Le parti communiste français
p. 337-346
Texte intégral
1Lors du colloque précédent sur la perception de la puissance dans la période qui avait précédé la guerre, après avoir rappelé que la notion de puissance n’appartenait guère à la problématique du mouvement ouvrier, tout entière dominée par l’internationalisme, il nous avait semblé pouvoir montrer que cette notion était pourtant loin d’être absente de la thématique communiste, même si celle-ci préférait au terme de puissance celui de grandeur. Son contenu avait néanmoins été marqué au cours des années trente par une sensible inflexion. Au début de l’année 36, le discours communiste affirmait que la puissance de la France était potentiellement considérable, une puissance reposant sur ses richesses économiques, mais il ne manquait pas de remarquer également qu’elle était bridée par les méfaits du capitalisme et qu’elle ne pourrait s’exprimer véritablement qu’avec l’installation en France d’un régime imité de celui de l’Union Soviétique. En revanche, après la victoire du Front populaire, la grandeur de la France était considérée comme pratiquement rétablie, même si le complet succès de sa "mission" ne pourrait vraiment être assuré que par le pouvoir des Soviets. L’inflexion la plus sensible apparut toutefois lors des moments de tension qui précédèrent la guerre. Employant un vocabulaire de plus en plus nationaliste, nationaliste de droite disent même certains, le parti communiste exaltait les traditions patriotiques de la France, mêlant traditions guerrières et révolutionnaires.
2Les "impuissances" françaises n’étaient guère prises en compte.
3Cette thématique fut évidemment mise en veilleuse pendant la période du pacte germano-soviétique. Mais une fois libéré de cette contrainte, pendant les dernières années de la guerre, le parti communiste retrouva ce vocabulaire, encore exagéré par les circonstances.
4Qu’allait-il en être après la Libération de la France, compte tenu du rôle considérable joué par le parti communiste sur le sol national et par l’Union Soviétique à l’extérieur ?
5 Il nous est apparu impossible – précisons-le d’entrée – d’analyser la perception de la puissance par le parti communiste pendant la période 1947- 1949 sans présenter en contre-point la même analyse pour la période immédiatement précédente.
6En 1944-45, quelques inflexions dues aux circonstances mises à part, la parenté avec la perception de la puissance telle qu’elle nous était apparue avant la guerre mondiale est très proche.
7Les inflexions d’abord. Assez curieusement la notion de puissance militaire n’était pas évoquée dans la période d’avant-guerre. On conçoit que le thème affleure pendant les derniers mois de la guerre. Maurice Thorez se fait alors le vigoureux porte-parole de la renaissance de la puissance militaire française. Dès le premier discours qu’il prononça en France le 30 novembre 1944, immédiatement après son retour d’Union Soviétique, il proclama qu’il fallait une grande armée française, occupant un large front, fournie en armes par une industrie remise en marche1. Quinze jours plus tard, il revenait à la charge "sans crainte de répétition" : "Il faut constituer une véritable armée française, forte, puissante, avec du matériel moderne"2.
8Une fois la guerre achevée, du moins en Europe, lors du Xe Congrès du parti communiste français (26-30 juin 1945), il regretta qu’on n’eut pas suivi une proposition faite, dès novembre 1943, de constituer une grande armée d’au moins un million d’hommes. Et, ajoutait-il, "la question reste entière de la constitution d’une véritable année républicaine"3.
9Une deuxième inflexion tient à la conscience de l’état réel dans laquelle la France se trouvait alors : Maurice Thorez l’avait dit, lors d’une réunion du Comité central tenue en janvier 1945, et il le répéta pendant le Congrès du mois de juin. La France est affaiblie. Cela doit "inciter à la modestie et à prudence, plutôt qu’aux vains bavardages sur la grandeur de la France. Il ne faut pas se le dissimuler : la grandeur de la France est à refaire"4.
10Pour le reste, le propos est tout à fait semblable à celui de l’avant-guerre. Il l’est au niveau des termes utilisés, celui de puissance l’est rarement, on lui préfère celui de grandeur, mais il l’est aussi sur le fond : "... c’est l’ampleur et la qualité de notre production matérielle, (...) notre place sur le marché mondial, qui mesureront la grandeur de la France"5. Et Maurice Thorez commentait, la grandeur française ne peut résulter que de notre effort, de notre labeur6. Tout vient de la puissance matérielle : quand le rayonnement moral et intellectuel de la France était si grand, en 1789, c’est parce qu’il reposait sur une puissance matérielle considérable dans les conditions de l’Europe de 1789. Ce n’est que grâce à cette grandeur matérielle que la France avait pu vaincre7.
11 Le parti communiste ne se faisait donc pas d’illusions sur la réalité, " (…) nous remontons la pente, mais nous sommes encore loins des sommets"8. Il n’était pas question pour autant de "se résigner à l’idée d’une France reléguée au rang de puissance secondaire (…)"9, contrairement à certains qui avaient "déjà pris leur parti d’une France ravalée au rang du Portugal"10.
12Alors que fallait-il faire ? "Produire ! Tel est le premier, le plus impérieux, des devoirs proclamés par le Xe Congrès du parti communiste français"11.
13Cette affirmation martelée du retour à la grandeur par la renaissance de la puissance matérielle n’exclut pas toutefois la reprise d’un autre thème que Maurice Thorez avait développé dix ans plus tôt lors du Congrès de Villeurbanne, l’effort nécessaire de renaissance morale et intellectuelle. Le fléchissement moral, par la faute des classes possédantes, avait aussi atteint l’ensemble du peuple. Les communistes devaient donc se présenter en champions de la morale, c’est-à-dire de l’ensemble des règles qui dirigent l’activité libre des hommes. L’effort moral, c’était aussi de combattre la dénatalité12. D’ailleurs quand Georges Cogniot veut clouer au pilori Abel Bonnard, l’ancien ministre de l’Education nationale du gouvernement de Vichy, il le traite de pédéraste13.
14La morale ne doit pas d’ailleurs être séparée du patriotisme, et c’est avec consternation que le même Georges Cogniot révélait au Congrès que "dans un grand lycée de Paris, les élèves-maîtresses de l’enseignement primaire refusent présentement de chanter des hymnes patriotiques pourtant très beaux et très bien choisis..."14, et qu’il avait fallu beaucoup d’insistance pour que le bureau du Syndicat National des Instituteurs accepte "de se mettre en liaison avec la commission militaire du Conseil National de la Résistance pour collaborer avec elle à la préparation militaire"15.
15La puissance de la France pouvait-elle être conçue en dehors de son Empire ? Florimond Bonte répond sans ambiguïtés, "La France vit en Europe", mais "nous ne devons pas oublier que la France est aussi une puissance méditerranéenne et que son avenir dépend à la fois de ce qui se passe au centre de l’Europe et de ce qui se passe dans la moitié nord de l’Afrique"16. Si, d’une façon plus générale, il était nécessaire de tenir compte des aspirations des peuples à la liberté, "le droit au divorce ne signi (fïait) pas l’obligation de divorcer"17. En d’autres termes, les populations coloniales n’avaient aucun intérêt à l’indépendance, mais au contraire au maintien de l’Union avec la France : "Les Nord-Africains (...) l’ont admirablement compris"18.
16Ainsi la perception de la puissance par le parti communiste ressemble beaucoup en 1945 à ce qu’elle était en 1936-1938 : la France est toujours la Grande Nation ; elle a toujours une mission civilisatrice19. Au-delà d’une inflexion militaire et patriotique marquée, l’essentiel reste de retrouver la grandeur par le rétablissement de la puissance économique. "Notre meilleure politique extérieure, c’est encore notre politique intérieure"20, sans abandonner non plus le caractère impérial de la France, même si on l’a baptisé autrement.
17Néanmoins en 1936-1938, la "Grande Nation" ne l’était que derrière l’Union Soviétique. Puissance de première grandeur certes, mais au second rang, et sa puissance ne pourrait totalement se manifester qu’en devenant à son tour soviétique. En 1944-1945, le rapport à l’Union Soviétique n’est plus exprimé de façon identique : plus d’exaltation d’une France soviétique, mais la puissance de la France procède de ce qu’elle est l’amie de l’Union Soviétique, du pays de Staline "le chef génial", "le stratège incomparable", "le plus grand capitaine de notre époque"21. C’est l’amitié de l’URSS qui sacre la France grande puissance : "Et voici que l’Union Soviétique, notre amie, dit avec éclat : "Oui, la France, mon alliée, est une grande nation !"22. La supériorité du régime socialiste n’est pas remise en cause. Au contraire la victoire sur l’Allemagne l’a confirmée23. Mais dans l’immédiat, établir un régime du même type en France n’est pas dans les choses possibles : le rétablissement de la puissance française, la renaissance de sa grandeur ne passent pas par là.
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18Si on fait un saut de cinq ans et que l’on analyse le rapport présenté par Maurice Thorez devant le XIIe Congrès de son parti à Gennevilliers le 2 avril 195024, on y cherche en vain quelle était à ce moment la perception de la puissance française par le parti communiste. En fait il n’est plus alors question que de son "impuissance". La partie du rapport consacrée à l’état de la France est intitulée : "La France au seuil de l’abîme"25.
19L’orateur en profite pour nuancer ses propos des années antérieures : la France ne s’est jamais relevée de la guerre de 191426. La situation s’était sensiblement améliorée au moment du Front populaire, mais les capitalistes ont saboté le redressement national27. A la Libération, la France se trouve particulièrement affaiblie, mais grâce à l’effort de la classe ouvrière, il était possible "d’envisager l’avenir avec confiance"28 : néanmoins la grande bourgeoisie veillait. Après avoir regroupé ses forces, elle imposait avec l’aide des impérialistes américains le plan Marshall. "Il en est résulté des conséquences désastreuses pour notre pays"29. La reconstruction fut stoppée, la production s’arrêta de progresser, certaines branches de l’industrie cessèrent de fonctionner.
20"Le marasme de l’industrie française" est caractérisé par la diminution de la production d’aluminium, le recul des industries mécaniques et textiles, les projets de supprimer des voies ferrées, l’augmentation tous les jours du nombre des chômeurs30... Cela ne va pas mieux dans le secteur de l’agriculture : les productions doivent être réduites pour complaire aux ordres des Américains qui veulent en particulier nous inonder de coca-cola31.
21"Depuis que les ministres communistes ont été écartés", le franc a perdu les deux/tiers de sa valeur à la suite de quatre dévaluations. Le coût de la vie a augmenté32. "Depuis 1938, le niveau de vie des travailleurs a baissé de plus de la moitié"33.
22Les autres aspects de la vie française ne sont pas présentés sous des couleurs plus riantes : une guerre "criminelle"34 est poursuivie au Viêt-Nam coûtant à la fois des milliards et des pertes humaines considérables. Dans tous les autres territoires coloniaux, la politique menée est "férocement réactionnaire et colonialiste"35. Au total les gouvernements successifs poursuivent une politique "de réaction, de misère et de guerre"36 : le régime est un "régime de police, un régime de boue et de sang"37, conduisant en particulier "dans le domaine de l’esprit" "à une irrémédiable décadence"38...
23Près de quarante ans plus tard, ces propos dont nous n’avons pas forcé le trait pourraient surprendre par leur caractère caricatural, caractère encore renforcé par la description idyllique de l’essor de l’Union Soviétique39 et des succès des Démocraties populaires40. A tous les traits négatifs ou odieux de la France étaient opposés les traits positifs des pays socialistes. La production y augmentait, le niveau de vie s’y élevait, la reconstruction avançait à pas de géants, la nature était transformée. Une seule Démocratie populaire ne profitait pas de tous ces bienfaits, la Yougoslavie "vendue aux capitalistes américains"41 par la "clique d’espions et d’assassins de Tito"42.
24Comment est-on ainsi passé de la "puissance" à "l’impuissance" ? La clef en est donnée par une phrase de Jacques Duclos : la politique nouvelle, celle caractérisée "par l’adhésion de la France au plan Marshall, la signature du traité d’alliance militaire de Bruxelles, la constitution de l’Union européenne, la signature du pacte atlantique" a pris naissance, il y a deux ans, lorsque les communistes ont été écartés du gouvenement43. Les variations sur ce thème qui font de l’adhésion au plan Marshall le point de rupture sont innombrables. Ce n’est certes pas une grande découverte, mais l’insistance qu’y apportaient alors les dirigeants communistes prouve l’importance qu’ils y attachaient et elle devait être rappelée. Comme le disait par exemple Laurent Casanova : "L’adhésion de la France au plan Marshall a sonné le ralliement de nos gouvernants à la politique de guerre antisoviétique"44.
25Il est donc nécessaire d’analyser comment en 1947 le parti communiste est passé de la perception de la puissance à celle de la non-puissance.
***
26 C’est effectivement au cours de l’année 1947 que le thème de la grandeur, de la renaissance, disparut progressivement pour faire place à la dénonciation de plus en plus violente de la "colonisation" par les Etats-Unis.
27La partie du rapport préparatoire au Congrès de Strasbourg de juin 1947 consacrée à la période de novembre 1946 à avril 1947, si elle ne parle guère de marche vers la grandeur, insiste encore sur le redressement de l’économie45.
28Dans le discours prononcé par Maurice Thorez à ce même congrès, il est encore dit que la France a repris sa place parmi les grandes nations, les progrès étant néanmoins contrebalancés par les "ombres"46. Le ton reste toutefois modéré et l’allusion au plan Marshall est discrète : "Le plan dont on parle ces jours-ci nous semble comporter de graves inconvénients"47. "La situation est sérieuse, très sérieuse", "l’avenir du pays est en jeu"48, affirme l’orateur, mais il ne s’étend pas davantage.
29En octobre de la même année, le ton est devenu nettement plus vif, mais sans excès : la conférence des partis communistes a déjà eu lieu en Pologne au mois de septembre, elle a donné naissance au Kominform et le rapport présenté par Andreï Jdanov a défini quelle devait être la nouvelle politique des partis communistes, donnant ainsi le signal de la rupture avec celle suivie depuis 1945, mais pour des raisons tactiques vraisemblablement – les élections municipales devaient avoir lieu à la fin du mois d’octobre –, le parti communiste français n’en a pas tiré immédiatement toutes les conséquences. Dans le discours qu’il prononçait au Vélodrome d’Hiver, le 2 octobre, Maurice Thorez dénonçait "le bilan de faillite" du gouvernement49, il condamnait fermement le plan Marshall, mais l’ensemble de son intervention restait de ton mesuré.
30L’argumentaire de la "décadence" avait pourtant déjà été mis en place, en particulier dans un article signé Joanny Berlioz, dans le numéro du mois d’août de Démocratie Nouvelle : les ombres de Munich étaient agitées : à l’époque la désorganisation matérielle et la décomposition morale de la nation avaient été organisées par une classe décadente qui misait sur les bassesses d’âme et la démobilisation des consciences50. En parallèle il était donc montré que "l’intérêt de la France était encore une fois sacrifié à une politique de classe"51 ; de la même façon le "clan des apatrides" ( !) préférait l’abaissement de la France, organisait l’impuissance et le chaos économique, distillait "le poison de la résignation à l’irrémédiable décadence nationale"52. La France aurait pu "reprendre son rang de grande nation’", mais on avait tourné le dos à cette politique53. Tout cela reposait, comme pendant la "drôle de guerre", sur une entreprise de perversion spirituelle et morale, sur les paresses, les dégoûts et les lassitudes.
31Cet auteur croyait-il ce qu’il écrivait ? Ne peut-on discerner derrière une certaine irréalité des arguments développés, derrière leur excès, une façon de se convaincre – avec quelque tristesse – que la ligne suivie depuis 1941 devait être abandonnée ? De même dans la relative lenteur avec laquelle Maurice Thorez se résolut à incarner la nouvelle politique, n’y-a-t-il pas aussi une certaine nostalgie d’abandonner la ligne nationale, la ligne de la grandeur nationale que, jusque dans les conseils ministériels, il avait défendu avec conviction ?
32Cette incursion dans la pyschologie des dirigeants communistes n’est pas exercice de style. Il n’y a pas de doute que les communistes français avaient excellé dans le langage national, que ce soit dans les années 1936-1939 ou dans les années 1941-1947, et nous pourrions ajouter, pas seulement dans le langage, dans la pratique aussi.
33Avec l’automne 1947, cette phase était terminée, et rien de ce que faisait la France, rien de ce qui était fait en France n’était plus acceptable. Ce fut une dénonciation violente, méchante, démesurée, systématique de n’importe quel élément de la politique française. La France n’était plus sur le chemin de la grandeur, on peut à peine dire qu’elle était sur celui de la décadence. Elle n’était plus...
34Comment à la suite de cette étude, comment à la suite de celle que nous avions consacrée à la période d’avant-guerre, peut-on définir ce qu’est la perception de la puissance par le parti communiste ?
35Le philosophe communiste (à l’époque) Henri Lefebvre écrivait dans la Nouvelle Critique (décembre 1949) : "Le rapport entre la question nationale et l’Etat change (…) selon le périodes"54. Il est possible que le philosophe pensait à autre chose, mais cela nous a semblé parfaitement correspondre à l’évolution de l’attitude du parti communiste par rapport à la notion de puissance nationale. Le parti communiste n’a pas une perception de la puissance en soi, mais en fonction du contexte dont les deux éléments essentiels d’ailleurs liés entre eux sont la position du parti communiste par rapport au pouvoir en France et la position de la France par rapport à l’Union Soviétique. Si le parti communiste soutient ou participe au gouvernement et si l’URSS est l’amie ou l’alliée de la France, si la France s’inscrit plus ou moins dans une perspective d’évolution vers un système socialiste, le parti communiste devient le meilleur propagandiste de la grandeur française, il exalte tous les éléments réels ou potentiels de sa puissance. Si la France est au sommet, on exalte sa puissance, si la France est dans les profondeurs, on décrit les lendemains de puissance et la remontée vers les sommets. En revanche quand le parti communiste est l’adversaire du pouvoir en France, quand la France est dans un camp hostile à l’URSS la notion de puissance disparait de la problématique communiste : rien ne permet plus de discerner en quoi la France pourrait être une puissance.
36 Si la conception de la puissance par le parti communiste est analysée uniquement au niveau théorique, elle est fondamentalement économique. Dans la période de l’après-guerre, elle a pu prendre une teinte militaire et ne pas négliger les allusions "impériales", mais le fond restait bien l’économie sur qui toute puissance repose. D’ailleurs, tant dans les phases positives que dans les phases négatives, les rapports des dirigeants communistes n’omettaient jamais un examen minutieux, même si cela n’empêchait pas un certain simplisme, de l’état de l’économie française.
37Dans l’article précédemment cité, Henri Lefebvre indiquait également : "La politique du prolétariat unit inséparablement et de façon parfaitement cohérente le patriotisme le plus authentique et l’internationalisme le plus conséquent"55. Traduit en langage ordinaire, le terme internationalisme signifie l’appartenance au mouvement communiste international (même si dans la période considérée la IIIe Internationale n’existe plus). Or il faut bien considérer que cette pétition de principe ne correspond pas à l’analyse de la réalité : dans la conception du parti communiste, il n’y a pas union inséparable entre le patriotisme et l’internationalisme, à moins de donner aussi un sens particulier à la formule "patriotisme le plus authentique"...
38Cela justifie une dernière question : "y-a-t-il identité sur ce point entre l’attitude du parti communiste et celle des communistes ? La question peut paraître curieuse et pourtant... Nous avons déjà souligné combien les communistes furent à l’aise et efficaces quand ils s’insérèrent dans le mouvement national, quand ils concoururent à la puissance française, et, en revanche, quelle véritable désagrégation le parti communiste subit quand il dut s’aligner à l’automne 1939 sur le pacte germano-soviétique. Une constatation du même genre peut être faite après 1947. Quand le parti communiste "sort" à nouveau de la nation, quand il s’enferme dans le "ghetto", il perd une forte proportion de ses adhérents et cela à un rythme très rapide56. Les facteurs de cette désaffection sont multiples, mais on ne peut négliger l’importance du fait national. Ne peut-on trouver une explication de même nature au départ progressif de la génération qui avait rejoint le parti communiste dans la Résistance ?
39La mouvement ouvrier français possède, on le sait, une incontestable dimension jacobine. Les communistes, sinon le parti communiste, en ont été nourris. A travers l’analyse de la perception de la puissance par le parti communiste, le fait apparait sans ambages.
Notes de bas de page
1 Travailler, se battre pour la victoire, pour la grandeur de la France, Paris, Editions du Parti communiste, s.d., 16 p., p. 10.
2 S’unir, pour vaincre le fascisme et pour reconstruire la France, c’est exécuter le testament de nos héros, discours de Jacques Duclosetde Maurice Thorezi (14 déc. 1944 au Vol. d’IIiv.).
3 Maurice THOREZ, Pour une politique française, Rapport au Xe congrès du parti communiste français, Paris, 26-30juin 1945, Editions du parti communiste, p. 28.
4 Ibid., p. 2S
5 Ibid., p. 28
6 Ibid., p. 28
7 Maurice THOREZ. Au service de la France, Discours de clôture au Xe Congrès national du parti communiste français, p. 6.
8 Maurice THOREZ, Rapport à la session du Comité Central des 21, 22, 23 janvier 1945. S’unir, combattre, travailler. Editions du parti communiste, pp.23-24.
9 Maurice THOREZ, Au service de la France, op.cit., p. 5.
10 Maurice THOREZ, Au service du peuple de France, XIe Congrès national du parti communiste français, Strasbourg, 25, 26, 27, 28 juin 1947, Editions du parti communiste, s.d., 89 p., p. 59.
11 Maurice THOREZ, Au service de la France, op.cit., p. 12.
12 Id., Pour une politique française, op.cit., p. 54.
13 Georges COGNIOT, Les intellectuels et la Renaissance française, Xe Congrès du parti communiste français, p. 16.
14 Ibid., p. 15.
15 Ibid., p. 15.
16 Florimond BONTE, La France et l’organisation de la paix, Xe Congrès du parti communiste français, p. 29.
17 Ibid., p. 30.
18 Ibid., p. 30.
19 Ibid., p. 29.
20 Ibid., p. 30.
21 Maurice THOREZ, Sunir our vaincre..., op.cit., p. 8.
22 Ibid., p. 9.
23 Maurice THOREZ, Au service du peuple de France, op.cit., p. 47.
24 Maurice THOREZ, La lutte pour l’ indépendance nationale et pour la paix. Rapport devant le XIIe Congrès du parti communiste français, Gennevilliers, 2 au 6 avril 1950, Paris, SEIDC, 1950, 95 p.
25 Ibid., p. 37.
26 Ibid., p. 37.
27 Ibid., p. 39.
28 Ibid., p. 40
29 Ibid., p. 40.
30 Ibid., p. 41.
31 Ibid., p. 42.
32 Ibid., p. 44.
33 Ibid., p. 45.
34 Ibid., p. 46.
35 Ibid., p. 48.
36 Ibid., p. 49.
37 Ibid., p. 52.
38 Ibid., p. 52.
39 Ibid., p. 23-25.
40 Ibid., p. 26-27.
41 Ibid., p. 19.
42 Ibid., p. 19.
43 Jacques DUCLOS, "Pas de revanche de la trahison”, in Démocratie Nouvelle, juin 1949, p. 285.
44 Laurent CASANOVA, La Nouvelle Critique, avril 1949, n° 5, "La France, la guerre et lu paix", p. 3.
45 Maurice THOREZ, Deux années d’activité pour la renaissance économique et politique de la République française, Paris, 1947, 400 p., p. 46.
46 Maurice THOREZ, Au service du peuple de France, op.cit., p. 6.
47 Ibid, p. 57.
48 Ibid., p. 88.
49 Maurice THOREZ, Il faut que ça change 1,1947,28 p, p. 5.
50 Joanny BERLIOZ, Rechute dans le Munichisme, in Démocratie Nouvelle, Août 1947, p. 404.
51 Ibid., p. 405.
52 Ibid., p. 405.
53 Ibid., p. 405-406.
54 Henri LEFEBVRE, "Staline et la Nation", in La Nouvelle Critique, Décembre 1949, p. 32.
55 Ibid., p. l8.
56 Voir Jean-Jacques BECKER, Le parti communiste veut-il prendre le pouvoir ?, Seuil, 1981, 333 p., p. 238 et sq.
Auteur
Université de Paris X – Nanterre
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