Christian PHILIP – Directeur des Enseignements Supérieurs
p. 147-150
Texte intégral
1Je ne sais pas si je dois m’adresser à vous en tant que directeur des enseignements supérieurs, ou en tant qu’acteur convaincu de la nécessité de développer la coopération franco-québécoise. Pour différentes raisons il se trouve que depuis une vingtaine d’années j’ai eu l’occasion, d’abord comme étudiant, puis ensuite comme professeur, à différentes reprises, d’intervenir dans cette coopération. En tant que professeur à Lyon j’ai développé depuis un an, et je compte continuer à développer, des relations avec l’université de Montréal. Je participe aussi au centre Jacques-Cartier.
Je voudrais faire trois observations. La première observation, sans chercher à savoir par rapport à l’échelle de priorité suggérée par Monsieur Lautman, ou par Madame Cossé-Brissac, où je me situe, souligne un fait : la coopération universitaire franco-québécoise est importante : elle est particulière et elle est originale. On ne peut pas, pour différentes raisons, la situer au même plan que d’autres coopérations. On peut regretter beaucoup de choses, et je ne reviendrai pas sur un certain nombre de jugements déjà portés ; mais ne faisons pas preuve d’une trop grande morosité. Je crois qu’il y a un fait de départ positif. Il est plus facile d’aller de l’avant à partir de quelque chose de solide – qui existe – que de tout construire. Nous avons à développer cette coopération, mais grâce à l’action de beaucoup, nous avons un acquis et un acquis important. De nombreux universitaires, tant en France qu’au Québec, ont appris depuis plusieurs années à mieux se connaître et à travailler ensemble. Voilà le point de départ.
2Ma deuxième observation c’est de reconnaître, c’est vrai, l’existence des problèmes, mais je dirais que l’existence de problèmes fait partie de la vie quotidienne. Je ne crois pas que le fait de reconnaître ces problèmes soit l’expression d’une inquiétude particulière. Ceci dit, il faut les regarder avec lucidité. Vous les connaissez bien. Ainsi a-t-il été rappelé tout à l’heure, que le nombre de projets de coopération a diminué, a même diminué fortement au fil des années. Et il est vrai que chaque projet aidé ne l’est pas assez. Monsieur Goy a eu raison de nous le répéter : il y a un choix bien souvent à faire ; ou l’on aide beaucoup de projets mais on leur donne peu, ou l’on aide peu de projets et on essaie de leur donner, sinon beaucoup, du moins suffisamment. Reconnaissons que nous avons ici un problème parce qu’on aide peu de projets, pas assez en tout cas, et qu’on ne les aide pas suffisamment. Quand l’aide apportée se réduit à une mission, ce n’est pas cela qui peut fonder une coopération sérieuse. Ainsi il y a des problèmes et nous ne les cachons pas mais il y a, me semble-t-il aussi, des suggestions à faire. Je ne dirais pas qu’il faut faire un effort financier. Je peux le penser mais je veux être responsable (je suis obligé de l’être) et comme ce n’est pas moi qui gère l’enveloppe financière de la coopération franco-québécoise, ça me serait beaucoup trop facile de dire qu’il faut faire un effort financier. Les contraintes budgétaires, je les vis malheureusement quotidiennement, sont telles que je ne voudrais pas me lancer dans ce genre de propos. Mais au-delà du problème financier, il nous faut nous interroger sur le système institutionnel qui gouverne cette coopération franco-québécoise. L’existence même d’institutions finalement nombreuses est en soi une bonne chose, elle a montré l’intérêt apporté par les deux gouvernements à la coopération. Mais je crois aussi qu’un système institutionnel devient au fil des années quelque chose de rigide, et quelque fois un peu contraignant. Il me semble que nous devrions faire un effort pour assouplir ce système. Ceci est important parce qu’autrement, il se crée des rigidités qui ne sont pas compréhensibles par l’universitaire qui veut faire vivre cette coopération. Ainsi, par exemple, fallait-il que les réponse à l’appel d’offres pour 1987 soient fournies le 1er juin ; mais pour que les réponses parviennent le 1er juin, ceux qui ont vécu cette coopération franco-québécoise savent combien en réalité le projet doit être préparé bien plus longtemps à l’avance, qu’il faut avoir les lettres réciproques des uns ou des autres pour les mettre dans les dossiers, lesquels doivent être photocopiés en je ne sais plus combien d’exemplaires... Je crois qu’il y a un compte à rebours tel que cela décourage. C’est une forme de sélection, nous a dit Alain Bideau, mais ce n’est pas la meilleure forme de sélection. Ce sont peut-être des petites choses mais il nous faut faire un effort pour simplifier le système, pour assouplir le système institutionnel. On a évoqué aussi cette ébauche d’un conseil scientifique, pour la sélection et l’évalution des projets. Je crois, quelle que soit la politique que l’on veut avoir et compte tenu d’une période difficile sur le plan budgétaire, il est fondamental que la communauté universitaire soit garantie de la manière dont les projets sont évalués et sélectionnés. Il faut aller au-delà de l’ébauche et tout ce que l’on fera pour structurer ce conseil scientifique m’apparaîtra fondamental.
3L’autre point sur lequel je voudrais insister est à mes yeux prioritaire. C’est la question de la mobilité des étudiants de deuxième et troisième cycles ou des jeunes chercheurs. Je sais, et on l’a dit, c’est un vieux débat. Je crois néanmoins que ce n’est pas un débat dépassé. Je crois très profondément que le devenir d’une coopération passe par les étudiants. L’université, nous ne devons pas l’oublier, est d’abord faite pour les étudiants. Il n’y aurait pas d’université sans étudiants, du moins je veux l’espérer. Eh bien, dans nos coopérations internationales, nous ne devons pas oublier les étudiants. La coopération ne doit pas être uniquement construite autour des professeurs et autour des chercheurs sous quelle que forme que ce soit. Je crois fondamental pour le devenir de la coopération franco-québécoise qu’on investisse sur la mobilité des étudiants. Ce problème dépasse le cadre de la coopération franco-québécoise. Il pose le problème de l’ensemble de la coopération internationale universitaire. Si l’on croit à certaines relations directes, privilégiées entre la France et le Québec, il faut investir sur ceux qui dans quelques années auront des disponibilités. Si personnellement je me suis trouvé impliqué dans cette coopération franco-québécoise c’est, je dois le dire, parce qu’étudiant à l’institut d’études politiques à la fin des années 60, je me suis trouvé mêlé à plusieurs dizaines de jeunes Québécois qui étaient présents à cette époque comme étudiants et parce qu’il y avait des programmes volontaires d’échanges, qui faisaient en sorte que la France avait décidé d’accueillir ces jeunes étudiants. Quel peut être le rôle incitatif des autorités de tutelle puisque tutelle il y a ? Je dis un rôle incitatif parce que je crois à l’autonomie des établissement. Il n’appartient pas à la direction des enseignements supérieurs de dire aux établissements français quelle doit être leur politique en matière de coopération internationale. Je peux personnellement avoir certaines idée en la matière mais de toute façon je suis persuadé qu’on ne "plaque" pas une telle politique. Quels que soient les moyens que l’on mettrait en œuvre cela n’aurait aucune durée si les établissement ne le souhaitaient pas.
4La première réponse elle, appartient aux établissements. Je constate qu’un grand nombre d’établissements français ont cette volonté de considérer la coopération franco-québécoise comme une coopération importante Ils l’ont prouvé en signant de nombreuses conventions d’échanges. Je crois aussi qu’un grand nombre des présidents français sont prêts à faire des efforts, et ils l’ont aussi déjà démontré, à mettre des moyens dans cette coopération, mais peut-être à condition, et c’est là que notre rôle incitatif peut exister, de sentir qu’il y a un mouvement, qu’on peut leur permettre de participer à quelque chose d’important. Je crois que sur cette question de la mobilité des étudiants entre la France et le Québec, il serait souhaitable et nécessaire qu’il y ait entre tous les partenaires intéressés un tour de table auquel chacun viendrait avec ses idées et aussi avec les quelques moyens qu’il peut mettre dans l’affaire. Même en période de rigueur budgétaire, à partir du moment où on s’allie à plusieurs, on parvient à faire quelque chose qui peut être intéressant. Je pense, par exemple, que si ce tour de table devait conduire à dire qu’on est prêt de part et d’autre à faire un effort sur la mobilité des étudiants, il faudrait alors avoir l’ambition de fixer certains objectifs, des objectifs qui "parlent", par exemple un objectif quantitatif quant au nombre d’étudiants que nous voulons voir traverser régulièrement de part et d’autre, l’Atlantique. Peut-être qu’il ne se réalisera pas tout de suite mais il exprime là, une volonté politique. Lorsque l’OFQJ a été créé, il a été fixé un objectif quantitatif. Autour de tels objectifs, il est possible de se mobiliser. Je crois qu’il faut tout d’abord faire celà et qu’ensuite on pourrait examiner comment on pourrait aider financièrement les étudiants, sans pour cela prendre l’étudiant pour un assisté. Je crois qu’à partir du moment où l’année d’études proposée apparaît intéressante sur le plan pédagogique et scientifique, on pourra convaincre facilement un nombre d’étudiants de jouer le jeu. Je suis tout de même d’accord qu’un programme de bourses est indispensable. Je crois que ce n’est pas impossible si la réciprocité existe, si l’objectif politique existe. Il serait possible de dégager certains moyens en la matière. Je prends un seul exemple que connaissent les universitaires français. Il existe dans les DEA un système d’allocations d’études. Pourquoi ne pas utiliser un contingent de ces allocations d’études afin de permettre de faire venir dans nos meilleurs DEA un certain nombre d’étudiants québécois. Ce ne serait pas sans intérêt pour ces étudiants, tout en étant aussi un grand intérêt pour ces DEA français qui ont besoin d’attirer à eux des gens de qualité. On ne peut pas le faire systématiquement, mais si on le souhaite, s’il y a une volonté politique de le faire, voilà un instrument que la direction des enseignements supérieurs, par exemple, pourrait apporter dans la corbeille.
5Je plaide donc pour que, si relance il doit y avoir, on le fasse d’abord aujourd’hui pour les raisons indiquées sur les étudiants. Je crois, pour l’avoir vécu autour du centre Jacques-Cartier à Lyon que la coopération universitaire franco-québécoise se développera aussi si nous sommes capables, parallèlement aux activités du centre de coopération inter-universitaire de créer un réseau dynamique de centre régionaux. Il n’en faut certes pas un très grande nombre. Il y a déjà des bases solides, avec le centre Jacques-Cartier de Lyon, et sous une autre forme les activités bordelaises. Des initiatives sont également prises ailleurs. Je crois qu’un réseau dynamique de centres régionaux, est un élément sur lequel nous devons nous appuyer et constitue un élément mobilisateur. Pour prendre l’exemple lyonnais que Lyon, grande ville universitaire, ville où les universités et les écoles ont de multiples accords internationaux, ait éprouvé le besoin sans précédent et sans autre exemple de coopérer sur le Canada et le Québec, n’est peut-être pas un hasard. Je pense donc qu’un réseau dynamique de centres régionaux permettrait de démultiplier l’effort fait au niveau intergouvememental, comme on l’a montré à Lyon.
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