La fin de la confraternité républicaine : l’après-guerre et la chute de la république parlementaire (Décembre 1918 - Mai 1926)
p. 171-172
Texte intégral
1La guerre s’est terminée par la victoire des puissances de l’Entente et des États associés sur les Empires Centraux. De façon générale, elle avait entraîné un profond bouleversement du monde. Le rétablissement de la paix se trouvait en effet dominé, entre autres données, par les conséquences de l’écrasement militaire et politique de l’Allemagne, les prolongements de la révolution bolchévique, le problème de la reconstruction et du passage de l’économie de guerre à l’économie de paix.
2Avant la guerre, la politique officielle de la France vis-à-vis du Portugal était déterminée par les exigences de l’Entente Cordiale ; la France reconnaissant dans ce pays la prépondérance britannique et y avait une politique relativement peu autonome par rapport à celle de l’Angleterre. Cette logique n’avait pas fondamentalement changé au cours du conflit. Mais le nouvel ordre introduit par l’écrasement de l’Allemagne modifiait le contenu des alliances, et plus précisément celui de l’Entente Cordiale ; le centre des rivalités en Europe se trouvait déplacé et par voie de conséquence se trouvaient modifiées les conditions internationales des rapports possibles entre la France et le Portugal.
3En effet, tout en enregistrant avec satisfaction l’écroulement des ambitions et l’écrasement de l’Allemagne qui lui disputait l’hégémonie mondiale, l’Angleterre considérait avec appréhension la nouvelle situation européenne. La France sortait de la guerre considérablement renforcée, militairement et politiquement. Sa prépondérance sur le continent affectait l’objet toujours recherché de la politique britannique : l’équilibre continental. L’effondrement de l’Allemagne réactiva ainsi les vieilles rivalités franco-anglaises qui auront pour terrain immédiat de manifestation, le partage du butin de guerre et les conditions générales de rétablissement de la paix. En ce qui concerne ces dernières, il y aura le problème du traitement à réserver à l’Allemagne. Alors qu’un certain relèvement de cette puissance apparaissait nécessaire à l’Angleterre, tant au point de vue de ses intérêts économiques que stratégiques (besoin de conserver le marché allemand et de maintenir un certain équilibre sur le continent), la France y était hostile et penchait pour des traités les plus durs.
4C’est dans ce contexte international d’antagonisme franco-britannique susceptible de modifier sensiblement la ligne de conduite de la France vis-à-vis du Portugal que se posèrent, dans le cadre des luttes politiques qui marquèrent la fin de la « République Nouvelle » de Sidonio Paes, d’une part la question du soutien français au Parti Démocrate, dont d’importants dirigeants s’étaient réfugiés à Paris, d’autre part le projet d’une politique de rapprochement du Portugal avec la France, projet envisagé à la suite du retour dans l’arène gouvernementale des personnalités de ce parti. Ces questions, qui ouvrirent la période de l’après-guerre, affectèrent pendant un moment les relations entre les deux pays. L’opinion officielle au Portugal eut tendance à y voir un jeu politique de la France. Mais elles constituèrent un épisode assez bref des rapports de cette période, épisode bientôt fermé par le retour à « l’Ancienne République »1, c’est-à-dire au régime parlementaire à partir de l’été 1919.
5A partir de cette période, le terrain des relations entre les deux pays sera occupé par les questions économiques et les problèmes politiques, plus exactement le rapport de la France à l’évolution politique et sociale du Portugal.
6La question se posait de savoir si, dans le contexte économique de la paix, la France allait pouvoir réaliser les ambitions nourries au cours du conflit, et le Portugal maintenir le niveau de ses ventes sur le marché français. Sur le plan politique, le thème dominant restera le rapport de la France au processus historique de liquidation de la Première République portugaise.
7Le retour à « l’Ancienne République » ne mit pas un terme aux difficultés du Portugal ; le pays évolua dans le sens d’une réelle déstabilisation politique et sociale qui débouche sur un coup d’État et la dictature militaire. La coopération à ce qui fut appelé la lutte « anti-bolchévique » et plus tard la reconnaissance de la dictature militaire constituèrent entre autres éléments, les manifestations de l’attitude française face à ce processus qui entre dans le cadre général de la crise des démocraties libérales bourgeoises dans l’entre-deux-guerres.
Notes de fin
1 En opposition à la « République Nouvelle » de Sidonio Paes, in MARQUES (A.H. de Oliveira), Historia de Portugal : desde os tempos mais antigos até ao governo do Snr Marcelo Caltano, 5e édition. Lisbonne, 1975, Vol. II, pp. 274 et 278.
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