faits importants furent enregistrés. On citera notamment : la création le 23 février du quotidien ouvrier A Batalha, porte-parole officiel de l’U.O.N. et celle, en juillet, d’un autre organe ouvrier, Avante ; la tenue en septembre du congrès syndicaliste qui voit la dissolution de l’U.O.N. et son remplacement par la C.G.T. (Confederaçâo Geral do Trabalho) ; la fondation en octobre de la Fédération Maximaliste Portugaise et le début de parution de son organe de presse A Bandeira Vermelha.
25Le lancement de A Batalha donnait à la centrale syndicale un puissant moyen d’action et de propagande10. Bien que l’interprétant à sa manière, la C.G.T. portugaise se fit l’écho de la Révolution d’Octobre en citant l’expérience du prolétariat de Russie comme étant l’exemple, « l’Idéal en action »11.
26La révolution russe ne sera pas seulement citée en exemple, mais va également inspirer les programmes et les thèmes de propagande politique. Lorsqu’au congrès de septembre 1919, l’U.O.N. laissa la place à la C.G.T., la nouvelle centrale syndicale inscrivit à son programme, comme un de ses principaux objectifs la nécessité de « développer la capacité du prolétariat organisé en vue de lutter pour l’extinction du salariat et du patronat jusqu’à l’appropriation de tous les moyens de production »12.
27Cette influence de la révolution russe semble avoir atteint l’ensemble du mouvement ouvrier portugais dans son discours, sa détermination et son attitude face au pouvoir. Ainsi, les ouvriers de Porto, conduits par la fédération des syndicats de cette ville, au cours d’une grande manifestation contre la vie chère en octobre 1919, exigèrent de l’administration, l’interdiction de la distillation des céréales panifiables, l’abolition des taxes sur l’importation des denrées de première nécessité, la mise en contact direct des producteurs et des consommateurs au moyen de la création de magasins généraux. Ces réclamations furent accompagnées de considérants qui ne passèrent pas sous silence la Révolution Bolchévique et les autres points chauds :
« Considérant que la cherté de la vie ne pourra être solutionnée, que par la transformation sociale à l’exemple de ce qui a eu lieu en Orient, les consommateurs de Porto, réunis en assemblée publique pour protester contre la cherté de la vie, saluent le prolétariat de Russie, de Hongrie, d’Italie et de tous les autres points du globe qui se sacrifient pour la révolution sociale en marche »13.
28Mais, tout en faisant l’apologie de la Révolution Bolchévique et des proclamations en faveur de la révolution au Portugal même, la C.G.T., qui rassemblait la grande masse du prolétariat portugais restait sous l’influence dominante de l’anarcho-syndicalisme. Aussi la référence à la Révolution Bolchévique était-elle, malgré tout, superficielle. Les anarcho-syndicalistes qui d’ailleurs prirent vite leur distance vis-à-vis du pouvoir soviétique à la suite de l’interdiction, en Russie, des autres partis, parmi lesquels les groupements anarchistes14, assumaient son caractère exemplaire comme succédant aux révolutions de 1789 et 1871 (la Commune) et comme celui de première révolution ouvrière victorieuse. En revanche, les diverses leçons théoriques et pratiques à tirer d’une telle expérience restèrent en dehors de leurs préoccupations15. Cette attitude conduisit à la scission des maximalistes.
29Sous l’effet de la littérature de propagande venue de France et d’Espagne commença à émerger un courant qui devint plus tard un courant communiste. La fondation de la Fédération Maximaliste, en octobre 1919, constitua la première étape vers la création du Parti Communiste qui verra le jour en 1921. Certes, les fondateurs de cette Fédération, qui s’appelaient bolchévistes, soviétistes ou maximalistes, affirmaient à ce moment-là, ne pas voir de différences fondamentales entre leurs positions et celles de l’anarcho-syndicalisme ; ils précisèrent même que tout individu qui, au Portugal, se déclare bolchéviste est anarchiste ou syndicaliste révolutionnaire16.
30La création de la Fédération Maximaliste, en dehors de la C.G.T., semble avoir résulté de plusieurs nécessités. La première est celle de la prise en compte, sur le plan de l’organisation, d’une idée-clé des Bolchéviks : le regroupement des ouvriers avancés en organisation distincte, de combat politique comme cela apparaît dans les statuts de la fédération, malgré certaines confusions17. La seconde est celle de l’attitude face au pouvoir en place en Russie. Dans l’éditorial de l’un de ses tout premiers numéros, A Bandeira Vermelha, l’organe de la Fédération Maximaliste exprimait assez nettement sa position face au problème russe :
« Prolétaires, face à la question russe, il y a deux camps, deux drapeaux bien définis. D’un côté, les exploiteurs et les négriers, la bande noire des ennemis et des détracteurs de la révolution quel que soit le masque dont ils s’affublent – républicain ou clérical, libéral ou conservateur – les Tsaristes. De l’autre, la foule rouge des émancipés, des révoltés, les Bolchévistes. Tsarisme et Bolchévisme sont les deux pôles de la société actuelle »18.
31Quel que fût le fond de la réalité, la Fédération Maximaliste faisait sien tout ce qui rappelle la Révolution Bolchévique. Ce fut le cas des noms dont furent baptisés les différents groupements révolutionnaires qui furent à son origine : Clairon d’Orient, Capitaine Sadoul, ...19.
32Avec la création de la Fédération Maximaliste Portugaise que la C.G.T. ne reconnut pas et dénonça, deux courants, l’un communiste, l’autre anarchosyndicaliste, allaient s’affronter au sein du prolétariat portugais, tout d’abord sous la forme d’une polémique ouverte entre A Batalha et A Bandeira Vermelha et dans bien des assemblées ouvrières, ce qui n’atténua en rien l’agitation ouvrière qui devint, au contraire, de plus en plus intense et violente.
33En effet, la situation évolua dans le sens d’un élargissement du cercle infernal de la violence ouvrière contre la violence et l’arbitraire des milieux patronaux et des autorités étatiques.
34La situation au Portugal ne pouvait laisser indifférents les anciens alliés, la France et l’Angleterre. En ce qui concerne la France, les organisations ouvrières portugaises, au-delà de leur ton favorable au bolchévisme, et de l’agitation qu’elles menaient, prenaient position, assez régulièrement, sur un certain nombre de questions intéressant la politique française.
35En avril-mai 1919, elles votèrent des félicitations aux mutins de l’escadre française de la mer Noire. Dans une édition de janvier 1921, A Batalha tourna en dérision les considérants d’un jugement qui avait condamné la C.G.T. française, les qualifiant de futiles, étant donné que « dans presque tous les pays, la centrale des syndicats est illégalement constituée »20. A l’occasion de son deuxième anniversaire, en février, le même journal publia un article qui mit en cause le président Poincaré, l’accusant d’avoir avoué, dans des conférences, qu’il avait voulu la guerre21. A partir de cette période, les attaques portèrent de plus en plus contre la politique menée dans la Ruhr par la France, accusée de vouloir provoquer une nouvelle guerre. Dans la question de la Ruhr, le gouvernement portugais dut intervenir en février 1923, pour empêcher des tentatives de manifestations et de boycott des navires français et belges22. Tous ces éléments, en plus de la question du maintien de l’ordre et de l’autorité, donnèrent son sens à l’action de la France dans ce qui fut appelé la lutte « anti-bolchévique » au Portugal.
B. L’aide française
36En tant que nouvel ennemi de la coalition victorieuse dans la guerre contre l’Allemagne, le bolchévisme fut l’objet d’une concertation de ces alliés. Chaque gouvernement, certes, comme par le passé, mit en place ses propres moyens d’intervention, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de ses frontières nationales. Ainsi, tandis que le gouvernement anglais accréditait auprès de la plupart des gouvernements neutres, des fonctionnaires « chargés de cette œuvre capitale »23, le gouvernement français créait dans certains pays des antennes spéciales. Mais au-delà des moyens propres à chaque pays, les deux gouvernements anglais et français coordonnèrent leurs activités, échangèrent les informations et prêtèrent main forte aux partenaires les plus faibles. Ce fut le cas du Portugal auquel la France apporta sa collaboration.
37Au Portugal, la répression de l’agitation sociale fut très violente au temps de Sidonio Paes. Ainsi, à la suite de l’échec de la grève générale de novembre 1918, l’organe officiel du gouvernement n’hésita-t-il pas à annoncer que « le Portugal est le premier pays qui, d’un seul coup, a étouffé le mouvement bolchéviste »24. Mais la répression menée par le gouvernement Paes et les différents gouvernements qui lui succédèrent parut insuffisante aux yeux des représentants au Portugal des puissances alliées. Ce point de vue découlait de la conception et des méthodes de lutte anti-bolchévique des États alliés pour lesquels il ne s’agissait pas seulement de réprimer l’agitation sociale, mais de prévenir l’action subversive en organisant au maximum les renseignements. Cette conception de l’action « anti-bolchévique » était identique à celle de la lutte contre les menées, réelles ou supposées, des agents allemands durant la guerre ; elle utilisait par ailleurs les mêmes réseaux.
38Le fait nouveau résida dans la nature des recherches à mener. Celles-ci portèrent sur toute action à caractère bolchéviste et tout individu soupçonné ou considéré comme bolchéviste, portugais ou étranger, ses liens avec l’extérieur ; mais également sur l’étude de la situation d’ensemble dans le pays et ses rapports avec la propagande ouvrière.
39L’action de l’État portugais n’avait pas atteint ce niveau. Si la garde républicaine et l’armée pouvaient intervenir à tout moment, une police secrète, capable d’organiser les renseignements sur les activités et ramifications secrètes éventuelles des organisations ouvrières, faisait défaut. Celle qui existait subissait le contrecoup des luttes entre les différentes fractions politiques de la bourgeoisie. « La police portugaise, est, en outre, inexistante », écrit à propos, Daeschner à Stephen Pichon. « L’imagination y tient lieu d’information. Les services de surveillance des alliés ont dû y suppléer dans la mesure de leur force »25. En fait les alliés ne se contentèrent pas de combler les vides qui existaient ; ils firent pression sur l’État portugais pour le décider à créer un service spécial, exclusivement consacré à la question bolchévique et qui pût échapper aux contingences des changements ministériels et aux luttes fractionnelles. Ce qui fut fait au début de l’été 191926.
40Comme en d’autres occasions, la collaboration des puissances alliées fut nécessaire. Celle de la France qui s’inscrivait dans le prolongement de toute son action au Portugal depuis le début de la guerre, et de ses préoccupations internationales quant à la question bolchévique ne fit pas défaut. En fait, elle avait été inaugurée du temps de l’administration Paes. Dans une lettre datée du 5 décembre 1918 à Stephen Pichon, Daeschner écrivait :
« Comme je vous l’ai fait savoir le 1er décembre sous le n° 172, le ministre des Affaires Étrangères s’est déclaré entièrement d’accord avec les vues que vous m’avez chargées de lui soumettre sur les mesures à prendre pour prévenir le développement de la propagande bolchéviste »27.
41Cette participation de la France à la lutte anti-bolchévique comprit deux volets : d’une part, les services spécialisés français fournirent à l’État portugais ce qui leur servait en quelque sorte de « guide » dans la lutte anti-bolchévique et de manière générale les techniques de cette lutte ; d’autre part, l’antenne à Lisbonne des services français intervint directement aux côtés des services de police portugais.
42Le « guide » en question inspiré des instructions du Foreign Office aux agents britanniques, était une sorte de cahier d’instructions contenant les points sur lesquels devait porter les renseignements. De ces instructions en quinze points, on peut citer entre autres :
« 1) l’évolution du mouvement bolchéviste. S’agit-il d’un progrès ou d’un déclin ? Les causes et les conséquences probables du changement enregistré... 3) le moral de l’armée et de la marine au point de vue du bolchévisme et de l’agitation industrielle... 6) la propagande. Progrès ou déclin bolchéviste ou révolutionnaire. Exemples de la nouvelle littérature. Le côté financier de la propagande et ses conséquences. Rémunération des agents : leurs agissements. Les différentes ruses employées par les bolchévistes pour répandre leur propagande. De quelle manière s’effectue la transmission des tracts et des brochures bolchévistes ?... 8) la grève : leurs buts et les conséquences. L’élément révolutionnaire dans la grève. 15) déplacement de bolchévistes de pays en pays, signalements divers, etc. »28.
43Fort de son réseau établi durant la guerre et qui constitua un des piliers de la PIA (Police Interalliée) le service français de renseignements, dirigé par l’adjoint de l’attaché militaire, le capitaine De Testa joua un rôle que le gouvernement portugais qualifia lui-même de précieux.
44Un incident se produisit cependant vers la fin de 1918. Au début du mois d’octobre 1918, le ministre de la Guerre exposa à son homologue des Affaires Étrangères sa décision de rappeler De Testa du fait de la diminution des crédits et de la suppression de certains postes, parmi lesquels celui d’adjoint de l’attaché militaire, dont, seules les circonstances de la guerre avaient justifié la création. Le gouvernement portugais qui appréciait hautement les services du capitaine De Testa dans la lutte anti-bolchévique, demanda le maintien de celui-ci à son poste. Cette démarche, les correspondances de l’intéressé sur l’importance de son action pour le Portugal, l’insistance du gouvernement portugais – qui tenta même un moment de lier la question du maintien de l’officier à celles des travailleurs portugais demandés pour la Tunisie – menacèrent un moment la collaboration.
45De Testa fut blâmé par le ministre de la Guerre et rappelé en décembre 1919 pour avoir fait jouer des influences extérieures en vue de conserver son poste. Cet incident, qui donna lieu un moment à différentes appréciations sur la situation du bolchévisme au Portugal ne mit pas un terme à la coopération dans ce domaine. Le principe de cette coopération fut maintenu. Le service organisé en fonction des conditions nouvelles semble avoir bénéficié par la suite d’assez larges moyens29.
46Ce travail était appuyé quelquefois par l’action du SR de Madrid qui fournissait des données sur le soutien financier des organisations syndicales espagnoles à certaines grèves au Portugal et en général sur les relations extérieures des différentes organisations ouvrières portugaises. Ce travail permit d’identifier les différents groupements ayant participé à la création de la Fédération Maximaliste ou y ayant adhéré, d’établir des dossiers assez minutieux sur les « nucléo », c’est-à-dire les noyaux de base de cette fédération.
47La coopération qui s’est poursuivie jusqu’en 1925 (les dernières traces que nous en avons datent de cette période), traduisait, du point de vue de la politique française en direction du Portugal, le besoin d’y voir s’instaurer une situation de paix sociale. Ce soutien à l’action du gouvernement portugais signifia sur le plan politique, une certaine admiration pour ceux qui étaient partisans de l’ordre à tout prix. L’encouragement aux gouvernements d’ordre se traduisit plus tard par la reconnaissance du pouvoir issu du coup d’État militaire du 28 mai 1926 qui allait définitivement mettre en sommeil le régime républicain parlementaire.
II – Le rapport de la France au processus de liquidation de la république parlementaire : de l’envoi des navires de guerre en octobre 1921 à la reconnaissance du pouvoir issu du coup d’état militaire du 28 mai 1926
48La question bolchévique qui donna lieu à la coopération bilatérale ne fut qu’un aspect de la situation interne du Portugal de l’après-guerre. Cette situation fut inaugurée, nous l’avons vu, par l’assassinat de Sidonio Paes, l’insurrection de Santarem et les tentatives de restauration de la monarchie. Le retour à la vie constitutionnelle à partir de juin 1919 n’y changea fondamentalement rien. Caractérisée sur le plan politique par une extrême instabilité et une atmosphère de guerre civile, en dehors de quelques moments de répit, cette situation déboucha sur un coup d’État militaire qui, connu sous le nom de Révolution Nationale du 28 mai 1926, fut le point de départ du processus d’établissement, pour près d’un demi-siècle, de l’État corporatiste et dictatorial de Salazar.
49Quel fut le rapport de la France à cette évolution ? Avec le retour à la vie constitutionnelle et le retour des exilés du décembrisme, la question du soutien français au Parti Démocrate fut dépassée. Mais, par la coopération « anti-bolchévique », la France était étroitement impliquée dans la situation portugaise. Devenue l’une des deux puissances exerçant une influence dans ce pays – l’Angleterre étant la première – la France eut, quant à l’évolution portugaise, une attitude qu’il est possible de cerner. Cette attitude, contenue certes, dans la coopération « anti-bolchévique » s’exprima pour la première fois, sur le terrain de la politique officielle, dans le cadre des événements d’octobre 1921.
1. Les événements d’octobre 1921 et l’envoi des navires de guerre français
50Après les révolutions républicaine et monarchique de janvier et février 1919 qui suivirent la mort de Sidonio Paes, le Portugal renoua avec le régime parlementaire, à partir de l’été 1919, par l’organisation des élections législatives. En août, José Antonio de Almeida fut élu président de la République et prit ses fonctions en octobre. Mais, loin de se stabiliser, la situation politique du Portugal entrait en fait dans sa période la plus agitée. Certes, le gouvernement démocrate de Sa Cardosa – le Parti Démocrate étant sorti vainqueur des élections – put se maintenir de juin 1919 à janvier 1920. Mais en 1920, sept ministères se succédèrent tandis que 1921 verra des événements assez graves se produire. Sous-tendue par une agitation sociale quasi-permanente et une situation économique et financière critique, la situation politique fut marquée par une instabilité ministérielle chronique et des coups de force qui, dans l’immédiat, se limitèrent au renversement des ministères.
51Cette situation ne laissait pas indifférente la France. Son concours dans la répression « anti-bolchévique » ne répondait-il pas au souci de voir le Portugal retrouver une certaine stabilité ? La coopération anti-bolchévique relevant de relations politico-militaires occultes, l’attitude officielle eut à s’exprimer pour la première fois à l’occasion des événements d’octobre 1921.
52Le 19 octobre 1921 éclata une révolution radicale qui força à la démission le ministère libéral, c’est-à-dire républicain conservateur, dirigé par Antonio Granjo. Mais alors que le mouvement victorieux avait obtenu du président de la République une sanction officielle par la signature de la liste du nouveau ministère dirigé par Manuel Maria Coelho, un véritable massacre fut organisé la nuit du 19 au 20. Ce fut la nuit sanglante (Noite Sangrente) qui vit l’arrestation et la liquidation physique de plusieurs personnalités dont Antonio Granjo lui-même, Carlos da Maia, ancien ministre de la Marine sous Sidonio Paes et Machado Santos, dit le fondateur de la République. De ce cours particulièrement tragique donné à la situation portugaise devait résulter de fortes pressions externes. Le corps diplomatique organisa une démarche commune de présentation des condoléances et de désapprobation des assassinats en exprimant l’espoir que les coupables seraient châtiés. Mais la réaction la plus vive vint de l’Angleterre et de la France.
53Sans l’affirmer officiellement, les représentants de ces pays considérèrent le nouveau gouvernement comme portant la responsabilité des assassinats. Dans la crainte d’une éventuelle aggravation de la situation, le représentant de la Grande-Bretagne demanda à son gouvernement l’envoi de navires de guerre afin d’inspirer au nouveau gouvernement « le sentiment de ses devoirs »30. Le chargé d’Affaires de France, saisi par le diplomate britannique télégraphia dans le même sens au Quai d’Orsay. Aussi, trois jours après les événements, le 22 octobre 1921, le croiseur Jeanne d’Arc arriva à Lisbonne où il fut relayé plus tard par un autre navire de guerre Le Gueydon.
54Pourtant, faisant le compte rendu de son entretien avec le ministre portugais des Affaires Étrangères qui l’assurait de la volonté du nouveau gouvernement de maintenir l’ordre, le chargé d’Affaires de France télégraphiait le 25 octobre :
« J’ai répondu au ministre que, sans vouloir intervenir dans la politique intérieure du pays, la France ne pouvait que faire des vœux pour la constitution d’un gouvernement d’ordre et de relèvement économique »31.
55Cette phrase pose le problème du rapport de la France à l’évolution du Portugal durant cette période. Le souhait pour un gouvernement d’ordre ne s’appuie-t-il pas, dans le contexte immédiat, sur la présence de la Jeanne d’Arc ? Et dans ce cas, n’y a-t-il pas lieu de parler d’intervention dans la politique intérieure ? Il est difficile de répondre par la négative.
56Officiellement, la raison de la venue des navires anglais et français était la protection de la vie des nationaux. Cette protection n’était pas conçue comme une évacuation de ceux-ci, mais plutôt comme une pression à exercer sur le nouveau pouvoir pour qu’il maintint l’ordre. La présence des navires de guerre, disait le représentant britannique, devait inspirer au nouveau gouvernement le sentiment de ses devoirs. Mais, en même temps et par là même, cette présence pesait sur d’autres données de la situation interne, faite d’affrontements entre les différentes forces sociales et politiques. Sont significatifs à cet égard, les propos du chargé d’Affaires de France relatifs aux effets qu’aurait produit la venue des navires :
« ... Je me permets à cette occasion d’exprimer mes vifs remerciements et ceux de la colonie française pour la rapidité avec laquelle la Jeanne d’Arc est venue montrer notre pavillon dans le Tage. Sa présence, jointe à celle du croiseur Calypso, a porté un puissant réconfort aux éléments d’ordre et le nouveau président du Conseil pourrait y trouver un appui pour réfréner les instincts de pillage, de vengeance et d’assassinat dont la marine portugaise fournit l’exemple le plus indiscuté »32.
57Coïncidence ou résultat en partie de la présence des navires ? Une semaine après la venue de ces navires de guerre, fut organisée à Lisbonne, une grande manifestation de soutien au président de la République qui avait présenté sa démission ; la manifestation était placée sous le signe de l’ordre. Examinant les liens possibles entre sa réussite et la présence des navires, le diplomate français devait noter et s’interroger en ces termes sur la situation du Portugal :
« ... Il est probable que la présence des navires de guerre étrangers a contribué à inspirer aux éléments sérieux, le courage d’élever la voix contre ces continuelles perturbations... Trouvera-t-il (le Portugal) dans la révolte des éléments d’ordre qui, sous le coup de la réprobation suscitée dans le pays par les assassinats commis et peut-être par la présence des navires étrangers ont su hier, pour la première fois depuis longtemps se grouper et s’affirmer, la force nécessaire pour secouer le joug ? C’est toute la question, non seulement de son relèvement économique et financier, mais peut-être de son existence »33.
58Il apparaît donc que la protection des nationaux implique aussi et revient en fait à exercer des pressions non seulement sur le gouvernement portugais, mais sur l’ensemble de la situation interne ; elle correspond par conséquent à un appui à certaines forces sociales et politiques désignées sous le terme d’éléments d’ordre. L’appui à ces éléments s’avérait d’autant plus nécessaire que la situation tendait à inspirer de l’inquiétude.
59Pour que le gouvernement issu du mouvement du 19 octobre restât fidèle et exécutât le programme radical qui en était sorti, ses organisateurs continuaient à se mobiliser ; l’attaché militaire de France rapporte à ce sujet des menaces qui seraient exécutées en cas de non-application du programme révolutionnaire, menaces du genre : « ... On reprendra les armes. Il vaut mieux après tout mourir d’une balle que de faim »34.
60Par ailleurs, la libération à la faveur du mouvement, de certains inculpés pour crimes sociaux, c’est-à-dire des éléments des classes laborieuses, et, plus tard, la publication en novembre 1921 par voie de presse d’une liste noire de 50 personnes dont des hommes politiques, des journalistes, des banquiers, des commerçants et des industriels, renforçaient cette inquiétude et autorisaient les plus graves hypothèses. Ainsi fut évoquée dans les milieux diplomatiques celle selon laquelle les bolchévistes pourraient bien se cacher sous l’étiquette de républicains radicaux.
61Si, du point de vue des éléments d’ordre, un tel climat donnait tout son sens à la présence des navires de guerre étrangers, cette présence était cependant source de complications. Comment, en effet, la concilier avec la souveraineté et l’amour propre national ? Le 13 novembre, Tribuna, un journal de Porto, dans un violent article, sommait le gouvernement de démissionner, « s’il n’est pas capable », écrit-il, « de faire partir ces bateaux dont la présence nous vexe et nous humilie »35. L’attaque était adressée certes au gouvernement portugais, mais visait également les pays dont la venue des navires de guerre constituait, de fait, une intervention dans la politique intérieure du Portugal. Sensibilisés par ces attaques, les représentants diplomatiques des pays concernés procédèrent cependant de telle sorte que leur innocence fût préservée, c’est-à-dire que prévalût, officiellement, l’idée de la non-intervention dans la politique interne du portugal. Sur proposition du ministre de France, un texte rédigé par ce dernier fut remis au gouvernement portugais pour être publié comme émanant de lui. Dans ce texte, effectivement publié sous forme d’un communiqué du gouvernement portugais dans les journaux du 18 novembre, on pourrait lire notamment :
« Les bateaux de guerre anglais, espagnols et français qui, au lendemain du 19 octobre sont arrivés dans le Tage et dont la présence n’a donné lieu à aucun incident, les gouvernements auxquels ils appartiennent n’ayant aucune intention de s’immiscer dans la politique intérieure portugaise du moment que la sécurité de leurs nationaux est assurée, vont, d’un commun accord, repartir pour leur port d’attache qui sont respectivement Gibraltar, Le Ferrol et Brest »36.
62Les conditions de la publication de ce communiqué illustrent l’état de pression dans lequel était tenu le gouvernement portugais et constituent l’exemple-même de l’intervention des puissances.
63Le massacre de la nuit du 19 octobre qui semble n’avoir pas été en relation directe avec le mouvement révolutionnaire, mais paraît plutôt avoir résulté de motifs personnels d’ordre corporatif « la haine des marins et de certains membres de la Garde Républicaine contre d’anciens chefs, responsables ou jugés comme tels de punitions passées »37, aura marqué une étape cruciale dans l’évolution interne du Portugal en jouant un rôle de révélateur de profonds malaises.
64Ce massacre organisé à la faveur d’un coup de force d’orientation radicale, apparut à certaines forces sociales et politiques comme un événement achevant de discréditer la République parlementaire et par conséquent justifiant la nécessité d’un changement de régime38. Cette position trouva son expression la plus éclatante dans la démission d’une des grandes figures militaires du pays, le général Gomès da Costa et d’autres officiers de l’armée. En démissionnant de son poste de commandant de la quatrième région militaire et en dénonçant peu après, dans un discours-programme, les méfaits de la République, le général Gomès da Costa rompait en fait avec ce régime. Cela allait se vérifier postérieurement, par la part personnelle qu’il prit dans la chute de la République.
65La France, tant par l’envoi de ses navires que par le rôle joué par ses représentants, aura contribué de façon non négligeable aux pressions exercées sur le nouveau gouvernement portugais et pesé sur la situation interne. Cette politique correspondait à la crainte d’une exploitation du mouvement du 19 octobre par des bolchévistes et au souhait de voir la situation se stabiliser dans ce pays. De ce fait, sans que cela fut affirmé officiellement, la sympathie et le soutien moral de ses représentants allèrent aux éléments qui, comme Gomès da Costa, tendirent à poser, dans le cours nouveau de l’évolution, le problème de l’ordre sous l’angle d’une rupture avec le régime républicain parlementaire.
66Présentant la lettre de démission du général Gomès da Costa, l’attaché militaire de France écrivait :
« ... Après avoir été obligé de lire pendant dix jours les élucubrations stupides, hyperboliques ou hypocrites selon le cas, j’ai enfin trouvé un texte bref, précis, plein de bon sens et de cœur. C’est la lettre de démission du général Gomès da Costa... »39.
67En termes analogues, c’est-à-dire élogieux, le ministre de France se représenta le même général. Il vit en lui l’espoir de ceux qui, selon ses termes « sentent la nécessité d’un retour à l’ordre et n’ont pas la force et les moyens de l’accomplir »40. C’est dans cette logique que la France reconnaîtra plus tard le coup d’État militaire qui mit fin à la République libérale parlementaire.
2. Chronique de la marche vers le coup d’État : le climat général et les préludes
68Aux événements d’octobre 1921 succéda une période de relative stabilité. Le ministère Antonio Maria da Silva, formé à la suite de la victoire des démocrates aux élections de janvier 1922 se maintint jusqu’au début de novembre 1923, avec seulement deux remaniements. Ce fut pendant la même période que pour la première fois dans l’histoire de la République, un président, en la personne de Antonio José de Almeida termina son mandat en août 1923 ; il est remplacé par Manuel Teixeira Gomès, ancien ministre à Londres, qui entre en fonction en octobre. Mais ces années de relative stabilité ministérielle furent exceptionnelles. La situation resta précaire et le climat général allait être de plus en plus celui d’une extrême tension entre les différentes forces sociales et politiques.
69L’évolution au sein des classes dirigeantes et de leurs partis fut, en ce sens, assez significative. Les modifications, sous forme de scissions, de recomposition, de retouche des programmes, de changement de nom, amorcées au lendemain de la guerre au sein des partis constitutionnels, allèrent de plus belle. Sous la pression de la situation interne et externe, le Parti Libéral, issu de la fusion en 1919 des deux partis, évolutionniste et unioniste s’était débaptisé en 1923 pour devenir le Parti Nationaliste, en vue d’une action plus à droite. Les années 1924 virent se développer des dissensions de plus en plus prononcées au sein du Parti Démocrate dont l’aile gauche finit plus tard par se détacher pour former le Parti de la Gauche Démocratique.
70En se faisant élire président de la République, Teixeira Gomès avait la ferme intention de promouvoir la formation d’un gouvernement national extra-partidaire comme solution à la crise. Lorsque démissionna le ministère Antonio Maria da Silva, en novembre 1923, il rappela donc Afonso Costa de son exil à Paris, pour réaliser ce projet. Mais la tentative échoua en raison de l’opposition des Nationalistes. Appelés au pouvoir après leur refus de participer au gouvernement national, ceux-ci formèrent un cabinet dans lequel fut fortement représenté l’élément militaire, indiquant ainsi les moyens de leur politique.
71Mais l’expérience nationaliste fut de courte durée et remplacée par un gouvernement hétérogène dont la chute en juin 1924, après 6 mois d’exercice, ouvrit une période de crise qui allait déboucher sur la Révolution Nationale du 28 mai 1926.
72En effet, l’impossibilité de trouver une solution aux problèmes économiques, sociaux et politiques tendit à cristalliser, au sein des classes dirigeantes, deux principales tendances : d’une part, les partisans de l’ordre à tout prix, prêts à se passer des formes institutionnelles du régime en place, de l’autre les fidèles de la République parlementaire. Le premier courant était représenté par le Parti Nationaliste tandis que le second est incarné par le Parti Démocrate. Mais ce dernier parti restait profondément divisé quant à la politique à mener pour sortir le Portugal de la crise. En fait la venue au pouvoir de son aile gauche en novembre 1924 ouvrit entre les classes populaires et les couches possédantes, entre celles-ci et les gouvernements constitutionnels, une période d’affrontement au-delà duquel se pose de plus en plus le problème de l’avenir du régime républicain.
73Au mois de novembre 1924, vint au pouvoir le leader de l’aile gauche du Parti Démocrate José Domingues dos Santos qui entendait appliquer un programme de réformes susceptibles de résoudre la crise économique et sociale. Ce programme comprenait, entre autres points, deux chapitres épineux :
- une réforme financière qui, en instituant d’une part le contrôle de l’État sur les établissements bancaires et le transfert des devises étrangères provenant des exportations, de l’autre une coopération plus étroite entre l’État et la Banque du Portugal, permettrait en définitive, de limiter la fuite des capitaux et la spéculation et par conséquent de redresser la situation monétaire et financière du pays.
- la réforme agraire, elle, avait pour objectif de créer un régime de petites et moyennes propriétés afin d’augmenter la population de certaines régions du pays comme le Sud, et d’intensifier la production agricole. Le projet de loi du gouvernement prévoyait que, dans les régions où la densité est inférieure à 40 habitants au kilomètre carré, les propriétaires possédant 800 à 1.500 hectares et plus, devaient selon les catégories, céder à l’État du quart à la moitié de leurs terres. L’expropriation, faite dans des conditions déterminées de prix, commencerait par les plus grandes propriétés et les plus mal cultivées ; les propriétaires recevraient en échange, non de l’argent, mais des obligations – or non productrices d’intérêts, amortissables en 36 ans. Les terres expropriées seraient vendues aux personnes qui en feraient la demande, à l’exception des propriétaires de plus de 100 hectares.
74Un tel programme ne pouvait que rencontrer une vive opposition des couches possédantes. Celles-ci donnèrent le ton de la résistance peu après la formation du cabinet Domingues dos Santos, en créant en décembre 1924 l’Union des Intérêts Économiques. L’initiative s’inspirait sans doute de l’exemple des milieux économiques français qui, dans le contexte de la victoire et de la politique du Cartel des Gauches, s’étaient organisés en une Union des Intérêts Économiques41. Rassemblant 139 groupements professionnels de la finance, de l’industrie, du grand commerce, de l’agriculture, l’organisation portugaise était appelée à être, selon les termes d’Oliveira Marquès, l’instrument approprié de défense capitaliste contre les menaces radicales et socialisantes42.
75Malgré cette levée de bouclier et l’opposition des Nationalistes, le décret sur le régime des banques fut adopté par le parlement. Le gouvernement dos Santos allait cependant tomber, non pas officiellement à cause de son programme, mais du fait des propos tenus à l’occasion d’une manifestation populaire de soutien au gouvernement organisée le 6 février 1925 et marquée par des incidents dûs en partie à l’intervention de la Garde Nationale Républicaine. En effet José Domingues dos Santos aurait répondu aux acclamations de la foule par une allocution qui peut être résumée comme suit : le gouvernement se trouve en pleine lutte contre les exploiteurs du peuple. D’un côté, il y a les exploiteurs, de l’autre leurs victimes. Le gouvernement se trouve aux côtés de ces dernières et les défendra jusqu’à la dernière limite de ses forces. Pour mener à bien son œuvre, il a besoin de l’appui populaire, raison pour laquelle la manifestation de sympathie l’émeut. Il regrette que par erreur ou précipitation, les baïonnettes de la Garde Nationale Républicaine se soient interposées entre lui et la manifestation patriotique et ordonnée qui se réalisait. Il va ordonner une enquête rigoureuse parce qu’il ne veut pas que la force publique serve à fusiller les fils du peuple43.
76L’émotion suscitée par ces propos fut si vive au sein des classes dominantes que peu après, le parlement renversa le cabinet par le vote d’une motion de défiance et une autre, de salut à l’armée. Mais la rue, à son tour, réagit vigoureusement. Le lendemain du renversement du cabinet, le 13 février 1925, 40.000 manifestants, protestant contre le renversement du ministère, marchèrent sur le Palais de Belem où ils remirent au président de la République, par l’intermédiaire d’une délégation, une motion ; ils s’y élevèrent contre le fait qu’un ministère puisse être renversé pour avoir affirmé que la Garde Républicaine n’était pas faite pour fusiller le peuple et qu’il se trouve du côté des exploités contre les exploiteurs.
77Dans sa réponse, Teixeira Gomès aurait déclaré qu’il se réjouissait de cette manifestation qui, à ses yeux, constituait une sorte de rajeunissement des idées démocratiques, mais qu’il devait observer les obligations de sa charge au premier rang desquelles se trouvait le respect du parlement et de ses délibérations. Invité à paraître sur la terrasse du Palais pour recevoir le salut des manifestants, il accepta après avoir reçu l’assurance des membres de la délégation qu’ils répondraient à son cri de « Vive la République », ce qui fit écrire le ministre de France que les pouvoirs publics n’étaient pas convaincus du caractère républicain de la manifestation. Sur la terrasse, le président de la République embrassa une vieille ouvrière, membre de la délégation et lança le « Vive la République » repris par les membres de la délégation, puis par la foule.
78Mais c’est dans le sens contraire que le pays allait évoluer. Le nouveau ministère, dirigé par Vittorino Guimaraes, de l’aide modérée du Parti Démocrate, s’inspira, dans la définition de son programme, de certains principes du gouvernement précédent. L’opposition nationaliste réagit vivement, moins par hostilité au programme du nouveau cabinet qu’à cause de la manière dont la crise ministérielle a été résolue. Dans une violente intervention faite immédiatement après la déclaration ministérielle, Cunha Leal, le leader nationaliste prit vivement à parti le chef de l’État qui aurait, par la désignation de Vittorino Guimaraes, « le plus ferme soutien de Domingues dos Santos », souffleté le pays et le parlement. Il conclut alors :
« Dans les conditions actuelles, le Parti Nationaliste n’a plus de raison d’être politique, et puisque le régime actuel n’est qu’un régime masqué de dictature, qu’il n’y a plus de constitution, nous avons décidé de ne plus participer aux travaux du parlement »44.
79Joignant le geste à la parole, les députés nationalistes sortirent. En abandonnant, pour une période indéterminée, le principal rouage du régime républicain, les nationalistes faisaient un pas important dans la rupture avec ce régime. Cette rupture, après la démission intervenue trois ans plus tôt du général Gomès da Costa et de plusieurs autres officiers de l’armée, rendait désormais prévisibles des coups de force. Le contexte international n’était-il pas celui de la crise des démocraties bourgeoises libérales et de la montée des régimes de type fasciste ? Quelle autre possibilité politique existait-il pour les nationalistes, en-dehors de la voie constitutionnelle, sinon le recours aux solutions autoritaristes ?
80C’est dans ces conditions que se multiplièrent les tentatives de coup de force parmi lesquelles celle du 18 avril 1925, passée dans l’histoire comme le vrai prélude au 28 mai 1926. Dans la nuit du 17 au 18 avril 1925, des éléments de la garnison de Lisbonne occupèrent le Parc Édouard VII, un des points stratégiques de la capitale et somme le président de la République de se séparer du cabinet Vittorino Guimaraes. Le reste de la garnison, fidèle au gouvernement, sembla faire le jeu des putschistes en ne manifestant aucune ardeur à les combattre ; du côté du gouvernement huit ministres sur onze étaient pour la capitulation immédiate. C’est dans ces circonstances que José Domingues dos Santos partit voir le président de la République et lui déclara que s’il n’avait pas la possibilité de réprimer l’insurrection, 7.000 prolétaires acceptaient d’être armés et de rétablir l’ordre45.
81Au moment où cette proposition était faite, les organisations ouvrières, sur pied de guerre, lançaient à la population une proclamation qui disait dans ses grandes lignes, à peu près ceci : les libertés populaires sont en danger, derrière le comité militaire du Parc Édouard VII se cachent le fascisme et la monarchie, l’étranglement du peuple ; il est indispensable que le peuple ne confie pas exclusivement sa défense aux forces fidèles au gouvernement, mais qu’il s’arme par les moyens à sa portée.
82L’intervention de José Domingues dos Santos et l’effervescence née de cette proclamation, véritable sommation au gouvernement auraient alors décidé celui-ci à proclamer l’état de siège et à mettre en action les troupes restées loyales qui vinrent à bout des insurgés le 19 avril. Mais pour le régime républicain ce n’était qu’un sursis.
83Le 18 avril allait être suivi par de nouvelles tentatives parmi lesquelles on retiendra celle de juillet 1925 ; ces tentatives témoignaient du fait que l’idée d’un coup d’État s’était définitivement installée au sein des classes dominantes et de l’institution militaire. La période qui va d’avril 1925 à mai 1926 fut par conséquent celle d’un équilibre précaire entre les partisans des coups de force et des gouvernements constitutionnels qui tentaient de désamorcer la réaction anti-parlementaire par un coup d’arrêt aux réformes, une modération dans la répression des auteurs des putsches et la fermeté en ce qui concerne l’agitation sociale. Il s’ensuivait que de plus en plus, au-delà de chaque question, se posait le problème du contenu du régime républicain et des conditions de son maintien.
84Cette tendance de la situation s’illustra en juin 1925 à l’occasion du congrès du Parti Démocrate. Deux lignes difficilement conciliables s’affrontèrent à ce congrès. La première pouvait être résumée comme suit : renforcer le régime républicain en opérant des réformes économiques et sociales susceptibles d’élargir sa base sociale et d’instaurer un minimum de paix sociale ; s’appuyer pour cela sur les classes laborieuses des villes qui avaient largement contribué à l’établissement de la République ainsi qu’à sa défense. C’était la ligne incarnée par José Domingues dos Santos. La deuxième, celle de l’aile droite du Parti, dirigée par Antonio Maria da Silva, était pour une modération des réformes, un compromis avec l’opposition nationaliste et, de façon générale une politique de conciliation afin de désamorcer la réaction anti-parlementaire ; cette politique avait pour corollaire une ferme action contre l’agitation sociale.
85Les discours, au cours de ce congrès, des leaders des deux fractions témoignent de l’ampleur de l’affrontement. Le premier fut celui que prononça au début du congrès, José Domingues dos Santos qui, soutenant que la République avait été faite contre les rois et également contre les banquiers, déclara pour terminer :
« Le peuple est souverain, mais il est souverain d’opérette quand il a faim. Les enfants du peuple doivent être élevés aux frais de l’État. Le droit de propriété est indéniable, mais il est primé par le droit à la vie. La propriété doit avoir des limites. Or les maisons de Bragance et de Cadaval46 possèdent 80.000 hectares de terres incultes. Cette injustice n’a que trop duré. Nous amènerons le Parti Républicain Démocrate vers la gauche »47.
86Le ministre de France rapporte, à propos, que le congrès vécut surtout dans l’attente de la réponse de la droite, laquelle réponse intervint vers la fin du congrès, peu avant les élections. Antonio Maria da Silva fit alors le procès des membres du parti qui s’allient, selon ses termes, aux extrêmistes. Et se tournant vers José Domingues dos Santos, il conclut :
« Je ne suis pas l’instrument conscient ou inconscient de l’Internationale de Moscou. Vive la République »48.
87Mais la République allait mourir. Les élections à la direction du Parti, donnèrent gagnants les modérés qui entendaient sauver l’unité du Parti et étaient conduits par le chef du gouvernement, Vittorino Guimaraes. Cette issue n’empêcha cependant pas, après le congrès, le renversement du cabinet et le détachement de l’aile gauche du Parti Démocrate qui fonda le Parti de la Gauche Démocratique. Dans les faits, ce fut la droite avec Antonio Maria da Silva qui dirigea ce qui restait du Parti Démocrate ainsi que les derniers gouvernements du régime républicain parlementaire.
88En juillet 1925, le gouvernement Antonio Maria da Silva, qui succéda brièvement à celui de Vittorino Guimaraes, libéra un certain nombre de militaires mêlés aux événements d’avril 1925. Le 27 septembre 1925, sous le gouvernement d’un autre démocrate, Domingo Pereira, eut lieu la libération du reste des inculpés d’avril, au terme d’un procès où ces derniers furent traités en héros et, d’accusés, s’érigèrent en accusateurs des hommes politiques. L’acquittement donna lieu à une réaction et à la création d’un comité dit de « Défense de la République » par José Domingues dos Santos. Le gouvernement n’envisagea cependant pas la révision du procès et se limita à prendre certaines mesures : destitution du général Alberto Ilharco du poste de président du tribunal militaire et de chancelier de l’Ordre militaire, affectation dans une caserne éloignée du général Carmona, avocat général et commandant de la quatrième région militaire de Lisbonne. Le second procès, celui des inculpés de la tentative du 19 juillet 1925, se termina par le même verdict, ce qui révéla, de manière implicite certes, l’adhésion de nombreux officiers de haut rang à l’idée d’un coup de force militaire.
89Pendant ce temps, en revanche, les autorités se montrèrent fermes dans la répression de l’agitation sociale. Déjà, en avril 1925, des grèves avaient donné lieu à des déportations en Afrique, suivies de nouvelles grèves de protestations qui donnèrent lieu aux mêmes mesures49 ; en l’absence de solution aux problèmes du chômage et à la vie chère, la fermeté apparut comme la seule politique possible pour les gouvernements, d’où le cycle infernal de l’agitation – répression ; ce climat était aggravé par l’action violente de la Légion Rouge, groupe terroriste d’extrême gauche qui justifiait son action par la nécessité de répliquer à la violence des patrons et de l’Etat.
90La politique contradictoire de répression des gouvernements constitutionnels facilita-t-elle le succès des partisans du coup de force ? « Le verdict d’acquittement – écrit Georges Guyomard – donnait un sauf-conduit à tous ceux qui voudraient conspirer contre les gouvernements ou les institutions d’État... La justice militaire consacrait le droit à la révolte »50.
91Plus rien en effet n’allait s’opposer à la marche vers la dictature militaire. Les élections législatives de novembre 1925 donnèrent vainqueurs les Démocrates, conduits par Antonio Maria da Silva, qui obtinrent la majorité dans les deux chambres. En décembre, le président de la République, de plus en plus attaqué par les Nationalistes et les Monarchistes, démissionnait pour des raisons officielles de santé. Il fut remplacé par Bernardino Machado, tandis qu’éclatait le scandale de la banque « Angola et Métropole » qui achevait de ternir l’image du régime.
92Ce sera donc en vain que le gouvernement Antonio Maria da Silva cherchera à se concilier l’opposition nationaliste ; cette politique put provoquer une scission au sein du Parti Nationaliste, mais ne désarma ni les éléments durs de ce parti, ni tous ceux qui voulaient en finir avec la République parlementaire.
3. La Révolution Nationale du 28 mai 1926 et la reconnaissance des premiers gouvernements de dictature militaire. Essai d’interprétation d’un acte diplomatique
93Après l’échec de la tentative de juillet, les partisans du coup de force cherchèrent à mieux s’organiser en étendant le réseau de complicité aux principales unités du pays. Mais en même temps il apparut que les conspirateurs ne formaient pas un groupe homogène, ce qui explique la difficulté à constituer une direction et à désigner un chef. Le choix put être finalement porté sur le général Roçadas et après sa mort subite, sur le général Gomes da Costa.
94C’est ce dernier qui, par une proclamation donna, de Braga, le signal d’un mouvement d’orientation nettement nationaliste ; le mouvement obtint rapidement l’adhésion de toutes les garnisons du pays, à quelques exceptions près, et se solda par une victoire totale des insurgés. Mais au moment où les troupes de Gomes da Costa arrivèrent à Lisbonne, une junte militaire s’y était déjà formée, dirigée par Mendes Cabeçadas. Cependant, le mouvement s’imposa à Lisbonne, non sur la base de la proclamation nationaliste, mais sur la base d’un programme qui ne constituait pas une rupture d’avec le régime républicain.
95En effet, le programme qu’avait distribué la junte et avec lequel le commandant Cabeçadas s’était présenté au président de la République et avait demandé, au nom de l’armée la formation d’un gouvernement extra-partidaire constitué de républicains ayant la confiance du pays, prévoyait, entre autres points, la publication d’un statut fondamental qui maintînt essentiellement le régime proclamé en 1910 et reconnu par les puissances, et qui introduisît les modifications nécessaires pour garantir son fonctionnement régulier »51. Sur la base de ce programme, non seulement Cabeçadas fut autorisé à former un gouvernement, mais reçut bientôt tous les pouvoirs constitutionnels que lui remit Bernardino Machado qui préféra se retirer devant l’ampleur du mouvement.
96Fondamentalement, la Révolution du 28 mai créait, à travers ceux qui en constituaient la force agissante, les insurgés de Braga, une situation nouvelle. N’a-t-elle pas été influencée par les exemples de l’Italie et de l’Espagne, où avaient triomphé les régimes autoritaristes ? C’est ce qui expliquera bientôt l’élimination du courant Cabeçadas.
97Comment la France allait-elle, dans ces conditions, réagir, c’est-à-dire se situer quant à la question de la reconnaissance du nouveau pouvoir ?
98Après un moment d’expectative, le temps que les événements fussent clairement connus, Paris recommanda au chargé d’Affaires à Lisbonne, en ce qui concernait l’attitude à adopter, de s’inspirer des principes d’action qui seraient dictés au représentant britannique à Lisbonne. Le Foreign Office prescrivit à ce dernier d’entrer en relation avec le nouveau gouvernement de manière à ne pas soulever la question de sa reconnaissance.
99Tout en faisant agir son représentant dans ce sens, le gouvernement français se fit toutefois le devoir de trouver à son acte de reconnaissance un fondement juridique. Puisque, se dit-on, le commandant Cabeçadas s’était fait remettre les pouvoirs suprêmes par Bernardino Machado qui les détenait en tant que président élu de la République, le gouvernement militaire était assuré d’une légitimité ; Cabeçadas détenait le lien constitutionnel entre l’ancien et le nouveau pouvoir.
100Mais le lien constitutionnel détenu par Cabeçadas et sur lequel s’appuyait, sur le plan juridictionnel, l’acte de reconnaissance fut bientôt rompu. En effet, il se dessina au niveau des nouveaux maîtres du Portugal, un double courant, l’un représenté par Cabeçadas, l’autre par Gomes da Costa. Le premier courant, républicain dans son essence, était soucieux de préserver la continuité et les apparences constitutionnelles et, pour cela, de composer avec des éléments civils, afin de ne pas s’exposer à de violentes réactions et à l’isolement. Le second, en faveur d’un gouvernement purement militaire et de caractère dictatorial, entendait en finir avec « la période démagogique »52.
101La formation dans un premier temps du triumvirat Cabeçadas – Gomes da Costa – Armando Ochoa, puis d’un premier gouvernement militaire élargi aux civils correspondit à l’état successif du rapport de force, en faveur de Gomes da Costa, puis de Cabeçadas. Mais Gomes da Costa finit bientôt par l’emporter. En effet le 17 juin, il prit le commandement des troupes cantonnées dans la banlieue, les poussa dans la capitale et adressa un ultimatum à Cabeçadas, président du ministère. La dictature militaire sans aucune apparence constitutionnelle était consacrée.
102La légalité sur laquelle l’acte de reconnaissance du pouvoir militaire était sensée se fonder, venait ainsi d’être détruite. « En s’installant par la force et de sa seule volonté à la présidence du conseil et en rejetant hors du gouvernement le commandant Cabeçadas qui avait été régulièrement investi par le président Bernardino Machado » écrit à ce propos le représentant de la France, « le général Gomes da Costa est sorti de la légalité pour entrer dans la dictature »53. Il demanda par conséquent, s’il pouvait, dans ces conditions, nouer avec le gouvernement de Gomes da Costa ; il informa par la même occasion que son homologue britannique tout en demandant les instructions, avait suggéré au Foreign Office de ne pas être trop formaliste.
103Le Quai d’Orsay répondit au chargé d’affaires par l’affirmative. Ainsi la France reconnut le gouvernement de Gomes da Costa qui marquait la victoire totale du pouvoir militaire.
104Il est sans doute anachronique, comme l’écrit Jésus Pabon54, d’attribuer au pouvoir militaire de Gomes da Costa, puis celui d’Oscar Carmona, le projet qui a institué l’État Nouveau, c’est-à-dire le régime dictatorial de type fasciste de Salazar qui s’installa un peu plus tard. Mais la dictature militaire qui s’établit était en complète rupture avec le régime parlementaire libéral. Elle en détruisit toutes les possibilités de retour et constitua par conséquent, le cadre qui rendit possible le processus de formation de l’État corporatiste.
105Comment expliquer, dans ce cas, l’acte de reconnaissance par la France des premiers gouvernements de dictature militaire ? Cette question pose celle plus générale du rapport des démocraties libérales au processus d’établissement, dans « l’entre-deux-guerres » des dictatures de type fasciste, de différents calibres. Autrement dit, c’est la question de savoir dans le cas précis du Portugal, comment les démocraties – la France et l’Angleterre – ont pu reconnaître immédiatement une dictature militaire dans un pays où elles exerçaient une influence et où elles étaient intervenues en octobre 1921 pour, en fait, infléchir l’action du gouvernement issu du mouvement du 19 octobre ?
106La question prend un sens particulier en ce qui concerne la France, dans la mesure où il s’agit de la liquidation d’une république sœur, d’un régime dont elle constituait la première source d’inspiration, car cette mutation ne faisait aucun doute en raison du contexte international d’évolution des États.
107La compréhension de l’acte français de reconnaissance diplomatique de la dictature militaire requiert, comme point de départ indispensable, l’examen de la situation et du climat politiques en France même. L’intervention d’octobre 1921, à laquelle la France fut associée, était l’œuvre du gouvernement du « Bloc National », dans un contexte dominé par la crainte du bolchévisme contre lequel ce bloc avait été justement créé. La question se pose autrement pour la reconnaissance de la dictature militaire qui est l’œuvre des débris de l’administration du cartel des gauches qui réunit autour du Parti Radical Socialiste d’Édouard Herriot les forces politiques les plus attachées aux formes républicaines parlementaires du pouvoir politique.
108En fait, le passage du Portugal à la dictature militaire, qui était une réaction nationaliste à la crise du pouvoir d’État, était intervenu au moment où, en France, la même idéologie, née de la guerre et développée pendant la période du bloc national (1919-1924) restait très forte et était loin d’être enrayée par la victoire du cartel des gauches ; aussi, les gouvernements nés de cette coalition échouèrent-ils dans leur politique anti-cléricale et rencontrèrent-ils des difficultés quasi-insurmontables, dans le domaine de la politique financière, objet essentiel de la crise qui les emporta.
109En effet, le cartel se heurta au « mur d’argent », c’est-à-dire à l’opposition acharnée de la bourgeoisie financière qui organisa systématiquement la fuite des capitaux. La cascade de crises ministérielles qui en résulta (juillet 1925- juillet 1926), donna lieu à une vague d’anti-parlementarisme et surtout provoqua une paralysie de l’État dont toutes les forces politiques (à l’exclusion des communistes) furent suffisamment conscients des dangers pour donner leur aval à la formation du gouvernement d’Union Nationale par Poincaré en juillet 1926. Au-delà de la défense du franc, l’objectif de ce gouvernement était la sauvegarde de l’État55.
110Les possibilités de trouver une telle issue à la crise n’existaient pas au Portugal, qui apparaissait à l’opinion internationale comme l’exemple typique d’anarchie. La crise d’autorité de l’État n’y était pas le seul fait de l’obstruction des classes possédantes contre les tendances radicalisantes des gouvernements démocrates (de gauche ou modérés), mais également le fait des pressions et agitations des classes laborieuses dont l’action donnait lieu à des hypothèses, dans les dépêches diplomatiques sur les risques de bolchévisation.
111Par conséquent, la reconnaissance de la dictature militaire semble s’expliquer par le fait qu’elle devait apparaître comme la seule solution à la désintégration de l’État portugais. Cette position, outre le contexte politique-même en France, a également besoin d’être étayée par la position internationale de la France en tant que grande puissance. Cela nous conduit au problème général du rapport des démocraties au processus d’établissement de certaines dictatures de l’« entre-deux-guerres ».
112L’établissement des dictatures fascistes dans la plupart des pays est passé par une répression accrue des classes laborieuses et un affaiblissement du mouvement populaire. De ce point de vue, et dans une certaine mesure, le cas de l’Allemagne mérite d’être évoqué dans le cadre d’une extrapolation nécessaire à l’éclairage du contexte international. C’est avec la complicité aussi bien du gouvernement britannique que de celui de la France (malgré l’occupation de Darmstadt, de Francfort par cette dernière) que les troupes du Reich, en dépit des clauses militaires du Traité de Versailles (réduction des effectifs et démilitarisation de la rive droite du Rhin) purent réprimer de 1920 à mars 1921 les insurrections de la Ruhr56.
113La dictature militaire étant la seule solution à la désintégration de l’État, sa reconnaissance par la France – et aussi par l’Angleterre – était une caution tacite à cette solution qui ne remettait pas en question ses intérêts au Portugal. Elle s’inscrivait par conséquent dans la même perspective que la coopération anti-bolchévique, c’est-à-dire pour la défense et le renforcement de l’État contre l’action des éléments « bolchévisés » des milieux ouvriers et contre ces milieux en général, qui avaient constitué une des principales contre-forces à la réaction monarchique (janvier-février 1919) et nationaliste (avril 1925).
Notes de bas de page
1 . A ce sujet, voir MONIS (Égas), op. cit., pp. 371-375.
2 . MARTINS (Général Ferreira), França Portugal, p. 39.
3 . Le détail de ces manifestations bilatérales de commémoration de la guerre est donné par le général Martins Ferreira dans son ouvrage déjà cité et traitant de l’amitié franco-portugaise : França-Portugal, pp. 39-47.
4 . Cf. Rosen (Bon. R.), Forty years of Diplomacy, Londres, 1922. Vol. II, p. 284.
5 . Au moment où la paix de Brest-Litovsk était signée, Stephen Pichon, ministre français des Affaires Étrangères fit au New-York Herald une interview assez significative de l’opinion et des intentions des puissances alliées : « Si l’Allemagne réussissait à compléter à l’Est l’œuvre de confiscation et de domination qu’elle a commencée, il est évident que l’équilibre militaire et économique de l’Europe sera à jamais détruit... Quelle sera ce jour-là, la valeur des traités élaborés par des gens payés, signés de faux noms par des personnages sans mandats et imposés à des nations affaiblies... Malgré l’effondrement de la Russie, il y a encore dans ce pays, des éléments sains, des forces et des richesses merveilleuses que nous ne pouvons abandonner à l’ennemi », interview reproduite par Le Matin du 10 mars 1918.
6 . FOCH (Général), Mémoires pour servir à l’histoire de la guerre 1914-18. Paris, 1942, Tome 2, P. XXXIII-XXXIV.
7 . A ce sujet, on pourra se référer à : 1) FOURNOL (Étienne), « Les volets du Dyptique », in Mercure de France, n° 504, 16 juin 1919, pp. 577-592. 2) LOBO (Costa), Le problème mondial et l’action du Portugal, Coimbra, 1921, 365 p. 3) VALOIS (Georges), « La théorie de la lutte des classes » in Revue Universelle du 15 août 1920, pp. 412-428.
8 . COSTA (Ramiro da), O desenvolmiento do capitalismo en Portugal. Lisbonne, 1975. pp. 39-40.
9 . MARTINS (Rocha), op. cit., pp. 250-251.
10 . Avec 35.000 exemplaires, A Batalha ne serait dépassé que par le Seculo et le Diario de Noticias. Le journal procèderait également à des éditions spéciales et réimpressions de certains articles pour la province. Capitaine de Vaisseau Bergasse, au ministre de la Guerre. Madrid, 24 mai 1919. SHM/SSEA 154.
11 . « O ideal em acçâo », editorial de A Batalha, 7 novembre 1919 in Pereira (José Pacheco), Questôes Sobre O Movimento operario portugues e a Revoluçaô Russa de 1917, Porto, 1971, pp. 43-46.
12 . JUNIOR (Costa), op. cit., p. 109.
13 . Annexe à la correspondance du Consul de France à Porto au Quai d’Orsay. Porto, 16 octobre 1919. MAE/SE 1918-29, Portugal, n° 25.
14 . PEREIRA (José Pacheco), op. cit., p. 20.
15 . PEREIRA (José Pacheco), op. cit., pp. 21-22.
16 . « Déclaration de Principes » A Bandeira Vermelha, n° 2, 12 octobre 1919, in PEREIRA (José Pacheco), op. cit., p. 63.
17 . A. Bandeira Vermelha, n° 1, 5 octobre 1919, in PEREIRA (José Pacheco), op. cit., pp. 55-61.
18 . Bandeira Vermelha, 7 octobre 1919, in PEREIRA (José Pacheco), op. cit., p. 7.
19 . Rapport du SR de Lisbonne adressé par le ministre de la Guerre (EMA 2e bureau) à la Direction de la Sûreté Générale. 25 janvier 1921. ANF/F7 13506.
20 . William Martin, ministre de France à Aristide Briand, président du Conseil, ministre des Affaires Étrangères. Lisbonne, 25 janvier 1921. MAE/SE 1918-29, Portugal, n° 17.
21 . William Martin à Aristide Briand. Lisbonne, 23 février 1921. MAE /SE 1918-29, Portugal, n° 17.
22 . Bonin au Quai d’Orsay. Lisbonne, 20 février 1923. MAE/SE 1918-29, Portugal, n° 27.
23 . Copie d’un rapport du chef de la Sûreté de Lyon, relatif aux instructions du Foreign Office, aux fonctionnaires affectés à la lutte anti-bolchévique. Lyon, 3 juillet 1919. ANF/F7 13507.
24 . A Situaçâo du 22 novembre 1918, rapporté par Daeschner à Bichon. Lisbonne, 24 novembre 1918. MAE/NSE 1918-29, Portugal, n° 15.
25 . Daeschner à Stephen Pichon. Lisbonne, 8 avril 1919. MAE/SE 1918-29, Portugal, n° 16.
26 . SR de Lisbonne au ministère de la Guerre. Lisbonne, 21 juillet 1919. ANF/F7 13507.
27 . Lisbonne, 5 décembre 1918. MAE/SE 1918-29, Portugal, n° 15.
28 . Le ministre de l’Intérieur (Direction de la Sûreté Générale) à Monsieur le Président du Conseil, ministre de la Guerre. Paris, 22 août 1919. ANF/F7 13507.
29 . Nous appuyons cette hypothèse sur le fait suivant. Dans une lettre au Quai d’Orsay, en date du 22 mars 1923, Bonin, le ministre de France au Portugal, se plaignant de ses moyens réduits et signalant la relative autonomie financière de l’attaché militaire écrivait : « Toutes les facilités matérielles sont d’ailleurs données par le ministre de la Guerre à son représentant, ici puisque ses dépenses de propagande lui sont intégralement remboursées et que, de plus, il reçoit des fonds spéciaux lui permettant d’entretenir un secrétaire permanent à son bureau de Lisbonne et des agents de renseignements dans plusieurs villes du Portugal » MAE /Papiers d’agents ; sous-série Papiers Bonin, n° 31.
30 . Dubail au Quai d’Orsay. Lisbonne, 20 octobre 1921. MAE/SE 1918-29, Portugal, n° 17.
31 . Télégramme de Dubail au Quai d’Orsay. Lisbonne, 25 octobre 1921. MAE/SE 1918-29, Portugal, n° 17.
32 . Dubail à Briand, Lisbonne, 24 octobre 1921. MAE/SE 1918-29, Portugal, n° 17.
33 . Dubail à Briand, Lisbonne, 31 octobre 1921. MAE/SE 1918-29, Portugal, n° 17.
34 . Rapport de l’attaché militaire de France. Lisbonne, 9 novembre 1921. MAE/SE 1918-29, Portugal, n° 17.
35 . Cité par Bonin, ministre de France au Portugal, au président du Conseil, ministre des Affaires Étrangères. Lisbonne, 19 novembre 1921. MAE/SE 1918-29, Portugal, n° 17.
36 . Annexe à la correspondance du ministre de France au Portugal au président du Conseil, ministre des Affaires Étrangères. Lisbonne, 19 novembre 1921. MAE/SE 1918-29, Portugal, n° 17.
37 . MARQUES (A . H. Oliveira), op. cit., vol. II, p. 283.
38 . Ibid., p. 283.
39 . Rapport de l’attaché militaire de France. Lisbonne, 28 octobre 1921. MAE/SE 1918-29, Portugal, n° 17.
40 . Bonin, ministre de France au président du Conseil, ministre des Affaires Étrangères. Lisbonne, 19 novembre 1921. MAE/SE 1918-29, Portugal, n° 17.
41 . Bonnefous (Édouard), Histoire politique de la Troisième République, Tome IV Cartel des Gauches et Union Nationale (1924-1929), Paris. 1973, p. 65.
42 . MARQUES (A.H. de Oliveira), op. cit., vol. II, p. 252.
43 . PRALON à E. Herriot. Lisbonne, 15 février 1925. MAE/SE 1918-29, Portugal, n° 19.
44 . Pralon au Quai d’Orsay. Lisbonne, 28 février 1925. MAE/SE 1918-29, Portugal, n° 19.
45 . Pralon à A. Briand, ministre des Affaires Étrangères. Lisbonne, 24 avril 1925. MAE/SE 1918-29, Portugal, n° 19.
46 . Maison nobiliaire ; le titre de duc de Cadaval est le premier et le plus illustre des titres portugais, exception faite de ceux de la Maison Royale. Cf. Grande Enciclopedia Portuguesa e Brasileira. Lisbonne, Rio de Janeiro. Vol. V, pp. 365-368.
47 . Rapport de Pralon à Briand sur le congrès du Parti Démocrate. Lisbonne, 16 juin 1925. MAE/SE 1918-29, Portugal, n° 19.
48 . Ibid.
49 . Costa (Junior), op. cit., p. 126.
50 . GUYOMARD (Georges), La dictature militaire au Portugal, Paris 1927, p. 27.
51 . Arquivo Nacional, Ano I, n° 20, p. 9.
52 . Jeannequin, chargé d’Affaires de France à Briand, Président du Conseil, ministre des Affaires Étrangères. Lisbonne, 10 juin 1926. MAE/SE 1918-29, Portugal, n° 19.
53 . Télégramme au Quai d’Orsay. Lisbonne, 19 juin 1926. MAE /SE 1918-29, Portugal, n° 19.
54 . PABON (Jésus), op. cit., p. 644.
55 . Sur la situation en France, cf. : DUROSELLE (J.B.), Le monde contemporain, Paris, Fernand Nathan, 1971, pp. 84-86 et BONNEFOUS (Édouard), Histoire politique de la Troisième République, T. IV, Cartel des Gauches et Union Nationale, Paris, PUF 1973, pp. 2-184.
56 . RENOUVIN (P.), Histoire des Relations Internationales. Tome VII, première partie, 1914-1929, Paris, 1969, p. 248.
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